- Speaker #0
Bienvenue dans ce nouvel épisode d'Elles en Bretagne, je suis Marie-Cécile, sa fondatrice, et dans ce podcast, mon souhait est de donner la parole aux femmes. Et aujourd'hui, pour cet épisode, je reçois Laurence Brunet-Jambu qui va nous raconter son histoire bouleversante, car pendant plus de 20 ans, elle a lutté pour sauver sa nièce Karine, victime de maltraitance et de viol, malgré huit signalements restés sans effet. L'État a finalement été condamné pour faute lourde et l'agresseur emprisonné. Elle-même survivante de violences, Laurence se bat aujourd'hui contre les violentes faites aux enfants. Leur histoire a inspiré aussi la fiction Signalement diffusée sur France 2 et tirée de leur livre éponyme. Dans cet épisode, Laurence nous raconte son combat, ses blessures, mais aussi son espoir de voir qu'enfin les choses changeaient. Vous allez voir, c'est un témoignage bouleversant à écouter absolument. Alors bonjour Karine, merci d'avoir accepté mon invitation et de témoigner sur votre histoire. A vous et à Karine aujourd'hui.
- Speaker #1
Bonjour, je suis ravie de pouvoir échanger avec vous. Oui, c'est vrai que l'histoire est bouleversante en fait. Le combat que j'ai mené pour sauver Karine, c'est aussi le combat que je mène pour sauver d'autres enfants. Aujourd'hui, on ne peut pas dissocier les femmes des enfants parce que souvent c'est lié en fait. Les femmes qui vivent des violences conjugales intrafamiliales, les enfants sont témoins ou victimes. Et aujourd'hui, c'est une prise en compte qui est beaucoup plus... présentes dans les tribunaux, les choses changent, bougent doucement, à mon goût, mais elles bougent, elles avancent.
- Speaker #0
Alors Laurence, pouvez-vous nous raconter comment vous avez découvert ce que vivait Karine ?
- Speaker #1
En fait, j'ai découvert ce que vivait Karine dès qu'elle est née. J'ai été interpellée lorsque je voulais lui rendre visite à la maternité pour la rencontrer et voir sa mère. Et en fait, une puricultrice m'a arrêtée dans le couloir pour me poser des questions, pour savoir si je savais des choses, s'il y avait quelque chose qu'elle devait savoir. Parce qu'elle trouvait effectivement que la maman de Karine ne lui donnait pas d'attention, ne lui donnait pas à boire, ne la changeait pas. Et qu'ils avaient remarqué quelque chose qui était indicible, mais qui était présent.
- Speaker #0
Un travail de professionnel en fait. Et à ce moment-là, qu'est-ce qui s'est passé ?
- Speaker #1
J'ai fait connaissance avec Karine et au moment où je l'ai prise dans mes bras... Je ne peux pas expliquer ce qui s'est passé à ce moment-là, mais j'ai ressenti ce besoin urgent de la protéger, d'être là pour elle, sachant que mon mari était le parrain et que ça a une importance extrêmement importante dans nos vies. On avait aussi ce devoir de veiller sur elle, en fait, parce qu'il est dit que si les parents ne peuvent pas remplir leur rôle, c'est aux parrains et marraines de se suppléer, en fait. Et pour nous, ça a vraiment une importance quand on accepte ce rôle. Et donc, tout de suite, on s'est sentis investis. de protéger Karine. J'ai posé des questions et c'est quelques jours plus tard que j'ai su que la mère de Karine avait commis un infanticide. Elle m'a dit la manière dont elle l'avait commis. Tout n'a pas été dit, mais le principal était là. Et je n'ai fait qu'être en attention rouge-rouge, en fait. Tous les clignotants se sont allumés rouges, très rouges.
- Speaker #0
Et vous avez également fait... commencer par faire un signalement et la maternité aussi.
- Speaker #1
Alors, la maternité a fait un premier signalement. Moi, j'en ai fait un deuxième. Il m'avait été répondu que tout allait bien dans le meilleur des mondes, que l'aide sociale à l'enfance travaillait en bonne intelligence avec les parents. Effectivement, on a vu ce que ça donnait dans le futur, en fait. Oui, voilà.
- Speaker #0
Parce que malgré tout, il y a eu un accompagnement de la famille.
- Speaker #1
Oui. Karine a rencontré dernièrement une TISF, une... technicienne d'intervention sociale en milieu familial, qui lui a dit, Karine, tu avais dix jours quand moi j'ai fait remonter qu'il fallait qu'on te place en urgence, que ce n'était pas possible que tu restes là. Tu avais dix jours. Et Karine est restée douze ans. Oui,
- Speaker #0
douze ans durant lesquels vous avez fait tout ce que vous pouviez pour être présente et pour faire en sorte que Karine puisse vivre avec vous.
- Speaker #1
On a essayé. absolument de protéger Karine. C'était compliqué. J'ai fait des signalements. J'ai été poursuivie, mise en garde à vue, rappel à la loi pour dénonciation calomnieuse. J'ai tout fait pour essayer de la protéger. Et plus j'agissais, plus il y avait des revers de médaille. Et c'était parfois très violent parce qu'on était privés de voir Karine. Donc à un moment donné, on réfléchit, on se dit qu'est-ce qu'il faut faire. Les repas de famille, on ne parlait que de Karine. C'était très compliqué parce que j'avais toute la famille, la belle famille à dos. Et à un moment donné, on est exclu de tout. Et c'est très difficile à vivre en fait. Ce n'est pas simple. Mais je n'ai pas lâché. J'ai toujours essayé d'être là au moment où il fallait. Et une porte s'est ouverte au moment du décès de ma belle-mère. Et je me suis... Voilà, c'était trop beau, en fait, pour ne pas continuer d'ouvrir la porte et d'être présent.
- Speaker #0
Et donc, c'est à ce moment-là que Karine a pu venir vivre chez vous.
- Speaker #1
Oh, ça ne s'est pas passé comme ça. D'abord, les parents de Karine nous ont confié Karine, parce que la mère de Karine ne supportait pas Karine, ni de la voir, ni de savoir qu'elle vivait là. C'était une concurrence, en fait. Karine devenait une concurrente. Et puis, Karine avait des difficultés scolaires dues à tout ce qu'elle avait vécu, mais que personne ne voulait mettre. des mots et des choses dessus. Et donc, on a proposé d'aider en prenant Karine, mais par un autre biais, en disant, elle va vous coûter moins cher, ça va être plus facile, puis tu vas pouvoir te reposer, Anne-Marie, tu vas pouvoir prendre soin de toi. On a vraiment essayé par un autre biais et ils nous ont confié Karine, très facilement. Voilà, ça s'est fait. Le temps d'un repas sur un coin de table, enfin, voilà. Mais ça s'est fait. Et Karine est venue vivre chez nous dans un... en premier temps, jusqu'à ses révélations.
- Speaker #0
Ce qui paraît fou, c'est que les enfants ont du mal à parler. Et ça a pris quelques années.
- Speaker #1
Alors Karine avait été interrogée, mais on l'a su plus tard. Elle avait été interrogée déjà à chaque signalement que je faisais. Mais comme son père lui faisait un chantage et qu'elle savait qu'elle allait sans doute encore plus souffrir des violences quand elle allait rentrer si elle parlait, cette menace était tellement omniprésente qu'elle ne parlait pas, en fait, elle n'était pas sécure. Et il faut savoir que quand elle était interrogée, son père l'attendait derrière la porte. Comment voulez-vous qu'une enfant qui est martyrisée, battue, qui subit des viols, puisse évoquer la moindre des choses, puisque la personne est derrière ? Alors pas forcément l'auteur, mais la personne qui a la responsabilité. C'est fou en fait d'agir comme ça.
- Speaker #0
Parce qu'en fait, Karine a subi des violences physiques via une personne qui vivait chez les...
- Speaker #1
Karine a subi des violences physiques de la part de son père. Elle a subi aussi des attouchements, mais malheureusement la procédure n'a pas pu, enfin, a été classée sans suite. Elle a subi des viols, des viols très nombreux en fait, par un auteur qui était déjà connu des services de police pour agressions sexuelles et viols sur déjà un certain nombre de victimes. Il a été accueilli au domicile de mon beau-frère et de ma belle-sœur qui savaient pertinemment qui était cet homme. En fait, vous savez, c'est comme vous ouvrez, c'est comme vous mettez un loup dans une bergerie. En fait, il n'a qu'à se servir. Excusez-moi, mais c'est tellement factuel, en fait. Et c'est ce qui s'est passé. Karine était le petit agneau et le loup était présent et omniprésent. Et ça a duré trois ans où Karine a vécu un véritable calvaire.
