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#86 Ornella Djoukui Créatrice de la maison de mode Kroskel "Agir entre mode, mémoire et liberté" cover
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Elles Agissent

#86 Ornella Djoukui Créatrice de la maison de mode Kroskel "Agir entre mode, mémoire et liberté"

#86 Ornella Djoukui Créatrice de la maison de mode Kroskel "Agir entre mode, mémoire et liberté"

36min |27/03/2025
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#86 Ornella Djoukui Créatrice de la maison de mode Kroskel "Agir entre mode, mémoire et liberté"

#86 Ornella Djoukui Créatrice de la maison de mode Kroskel "Agir entre mode, mémoire et liberté"

36min |27/03/2025
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Description

Cette semaine, je reçois Ornella Djoukui dans Elles Agissent.


Ornella est une femme plurielle.

Créatrice de la maison de mode Kroskel, elle pense le vêtement comme un outil de narration, un espace de réconciliation avec soi, avec son corps, avec l’histoire.
Mais son univers dépasse la mode. Ornella est aussi réalisatrice, entrepreneure et "architecte des imaginaires", une expression qu’elle utilise pour désigner son rôle : attraper des idées abstraites et les transformer en projets concrets, engagés et porteurs de sens.


Dans cet épisode, elle nous parle de liberté, de mémoire, de création, de pluralité et de son projet transdisciplinaire Le Balai, qui interroge nos blessures sociales, nos héritages invisibles et nos possibles réconciliations collectives.


Un échange vous le verrez à la fois dense, lumineux, plein de joie.

L'épisode de Wafaâ,Amal, que l'on évoque est l'épisode 57.


#EllesAgissent #Podcast #OrnellaDjoukui #ModeEngagée #Création #Afrofuturisme #ArtEtSociété #LeadershipFéminin #IdentitéCulturelle #LeBalai


Retrouvez toutes les informations sur www.ellesagissent.com

Retrouvez moi sur www.emilieberthet.fr

Sur mon Instagram Berthet_Emilie


N'hésitez pas à laisser 5 étoiles et un commentaire pour rendre visible ce podcast !


Musique:  Amour Aveugle / Garçon de Plage


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Ornella.

  • Speaker #1

    Bonjour Émilie.

  • Speaker #0

    Merci d'être mon invitée d'Alsagis, je suis ravie.

  • Speaker #1

    Je suis ravie également.

  • Speaker #0

    J'ai beaucoup aimé la rapidité avec laquelle on s'est connue et on a échangé et laquelle on se rencontre aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Je n'ai jamais fait ça aussi vite. C'était super rapide.

  • Speaker #0

    On est efficaces toutes les deux, j'ai l'impression.

  • Speaker #1

    Je suis complètement alignée, très efficace, on savait ce qu'on voulait donc on y est allé là.

  • Speaker #0

    Alors Ornella, tu es une femme plurielle. Je trouve que tu es au carrefour de plusieurs mondes, à la fois dans les disciplines que tu aimes travailler, que tu aimes explorer, que ce soit la création, la stratégie, l'identité et même l'innovation. Tu as fondé la maison de mode Crosskel, et j'ai senti sur les cas, comme tu m'as demandé, qui façonne plus que des vêtements. C'est vraiment une marque que tu as créée pour partager des récits. mais aussi un espace qui offre un peu, d'ailleurs comme ici, comme le podcast, un espace de transmission pour les femmes, notamment au travers de messages comme leur liberté, leur curiosité, mais aussi toute une culture beaucoup trop invisibilisée que tu souhaites mettre en avant. Et quand je disais que tu étais une femme plurielle il y a quelques secondes, je n'exagère pas du tout parce que tu es aussi réalisatrice, entrepreneuse et tu vas nous expliquer ce que tu entends par là, mais architecte. d'imaginaire, autour de ces projets qui regroupent aussi le projet Le Ballet, qui va lui interroger nos mémoires collectives, et où tu vas apporter un travail, une pierre à l'édifice autour de ces thèmes. En tout cas, dans tous ces projets, j'ai le sentiment qu'à la fois l'art, la création, est toujours centrale dans ce que tu entreprends, mais toujours aussi porteur de sens, de mémoire, de transformation. Et est-ce que tous tes projets professionnels sont aussi un moyen d'action pour toi. En fait, je me demandais si c'était une manière à la fois de aussi réparer, de résister et d'ouvrir sur de nouvelles perspectives.

  • Speaker #1

    Il y a tellement de questions et tellement de choses dans ce que tu viens de dire, Émilie. C'est tellement riche. Donc déjà, merci pour le travail de recherche autour de qu'est-ce que je fais, qu'est-ce qui me motive, pourquoi je mène ces actions. Donc c'est vraiment très professionnel de ta part. Et ensuite, on va commencer par la dernière question. Je suis animée par un désir de liberté. Le moteur, c'est l'envie d'être libre. Mais j'ai compris très vite que ma liberté passait par celle des autres. Donc il y a ma liberté et il y a la liberté des autres. Et elle passe par ce qu'il y a dans mon intérieur et ce qu'il y a dans l'intérieur des autres. Quand j'appelle l'intérieur, je parle de la mémoire, mais pas seulement du point de vue de qu'est-ce qu'on stocke comme élément dans la mémoire ou qu'est-ce qu'on a comme... information, mais du point de vue de quelles sont les réflexions qui envahissent ou qui habitent notre mémoire, quels sont les symboles qui existent dans cette mémoire-là, quelles sont les représentations, quelles sont les histoires rocambolesques ou réelles qui sont présentes dans cette mémoire et comment est-ce qu'on enregistre cette mémoire pour que ce soit agréable de s'y promener. Donc je veux être libre, ça c'est la première chose. Et comme je veux être libre, il faut que je mène des actions. pour pouvoir atteindre cette liberté-là et pour pouvoir permettre aux personnes autour de moi d'atteindre leur liberté à eux. Et donc pour être libre, il y a différentes étapes dans cette démarche. La première étape de la liberté, c'est d'abord se connaître. Ok, nous existons dans un monde où c'est rempli d'injonctions sociales, où on reçoit des injonctions à longueur de journée sur ce qu'on peut être, ce qu'on a le droit d'être, ce qu'on peut dire, ce qu'on a le droit de dire, ce qu'on peut penser. Comment est-ce qu'on peut exister ? Comment est-ce qu'on peut s'incarner dans le monde ? La première étape de mon travail, c'est comment j'arrive à faire abstraction de cette injonction pour retrouver mon identité propre. Qui est-ce que je suis réellement ? Au-delà de ma peau de femme noire, au-delà de mon jarre de femme, au-delà de ma taille, au-delà de l'enveloppe corporelle que je porte, quel est mon type d'humour ? À quoi est-ce que je suis sensible ? Qu'est-ce qui me fait rire ? Qu'est-ce qui me fait pleurer ? qui est-ce que je suis réellement, qu'est-ce qui me fait vibrer. Et donc, une fois que j'ai trouvé qui est-ce que je suis réellement, comment est-ce que je m'exprime, comment est-ce que je m'incarne dans le monde ? Et ça, c'est hyper important pour moi. Mais surtout, l'une des choses les plus importantes, c'est de comprendre que ma liberté vient avec des contraintes. C'est même ça la liberté, c'est de dire, être libre, c'est sans péché. Cette phrase n'est pas de moi, mais je suis terrible avec les noms. Je sais qu'elle vient de quelqu'un d'autre. Donc c'est comment j'arrive à poser des limites à ma liberté et à inviter les autres à poser des limites à leur liberté. Je parle d'une liberté, pas la liberté d'exploiter. Pas la liberté d'utiliser, non, la liberté de me déployer dans le respect de la liberté des autres. Donc la liberté de me saisir, de m'empêcher. Donc c'est vraiment ça. Et ça c'est vraiment hyper prioritaire, hyper moteur dans toutes les actions que je vais porter. Donc cette notion de liberté, cette notion de mémoire, cette notion de partage ou de connexion avec les autres également.

  • Speaker #0

    Tu as toujours eu cette envie de liberté ou en tout cas tu es toujours consciente de cette notion, de l'importance de cette notion pour toi ? Où c'est venu suite à un événement particulier, suite justement à ta prise de fonction, où tu t'es dit je veux aussi que mon travail, que mon engagement ait un sens ?

  • Speaker #1

    En fait non, je n'ai pas toujours été consciente, je n'ai pas toujours été capable de poser les mots sur ce que je poursuivais. J'ai toujours été obsédée par certaines choses, notamment le fait d'écrire, de faire de la poésie, de dessiner. D'attraper des concepts et d'essayer de travailler dessus, j'ai toujours fait ça. Mais c'était un refuge au début. J'ai traversé, moi, comme plein de gens, je le dis sans que ce ne soit un point de singularité, j'ai traversé des violences sexuelles par exemple, j'ai traversé le rejet paternel. Et une façon de réagir à ça, ça a été de m'isoler dans mon monde à moi. C'est pour ça que je parle souvent de mémoire. C'est parce que d'une certaine façon, je vivais dans cet espace-là. Je vivais à l'intérieur de moi-même et qu'à l'intérieur de moi-même, il fallait bien s'amuser, explorer, découvrir, tester des idées, les transformer, voir ce que ça donnait. Et donc l'exploration est venue d'abord dans ce refuge-là en disant, ok, le monde a l'air un peu dangereux, un peu pas très bienveillant. Comment est-ce que j'arrive à, moi, me trouver un espace de refuge où je peux exprimer ma créativité ? Et ça a été ça, donc les livres et puis l'exploration. Ensuite, petit à petit, les aspirations sont transformées en « Ah, comment est-ce que j'écris des petites histoires à raconter à mes amis, à mes camarades de classe, à ma petite sœur ? » « Comment est-ce que je dessine des collections si je voulais raconter la personnalité de ma sœur ou la personnalité de ma maman ? » « À quoi ça ressemblerait une collection pour elle ? » Et c'est comme ça que petit à petit, ce refuge-là s'est transformé en action.

  • Speaker #0

    Donc avec Rosquel, tu racontes des histoires, tu mets en avant des singularités, ce que je disais au tout début. Mais à quel moment tu as compris et voulu aussi utiliser la mode comme un outil politique finalement ?

  • Speaker #1

    Oui, alors je parlais d'injonction tout à l'heure. Les injonctions sur le corps en particulier sont extrêmement fortes. On veut qu'on soit mince, on veut que nos corps ne nous satisfassent jamais. Je suis justement créatrice de mode et c'est impressionnant à quel point les femmes ne sont pas satisfaites de leur corps. Je peux habiller... des femmes qui font du 34, du 36 comme des femmes qui font du 46, du 50 il n'y en a pas une qui est satisfaite parfaitement de son corps le problème c'est que en attendant ces corps existent, ils sont là ils vont nous accompagner toute notre vie et ils ne vont pas ressembler à ce qu'on a fantasmé d'eux donc il y a vraiment une approche au niveau de Grosquel de ce corps existe il fonctionne, il ressent des choses Ça c'est la priorité. Il faut que vous réussissiez, moi les femmes à qui je parle, il faut que vous réussissiez à vous détendre sur ce sujet. Juste d'abord se détendre, ensuite se faire plaisir. Si j'oublie, si je ferme les injonctions sociales et que je reste avec mon corps qui est là de toutes les façons, si j'admets que mon dixième régime là, il va arriver, il aura son heure, mon fameux corps... pour la plage va arriver, aura son heure. Mais en attendant, le corps là, il est présent, il faut que je kiffe. Il faut qu'on puisse vivre ensemble et se faire plaisir ensemble. Quel est le nouveau rapport que je définis avec ce corps ? Comment est-ce que je l'habille ? Et c'est vraiment ça, CrossCale, c'est OK, un vêtement, des vêtements, mais qui transforme ou qui interroge le rapport au corps, le rapport même au vêtement. L'approche dans CrossCale, c'est pas de faire des vêtements tendance. C'est pas le but. C'est de faire des vêtements qui... qui connecte, qui protège même. J'ai toujours le mot armure qui revient comme ça quand je parle de cross-calcée, de dire comment est-ce que je fais des vêtements qui racontent qui je suis, qui racontent ce que je ressens, qui racontent comment je me sens, qui racontent ma complexité même, qui racontent que je suis plus qu'un vêtement. C'est étrange, je fais des vêtements pour raconter que je suis plus qu'un vêtement. Qui, lorsque je me retrouve dans un lieu où je me sens impressionnée ou intimidée, qu'en passant la main, je suis mon vêtement. Je me souviens de messages clés ou de symboles justement forts qui me rappellent que je suis là, j'ai ma place, je suis légitime.

  • Speaker #0

    Oui, on sait à quel point le maquillage aussi, le vêtement peut être vecteur de confiance en soi, d'assurance pour les femmes aussi, j'imagine pour les hommes aussi. Mais dans l'idée, oui, le vêtement a un vrai rôle à jouer de réconciliation aussi.

  • Speaker #1

    Oui, de réconciliation avec soi-même, de réconciliation avec son corps.

  • Speaker #0

    Comment tu construis tes collections ? Comment tu puisses ton imagination ? Est-ce que c'est de l'intuition ? Est-ce qu'il y a des choses dans ta tête depuis longtemps ? Comment tu construis tout ça ?

  • Speaker #1

    Ça vient un peu de partout. Je pratique beaucoup ce que j'appelle l'incubation. Je fais confiance à mon inconscient. Je suis très intéressée par les sujets de psychanalyse et d'inconscient, du rapport entre la conscience, la subconscience et l'inconscient. Donc... En plus de ça, avec les années, j'ai vraiment développé une capacité à transformer des idées, donc connaître comment j'attrape une petite idée, je la transforme en quelque chose de plus concrète, de plus dense, avec de la matière. Donc en général, je vais avoir un petit mot, une petite idée qui va arriver, je vais la laisser incuber. Ça signifie que pendant des mois, je m'envoie des messages privés sur Telegram tout le temps, je vais m'envoyer régulièrement des petits messages en disant « ça me fait penser à ça, ça me fait penser à ça » . Je vais lire un livre, d'ailleurs je ne me souviens pas souvent des noms des écrivains, mais je vais me souvenir des concepts et je vais rattacher comme ça les petits concepts, les petites idées à ce projet-là. Et au bout de 3-4 mois, je vais récupérer tout ça et je vais dire, ok, est-ce qu'on a de la matière pour travailler sur une collection ? Ça va quand même toujours venir répondre aux différentes questions de la marque. Est-ce que j'arrive à travailler sur les questions d'identité ? Est-ce que j'arrive à pousser un peu plus au niveau de la libération de soi ou de la liberté ? Est-ce que j'arrive à construire ? à rapprocher le sujet de réconciliation avec soi-même ou avec son corps. Donc il va quand même y avoir des sortes de piliers qui vont revenir, mais l'idée viendra d'un peu partout.

  • Speaker #0

    Je me demandais aussi, comment c'est vraiment concrètement en 2025 de lancer une marque, enfin tu ne l'as pas lancée là, mais d'être une jeune marque de vêtements, de se faire connaître, surtout de porter ton message, parce qu'il est aussi important que le vêtement lui-même. Comment ça va en fait ?

  • Speaker #1

    Alors, en toute transparence, c'est très difficile.

  • Speaker #0

    J'imagine, c'est très,

  • Speaker #1

    très difficile. Il y a un petit cercle qu'on va construire assez rapidement, un noyau, mais réussir à sortir de ce noyau-là va être très difficile. Soit mes idées, d'ailleurs, ton opinion serait intéressante, soit mes idées sont trop profondes, trop décalées par rapport à ce que les gens attendent d'une marque de mode aujourd'hui. Soit elles sont inadaptées, je ne pense quand même pas que ce soit des idées inadaptées. Soit il y a autre chose, je suis consciente de ça, je viens d'un écosystème où il y a une image mainstream de ce que c'est que la mode africaine et où l'approche que j'apporte est quand même très différente. Donc j'accepte ces défis-là, je me dis ok je suis dans une vision long terme, je suis dans un bateau pour 20-30 ans. Si toutes les difficultés qu'on rencontre aujourd'hui nous permettent dans 10 ans d'arriver à notre objectif ou dans 20 ans d'arriver à notre objectif, ça en vaut la peine. J'essaie de le voir comme... Un chemin long.

  • Speaker #0

    Un travail de fond.

  • Speaker #1

    Un travail de fond. Donc je commence étape par étape et puis j'y vais doucement.

  • Speaker #0

    Et quelle est la prochaine étape par exemple ? Tu veux bien nous la partager.

  • Speaker #1

    La première étape d'abord c'était de construire l'identité de la marque. Qu'est-ce que je voulais faire ? Et ensuite de m'asseoir sur le sujet des savoirs à faire. Être une maison de mode, surtout une maison de luxe telle que celle que je veux construire. C'est savoir, avoir du savoir à faire. C'est savoir créer. C'est savoir maîtriser les textures, maîtriser son processus, savoir exactement ce qu'on propose à sa clientèle. C'était le premier défi. Il est rélevé, on est bon. Le deuxième défi, c'est de se faire connaître. Donc là, j'entre pile dans l'air où il faut que je communique, il faut que j'aille vers les autres. Il faut que je rebatte mon message encore et encore jusqu'à ce que tout le monde l'entende, jusqu'à ce que ça devienne indéniable.

  • Speaker #0

    J'espère que ce podcast, en tout cas, va y contribuer.

  • Speaker #1

    En tout cas aussi.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que tu ramènes du Cameroun aussi dans ton travail, d'où tu es originaire, dans cette volonté justement de transmission, de partage ? Qu'est-ce qu'on peut apprendre aussi de ce pays à travers ton travail ?

  • Speaker #1

    Je raconte toujours que j'appartiens au Cameroun comme le Cameroun m'appartient. Je suis consciente du fait que quand on vit une vie, on se transforme, c'est obligé. Mais je considère qu'on part de quelque part, donc il y a une sorte de noyau, d'essence primaire. et qu'au fil de nos rencontres, de nos découvertes, de la vie tout simplement, on va se transformer, donc on va évoluer. Mais l'essence est là. Mon essence primaire, c'est le Cameroun. La culture primaire dans laquelle j'ai incubé vient du Cameroun. Donc il y a un enjeu dans ma marque de puiser dans cette culture primaire-là, à la fois dans le passé de cette culture, dans le présent de cette culture, mais également de façonner le futur de cette culture, parce que ce ne sont pas des cultures mortes. Elles continuent de vivre et continuent d'évoluer. Je veux pouvoir contribuer à cette évolution. Mais donc, il y a l'idée de, OK, qu'est-ce que je prends de cette culture ? Comment est-ce que je transforme ce que je prends de cette culture-là ? Et comment est-ce que... Je partage cette culture au monde. Comment est-ce que je propose la philosophie, l'approche, le regard sur la beauté de cette culture-là aux femmes qui vont se sentir concernées ou vont être sensibles au message que porte la marque Kroskane ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est important d'avoir cette sensibilité-là en fait, en plus.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Je parlais tout à l'heure que tu es aussi architecte des imaginaires ou de l'imaginaire, tu peux me reprendre. Qu'est-ce que ça signifie et surtout, est-ce que ce n'est pas ambitieux dans le monde dans lequel on est actuellement ?

