Speaker #1Aux jeunes parents, on demande souvent si l'enfant dort bien ou mange bien, plus rarement s'il parle bien. Pourtant, bien parler est tout aussi vital. Je m'appelle Céline De Villers, je suis orthophoniste et fondatrice de loulilou.fr. Je forme depuis des années les professionnels de la petite enfance au développement. et à l'éveil au langage. Au cours de ma carrière, j'ai rencontré de nombreux parents et j'ai remarqué que très peu d'entre eux sont conscients du rôle crucial qu'ils ont à jouer dans le développement du langage de leur enfant. Voilà pourquoi j'ai créé cette série de podcasts. Pour vous parler gazouillis, babillages, en attendant les premiers mots, vous guider pour accompagner les premières phrases, mais aussi vous partager astuces, conseils et anecdotes pour vous éviter certains écueils. Pas de formule magique, mais une formule toute simple. Un beau langage permet de mieux s'épanouir. Écoute-moi bien dans les yeux. Le podcast sur l'évaillot langage chez l'enfant de 0 à 5 ans. Dans cet épisode, nous allons aborder une étape à la fois cruciale et magique pour les parents. Le moment où l'enfant commence à parler. Bienvenue dans l'épisode 4, les premiers mots de 12 à 18 mois. Il arrive que des parents qui ont hâte d'entendre les tout premiers mots de bébé me demandent inquiet « Quand est-ce que mon bouchou va parler ? » Eh bien, quand il sera prêt. Il aura à parler quand il aura quelque chose à dire. Comme le disait si bien Françoise Dolto, pédiatre et psychanalyste, qui fit bouger la compréhension qu'on avait des tout-petits dans les années 70. Bien entendu, il n'y a pas d'âge précis car chaque enfant avance à son propre rythme. Cependant, l'apparition des premiers mots se situe souvent entre 9 et 16 mois. Pour franchir cette nouvelle étape que constitue l'entrée dans le langage, bébé a besoin de votre confiance, d'encouragement et de conversation avec vous. Attention, j'insisterai toujours là-dessus. Ce n'est ni devant une tablette ni devant un téléphone que bébé apprendra à parler. Nous avons vu dans l'épisode précédent qu'à la fin de sa première année, l'enfant se fait comprendre essentiellement par son babillage, son intonation et la communication non-verbale. au moyen de mimiques et de gestes. Il possède déjà la capacité d'exprimer ses intentions communicatives dans des échanges structurés avec l'adulte. À cet âge, l'enfant est devenu un expert de sa langue maternelle qu'il a longuement analysée durant un an. En effet, à la naissance, le jeune bébé est capable de reconnaître tous les sons de toutes les langues. La recherche nous apprend que dès 4 jours de vie, l'enfant distingue sa langue maternelle des autres langues. Eh oui ! L'écoute du tout petit est loin d'être passive. En réalité, le jeune enfant a des habiletés spécifiques. Il repère et discrimine. Je m'explique. Il sélectionne dans la masse sonore les sons pertinents, appelés phonèmes, de sa langue maternelle. Il apprend au fil des mois à reconnaître les mots de sa langue maternelle dans un flot de sons qui s'enchaînent. À partir de 6 mois, le bébé commence à perdre sa faculté de perception universelle des sons de langue. Il ne parvient plus à percevoir les voyelles non natives, celles qui n'appartiennent pas à sa langue. À 11 mois, il perd la perception des consonnes non natives et développe son babillage avec des consonnes propres à sa langue maternelle. Il lui aura donc fallu un an pour devenir un spécialiste de sa langue. À cet âge, il parvient à discerner... tous les contours et les contrastes de sa langue maternelle, que cela soit au niveau de la mélodie et du rythme, que du répertoire vocalique et consonantique. La recherche met en évidence que dès 12 mois, Bébé reconnaît la bonne prononciation des mots. Impressionnant, non ? Dans cette étude, Bébé est