- Speaker #0
Ok, impressionnant.
- Speaker #1
Par exemple, j'avais fait un bûcheron qui s'était pris un tronc d'arbre.
- Speaker #0
Est-ce que vous êtes souvent appelé pour rien, entre guillemets ? Il y a déjà eu des patients violents ? Quand tu vois des trucs super difficiles, tu arrives à ne pas les emporter à la maison ? Bonjour et bienvenue dans Libre comme l'air, le podcast qui met en lumière des histoires qui méritent d'être écoutées. Mais découvrir des gens comme vous, comme moi, des gens qui vivent des choses inspirantes, drôles, touchantes et même parfois tristes. Bref, des histoires de vie, des histoires brèves. Je m'appelle Edouard, et bienvenue à Un livre comme l'air. Bonjour FX.
- Speaker #1
Salut Edouard.
- Speaker #0
Ça va, tu vas bien ?
- Speaker #1
Ouais, ça va, super.
- Speaker #0
Merci d'être là, je suis très content de t'avoir en face de moi. Aujourd'hui, on va parler d'urgence car tu es urgentiste à Epinal et on tourne cet épisode à Nancy. On va parler de plein de choses parce qu'il y a plusieurs casquettes à ton métier où tu sors dans le véhicule du SAMU avec le SMUR en tant qu'urgentiste, mais tu es aussi à l'hôpital, tu es aussi au téléphone. Tu vas nous expliquer un petit peu comment tu tournes avec tout ça. Et on va parler un peu de tes interventions, de ce que tu as pu voir, ce qui t'a marqué ou choqué, mais dans le positif et dans le négatif. Et à côté, tu es aussi YouTuber. Donc, j'ai quelques questions à te poser là-dessus.
- Speaker #1
Avec grand plaisir.
- Speaker #0
Et tout ça, je te le réserve et j'ai deux types de questions à te poser. Alors j'ai des questions normales et j'ai des questions sous forme de vrai ou faux. Donc tu pourras me répondre par vrai ou faux et puis étayer un petit peu tout ça.
- Speaker #1
Ok, ça te va ? Ouais, ça roule.
- Speaker #0
Alors, avant de commencer, est-ce que tu peux te présenter s'il te plaît ?
- Speaker #1
Alors, succinctement, donc t'as déjà bien présenté, mais je suis médecin urgentiste depuis 12 ans à l'hôpital d'Epinal. Donc j'ai une activité assez variée, que ce soit en effet aux urgences, en prison hospitalière ou au SAMU. J'ai également une activité pédagogique parce que je suis responsable du CESU, donc c'est l'école du SAMU, sur un tiers de mon temps. Et également à l'hôpital, je suis référent à SSE, c'est tout ce qui est caractéristique de la médecine de catastrophe. Voilà, et tu l'as déjà dit justement, j'ai mon petite activité de youtubeur à côté de ça qui me passionne énormément et qui commence à prendre pas mal d'ampleur.
- Speaker #0
Et tu as toujours voulu être médecin ?
- Speaker #1
Oui, depuis que je suis tout petit en fait. La petite particularité c'est que j'avais un petit peu la phobie du sang, ce qui est un petit peu atypique pour un urgentiste, mais j'ai toujours aimé comprendre comment fonctionne le corps humain. J'étais passionné par le dessin animé Il était une fois la vie avec les globules qui partent. C'est vachement bien fait sur le plan pédagogique et pour moi c'est une vocation en fait, je ne me voyais pas faire ça autrement. Et même là c'est tellement un métier de passion que pour moi ce n'est pas un métier.
- Speaker #0
Et ça va du coup la première fois que tu as vu le sang avec la blouse en tant que médecin ça a été ? Ou tu étais déjà préparé ?