  • Speaker #1

    C'est très ambitieux dans le monde dans lequel on est, mais on est sur le podcast Elles Agissent. On va se permettre d'être ambitieuse. Pendant des années et des années, j'ai eu du mal à regrouper les différents fragments de ma personnalité. Je suis très créative, peut-être une artiste très, voilà, straight même. Mais je suis aussi une personne qui est passionnée d'économie. Ça fait dix ans que j'évolue dans le monde de la finance et des paiements. Je suis aussi une dirigeante d'entreprise avec un vrai regard sur qu'est-ce qui se passe au niveau, en termes de gestion d'entreprise, en termes de management des équipes, en termes de pilotage. Je suis aussi réalisatrice, productrice. En fait, je rassemble énormément de casquettes et j'avais pris l'habitude de segmenter tout ça et de choisir, je te rencontre Émilie, j'allais dire OK. Ce qui va t'intéresser, c'est peut-être la mode. Je ne te parle que de la mode. Et j'avais pris l'habitude de faire ça avec toutes les personnes autour de moi. Donc, il existait des fragments de ma personnalité comme ça. De voir un petit peu que tu disperses. Exactement, des fragments dispersés. Et je cherchais un moyen de me raconter facilement, de dire, OK, je suis ça. Et donc, j'y ai réfléchi longuement en disant, OK, qu'est-ce qui se passe exactement dans ma tête ? Ce qui se passe, c'est que j'attrape une idée. Je ne sais pas, j'ai envie de travailler sur le sujet de la mémoire. J'ai envie de travailler sur le sujet de l'identité. j'ai envie de travailler sur le ballet, je l'attrape et puis je commence à enrichir et à rajouter de la matière à cette idée-là. Et ensuite, je décide de la discipline ou de comment est-ce que je vais l'appliquer. La discipline arrive plus tard. Donc, c'est une fois que j'aurai enrichi l'idée, je vais dire, ah, je vois bien cette idée dans un film. C'est comme ça que je vais mettre ma casquette de réalisatrice ou de productrice. Je vais dire, ah, cette idée pourrait être développée dans une collection. Ou alors cette idée peut être développée dans un livre. Et c'est comme ça que la discipline va intervenir. Mais la discipline intervient surtout comme un moyen de donner vie à l'idée, plutôt que comme le travail initial d'attraper l'idée et de la transformer en quelque chose de concret. Donc ce qui chapeaute tout ça, c'est ce métier d'architecte. Architecte des idées. Donc les idées, ça se passe dans les imaginaires. C'est comme ça qu'est né le terme architecte des imaginaires, qui venait rassembler ou venait attraper plutôt... La casquette qui chapeaute toutes les autres casquettes qui est de dire mon boulot c'est de savoir comment attraper une idée banale, abstraite et de lui donner vie, de la rendre concrète, évidente pour les autres.

  • Speaker #0

    J'ai envie de rebondir sur cet aspect effectivement de pluralité, de ce que tu entreprends, etc. qui me parle beaucoup parce que moi aussi je suis dans plein de domaines, mais c'est quand même encore compliqué de se faire reconnaître. et d'être validée dans tous ces différents domaines. Souvent, on me dit, mais tu devrais juste être quelque chose parce que tu nous disperses et ça perd en crédibilité. Est-ce que tu le ressens aussi ? Est-ce que c'est des choses qu'on te dit ? Et alors que moi, j'ai l'impression qu'une fois que j'ai ouvert le chemin des possibles, on ne peut pas m'arrêter. C'est-à-dire que tant que j'ai envie de faire quelque chose, je vais le faire. Et je ne pense pas être mauvaise pour autant parce que je me multiplie. Est-ce que ça te parle,

  • Speaker #1

    ça ? Ça me parle complètement. Ça résonne. complètement et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles j'ai fragmenté c'est parce que lorsque j'essayais de parler de deux casquettes différentes à une personne il y avait quand même un blanc ou alors le discours de mais pourquoi tu ne choisis pas il y a toujours ce truc de soit on va décider qu'une de tes casquettes c'est un hobby non c'est pas un hobby soit on va décider qu'il faut que tu choisisses que tu es en train de préparer l'abandon d'une casquette pour embrasser la nouvelle Mais ça va être très très difficile pour les gens de juste accepter que tu existes dans toute cette sphère-là. C'est quand même très particulier parce que je m'intéresse beaucoup à la philosophie. Quand je regarde les philosophes ou même les grands penseurs ou les génies des temps passés, ils faisaient plein de choses. Quand tu regardes une personne comme Leonardo da Vinci, il faisait plein de choses. Personne ne lui demandait de choisir un unique domaine. Je me dis mais... Si tu jouissais de cette liberté, encore la liberté, pourquoi je ne pourrais pas jouir de la même liberté ? Donc en ce moment,

  • Speaker #0

    on ne peut pas tous être délégués. La merde est aussi là ! Non mais blague à part, je suis totalement d'accord et j'ai souvent cette référence en tête de lui, il est tellement pluriel et même dans sa vie perso, il ne s'est donné aucune limite et je trouve que, enfin oui, soyons tous délégués.

  • Speaker #1

    Mais oui, et pourtant il est respecté, c'est ce qu'il a été.

  • Speaker #0

    Mais bon, c'est un génie aussi. On est tous des génies.

  • Speaker #1

    On va commencer comme ça. Et oui, il y a ça. Donc, c'est très difficile. Mais j'ai décidé qu'à force de répéter, les gens ne finissent pas s'habituer. C'est vraiment... Je crois qu'il existe un podcast comme ça. C'est Habitue-toi ou quelque chose comme ça.

  • Speaker #0

    Je ne connais pas. Mais oui, effectivement, à force de dire qu'on est pluriel, ça passera et ça s'ancrera. Et c'est aussi une action.

  • Speaker #1

    C'est aussi une action. Exactement.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu veux bien nous parler ? de ton projet Le Ballet, s'il te plaît. On l'a survolé jusqu'à présent. J'aimerais que tu nous en parles un petit peu plus.

  • Speaker #1

    Ah, c'est mon nouveau bébé. Il est arrivé très naturellement dans la suite du travail que je faisais. Au tout début, je te disais que j'avais commencé par le travail sur l'identité. Je me posais des questions sur qui est-ce que je suis lorsque je fais à terre les injonctions sociales. Ensuite, j'ai attaqué un travail sur OK. Qu'est-ce qui dans mon intérieur est douloureux, traumatisant ? J'ai travaillé autour de la recherche de la mémoire. J'ai fait d'ailleurs un court-métrage dessus, une collection sur les phobies et les dysmorphophobies. Comment est-ce que j'attrape des terreurs intérieures et je les incarne dans des phobies, en ayant peur des petits animaux ? Ou alors, comment est-ce que je mets cette erreur ou cette peur sur mon corps, la dysmorphophobie ? J'ai travaillé là-dessus et en faisant ce travail-là, je suis allée au fond de mes traumatismes à moi avec l'idée de les dépasser. Et pendant que je travaillais sur cette collection et sur ce court-métrage, j'étais au Cameroun et vraiment j'entre dans un bar et j'entends cette chanson de Henri Dicongue qui dit « balayer, balayer, balayer, les bleus suits de mon passé, tout paraît beau, tout paraît léger comme si le monde avait changé » . Et c'est de là que part l'idée, c'est vraiment de là, de dire « ah mais oui, qu'est-ce qui se passe si j'ai un balai magique comme ça qui peut balayer mes bleus suits ? » D'abord d'un point de vue introspectif, mais ensuite d'un point de vue social, qu'est-ce qui se passe si une société... à un balai qui l'oblige à regarder ses blessures, à s'occuper de soigner de ses blessures, et ensuite à penser à la guérison, à la réconciliation et à se concentrer sur l'avenir. Qu'est-ce qui se passe si je propose cet objet-là et que j'invite les gens à réfléchir à « Ok, qu'est-ce qui se passe dans notre société ? » C'est cool, on voit tellement de choses dans l'actualité, je n'ai même pas envie d'y penser. Mais qu'est-ce qui se passe dans notre société ? On sera encore là dans 50 ans. Qu'est-ce que c'est la vie dans 50 ans ? Qu'est-ce que c'est la vie dans 100 ans ? Est-ce qu'on commence à y travailler aujourd'hui ? Est-ce qu'on commence à se projeter ? Est-ce qu'on pense à réparer ses blessures ? À se soigner, à se réconcilier, à construire ensemble ? Et comment est-ce qu'on le fait ? Et le projet Le Ballet, c'est ça. C'est comment est-ce que j'arrive à proposer un symbole fort, à proposer des pistes, des idées comme ça, pour qu'on arrive à travailler sur ces sujets-là, sur ces thématiques-là. Et donc les moyens de le faire, on parlait des disciplines tout à l'heure, c'est avec un film, j'ai envie de faire un long métrage, Le Ballet. où je raconte la recherche de ce fameux balai magique. C'est un film, un long métrage, dans lequel on suit la quête de cinq protagonistes qui vont à la recherche de ce balai. À la fin du film, spoiler, elle rapporte le balai. L'idée, c'est de dire, OK, on sort de la fiction, on rentre dans la réalité. Qu'est-ce qui se passe socialement lorsqu'on a un balai magique comme ça ? La deuxième étape, ou le deuxième pilier du projet, le balai, c'est d'organiser un événement, un débat. Un événement de dialogue en fait, où on met autour de la scène différentes parties prenantes, différents acteurs de la société, différents représentants des différentes couches sociales de la société, des différents groupes de la société, où on les invite à discuter ensemble. Mais avec dans l'approche l'idée de garder en tête que, ok, on a des conflits, des dissensions et plein de blessures, de fractures, mais on doit pouvoir réfléchir à l'avenir. Qu'est-ce qui se passe si on peut vraiment balayer et aller de l'avant ? Voilà, c'est vraiment ce concept-là qui reste clé dans l'événement. Et la dernière partie, c'est l'installation monumentale. L'idée, c'est de dire, OK, j'ai envie que ça reste une action continue, que ça se poursuive, que ce ne soit pas quelque chose qu'on fait comme ça un mois, deux mois et après on oublie. Comment est-ce que j'arrive à rappeler régulièrement aux gens ?

  • Speaker #0

    À l'ancrer.

  • Speaker #1

    C'est ça, à l'ancrer. Exactement, que ce soit pérenne. Et même que les gens définissent des petites actions, des petites habitudes autour de ce ballet-là. L'idée c'est ça, faire une installation monumentale dans une commune, dans une ville, dans une capitale, avec l'idée que quand les gens vont passer là, ils vont se souvenir du ballet, avec des petits rituels, des petites zones pour écrire ces blessures et les brûler, dans la petite cheminée qui sera prévue pour ça, ou le petit coin qui sera prévu pour ça, mais vraiment avec le truc de, ok, on continue de l'incréer dans les imaginaires. D'ailleurs, ça me fait penser à quelque chose. Dans les petites actions comme ça, silencieuses, qu'on peut porter avec un symbole ou autour d'un symbole, il y a, c'est aujourd'hui je crois, la journée de soutien aux personnes portant des trisomies 21. Et l'une des actions de résistance qui est proposée, c'est simplement de porter des chaussettes dépareillées. Je trouve ça magnifique, ça ne coûte rien. Et pourtant, ça nous oblige, par exemple, j'ai fait l'exercice ce matin, d'expliquer à mes enfants, ah mais on met des chaussettes dépareillées. parce qu'on veut soutenir les enfants porteurs de cet handicap-là. Donc c'est vraiment ce type de petites actions que j'aimerais pouvoir pousser avec le projet Le Balein. Des petits transformateurs, mais qui gravent quand même à l'intérieur l'idée que l'avenir viendra et qu'il faut qu'on travaille à cet avenir-là.

  • Speaker #0

    Et tu en es où justement dans ce projet ?

  • Speaker #1

    Alors je viens de passer... Cinq mois facilement dans la phase de conception, préparation pour vraiment fignoler le projet, le construire, le définir. Et j'ai attaqué la phase de lever de fonds depuis le 10 mars, donc ça fait 11 jours aujourd'hui. Donc c'est une phase où je rencontre des fondations, des RSE, des organismes internationaux pour essayer de présenter le projet, pour roder le projet aussi, pour voir comment est-ce que je peux trouver des angles intéressants pour eux. Et naturellement, évidemment, pour les convaincre d'investir avec moi sur ce projet-là.

  • Speaker #0

    Et c'est quoi les premiers retours du coup ?

  • Speaker #1

    Deux premiers retours parce que là, j'en suis au deux premiers rendez-vous. Deux premiers retours très intéressants. Le premier retour, il faut que je travaille sur l'aspect concret pour les entreprises. Qu'est-ce qu'elles y gagnent concrètement ? Parce que malheureusement, les entreprises ont cette Ausha de qu'est-ce qu'on y gagne. Et le deuxième retour, plutôt... Dans l'autre sens, c'est comment est-ce que j'arrive à monter à l'Assemblée nationale avec ce projet, comment est-ce que j'arrive à le transformer en quelque chose de social, et donc de monter une pétition, de faire signer des pétitions, de vraiment pousser pour qu'il y ait des actions concrètes qui soient menées là-dessus. Donc il y a à la fois le besoin de descendre plus bas pour faire du concret par entreprise. et le besoin de monter plus haut pour aller le porter encore plus loin que ce que je l'imaginais.

  • Speaker #0

    Oui, l'action sur tous les niveaux.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Justement, c'est quoi ta définition d'agir ?

  • Speaker #1

    Déjà être bienveillante envers soi-même. On commence à agir lorsqu'on est bienveillante avec soi-même. Et ensuite, accepter que le chemin sera long et faire des petites actions. Un pas après l'autre, un courage, un bout de courage après l'autre. Parfois, je négocie avec moi-même. Allez, aujourd'hui, deux petites actions. Et après,

  • Speaker #0

    je vois bien l'idée.

  • Speaker #1

    Je négocie. C'était quand ? C'était mardi de la semaine dernière. J'allais au forum CB. Je suis plutôt une introvertie, donc je suis moins à l'aise pour ouvrir les conversations et discuter comme ça. Et je m'étais fixé un petit objectif. Allez, tu réussis à parler à trois personnes, trois personnes que tu ne connais pas, et c'est bon. Donc, j'avais cet objectif en tête. Le matin, je suis arrivée, j'ai dit, allez, tu fais la première personne, comme ça, après, il ne te reste que deux. Donc, j'ai fait la première personne, ça m'a détendue. Je me suis dit, OK, bon, allez, on se motive pour la deuxième et la troisième. Et je me suis retrouvée en train de parler, d'ailleurs, à un dirigeant d'entreprise. Il y a cinq ans, je n'aurais pas eu le courage de l'aborder. Je discutais avec lui. Ensuite, je me suis fait une petite tape sur l'épaule, comme si je disais, bon, bravo. Tu vois, tu vois, tu es arrivé. Donc, j'ai réussi à atteindre mon objectif de trois personnes avec qui discuter. Et puis, voilà, c'était ça pour moi l'action.

  • Speaker #0

    Oui, tu nous donnes là aussi un conseil, de se donner aussi parfois des objectifs très simples d'agir. Ça peut être à la fois dans le quotidien et sur, oui comme tu le dis, parfois par nous en premier, pour qu'on puisse déjà rayonner avant de vouloir faire rayonner autre chose parfois.

  • Speaker #1

    Exactement, exactement. Mais là, l'action passe par nous. En fait, c'est nous qui constituons le monde. C'est chacun qui constitue le monde. Je pensais à ça, au fait qu'on parle tellement de... je ne sais pas, des grands milliardaires ou bien du nouveau président américain, on ne va pas le nommer, qui sont si présents dans nos actualités, dans nos imaginaires, en fait, ils prennent de la place. Et on voit qu'ils parfois peuvent nourrir de la colère par rapport aux messages qu'ils peuvent porter. Et je me disais, mais eux, ils se battent pour que leur vision du monde advienne.

  • Speaker #0

    C'est à nous de nous battre pour que notre vision du monde advienne. C'est une bataille, ils se battent pour leurs intérêts. Et c'est normal en fait, il n'y a pas à leur en vouloir pour ça. Nous, notre boulot c'est de nous battre pour notre intérêt. Prenons un autre exemple d'action concrète. Nous sommes des femmes, on sait qu'on a plus de mal à publier sur LinkedIn. Il y a six mois, j'étais paralysée à l'idée de parler de mes autres univers sur LinkedIn. Sur LinkedIn, j'étais une espèce du paiement, je ne postais pas, je n'existais pas.

  • Speaker #1

    J'ai perdu le jugement.

  • Speaker #0

    Peur du jugement, peur que ça allait me casser, même des opportunités, peur que les gens ne s'y retrouvent pas dans toutes les casquettes qui étaient les miennes, peur que les gens concluent que parce que je parlais de cinéma ou de mode, ça signifiait que j'avais quitté le paiement. Il y avait tellement de peur autour de ça. Et puis un jour, je me suis dit, bon, allez, un petit acte de courage et après on voit. Donc j'ai fait mon premier poste et je me suis fixé une petite condition. Tu ne le supprimes pas, ce poste, pendant 24 heures. Juste ça. Tu le postes et tu... tu résistes à l'envie d'aller le supprimer parce que personne n'a réagi parce que non mais attends, les gens le lisent qu'est-ce qu'ils vont penser ça t'angoisse ça ? oui ça m'angoissait mais en plus je suis une personne je passe mon temps à envisager les possibles donc à retourner les situations en disant ok mais attends et donc je me dis allez tu n'y touches pas pendant 24h et ainsi de suite et puis j'ai fait mon premier, mon deuxième j'ai oublié de passer la cinquantaine de postes et puis je ne suis pas morte, j'ai continué et je vais continuer donc voilà

  • Speaker #1

    Est-ce que tu es une femme au quotidien qui t'inspire, qui te donne envie d'agir, qui est peut-être un modèle ou quelqu'un en tout cas, comme Wafa qui nous a mis en relation, qui m'a dit il faut que tu l'interview, c'est quelqu'un qui agit. Est-ce que tu as d'autres personnes en tête ? Ça serait qui ? Pourquoi aussi ? Qu'est-ce qui est inspirant dans ce qu'elle fait ?

  • Speaker #0

    J'en ai plein déjà. Depuis 5 ou 6 ans, de manière très consciente, je vais beaucoup... lire des écrivaines femmes et même des écrivaines femmes noires. Je vais beaucoup m'intéresser au travail des femmes de manière consciente. Je vais décider parfois de m'entourer de femmes, de femmes entrepreneurs, de femmes qui ont un parcours similaire au mien, avec dans l'idée de, ok, déjà, c'est dû pour moi, ça doit être dur pour elles aussi. Donc, on va se soutenir. Et ensuite, quand je serai au plus bas, elles vont me dire de continuer. Donc, j'en ai plein autour de moi. Je n'ai pas ou la porte qui est l'une de mes meilleure amie que je suis, qui est entrepreneur et qui s'est lancée, mais avec qui on s'encourage tout le temps. J'ai Wafa autour de moi, qui est naturellement une boxeuse et une bosseuse, donc je lui fais un coucou. D'ailleurs,

  • Speaker #1

    je fais juste une parenthèse pour vous inviter à écouter son épisode. Je le mettrai en commentaire pour vous dire quel numéro c'est, mais effectivement, il faut s'inspirer des femmes qui nous entourent.

  • Speaker #0

    Et dans les femmes qui sont un peu plus avancées que moi, je lis beaucoup Léonora Miano, une écrivaine extraordinaire. mais vraiment une écrivaine importante, je crois, pour notre ère. Je lis beaucoup cette femme, je lis aussi beaucoup Shimamanda Gozi Asdiche, qui est une écrivaine nigérienne qui a fait une partie de sa vie aux Etats-Unis. Et donc voilà, je suis autour des femmes et je pense que je vais y aller de plus en plus, à m'entourer de femmes.

  • Speaker #1

    Ça inspire de s'intéresser aux femmes. Oui,

  • Speaker #0

    complètement. Mais c'est assez fou, ça me met presque en colère de me rendre compte que j'ai passé les 30 premières années de ma vie. de manière inconsciente à lire beaucoup d'écrivains hommes, à regarder beaucoup de films faits par des hommes, des séries faites par des hommes, où les hommes avaient les péchenards principaux. Alors il y aura toujours la place pour les hommes, mais je fais consciemment de la place pour les femmes.