- Speaker #0
Donc, elle a réussi à mettre des mots sur ce qu'elle vivait. À quel moment finalement ?
- Speaker #1
Alors, ça faisait quelques mois. En fait, quand Karine est arrivée, elle était en telle détresse scolaire, psychologique, qu'on a mis beaucoup de choses en place pour elle, dont on cherchait à savoir pourquoi elle avait des difficultés de mémoire. Et c'est en allant chez un psychologue, il a fait une expertise de ce qui se passait. Et le dernier jour, il dit à Karine, je m'en rappellerai toute ma vie, il lui dit, tu sais, tu as quelqu'un à côté de toi qui est en capacité de t'entendre et je pense que tu as des choses à dire. que tu n'as pas été capable de me dire.
- Speaker #0
Et cette personne à côté d'elle, c'était vous ? Oui.
- Speaker #1
Et en fait, quand on est parti, vous savez, il y a des moments dans la vie où vous êtes très débordés. Et c'était une journée où avec tous les enfants, j'étais débordée, je devais reprendre mon petit-fils qui était à la garderie, on était en retard. Une journée lambda en fait, mais je n'étais pas dans ça, je n'étais pas, voilà. Et il y avait de la bruine qui tombait et ma voiture était garée assez loin. Donc on est parti à pied et donc on ne l'a plus tombé sur nos visages. C'est ancré dans moi. Et à un moment donné, Karine a saisi mon brin. Elle m'a dit, tu sais, Laurence, tout ce que tu penses de Bloody, il m'a fait tout ça.
- Speaker #0
Et quel âge elle avait ? 12 ans.
- Speaker #1
Et je continuais d'avancer, en fait, parce que je n'étais pas dans ça. C'est terrible, mais je n'étais pas dans ça.
- Speaker #0
Peut-être que vous aviez besoin de...
- Speaker #1
D'un moment, d'un temps. Et en fait, quand on est arrivé à la voiture, on s'est assis. Et puis, je lui ai dit, maintenant, dis-moi. Dis-moi ce que tu as voulu me dire. Et elle m'a tout dit, en fait. Et je me rappelle que j'ai eu un moment, on était en silencieuse toutes les deux. Mais ça a bien duré dix minutes, en fait. Je n'arrivais pas à mettre la clé dans la voiture pour démarrer. On était assises toutes les deux. Et vous avez cette sensation où vous commencez à vous glacer, en fait. C'est un moment très dur. Et puis, on est repartis, je suis arrivée chez moi. Et là, j'ai dit à ma fille, à une de mes filles, je lui ai dit, là, il faut qu'on se parle, en fait. Et je me suis dit, mais si je fais un signalement, je risque la prison, puisque j'avais déjà été poursuivie. Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que tu fais, Laurence ? Et ma fille m'a dit, mais maman, si tu ne fais rien, tu te rends compte ? C'est un crime que tu ne dénonces pas. Et il m'a fallu... toute une nuit, en fait, et j'ai fait mon signalement le lendemain matin. Ça a pris du temps pour que les choses se passent et tout, et Karine a dû penser que les choses allaient faire comme d'habitude, en fait. Oui,
- Speaker #0
parce que ce n'était pas la première fois.
- Speaker #1
Voilà, et donc elle a décidé en elle-même de parler à sa directrice d'école, qui a tout de suite fait un signalement, qui est partie au parquet. Et là, les choses se sont mises en place d'une manière rapide pour ouvrir une information judiciaire. Par contre, l'aide sociale à l'enfance, n'a pas été à la hauteur, en fait. Parce que la seule chose qu'ils ont reprochée à la directrice, est-ce que vous pensez pas qu'elle a menti, qu'elle a exagéré ?
- Speaker #0
En même temps, ça faisait 12 ans que vous aviez fait plusieurs signalements et l'aide sociale à l'enfance n'a rien entendu.
- Speaker #1
Elle maintenait Karine dans le foyer.
- Speaker #0
Donc, pour eux, c'était aussi une remise en question totale.
- Speaker #1
Totale, qu'ils n'ont jamais fait, d'ailleurs. Qu'ils n'ont jamais fait, parce que suite, justement, au signalement de la directrice, Karine sera convocée. au CEDAS avec ses parents où on va lui demander, devant ses parents, de raconter toute son histoire. Je vous assure que quand Karine est partie avec ses parents, parce qu'on ne l'a pas enlevée, on l'a laissée repartir avec ses parents. Vous n'imaginez pas le week-end qu'elle a passé, petite ange. Vraiment. Parce que sa mère, ce week-end-là, l'a menacée de la tuer et de lui faire comme elle avait fait à l'autre, l'autre étant sa petite sœur. Et Karine a découvert ce week-end-là qu'elle avait une petite sœur qui avait été tuée, en fait. Parce que jusqu'ici, ce n'était pas des choses qu'on lui avait dites. D'une violence terrible. Et Karine avait peur de mourir. Elle en était dans une panique, en fait. Et il y a eu une expertise psychologique qui avait été faite par un super expert à Rennes, le docteur, enfin, monsieur Parentoine, qui a mis en alerte tout le monde, en fait. Tout le monde. et qui a dit que c'était extrêmement dangereux de la laisser chez ses parents, mais aussi de me l'enlever. Les services sociaux ont quand même décidé de l'enlever.
- Speaker #0
L'enlever à ses parents, mais pas pour autant vous la...
- Speaker #1
Ah oui, parce qu'à ce moment-là, elle était chez nous, Karine. Et donc, ils ont décidé de nous l'enlever pour la placer dans un autre foyer, sans s'occuper du traumatisme de Karine, sans s'occuper des résultats de l'expertise quand même. Ils disaient que c'était un danger pour Karine de nous l'enlever. Et c'est comme ça qu'elle a tenté de se suicider quand ils ont voulu venir la chercher.
- Speaker #0
C'est presque un acharnement. Oui,
- Speaker #1
puis elle a été hospitalisée en hôpital psychiatrique et du coup, l'éducateur a repris la main. Et quand elle est sortie de l'hôpital psychiatrique, elle a été immédiatement placée avec pour moi une interdiction de la voir et de la prendre dans mes bras et de l'aimer. C'est tout ce qu'elle demandait car d'être aimée. Donc c'est à ce moment-là que j'ai pensé dans ma tête parce que j'ai des connaissances de droit. Et en fait, je me suis dit, mais avec l'autorité parentale, en délégant l'autorité parentale, en fait, l'aide sociale à l'enfance n'aura plus la main sur elle, en fait. Et c'est comme ça qu'on s'est mis d'accord avec les parents de Karine pour faire une délégation d'autorité parentale. Et c'est comme ça qu'elle est arrivée chez nous, parce qu'il y a eu une expertise de fait au sein de notre famille et tout. Et tout était concluant, en fait, tout.
- Speaker #0
Et donc là, elle avait quel âge quand elle est venue habiter chez nous ?
- Speaker #1
Ça a été très vite. Elle est arrivée chez nous en 2010, définitivement.
- Speaker #0
D'accord, donc elle avait 13 ans, donc à peu près un an. Oui,
- Speaker #1
elle avait 13 ans et elle est arrivée chez nous. Je m'en rappelle, la décision est tombée et le soir même, on a voulu aller la chercher. C'était compliqué, ils n'avaient pas l'ordonnance. Je lui ai dit non, non, mais je viens la chercher en fait. Je ne vous demande pas, je viens.
- Speaker #0
Donc en fait, il a fallu 13 ans avant que vous puissiez avoir Karine dans votre foyer, que vous avez d'ailleurs adopté. Oui. Et ensuite… Vous l'avez accompagnée, vous l'avez soutenue. Parce que Karine, aujourd'hui, a une vie normale. C'est assez incroyable par rapport à tout ce qu'elle a pu vivre. Donc, comment vous avez fait après pour accompagner Karine malgré tout ce qu'elle avait pu vivre ?