- Speaker #1
Alors quand j'ai vu le sang, de toute façon je le voyais déjà dans les amphithéâtres en cours. J'étais tellement hématophobe que je faisais des malaises. J'étais obligé de sortir en catastrophe pour ne pas perdre de connaissances. Mais j'avais un petit peu honte aussi de ça parce qu'un soignant qui a peur du sang ça ne fait pas très sérieux. Donc je le cachais. J'ai caché cette phobie pendant des années et des années. Et en fait je faisais des malaises vagos à répétition. Et au final j'ai fait une technique que j'ai appris plus tard que c'était de l'auto-hypnose, mais je ne savais pas que c'était de l'auto-hypnose. C'est-à-dire que lorsque je me suis retrouvé en stage au bloc opératoire avec le chirurgien, parce que quand on est étudiant on n'a pas le choix, à un moment il faut passer en stage au bloc, même si on n'a pas envie de faire ça, il faut y passer un moment, ben j'avais pas le choix et le risque c'était que je fasse des malaises. Donc vu que je devais absolument être présent physiquement, mais que mon rôle c'était juste de tenir des écarteurs, et que je n'avais pas d'action physique réelle à faire, je me suis mis en trans, en auto-hypnose, où je suis parti ailleurs. Je me suis dissocié. C'était de l'auto-hypnose. Et ça m'a permis de vaincre ma phobie. Et dès que j'étais en présence de sang, régulièrement, je partais en trans. Sauf que plus j'ai gravi les échelons, j'ai avancé dans ma carrière, plus j'ai commencé à avoir des responsabilités, donc à faire des gestes techniques, comme par exemple des sutures. Et là, on est obligé d'être un minimum concentré sur ce qu'on fait, bien sûr. Et on va dire qu'au fur et à mesure, la phobie est partie, en fait, progressivement, jusqu'à ce qu'elle disparaisse complètement. Et là, d'ailleurs, quand je fais des interventions SMUR, donc en dehors de l'hôpital, c'est des fois sur des accidents de la route, avec des fractures ouvertes, avec des fractures assez impressionnantes. Pour le coup, on n'est pas sur la petite plaie, on est vraiment sur des plaies, des fois, très délabrantes. et qui saignent beaucoup et là si le médecin tombe par terre ça le fait pas trop donc là maintenant heureusement c'est passé outre et maintenant c'est totalement derrière moi mais c'est aussi un des objectifs j'ai déjà fait une vidéo là dessus sur Youtube c'est de prouver aux étudiants en médecine qui ont cette phobie là aussi que malgré tout on peut devenir soignant c'est pas un problème et qu'on peut réussir à passer cette phobie parce que je pense que j'étais un des pires phobiques au monde là dessus
- Speaker #0
C'est incroyable, franchement je suis bluffé. Et ça t'a pris combien de temps du coup, entre vraiment tu ne pouvais pas avoir du sang et jusqu'à aujourd'hui ?
- Speaker #1
Des années. En fait moi depuis le plus vieux souvenir, je me revois vraiment dans la cour d'école, je ne sais pas, je devais être en CM2, CM1, avoir une petite plaie et perdre connaissance dans la cour. Jusque là, on va dire que ma phobie est totalement disparue quand j'ai commencé à être chef. donc ça fait 10 ans que ça a disparu mais j'ai eu ça pendant 20 ans, 25 ans ok,
- Speaker #0
impressionnant vrai ou faux ? oui médecin urgentiste c'est la meilleure des spécialités oui,
- Speaker #1
bah oui, bien sûr si je dirais faux ce serait pas spécialité médicale pour moi oui parce que, encore une fois, je suis pas objectif c'est pour ça que lorsque des étudiants me demandent je dis oui, bien sûr, parce que moi c'est une passion mais mais Mais après il y a des accompagnants bien sûr aussi, il y a un rythme de travail qui est assez soutenu, la vie n'est pas rose tous les jours, c'est des conditions de travail qui sont très difficiles. Mais malgré ça, pour moi, c'est la diversité du métier qui est importante. Et puis après, c'est vrai que les conditions de travail se sont dégradées ces dernières années. C'est de plus en plus difficile, mais ça reste quand même une passion parce qu'on rend quand même service à l'hôte et qu'on est quand même utile.
- Speaker #0
Et qu'est-ce qui t'a attiré dans l'urgence par rapport aux autres spécialités ?
- Speaker #1
Alors, c'est parce que c'est très diversifié, justement. On voit de tout. On est que sur de l'aigu. Moi, je suis toujours un petit peu dans l'action, dans l'adrénaline. Donc là, on est sur de l'instant présent. Et il y a le travail d'équipe aussi, et le fait qu'on ne s'ennuie jamais, et qu'aucune journée ne se ressemble. Ce n'est pas comme dans certains services où on a un petit peu la routine de la visite. Là, la journée peut se passer n'importe quoi, en fait. Entre le début et la fin, il peut se passer n'importe quoi.
- Speaker #0
Et tu me disais, juste avant, tu as un peu tes trois, enfin plusieurs casquettes. C'est quoi exactement ?
