Speaker #0J'ai grandi au Maroc et ce qu'on écoutait chez moi c'était très diversifié il y avait de la musique populaire arabe de la musique rock aussi pas mal de variétés françaises notamment à travers les cultures de mes oncles donc c'était très diversifié à la maison et il y avait pas mal de musiques percussive au final aussi à travers ma mère plutôt qui voulait être prof de danse orientale donc on écoutait beaucoup de musique orientale à la maison quand elles sont très nées. Les fêtes de famille en tout cas au Maroc sont essentiellement basées sur la danse en fait c'est un temps fort où les familles se retrouvent pour célébrer un événement je vais prendre l'exemple des mariages par exemple un mariage est orchestré par un groupe et l'orchestre commence avec de la musique tousse et puis ça commence à être de plus en plus festif jusqu'à tard, petit matin, les fêtes de mariage par exemple chez nous c'est comme une expérience de club ça commence assez tôt, vers 18-19h et ça se termine à 8h du matin le moment. Pendant les mariages de ma famille, je dansais plus que je restais assise. Au final, j'aimais beaucoup cette ambiance-là. Le fait de partager un moment avec mes cousins, c'est aussi un temps de rencontre, de se retrouver avec la famille. Je passais plus de temps à danser avec eux que de rester assise à observer, à les danser. Mes toutes premières découvertes du dancefloor, je pense que je devais avoir 14 ans, c'était au Maroc, c'était les premières sorties entre amis, que ce soit dans les centres culturels, les bars animés, où en fait on a très très peu de lieux de clubs, en tout cas qui qui diffusent des musiques qui me touchent. Donc, c'était en s'organisant entre nous pour organiser des fêtes. Et c'est là où on essaie de créer des petits dancefloors intimes. Beaucoup moins qu'en France. Il y a cette culture du club, mais il y a plutôt un club des clubs mainstream, des clubs à bouteilles, des choses comme ça. Il y a très très peu d'événements plus underground, on va dire, pour utiliser ce mot-là. Mais voilà, on s'est organisé. J'avais 14 ans, j'en ai 26 aujourd'hui. Au Maroc, j'étais plutôt au conservatoire, donc j'écoutais beaucoup de rock et de classique. Donc j'étais un peu proche des musiques électroniques, mais c'était plutôt l'aspect festif de ces musiques-là qui m'intriguaient, qui m'intéressaient. C'est en arrivant en France, à Lille, précisément ou lors d'une soirée j'ai vu pour la première fois de très près des platines parce qu'un ami organisait une soirée il gérait tout absolument tout du début à la fin pendant la soirée et à un moment il avait un petit souci de billetterie donc il m'a confié les platines spontanément c'était un peu sous pression donc il me proposait de passer d'un titre A à un titre B J'ai dû le faire et ça m'avait beaucoup attirée, donc je ne voulais plus quitter les platines. J'étais très intriguée, je suis restée derrière lui à observer comment il faisait et ça vient de là. Ce qui m'a énormément plu lors de la première approche platine, la première fois que j'ai touché les platines, c'est vraiment la liberté de pouvoir introduire et mélanger des morceaux ensemble, en plus bien sûr de la réception. donc des gens qui sont en face de toi et qui s'enrichissent de cette dynamique là. Mais j'avoue que c'est vraiment l'aspect technique et de pouvoir comprendre, de vouloir comprendre comment ça fonctionne réellement pour avoir le plus de liberté possible. Et au final c'est, comment dire, c'est adapter un titre à ses propres goûts et puis le confondre avec d'autres mélodies qui n'ont pas forcément à voir avec le titre principal et la composition principale comme l'a pensé l'artiste. Et très rapidement j'ai eu des platines chez moi. Grâce à mes amis, que je remercie, qui m'ont offert à l'anniversaire d'après des platines pour pouvoir m'entraîner. A partir de là, je ne les ai plus lâchées et j'ai voulu m'améliorer le plus possible, en tout cas techniquement, pour pouvoir répondre à des envies. Au début c'est un peu timide, tu ne sais pas trop, il y a des questions de légitimité, il y a énormément de choses qui entrent en compte. Et puis la position de DJ, autant que DJ, c'est un peu sensible comme pratique et comme métier au final, parce qu'on est entre le producteur et le mixeur, donc c'est assez sensible. Et surtout la légitimité autant que femme, je ne connaissais pas énormément autour de moi. Je me suis entourée de deux autres amies qui avaient envie de pousser cette envie aussi d'apprendre et d'essayer de se produire. Finalement cette légitimité, enfin en tout cas ce manque de légitimité, ce sentiment de manque de légitimité a vite disparu parce qu'on a été très rapidement soutenus par des producteurs locaux, des choses comme ça, qui ont essayé de nous accompagner là-dessus et nous aider. Être une femme au platine aujourd'hui ça devient de plus en plus évident mais est-ce dans le bon sens ? Je ne sais pas, je n'en