- Speaker #1
Je vais vous dire une phrase simple. On l'a aimée. Je suis convaincue qu'un enfant, la première chose dont il a besoin, c'est d'être aimé. Parce que quand on est aimé, le mot amour, sans le galvauder. Le mot amour, ça veut dire on prend soin de moi, on veille à mon alimentation, on veille à ce que je sois propre, à mon hygiène, aux besoins primaires en fait. C'est ça aimer, c'est veiller aux besoins primaires de l'enfance qu'elle n'avait jamais eues. Et puis ensuite, on est allé chercher tout ce qu'elle avait besoin pour repartir en fait. Et c'est vrai que je n'ai rien lâché. Parce que Karine disait des fois, oui mais je suis bête, je ne comprends pas. Je lui disais d'abord, tu n'es pas bête, je ne veux pas entendre ce mot-là. Et je lui dis, si tu vas y arriver. Et on n'a rien lâché. Je me suis servi d'appui sur mes autres enfants et sur toute notre structure familiale.
- Speaker #0
Parce que vous avez quatre enfants. Cinq.
- Speaker #1
Cinq en plus. Voilà. Et en fait, je me suis servi de la structure familiale pour que chacun apporte à Karine ce qu'elle avait besoin. Il y en avait un, c'était le français. Il y en avait un, c'était les maths. Il y en avait un, c'était l'anglais. Il y en avait un autre, c'était plutôt d'accompagner aussi et de proposer des choix à Karine. La neige, des séjours que Karine n'avait jamais connus. Et à ce moment-là, j'avais un élevage de Ausha perçants et ça a beaucoup aidé Karine parce qu'on pratiquait la ronde thérapie. Et Karine, c'est complètement... Parce qu'elle est arrivée, elle était dissociée. Et petit à petit, on a vu qu'elle reprenait place, en fait, dans une structure familiale. Et elle a tout de suite pris sa place, en fait. Et notre famille lui a fait une place immédiate, en fait. Et personne ne se posait de question du pourquoi, qu'est-ce qu'elle fait là, enfin, voilà. Il y a eu un petit moment de jalousie avec Thomas, qui était le plus jeune, qui était plus jeune que Karine, du coup. et qui s'est dit, oh là là, on vient voler ma mère, j'étais le dernier. Mais ça s'est vite passé. Il l'a beaucoup accompagné. Il allait dans le même collège qu'elle, il faisait beaucoup d'activités avec elle. Il l'a beaucoup poussé, en fait. Karine a peut-être mis deux ans avant de rire. Vous regardez une enfant qui ne rit pas, qui vous regarde sans vous regarder, parce qu'elle était dissociée, parce qu'elle était en souffrance. Les premières douches, c'était terrible. C'était de l'eau brûlante. Elle frottait son corps. presque avec un grand craint tellement il fallait qu'elle frotte. Il faut savoir que chez les parents de Karine, il n'y avait pas d'hygiène. Karine ne savait pas qu'on pouvait prendre une douche tous les jours, qu'on pouvait avoir des vêtements propres tous les jours, qu'on pouvait avoir un repas digne de ce nom, un petit déjeuner. Elle ne savait pas tout ça, Karine, en fait. Elle n'avait pas connu ça. Et où j'en veux beaucoup à l'aide sociale à l'enfance, c'est que ça, c'est des besoins primaires. Et que les besoins primaires, la première chose que l'aide sociale à l'enfance doit vérifier, c'est que cet enfant les a. Parce que parfois, on enlève des enfants avec des carences, mais les enfants ne sont pas maltraités et les parents ont besoin d'être accompagnés. Et comme on n'a plus de prévention aujourd'hui en France, on va tout de suite au palliatif, c'est-à-dire on place les enfants. Et je pense qu'on fait beaucoup de mal aux enfants en premier, mais aussi à la famille qui ne va pas pouvoir après se réinvestir sur cet enfant. Moi, c'est vraiment quelque chose que je me bats. Pour dire attention quand on place un enfant, est-ce que toutes les situations ont été évaluées avant ? Est-ce qu'on n'est pas en train de lui faire du mal ? Et je crois beaucoup que le tiers digne de confiance, comme nous on a été, est un élément clé en fait. Ce n'est pas parce que vous avez un père, une mère ou deux mères ou deux pères qui sont défaillants à un moment donné, je dis bien à un moment donné, que le reste de la famille n'est pas en capacité d'aider cet enfant. Un enfant, il a besoin aussi de sa structure familiale, c'est-à-dire des grands-parents qui l'ont aimé. de la tante avec qui il part en vacances, de ses copains, de son école, de ses professeurs. Or, quand on place un enfant, on l'enlève de ses parents, mais on lui enlève tout ce qu'il y a autour, tout ce qui lui faisait du bien. C'est pas vraiment réfléchi. Et c'est vrai que je pense qu'on peut faire autrement. Vraiment. J'en suis convaincue aujourd'hui.
- Speaker #0
Et vous en êtes un bel exemple. Oui. Parce que du coup, Karine est restée habiter chez vous, même vous l'avez adoptée. Et donc, au fil des années, elle a repris une scolarité normale.
- Speaker #1
Elle a eu son bac, elle a eu ses examens, elle a eu ses diplômes parce qu'elle était ISF et auxiliaire puricultrice. Et donc, la petite fille qui devait aller en sec pas parce qu'elle n'apprenait rien et qu'elle ne comprenait rien, elle a prouvé aussi à tout le monde et à l'éducation nationale que si un enfant est bien accompagné, on peut le sortir de là. Mais elle a bénéficié, Karine, au collège d'Orger, de professeurs hyper investis qui la prenaient le midi sur leur temps libre pour l'aider à rattraper leur... retard. Et ça, c'est exceptionnel et ça doit être souligné. Parce que parfois, on dit oui, les profs, les profs, bah non. Il y a des profs exceptionnels, on en rencontre et ils sont de très, très grande qualité. Quand Karine était fatiguée, elle avait un lit à l'infirmerie, en fait, pour pouvoir aller se poser. Parce que c'était très compliqué pour elle de reprendre un rythme normal.
- Speaker #0
Alors, si pendant finalement 13 ans, elle n'a pas été finalement protégée, une fois chez vous, elle a eu déjà un foyer aimant et également tout un environnement. et aujourd'hui, je crois qu'elle est mariée.
- Speaker #1
Alors, elle a un compagnon, elle a une petite fille, vraiment une petite fille qui va très très bien, qui est hyper épanouie. Et Karine est vraiment épanouie dans son rôle de maman. Comme elle dit, sa fille, c'est ce qu'elle a de plus cher au monde. Moi, personnellement, j'ai eu un peu d'inquiétude au moment de la grossesse, parce qu'on sait que c'est un moment qui peut faire revenir des traumatismes et tout. Mais non, en fait, elle est bien. Elle est bien, alors. C'est ce qu'elle dit, je vais bien, ça ne veut pas dire que j'ai tout oublié, que je n'ai pas par moments des choses qui me reviennent, ou des souffrances comme tout le monde, mais elle va bien. Elle a su faire la part des choses en fait, et comme elle me dit, j'ai mis ça derrière une porte et voilà.
- Speaker #0
Et c'est là où c'est admirable, déjà tout ce que vous, vous avez pu faire pour Karine, mais aussi le fait qu'elle ait eu la capacité à surmonter tout ça et à vivre. On parle de résilience, mais là c'est un parfait exemple. Oui.
- Speaker #1
Et non. Oui et non, parce que tout le monde dit résilience. Je trouve que ce mot est un peu galvaudé. Je pense qu'on n'est jamais vraiment résilient parce qu'elle n'oubliera jamais. Oui,
- Speaker #0
c'est sûr.
- Speaker #1
Voilà. Et puis, on a des tocs un petit peu. Moi, j'en ai. Voilà. Et c'est compliqué parfois, tous ces tocs qui reviennent très longtemps après. Donc aujourd'hui, elle a 27 ans. C'est une belle jeune femme, une belle maman, une compagne attentive. Et je souhaite que ça dure toute leur vie, en fait. Mais il y a des moments dans la vie compliqués où les choses peuvent revenir. Et c'est là où on dit, victime on l'est, victime on le sera toujours, mais par contre, la vie est belle. Et il faut dire aux victimes qu'on peut avoir une belle vie.