- Speaker #1
Alors, les trois principales fonctions au niveau des urgences, il y a la partie aux urgences où on est sur la prise en charge. Avec les brancards des patients, donc rien que ça on a différentes filières, on a la filière des box, on a une filière courte où c'est plus de la traumatologie, on a la filière des choquages où c'est plus les urgences vitales. Il y a la partie préhospitalière où là on part en intervention, donc en effet avec une voiture, avec un ambulancier, une infirmière, et le travail n'est pas du tout la même, parce qu'on ne travaille pas dans l'hôpital, on travaille chez les gens ou au bord de la route, donc les conditions ne sont pas les mêmes, parce qu'il faut s'adapter à comment on brancarde un patient dans l'escalier. Comment est-ce qu'on le conditionne, le froid, la météo, le temps de route des fois pour arriver jusqu'à un plateau technique comme un chirurgien. Et des fois ça peut être tout et n'importe quoi, c'est vraiment l'adaptabilité du terrain. Et les troisièmes ans, c'est la partie régulation, où là on a les appels aux 15, et on a des gens au bout du fil qui nous appellent pour tout et n'importe quoi. Et en quelques minutes, il faut réussir à déceler si c'est grave ou pas et envoyer les bons moyens. Sachant que nos moyens type SAMU par exemple, SMUR, ne sont pas illimités non plus, qu'on gère tout un département et que la gestion d'urgence est différente. Et pour moi ces trois facettes là sont assez complémentaires parce qu'on a différentes visions des urgences.
- Speaker #0
Et toi, il y en a un que tu préfères ou pas ?
- Speaker #1
Bonne question. Après moi j'aime beaucoup le SMUR parce que le SMUR c'est toujours de l'imprévu et c'est très bien. En fait, quand on part sur une intervention, par exemple un arrêt cardio-respiratoire, même si la prise en charge est la même, il y a toujours des fois des spécificités qui font que chaque intervention est unique. Après, il y a des interventions qu'on se souvient plus que d'autres, notamment les interventions des fois difficiles ou atypiques. Comme par exemple, j'avais fait un bûcheron qui s'était pris un tronc d'arbre et qui n'était pas rentré le soir à la maison, et que sa femme l'a retrouvé au milieu des bois avec probablement une fracture au niveau du dos qui n'arrivait pas à se relever. qui était perdu au milieu des bois et qu'il a fallu aller chercher. Donc là, ça prend un peu du temps, il commence à faire nuit, on y va avec la lampe frontale, on est au milieu des bois, avec la lampe frontale, à aller chercher ce monsieur, qu'il faut conditionner, éviter que sa lésion fracture, qui n'est pas une lésion vitale, mais qui peut avoir des conséquences de séquelles, notamment de paraplégie, si elle se déplace. Donc il faut bien conditionner le monsieur, le ramener vers un plateau, ça prend du temps, c'est long, c'est atypique, mais après on s'en souvient. Et ça, c'est le côté un peu sympa.
- Speaker #0
Et toi tu ressens quoi quand tu vois, tu arrives et tu vois une victime, ou même au téléphone quand tu réponds ? Après je crois que quand tu réponds au téléphone par contre c'est pas toi qui fais le premier appel non ?
- Speaker #1
Alors quand les gens appellent c'est pas le médecin qui décroche, c'est ce qu'on appelle un ARM, un assistant de régulation médicale, qui lui prend les informations, prend l'identité, le lieu, le motif d'appel et après il nous passe l'appel.
- Speaker #0
Mais quand tu arrives sur un lieu d'intervention et tu vois ce que tu vois, tu entends des trucs assez difficiles, toi tu ressens quoi ?
- Speaker #1
En fait, nous, de l'autre côté, on essaie de garder notre sang-froid. Il faut réussir à faire passer des messages, sachant que des fois, les gens sont tellement en stress dépassé qu'ils n'écoutent rien. Mais il faut essayer de s'imposer pour faire passer ces messages, d'essayer de rassurer quand on peut rassurer. Typiquement, sur des crises d'épilepsie, les crises d'épilepsie sont très impressionnantes. On a des gens qui sont à chaque fois, on le sait quand quelqu'un congulse, parce que lorsque les gens n'ont jamais vu que c'est la première, souvent ils hurlent au téléphone, ils sont en panique. Et là, il faut essayer de les guider et de les rassurer aussi rapidement. Souvent, c'est l'obsession de envoyez-moi quelqu'un, envoyez-moi quelqu'un Des fois, les gens pensent que c'est moi au téléphone qui vais prendre ma voiture et qui vais venir. Venez vite, venez vite Alors que nous, on reste sur place, bien sûr, et c'est une équipe qui part. Et souvent, le fait de dire aux gens l'équipe est déjà en route et moi, je suis là, mais je ne peux pas faire autre chose que de vous aider et j'essaie de vous guider un peu par téléphone ça peut des fois rassurer les gens.