  • Speaker #1

    Je crois qu'on va rester sur cette même parole. Vraiment. Merci Ornella pour ce que tu fais, pour ce discours où il y a plein de phrases inspirantes. J'espère que nos auditeurs, auditrices l'auront aussi ressenti. Et bravo. pour ce que tu entreprends.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi, Émilie, pour cette invitation et pour cette magnifique conversation. Je me suis sentie tellement à l'aise. Tu vas gérer tout donné. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci.

Description

Cette semaine, je reçois Ornella Djoukui dans Elles Agissent.


Ornella est une femme plurielle.

Créatrice de la maison de mode Kroskel, elle pense le vêtement comme un outil de narration, un espace de réconciliation avec soi, avec son corps, avec l’histoire.
Mais son univers dépasse la mode. Ornella est aussi réalisatrice, entrepreneure et "architecte des imaginaires", une expression qu’elle utilise pour désigner son rôle : attraper des idées abstraites et les transformer en projets concrets, engagés et porteurs de sens.


Dans cet épisode, elle nous parle de liberté, de mémoire, de création, de pluralité et de son projet transdisciplinaire Le Balai, qui interroge nos blessures sociales, nos héritages invisibles et nos possibles réconciliations collectives.


Un échange vous le verrez à la fois dense, lumineux, plein de joie.

L'épisode de Wafaâ,Amal, que l'on évoque est l'épisode 57.


#EllesAgissent #Podcast #OrnellaDjoukui #ModeEngagée #Création #Afrofuturisme #ArtEtSociété #LeadershipFéminin #IdentitéCulturelle #LeBalai


Retrouvez toutes les informations sur www.ellesagissent.com

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Musique:  Amour Aveugle / Garçon de Plage


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Ornella.

  • Speaker #1

    Bonjour Émilie.

  • Speaker #0

    Merci d'être mon invitée d'Alsagis, je suis ravie.

  • Speaker #1

    Je suis ravie également.

  • Speaker #0

    J'ai beaucoup aimé la rapidité avec laquelle on s'est connue et on a échangé et laquelle on se rencontre aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Je n'ai jamais fait ça aussi vite. C'était super rapide.

  • Speaker #0

    On est efficaces toutes les deux, j'ai l'impression.

  • Speaker #1

    Je suis complètement alignée, très efficace, on savait ce qu'on voulait donc on y est allé là.

  • Speaker #0

    Alors Ornella, tu es une femme plurielle. Je trouve que tu es au carrefour de plusieurs mondes, à la fois dans les disciplines que tu aimes travailler, que tu aimes explorer, que ce soit la création, la stratégie, l'identité et même l'innovation. Tu as fondé la maison de mode Crosskel, et j'ai senti sur les cas, comme tu m'as demandé, qui façonne plus que des vêtements. C'est vraiment une marque que tu as créée pour partager des récits. mais aussi un espace qui offre un peu, d'ailleurs comme ici, comme le podcast, un espace de transmission pour les femmes, notamment au travers de messages comme leur liberté, leur curiosité, mais aussi toute une culture beaucoup trop invisibilisée que tu souhaites mettre en avant. Et quand je disais que tu étais une femme plurielle il y a quelques secondes, je n'exagère pas du tout parce que tu es aussi réalisatrice, entrepreneuse et tu vas nous expliquer ce que tu entends par là, mais architecte. d'imaginaire, autour de ces projets qui regroupent aussi le projet Le Ballet, qui va lui interroger nos mémoires collectives, et où tu vas apporter un travail, une pierre à l'édifice autour de ces thèmes. En tout cas, dans tous ces projets, j'ai le sentiment qu'à la fois l'art, la création, est toujours centrale dans ce que tu entreprends, mais toujours aussi porteur de sens, de mémoire, de transformation. Et est-ce que tous tes projets professionnels sont aussi un moyen d'action pour toi. En fait, je me demandais si c'était une manière à la fois de aussi réparer, de résister et d'ouvrir sur de nouvelles perspectives.

  • Speaker #1

    Il y a tellement de questions et tellement de choses dans ce que tu viens de dire, Émilie. C'est tellement riche. Donc déjà, merci pour le travail de recherche autour de qu'est-ce que je fais, qu'est-ce qui me motive, pourquoi je mène ces actions. Donc c'est vraiment très professionnel de ta part. Et ensuite, on va commencer par la dernière question. Je suis animée par un désir de liberté. Le moteur, c'est l'envie d'être libre. Mais j'ai compris très vite que ma liberté passait par celle des autres. Donc il y a ma liberté et il y a la liberté des autres. Et elle passe par ce qu'il y a dans mon intérieur et ce qu'il y a dans l'intérieur des autres. Quand j'appelle l'intérieur, je parle de la mémoire, mais pas seulement du point de vue de qu'est-ce qu'on stocke comme élément dans la mémoire ou qu'est-ce qu'on a comme... information, mais du point de vue de quelles sont les réflexions qui envahissent ou qui habitent notre mémoire, quels sont les symboles qui existent dans cette mémoire-là, quelles sont les représentations, quelles sont les histoires rocambolesques ou réelles qui sont présentes dans cette mémoire et comment est-ce qu'on enregistre cette mémoire pour que ce soit agréable de s'y promener. Donc je veux être libre, ça c'est la première chose. Et comme je veux être libre, il faut que je mène des actions. pour pouvoir atteindre cette liberté-là et pour pouvoir permettre aux personnes autour de moi d'atteindre leur liberté à eux. Et donc pour être libre, il y a différentes étapes dans cette démarche. La première étape de la liberté, c'est d'abord se connaître. Ok, nous existons dans un monde où c'est rempli d'injonctions sociales, où on reçoit des injonctions à longueur de journée sur ce qu'on peut être, ce qu'on a le droit d'être, ce qu'on peut dire, ce qu'on a le droit de dire, ce qu'on peut penser. Comment est-ce qu'on peut exister ? Comment est-ce qu'on peut s'incarner dans le monde ? La première étape de mon travail, c'est comment j'arrive à faire abstraction de cette injonction pour retrouver mon identité propre. Qui est-ce que je suis réellement ? Au-delà de ma peau de femme noire, au-delà de mon jarre de femme, au-delà de ma taille, au-delà de l'enveloppe corporelle que je porte, quel est mon type d'humour ? À quoi est-ce que je suis sensible ? Qu'est-ce qui me fait rire ? Qu'est-ce qui me fait pleurer ? qui est-ce que je suis réellement, qu'est-ce qui me fait vibrer. Et donc, une fois que j'ai trouvé qui est-ce que je suis réellement, comment est-ce que je m'exprime, comment est-ce que je m'incarne dans le monde ? Et ça, c'est hyper important pour moi. Mais surtout, l'une des choses les plus importantes, c'est de comprendre que ma liberté vient avec des contraintes. C'est même ça la liberté, c'est de dire, être libre, c'est sans péché. Cette phrase n'est pas de moi, mais je suis terrible avec les noms. Je sais qu'elle vient de quelqu'un d'autre. Donc c'est comment j'arrive à poser des limites à ma liberté et à inviter les autres à poser des limites à leur liberté. Je parle d'une liberté, pas la liberté d'exploiter. Pas la liberté d'utiliser, non, la liberté de me déployer dans le respect de la liberté des autres. Donc la liberté de me saisir, de m'empêcher. Donc c'est vraiment ça. Et ça c'est vraiment hyper prioritaire, hyper moteur dans toutes les actions que je vais porter. Donc cette notion de liberté, cette notion de mémoire, cette notion de partage ou de connexion avec les autres également.

  • Speaker #0

    Tu as toujours eu cette envie de liberté ou en tout cas tu es toujours consciente de cette notion, de l'importance de cette notion pour toi ? Où c'est venu suite à un événement particulier, suite justement à ta prise de fonction, où tu t'es dit je veux aussi que mon travail, que mon engagement ait un sens ?

  • Speaker #1

    En fait non, je n'ai pas toujours été consciente, je n'ai pas toujours été capable de poser les mots sur ce que je poursuivais. J'ai toujours été obsédée par certaines choses, notamment le fait d'écrire, de faire de la poésie, de dessiner. D'attraper des concepts et d'essayer de travailler dessus, j'ai toujours fait ça. Mais c'était un refuge au début. J'ai traversé, moi, comme plein de gens, je le dis sans que ce ne soit un point de singularité, j'ai traversé des violences sexuelles par exemple, j'ai traversé le rejet paternel. Et une façon de réagir à ça, ça a été de m'isoler dans mon monde à moi. C'est pour ça que je parle souvent de mémoire. C'est parce que d'une certaine façon, je vivais dans cet espace-là. Je vivais à l'intérieur de moi-même et qu'à l'intérieur de moi-même, il fallait bien s'amuser, explorer, découvrir, tester des idées, les transformer, voir ce que ça donnait. Et donc l'exploration est venue d'abord dans ce refuge-là en disant, ok, le monde a l'air un peu dangereux, un peu pas très bienveillant. Comment est-ce que j'arrive à, moi, me trouver un espace de refuge où je peux exprimer ma créativité ? Et ça a été ça, donc les livres et puis l'exploration. Ensuite, petit à petit, les aspirations sont transformées en « Ah, comment est-ce que j'écris des petites histoires à raconter à mes amis, à mes camarades de classe, à ma petite sœur ? » « Comment est-ce que je dessine des collections si je voulais raconter la personnalité de ma sœur ou la personnalité de ma maman ? » « À quoi ça ressemblerait une collection pour elle ? » Et c'est comme ça que petit à petit, ce refuge-là s'est transformé en action.

  • Speaker #0

    Donc avec Rosquel, tu racontes des histoires, tu mets en avant des singularités, ce que je disais au tout début. Mais à quel moment tu as compris et voulu aussi utiliser la mode comme un outil politique finalement ?

  • Speaker #1

    Oui, alors je parlais d'injonction tout à l'heure. Les injonctions sur le corps en particulier sont extrêmement fortes. On veut qu'on soit mince, on veut que nos corps ne nous satisfassent jamais. Je suis justement créatrice de mode et c'est impressionnant à quel point les femmes ne sont pas satisfaites de leur corps. Je peux habiller... des femmes qui font du 34, du 36 comme des femmes qui font du 46, du 50 il n'y en a pas une qui est satisfaite parfaitement de son corps le problème c'est que en attendant ces corps existent, ils sont là ils vont nous accompagner toute notre vie et ils ne vont pas ressembler à ce qu'on a fantasmé d'eux donc il y a vraiment une approche au niveau de Grosquel de ce corps existe il fonctionne, il ressent des choses Ça c'est la priorité. Il faut que vous réussissiez, moi les femmes à qui je parle, il faut que vous réussissiez à vous détendre sur ce sujet. Juste d'abord se détendre, ensuite se faire plaisir. Si j'oublie, si je ferme les injonctions sociales et que je reste avec mon corps qui est là de toutes les façons, si j'admets que mon dixième régime là, il va arriver, il aura son heure, mon fameux corps... pour la plage va arriver, aura son heure. Mais en attendant, le corps là, il est présent, il faut que je kiffe. Il faut qu'on puisse vivre ensemble et se faire plaisir ensemble. Quel est le nouveau rapport que je définis avec ce corps ? Comment est-ce que je l'habille ? Et c'est vraiment ça, CrossCale, c'est OK, un vêtement, des vêtements, mais qui transforme ou qui interroge le rapport au corps, le rapport même au vêtement. L'approche dans CrossCale, c'est pas de faire des vêtements tendance. C'est pas le but. C'est de faire des vêtements qui... qui connecte, qui protège même. J'ai toujours le mot armure qui revient comme ça quand je parle de cross-calcée, de dire comment est-ce que je fais des vêtements qui racontent qui je suis, qui racontent ce que je ressens, qui racontent comment je me sens, qui racontent ma complexité même, qui racontent que je suis plus qu'un vêtement. C'est étrange, je fais des vêtements pour raconter que je suis plus qu'un vêtement. Qui, lorsque je me retrouve dans un lieu où je me sens impressionnée ou intimidée, qu'en passant la main, je suis mon vêtement. Je me souviens de messages clés ou de symboles justement forts qui me rappellent que je suis là, j'ai ma place, je suis légitime.

  • Speaker #0

    Oui, on sait à quel point le maquillage aussi, le vêtement peut être vecteur de confiance en soi, d'assurance pour les femmes aussi, j'imagine pour les hommes aussi. Mais dans l'idée, oui, le vêtement a un vrai rôle à jouer de réconciliation aussi.

  • Speaker #1

    Oui, de réconciliation avec soi-même, de réconciliation avec son corps.

  • Speaker #0

    Comment tu construis tes collections ? Comment tu puisses ton imagination ? Est-ce que c'est de l'intuition ? Est-ce qu'il y a des choses dans ta tête depuis longtemps ? Comment tu construis tout ça ?

  • Speaker #1

    Ça vient un peu de partout. Je pratique beaucoup ce que j'appelle l'incubation. Je fais confiance à mon inconscient. Je suis très intéressée par les sujets de psychanalyse et d'inconscient, du rapport entre la conscience, la subconscience et l'inconscient. Donc... En plus de ça, avec les années, j'ai vraiment développé une capacité à transformer des idées, donc connaître comment j'attrape une petite idée, je la transforme en quelque chose de plus concrète, de plus dense, avec de la matière. Donc en général, je vais avoir un petit mot, une petite idée qui va arriver, je vais la laisser incuber. Ça signifie que pendant des mois, je m'envoie des messages privés sur Telegram tout le temps, je vais m'envoyer régulièrement des petits messages en disant « ça me fait penser à ça, ça me fait penser à ça » . Je vais lire un livre, d'ailleurs je ne me souviens pas souvent des noms des écrivains, mais je vais me souvenir des concepts et je vais rattacher comme ça les petits concepts, les petites idées à ce projet-là. Et au bout de 3-4 mois, je vais récupérer tout ça et je vais dire, ok, est-ce qu'on a de la matière pour travailler sur une collection ? Ça va quand même toujours venir répondre aux différentes questions de la marque. Est-ce que j'arrive à travailler sur les questions d'identité ? Est-ce que j'arrive à pousser un peu plus au niveau de la libération de soi ou de la liberté ? Est-ce que j'arrive à construire ? à rapprocher le sujet de réconciliation avec soi-même ou avec son corps. Donc il va quand même y avoir des sortes de piliers qui vont revenir, mais l'idée viendra d'un peu partout.

  • Speaker #0

    Je me demandais aussi, comment c'est vraiment concrètement en 2025 de lancer une marque, enfin tu ne l'as pas lancée là, mais d'être une jeune marque de vêtements, de se faire connaître, surtout de porter ton message, parce qu'il est aussi important que le vêtement lui-même. Comment ça va en fait ?

  • Speaker #1

    Alors, en toute transparence, c'est très difficile.

  • Speaker #0

    J'imagine, c'est très,

  • Speaker #1

    très difficile. Il y a un petit cercle qu'on va construire assez rapidement, un noyau, mais réussir à sortir de ce noyau-là va être très difficile. Soit mes idées, d'ailleurs, ton opinion serait intéressante, soit mes idées sont trop profondes, trop décalées par rapport à ce que les gens attendent d'une marque de mode aujourd'hui. Soit elles sont inadaptées, je ne pense quand même pas que ce soit des idées inadaptées. Soit il y a autre chose, je suis consciente de ça, je viens d'un écosystème où il y a une image mainstream de ce que c'est que la mode africaine et où l'approche que j'apporte est quand même très différente. Donc j'accepte ces défis-là, je me dis ok je suis dans une vision long terme, je suis dans un bateau pour 20-30 ans. Si toutes les difficultés qu'on rencontre aujourd'hui nous permettent dans 10 ans d'arriver à notre objectif ou dans 20 ans d'arriver à notre objectif, ça en vaut la peine. J'essaie de le voir comme... Un chemin long.

  • Speaker #0

    Un travail de fond.

  • Speaker #1

    Un travail de fond. Donc je commence étape par étape et puis j'y vais doucement.

  • Speaker #0

    Et quelle est la prochaine étape par exemple ? Tu veux bien nous la partager.

  • Speaker #1

    La première étape d'abord c'était de construire l'identité de la marque. Qu'est-ce que je voulais faire ? Et ensuite de m'asseoir sur le sujet des savoirs à faire. Être une maison de mode, surtout une maison de luxe telle que celle que je veux construire. C'est savoir, avoir du savoir à faire. C'est savoir créer. C'est savoir maîtriser les textures, maîtriser son processus, savoir exactement ce qu'on propose à sa clientèle. C'était le premier défi. Il est rélevé, on est bon. Le deuxième défi, c'est de se faire connaître. Donc là, j'entre pile dans l'air où il faut que je communique, il faut que j'aille vers les autres. Il faut que je rebatte mon message encore et encore jusqu'à ce que tout le monde l'entende, jusqu'à ce que ça devienne indéniable.

  • Speaker #0

    J'espère que ce podcast, en tout cas, va y contribuer.

  • Speaker #1

    En tout cas aussi.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que tu ramènes du Cameroun aussi dans ton travail, d'où tu es originaire, dans cette volonté justement de transmission, de partage ? Qu'est-ce qu'on peut apprendre aussi de ce pays à travers ton travail ?

  • Speaker #1

    Je raconte toujours que j'appartiens au Cameroun comme le Cameroun m'appartient. Je suis consciente du fait que quand on vit une vie, on se transforme, c'est obligé. Mais je considère qu'on part de quelque part, donc il y a une sorte de noyau, d'essence primaire. et qu'au fil de nos rencontres, de nos découvertes, de la vie tout simplement, on va se transformer, donc on va évoluer. Mais l'essence est là. Mon essence primaire, c'est le Cameroun. La culture primaire dans laquelle j'ai incubé vient du Cameroun. Donc il y a un enjeu dans ma marque de puiser dans cette culture primaire-là, à la fois dans le passé de cette culture, dans le présent de cette culture, mais également de façonner le futur de cette culture, parce que ce ne sont pas des cultures mortes. Elles continuent de vivre et continuent d'évoluer. Je veux pouvoir contribuer à cette évolution. Mais donc, il y a l'idée de, OK, qu'est-ce que je prends de cette culture ? Comment est-ce que je transforme ce que je prends de cette culture-là ? Et comment est-ce que... Je partage cette culture au monde. Comment est-ce que je propose la philosophie, l'approche, le regard sur la beauté de cette culture-là aux femmes qui vont se sentir concernées ou vont être sensibles au message que porte la marque Kroskane ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est important d'avoir cette sensibilité-là en fait, en plus.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Je parlais tout à l'heure que tu es aussi architecte des imaginaires ou de l'imaginaire, tu peux me reprendre. Qu'est-ce que ça signifie et surtout, est-ce que ce n'est pas ambitieux dans le monde dans lequel on est actuellement ?