- Speaker #0
C'est ça, voilà, c'est ça que je voulais dire. En effet, qu'on peut, malgré tout ce qu'on a pu vivre,
- Speaker #1
avoir une belle vie, une vie épanouie. Et ça n'enlèvera rien de ce qu'on a subi. Et le dire, ça ne veut pas dire que tout s'est passé nickel. Ça ne veut pas dire ça. Ça veut juste dire qu'à un moment donné, on a été bien accompagnés, que l'accompagnement a été de qualité. Karine a eu cette chance. C'est qu'à partir du moment où la justice s'est renversée, a pris considération de Karine. Elle a eu des procédures extraordinaires. Une audience à Rennes de la cour d'assises, où tout le monde était attentif, où les choses ont été dites. où elle a été reconnue victime. D'ailleurs, elle a eu les aveux les cinq premières minutes du procès, ce qui n'arrive quasi jamais.
- Speaker #0
Les aveux de son agresseur ?
- Speaker #1
Oui, il a avoué en 2018, le matin du procès. Cinq minutes après l'ouverture, il a dit que tout ce qu'avait dit Karine était vrai, qu'elle n'avait jamais menti.
- Speaker #0
Alors que jusqu'à...
- Speaker #1
Il niait. Il niait, oui.
- Speaker #0
Ca a dû être un grand moment.
- Speaker #1
C'est magique. Alors, je crois que c'est magique pour la justice qui se dit quel travail a été fait. C'est magique pour les avocats. C'est aussi, quelque part, pour l'auteur, être en capacité de dire « Oui, j'ai fait ce qui s'est passé. » Ne pas nier. Parce que pour lui, c'est tourner aussi une page, quelque part. On a su pendant la procédure, pendant le procès, que Karine était la 16e victime, que ça montait en puissance. Et moi, je reste convaincue que la victime suivante, elle aurait été tuée. Dans le procès, en fait, de M. X, on aurait été vers ça. En fait, ce n'était pas possible parce que je n'aime pas le dire, mais Karine... Quand il violait Karine, il prenait du Viagra. Donc c'était... Et les gens oublient souvent comment sont violés les enfants. C'est des fellations et c'est des sodomisations. Moi, j'ai fait des cauchemars. J'ai été hantée par ces scènes que j'imaginais un adulte sodomisant un enfant. C'est terrible ce que je dis. Mais moi, c'est ça qui m'a hantée. Et c'est ça qui me reste. Et qui, je crois, me restera toute ma vie. Parce qu'il y a bon nombre d'enfants qui vivent ça.
- Speaker #0
Voilà, c'est là où... La justice et l'aide sociale à l'enfance est capable finalement du pire comme du meilleur. Et c'est ce qui s'est passé en effet.
- Speaker #1
Et on rencontre des travailleurs sociaux extraordinaires.
- Speaker #0
Tout n'est pas noir, heureusement. Mais néanmoins, l'État a été condamné par rapport à toutes ces carences. Oui,
- Speaker #1
alors l'État a été condamné à une faute lourde et à trois dénis de justice quand même. C'est-à-dire qu'on avait porté plainte pour quatre procédures. Pour une procédure, Karine a eu un déni de justice, une footload. Là, on a eu au mois de novembre deux autres dénis de justice pour deux autres procédures. Il y a une troisième en attente qui sera jugée en janvier 2026.
- Speaker #0
Tout ça par rapport au cas de Karine ?
- Speaker #1
Oui, du jamais vu. Oui. Du jamais, c'est-à-dire qu'elle n'a pas une seule procédure qui a bien fonctionné. Et Karine a été violée en réunion par des jeunes, en plus de Blody, parce qu'en fait, quand elle était dedans, il y avait M. Blody. Puis quand elle était dehors, il y avait des jeunes qui l'attendaient, qui faisaient des viols en réunion. Tous les gens poursuivis ont été condamnés, à peu près. Sauf malheureusement l'agresseur qui, je pense, a été le plus marquant pour Karine, qui était son père.
- Speaker #0
Et par rapport justement au fait qu'il y ait eu ces dénis de justice ou autre, qu'en a-t-il été pour l'aide sociale à l'enfance ? Est-ce que les choses ont changé, évoluent ?
- Speaker #1
Alors je ne peux pas vous dire ça, parce que là je viens d'être auditionnée par l'Assemblée nationale sur les dysfonctionnements dans la protection de l'enfance. et en fait c'est une hécatombe. Ça dysfonctionne de partout. Je suis contente quelque part, enfin je ne suis pas contente des dysfonctionnements, mais je suis contente parce que j'ai été lanceuse d'alerte il y a dix ans. On me prenait pour une Ulubère-Lue, un petit peu, qui disait des choses et finalement tout ce que j'ai dit s'avère la vérité. Ça dysfonctionne de partout. C'est un manque de formation évident, initial, un manque de formation continue et c'est un manque de remise en question. Les gens n'arrivent pas à se dire, là j'ai pas bien fait, comment je m'améliore ? pour que ça ne se renouvelle pas. Les gens n'arrivent pas à faire ça, en fait. Les rétextes, on reprend les situations. On peut s'être trompé. Quand on est en capacité de le reconnaître, ça ne se renouvellera pas. si personne ne fait son autocritique ou l'autocritique du service ou d'une prise en charge on n'y arrivera pas, c'est ça qu'on aurait aimé oui,
- Speaker #0
surtout que derrière il y a des enfants c'est des vies,
- Speaker #1
des vies humaines des enfants qui vont devenir adultes et qu'à l'adulte de demain donc à un moment où on parle beaucoup de la violence des auteurs mineurs on pourrait se poser cette question encore avec beaucoup plus en se disant il faut qu'on devienne efficient oui,
- Speaker #0
parce que finalement on pourrait presque penser que ceux qui dénoncent dérangent et parfois on protège les agresseurs.
- Speaker #1
Alors je le pense, il y a certains agresseurs qu'on protège. Ou alors, moi je me rappelle quand Karine est arrivée chez nous, on lui avait fait un dossier MDPH, parce qu'on avait besoin d'aide, elle avait besoin de mettre un réseau tout autour d'elle en fait, pour aller bien. On est parfois invité à rencontrer le médecin qui décide. Et je m'y étais rendue et elle m'avait dit, mais quand on ne veut pas voir, on ne regarde pas. Il faut d'abord vouloir voir. Et je pense que les violences sexuelles, c'est quelque chose que les gens ne veulent pas voir. Pour moi, on a massacré la formation des travailleurs sociaux en voulant faire des personnes polyvalentes. Non, en fait, la protection de l'enfance, les éducateurs spécialisés, on en parle de moins en moins, mais il faut un travail de malade, en fait. Et il faut être spécialisé. Il faut être en capacité d'entendre qu'une petite fille de 18 mois peut faire des fellations à son papa, à son grand-père. qu'un enfant de 3 ans peut être sodomisé, qu'un petit garçon lui demande de faire des choses. Il faut être en capacité de pouvoir entendre. Et tout le monde ne l'est pas. Et en plus, il faut avoir fait sa propre analyse. Comment a été mon enfance ? Parce que beaucoup de gens viennent pour se réparer. On ne répare pas les gens en voulant se réparer.
- Speaker #0
Oui, c'est-à-dire que les travailleurs d'aide sociale à l'enfance ont parfois pu être aussi déviés.
- Speaker #1
Voilà, et du coup, ils ne sont pas en capacité de pouvoir bien prendre en charge les enfants dont on leur demande. Et je pense qu'il n'y a pas de concours, il n'y a plus de concours, il n'y a plus rien. C'est avec le parcours sup, c'est une hérésie tout ça. On massacre en fait, c'est comme les infirmières. Ça nécessite des concours et peut-être un examen d'entrée quand on rentre à l'aide sociale à l'enfance. Un vrai examen d'entrée. Pour moi, on ne doit pas y échapper.
- Speaker #0
Sur les capacités humaines à traiter ce genre de choses.