- Speaker #0
Est-ce que tu te souviens d'une intervention qui t'a marqué ou choqué, mais dans le positif et ou dans le négatif ?
- Speaker #1
Une intervention qui s'était bien terminée. Oui, cette intervention ne m'a pas marqué parce qu'au final, ça termine bien. C'était un arrêt cardio-respiratoire d'un homme d'une quarantaine d'années. et qu'on a réanimé pendant plus d'une heure, où ça a été assez long, et qui au final s'en est sorti sans séquelles neurologiques. Déjà, elles sont sorties vivantes, donc c'est un taux de surie déjà assez rare, assez faible sur un arrêt cardio-respiratoire, mais là, sans séquelles, donc c'est encore mieux. En tout cas, sans séquelles neurologiques, parce qu'au niveau cardiaque, je crois qu'il y avait quelques souffrances, mais après une heure de réanimation, ça peut arriver. Et qui au final m'avait remercié dans un deuxième temps et ça fait plaisir d'avoir des retours positifs. Surtout on sait que la personne a des enfants donc on se projette aussi, nous aussi on a des enfants. On aime bien que ça se termine bien comme ça.
- Speaker #0
Et tu gardes contact avec par exemple cette personne ou d'autres victimes, patients ?
- Speaker #1
Des fois on a un ou deux contacts comme ça, mais ce ne sont jamais des contacts trop rapprochés, parce qu'après je pense à peut-être un malsain où il faut réussir à garder sa place aussi. Donc les remerciements on les prend quand on en a, parce qu'on a aussi beaucoup de courriers pas très sympas. Parce que lorsque les gens ne sont pas contents à l'hôpital ou aux urgences, ils le font souvent sentir. Parce qu'ils sont contents, des fois un petit peu moins. Donc dès qu'on a des choses positives, on les garde pour nous, on les partage entre nous. Mais après, on ne va pas plus loin parce que la vie continue.
- Speaker #0
T'as des patients qui reviennent t'offrir des chocolats après ou dans le service ?
- Speaker #1
Des fois ça arrive, après c'est souvent sur de l'aigu, c'est rare que ça soit plusieurs mois après, mais quelques jours après, des fois oui on a des gens qui nous offrent des boîtes de chocolat, merci pour la prise en charge, c'était super pour l'accompagnement, même des fois sur des fins de vie, des choses où malheureusement ça se termine mal, mais il y avait quand même une présence des soignants, ça fait plaisir aussi.
- Speaker #0
Et t'as déjà eu des patients violents ?
- Speaker #1
Oui, alors ça des patients violents, on en a, c'est le quotidien, on en a régulièrement. Presque tous les jours, de toute façon, ça fait partie de notre quotidien. Après, on fait tout pour éviter d'avoir de la violence directement physique, en tout cas envers des agents. C'est pour ça qu'on a un agent de sécurité, maintenant, nous, la nuit, qu'on n'avait pas avant. Qu'on a des chambres d'isolement pour contentionner, si besoin, les gens. Et puis, on n'est jamais à l'abri de quelqu'un qui va mal réagir, soit sous l'emprise de stupéfiants. ou l'urgence psychiatrique. Mais en tout cas, on essaie d'être vigilant avec ça et qu'en gros, lorsqu'on a des patients qui commencent à être agressifs, c'est un petit peu l'urgence, c'est que tout le monde vient donner un coup de main pour éviter qu'un soignant en particulier soit pris à partie.
- Speaker #0
Oui, ça c'est possible à faire à l'hôpital, mais quand tu es en déplacement, tu penses à ta sécurité de temps en temps ?
- Speaker #1
Oui, on est obligé quand on est en préhospitalier parce qu'en effet ça peut vite partir aussi en live, notamment lorsqu'on est sur des drames, parce qu'on intervient des fois lorsqu'il y a de la violence avec des armes blanches. ou d'autres types, on sent qu'il y a de la tension, on peut avoir les forces de l'ordre qui peuvent venir sur place. Souvent, lorsqu'on est sur ce type d'intervention, on n'est pas que nous, on est avec les pompiers aussi, mais après, soignants comme pompiers, nous, on n'est pas là pour se battre. Donc ça, c'est le rôle des forces de l'ordre. Et assez vite, on fait intervenir soit la police ou le gendarme. et souvent on n'a pas trop de soucis, ils viennent quand même rapidement, et après on les laisse, après c'est la sécurité de l'intervention qui prend le pas sur la prise en charge, la prise en soin, c'est qu'en gros tant que nous on n'est pas en sécurité on ne pourra pas les intervenir.