  • Speaker #1

    C'est très ambitieux dans le monde dans lequel on est, mais on est sur le podcast Elles Agissent. On va se permettre d'être ambitieuse. Pendant des années et des années, j'ai eu du mal à regrouper les différents fragments de ma personnalité. Je suis très créative, peut-être une artiste très, voilà, straight même. Mais je suis aussi une personne qui est passionnée d'économie. Ça fait dix ans que j'évolue dans le monde de la finance et des paiements. Je suis aussi une dirigeante d'entreprise avec un vrai regard sur qu'est-ce qui se passe au niveau, en termes de gestion d'entreprise, en termes de management des équipes, en termes de pilotage. Je suis aussi réalisatrice, productrice. En fait, je rassemble énormément de casquettes et j'avais pris l'habitude de segmenter tout ça et de choisir, je te rencontre Émilie, j'allais dire OK. Ce qui va t'intéresser, c'est peut-être la mode. Je ne te parle que de la mode. Et j'avais pris l'habitude de faire ça avec toutes les personnes autour de moi. Donc, il existait des fragments de ma personnalité comme ça. De voir un petit peu que tu disperses. Exactement, des fragments dispersés. Et je cherchais un moyen de me raconter facilement, de dire, OK, je suis ça. Et donc, j'y ai réfléchi longuement en disant, OK, qu'est-ce qui se passe exactement dans ma tête ? Ce qui se passe, c'est que j'attrape une idée. Je ne sais pas, j'ai envie de travailler sur le sujet de la mémoire. J'ai envie de travailler sur le sujet de l'identité. j'ai envie de travailler sur le ballet, je l'attrape et puis je commence à enrichir et à rajouter de la matière à cette idée-là. Et ensuite, je décide de la discipline ou de comment est-ce que je vais l'appliquer. La discipline arrive plus tard. Donc, c'est une fois que j'aurai enrichi l'idée, je vais dire, ah, je vois bien cette idée dans un film. C'est comme ça que je vais mettre ma casquette de réalisatrice ou de productrice. Je vais dire, ah, cette idée pourrait être développée dans une collection. Ou alors cette idée peut être développée dans un livre. Et c'est comme ça que la discipline va intervenir. Mais la discipline intervient surtout comme un moyen de donner vie à l'idée, plutôt que comme le travail initial d'attraper l'idée et de la transformer en quelque chose de concret. Donc ce qui chapeaute tout ça, c'est ce métier d'architecte. Architecte des idées. Donc les idées, ça se passe dans les imaginaires. C'est comme ça qu'est né le terme architecte des imaginaires, qui venait rassembler ou venait attraper plutôt... La casquette qui chapeaute toutes les autres casquettes qui est de dire mon boulot c'est de savoir comment attraper une idée banale, abstraite et de lui donner vie, de la rendre concrète, évidente pour les autres.

  • Speaker #0

    J'ai envie de rebondir sur cet aspect effectivement de pluralité, de ce que tu entreprends, etc. qui me parle beaucoup parce que moi aussi je suis dans plein de domaines, mais c'est quand même encore compliqué de se faire reconnaître. et d'être validée dans tous ces différents domaines. Souvent, on me dit, mais tu devrais juste être quelque chose parce que tu nous disperses et ça perd en crédibilité. Est-ce que tu le ressens aussi ? Est-ce que c'est des choses qu'on te dit ? Et alors que moi, j'ai l'impression qu'une fois que j'ai ouvert le chemin des possibles, on ne peut pas m'arrêter. C'est-à-dire que tant que j'ai envie de faire quelque chose, je vais le faire. Et je ne pense pas être mauvaise pour autant parce que je me multiplie. Est-ce que ça te parle,

  • Speaker #1

    ça ? Ça me parle complètement. Ça résonne. complètement et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles j'ai fragmenté c'est parce que lorsque j'essayais de parler de deux casquettes différentes à une personne il y avait quand même un blanc ou alors le discours de mais pourquoi tu ne choisis pas il y a toujours ce truc de soit on va décider qu'une de tes casquettes c'est un hobby non c'est pas un hobby soit on va décider qu'il faut que tu choisisses que tu es en train de préparer l'abandon d'une casquette pour embrasser la nouvelle Mais ça va être très très difficile pour les gens de juste accepter que tu existes dans toute cette sphère-là. C'est quand même très particulier parce que je m'intéresse beaucoup à la philosophie. Quand je regarde les philosophes ou même les grands penseurs ou les génies des temps passés, ils faisaient plein de choses. Quand tu regardes une personne comme Leonardo da Vinci, il faisait plein de choses. Personne ne lui demandait de choisir un unique domaine. Je me dis mais... Si tu jouissais de cette liberté, encore la liberté, pourquoi je ne pourrais pas jouir de la même liberté ? Donc en ce moment,

  • Speaker #0

    on ne peut pas tous être délégués. La merde est aussi là ! Non mais blague à part, je suis totalement d'accord et j'ai souvent cette référence en tête de lui, il est tellement pluriel et même dans sa vie perso, il ne s'est donné aucune limite et je trouve que, enfin oui, soyons tous délégués.

  • Speaker #1

    Mais oui, et pourtant il est respecté, c'est ce qu'il a été.

  • Speaker #0

    Mais bon, c'est un génie aussi. On est tous des génies.

  • Speaker #1

    On va commencer comme ça. Et oui, il y a ça. Donc, c'est très difficile. Mais j'ai décidé qu'à force de répéter, les gens ne finissent pas s'habituer. C'est vraiment... Je crois qu'il existe un podcast comme ça. C'est Habitue-toi ou quelque chose comme ça.

  • Speaker #0

    Je ne connais pas. Mais oui, effectivement, à force de dire qu'on est pluriel, ça passera et ça s'ancrera. Et c'est aussi une action.

  • Speaker #1

    C'est aussi une action. Exactement.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu veux bien nous parler ? de ton projet Le Ballet, s'il te plaît. On l'a survolé jusqu'à présent. J'aimerais que tu nous en parles un petit peu plus.

  • Speaker #1

    Ah, c'est mon nouveau bébé. Il est arrivé très naturellement dans la suite du travail que je faisais. Au tout début, je te disais que j'avais commencé par le travail sur l'identité. Je me posais des questions sur qui est-ce que je suis lorsque je fais à terre les injonctions sociales. Ensuite, j'ai attaqué un travail sur OK. Qu'est-ce qui dans mon intérieur est douloureux, traumatisant ? J'ai travaillé autour de la recherche de la mémoire. J'ai fait d'ailleurs un court-métrage dessus, une collection sur les phobies et les dysmorphophobies. Comment est-ce que j'attrape des terreurs intérieures et je les incarne dans des phobies, en ayant peur des petits animaux ? Ou alors, comment est-ce que je mets cette erreur ou cette peur sur mon corps, la dysmorphophobie ? J'ai travaillé là-dessus et en faisant ce travail-là, je suis allée au fond de mes traumatismes à moi avec l'idée de les dépasser. Et pendant que je travaillais sur cette collection et sur ce court-métrage, j'étais au Cameroun et vraiment j'entre dans un bar et j'entends cette chanson de Henri Dicongue qui dit « balayer, balayer, balayer, les bleus suits de mon passé, tout paraît beau, tout paraît léger comme si le monde avait changé » . Et c'est de là que part l'idée, c'est vraiment de là, de dire « ah mais oui, qu'est-ce qui se passe si j'ai un balai magique comme ça qui peut balayer mes bleus suits ? » D'abord d'un point de vue introspectif, mais ensuite d'un point de vue social, qu'est-ce qui se passe si une société... à un balai qui l'oblige à regarder ses blessures, à s'occuper de soigner de ses blessures, et ensuite à penser à la guérison, à la réconciliation et à se concentrer sur l'avenir. Qu'est-ce qui se passe si je propose cet objet-là et que j'invite les gens à réfléchir à « Ok, qu'est-ce qui se passe dans notre société ? » C'est cool, on voit tellement de choses dans l'actualité, je n'ai même pas envie d'y penser. Mais qu'est-ce qui se passe dans notre société ? On sera encore là dans 50 ans. Qu'est-ce que c'est la vie dans 50 ans ? Qu'est-ce que c'est la vie dans 100 ans ? Est-ce qu'on commence à y travailler aujourd'hui ? Est-ce qu'on commence à se projeter ? Est-ce qu'on pense à réparer ses blessures ? À se soigner, à se réconcilier, à construire ensemble ? Et comment est-ce qu'on le fait ? Et le projet Le Ballet, c'est ça. C'est comment est-ce que j'arrive à proposer un symbole fort, à proposer des pistes, des idées comme ça, pour qu'on arrive à travailler sur ces sujets-là, sur ces thématiques-là. Et donc les moyens de le faire, on parlait des disciplines tout à l'heure, c'est avec un film, j'ai envie de faire un long métrage, Le Ballet. où je raconte la recherche de ce fameux balai magique. C'est un film, un long métrage, dans lequel on suit la quête de cinq protagonistes qui vont à la recherche de ce balai. À la fin du film, spoiler, elle rapporte le balai. L'idée, c'est de dire, OK, on sort de la fiction, on rentre dans la réalité. Qu'est-ce qui se passe socialement lorsqu'on a un balai magique comme ça ? La deuxième étape, ou le deuxième pilier du projet, le balai, c'est d'organiser un événement, un débat. Un événement de dialogue en fait, où on met autour de la scène différentes parties prenantes, différents acteurs de la société, différents représentants des différentes couches sociales de la société, des différents groupes de la société, où on les invite à discuter ensemble. Mais avec dans l'approche l'idée de garder en tête que, ok, on a des conflits, des dissensions et plein de blessures, de fractures, mais on doit pouvoir réfléchir à l'avenir. Qu'est-ce qui se passe si on peut vraiment balayer et aller de l'avant ? Voilà, c'est vraiment ce concept-là qui reste clé dans l'événement. Et la dernière partie, c'est l'installation monumentale. L'idée, c'est de dire, OK, j'ai envie que ça reste une action continue, que ça se poursuive, que ce ne soit pas quelque chose qu'on fait comme ça un mois, deux mois et après on oublie. Comment est-ce que j'arrive à rappeler régulièrement aux gens ?

  • Speaker #0

    À l'ancrer.

  • Speaker #1

    C'est ça, à l'ancrer. Exactement, que ce soit pérenne. Et même que les gens définissent des petites actions, des petites habitudes autour de ce ballet-là. L'idée c'est ça, faire une installation monumentale dans une commune, dans une ville, dans une capitale, avec l'idée que quand les gens vont passer là, ils vont se souvenir du ballet, avec des petits rituels, des petites zones pour écrire ces blessures et les brûler, dans la petite cheminée qui sera prévue pour ça, ou le petit coin qui sera prévu pour ça, mais vraiment avec le truc de, ok, on continue de l'incréer dans les imaginaires. D'ailleurs, ça me fait penser à quelque chose. Dans les petites actions comme ça, silencieuses, qu'on peut porter avec un symbole ou autour d'un symbole, il y a, c'est aujourd'hui je crois, la journée de soutien aux personnes portant des trisomies 21. Et l'une des actions de résistance qui est proposée, c'est simplement de porter des chaussettes dépareillées. Je trouve ça magnifique, ça ne coûte rien. Et pourtant, ça nous oblige, par exemple, j'ai fait l'exercice ce matin, d'expliquer à mes enfants, ah mais on met des chaussettes dépareillées. parce qu'on veut soutenir les enfants porteurs de cet handicap-là. Donc c'est vraiment ce type de petites actions que j'aimerais pouvoir pousser avec le projet Le Balein. Des petits transformateurs, mais qui gravent quand même à l'intérieur l'idée que l'avenir viendra et qu'il faut qu'on travaille à cet avenir-là.

  • Speaker #0

    Et tu en es où justement dans ce projet ?

  • Speaker #1

    Alors je viens de passer... Cinq mois facilement dans la phase de conception, préparation pour vraiment fignoler le projet, le construire, le définir. Et j'ai attaqué la phase de lever de fonds depuis le 10 mars, donc ça fait 11 jours aujourd'hui. Donc c'est une phase où je rencontre des fondations, des RSE, des organismes internationaux pour essayer de présenter le projet, pour roder le projet aussi, pour voir comment est-ce que je peux trouver des angles intéressants pour eux. Et naturellement, évidemment, pour les convaincre d'investir avec moi sur ce projet-là.

  • Speaker #0

    Et c'est quoi les premiers retours du coup ?

  • Speaker #1

    Deux premiers retours parce que là, j'en suis au deux premiers rendez-vous. Deux premiers retours très intéressants. Le premier retour, il faut que je travaille sur l'aspect concret pour les entreprises. Qu'est-ce qu'elles y gagnent concrètement ? Parce que malheureusement, les entreprises ont cette Ausha de qu'est-ce qu'on y gagne. Et le deuxième retour, plutôt... Dans l'autre sens, c'est comment est-ce que j'arrive à monter à l'Assemblée nationale avec ce projet, comment est-ce que j'arrive à le transformer en quelque chose de social, et donc de monter une pétition, de faire signer des pétitions, de vraiment pousser pour qu'il y ait des actions concrètes qui soient menées là-dessus. Donc il y a à la fois le besoin de descendre plus bas pour faire du concret par entreprise. et le besoin de monter plus haut pour aller le porter encore plus loin que ce que je l'imaginais.

  • Speaker #0

    Oui, l'action sur tous les niveaux.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Justement, c'est quoi ta définition d'agir ?

  • Speaker #1

    Déjà être bienveillante envers soi-même. On commence à agir lorsqu'on est bienveillante avec soi-même. Et ensuite, accepter que le chemin sera long et faire des petites actions. Un pas après l'autre, un courage, un bout de courage après l'autre. Parfois, je négocie avec moi-même. Allez, aujourd'hui, deux petites actions. Et après,

  • Speaker #0

    je vois bien l'idée.

  • Speaker #1

    Je négocie. C'était quand ? C'était mardi de la semaine dernière. J'allais au forum CB. Je suis plutôt une introvertie, donc je suis moins à l'aise pour ouvrir les conversations et discuter comme ça. Et je m'étais fixé un petit objectif. Allez, tu réussis à parler à trois personnes, trois personnes que tu ne connais pas, et c'est bon. Donc, j'avais cet objectif en tête. Le matin, je suis arrivée, j'ai dit, allez, tu fais la première personne, comme ça, après, il ne te reste que deux. Donc, j'ai fait la première personne, ça m'a détendue. Je me suis dit, OK, bon, allez, on se motive pour la deuxième et la troisième. Et je me suis retrouvée en train de parler, d'ailleurs, à un dirigeant d'entreprise. Il y a cinq ans, je n'aurais pas eu le courage de l'aborder. Je discutais avec lui. Ensuite, je me suis fait une petite tape sur l'épaule, comme si je disais, bon, bravo. Tu vois, tu vois, tu es arrivé. Donc, j'ai réussi à atteindre mon objectif de trois personnes avec qui discuter. Et puis, voilà, c'était ça pour moi l'action.

  • Speaker #0

    Oui, tu nous donnes là aussi un conseil, de se donner aussi parfois des objectifs très simples d'agir. Ça peut être à la fois dans le quotidien et sur, oui comme tu le dis, parfois par nous en premier, pour qu'on puisse déjà rayonner avant de vouloir faire rayonner autre chose parfois.

  • Speaker #1

    Exactement, exactement. Mais là, l'action passe par nous. En fait, c'est nous qui constituons le monde. C'est chacun qui constitue le monde. Je pensais à ça, au fait qu'on parle tellement de... je ne sais pas, des grands milliardaires ou bien du nouveau président américain, on ne va pas le nommer, qui sont si présents dans nos actualités, dans nos imaginaires, en fait, ils prennent de la place. Et on voit qu'ils parfois peuvent nourrir de la colère par rapport aux messages qu'ils peuvent porter. Et je me disais, mais eux, ils se battent pour que leur vision du monde advienne.

  • Speaker #0

    C'est à nous de nous battre pour que notre vision du monde advienne. C'est une bataille, ils se battent pour leurs intérêts. Et c'est normal en fait, il n'y a pas à leur en vouloir pour ça. Nous, notre boulot c'est de nous battre pour notre intérêt. Prenons un autre exemple d'action concrète. Nous sommes des femmes, on sait qu'on a plus de mal à publier sur LinkedIn. Il y a six mois, j'étais paralysée à l'idée de parler de mes autres univers sur LinkedIn. Sur LinkedIn, j'étais une espèce du paiement, je ne postais pas, je n'existais pas.

  • Speaker #1

    J'ai perdu le jugement.

  • Speaker #0

    Peur du jugement, peur que ça allait me casser, même des opportunités, peur que les gens ne s'y retrouvent pas dans toutes les casquettes qui étaient les miennes, peur que les gens concluent que parce que je parlais de cinéma ou de mode, ça signifiait que j'avais quitté le paiement. Il y avait tellement de peur autour de ça. Et puis un jour, je me suis dit, bon, allez, un petit acte de courage et après on voit. Donc j'ai fait mon premier poste et je me suis fixé une petite condition. Tu ne le supprimes pas, ce poste, pendant 24 heures. Juste ça. Tu le postes et tu... tu résistes à l'envie d'aller le supprimer parce que personne n'a réagi parce que non mais attends, les gens le lisent qu'est-ce qu'ils vont penser ça t'angoisse ça ? oui ça m'angoissait mais en plus je suis une personne je passe mon temps à envisager les possibles donc à retourner les situations en disant ok mais attends et donc je me dis allez tu n'y touches pas pendant 24h et ainsi de suite et puis j'ai fait mon premier, mon deuxième j'ai oublié de passer la cinquantaine de postes et puis je ne suis pas morte, j'ai continué et je vais continuer donc voilà

  • Speaker #1

    Est-ce que tu es une femme au quotidien qui t'inspire, qui te donne envie d'agir, qui est peut-être un modèle ou quelqu'un en tout cas, comme Wafa qui nous a mis en relation, qui m'a dit il faut que tu l'interview, c'est quelqu'un qui agit. Est-ce que tu as d'autres personnes en tête ? Ça serait qui ? Pourquoi aussi ? Qu'est-ce qui est inspirant dans ce qu'elle fait ?

  • Speaker #0

    J'en ai plein déjà. Depuis 5 ou 6 ans, de manière très consciente, je vais beaucoup... lire des écrivaines femmes et même des écrivaines femmes noires. Je vais beaucoup m'intéresser au travail des femmes de manière consciente. Je vais décider parfois de m'entourer de femmes, de femmes entrepreneurs, de femmes qui ont un parcours similaire au mien, avec dans l'idée de, ok, déjà, c'est dû pour moi, ça doit être dur pour elles aussi. Donc, on va se soutenir. Et ensuite, quand je serai au plus bas, elles vont me dire de continuer. Donc, j'en ai plein autour de moi. Je n'ai pas ou la porte qui est l'une de mes meilleure amie que je suis, qui est entrepreneur et qui s'est lancée, mais avec qui on s'encourage tout le temps. J'ai Wafa autour de moi, qui est naturellement une boxeuse et une bosseuse, donc je lui fais un coucou. D'ailleurs,

  • Speaker #1

    je fais juste une parenthèse pour vous inviter à écouter son épisode. Je le mettrai en commentaire pour vous dire quel numéro c'est, mais effectivement, il faut s'inspirer des femmes qui nous entourent.

  • Speaker #0

    Et dans les femmes qui sont un peu plus avancées que moi, je lis beaucoup Léonora Miano, une écrivaine extraordinaire. mais vraiment une écrivaine importante, je crois, pour notre ère. Je lis beaucoup cette femme, je lis aussi beaucoup Shimamanda Gozi Asdiche, qui est une écrivaine nigérienne qui a fait une partie de sa vie aux Etats-Unis. Et donc voilà, je suis autour des femmes et je pense que je vais y aller de plus en plus, à m'entourer de femmes.

  • Speaker #1

    Ça inspire de s'intéresser aux femmes. Oui,

  • Speaker #0

    complètement. Mais c'est assez fou, ça me met presque en colère de me rendre compte que j'ai passé les 30 premières années de ma vie. de manière inconsciente à lire beaucoup d'écrivains hommes, à regarder beaucoup de films faits par des hommes, des séries faites par des hommes, où les hommes avaient les péchenards principaux. Alors il y aura toujours la place pour les hommes, mais je fais consciemment de la place pour les femmes.