assis face à un écran sur lequel figurent deux images différentes. On lui énonce un mot correctement articulé, le ballon, et d'autres fois, le même mot mal prononcé, le « dalon » . L'étude compare la rapidité avec laquelle l'enfant regarde la bonne image selon la prononciation utilisée. Les résultats montrent que bébé observe davantage la bonne image quand le mot est bien prononcé. Ainsi, même si à cet âge l'enfant utilise peu de mots en tant que tel, il absorbe toutes les caractéristiques de sa langue maternelle et comprend que les sons de la parole ont un sens. Un autre point important pour franchir l'étape clé des premiers mots est l'aisance du bébé dans ses différentes étapes de babillage. Vers un an, les tentatives de communication sont nombreuses. Le babillage, basé sur les sonorités de la langue maternelle, est utilisé pour exprimer diverses intentions de communication. Le tout petit associe souvent à sa parole un geste du doigt. Il babille et pointe en même temps. Ce pointage communicatif, qui apparaît entre 11 et 13 mois, est une étape cruciale dans le développement du langage. Elle reflète l'envie qu'a bébé de communiquer. Avec ce qu'on appelle le pointing, l'enfant peut donc exprimer différentes intentions et échanger de manière variée avec son entourage. Tantôt il nous montre quelque chose, tantôt il nous fait une demande ou souhaite attirer notre attention, voire exprimer sa satisfaction. Ce pointing peut aussi exprimer un refus. « Da ba da da ! » « C'est la poupée que tu veux ? » Selon le contexte, je vous invite à mettre un mot sur ce que pointe l'enfant. Si votre bouchou n'est pas content et vous redit la même chose, vous pouvez lui proposer un choix entre deux mots. C'est la poupée ou la peluche que tu veux ? Si vous ne comprenez toujours pas, demandez-lui de vous montrer. Je vous ai parlé dans le podcast 3 des différentes étapes du babillage qui précèdent les premiers mots. Je vous invite donc à tendre l'oreille pour situer le babillage de bébé. Où en est-il ? Au babillage dupliqué, da da da da, si son babillage devient diversifié, da pa ta, c'est qu'il se compose de différentes consonnes, alors ses premiers mots ne devraient plus tarder. Soyez patient et vous verrez, ou plutôt vous entendrez bientôt ses premiers mots. En tant que parent, vous ne le savez peut-être pas, mais vous faites déjà beaucoup avec votre bout de chou afin d'éveiller son langage. En fait, vous renvoyez naturellement à bébé les bonnes formes de langage et vous les enrichissez en même temps. Par exemple, quand votre tout petit regarde un chien qui passe dans la rue et dit en pointant du doigt « ouah ouah » , le papa ou la maman que vous êtes, qui sait que « ouah ouah » veut dire « chien » , répond généralement « le chien, oui, c'est un chien, il aboie le chien » . « Toi aussi tu as un chien en peluche ! » Cet exemple montre bien que bien souvent le parent complète les énoncés de son bout de chou en les ramenant à des expériences connues. Cette posture aide beaucoup l'enfant à avancer dans le langage. Vers un an, l'enfant se montre curieux du monde qui l'entoure. Il imite de plus en plus les personnes avec lesquelles il vit et reproduit des intonations. Par exemple, il imite nos conversations au téléphone, en mettant la main contre sa joue et en disant « Allô ! » En parallèle de ces expériences, l'enfant découvre également la marche, autre étape très attendue par son entourage. On entend souvent dire d'ailleurs qu'il ne peut pas à la fois dire ses premiers mots et faire ses premiers pas. Laissez-lui le temps. Se concentrer sur ces deux fonctions qui demandent énormément d'efforts en même temps est de l'ordre de l'exploit. Puis un beau jour, vers 13 mois, tada papa ! Le babillage de bébé va traîner sur la dernière syllabe, ce qui est une étape charnière pour