Speaker #1Aux jeunes parents, on demande souvent si l'enfant dort bien ou mange bien, plus rarement s'il parle bien. Pourtant, bien parler est tout aussi vital. Je m'appelle Céline De Villers, je suis orthophoniste et fondatrice de loulilou.fr. Je forme depuis des années les professionnels de la petite enfance au développement. et à l'éveil au langage. Au cours de ma carrière, j'ai rencontré de nombreux parents et j'ai remarqué que très peu d'entre eux sont conscients du rôle crucial qu'ils ont à jouer dans le développement du langage de leur enfant. Voilà pourquoi j'ai créé cette série de podcasts. Pour vous parler gazouillis, babillages, en attendant les premiers mots, vous guider pour accompagner les premières phrases, mais aussi vous partager astuces, conseils et anecdotes pour vous éviter certains écueils. Pas de formule magique, mais une formule toute simple. Un beau langage permet de mieux s'épanouir. Écoute-moi bien dans les yeux, le podcast sur l'éveil au langage chez l'enfant de 0 à 50. Aujourd'hui, je vais évoquer le rôle fondamental de l'entourage. Bienvenue dans l'épisode 1, l'importance de l'éveil au langage. J'entends souvent dire « il parlera bien un jour » , « Einstein a bien parlé à six ans » , alors pourquoi s'inquiéter ? Ces petites phrases entretiennent l'idée que le langage est inné ou qu'il viendra tout seul. En 1957, le linguiste américain Noam Chomsky créait le débat, qui dure depuis plus de 60 ans, en affirmant que la capacité langagière serait innée. Il est vrai que le langage ne s'apprend pas. pas telle une matière qui s'enseignerait selon un modèle rigide. Le langage s'acquiert et se construit dans la relation à l'autre. Il se développe dans l'interaction, dans le jeu et au gré des stimulations multisensorielles. Bien sûr, il a également besoin de bases physiologiques et psychologiques pour bien se développer. L'évolution du langage est sujette à de nombreuses variations, qualitatives et quantitatives. selon la culture, l'environnement et la place de la communication dans la famille. Mais son évolution dépend aussi pour beaucoup des réactions d'un interlocuteur. Il faut avant tout posséder quelque chose à dire, mais surtout quelqu'un à qui le dire. Dans nos cultures occidentales, il est amusant de constater que les adultes parlent aux enfants plus lentement, avec une voix plus aiguë, et les enfants qui s'adressent aux tout-petits les imitent.
Speaker #1En fait, l'acquisition du langage est une dynamique qui démarre bien avant l'entrée à l'école. C'est un processus magnifique qui prend sa source in utero pour poser ses bases vers 3 ans et demi, 4 ans. La plupart des enfants, quelle que soit leur langue maternelle, passent par les mêmes étapes de développement langagier. Cependant, chacun le fait à son propre rythme et au gré des situations de langage rencontrées. Un jour, un parent m'a demandé « Pourquoi parler à mon bébé puisqu'il parlera bien un jour ? » Eh bien, cela peut vous sembler exagéré, mais figurez-vous que le langage est vital. En effet, Émile Benveniste, linguiste français, nous apprenait il y a bien longtemps déjà que bien avant de servir à communiquer, le langage sert à vivre. Dans les années 50, on observa un nombre important de décès dans les pouponnières et orphelinats des pays de l'Est. De très jeunes enfants de moins de 18 mois, à qui on ne parlait pas, avaient développé des troubles physiques et psychiques dus à une carence affective. On s'occupait de ces enfants pour les changer ou pour les nourrir, mais ils n'étaient ni bercés, ni cajolés. Et surtout, il n'y avait aucune communication entre les adultes et ces petits bouts. Cette expérience malheureuse illustre bien l'importance fondamentale du langage. Il est vital. Alors, tout se joue-t-il vraiment avant trois ans ? Pour nos enfants, ces premières années sont effectivement cruciales. Elles correspondent à des périodes dites « sensibles » , offrant une plasticité neuronale phénoménale. Dès sa naissance, le tout-petit a besoin d'être exposé à sa langue maternelle et de la découvrir lors d'interactions avec des adultes aimants