  • Speaker #1

    Je crois qu'on va rester sur cette même parole. Vraiment. Merci Ornella pour ce que tu fais, pour ce discours où il y a plein de phrases inspirantes. J'espère que nos auditeurs, auditrices l'auront aussi ressenti. Et bravo. pour ce que tu entreprends.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi, Émilie, pour cette invitation et pour cette magnifique conversation. Je me suis sentie tellement à l'aise. Tu vas gérer tout donné. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci.

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Description

Cette semaine, je reçois Ornella Djoukui dans Elles Agissent.


Ornella est une femme plurielle.

Créatrice de la maison de mode Kroskel, elle pense le vêtement comme un outil de narration, un espace de réconciliation avec soi, avec son corps, avec l’histoire.
Mais son univers dépasse la mode. Ornella est aussi réalisatrice, entrepreneure et "architecte des imaginaires", une expression qu’elle utilise pour désigner son rôle : attraper des idées abstraites et les transformer en projets concrets, engagés et porteurs de sens.


Dans cet épisode, elle nous parle de liberté, de mémoire, de création, de pluralité et de son projet transdisciplinaire Le Balai, qui interroge nos blessures sociales, nos héritages invisibles et nos possibles réconciliations collectives.


Un échange vous le verrez à la fois dense, lumineux, plein de joie.

L'épisode de Wafaâ,Amal, que l'on évoque est l'épisode 57.


#EllesAgissent #Podcast #OrnellaDjoukui #ModeEngagée #Création #Afrofuturisme #ArtEtSociété #LeadershipFéminin #IdentitéCulturelle #LeBalai


Retrouvez toutes les informations sur www.ellesagissent.com

Retrouvez moi sur www.emilieberthet.fr

Sur mon Instagram Berthet_Emilie


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Musique:  Amour Aveugle / Garçon de Plage


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Ornella.

  • Speaker #1

    Bonjour Émilie.

  • Speaker #0

    Merci d'être mon invitée d'Alsagis, je suis ravie.

  • Speaker #1

    Je suis ravie également.

  • Speaker #0

    J'ai beaucoup aimé la rapidité avec laquelle on s'est connue et on a échangé et laquelle on se rencontre aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Je n'ai jamais fait ça aussi vite. C'était super rapide.

  • Speaker #0

    On est efficaces toutes les deux, j'ai l'impression.

  • Speaker #1

    Je suis complètement alignée, très efficace, on savait ce qu'on voulait donc on y est allé là.

  • Speaker #0

    Alors Ornella, tu es une femme plurielle. Je trouve que tu es au carrefour de plusieurs mondes, à la fois dans les disciplines que tu aimes travailler, que tu aimes explorer, que ce soit la création, la stratégie, l'identité et même l'innovation. Tu as fondé la maison de mode Crosskel, et j'ai senti sur les cas, comme tu m'as demandé, qui façonne plus que des vêtements. C'est vraiment une marque que tu as créée pour partager des récits. mais aussi un espace qui offre un peu, d'ailleurs comme ici, comme le podcast, un espace de transmission pour les femmes, notamment au travers de messages comme leur liberté, leur curiosité, mais aussi toute une culture beaucoup trop invisibilisée que tu souhaites mettre en avant. Et quand je disais que tu étais une femme plurielle il y a quelques secondes, je n'exagère pas du tout parce que tu es aussi réalisatrice, entrepreneuse et tu vas nous expliquer ce que tu entends par là, mais architecte. d'imaginaire, autour de ces projets qui regroupent aussi le projet Le Ballet, qui va lui interroger nos mémoires collectives, et où tu vas apporter un travail, une pierre à l'édifice autour de ces thèmes. En tout cas, dans tous ces projets, j'ai le sentiment qu'à la fois l'art, la création, est toujours centrale dans ce que tu entreprends, mais toujours aussi porteur de sens, de mémoire, de transformation. Et est-ce que tous tes projets professionnels sont aussi un moyen d'action pour toi. En fait, je me demandais si c'était une manière à la fois de aussi réparer, de résister et d'ouvrir sur de nouvelles perspectives.

  • Speaker #1

    Il y a tellement de questions et tellement de choses dans ce que tu viens de dire, Émilie. C'est tellement riche. Donc déjà, merci pour le travail de recherche autour de qu'est-ce que je fais, qu'est-ce qui me motive, pourquoi je mène ces actions. Donc c'est vraiment très professionnel de ta part. Et ensuite, on va commencer par la dernière question. Je suis animée par un désir de liberté. Le moteur, c'est l'envie d'être libre. Mais j'ai compris très vite que ma liberté passait par celle des autres. Donc il y a ma liberté et il y a la liberté des autres. Et elle passe par ce qu'il y a dans mon intérieur et ce qu'il y a dans l'intérieur des autres. Quand j'appelle l'intérieur, je parle de la mémoire, mais pas seulement du point de vue de qu'est-ce qu'on stocke comme élément dans la mémoire ou qu'est-ce qu'on a comme... information, mais du point de vue de quelles sont les réflexions qui envahissent ou qui habitent notre mémoire, quels sont les symboles qui existent dans cette mémoire-là, quelles sont les représentations, quelles sont les histoires rocambolesques ou réelles qui sont présentes dans cette mémoire et comment est-ce qu'on enregistre cette mémoire pour que ce soit agréable de s'y promener. Donc je veux être libre, ça c'est la première chose. Et comme je veux être libre, il faut que je mène des actions. pour pouvoir atteindre cette liberté-là et pour pouvoir permettre aux personnes autour de moi d'atteindre leur liberté à eux. Et donc pour être libre, il y a différentes étapes dans cette démarche. La première étape de la liberté, c'est d'abord se connaître. Ok, nous existons dans un monde où c'est rempli d'injonctions sociales, où on reçoit des injonctions à longueur de journée sur ce qu'on peut être, ce qu'on a le droit d'être, ce qu'on peut dire, ce qu'on a le droit de dire, ce qu'on peut penser. Comment est-ce qu'on peut exister ? Comment est-ce qu'on peut s'incarner dans le monde ? La première étape de mon travail, c'est comment j'arrive à faire abstraction de cette injonction pour retrouver mon identité propre. Qui est-ce que je suis réellement ? Au-delà de ma peau de femme noire, au-delà de mon jarre de femme, au-delà de ma taille, au-delà de l'enveloppe corporelle que je porte, quel est mon type d'humour ? À quoi est-ce que je suis sensible ? Qu'est-ce qui me fait rire ? Qu'est-ce qui me fait pleurer ? qui est-ce que je suis réellement, qu'est-ce qui me fait vibrer. Et donc, une fois que j'ai trouvé qui est-ce que je suis réellement, comment est-ce que je m'exprime, comment est-ce que je m'incarne dans le monde ? Et ça, c'est hyper important pour moi. Mais surtout, l'une des choses les plus importantes, c'est de comprendre que ma liberté vient avec des contraintes. C'est même ça la liberté, c'est de dire, être libre, c'est sans péché. Cette phrase n'est pas de moi, mais je suis terrible avec les noms. Je sais qu'elle vient de quelqu'un d'autre. Donc c'est comment j'arrive à poser des limites à ma liberté et à inviter les autres à poser des limites à leur liberté. Je parle d'une liberté, pas la liberté d'exploiter. Pas la liberté d'utiliser, non, la liberté de me déployer dans le respect de la liberté des autres. Donc la liberté de me saisir, de m'empêcher. Donc c'est vraiment ça. Et ça c'est vraiment hyper prioritaire, hyper moteur dans toutes les actions que je vais porter. Donc cette notion de liberté, cette notion de mémoire, cette notion de partage ou de connexion avec les autres également.

  • Speaker #0

    Tu as toujours eu cette envie de liberté ou en tout cas tu es toujours consciente de cette notion, de l'importance de cette notion pour toi ? Où c'est venu suite à un événement particulier, suite justement à ta prise de fonction, où tu t'es dit je veux aussi que mon travail, que mon engagement ait un sens ?

  • Speaker #1

    En fait non, je n'ai pas toujours été consciente, je n'ai pas toujours été capable de poser les mots sur ce que je poursuivais. J'ai toujours été obsédée par certaines choses, notamment le fait d'écrire, de faire de la poésie, de dessiner. D'attraper des concepts et d'essayer de travailler dessus, j'ai toujours fait ça. Mais c'était un refuge au début. J'ai traversé, moi, comme plein de gens, je le dis sans que ce ne soit un point de singularité, j'ai traversé des violences sexuelles par exemple, j'ai traversé le rejet paternel. Et une façon de réagir à ça, ça a été de m'isoler dans mon monde à moi. C'est pour ça que je parle souvent de mémoire. C'est parce que d'une certaine façon, je vivais dans cet espace-là. Je vivais à l'intérieur de moi-même et qu'à l'intérieur de moi-même, il fallait bien s'amuser, explorer, découvrir, tester des idées, les transformer, voir ce que ça donnait. Et donc l'exploration est venue d'abord dans ce refuge-là en disant, ok, le monde a l'air un peu dangereux, un peu pas très bienveillant. Comment est-ce que j'arrive à, moi, me trouver un espace de refuge où je peux exprimer ma créativité ? Et ça a été ça, donc les livres et puis l'exploration. Ensuite, petit à petit, les aspirations sont transformées en « Ah, comment est-ce que j'écris des petites histoires à raconter à mes amis, à mes camarades de classe, à ma petite sœur ? » « Comment est-ce que je dessine des collections si je voulais raconter la personnalité de ma sœur ou la personnalité de ma maman ? » « À quoi ça ressemblerait une collection pour elle ? » Et c'est comme ça que petit à petit, ce refuge-là s'est transformé en action.

  • Speaker #0

    Donc avec Rosquel, tu racontes des histoires, tu mets en avant des singularités, ce que je disais au tout début. Mais à quel moment tu as compris et voulu aussi utiliser la mode comme un outil politique finalement ?

  • Speaker #1

    Oui, alors je parlais d'injonction tout à l'heure. Les injonctions sur le corps en particulier sont extrêmement fortes. On veut qu'on soit mince, on veut que nos corps ne nous satisfassent jamais. Je suis justement créatrice de mode et c'est impressionnant à quel point les femmes ne sont pas satisfaites de leur corps. Je peux habiller... des femmes qui font du 34, du 36 comme des femmes qui font du 46, du 50 il n'y en a pas une qui est satisfaite parfaitement de son corps le problème c'est que en attendant ces corps existent, ils sont là ils vont nous accompagner toute notre vie et ils ne vont pas ressembler à ce qu'on a fantasmé d'eux donc il y a vraiment une approche au niveau de Grosquel de ce corps existe il fonctionne, il ressent des choses Ça c'est la priorité. Il faut que vous réussissiez, moi les femmes à qui je parle, il faut que vous réussissiez à vous détendre sur ce sujet. Juste d'abord se détendre, ensuite se faire plaisir. Si j'oublie, si je ferme les injonctions sociales et que je reste avec mon corps qui est là de toutes les façons, si j'admets que mon dixième régime là, il va arriver, il aura son heure, mon fameux corps... pour la plage va arriver, aura son heure. Mais en attendant, le corps là, il est présent, il faut que je kiffe. Il faut qu'on puisse vivre ensemble et se faire plaisir ensemble. Quel est le nouveau rapport que je définis avec ce corps ? Comment est-ce que je l'habille ? Et c'est vraiment ça, CrossCale, c'est OK, un vêtement, des vêtements, mais qui transforme ou qui interroge le rapport au corps, le rapport même au vêtement. L'approche dans CrossCale, c'est pas de faire des vêtements tendance. C'est pas le but. C'est de faire des vêtements qui... qui connecte, qui protège même. J'ai toujours le mot armure qui revient comme ça quand je parle de cross-calcée, de dire comment est-ce que je fais des vêtements qui racontent qui je suis, qui racontent ce que je ressens, qui racontent comment je me sens, qui racontent ma complexité même, qui racontent que je suis plus qu'un vêtement. C'est étrange, je fais des vêtements pour raconter que je suis plus qu'un vêtement. Qui, lorsque je me retrouve dans un lieu où je me sens impressionnée ou intimidée, qu'en passant la main, je suis mon vêtement. Je me souviens de messages clés ou de symboles justement forts qui me rappellent que je suis là, j'ai ma place, je suis légitime.

  • Speaker #0

    Oui, on sait à quel point le maquillage aussi, le vêtement peut être vecteur de confiance en soi, d'assurance pour les femmes aussi, j'imagine pour les hommes aussi. Mais dans l'idée, oui, le vêtement a un vrai rôle à jouer de réconciliation aussi.

  • Speaker #1

    Oui, de réconciliation avec soi-même, de réconciliation avec son corps.

  • Speaker #0

    Comment tu construis tes collections ? Comment tu puisses ton imagination ? Est-ce que c'est de l'intuition ? Est-ce qu'il y a des choses dans ta tête depuis longtemps ? Comment tu construis tout ça ?

  • Speaker #1

    Ça vient un peu de partout. Je pratique beaucoup ce que j'appelle l'incubation. Je fais confiance à mon inconscient. Je suis très intéressée par les sujets de psychanalyse et d'inconscient, du rapport entre la conscience, la subconscience et l'inconscient. Donc... En plus de ça, avec les années, j'ai vraiment développé une capacité à transformer des idées, donc connaître comment j'attrape une petite idée, je la transforme en quelque chose de plus concrète, de plus dense, avec de la matière. Donc en général, je vais avoir un petit mot, une petite idée qui va arriver, je vais la laisser incuber. Ça signifie que pendant des mois, je m'envoie des messages privés sur Telegram tout le temps, je vais m'envoyer régulièrement des petits messages en disant « ça me fait penser à ça, ça me fait penser à ça » . Je vais lire un livre, d'ailleurs je ne me souviens pas souvent des noms des écrivains, mais je vais me souvenir des concepts et je vais rattacher comme ça les petits concepts, les petites idées à ce projet-là. Et au bout de 3-4 mois, je vais récupérer tout ça et je vais dire, ok, est-ce qu'on a de la matière pour travailler sur une collection ? Ça va quand même toujours venir répondre aux différentes questions de la marque. Est-ce que j'arrive à travailler sur les questions d'identité ? Est-ce que j'arrive à pousser un peu plus au niveau de la libération de soi ou de la liberté ? Est-ce que j'arrive à construire ? à rapprocher le sujet de réconciliation avec soi-même ou avec son corps. Donc il va quand même y avoir des sortes de piliers qui vont revenir, mais l'idée viendra d'un peu partout.

  • Speaker #0

    Je me demandais aussi, comment c'est vraiment concrètement en 2025 de lancer une marque, enfin tu ne l'as pas lancée là, mais d'être une jeune marque de vêtements, de se faire connaître, surtout de porter ton message, parce qu'il est aussi important que le vêtement lui-même. Comment ça va en fait ?

  • Speaker #1

    Alors, en toute transparence, c'est très difficile.

  • Speaker #0

    J'imagine, c'est très,

  • Speaker #1

    très difficile. Il y a un petit cercle qu'on va construire assez rapidement, un noyau, mais réussir à sortir de ce noyau-là va être très difficile. Soit mes idées, d'ailleurs, ton opinion serait intéressante, soit mes idées sont trop profondes, trop décalées par rapport à ce que les gens attendent d'une marque de mode aujourd'hui. Soit elles sont inadaptées, je ne pense quand même pas que ce soit des idées inadaptées. Soit il y a autre chose, je suis consciente de ça, je viens d'un écosystème où il y a une image mainstream de ce que c'est que la mode africaine et où l'approche que j'apporte est quand même très différente. Donc j'accepte ces défis-là, je me dis ok je suis dans une vision long terme, je suis dans un bateau pour 20-30 ans. Si toutes les difficultés qu'on rencontre aujourd'hui nous permettent dans 10 ans d'arriver à notre objectif ou dans 20 ans d'arriver à notre objectif, ça en vaut la peine. J'essaie de le voir comme... Un chemin long.

  • Speaker #0

    Un travail de fond.

  • Speaker #1

    Un travail de fond. Donc je commence étape par étape et puis j'y vais doucement.

  • Speaker #0

    Et quelle est la prochaine étape par exemple ? Tu veux bien nous la partager.

  • Speaker #1

    La première étape d'abord c'était de construire l'identité de la marque. Qu'est-ce que je voulais faire ? Et ensuite de m'asseoir sur le sujet des savoirs à faire. Être une maison de mode, surtout une maison de luxe telle que celle que je veux construire. C'est savoir, avoir du savoir à faire. C'est savoir créer. C'est savoir maîtriser les textures, maîtriser son processus, savoir exactement ce qu'on propose à sa clientèle. C'était le premier défi. Il est rélevé, on est bon. Le deuxième défi, c'est de se faire connaître. Donc là, j'entre pile dans l'air où il faut que je communique, il faut que j'aille vers les autres. Il faut que je rebatte mon message encore et encore jusqu'à ce que tout le monde l'entende, jusqu'à ce que ça devienne indéniable.

  • Speaker #0

    J'espère que ce podcast, en tout cas, va y contribuer.

  • Speaker #1

    En tout cas aussi.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que tu ramènes du Cameroun aussi dans ton travail, d'où tu es originaire, dans cette volonté justement de transmission, de partage ? Qu'est-ce qu'on peut apprendre aussi de ce pays à travers ton travail ?

  • Speaker #1

    Je raconte toujours que j'appartiens au Cameroun comme le Cameroun m'appartient. Je suis consciente du fait que quand on vit une vie, on se transforme, c'est obligé. Mais je considère qu'on part de quelque part, donc il y a une sorte de noyau, d'essence primaire. et qu'au fil de nos rencontres, de nos découvertes, de la vie tout simplement, on va se transformer, donc on va évoluer. Mais l'essence est là. Mon essence primaire, c'est le Cameroun. La culture primaire dans laquelle j'ai incubé vient du Cameroun. Donc il y a un enjeu dans ma marque de puiser dans cette culture primaire-là, à la fois dans le passé de cette culture, dans le présent de cette culture, mais également de façonner le futur de cette culture, parce que ce ne sont pas des cultures mortes. Elles continuent de vivre et continuent d'évoluer. Je veux pouvoir contribuer à cette évolution. Mais donc, il y a l'idée de, OK, qu'est-ce que je prends de cette culture ? Comment est-ce que je transforme ce que je prends de cette culture-là ? Et comment est-ce que... Je partage cette culture au monde. Comment est-ce que je propose la philosophie, l'approche, le regard sur la beauté de cette culture-là aux femmes qui vont se sentir concernées ou vont être sensibles au message que porte la marque Kroskane ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est important d'avoir cette sensibilité-là en fait, en plus.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Je parlais tout à l'heure que tu es aussi architecte des imaginaires ou de l'imaginaire, tu peux me reprendre. Qu'est-ce que ça signifie et surtout, est-ce que ce n'est pas ambitieux dans le monde dans lequel on est actuellement ?