- Speaker #0
Ça ne se passe rien d'avoir un médecin blessé sur l'intervention.
- Speaker #1
Donc là s'il y a besoin c'est vraiment, on se met en retrait, on attend le feu vert des forces de l'ordre, et tant qu'on n'a pas le feu vert... Et ça, ça arrive de temps en temps. Après, sur du préhospitalier, pas tant que ça, mais parce que souvent, nous, on arrive après, les gens, ils savent, c'est quand il y a des bagarres, ou on arrive après, en fait, pour faire les soins. Mais si besoin, oui, on peut se mettre en frais.
- Speaker #0
Et tu as déjà été appelé, enfin est-ce que vous êtes souvent appelé pour rien entre guillemets ? Ou tu arrives et tu te dis en fait ça ne sert à rien que je vienne ?
- Speaker #1
Alors pour rien, en fait ça c'est la régulation du SAMU où on a beaucoup d'appels qui des fois on ne sait pas trop pourquoi ils vont appeler. Et des fois au téléphone, comme je disais tout à l'heure, c'est difficile de faire la part des choses au niveau de gravité. Et des fois on peut... Avoir quelqu'un au téléphone qui va se mettre à hurler, il est inconscient, etc. On a l'impression presque qu'il ne respire plus, donc on ne sait pas trop si c'est un arrêt cardio-respiratoire. La personne au téléphone, des fois, on sait qu'elle est peut-être alcoolisée aussi, donc elle amplifie peut-être aussi les choses. Et on va engager les pompiers et l'équipe du SAMU, et au final, la personne est juste alcoolisée. Après, on préfère quand ça se termine comme ça, mais sur l'appel initial, des fois, on peut avoir le doute. Alors des fois, quand on a un doute comme ça, on préfère quand même engager malgré tout. que si on n'engage pas, on peut avoir potentiellement une perte de chance. C'est toute la difficulté du rôle au SAMU. Mais des fois, oui, on arrive et on dit que c'est quelqu'un qui est simulé. Une prise de tête dans un couple, quelqu'un qui simule une inconscience, on le voit que dans un deuxième temps, ça, ça paraît aussi.
- Speaker #0
T'arrives et quelqu'un simule une inconscience ?
- Speaker #1
Ouais, ouais. Ah oui, on a des gens... Alors, soit ça peut être simulé parce que c'est des maladies psychiatriques, ou des gens simulent les crises d'épilepsie, simulent les inconsciences, mais c'est vraiment une pathologie psychiatrique. Ou soit il y a des gens qui veulent embêter leur conjoint et qui simulent vraiment une inconscience. Qui peut bluffer des fois certains secouristes, mais au niveau médical, nous on a plein de petits tips qui font qu'on ne nous la fait pas. C'est assez vite que la personne elle simule. Mais dans le doute.
- Speaker #0
Oui, dans le doute, c'est obligé. Vrai ou faux ? La cantine de l'hôpital est le meilleur endroit pour faire un date.
- Speaker #1
Non, faux. Après, je ne sais pas. Moi, je ne mange pas à la cantine. En fait, la différence, c'est qu'à l'hôpital, il y a une cantine pour le personnel hospitalier, soit entre midi et 14h, 14h30. Je ne sais même pas vraiment les horaires, parce que nous, on n'y mange pas, parce que la cantine, c'est tout le personnel de l'hôpital. Et que nous, aux urgences, on ne peut pas se permettre de quitter les urgences et d'aller manger au self à droite ou à gauche. Il faut qu'on reste dans les urgences. Et qu'on reste joignable aussi parce que souvent, lorsqu'on va manger, on a le téléphone qui continue à sonner. Parce que des fois, on avait demandé un avis auprès du cardiologue et le cardiologue, il va passer à 13 heures et c'est le pire moment où on est parti manger. Il faut qu'on se rende à nouveau disponible pour le cardiologue. Donc au final, on a des espèces de barquettes à l'hôpital qui ne sont pas foufou, où souvent, moi, je ramène de plus en plus mon repas là maintenant. Et après, comment on s'organise pour manger ? Alors ça, c'était il y a quelques années, mais maintenant, ça n'existe presque plus. Mais quand c'était calme, on y allait un peu tous ensemble. Là, maintenant, on est plus sur de la rotation, c'est-à-dire que... équipe médicale et paramédicale, on y va en rotation de sorte qu'il y ait toujours quelqu'un dans le service pour s'occuper et continuer les soins. Il n'y a pas de pause en fait. Mais au niveau médical, en tout cas, moi j'essaye d'aller manger quand j'ai à peu près mes patients qui sont à peu près gérés, c'est-à-dire que j'ai vu mes patients, je sais que j'ai mes bilans