suis pas sûre. En tout cas il y a de plus en plus de femmes qui concrétisent cette envie et c'est très important. Elles sont de plus en plus visibles mais surtout parce qu'elles se rassemblent. Moi j'ai l'impression qu'il y a une sororité qui se développe, des femmes qui se soutiennent en tout cas pour mener à bien ces projets-là, ce qui n'était pas forcément le cas avant. Et je pense surtout à des territoires comme le Maroc où il y a encore très peu de femmes productrices ou DJ, donc ce n'est pas une pratique très accessible aux femmes et des fois c'est faute de moyens aussi parce que tout le monde n'a pas accès à toutes ces outils là pour pouvoir concrétiser ses projets et aussi le regard que portent les autres et la société sur la position de la femme dans ces milieux-là, plus globalement, pas particulièrement en tant qu'artiste ou musicienne mais juste dans l'industrie musicale. Plus je joue, plus j'essaye d'avoir un petit temps de rencontre, en tout cas avec les gens qui viennent me voir spécifiquement, parce que je trouve que c'est assez impressionnant et c'est excessivement touchant. Et souvent c'est des femmes. qui viennent discuter, qui posent beaucoup de questions sur comment ça fonctionne. Donc j'essaie de les pousser dans ce sens-là pour les intriguer, au moins pour qu'elles puissent s'y mettre aussi si elles en ont envie. Et surtout, ce qui me touche beaucoup, c'est quand c'est des femmes marocaines qui viennent me voir pour me dire qu'elles sont quelque part fières de venir me voir, de voir le nom un peu tourner, même si c'est un peu le début. C'est quelque chose qui rend très très fière, et surtout quand ça vient de femmes. On commence à être programmé un peu partout et il faut en profiter pour véhiculer un message ou en tout cas défendre une minorité ou mettre en lumière des artistes qui sont inspirants, qui sont issus de minorités, mettre en lumière aussi des cultures musicales spécifiques, que ce soit la musique raille ou la musique shabby. C'est très important parce que derrière ces musiques-là, il y a une histoire, il y a une culture. Donc si on le fait bien et on respecte bien le contexte, de ces musiques-là, je pense que ça ne peut être que magnifique pour la suite. Généralement avant un set, j'ai une sélection de titres. J'en prévois quelques-uns pour démarrer et puis après j'essaie d'emmener le public quelque part. Je ne sais pas si c'est un défaut mais en tout cas je ne m'adapte jamais. n'y arrive pas déjà. Et puis je me dis que si je suis invitée c'est pour une certaine proposition artistique et surtout ceux qui m'ont vu souvent voient cette espèce d'hybridité qu'il peut y avoir, je sais pas si c'est correct comme terme, mais voilà c'est vraiment hybride et ça change à chaque fois et c'est très important pour moi de pas m'adapter à l'artiste qu'il y a avant ou après moi. Sinon, c'est une proposition un peu biaisée artistiquement par la programmation qui m'entoure. Donc, en général, c'est vraiment ce qui me passe par la tête, c'est ce que j'ai envie de faire écouter aux gens. Par exemple, quand je prépare un mix, c'est vraiment souvent... la veille pour le lendemain ou quelques heures avant parce que j'ai besoin d'avoir, je sais pas, de ne rien oublier. En fait j'essaie d'introduire énormément de nouvelles musiques, en tout cas de nouveaux producteurs, et pour que je puisse raconter une histoire à travers mon mix en tout cas comme moi je l'entends dans ma tête avant de produire, d'avoir des sensibilités toutes fraîches, toutes récentes. Donc esthétiquement c'est très différent, c'est de la musique électronique mais ça peut être de la musique qui vient d'Angleterre, du Mexique, du Maghreb, c'est très très diversifié puis ça peut énormément changer en fonction déjà de ce que j'ai écouté récemment, ce qui m'inspirait de mon humeur beaucoup et du contexte. Musique Ce qui me manque le plus, je pense déjà c'est le club, la sonorisation du club, la rencontre, les échanges, les échanges de regard juste avec le public, le fait que je danse énormément sur scène et c'est quelque chose que j'aime beaucoup faire dès que j'ai un temps de liberté où je peux danser aussi, j'en profite. et surtout à rencontrer de nouvelles personnes, enfin retrouver cette énergie du club qui est exceptionnelle et qu'on perd à tel point que... enfin je sais pas mais ça devient des souvenirs un peu lointains à ce rythme là ça fera bientôt un an et c'est quelque chose qui manque énormément Je pense que ce qu'il faut changer globalement et dans toutes les industries sans exception, c'est de se tourner vers quelque chose de plus solidaire, plus local peut-être. On peut essayer de s'entraider, de mettre en lumière des projets qui nous touchent obligatoirement. ça c'est sûr, mais plus proche de nous, de ne pas aller chercher trop loin au final, de se recentrer sur des priorités, de préserver les gens, que la fête vienne et reste bienveillante, des choses comme ça.