  • Speaker #1

    C'est très ambitieux dans le monde dans lequel on est, mais on est sur le podcast Elles Agissent. On va se permettre d'être ambitieuse. Pendant des années et des années, j'ai eu du mal à regrouper les différents fragments de ma personnalité. Je suis très créative, peut-être une artiste très, voilà, straight même. Mais je suis aussi une personne qui est passionnée d'économie. Ça fait dix ans que j'évolue dans le monde de la finance et des paiements. Je suis aussi une dirigeante d'entreprise avec un vrai regard sur qu'est-ce qui se passe au niveau, en termes de gestion d'entreprise, en termes de management des équipes, en termes de pilotage. Je suis aussi réalisatrice, productrice. En fait, je rassemble énormément de casquettes et j'avais pris l'habitude de segmenter tout ça et de choisir, je te rencontre Émilie, j'allais dire OK. Ce qui va t'intéresser, c'est peut-être la mode. Je ne te parle que de la mode. Et j'avais pris l'habitude de faire ça avec toutes les personnes autour de moi. Donc, il existait des fragments de ma personnalité comme ça. De voir un petit peu que tu disperses. Exactement, des fragments dispersés. Et je cherchais un moyen de me raconter facilement, de dire, OK, je suis ça. Et donc, j'y ai réfléchi longuement en disant, OK, qu'est-ce qui se passe exactement dans ma tête ? Ce qui se passe, c'est que j'attrape une idée. Je ne sais pas, j'ai envie de travailler sur le sujet de la mémoire. J'ai envie de travailler sur le sujet de l'identité. j'ai envie de travailler sur le ballet, je l'attrape et puis je commence à enrichir et à rajouter de la matière à cette idée-là. Et ensuite, je décide de la discipline ou de comment est-ce que je vais l'appliquer. La discipline arrive plus tard. Donc, c'est une fois que j'aurai enrichi l'idée, je vais dire, ah, je vois bien cette idée dans un film. C'est comme ça que je vais mettre ma casquette de réalisatrice ou de productrice. Je vais dire, ah, cette idée pourrait être développée dans une collection. Ou alors cette idée peut être développée dans un livre. Et c'est comme ça que la discipline va intervenir. Mais la discipline intervient surtout comme un moyen de donner vie à l'idée, plutôt que comme le travail initial d'attraper l'idée et de la transformer en quelque chose de concret. Donc ce qui chapeaute tout ça, c'est ce métier d'architecte. Architecte des idées. Donc les idées, ça se passe dans les imaginaires. C'est comme ça qu'est né le terme architecte des imaginaires, qui venait rassembler ou venait attraper plutôt... La casquette qui chapeaute toutes les autres casquettes qui est de dire mon boulot c'est de savoir comment attraper une idée banale, abstraite et de lui donner vie, de la rendre concrète, évidente pour les autres.

  • Speaker #0

    J'ai envie de rebondir sur cet aspect effectivement de pluralité, de ce que tu entreprends, etc. qui me parle beaucoup parce que moi aussi je suis dans plein de domaines, mais c'est quand même encore compliqué de se faire reconnaître. et d'être validée dans tous ces différents domaines. Souvent, on me dit, mais tu devrais juste être quelque chose parce que tu nous disperses et ça perd en crédibilité. Est-ce que tu le ressens aussi ? Est-ce que c'est des choses qu'on te dit ? Et alors que moi, j'ai l'impression qu'une fois que j'ai ouvert le chemin des possibles, on ne peut pas m'arrêter. C'est-à-dire que tant que j'ai envie de faire quelque chose, je vais le faire. Et je ne pense pas être mauvaise pour autant parce que je me multiplie. Est-ce que ça te parle,

  • Speaker #1

    ça ? Ça me parle complètement. Ça résonne. complètement et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles j'ai fragmenté c'est parce que lorsque j'essayais de parler de deux casquettes différentes à une personne il y avait quand même un blanc ou alors le discours de mais pourquoi tu ne choisis pas il y a toujours ce truc de soit on va décider qu'une de tes casquettes c'est un hobby non c'est pas un hobby soit on va décider qu'il faut que tu choisisses que tu es en train de préparer l'abandon d'une casquette pour embrasser la nouvelle Mais ça va être très très difficile pour les gens de juste accepter que tu existes dans toute cette sphère-là. C'est quand même très particulier parce que je m'intéresse beaucoup à la philosophie. Quand je regarde les philosophes ou même les grands penseurs ou les génies des temps passés, ils faisaient plein de choses. Quand tu regardes une personne comme Leonardo da Vinci, il faisait plein de choses. Personne ne lui demandait de choisir un unique domaine. Je me dis mais... Si tu jouissais de cette liberté, encore la liberté, pourquoi je ne pourrais pas jouir de la même liberté ? Donc en ce moment,

  • Speaker #0

    on ne peut pas tous être délégués. La merde est aussi là ! Non mais blague à part, je suis totalement d'accord et j'ai souvent cette référence en tête de lui, il est tellement pluriel et même dans sa vie perso, il ne s'est donné aucune limite et je trouve que, enfin oui, soyons tous délégués.

  • Speaker #1

    Mais oui, et pourtant il est respecté, c'est ce qu'il a été.

  • Speaker #0

    Mais bon, c'est un génie aussi. On est tous des génies.

  • Speaker #1

    On va commencer comme ça. Et oui, il y a ça. Donc, c'est très difficile. Mais j'ai décidé qu'à force de répéter, les gens ne finissent pas s'habituer. C'est vraiment... Je crois qu'il existe un podcast comme ça. C'est Habitue-toi ou quelque chose comme ça.

  • Speaker #0

    Je ne connais pas. Mais oui, effectivement, à force de dire qu'on est pluriel, ça passera et ça s'ancrera. Et c'est aussi une action.

  • Speaker #1

    C'est aussi une action. Exactement.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu veux bien nous parler ? de ton projet Le Ballet, s'il te plaît. On l'a survolé jusqu'à présent. J'aimerais que tu nous en parles un petit peu plus.

  • Speaker #1

    Ah, c'est mon nouveau bébé. Il est arrivé très naturellement dans la suite du travail que je faisais. Au tout début, je te disais que j'avais commencé par le travail sur l'identité. Je me posais des questions sur qui est-ce que je suis lorsque je fais à terre les injonctions sociales. Ensuite, j'ai attaqué un travail sur OK. Qu'est-ce qui dans mon intérieur est douloureux, traumatisant ? J'ai travaillé autour de la recherche de la mémoire. J'ai fait d'ailleurs un court-métrage dessus, une collection sur les phobies et les dysmorphophobies. Comment est-ce que j'attrape des terreurs intérieures et je les incarne dans des phobies, en ayant peur des petits animaux ? Ou alors, comment est-ce que je mets cette erreur ou cette peur sur mon corps, la dysmorphophobie ? J'ai travaillé là-dessus et en faisant ce travail-là, je suis allée au fond de mes traumatismes à moi avec l'idée de les dépasser. Et pendant que je travaillais sur cette collection et sur ce court-métrage, j'étais au Cameroun et vraiment j'entre dans un bar et j'entends cette chanson de Henri Dicongue qui dit « balayer, balayer, balayer, les bleus suits de mon passé, tout paraît beau, tout paraît léger comme si le monde avait changé » . Et c'est de là que part l'idée, c'est vraiment de là, de dire « ah mais oui, qu'est-ce qui se passe si j'ai un balai magique comme ça qui peut balayer mes bleus suits ? » D'abord d'un point de vue introspectif, mais ensuite d'un point de vue social, qu'est-ce qui se passe si une société... à un balai qui l'oblige à regarder ses blessures, à s'occuper de soigner de ses blessures, et ensuite à penser à la guérison, à la réconciliation et à se concentrer sur l'avenir. Qu'est-ce qui se passe si je propose cet objet-là et que j'invite les gens à réfléchir à « Ok, qu'est-ce qui se passe dans notre société ? » C'est cool, on voit tellement de choses dans l'actualité, je n'ai même pas envie d'y penser. Mais qu'est-ce qui se passe dans notre société ? On sera encore là dans 50 ans. Qu'est-ce que c'est la vie dans 50 ans ? Qu'est-ce que c'est la vie dans 100 ans ? Est-ce qu'on commence à y travailler aujourd'hui ? Est-ce qu'on commence à se projeter ? Est-ce qu'on pense à réparer ses blessures ? À se soigner, à se réconcilier, à construire ensemble ? Et comment est-ce qu'on le fait ? Et le projet Le Ballet, c'est ça. C'est comment est-ce que j'arrive à proposer un symbole fort, à proposer des pistes, des idées comme ça, pour qu'on arrive à travailler sur ces sujets-là, sur ces thématiques-là. Et donc les moyens de le faire, on parlait des disciplines tout à l'heure, c'est avec un film, j'ai envie de faire un long métrage, Le Ballet. où je raconte la recherche de ce fameux balai magique. C'est un film, un long métrage, dans lequel on suit la quête de cinq protagonistes qui vont à la recherche de ce balai. À la fin du film, spoiler, elle rapporte le balai. L'idée, c'est de dire, OK, on sort de la fiction, on rentre dans la réalité. Qu'est-ce qui se passe socialement lorsqu'on a un balai magique comme ça ? La deuxième étape, ou le deuxième pilier du projet, le balai, c'est d'organiser un événement, un débat. Un événement de dialogue en fait, où on met autour de la scène différentes parties prenantes, différents acteurs de la société, différents représentants des différentes couches sociales de la société, des différents groupes de la société, où on les invite à discuter ensemble. Mais avec dans l'approche l'idée de garder en tête que, ok, on a des conflits, des dissensions et plein de blessures, de fractures, mais on doit pouvoir réfléchir à l'avenir. Qu'est-ce qui se passe si on peut vraiment balayer et aller de l'avant ? Voilà, c'est vraiment ce concept-là qui reste clé dans l'événement. Et la dernière partie, c'est l'installation monumentale. L'idée, c'est de dire, OK, j'ai envie que ça reste une action continue, que ça se poursuive, que ce ne soit pas quelque chose qu'on fait comme ça un mois, deux mois et après on oublie. Comment est-ce que j'arrive à rappeler régulièrement aux gens ?

  • Speaker #0

    À l'ancrer.

  • Speaker #1

    C'est ça, à l'ancrer. Exactement, que ce soit pérenne. Et même que les gens définissent des petites actions, des petites habitudes autour de ce ballet-là. L'idée c'est ça, faire une installation monumentale dans une commune, dans une ville, dans une capitale, avec l'idée que quand les gens vont passer là, ils vont se souvenir du ballet, avec des petits rituels, des petites zones pour écrire ces blessures et les brûler, dans la petite cheminée qui sera prévue pour ça, ou le petit coin qui sera prévu pour ça, mais vraiment avec le truc de, ok, on continue de l'incréer dans les imaginaires. D'ailleurs, ça me fait penser à quelque chose. Dans les petites actions comme ça, silencieuses, qu'on peut porter avec un symbole ou autour d'un symbole, il y a, c'est aujourd'hui je crois, la journée de soutien aux personnes portant des trisomies 21. Et l'une des actions de résistance qui est proposée, c'est simplement de porter des chaussettes dépareillées. Je trouve ça magnifique, ça ne coûte rien. Et pourtant, ça nous oblige, par exemple, j'ai fait l'exercice ce matin, d'expliquer à mes enfants, ah mais on met des chaussettes dépareillées. parce qu'on veut soutenir les enfants porteurs de cet handicap-là. Donc c'est vraiment ce type de petites actions que j'aimerais pouvoir pousser avec le projet Le Balein. Des petits transformateurs, mais qui gravent quand même à l'intérieur l'idée que l'avenir viendra et qu'il faut qu'on travaille à cet avenir-là.

  • Speaker #0

    Et tu en es où justement dans ce projet ?

  • Speaker #1

    Alors je viens de passer... Cinq mois facilement dans la phase de conception, préparation pour vraiment fignoler le projet, le construire, le définir. Et j'ai attaqué la phase de lever de fonds depuis le 10 mars, donc ça fait 11 jours aujourd'hui. Donc c'est une phase où je rencontre des fondations, des RSE, des organismes internationaux pour essayer de présenter le projet, pour roder le projet aussi, pour voir comment est-ce que je peux trouver des angles intéressants pour eux. Et naturellement, évidemment, pour les convaincre d'investir avec moi sur ce projet-là.

  • Speaker #0

    Et c'est quoi les premiers retours du coup ?

  • Speaker #1

    Deux premiers retours parce que là, j'en suis au deux premiers rendez-vous. Deux premiers retours très intéressants. Le premier retour, il faut que je travaille sur l'aspect concret pour les entreprises. Qu'est-ce qu'elles y gagnent concrètement ? Parce que malheureusement, les entreprises ont cette Ausha de qu'est-ce qu'on y gagne. Et le deuxième retour, plutôt... Dans l'autre sens, c'est comment est-ce que j'arrive à monter à l'Assemblée nationale avec ce projet, comment est-ce que j'arrive à le transformer en quelque chose de social, et donc de monter une pétition, de faire signer des pétitions, de vraiment pousser pour qu'il y ait des actions concrètes qui soient menées là-dessus. Donc il y a à la fois le besoin de descendre plus bas pour faire du concret par entreprise. et le besoin de monter plus haut pour aller le porter encore plus loin que ce que je l'imaginais.

  • Speaker #0

    Oui, l'action sur tous les niveaux.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Justement, c'est quoi ta définition d'agir ?

  • Speaker #1

    Déjà être bienveillante envers soi-même. On commence à agir lorsqu'on est bienveillante avec soi-même. Et ensuite, accepter que le chemin sera long et faire des petites actions. Un pas après l'autre, un courage, un bout de courage après l'autre. Parfois, je négocie avec moi-même. Allez, aujourd'hui, deux petites actions. Et après,

  • Speaker #0

    je vois bien l'idée.

  • Speaker #1

    Je négocie. C'était quand ? C'était mardi de la semaine dernière. J'allais au forum CB. Je suis plutôt une introvertie, donc je suis moins à l'aise pour ouvrir les conversations et discuter comme ça. Et je m'étais fixé un petit objectif. Allez, tu réussis à parler à trois personnes, trois personnes que tu ne connais pas, et c'est bon. Donc, j'avais cet objectif en tête. Le matin, je suis arrivée, j'ai dit, allez, tu fais la première personne, comme ça, après, il ne te reste que deux. Donc, j'ai fait la première personne, ça m'a détendue. Je me suis dit, OK, bon, allez, on se motive pour la deuxième et la troisième. Et je me suis retrouvée en train de parler, d'ailleurs, à un dirigeant d'entreprise. Il y a cinq ans, je n'aurais pas eu le courage de l'aborder. Je discutais avec lui. Ensuite, je me suis fait une petite tape sur l'épaule, comme si je disais, bon, bravo. Tu vois, tu vois, tu es arrivé. Donc, j'ai réussi à atteindre mon objectif de trois personnes avec qui discuter. Et puis, voilà, c'était ça pour moi l'action.

  • Speaker #0

    Oui, tu nous donnes là aussi un conseil, de se donner aussi parfois des objectifs très simples d'agir. Ça peut être à la fois dans le quotidien et sur, oui comme tu le dis, parfois par nous en premier, pour qu'on puisse déjà rayonner avant de vouloir faire rayonner autre chose parfois.

  • Speaker #1

    Exactement, exactement. Mais là, l'action passe par nous. En fait, c'est nous qui constituons le monde. C'est chacun qui constitue le monde. Je pensais à ça, au fait qu'on parle tellement de... je ne sais pas, des grands milliardaires ou bien du nouveau président américain, on ne va pas le nommer, qui sont si présents dans nos actualités, dans nos imaginaires, en fait, ils prennent de la place. Et on voit qu'ils parfois peuvent nourrir de la colère par rapport aux messages qu'ils peuvent porter. Et je me disais, mais eux, ils se battent pour que leur vision du monde advienne.

  • Speaker #0

    C'est à nous de nous battre pour que notre vision du monde advienne. C'est une bataille, ils se battent pour leurs intérêts. Et c'est normal en fait, il n'y a pas à leur en vouloir pour ça. Nous, notre boulot c'est de nous battre pour notre intérêt. Prenons un autre exemple d'action concrète. Nous sommes des femmes, on sait qu'on a plus de mal à publier sur LinkedIn. Il y a six mois, j'étais paralysée à l'idée de parler de mes autres univers sur LinkedIn. Sur LinkedIn, j'étais une espèce du paiement, je ne postais pas, je n'existais pas.

  • Speaker #1

    J'ai perdu le jugement.

  • Speaker #0

    Peur du jugement, peur que ça allait me casser, même des opportunités, peur que les gens ne s'y retrouvent pas dans toutes les casquettes qui étaient les miennes, peur que les gens concluent que parce que je parlais de cinéma ou de mode, ça signifiait que j'avais quitté le paiement. Il y avait tellement de peur autour de ça. Et puis un jour, je me suis dit, bon, allez, un petit acte de courage et après on voit. Donc j'ai fait mon premier poste et je me suis fixé une petite condition. Tu ne le supprimes pas, ce poste, pendant 24 heures. Juste ça. Tu le postes et tu... tu résistes à l'envie d'aller le supprimer parce que personne n'a réagi parce que non mais attends, les gens le lisent qu'est-ce qu'ils vont penser ça t'angoisse ça ? oui ça m'angoissait mais en plus je suis une personne je passe mon temps à envisager les possibles donc à retourner les situations en disant ok mais attends et donc je me dis allez tu n'y touches pas pendant 24h et ainsi de suite et puis j'ai fait mon premier, mon deuxième j'ai oublié de passer la cinquantaine de postes et puis je ne suis pas morte, j'ai continué et je vais continuer donc voilà

  • Speaker #1

    Est-ce que tu es une femme au quotidien qui t'inspire, qui te donne envie d'agir, qui est peut-être un modèle ou quelqu'un en tout cas, comme Wafa qui nous a mis en relation, qui m'a dit il faut que tu l'interview, c'est quelqu'un qui agit. Est-ce que tu as d'autres personnes en tête ? Ça serait qui ? Pourquoi aussi ? Qu'est-ce qui est inspirant dans ce qu'elle fait ?

  • Speaker #0

    J'en ai plein déjà. Depuis 5 ou 6 ans, de manière très consciente, je vais beaucoup... lire des écrivaines femmes et même des écrivaines femmes noires. Je vais beaucoup m'intéresser au travail des femmes de manière consciente. Je vais décider parfois de m'entourer de femmes, de femmes entrepreneurs, de femmes qui ont un parcours similaire au mien, avec dans l'idée de, ok, déjà, c'est dû pour moi, ça doit être dur pour elles aussi. Donc, on va se soutenir. Et ensuite, quand je serai au plus bas, elles vont me dire de continuer. Donc, j'en ai plein autour de moi. Je n'ai pas ou la porte qui est l'une de mes meilleure amie que je suis, qui est entrepreneur et qui s'est lancée, mais avec qui on s'encourage tout le temps. J'ai Wafa autour de moi, qui est naturellement une boxeuse et une bosseuse, donc je lui fais un coucou. D'ailleurs,

  • Speaker #1

    je fais juste une parenthèse pour vous inviter à écouter son épisode. Je le mettrai en commentaire pour vous dire quel numéro c'est, mais effectivement, il faut s'inspirer des femmes qui nous entourent.

  • Speaker #0

    Et dans les femmes qui sont un peu plus avancées que moi, je lis beaucoup Léonora Miano, une écrivaine extraordinaire. mais vraiment une écrivaine importante, je crois, pour notre ère. Je lis beaucoup cette femme, je lis aussi beaucoup Shimamanda Gozi Asdiche, qui est une écrivaine nigérienne qui a fait une partie de sa vie aux Etats-Unis. Et donc voilà, je suis autour des femmes et je pense que je vais y aller de plus en plus, à m'entourer de femmes.

  • Speaker #1

    Ça inspire de s'intéresser aux femmes. Oui,

  • Speaker #0

    complètement. Mais c'est assez fou, ça me met presque en colère de me rendre compte que j'ai passé les 30 premières années de ma vie. de manière inconsciente à lire beaucoup d'écrivains hommes, à regarder beaucoup de films faits par des hommes, des séries faites par des hommes, où les hommes avaient les péchenards principaux. Alors il y aura toujours la place pour les hommes, mais je fais consciemment de la place pour les femmes.