entrer dans le langage. La recherche a montré que l'enfant allongeait significativement sa syllabe finale en disant « tada papa » . Je me souviens de mon mari qui, fou de joie, avait réagi à cet allongement en lui donnant immédiatement du sens. « Papa ? Tu as dit papa ? Mais oui, c'est papa ! » Cette reformulation et cet encouragement positif contribuent à donner envie à l'enfant de recommencer. Mais inutile de vous préciser qu'Audrey, ce jour-là, en disant « ta-da-pa-pa-pa » n'avait pas réellement dit le mot « papa » . Elle avait cependant fait un grand pas. Elle entrait dans le langage. Entre 12 et 15 mois, le tout-petit s'exprime généralement par deux-trois mots ou babille avec des gestes associés. Ces mots reprennent les mêmes sons qu'il a expérimentés lors de ses babillages. Ce sont des mots de deux syllabes, soit identiques, souvent « papa » , soit proches, par exemple « tato » pour « gâteau » . Ces mots intentionnels reviennent systématiquement en situation. Ils permettent à bébé d'interpeller son entourage. À cet âge, le tout-petit guette souvent nos réactions en quête d'approbation ou de permission. Il expérimente ainsi nos « oui » . Et parfois aussi nos noms. Bien souvent, les premiers mots ne sont pas bien articulés. Par exemple, le mot « lapin » peut être dit « pin » dès que bébé pointe le petit animal dans son imagier. Cependant, ils ont vraiment une valeur représentative dans l'esprit du tout-petit. L'enfant commence à comprendre que toute chose a un nom. Je me souviens de Mathilde, mon aînée qui, un jour dans la rue, pointa du doigt le rototoir. J'ai mis un moment à comprendre qu'elle parlait du trottoir. Les premiers mots servent ainsi à désigner, à ordonner et à s'exprimer. Entre 12 et 20 mois, des mots raccourcis comme « cor » pour « encore » ou « au revoir » vont enrichir son langage, ce qui lui permet de mieux se faire comprendre. À cet âge, de nombreuses onomatopées émergent également, comme « boum » quand un objet tombe. L'enfant s'amuse souvent à répéter par imitation des bruits ludiques pour désigner un objet. « Vroom » pour nommer une voiture ou « miaou » pour un chat. Côté compréhension, bébé comprend bien plus de mots qu'il n'en exprime, environ une trentaine. Ces mots sont compris pendant les routines ou lorsqu'on lui parle d'objets familiers absents. par exemple son biberon ou son doudou. Il reconnaît aussi quelques objets usuels dans un livre, il peut montrer des parties de son corps et comprend des instructions à deux éléments en lien avec une routine, par exemple « tu donnes la cuillère ? » ou des consignes en lien avec une situation immédiate. « Tu envoies un bisou ? » Côté prononciation, le fait qu'il écorche ou raccourcisse les mots est tout à fait normal. Pas d'inquiétude à avoir. Une fois l'intention de votre tout petit comprise, Votre rôle est alors de décoder et de reformuler correctement. Voyons maintenant comment accompagner l'enfant dans cette grande étape. Le plus important est de porter attention à ce que dit l'enfant, d'essayer de le comprendre et de lui montrer que vous répondez à ses tentatives de communication. Cela le sécurise énormément et lui donne envie d'avancer dans la conquête du langage. Ensuite, respecter ses centres d'intérêt est fondamental car un enfant est plus enclin à apprendre dans la joie et le plaisir que dans un moment dirigé, dans le sens imposé par l'adulte. De manière pratique, comment faire ? Pour commencer, je souhaite vous sensibiliser à bien différencier le fait de parler à l'enfant et de parler avec l'enfant. Nombreux sont les parents qui me disent qu'ils... parlent à leur enfant et qui me donnent comme exemple ce type de phrase. « Viens ici. Mets-toi là. Non, pas comme ça. Donne-moi ça. » Certes, ces phrases sont de la parole, mais par leur style directif, elles