en cours, j'ai des scanners en attente, et qu'en gros, c'est soit je vais voir un nouveau patient, soit je vais manger, évidemment on est des êtres humains aussi, donc là j'en profite. On essaie d'y aller en tout cas quand on n'a pas une urgence absolue, quand il n'y a pas... Quelqu'un qui arrive au déchocage, 142 fréquences cardiaques, il n'est pas bien du tout, on ne dit pas tiens, je vais manger Non, on stabilise un minimum et dès qu'on sent qu'on a fait ce qu'on avait à faire, on essaie de profiter. C'est pour ça que le repas peut commencer à midi, midi et demi, mais ça peut aller jusqu'à 15 heures. Et dans le pire des cas, même sur des fois où on ne mange carrément pas, ou c'est un morceau de pain dans la poche lorsqu'on part en intervention. Et pour la nuit ? Pour la nuit, on ne mange jamais à 20h. La garde commence à 18h30 jusqu'à 8h30. Ce sont des gardes de 14h, donc c'est assez long quand même. On ne mange jamais à 20h parce qu'à 20h aux urgences, c'est là où c'est blindé le monde. Il y a beaucoup de gens qui viennent en fin d'après-midi, vers 17h-18h. Donc 20h, c'est blindé, on ne peut pas se permettre d'aller manger. L'objectif, c'est d'écluser un petit peu les gens en salle d'attente. Et souvent, quand on va manger la nuit, c'est vers 1h du matin. 1h du matin, des fois, ça peut être 2h. Et quand c'est le gros, gros bazar, ça peut monter à 4h du matin. Mais au bout d'un moment, à 4h du matin, on se dit est-ce que je mange vraiment mon couscous ou est-ce qu'au final je mange ?
- Speaker #0
L'expression c'est peut-être pas mieux quand même.
- Speaker #1
Oui, c'est ça, au bout d'un moment on se pose la question.
- Speaker #0
Et comment tu gères toute une garde de nuit, rien que niveau fatigue, niveau émotionnel, tout ça ?
- Speaker #1
Alors en fait avec le temps, plus les années passent, plus c'est facile pour moi à gérer. Sachant qu'il y a quand même, après le plus difficile c'est la fatigue, donc c'est le manque de sommeil. On va dire que le plus difficile, mais c'est lié aussi à notre taux de cortisol dans notre corps qui génère un petit peu notre énergie. Le pire, c'est tout le monde, c'est physiologique, c'est entre 4 et 6 heures du matin. Toi, en tant que pilote, tu as peut-être l'habitude aussi, avec le décollage horaire, de sentir quand tu es sur des jet lags ou autre. Mais le pire, j'irais même entre 4 et 5 heures. Pour moi, c'est vraiment le pire. Parce que lorsqu'on arrive vers 5 heures, 5 heures et demie, on se sent tout de suite un peu plus en forme parce qu'il y a des nouvelles équipes qui arrivent. Donc c'est ce timing-là qui est le plus dur. Après, ce qu'on essaie de faire, nous aussi, c'est que lorsqu'on n'a pas trop de monde dans les urgences, ça arrive de temps en temps, des fois, on essaie de couper un peu la nuit. Enfin, couper la nuit, c'est-à-dire qu'on est deux médecins seniors, qu'il y en a un qui va dormir et l'autre qui reste à peu près géré. Bien sûr, si c'est le bazar, qu'il y a encore dix personnes dans la salle d'attente, on ne le fait pas. On essaie que lorsqu'il n'y a plus personne dans la salle d'attente ou qu'il y a une ou deux personnes, on peut tenter quand même de couper. Mais souvent, c'est vers 4h du matin. On fait 4, 6, 6, 8. Mais rien que d'avoir ces deux heures-là de repos, psychologiquement, ça permet de dire j'ai fait une pause et je suis opérationnel, parce que s'il y a quelqu'un qui arrive à 7h du matin qui n'est pas bien, je pense que tu préfères avoir un médecin qui a dormi deux heures plutôt que quelqu'un qui est sur les rotules, qui n'a pas dormi, qui potentiellement peut faire des bêtises ou manque de sommeil. ça te permet de faire un peu ta transition du lendemain on est le jour d'après pas nécessairement mais c'est vrai que des fois ça m'arrive de faire nuit blanche aux urgences et puis après d'enchaîner sur ma journée classiquement c'est que maintenant j'ai passé sans dormir ouais ça m'arrive ouais mais souvent après le soir je me couche un peu plus tôt 23h, 22h, 23h Mais en fait ça s'est fait physiologiquement avec le temps où je sais que c'est pas très bon mais des fois je n'arriverai pas à me recoucher le lendemain en fait. J'ai réussi à faire une nuit blanche sans que ça ait trop d'impact le lendemain. Bien sûr je ne vais pas faire du sport comme un fou le lendemain mais ouais ça peut.