  • Speaker #1

    Je crois qu'on va rester sur cette même parole. Vraiment. Merci Ornella pour ce que tu fais, pour ce discours où il y a plein de phrases inspirantes. J'espère que nos auditeurs, auditrices l'auront aussi ressenti. Et bravo. pour ce que tu entreprends.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi, Émilie, pour cette invitation et pour cette magnifique conversation. Je me suis sentie tellement à l'aise. Tu vas gérer tout donné. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci.

Description

Cette semaine, je reçois Ornella Djoukui dans Elles Agissent.


Ornella est une femme plurielle.

Créatrice de la maison de mode Kroskel, elle pense le vêtement comme un outil de narration, un espace de réconciliation avec soi, avec son corps, avec l’histoire.
Mais son univers dépasse la mode. Ornella est aussi réalisatrice, entrepreneure et "architecte des imaginaires", une expression qu’elle utilise pour désigner son rôle : attraper des idées abstraites et les transformer en projets concrets, engagés et porteurs de sens.


Dans cet épisode, elle nous parle de liberté, de mémoire, de création, de pluralité et de son projet transdisciplinaire Le Balai, qui interroge nos blessures sociales, nos héritages invisibles et nos possibles réconciliations collectives.


Un échange vous le verrez à la fois dense, lumineux, plein de joie.

L'épisode de Wafaâ,Amal, que l'on évoque est l'épisode 57.


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Musique:  Amour Aveugle / Garçon de Plage


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Ornella.

  • Speaker #1

    Bonjour Émilie.

  • Speaker #0

    Merci d'être mon invitée d'Alsagis, je suis ravie.

  • Speaker #1

    Je suis ravie également.

  • Speaker #0

    J'ai beaucoup aimé la rapidité avec laquelle on s'est connue et on a échangé et laquelle on se rencontre aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Je n'ai jamais fait ça aussi vite. C'était super rapide.

  • Speaker #0

    On est efficaces toutes les deux, j'ai l'impression.

  • Speaker #1

    Je suis complètement alignée, très efficace, on savait ce qu'on voulait donc on y est allé là.

  • Speaker #0

    Alors Ornella, tu es une femme plurielle. Je trouve que tu es au carrefour de plusieurs mondes, à la fois dans les disciplines que tu aimes travailler, que tu aimes explorer, que ce soit la création, la stratégie, l'identité et même l'innovation. Tu as fondé la maison de mode Crosskel, et j'ai senti sur les cas, comme tu m'as demandé, qui façonne plus que des vêtements. C'est vraiment une marque que tu as créée pour partager des récits. mais aussi un espace qui offre un peu, d'ailleurs comme ici, comme le podcast, un espace de transmission pour les femmes, notamment au travers de messages comme leur liberté, leur curiosité, mais aussi toute une culture beaucoup trop invisibilisée que tu souhaites mettre en avant. Et quand je disais que tu étais une femme plurielle il y a quelques secondes, je n'exagère pas du tout parce que tu es aussi réalisatrice, entrepreneuse et tu vas nous expliquer ce que tu entends par là, mais architecte. d'imaginaire, autour de ces projets qui regroupent aussi le projet Le Ballet, qui va lui interroger nos mémoires collectives, et où tu vas apporter un travail, une pierre à l'édifice autour de ces thèmes. En tout cas, dans tous ces projets, j'ai le sentiment qu'à la fois l'art, la création, est toujours centrale dans ce que tu entreprends, mais toujours aussi porteur de sens, de mémoire, de transformation. Et est-ce que tous tes projets professionnels sont aussi un moyen d'action pour toi. En fait, je me demandais si c'était une manière à la fois de aussi réparer, de résister et d'ouvrir sur de nouvelles perspectives.

  • Speaker #1

    Il y a tellement de questions et tellement de choses dans ce que tu viens de dire, Émilie. C'est tellement riche. Donc déjà, merci pour le travail de recherche autour de qu'est-ce que je fais, qu'est-ce qui me motive, pourquoi je mène ces actions. Donc c'est vraiment très professionnel de ta part. Et ensuite, on va commencer par la dernière question. Je suis animée par un désir de liberté. Le moteur, c'est l'envie d'être libre. Mais j'ai compris très vite que ma liberté passait par celle des autres. Donc il y a ma liberté et il y a la liberté des autres. Et elle passe par ce qu'il y a dans mon intérieur et ce qu'il y a dans l'intérieur des autres. Quand j'appelle l'intérieur, je parle de la mémoire, mais pas seulement du point de vue de qu'est-ce qu'on stocke comme élément dans la mémoire ou qu'est-ce qu'on a comme... information, mais du point de vue de quelles sont les réflexions qui envahissent ou qui habitent notre mémoire, quels sont les symboles qui existent dans cette mémoire-là, quelles sont les représentations, quelles sont les histoires rocambolesques ou réelles qui sont présentes dans cette mémoire et comment est-ce qu'on enregistre cette mémoire pour que ce soit agréable de s'y promener. Donc je veux être libre, ça c'est la première chose. Et comme je veux être libre, il faut que je mène des actions. pour pouvoir atteindre cette liberté-là et pour pouvoir permettre aux personnes autour de moi d'atteindre leur liberté à eux. Et donc pour être libre, il y a différentes étapes dans cette démarche. La première étape de la liberté, c'est d'abord se connaître. Ok, nous existons dans un monde où c'est rempli d'injonctions sociales, où on reçoit des injonctions à longueur de journée sur ce qu'on peut être, ce qu'on a le droit d'être, ce qu'on peut dire, ce qu'on a le droit de dire, ce qu'on peut penser. Comment est-ce qu'on peut exister ? Comment est-ce qu'on peut s'incarner dans le monde ? La première étape de mon travail, c'est comment j'arrive à faire abstraction de cette injonction pour retrouver mon identité propre. Qui est-ce que je suis réellement ? Au-delà de ma peau de femme noire, au-delà de mon jarre de femme, au-delà de ma taille, au-delà de l'enveloppe corporelle que je porte, quel est mon type d'humour ? À quoi est-ce que je suis sensible ? Qu'est-ce qui me fait rire ? Qu'est-ce qui me fait pleurer ? qui est-ce que je suis réellement, qu'est-ce qui me fait vibrer. Et donc, une fois que j'ai trouvé qui est-ce que je suis réellement, comment est-ce que je m'exprime, comment est-ce que je m'incarne dans le monde ? Et ça, c'est hyper important pour moi. Mais surtout, l'une des choses les plus importantes, c'est de comprendre que ma liberté vient avec des contraintes. C'est même ça la liberté, c'est de dire, être libre, c'est sans péché. Cette phrase n'est pas de moi, mais je suis terrible avec les noms. Je sais qu'elle vient de quelqu'un d'autre. Donc c'est comment j'arrive à poser des limites à ma liberté et à inviter les autres à poser des limites à leur liberté. Je parle d'une liberté, pas la liberté d'exploiter. Pas la liberté d'utiliser, non, la liberté de me déployer dans le respect de la liberté des autres. Donc la liberté de me saisir, de m'empêcher. Donc c'est vraiment ça. Et ça c'est vraiment hyper prioritaire, hyper moteur dans toutes les actions que je vais porter. Donc cette notion de liberté, cette notion de mémoire, cette notion de partage ou de connexion avec les autres également.

  • Speaker #0

    Tu as toujours eu cette envie de liberté ou en tout cas tu es toujours consciente de cette notion, de l'importance de cette notion pour toi ? Où c'est venu suite à un événement particulier, suite justement à ta prise de fonction, où tu t'es dit je veux aussi que mon travail, que mon engagement ait un sens ?

  • Speaker #1

    En fait non, je n'ai pas toujours été consciente, je n'ai pas toujours été capable de poser les mots sur ce que je poursuivais. J'ai toujours été obsédée par certaines choses, notamment le fait d'écrire, de faire de la poésie, de dessiner. D'attraper des concepts et d'essayer de travailler dessus, j'ai toujours fait ça. Mais c'était un refuge au début. J'ai traversé, moi, comme plein de gens, je le dis sans que ce ne soit un point de singularité, j'ai traversé des violences sexuelles par exemple, j'ai traversé le rejet paternel. Et une façon de réagir à ça, ça a été de m'isoler dans mon monde à moi. C'est pour ça que je parle souvent de mémoire. C'est parce que d'une certaine façon, je vivais dans cet espace-là. Je vivais à l'intérieur de moi-même et qu'à l'intérieur de moi-même, il fallait bien s'amuser, explorer, découvrir, tester des idées, les transformer, voir ce que ça donnait. Et donc l'exploration est venue d'abord dans ce refuge-là en disant, ok, le monde a l'air un peu dangereux, un peu pas très bienveillant. Comment est-ce que j'arrive à, moi, me trouver un espace de refuge où je peux exprimer ma créativité ? Et ça a été ça, donc les livres et puis l'exploration. Ensuite, petit à petit, les aspirations sont transformées en « Ah, comment est-ce que j'écris des petites histoires à raconter à mes amis, à mes camarades de classe, à ma petite sœur ? » « Comment est-ce que je dessine des collections si je voulais raconter la personnalité de ma sœur ou la personnalité de ma maman ? » « À quoi ça ressemblerait une collection pour elle ? » Et c'est comme ça que petit à petit, ce refuge-là s'est transformé en action.

  • Speaker #0

    Donc avec Rosquel, tu racontes des histoires, tu mets en avant des singularités, ce que je disais au tout début. Mais à quel moment tu as compris et voulu aussi utiliser la mode comme un outil politique finalement ?

  • Speaker #1

    Oui, alors je parlais d'injonction tout à l'heure. Les injonctions sur le corps en particulier sont extrêmement fortes. On veut qu'on soit mince, on veut que nos corps ne nous satisfassent jamais. Je suis justement créatrice de mode et c'est impressionnant à quel point les femmes ne sont pas satisfaites de leur corps. Je peux habiller... des femmes qui font du 34, du 36 comme des femmes qui font du 46, du 50 il n'y en a pas une qui est satisfaite parfaitement de son corps le problème c'est que en attendant ces corps existent, ils sont là ils vont nous accompagner toute notre vie et ils ne vont pas ressembler à ce qu'on a fantasmé d'eux donc il y a vraiment une approche au niveau de Grosquel de ce corps existe il fonctionne, il ressent des choses Ça c'est la priorité. Il faut que vous réussissiez, moi les femmes à qui je parle, il faut que vous réussissiez à vous détendre sur ce sujet. Juste d'abord se détendre, ensuite se faire plaisir. Si j'oublie, si je ferme les injonctions sociales et que je reste avec mon corps qui est là de toutes les façons, si j'admets que mon dixième régime là, il va arriver, il aura son heure, mon fameux corps... pour la plage va arriver, aura son heure. Mais en attendant, le corps là, il est présent, il faut que je kiffe. Il faut qu'on puisse vivre ensemble et se faire plaisir ensemble. Quel est le nouveau rapport que je définis avec ce corps ? Comment est-ce que je l'habille ? Et c'est vraiment ça, CrossCale, c'est OK, un vêtement, des vêtements, mais qui transforme ou qui interroge le rapport au corps, le rapport même au vêtement. L'approche dans CrossCale, c'est pas de faire des vêtements tendance. C'est pas le but. C'est de faire des vêtements qui... qui connecte, qui protège même. J'ai toujours le mot armure qui revient comme ça quand je parle de cross-calcée, de dire comment est-ce que je fais des vêtements qui racontent qui je suis, qui racontent ce que je ressens, qui racontent comment je me sens, qui racontent ma complexité même, qui racontent que je suis plus qu'un vêtement. C'est étrange, je fais des vêtements pour raconter que je suis plus qu'un vêtement. Qui, lorsque je me retrouve dans un lieu où je me sens impressionnée ou intimidée, qu'en passant la main, je suis mon vêtement. Je me souviens de messages clés ou de symboles justement forts qui me rappellent que je suis là, j'ai ma place, je suis légitime.

  • Speaker #0

    Oui, on sait à quel point le maquillage aussi, le vêtement peut être vecteur de confiance en soi, d'assurance pour les femmes aussi, j'imagine pour les hommes aussi. Mais dans l'idée, oui, le vêtement a un vrai rôle à jouer de réconciliation aussi.

  • Speaker #1

    Oui, de réconciliation avec soi-même, de réconciliation avec son corps.

  • Speaker #0

    Comment tu construis tes collections ? Comment tu puisses ton imagination ? Est-ce que c'est de l'intuition ? Est-ce qu'il y a des choses dans ta tête depuis longtemps ? Comment tu construis tout ça ?

  • Speaker #1

    Ça vient un peu de partout. Je pratique beaucoup ce que j'appelle l'incubation. Je fais confiance à mon inconscient. Je suis très intéressée par les sujets de psychanalyse et d'inconscient, du rapport entre la conscience, la subconscience et l'inconscient. Donc... En plus de ça, avec les années, j'ai vraiment développé une capacité à transformer des idées, donc connaître comment j'attrape une petite idée, je la transforme en quelque chose de plus concrète, de plus dense, avec de la matière. Donc en général, je vais avoir un petit mot, une petite idée qui va arriver, je vais la laisser incuber. Ça signifie que pendant des mois, je m'envoie des messages privés sur Telegram tout le temps, je vais m'envoyer régulièrement des petits messages en disant « ça me fait penser à ça, ça me fait penser à ça » . Je vais lire un livre, d'ailleurs je ne me souviens pas souvent des noms des écrivains, mais je vais me souvenir des concepts et je vais rattacher comme ça les petits concepts, les petites idées à ce projet-là. Et au bout de 3-4 mois, je vais récupérer tout ça et je vais dire, ok, est-ce qu'on a de la matière pour travailler sur une collection ? Ça va quand même toujours venir répondre aux différentes questions de la marque. Est-ce que j'arrive à travailler sur les questions d'identité ? Est-ce que j'arrive à pousser un peu plus au niveau de la libération de soi ou de la liberté ? Est-ce que j'arrive à construire ? à rapprocher le sujet de réconciliation avec soi-même ou avec son corps. Donc il va quand même y avoir des sortes de piliers qui vont revenir, mais l'idée viendra d'un peu partout.

  • Speaker #0

    Je me demandais aussi, comment c'est vraiment concrètement en 2025 de lancer une marque, enfin tu ne l'as pas lancée là, mais d'être une jeune marque de vêtements, de se faire connaître, surtout de porter ton message, parce qu'il est aussi important que le vêtement lui-même. Comment ça va en fait ?

  • Speaker #1

    Alors, en toute transparence, c'est très difficile.

  • Speaker #0

    J'imagine, c'est très,

  • Speaker #1

    très difficile. Il y a un petit cercle qu'on va construire assez rapidement, un noyau, mais réussir à sortir de ce noyau-là va être très difficile. Soit mes idées, d'ailleurs, ton opinion serait intéressante, soit mes idées sont trop profondes, trop décalées par rapport à ce que les gens attendent d'une marque de mode aujourd'hui. Soit elles sont inadaptées, je ne pense quand même pas que ce soit des idées inadaptées. Soit il y a autre chose, je suis consciente de ça, je viens d'un écosystème où il y a une image mainstream de ce que c'est que la mode africaine et où l'approche que j'apporte est quand même très différente. Donc j'accepte ces défis-là, je me dis ok je suis dans une vision long terme, je suis dans un bateau pour 20-30 ans. Si toutes les difficultés qu'on rencontre aujourd'hui nous permettent dans 10 ans d'arriver à notre objectif ou dans 20 ans d'arriver à notre objectif, ça en vaut la peine. J'essaie de le voir comme... Un chemin long.

  • Speaker #0

    Un travail de fond.

  • Speaker #1

    Un travail de fond. Donc je commence étape par étape et puis j'y vais doucement.

  • Speaker #0

    Et quelle est la prochaine étape par exemple ? Tu veux bien nous la partager.

  • Speaker #1

    La première étape d'abord c'était de construire l'identité de la marque. Qu'est-ce que je voulais faire ? Et ensuite de m'asseoir sur le sujet des savoirs à faire. Être une maison de mode, surtout une maison de luxe telle que celle que je veux construire. C'est savoir, avoir du savoir à faire. C'est savoir créer. C'est savoir maîtriser les textures, maîtriser son processus, savoir exactement ce qu'on propose à sa clientèle. C'était le premier défi. Il est rélevé, on est bon. Le deuxième défi, c'est de se faire connaître. Donc là, j'entre pile dans l'air où il faut que je communique, il faut que j'aille vers les autres. Il faut que je rebatte mon message encore et encore jusqu'à ce que tout le monde l'entende, jusqu'à ce que ça devienne indéniable.

  • Speaker #0

    J'espère que ce podcast, en tout cas, va y contribuer.

  • Speaker #1

    En tout cas aussi.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que tu ramènes du Cameroun aussi dans ton travail, d'où tu es originaire, dans cette volonté justement de transmission, de partage ? Qu'est-ce qu'on peut apprendre aussi de ce pays à travers ton travail ?

  • Speaker #1

    Je raconte toujours que j'appartiens au Cameroun comme le Cameroun m'appartient. Je suis consciente du fait que quand on vit une vie, on se transforme, c'est obligé. Mais je considère qu'on part de quelque part, donc il y a une sorte de noyau, d'essence primaire. et qu'au fil de nos rencontres, de nos découvertes, de la vie tout simplement, on va se transformer, donc on va évoluer. Mais l'essence est là. Mon essence primaire, c'est le Cameroun. La culture primaire dans laquelle j'ai incubé vient du Cameroun. Donc il y a un enjeu dans ma marque de puiser dans cette culture primaire-là, à la fois dans le passé de cette culture, dans le présent de cette culture, mais également de façonner le futur de cette culture, parce que ce ne sont pas des cultures mortes. Elles continuent de vivre et continuent d'évoluer. Je veux pouvoir contribuer à cette évolution. Mais donc, il y a l'idée de, OK, qu'est-ce que je prends de cette culture ? Comment est-ce que je transforme ce que je prends de cette culture-là ? Et comment est-ce que... Je partage cette culture au monde. Comment est-ce que je propose la philosophie, l'approche, le regard sur la beauté de cette culture-là aux femmes qui vont se sentir concernées ou vont être sensibles au message que porte la marque Kroskane ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est important d'avoir cette sensibilité-là en fait, en plus.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Je parlais tout à l'heure que tu es aussi architecte des imaginaires ou de l'imaginaire, tu peux me reprendre. Qu'est-ce que ça signifie et surtout, est-ce que ce n'est pas ambitieux dans le monde dans lequel on est actuellement ?