appartiennent au domaine de l'injonction. Quand je vous invite à parler avec l'enfant, je fais référence à d'authentiques conversations basées sur un intérêt sincère pour ce que fait ou dit l'enfant. Par exemple, « Waouh ! Tu sautes haut ! » Comment as-tu fait cette tour ? Vous pouvez aussi regarder et raconter avec lui de petits livres d'images. Les livres sonores sur les bruits d'animaux plaisent beaucoup en général à cet âge car l'enfant découvre le cri associé à chaque animal. Il a envie de le répéter et rigole bien souvent de vos imitations. Les collections « Mes petits imagiers sonores » chez Gallimard ou « Les livres sonores » chez Grundt sont vraiment adaptées. Les premiers imagiers permettent aussi des instants privilégiés qui vont travailler sa capacité d'écoute dans un moment partagé de tendresse. J'adore le livre « Le mini-imagier de la maison » aux éditions Larousse des Petits. Il a un format si pratique qu'on peut l'emmener partout. Alors, pour passer un beau moment autour d'un livre, le mieux est de placer l'enfant sur vos genoux ou de l'entourer de vos bras. Installez-le confortablement afin qu'il puisse bien voir le livre. Il est important de lui parler en utilisant des mots exacts qui servent à étiqueter les choses du monde. Par exemple, c'est la vache et non c'est la meuh. Et de formuler aussi des petites phrases correctes. En fait, il s'agit de lui proposer un langage ni trop simple, ni trop compliqué. Faites-vous confiance. Vos descriptions, vos questions, vos consignes et l'état de vos émotions sont... autant d'exemples de phrases qui lui serviront de modèle pour apprendre naturellement à parler. Vous pouvez chanter, voire mimer des comptines avec des gestes. Je pense à des comptines comme « un siphon, fon, fon, bateau sur l'eau, adada sur mon bidet, fais dodo, cola mon petit frère » . L'enfant est aussi très réactif aux comptines qui entraînent un contact physique. Par exemple, c'est la petite bête qui monte, qui monte. ou à Cheval Gendarme, à Pied-Beau-Guignon. Pensez à celles intemporelles que vous chantez vos parents. Vous pouvez jouer avec des marionnettes. J'adore les animaux en fourrure dans lesquels on glisse la main pour faire parler l'animal. Vous pouvez jouer au ballon en insistant sur les tours de rôle. à toi, à moi, ou faire rouler des petites voitures. Vous pouvez jouer à faire semblant avec un poupon, semblant de le faire manger, pleurer. Vous pouvez aussi imiter les cris des animaux de la ferme. L'imitation de bruits d'animaux plaisait beaucoup à ma fille Audrey et ma réaction exagérée aidait bien à la faire rire. Tu fais le bruit du lion ? J'ai fait le bruit du lion. Ça me fait peur ! Encore ? Le bruit du lion ? Entre 12 et 18 mois, vous pouvez aussi proposer des jouets qui s'encastrent, ou des cubes pour faire une tour, car ils commencent à empiler. J'insiste sur le fait que le jeune enfant se développe en manipulant des objets du réel. Faire une tour sur l'iPad à cet âge n'a aucun intérêt cognitif ou langagier. Par contre, faire tomber la tour et s'écrier « Badaboom ! Les cubes sont tombés ! » est ultra porteur pour l'enfant. Vous connaissez désormais les étapes nécessaires aux jeunes enfants pour entrer dans le langage. Être un expert de sa langue maternelle, utiliser le pointing, partager des conversations de qualité avec vous et se sentir compris. Alors il ne vous reste plus qu'à lui parler avec tendresse et un vocabulaire précis pour bien l'accompagner dans cette période linguistique. Ainsi se termine l'épisode 4. intitulé « Les premiers mots de 12 à 18 mois » . J'espère qu'il vous a plu. Je vous donne rendez-vous avec l'épisode 5, les premières phrases de 18 mois à 2 ans. Vous pourrez trouver davantage de ressources gratuites sur le sujet, vidéos et articles sur le site loulilou.fr ou la chaîne YouTube.