et bienveillants. Dans ces conditions, le tout petit va développer son langage à une vitesse impressionnante. Votre bébé a la chance de pouvoir emmagasiner tellement d'informations. Son disque dur se remplit et c'est utile pour la suite, comme me l'a dit un jour un papa. C'est exactement cela. Les expériences de langage de nos bouts de choux les trois premières années, ainsi que la sollicitation de leur entourage sous forme de conversation, servent de pilier central pour le bon développement du langage. Les chercheurs Gaunac et Golder nous apprennent que si l'enfant n'est pas exposé au langage les premières années, l'âge de 5 ans semble être un âge critique après lequel le langage ne peut plus être acquis. Ce fut le cas de Victor de Laveron, cet enfant de 9-10 ans, découvert à l'orée d'un bois en 1797. Il ne parlait pas et vivait à l'état sauvage. Les scientifiques voulurent le sociabiliser et essayèrent de lui apprendre à parler. Mais en vain. Revenons à l'ici et maintenant. La recherche nous révèle aussi que la qualité des conversations parents-enfants dans la prime enfance influerait même sur l'intelligence du tout petit. Parents, vous l'aurez compris, le langage est l'un des trois piliers du bon développement de l'enfant, et ce, dès la naissance. Les deux autres étant le développement psychologique, et le développement psychomoteur. Or, comment se fait-il que les médecins ou les professionnels de la petite enfance vous abreuvent de questions et d'informations sur le sommeil de votre tout-petit, son alimentation, ou vous demandent s'il tient assis ou s'il fait du quatre-pattes, mais que très rarement, il vous interroge sur sa manière de communiquer ? Comment se fait-il que lorsque vous vous questionnez, vous entendez très souvent autour de vous ce type de réponse bateau ? « Attendez l'entrée à l'école, ça va aller » . À titre personnel, quand ma petite dernière, Audrey, tardait à entrer dans le babillage aux alentours de 6 mois, je n'ai pas osé poser cette question basique de langage à mon pédiatre. Eh bien, je crois que j'avais peur qu'il n'entende pas réellement mon inquiétude. Comment se fait-il que le diagnostic des troubles du langage ou que l'adressage vers des spécialistes soit un tel millefeuille à comprendre pour les parents ? Et même aussi parfois pour les professionnels ? J'ai envie de vous dire, bienvenue en France ! Eh oui, notre pays n'est pas toujours le mieux placé pour simplifier le parcours et la coordination des soins, même si les choses s'améliorent depuis quelques temps. Ces dernières décennies, le langage était au cœur des préoccupations, souvent... quand les difficultés étaient déjà bien installées, c'est-à-dire vers 3 ans et demi, 4 ans, au moment où la Sécurité sociale préconisait de démarrer les prises en charge. Depuis le décret du 2 mai 2002, la prévention des troubles du langage fait partie des missions de l'orthophonie. La Sécurité sociale accepte même maintenant les prises en charge avant 3 ans. Voilà enfin une bonne nouvelle pour agir en amont le plus tôt possible. En 2022, une étude canadienne a montré qu'il était possible de détecter un futur trouble développemental du langage dès deux ans, lorsque l'enfant ne combine pas encore deux mots ensemble. La Suisse a très bien compris, elle aussi, à quel point il est important d'offrir à l'enfant un accompagnement de qualité durant les années critiques de la petite enfance. L'année dernière, une étude a souligné le caractère fondamental ... de l'encouragement précoce du langage, dans le sens évaillé au langage, pour favoriser efficacement son bon développement. Face à ce statu quo en France, je me demande souvent pourquoi tout ce temps perdu dans le dépistage et la prévention précoce des difficultés de langage. Car on sait qu'un enfant qui entre à l'école maternelle avec un faible niveau de langage a trois fois plus de risques de développer un trouble du langage ou des apprentissages qui concernent. 