- Speaker #1
Tout à fait, et la capacité à recevoir la parole de l'enfant. Parce qu'un enfant qui dit, c'est tout bête. « Ah ben, tu sais, papa, quand il prend la douche avec moi, il y a plein de sang-poing sur ma tête, c'est tout collant. » Ah, peut-être pas du shampoing, je posais la question. Mais il faut être en capacité. Et pourquoi tu prends la douche avec papa, tu as trois ans, quatre ans, qu'est-ce que tu fais dans la douche toute nue avec papa ? Est-ce que juste dire à l'enfant « Mais papa, il a un maillot de bain ? » Non ? Ah, ok. Donc déjà, un recadrage dans la famille. Il se passe quelque chose. On a voulu pendant des années croire que tout était permis. Le corps de l'enfant, finalement, ce n'était pas grave. On apprend aujourd'hui avec la prévention que non. Le corps d'un enfant, il doit être respecté. À partir de quel âge on ne prend plus son bain ou sa douche avec son enfant ? Ce sont des choses dont on n'en parle plus et qui sont primordiales. Moi, je dis souvent aux gens, quand tu laves un enfant avec un gant, déjà, tu ne le touches pas avec ta main. Le jour où quelqu'un va venir mettre la main sur son corps, il saura que ce n'est pas normal, que ce n'est pas un soin. Tu n'es pas là pour le laver. Et ça, c'est des petites choses. Toutes basiques, en fait. Mais on n'apprend plus aux gens à se dire « Non, on ne prend pas sa douche avec un enfant. » Une fois qu'il a deux ans, deux ans et demi, trois ans, il est en capacité de prendre sa douche tout seul. Vous le surveillez. Ça ne veut pas dire que vous n'êtes pas là, mais vous n'êtes pas avec lui. Et surtout, vous ne le mettez pas tout nu, non ? Parce que ça donne à l'enfant l'idée que finalement, son corps, on ne le respecte pas. Nous qui faisons de la prévention dans nos programmes. à l'association, on sait combien c'est hyper important de nommer les choses.
- Speaker #0
Justement, vous avez, on va dire, sauvé la vie de Karine, je crois qu'on peut le dire, et vous vous êtes engagée dans une association, Alexis Danan, dont vous êtes aujourd'hui présidente, pour essayer d'agir et notamment sur la prévention. Alors, comment on peut prévenir ces violences faites aux enfants ?
- Speaker #1
Alors, moi, je suis beaucoup allée au Québec, c'est vraiment un peu ma... Alors, je ne vais pas dire... Oui, c'est ma ressource, en fait, parce que... Ils ont quand même beaucoup d'avance sur nous. Et lors d'un CIFAS, ce sont les congrès internationaux francophones sur les auteurs et les victimes de violences sexuelles. On apprend énormément, on rencontre les experts et on rencontre aussi les dernières innovations. Et donc, moi, j'ai rencontré la Fondation Marie-Vincent avec le programme Lanterne. Et le programme Lanterne, c'est un programme de prévention pour les 0 à 5 ans. Alors, ça peut faire sourire. Beaucoup de gens qui nous disent, oui, on ne va pas parler d'éducation à la sexualité à des petits. Ben, si, en fait. Le tout, c'est de savoir c'est quoi l'éducation à la sexualité pour un petit. C'est juste de lui dire.
- Speaker #0
que la différence entre un garçon et une petite fille, c'est que le petit garçon, il a une verge, et la petite fille, elle a une vulve. Les choses sont nommées. On nomme les yeux, on nomme les oreilles, on nomme aussi les parties intimes. Et on dit à l'enfant que c'est ses parties intimes et que personne n'a le droit d'y toucher. Et ça, c'est primordial. Et les enfants, il y a un jeu avec cette formation et cet outil lanterne. Le jeu, il est magistral. On a formé les gendarmes en Ille-et-Vilaine, dans le 56. dans le 22, on est en train de former le 29, on est sollicité pour le 50, pour le 63, le 74, et en fait, les gendarmes en Ille-et-Vélène, ils ont 18 mois d'attente pour aller dans les écoles, tellement ils sont sollicités. Ce programme, il est clé en main. Donc, on a fait un contrat avec la Fondation Marie-Vincent, on a l'exclusivité française, on leur verse une redevance, parce que on utilise leur programme, et les savoirs, ça a un prix, il faut être honnête, mais ce programme... il est magique. On a commencé à former l'éducation nationale, le diocèse et les professeurs des écoles qui se saisissent pour la maternelle de ce programme, mais ils sont ravis. Ils ont un outil clé en main qui leur dit quand signaler, comment signaler, quelles phrases on dit aux enfants. Et il y a des ateliers pour les parents, pour aussi aller chercher les parents, il ne faut pas les exclure. C'est hyper important. Donc, il y a des ateliers pour expliquer aux parents comment je fais, qu'est-ce que je dis, qu'est-ce qu'on leur apprend. Venez, ne soyez pas... tout de suite opposé. Venez apprendre comment on va travailler avec votre enfant, en fait, et qu'est-ce qu'on va lui dire. Et de nommer une verge ou une vul, il n'y a rien de mal. C'est juste une partie du corps. Mais à partir du moment où l'enfant sait que c'est ses parties intimes, qu'on ne doit pas y toucher, si quelqu'un, malheureusement, vient lui faire du mal, il va être en capacité à dire non, tu n'as pas le droit. Donc déjà, ça repart. pousse la personne. Et si c'est passé quelque chose, l'enfant, parce qu'on leur apprend à reconnaître la personne de confiance, c'est qui une personne de confiance ? Ça peut être ta maîtresse, ta grand-mère. On essaye de dire à l'enfant, il y a des personnes de confiance, l'enfant, il va aller voir sa personne de confiance, il va lui dire, tu sais, moi, là, qu'est-ce que t'as dit ? Il y a quelqu'un qui m'a fait ça. Et là, c'est plus notre problème après, c'est ce qu'on dit au professeur, vous signalez. Vous n'avez pas besoin de lui poser de la question. Il est venu, il vous a fait confiance, il faut lui dire. Merci de la confiance que tu me donnes. Je suis vraiment ravie de ce que tu me dis, mais ce que tu me dis là est trop grave. Je suis obligée d'en parler à quelqu'un d'autre. Il faut faire un signalement. Après, c'est l'affaire de la justice, des enquêteurs de la justice pour savoir ce qui s'est passé et pourquoi l'enfant a dit ça. Mais c'est hyper important de ne pas poser des questions, de ne pas aller chercher si c'est vrai ou pas. Ce n'est pas à nous de le faire. Il y a des gens spécialisés. Et malheureusement, on a encore des travailleurs sociaux qui vont vérifier. qui posent des questions fermées. Est-ce que ça t'a fait mal ? La question est idiote. Parce que si l'enfant est en état de sidération, la douleur, elle n'est pas là. Et c'est comme ça qu'il faut le voir. En fait, ce n'est pas à nous. Ce n'est pas aux travailleurs sociaux non plus.
- Speaker #1
Finalement, chacun son rôle.
- Speaker #0
Chacun son rôle.
- Speaker #1
Et vous avez eu écho d'enfants qui ont parlé comme ça.
- Speaker #0
Oui, il y a des enfants qui parlent. Et les gendarmes sont hyper contents de ce programme. Je leur fais confiance. Et là, on a des demandes d'autres gendarmeries. Ça veut dire que on est en train de faire des émules. Nous, on avait un souci, c'est qu'on avait une subvention de l'État qui nous permettait de former tous ces gens-là. Là, ça n'a pas été renouvelé. Ça pose souci aussi. Qu'est-ce qu'on veut ? Qu'est-ce qu'on veut faire avec la prévention ? Tout le monde en parle. Oui, mais derrière, il faut financer. C'est un vrai problème, mais je pense que notre programme est tellement... Comment vous dire ? Vertueux, finalement. Virtueux, que voilà, les choses se mettent en place. Et il faut savoir que les professeurs des écoles sont importants, mais que le personnel de la petite enfance dans les écoles est aussi important. Parce que c'est eux qui ont les enfants le matin, le midi, à la garderie, les mercredis, les centres de loisirs. C'est aussi toute cette population-là qui doit être formée. Et je me rappelle, dans une école où on a formé ces personnels, la dame, le soir de la formation, a dit « j'ai un signalement à faire, je suis passée à côté » . J'ai un signalement à faire, en fait. Parce que les enfants, ils vous disent des choses avec leurs mots. Il faut décoder un petit peu. Et puis, il faut, je pense, être très sensible à ce qu'ils vous disent. Et au moment où ils vous le disent.