- Speaker #0
Là c'est une question comme ça mais…
- Speaker #1
Après le plus longtemps si j'ai quand même réussi à dormir une heure ou deux c'est le top. Ouais j'imagine ouais C'est comme ça qu'à 7h du matin des fois on dit bonsoir aux gens Un médecin qui dit bonsoir à 7h c'est parce que lui il a encore la nuit en fait
- Speaker #0
tu penses tu es jeune et tout ça avec le temps tu as peur que ça impacte sur ton corps je suis jeune je vais avoir 40 ans bientôt ça reste quand même je
- Speaker #1
suis un peu plus jeune mais je vais bientôt avoir 40 ans je le ressens un peu je ne le ressens pas tant que ça encore mais je me doute très bien que ça ne durera pas après Oui, c'est faire peut-être un petit peu moins de garde, à voir.
- Speaker #0
et quand tu rentres chez toi après une journée une garde je fais des vidéos youtube sérieux ? c'était ma question, comment tu déconnectes ?
- Speaker #1
j'imagine que tu déconnectes en faisant avant comment je déconnecte c'est que j'ai un tout petit peu de route avant d'entrer chez moi j'ai quelques minutes, enfin plusieurs minutes et ça me permet souvent, c'est mon sas de décompression ça me permet de passer à autre chose d'écouter de la musique et de bien faire la différence entre le travail et la maison
- Speaker #0
Quand tu vois des trucs super difficiles, tu arrives à ne pas les emporter à la maison et les laisser ?
- Speaker #1
Alors quand c'est très très dur et impactant psychologiquement, souvent on en parle déjà sur place avec les équipes, à plusieurs. Et puis après des fois, je peux en parler avec mon épouse éventuellement à la maison. Ça peut arriver aussi. Parce qu'elle est dans le soin aussi, elle est infirmière en réanimation, donc elle gère aussi des urgences graves. Et voilà, ça permet aussi d'avoir un petit retour de son côté. Et souvent, le fait d'en parler à chaque fois, ça va.
- Speaker #0
Oui, parce que je me dis, quand tu gardes tout ça pour toi, ça s'accumule.
- Speaker #1
Non, non, il ne faut pas que ça s'accumule. Et en fait, la difficulté dans le métier aussi, c'est de trouver le bon créneau entre être pas trop proche parce qu'on est trop empathique et dans ce cas-là, on pleure sur chaque patient et on arrête très, très vite. Et à l'inverse, il y en a certains, c'est la grosse carapace et qui sont presque froids. Et là, on passe pour un médecin sans empathie. Donc il faut réussir à trouver le bon, ce qui n'est pas toujours facile.
- Speaker #0
Ça, ça t'a mis du temps à trouver ce bon dosage ?
- Speaker #1
Oui, ça prend du temps. Des fois, ça va être trop dans l'un sens, des fois trop dans l'autre. Il faut réussir. Et puis après, il y a des choses qui nous touchent plus que d'autres. Et typiquement, moi, j'ai une petite fille qui va bientôt avoir 5 ans. et lorsque j'ai des enfants ça me touche plus les interventions sur des enfants alors qu'avant d'avoir ma fille ça me touchait peut-être un petit peu moins et puis là obligatoirement ça se projette on se projette dessus mais ça c'est tous les soignants je sais que pour en avoir parlé avec d'autres soignants dès qu'on a des enfants les interventions graves chez les enfants ça touche plus c'est l'instinct maternel qui prend le dessus ça c'est sûr c'est compréhensible
- Speaker #0
on arrive vers la fin de de l'épisode et avant de terminer j'avais quelques questions du coup sur ta carrière de youtubeur quand même attends
- Speaker #1
20 000 abonnés c'est ça ? oui
- Speaker #0
c'est aujourd'hui ? ouais ouais ce matin félicitations et du coup pourquoi tu t'es lancé là-dedans ? qu'est-ce qui t'a motivé ?