4 à 5 % des enfants. Loulilou, l'organisme de formation sur le développement du langage que j'ai créé en 2012, est né de ce constat et porte une conviction profonde. Les trois premières années sont cruciales en termes d'éveil langagier. Pourquoi ? D'abord, pour le bien-être de l'enfant. Lui permettre de mieux communiquer avec ses pères est fondamental pour favoriser son épanouissement personnel cognitif, affectif et son insertion sociale. Olivier, un jeune papa avec qui j'échangeais dernièrement, a très bien résumé l'enjeu, je le cite, « Plus vite et mieux tu sais t'exprimer, plus tu vas loin. » Si l'enfant est éveillé au langage tôt, il prend de l'avance et de l'assurance, et se débrouillera mieux dans sa scolarité. Plus tôt il a acquis le langage, moins le reste sera difficile. Olivier a entièrement raison. L'éveil au langage dès les premières années a un lien direct avec la réussite dans les apprentissages. Des chercheurs ont montré qu'en améliorant la qualité du langage entendu par le jeune enfant, et là, parents, vous avez votre rôle à jouer, il est possible d'optimiser sa future réussite scolaire. Je mets ici le doigt sur l'importance du lexique, communément appelé le vocabulaire. Ce point précis d'acquisition du vocabulaire dès le plus jeune âge est un facteur déterminant pour la réussite scolaire. Or malheureusement, cet apprentissage est loin d'être suffisant chez un grand nombre d'enfants. Dès l'entrée en petite section d'école maternelle, des maîtresses constatent que certains enfants manquent cruellement de vocabulaire. ce qui gêne la compréhension des consignes et les futurs apprentissages. À titre indicatif, les premières années, un enfant doit être exposé à environ 20 000 mots par jour. Cela paraît fou, non ? Figurez-vous que c'est tout à fait possible ? Un parent soutenant, au niveau du langage, utilise lorsqu'il converse avec son cher urbain environ 2 000 mots par heure, quand d'autres sont autour de 600 mots par heure. La recherche a très bien souligné à quel point le décalage lexical se creuse au fil des années pour se révéler lors de l'entrée en maternelle. Alors que faire ? J'ai créé Loulilou, organisme de formation, afin de réveiller les consciences et de sensibiliser les professionnels de la petite enfance, mais aussi les parents, à devenir acteurs de la prévention des difficultés de langage. Notre rôle en tant qu'éducateur... et d'accompagner l'enfant dès le départ dans ce formidable processus, afin de favoriser son futur épanouissement en lui donnant un bagage langagier de qualité. Quant à vous, parents, vous pouvez aider votre bouchou à passer du babillage au premier mot. Vous pouvez contribuer à favoriser son élocution au quotidien. Vous avez un rôle à jouer pour enrichir son lexique en présentant vous-même un langage diversifié et exemplaire. Au placard, les trucs et les machins. Ah bah les... tu as fait pipi au popo ? C'est à vous d'aider votre enfant à développer un langage riche et de qualité, au travers d'une relation faite de complicité et de plaisir. La recherche nous montre que la qualité de la stimulation familiale constitue un facteur capital pour l'acquisition du langage. Les parents qui proposent à leur enfant un accès varié à la langue maternelle en lisant des histoires et en verbalisant leurs expériences, agissent comme des moteurs pour le bon développement du langage. Voici donc la vocation des podcasts Loulilou. Je souhaite vous faire découvrir les différents stades de langage, vous aider à mieux comprendre ce processus, les attendus de communication selon les âges, ou reconnaître les différents sons émis par votre enfant. Et enfin, à apprécier la richesse de l'interaction. J'espère que ce podcast vous aura aidé à réaliser l'impact positif et décisif que vous pouvez avoir auprès de votre enfant, en utilisant vous-même un beau langage, au vocabulaire varié. Ensemble, éveillons le langage de nos enfants. Ainsi se termine l'épisode 1, intitulé « L'importance de l'éveil au langage » . J'espère qu'il vous a plu. Je vous donne rendez-vous avec l'épisode 2, « Comment communiquer avec bébé de 0 à 6 mois » . Vous pourrez trouver davantage de ressources gratuites sur le sujet, vidéos et articles sur le site loulilou.fr ou la chaîne YouTube.