- Speaker #1
Tout ça, on peut y croire, finalement. Parce que cette prévention et le fait que les enfants puissent parler. Parce que la grosse difficulté, en fait, c'est la parole de l'enfant. Ensuite, l'entendre, la croire. Et comme vous dites, après, passer à la justice. Et le fait d'être auditionné à l'Assemblée nationale et de pouvoir témoigner. Il y a une prise de conscience.
- Speaker #0
La prise de conscience, elle est là. Ma seule inquiétude, c'est qu'est-ce qu'on va mettre derrière ? Comment on va y remédier ? Je pense qu'une refonte de l'aide sociale à l'enfant, c'est obligatoire. On ne peut pas continuer comme ça. Et il faut aussi qu'on donne la possibilité aux magistrats d'avoir plus de compétences. C'est-à-dire que s'ils n'ont pas tous les éléments, au moment où ils prennent leur décision, on passe à côté. Je pense que les TISF auraient sauvé Karine si on les avait davantage écoutées, si leur rapport avait été mis. avait été joint pour la magistrate. J'en veux à personne. Je dis juste que ça n'a pas été bien... Voilà, le circuit n'a pas été bien fait. Et je pense qu'il y a des enfants à sauver aujourd'hui, présentement, là. Hier, Karine, c'est le passé. Mais aujourd'hui, qu'est-ce qu'on fait pour ceux d'aujourd'hui ? Donc oui, il faut une prise de conscience et de dire aux magistrats qu'il faut aussi qu'ils investiguent, peut-être d'avantage, qu'ils mettent des investigations. Voilà, il faut avoir un choix d'experts compétents, ce qui n'est pas toujours le cas. La vérification de la compétence de l'expert qui va expertiser l'enfant. Il ne faut pas qu'il soit contraire aux femmes. Il ne faut pas qu'il pense que les femmes sont aliénantes. Déjà, parce qu'on en a quand même beaucoup dans beaucoup de dossiers où on voit que les enfants sont tirés parce qu'on dit que la mère est aliénante. Non, en fait, les enfants lui disent qu'ils ont subi des choses. Elle a juste essayé de protéger ses enfants du mieux qu'on peut. Et jusqu'où peut aller une mère qui veut protéger ses enfants ? Je pense qu'un jour, il faut quand même mettre ça sur la table. Jusqu'où je dois aller pour protéger mon enfant ? Moi, pour protéger Karine, j'aurais été en prison. Je pense que toutes ces mères qui se lèvent et qui essayent de protéger leurs enfants, il faut les écouter, en fait. On ne devient pas comme ça en disant « mais il se passe quelque chose » . Donc, si on entend les enfants, on aura beaucoup moins de revendications du mouvement féministe, en fait, parce que les enfants auront été protégés. La seule chose que veut une mère, c'est protéger ses enfants. Et moi, je dis souvent, il faut faire le distinguo entre le père et l'auteur. C'est hyper important parce que les enfants, ils ont eu des événements heureux avec leur père. Il ne faut pas leur enlever ça. Le père ne doit pas devenir Satan, le monstre, en fait. Non, ils ont commis des actes répréhensibles qu'ils n'avaient pas le droit de faire. Et ça, il faut bien l'expliquer aux enfants. Il faut dire là ce que tu as fait, papa, ou ce que tu as fait, grand-père. Il n'avait pas le droit. Et pour ça, il doit être puni. Mais papa reste papa. Et la partie de foot que tu as eue avec lui, le Noël que tu as passé avec lui, ben oui, en fait, c'était un bon souvenir pour toi. Ça s'est bien passé. Il faut que les enfants aussi se construisent sur les choses heureuses qu'ils ont eues. Il ne faut pas tout jeter. Vous voyez ce que j'essaie de dire ?
- Speaker #1
Oui, ça peut leur permettre de aussi passer à autre chose.
- Speaker #0
Voilà. Et dans la construction de Karine, moi, j'ai vraiment veillé à ça. Les choses heureuses qu'elle a passées. Alors, il n'y avait pas tant que ça. Mais... C'est important qu'un enfant puisse garder pour lui les souvenirs, les bons souvenirs. Et on en a. Moi, j'en ai avec mes parents. On en a tous, en fait. À un moment donné, il y a eu des choses heureuses. Et il faut vraiment dissocier, à mon avis, l'auteur. Parce que tirer un trait, ce n'est pas si simple et ce n'est pas si facile pour l'enfant.
- Speaker #1
Tout à fait. En fait, ce qui est reproché à la personne, c'est ce qu'il a fait.
- Speaker #0
Et je pense qu'on fait naître chez l'enfant de la culpabilité. Et c'est aussi pour ça qu'il ne parle pas. Papa n'est pas un monstre. c'est ce qu'il a fait qui est terrible alors je parle de papa parce que à 80% c'est des auteurs masculins mais n'oublions pas qu'il y a des auteurs féminins pour 20%
- Speaker #1
nous ne l'oublions surtout pas de l'histoire de Karine et de vous la famille accueillante vous en avez fait un livre mais il y a eu également un film qui est passé sur France TV donc c'est une façon aussi de reconnaître ces situations Et de les diffuser largement.
- Speaker #0
Alors oui, parce que je suis sollicitée, je vais descendre à Valence, je suis sollicitée pour aller faire une diffusion à Annecy, parce que c'est important, en fait, ça sert aussi de cas d'école. OK, il y a une situation, il y a des choses qui se passent dans cette famille, mais on peut peut-être écouter les gens d'à côté. Parce que Karine, dans ses signalements, en tout, il y en avait 14. Moi, j'en ai fait 8, mais il y en avait 14. Il y avait les voisins qui signalaient, il y avait les médecins, un médecin qui a signalé. Il y avait quand même des gens qui signalaient et personne ne les a entendus. Alors, mon signalement, ma personnalité a peut-être fait que... Voilà, parce que je... Oui,
- Speaker #1
vous ne lâchiez pas l'affaire.
- Speaker #0
Non, voilà, on m'appelait. J'étais surnommée la sorcière.
- Speaker #1
Voilà, c'est là où des fois...
- Speaker #0
Et c'est terrible.
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Et c'est là où, comme vous le disiez, les mères, on considère comme aliénantes, ou vous qui ne lâchiez pas l'affaire, vous dérangez.
- Speaker #0
Oui, tout à fait, parce qu'on remet en question la façon dont c'est fait, en fait. Et je trouve que, moi j'y pense, et je sais que c'est une proposition que je vais faire prochainement au Garde des Sceaux, c'est... instaurer un service de médiation au sein des tribunaux. C'est-à-dire que quand on a une procédure qui est coincée, où vraiment il y a quelque chose qui ne va pas, l'enfant a révélé des faits, je pense que ce serait bien de saisir un médiateur avec une commission de magistrats évidemment, de services sociaux mais aussi d'associations du monde de l'extérieur qui pourraient dire, là on est un peu préoccupés parce que nous, quelque part, on ne comprend pas en fait. Cet enfant a dit des choses... il faut l'entendre et dans un premier temps, il faudrait peut-être le protéger. Et moi, vraiment, je pense qu'on peut se parler les uns les autres.
- Speaker #1
On est adulte.
- Speaker #0
On est adulte et il faudrait pouvoir... Vous voyez, par exemple, vous n'êtes pas d'accord avec une décision d'un juge. Si vous lui dites, si vous écrivez, vous avez presque un outrage à magistrat. Ça, ça ne devrait pas être permis, en fait. On devrait avoir le droit, avec un courrier correct, je dis bien, en faisant très attention aussi à ce qu'on dit. Mais avec un courrier de dire, là, on n'est pas d'accord avec votre décision et voilà pourquoi on n'est pas d'accord. Parce que les magistrats, ils placent les enfants, c'est des décisions pour un an. Et on nous dit, oui, bon, ben voilà, c'est fait, on verra l'année prochaine. Ah oui, mais pendant un an, qu'est-ce qui se passe en fait ? Donc, c'est trop facile aussi de dire, il y a eu une audience, il y a eu une ordonnance de jugement, c'est jusqu'à telle date. Donc, finalement, je ne reviens pas sur ma décision, même si je me suis trompée, même si ça, ce n'est pas normal. On nous dit, oui, on fait appel. Ben oui, mais parfois l'audience d'appel arrive après la décision de l'année future. C'est-à-dire que vous avez une décision en janvier 2024, vous faites appel, vous repassez en janvier 2025 et vous n'avez toujours pas eu appel, en fait. Tellement les tribunaux sont encombrés. Donc l'appel n'est pas une circonstance pour dire que les gens peuvent faire appel. Ce n'est pas valable aujourd'hui. Vous voyez ce que je veux dire ? Et donc je pense que oui, il pourrait y avoir un service médiateur. Je sais que les magistrats sont débordés, ça j'en ai conscience. Mais peut-être un service, je ne sais pas. Il faut vraiment penser à ça, en fait. Parce que pendant un an, qu'est-ce qui se passe pour cet enfant ?