- Speaker #1
parce qu'en fait j'avais déjà un compte assez actif sur Twitter et pendant le Covid je me suis rendu compte que les gens cherchaient de l'information et qu'ils trouvaient pas toujours la bonne information, qu'il y avait beaucoup d'incompréhension et qu'au final maintenant lorsqu'on cherche de l'info on va assez vite sur Google et on se retrouve sur un tuto YouTube Et quand je tapais un petit peu des mots clés d'urgence sur YouTube, je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup d'émissions un peu télé buzz qui ne reflètent pas du tout la réalité ou qui ne répondent pas à des questions qui sont là pour faire du buzz. Ou alors il y a certaines vidéos qui étaient faites plus par des professeurs, on va dire, mais dans un cadre très institutionnel. C'était des vidéos des fois très longues et au final, il faut vraiment avoir la maladie pour aller se taper la vidéo où ce n'était pas très ludique. Et j'ai voulu avoir… je me suis dit il manque quelque chose. Et j'ai commencé à me former sur YouTube, comment monter sa chaîne YouTube et puis c'est parti. Ça a pris un petit peu de temps, mais c'est un travail long. Je pense qu'il faut vraiment être passionné, parce que moi je suis vraiment passionné par la communication, je suis passionné par la pédagogie. En fait, j'adore la médecine, la pédagogie, la communication, donc YouTube, ça reflète vraiment mes trois passions. Mais il y a beaucoup d'engagement, je passe 15 à 20 heures par semaine là-dedans. En plus de mon temps de travail, il faut vraiment avoir cette envie-là parce que sinon on n'y arrive pas. Et au final, le fait de commencer à avoir des retours, c'est assez sympathique. Après, c'est très long à développer, ça prend du temps.
- Speaker #0
Ouais, et tu arrives à gérer les deux, dans une semaine, je me dis que tu dois presque pas dormir pour réussir à tout.
- Speaker #1
Alors si, c'est une histoire d'organisation, il faut jongler sur le planning. Après j'essaie de faire ça aussi quand ça impacte pas sur ma vie de famille, donc quand mon épouse est pas là aussi, quand j'ai un créneau, quand ma fille à l'école et ma femme est au travail, bah là j'essaie d'optimiser tout ce que je peux faire pendant cette période-là. C'est beaucoup d'organisation en effet, mais vu que c'est de la passion et puis après le truc c'est que au fur et à mesure je suis de 20% plus créatif et puis on se dit bah tiens ça serait bien de faire ça, de faire ça, de faire ça, donc après il faut faire un peu des choix aussi et puis de savoir vers quoi on veut aller.
- Speaker #0
Et une vidéo ça te prend combien d'heures de travail à peu près ?
- Speaker #1
Bah une bonne 10-15 heures. Avant je passais beaucoup plus de temps sur le montage, maintenant je… Je suis un peu plus light parce que ça n'apporte pas énormément de plus de passer trop de temps à vouloir faire une vidéo trop parfaite. Il vaut mieux sortir une vidéo et qu'elle ne soit pas parfaite et maintenir un rythme. Parce qu'au final, plus on en fait, plus on s'améliore. voilà et puis après c'est le plus important c'est aussi que quel message on veut faire passer après moi je suis pas journaliste mais on me compare des fois à un journaliste et j'ai déjà eu des beaucoup de discussions d'ailleurs avec des journalistes aussi et la différence c'est que moi je suis soignant avant d'être journaliste et qu'au final vu que c'est des choses que je pratique si je fais une vidéo sur le SAMU je vais savoir beaucoup plus les choses que je vais vouloir mettre en avant contrairement à un journaliste qui sera peut-être pas oui c'est pas son domaine de spécialité voilà ou quand je fais une vidéo sur la coronarographie par exemple Avec un cardiologue, je sais que les questions que les gens posent, c'est toujours les mêmes. Est-ce que ça fait mal ? Est-ce que je vais être endormi ? Combien de temps ça va durer ? Et l'objectif, c'est que dans cette vidéo-là, on y réponde. Alors qu'un journaliste qui va faire une vidéo là-dessus, peut-être qu'il a moins de... Mais c'est normal parce que ce n'est pas son quotidien. Donc, il va pouvoir être plus sur le technique, comment ça fonctionne.
- Speaker #0
Ok, top. En tout cas, moi, je regarde tes vidéos YouTube et je continuerai à les regarder. Du coup, j'aime beaucoup ça.
- Speaker #1
Merci à toi.
- Speaker #0
Merci à tous d'avoir écouté cet épisode, j'espère que ça vous a plu. N'hésitez pas à vous abonner à la chaîne et à nous suivre sur Instagram. Écrivez-nous si vous avez une histoire à nous partager. Je vous dis à très vite dans Libre comme l'air. Ciao ciao !