  • Speaker #1

    C'est très ambitieux dans le monde dans lequel on est, mais on est sur le podcast Elles Agissent. On va se permettre d'être ambitieuse. Pendant des années et des années, j'ai eu du mal à regrouper les différents fragments de ma personnalité. Je suis très créative, peut-être une artiste très, voilà, straight même. Mais je suis aussi une personne qui est passionnée d'économie. Ça fait dix ans que j'évolue dans le monde de la finance et des paiements. Je suis aussi une dirigeante d'entreprise avec un vrai regard sur qu'est-ce qui se passe au niveau, en termes de gestion d'entreprise, en termes de management des équipes, en termes de pilotage. Je suis aussi réalisatrice, productrice. En fait, je rassemble énormément de casquettes et j'avais pris l'habitude de segmenter tout ça et de choisir, je te rencontre Émilie, j'allais dire OK. Ce qui va t'intéresser, c'est peut-être la mode. Je ne te parle que de la mode. Et j'avais pris l'habitude de faire ça avec toutes les personnes autour de moi. Donc, il existait des fragments de ma personnalité comme ça. De voir un petit peu que tu disperses. Exactement, des fragments dispersés. Et je cherchais un moyen de me raconter facilement, de dire, OK, je suis ça. Et donc, j'y ai réfléchi longuement en disant, OK, qu'est-ce qui se passe exactement dans ma tête ? Ce qui se passe, c'est que j'attrape une idée. Je ne sais pas, j'ai envie de travailler sur le sujet de la mémoire. J'ai envie de travailler sur le sujet de l'identité. j'ai envie de travailler sur le ballet, je l'attrape et puis je commence à enrichir et à rajouter de la matière à cette idée-là. Et ensuite, je décide de la discipline ou de comment est-ce que je vais l'appliquer. La discipline arrive plus tard. Donc, c'est une fois que j'aurai enrichi l'idée, je vais dire, ah, je vois bien cette idée dans un film. C'est comme ça que je vais mettre ma casquette de réalisatrice ou de productrice. Je vais dire, ah, cette idée pourrait être développée dans une collection. Ou alors cette idée peut être développée dans un livre. Et c'est comme ça que la discipline va intervenir. Mais la discipline intervient surtout comme un moyen de donner vie à l'idée, plutôt que comme le travail initial d'attraper l'idée et de la transformer en quelque chose de concret. Donc ce qui chapeaute tout ça, c'est ce métier d'architecte. Architecte des idées. Donc les idées, ça se passe dans les imaginaires. C'est comme ça qu'est né le terme architecte des imaginaires, qui venait rassembler ou venait attraper plutôt... La casquette qui chapeaute toutes les autres casquettes qui est de dire mon boulot c'est de savoir comment attraper une idée banale, abstraite et de lui donner vie, de la rendre concrète, évidente pour les autres.

  • Speaker #0

    J'ai envie de rebondir sur cet aspect effectivement de pluralité, de ce que tu entreprends, etc. qui me parle beaucoup parce que moi aussi je suis dans plein de domaines, mais c'est quand même encore compliqué de se faire reconnaître. et d'être validée dans tous ces différents domaines. Souvent, on me dit, mais tu devrais juste être quelque chose parce que tu nous disperses et ça perd en crédibilité. Est-ce que tu le ressens aussi ? Est-ce que c'est des choses qu'on te dit ? Et alors que moi, j'ai l'impression qu'une fois que j'ai ouvert le chemin des possibles, on ne peut pas m'arrêter. C'est-à-dire que tant que j'ai envie de faire quelque chose, je vais le faire. Et je ne pense pas être mauvaise pour autant parce que je me multiplie. Est-ce que ça te parle,

  • Speaker #1

    ça ? Ça me parle complètement. Ça résonne. complètement et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles j'ai fragmenté c'est parce que lorsque j'essayais de parler de deux casquettes différentes à une personne il y avait quand même un blanc ou alors le discours de mais pourquoi tu ne choisis pas il y a toujours ce truc de soit on va décider qu'une de tes casquettes c'est un hobby non c'est pas un hobby soit on va décider qu'il faut que tu choisisses que tu es en train de préparer l'abandon d'une casquette pour embrasser la nouvelle Mais ça va être très très difficile pour les gens de juste accepter que tu existes dans toute cette sphère-là. C'est quand même très particulier parce que je m'intéresse beaucoup à la philosophie. Quand je regarde les philosophes ou même les grands penseurs ou les génies des temps passés, ils faisaient plein de choses. Quand tu regardes une personne comme Leonardo da Vinci, il faisait plein de choses. Personne ne lui demandait de choisir un unique domaine. Je me dis mais... Si tu jouissais de cette liberté, encore la liberté, pourquoi je ne pourrais pas jouir de la même liberté ? Donc en ce moment,

  • Speaker #0

    on ne peut pas tous être délégués. La merde est aussi là ! Non mais blague à part, je suis totalement d'accord et j'ai souvent cette référence en tête de lui, il est tellement pluriel et même dans sa vie perso, il ne s'est donné aucune limite et je trouve que, enfin oui, soyons tous délégués.

  • Speaker #1

    Mais oui, et pourtant il est respecté, c'est ce qu'il a été.

  • Speaker #0

    Mais bon, c'est un génie aussi. On est tous des génies.

  • Speaker #1

    On va commencer comme ça. Et oui, il y a ça. Donc, c'est très difficile. Mais j'ai décidé qu'à force de répéter, les gens ne finissent pas s'habituer. C'est vraiment... Je crois qu'il existe un podcast comme ça. C'est Habitue-toi ou quelque chose comme ça.

  • Speaker #0

    Je ne connais pas. Mais oui, effectivement, à force de dire qu'on est pluriel, ça passera et ça s'ancrera. Et c'est aussi une action.

  • Speaker #1

    C'est aussi une action. Exactement.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu veux bien nous parler ? de ton projet Le Ballet, s'il te plaît. On l'a survolé jusqu'à présent. J'aimerais que tu nous en parles un petit peu plus.

  • Speaker #1

    Ah, c'est mon nouveau bébé. Il est arrivé très naturellement dans la suite du travail que je faisais. Au tout début, je te disais que j'avais commencé par le travail sur l'identité. Je me posais des questions sur qui est-ce que je suis lorsque je fais à terre les injonctions sociales. Ensuite, j'ai attaqué un travail sur OK. Qu'est-ce qui dans mon intérieur est douloureux, traumatisant ? J'ai travaillé autour de la recherche de la mémoire. J'ai fait d'ailleurs un court-métrage dessus, une collection sur les phobies et les dysmorphophobies. Comment est-ce que j'attrape des terreurs intérieures et je les incarne dans des phobies, en ayant peur des petits animaux ? Ou alors, comment est-ce que je mets cette erreur ou cette peur sur mon corps, la dysmorphophobie ? J'ai travaillé là-dessus et en faisant ce travail-là, je suis allée au fond de mes traumatismes à moi avec l'idée de les dépasser. Et pendant que je travaillais sur cette collection et sur ce court-métrage, j'étais au Cameroun et vraiment j'entre dans un bar et j'entends cette chanson de Henri Dicongue qui dit « balayer, balayer, balayer, les bleus suits de mon passé, tout paraît beau, tout paraît léger comme si le monde avait changé » . Et c'est de là que part l'idée, c'est vraiment de là, de dire « ah mais oui, qu'est-ce qui se passe si j'ai un balai magique comme ça qui peut balayer mes bleus suits ? » D'abord d'un point de vue introspectif, mais ensuite d'un point de vue social, qu'est-ce qui se passe si une société... à un balai qui l'oblige à regarder ses blessures, à s'occuper de soigner de ses blessures, et ensuite à penser à la guérison, à la réconciliation et à se concentrer sur l'avenir. Qu'est-ce qui se passe si je propose cet objet-là et que j'invite les gens à réfléchir à « Ok, qu'est-ce qui se passe dans notre société ? » C'est cool, on voit tellement de choses dans l'actualité, je n'ai même pas envie d'y penser. Mais qu'est-ce qui se passe dans notre société ? On sera encore là dans 50 ans. Qu'est-ce que c'est la vie dans 50 ans ? Qu'est-ce que c'est la vie dans 100 ans ? Est-ce qu'on commence à y travailler aujourd'hui ? Est-ce qu'on commence à se projeter ? Est-ce qu'on pense à réparer ses blessures ? À se soigner, à se réconcilier, à construire ensemble ? Et comment est-ce qu'on le fait ? Et le projet Le Ballet, c'est ça. C'est comment est-ce que j'arrive à proposer un symbole fort, à proposer des pistes, des idées comme ça, pour qu'on arrive à travailler sur ces sujets-là, sur ces thématiques-là. Et donc les moyens de le faire, on parlait des disciplines tout à l'heure, c'est avec un film, j'ai envie de faire un long métrage, Le Ballet. où je raconte la recherche de ce fameux balai magique. C'est un film, un long métrage, dans lequel on suit la quête de cinq protagonistes qui vont à la recherche de ce balai. À la fin du film, spoiler, elle rapporte le balai. L'idée, c'est de dire, OK, on sort de la fiction, on rentre dans la réalité. Qu'est-ce qui se passe socialement lorsqu'on a un balai magique comme ça ? La deuxième étape, ou le deuxième pilier du projet, le balai, c'est d'organiser un événement, un débat. Un événement de dialogue en fait, où on met autour de la scène différentes parties prenantes, différents acteurs de la société, différents représentants des différentes couches sociales de la société, des différents groupes de la société, où on les invite à discuter ensemble. Mais avec dans l'approche l'idée de garder en tête que, ok, on a des conflits, des dissensions et plein de blessures, de fractures, mais on doit pouvoir réfléchir à l'avenir. Qu'est-ce qui se passe si on peut vraiment balayer et aller de l'avant ? Voilà, c'est vraiment ce concept-là qui reste clé dans l'événement. Et la dernière partie, c'est l'installation monumentale. L'idée, c'est de dire, OK, j'ai envie que ça reste une action continue, que ça se poursuive, que ce ne soit pas quelque chose qu'on fait comme ça un mois, deux mois et après on oublie. Comment est-ce que j'arrive à rappeler régulièrement aux gens ?

  • Speaker #0

    À l'ancrer.

  • Speaker #1

    C'est ça, à l'ancrer. Exactement, que ce soit pérenne. Et même que les gens définissent des petites actions, des petites habitudes autour de ce ballet-là. L'idée c'est ça, faire une installation monumentale dans une commune, dans une ville, dans une capitale, avec l'idée que quand les gens vont passer là, ils vont se souvenir du ballet, avec des petits rituels, des petites zones pour écrire ces blessures et les brûler, dans la petite cheminée qui sera prévue pour ça, ou le petit coin qui sera prévu pour ça, mais vraiment avec le truc de, ok, on continue de l'incréer dans les imaginaires. D'ailleurs, ça me fait penser à quelque chose. Dans les petites actions comme ça, silencieuses, qu'on peut porter avec un symbole ou autour d'un symbole, il y a, c'est aujourd'hui je crois, la journée de soutien aux personnes portant des trisomies 21. Et l'une des actions de résistance qui est proposée, c'est simplement de porter des chaussettes dépareillées. Je trouve ça magnifique, ça ne coûte rien. Et pourtant, ça nous oblige, par exemple, j'ai fait l'exercice ce matin, d'expliquer à mes enfants, ah mais on met des chaussettes dépareillées. parce qu'on veut soutenir les enfants porteurs de cet handicap-là. Donc c'est vraiment ce type de petites actions que j'aimerais pouvoir pousser avec le projet Le Balein. Des petits transformateurs, mais qui gravent quand même à l'intérieur l'idée que l'avenir viendra et qu'il faut qu'on travaille à cet avenir-là.

  • Speaker #0

    Et tu en es où justement dans ce projet ?

  • Speaker #1

    Alors je viens de passer... Cinq mois facilement dans la phase de conception, préparation pour vraiment fignoler le projet, le construire, le définir. Et j'ai attaqué la phase de lever de fonds depuis le 10 mars, donc ça fait 11 jours aujourd'hui. Donc c'est une phase où je rencontre des fondations, des RSE, des organismes internationaux pour essayer de présenter le projet, pour roder le projet aussi, pour voir comment est-ce que je peux trouver des angles intéressants pour eux. Et naturellement, évidemment, pour les convaincre d'investir avec moi sur ce projet-là.

  • Speaker #0

    Et c'est quoi les premiers retours du coup ?

  • Speaker #1

    Deux premiers retours parce que là, j'en suis au deux premiers rendez-vous. Deux premiers retours très intéressants. Le premier retour, il faut que je travaille sur l'aspect concret pour les entreprises. Qu'est-ce qu'elles y gagnent concrètement ? Parce que malheureusement, les entreprises ont cette Ausha de qu'est-ce qu'on y gagne. Et le deuxième retour, plutôt... Dans l'autre sens, c'est comment est-ce que j'arrive à monter à l'Assemblée nationale avec ce projet, comment est-ce que j'arrive à le transformer en quelque chose de social, et donc de monter une pétition, de faire signer des pétitions, de vraiment pousser pour qu'il y ait des actions concrètes qui soient menées là-dessus. Donc il y a à la fois le besoin de descendre plus bas pour faire du concret par entreprise. et le besoin de monter plus haut pour aller le porter encore plus loin que ce que je l'imaginais.

  • Speaker #0

    Oui, l'action sur tous les niveaux.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Justement, c'est quoi ta définition d'agir ?

  • Speaker #1

    Déjà être bienveillante envers soi-même. On commence à agir lorsqu'on est bienveillante avec soi-même. Et ensuite, accepter que le chemin sera long et faire des petites actions. Un pas après l'autre, un courage, un bout de courage après l'autre. Parfois, je négocie avec moi-même. Allez, aujourd'hui, deux petites actions. Et après,

  • Speaker #0

    je vois bien l'idée.

  • Speaker #1

    Je négocie. C'était quand ? C'était mardi de la semaine dernière. J'allais au forum CB. Je suis plutôt une introvertie, donc je suis moins à l'aise pour ouvrir les conversations et discuter comme ça. Et je m'étais fixé un petit objectif. Allez, tu réussis à parler à trois personnes, trois personnes que tu ne connais pas, et c'est bon. Donc, j'avais cet objectif en tête. Le matin, je suis arrivée, j'ai dit, allez, tu fais la première personne, comme ça, après, il ne te reste que deux. Donc, j'ai fait la première personne, ça m'a détendue. Je me suis dit, OK, bon, allez, on se motive pour la deuxième et la troisième. Et je me suis retrouvée en train de parler, d'ailleurs, à un dirigeant d'entreprise. Il y a cinq ans, je n'aurais pas eu le courage de l'aborder. Je discutais avec lui. Ensuite, je me suis fait une petite tape sur l'épaule, comme si je disais, bon, bravo. Tu vois, tu vois, tu es arrivé. Donc, j'ai réussi à atteindre mon objectif de trois personnes avec qui discuter. Et puis, voilà, c'était ça pour moi l'action.

  • Speaker #0

    Oui, tu nous donnes là aussi un conseil, de se donner aussi parfois des objectifs très simples d'agir. Ça peut être à la fois dans le quotidien et sur, oui comme tu le dis, parfois par nous en premier, pour qu'on puisse déjà rayonner avant de vouloir faire rayonner autre chose parfois.

  • Speaker #1

    Exactement, exactement. Mais là, l'action passe par nous. En fait, c'est nous qui constituons le monde. C'est chacun qui constitue le monde. Je pensais à ça, au fait qu'on parle tellement de... je ne sais pas, des grands milliardaires ou bien du nouveau président américain, on ne va pas le nommer, qui sont si présents dans nos actualités, dans nos imaginaires, en fait, ils prennent de la place. Et on voit qu'ils parfois peuvent nourrir de la colère par rapport aux messages qu'ils peuvent porter. Et je me disais, mais eux, ils se battent pour que leur vision du monde advienne.

  • Speaker #0

    C'est à nous de nous battre pour que notre vision du monde advienne. C'est une bataille, ils se battent pour leurs intérêts. Et c'est normal en fait, il n'y a pas à leur en vouloir pour ça. Nous, notre boulot c'est de nous battre pour notre intérêt. Prenons un autre exemple d'action concrète. Nous sommes des femmes, on sait qu'on a plus de mal à publier sur LinkedIn. Il y a six mois, j'étais paralysée à l'idée de parler de mes autres univers sur LinkedIn. Sur LinkedIn, j'étais une espèce du paiement, je ne postais pas, je n'existais pas.

  • Speaker #1

    J'ai perdu le jugement.

  • Speaker #0

    Peur du jugement, peur que ça allait me casser, même des opportunités, peur que les gens ne s'y retrouvent pas dans toutes les casquettes qui étaient les miennes, peur que les gens concluent que parce que je parlais de cinéma ou de mode, ça signifiait que j'avais quitté le paiement. Il y avait tellement de peur autour de ça. Et puis un jour, je me suis dit, bon, allez, un petit acte de courage et après on voit. Donc j'ai fait mon premier poste et je me suis fixé une petite condition. Tu ne le supprimes pas, ce poste, pendant 24 heures. Juste ça. Tu le postes et tu... tu résistes à l'envie d'aller le supprimer parce que personne n'a réagi parce que non mais attends, les gens le lisent qu'est-ce qu'ils vont penser ça t'angoisse ça ? oui ça m'angoissait mais en plus je suis une personne je passe mon temps à envisager les possibles donc à retourner les situations en disant ok mais attends et donc je me dis allez tu n'y touches pas pendant 24h et ainsi de suite et puis j'ai fait mon premier, mon deuxième j'ai oublié de passer la cinquantaine de postes et puis je ne suis pas morte, j'ai continué et je vais continuer donc voilà

  • Speaker #1

    Est-ce que tu es une femme au quotidien qui t'inspire, qui te donne envie d'agir, qui est peut-être un modèle ou quelqu'un en tout cas, comme Wafa qui nous a mis en relation, qui m'a dit il faut que tu l'interview, c'est quelqu'un qui agit. Est-ce que tu as d'autres personnes en tête ? Ça serait qui ? Pourquoi aussi ? Qu'est-ce qui est inspirant dans ce qu'elle fait ?

  • Speaker #0

    J'en ai plein déjà. Depuis 5 ou 6 ans, de manière très consciente, je vais beaucoup... lire des écrivaines femmes et même des écrivaines femmes noires. Je vais beaucoup m'intéresser au travail des femmes de manière consciente. Je vais décider parfois de m'entourer de femmes, de femmes entrepreneurs, de femmes qui ont un parcours similaire au mien, avec dans l'idée de, ok, déjà, c'est dû pour moi, ça doit être dur pour elles aussi. Donc, on va se soutenir. Et ensuite, quand je serai au plus bas, elles vont me dire de continuer. Donc, j'en ai plein autour de moi. Je n'ai pas ou la porte qui est l'une de mes meilleure amie que je suis, qui est entrepreneur et qui s'est lancée, mais avec qui on s'encourage tout le temps. J'ai Wafa autour de moi, qui est naturellement une boxeuse et une bosseuse, donc je lui fais un coucou. D'ailleurs,

  • Speaker #1

    je fais juste une parenthèse pour vous inviter à écouter son épisode. Je le mettrai en commentaire pour vous dire quel numéro c'est, mais effectivement, il faut s'inspirer des femmes qui nous entourent.

  • Speaker #0

    Et dans les femmes qui sont un peu plus avancées que moi, je lis beaucoup Léonora Miano, une écrivaine extraordinaire. mais vraiment une écrivaine importante, je crois, pour notre ère. Je lis beaucoup cette femme, je lis aussi beaucoup Shimamanda Gozi Asdiche, qui est une écrivaine nigérienne qui a fait une partie de sa vie aux Etats-Unis. Et donc voilà, je suis autour des femmes et je pense que je vais y aller de plus en plus, à m'entourer de femmes.

  • Speaker #1

    Ça inspire de s'intéresser aux femmes. Oui,

  • Speaker #0

    complètement. Mais c'est assez fou, ça me met presque en colère de me rendre compte que j'ai passé les 30 premières années de ma vie. de manière inconsciente à lire beaucoup d'écrivains hommes, à regarder beaucoup de films faits par des hommes, des séries faites par des hommes, où les hommes avaient les péchenards principaux. Alors il y aura toujours la place pour les hommes, mais je fais consciemment de la place pour les femmes.

  • Speaker #1

    Je crois qu'on va rester sur cette même parole. Vraiment. Merci Ornella pour ce que tu fais, pour ce discours où il y a plein de phrases inspirantes. J'espère que nos auditeurs, auditrices l'auront aussi ressenti. Et bravo. pour ce que tu entreprends.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi, Émilie, pour cette invitation et pour cette magnifique conversation. Je me suis sentie tellement à l'aise. Tu vas gérer tout donné. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci.

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