- Speaker #1
Et c'est la vie d'un futur adulte. Et c'est un enfant, ça se construit, en fait.
- Speaker #0
Oui, et quand on voit tous ces jeunes dans la rue, tous ces jeunes adultes qui n'arrivent pas à travailler, qui n'arrivent pas à s'insérer, qui n'arrivent pas, socialement, à s'intégrer à notre société, il ne faut pas trop se poser de questions, en fait. Ça vient d'où ? Quand on regarde leur parcours,
- Speaker #1
on s'interroge.
- Speaker #0
Oui, et alors, c'est des humains, mais le coût. sociale que ça a, c'est des milliards et des milliards. À un moment donné, il faudrait peut-être se poser la question, si on prenait soin d'eux, là, présentement, peut-être que l'année prochaine, peut-être que dans dix ans, finalement, on n'aura pas les soucis qu'on a aujourd'hui.
- Speaker #1
Alors, c'est vrai qu'on traite beaucoup les conséquences,
- Speaker #0
mais pas les...
- Speaker #1
Rarement les causes. Oui. Et la prévention. On est vraiment une société qui est très peu sur la prévention.
- Speaker #0
Oui. Alors, moi, je pense aussi aux plaintes. En fait, il y a beaucoup de... de plaintes pour agression sexuelle. C'est presque, ça devient une horreur. Tellement il y a d'enfants, il y a plus de 25% en 2023. Et je crois que 2024 va être sur les mêmes chiffres. C'est hyper inquiétant. On dit 160 000 enfants abusés par an, on ne mettra pas 160 000 auteurs en prison. Il faut se poser la question de quelque chose d'utile. Alors moi, je crois beaucoup à la justice restauratrice, le plaidé coupable, la reconnaissance des faits. Moi, je crois à ça et je crois qu'il faut vraiment permettre à la justice de travailler ça, de renforcer, parce qu'on n'est pas forcément obligé de passer devant une audience, de faire une audience. Papa m'a fait ça, le père reconnaît ou le grand-père reconnaît. Peut-être qu'on peut faire juste une audience de plaider coupable, en fait. Alors on nous dit oui, mais c'est un crime, c'est une instruction. Oui, mais si ça prend dix ans, ça ne sert à rien. Pour moi, ça ne sert à rien, parce que la victime pendant ce temps-là, elle n'est pas reconnue coupable. Et quand l'auteur est quelqu'un de la famille, que c'est incestueux, il faut vraiment qu'on travaille aussi sur ce qui s'est passé avant pour qu'on coupe les racines. Et c'est pour ça que notre programme sur les auteurs mineurs de violences sexuelles va être axé sur ça. Il va être prêt vraisemblablement pour l'été. C'est quelque chose qu'on est allé chercher au Québec. C'est une vraie prise en charge pour les auteurs mineurs. Mais c'est pour les 7-13 ans. Plus les enfants sont pris en charge petits, moins on a de récidives, et plus on va leur permettre aussi de se reconstruire. Il ne suffit pas de dire on va les condamner pénalement. Ce n'est pas ça l'important. L'important, c'est de dire on les prend en charge. On va chercher l'histoire et on travaille avec la famille. Pourquoi ça s'est passé ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qu'il y a eu dans votre vie à vous, parents ? qui fait que peut-être il y a eu des choses qui ont été retransmises incidemment ou tout simplement par généalogie.
- Speaker #1
Et éviter tout ce qui est recidive, évidemment. Voilà. D'où cette prévention,
- Speaker #0
cette accompagnement
- Speaker #1
autant des victimes que des agresseurs.
- Speaker #0
C'est des enfants, les auteurs mineurs. Ne l'oublions pas. C'est des enfants qui ont parfois des parcours de vie. Alors, pas tous, mais certains ont des parcours de vie terribles.
- Speaker #1
Et je sais que vous faites aussi la promotion dans le cadre de la prévention. de relations égalitaires.
- Speaker #0
C'est hyper important. Il y a beaucoup moins de violence quand il y a de la relation égalitaire. Si tu es soumise, évidemment, ça va être plus facile de te frapper. Par contre, si on est égaux dans un couple, peu importe, alors je dis bien égaux dans un couple, peu importe le couple, si on est à égalité, il y aura moins de violence. C'est logique, en fait. Si on sent que notre conjoint ou notre conjointe est à égalité dans la vie, dans notre vie, on ne va pas aller le frapper, en fait, on ne va pas le soumettre. Parce que les coups, c'est aussi une soumission, c'est je te soumets et tu m'obéis. Si on est dans l'égalité, on n'aura pas ce problème. Et plus on va travailler l'égalité homme-femme et l'égalité dans les enfants, mieux demain ils seront et mieux ils se comporteront.
- Speaker #1
Par rapport au film Signalement, qui a été réalisé par France TV, vous avez été présente sur le tournage, c'est Cécile Bois.
- Speaker #0
Oui, qui joue mon rôle. Elle a eu d'abord une distinction. Elle a été au Festival de la Rochelle. Elle a été reconnue meilleure actrice. Et elle le mérite parce qu'elle s'est beaucoup, je crois, elle a tout donné. Elle a beaucoup de talent. Donc, elle a donné tous ses talents pour ce film, pour mon rôle. Elle s'est beaucoup imprégnée aussi de ce que lui disait Éric Météier parce qu'on a eu énormément d'échanges avec Éric.
- Speaker #1
C'est le réalisateur.
- Speaker #0
Oui, tout au long du film et tout au long. Voilà, on est allé une fois sur le film, le tournage avec Karine. et ça a été pour moi une énorme souffrance parce que c'était tellement bien joué que je me suis vue revivre des scènes j'ai eu ce moment de douleur qui remontait et je ne pensais pas vivre ça je pensais que tout ça c'était des choses évacuées ben non en fait et le film, quand on a visionné le film Offensive Vial de Vierzon ça n'a pas été si simple que ça et ben non, Karine l'a bien vécu et Karine m'a dit je ne pensais pas Laurence que tu avais autant souffert pour me sauver Parce qu'elle était dans sa souffrance à elle, dans sa reconstruction. Et elle n'a pas forcément vu les choses qui se sont mises en place, ni les jeux à lesquels on a dû répondre pour pouvoir garder Karine. Et je pense qu'elle a découvert effectivement dans le film. Parce qu'en fait, on a écrit le livre à deux, mais elle a juste fait ses témoignages. Elle n'a pas tout relu, elle n'a pas voulu aller tout ça. Quand elle parlait, c'était ses paroles à elle, bien entendu. Mais elle n'a pas voulu... Tout relire, tout. C'était pas le moment. Et du coup, le film lui a apporté aussi une réponse. C'est quoi se battre pour un enfant aujourd'hui ?
- Speaker #1
Oui, en même temps, c'est beau qu'elle ait découvert au travers de ce film votre combat à vous. Parce qu'évidemment, elle était encore enfant et puis vu tout ce qu'elle vivait.
- Speaker #0
Alors c'est vrai que mes enfants me disaient, oui, mais pourquoi on parle de toi ? Pourquoi on parle pas de Karine, de l'histoire de Karine ? Et en fait, je leur ai dit, mais c'est parce qu'il n'est pas normal aujourd'hui de se battre autant pour un enfant. En fait, ça devrait... On ne devrait pas avoir à se battre. Ça devrait être logique. C'est souvent les femmes qui se battent pour protéger leurs enfants. Et moi, je dis souvent, vous savez, pendant neuf mois, on porte un enfant, il se crée quelque chose. D'abord, le cordon ombilical, c'est tout simple. C'est un lien, évidemment, fusionnel à la naissance. Mais quand on ne porte pas cet enfant, que c'est un enfant comme ça, qu'on croise à un moment donné, il se passe de l'amour, en fait. Et que cet amour-là, inconditionnel moi j'ai compris que c'était d'adopter un enfant et d'aimer un enfant qu'on n'avait pas porté, j'ai découvert tout ça et on l'aime autant que si on l'avait porté et c'était un message aussi pour dire que les enfants adoptés, c'est peut-être encore plus d'amour, parce qu'il faut s'investir, il faut créer un lien il faut aimer et comme vous disiez, l'amour alors moi je suis convaincue que l'amour peut apporter tellement et donc Avant de placer un enfant, il faut vraiment se dire qu'est-ce que je vais faire ? Je vais le couper de l'amour de sa mère. Si ce n'est pas une mère maltraitante, c'est juste une mère qui a des carences. Est-ce que je ne peux pas faire autrement en fait ?
- Speaker #1
Oui, chaque cas est particulier.
- Speaker #0
Oui, parce qu'à un moment donné, les enfants ont besoin de la structure familiale pour se tenir debout. Et que l'aide sociale à l'enfance, c'est jusqu'à leur 18 ans. Mais après 18 ans, ils sont quoi ? S'ils n'ont pas eu ce... Vous voyez, tous n'ont pas besoin du maintien du lien. Des parents qui maltraitent leurs enfants, qui les battent. Où des... des parents qui osent avoir des violences sexuelles sur leurs enfants, évidemment la question ne se pose pas. Je parle pour tous les autres.
- Speaker #1
Et après tout ce que vous avez traversé, Laurence, comment vous voyez l'avenir ?
- Speaker #0
Je pense que les choses bougent et que ça dépend aussi, alors je vais peut-être dire quelque chose qui fâche, mais ça dépend aussi des personnes qu'on a politiquement. Je pense sincèrement qu'il y a des acteurs, alors je vais le dire, de toute couleur politique, qui ont envie de s'approprier, de s'accaparer de ce sujet, et d'autres, c'est comme si ça leur passait au-dessus de la tête. et que parfois on met ministre des gens qui ne devraient pas en fait l'être je pense qu'on ne va pas chercher les meilleurs et je pense que quand on est ministre, ce qui compte c'est nos compétences, est-ce que quand on est ministre, je ne sais pas de l'enfance, alors là on va avoir un haut commissaire à l'enfance je suis très interrogative de qui va être nommé, j'ai même peur en fait, parce que je pense qu'il faut mettre là des gens avec des meilleures compétences, c'est pas politique c'est pas associatif ... Qui, là, va répondre aux situations urgentes à laquelle on est confronté ? Qui va être le meilleur ? Quels sont les gens qui ont les meilleures compétences ? Et je trouve que ça, c'est quelque chose qui n'est pas forcément recherché. Et que parfois, on a des gens, on est surpris de leurs actions, de leurs investissements. Et puis parfois, on est dérouté parce qu'on pensait que quelqu'un allait être hyper bienveillant, hyper actif, qu'il allait ouvrir des portes et finalement, il ne fait que les fermer. Donc, pour moi, il n'y a pas de couleur. politique. Je pense qu'il y a des gens bien partout, mais je pense qu'on oublie parfois cette compétence, cette absence de compétence du sujet, et de la maîtrise du sujet. Et je le dis là parce que je pense aux gardes des Sceaux, entre autres, les prisons, tout ça, c'est super. S'occuper des auteurs, c'est génial, mais à un moment donné, est-ce qu'il ne faudrait pas s'occuper vraiment des victimes ? Et je trouve qu'il y avait un secrétariat aux victimes qui faisait partie du ministère des gardes des Sceaux qui a été supprimé. Ce n'est pas des bons signes, tout ça. Et les associations de victimes, on ne sait plus comment on les finance, on ne sait pas comment on va les financer. Ça devrait être la priorité absolue. Si on accompagne mal une victime, elle ne va pas aller bien. Si elle ne va pas bien, socialement, ça va être aussi un coût. Donc, à un moment donné, est-ce qu'il ne faut pas investir davantage au moment d'accompagner cette victime pour que tout soit mis en place, pour que tous les accompagnements possibles qui soient bien, qui lui soient bons ? profitable pour qu'au moins son statut de victime soit reconnu. Je pense que c'est des vraies interrogations que j'ai pas de réponse. Les choses bougent. Peut-être que dans les mois qui viennent, des choses vont avancer. Je l'espère. Moi, je pense que le volontarisme est important. Un ministre qui est volontaire, qui est à l'écoute, c'est super. C'est déjà beaucoup. C'est vraiment des choses que j'ai envie de dire. C'est quelqu'un qui est volontaire, qui est à l'écoute. Et qui sait se dire, là, on n'a pas bien fait. Il faut peut-être qu'on fasse autrement. En fait, je trouve qu'on a beaucoup de petits hommes gris. Et que les petits hommes gris, parfois, arrêtent le progrès, le stop. Là où il faudrait être innovant.
- Speaker #1
Et penser aux victimes.
- Speaker #0
Penser aux victimes. Parce que les victimes, il faut que demain, la vie soit belle pour elles. Et pour qu'elles soient belles, il faut bien les prendre en charge. À un moment donné. Et leur permettre, comme dit Karine, de tourner la page. Et de franchir la porte.
- Speaker #1
Voilà. Et de vivre leur vie.
- Speaker #0
leur vie, pour que la vie elle est belle quand même. Et il faut arrêter de dire oui, demain, on a beaucoup de messages, ah demain, on sera trop nombreux, demain, on va pas pouvoir faire ci, demain, on va pas pouvoir faire ça. Mais quand on est déjà pas bien, quand on a été une victime, qu'on a vécu des pires souffrances, c'est pas facile d'entendre que ça en fait. Mais moi je dis aux victimes, et je profite de cette interview pour dire bon sang de bois que la vie peut être belle en fait. Acceptons de vivre des choses simples. Et d'accepter que demain, oui, il va peut-être y avoir des aléas. Oui, il va peut-être y avoir des choses plus compliquées dans nos vies. Mais la vie est belle.
- Speaker #1
Tout à fait. Et je ne sais plus qui l'a dit, mais pour compléter, en fait, on n'a jamais dit que la vie était facile. Mais qu'est-ce qu'elle est belle. Oui.
- Speaker #0
Remarquez, si c'était trop facile, ce serait trop simple aussi. Et c'est ce qui forge aussi un adulte. C'est les complications, c'est les choses que l'on rencontre. Alors moi qui suis croyante, je dis souvent, on ne met sur notre route. que ce que Dieu sait qu'on est capable de supporter.
- Speaker #1
Eh bien, Laurence, ça sera le mot de la fin. Merci beaucoup de nous avoir partagé ton histoire et celle de Karine, même si ça ne doit pas être facile tous les jours de revenir sur cette thématique.
- Speaker #0
Malheureusement, c'est ce que je rencontre dans beaucoup de situations. Alors, quelque part, ça m'aide aussi. Et puis, je pense de quelque chose de mal. Nous sommes en train d'en faire quelque chose de beau. Et c'est ça le super message, en fait, de quelque chose de terrible qu'on a vécu. On est en train, par les programmes qu'on va chercher, par tout ce qu'on essaye de faire, on a été capable de renverser la vapeur, comme on dit. Et je pense que c'est ça aussi le message, c'est qu'il y a du beau. Et le beau va sans doute arriver. Il faut être optimiste.
- Speaker #1
Oui, voilà, restons optimistes. En tout cas, bravo pour avoir mené ce combat, pour là où aujourd'hui Karine est. Merci. tout ce que tu as pu faire évoluer, notamment avec les programmes que tu nous as présentés. On te sent totalement habité par cette lutte et on en a besoin. Merci à toi, Laurence.
- Speaker #0
Merci beaucoup de m'avoir permis de dire des choses.
- Speaker #1
Avec plaisir. Il faut que ces choses soient dites. Il faut que ce soit diffusé de façon à continuer à aller vers la prévention, vers la prise de conscience et faire en sorte que toutes ces victimes, demain, il n'y en ait plus.
- Speaker #0
Soyons très optimistes.
- Speaker #1
Merci à vous toutes et tous qui nous écoutez. Merci aussi pour votre fidélité. Si vous avez aimé l'épisode, n'hésitez pas à mettre 5 étoiles, à vous abonner, à me faire part aussi de vos commentaires. Je vous donne rendez-vous dans deux semaines pour le prochain épisode.