- Speaker #0
Bonjour Karine.
- Speaker #1
Bonjour Émilie.
- Speaker #0
Merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation dans Elsagis, je suis ravie.
- Speaker #1
Moi aussi, merci à vous pour cette invitation.
- Speaker #0
Alors Karine, vous êtes la directrice exécutive de l'engagement et membre du COMEX du groupe Carrefour. Et d'ailleurs vous nous recevez ces locaux aujourd'hui, donc j'en suis ravie, merci. Et donc votre parcours mêle à la fois l'engagement au public, les responsabilités stratégiques et des actions très concrètes sur le terrain. quand vous avez parlé justement de ces actions que j'ai eu envie de vous interviewer parce qu'il y a vraiment et on le sent dans votre volonté d'agir d'entreprendre de mettre des choses concrètes sur le terrain et donc vous ancrer quelque part vos convictions dans la réalité et sans jamais effectivement déconnecté de l'impact social des décisions stratégiques il y a tout un ensemble dans le rôle que vous avez qui est en jeu et que que vous avez bien en compte et donc dans ce poste avec ce rôle vous avez choisi d'agir avec une vision claire et résultats tangibles. Accès à une alimentation plus saine, j'en cite quelques-uns, mais on y reviendra. Égalité femmes-hommes, lutte contre la précarité menstruelle, les sujets sont vastes, mais c'est autant de sujets sur lesquels vous et sur lesquels Carrefour avance sous votre impulsion. Alors aujourd'hui, comme je l'ai dit, j'aimerais qu'on reprenne à la fois votre parcours, vos valeurs, votre vision de l'engagement, à la fois ambitieux et profondément humain, et parfois je me dis que ça nous manque encore parfois. Merci aussi pour ça. Et donc pour commencer, j'aimerais revenir un petit peu plus à la source. Qu'est-ce qui vous a motivé à rejoindre ce groupe Carrefour et nous expliquer quel était votre parcours avant ? Et comment cette mission que vous avez aujourd'hui résonne-t-elle avec vos valeurs profondes ?
- Speaker #1
Alors c'est une vaste question en effet. Comment je suis arrivée chez Carrefour en 2022, désormais il y a trois ans. Moi je pense que j'ai toujours eu la volonté, le souhait d'être utile. de faire un travail qui a un impact, qui serve les gens. Et c'est pour ça que j'ai eu plusieurs phases dans ma carrière. J'ai commencé à travailler à Bercy. Je suis fonctionnaire au départ, donc quand on est fonctionnaire, quand on passe les concours de la fonction publique, généralement c'est qu'on a envie de servir, de servir l'État, de répondre à des soucis, à des besoins d'intérêt général. Donc moi j'ai commencé ma carrière à Bercy, et parfois c'est vrai que ça peut sembler assez peu intuitif Bercy, dans le côté on rend service. Mais je pense que c'est vraiment une administration qui rend service aux gens, qui est très utile, très présente. Moi, j'étais à la direction du Trésor où on participe au financement de l'économie. Donc on oublie parfois ce que c'est que le financement de l'économie, mais c'est quelque chose d'utile. On le voit en ce moment avec tous nos débats sur les taxes douanières. Quand on a une économie qui est en bonne santé, c'est quand même une forme de bien public. J'ai beaucoup travaillé à Bercy aussi sur le sauvetage d'entreprises en difficulté. C'était le sujet sur lequel je travaillais et où là aussi, l'État et puis l'État concert peut avoir une vraie action. qu'on essaye de réunir les créanciers, les banquiers, les syndicats, toutes les parties prenantes, et puis de faire en sorte qu'une entreprise qui était peut-être vouée à disparaître, on lui donne un petit coup de pouce et puis elle continue à exister, à employer des gens. Donc voilà, moi j'ai passé mon premier début de carrière d'abord à Bercy, où j'avais un vrai sentiment d'utilité, jusqu'en 2012. Après j'ai souhaité rejoindre le secteur privé, et là je voulais aussi aller dans une entreprise qui avait du sens, et j'ai travaillé dix ans chez Veolia. Donc Veolia, c'est trois métiers. C'est la gestion de l'eau, c'est le traitement des déchets et c'est la valorisation de l'énergie. Donc c'est des métiers dont on a tous besoin au quotidien. J'ai travaillé dix ans chez Veolia et c'est vrai que j'étais frappée par cette phrase du PDG qui disait qu'il y a encore un siècle ou 150 ans, on mourait de boire de l'eau parce qu'à l'époque, il y avait du choléra dans l'eau. Et on a tous oublié ce que l'eau potable nous a apporté en termes de confort de vie et de qualité sanitaire. Et donc voilà, c'est des métiers très utiles quand on travaille chez Veolia. Au quotidien, avoir une ville qui a une gestion des déchets, qui ramasse les déchets, qui les valorise, avoir de la valorisation de l'énergie, essayer de réduire notre consommation d'énergie, de la rendre plus renouvelable. Avoir évidemment de l'eau potable, un sujet qu'on a oublié dans les pays développés, mais où dans plein de pays, on rêverait d'avoir un accès à l'eau potable. Donc voilà, c'est comme ça que j'ai passé 10 ans chez Veolia, avec là aussi des métiers qui font sens, où les gens chez Veolia sont tous très heureux d'avoir cette mission, vraiment un peu d'intérêt général. Et puis après en 2022, j'ai souhaité bouger et voilà, c'est comme ça que je suis arrivée chez Carrefour. Sur deux sujets où là encore j'avais le sentiment d'être utile. Le premier c'est le lien avec l'alimentation. Carrefour évidemment on est au cœur de ces sujets d'alimentation qui sont clés. Je pense qu'on le voit tous, on mange trois fois par jour, on fait ses courses plusieurs fois par semaine. Et l'alimentation c'est un véritable bien public. On est tous sensibles à la qualité de l'alimentation, au fait qu'elle soit à un prix abordable pour tous. qu'une alimentation de qualité ne soit pas réservée qu'aux plus riches. Donc il y avait ce sujet alimentation sur lequel on reviendra. Et puis il y avait la taille de Carrefour, parce qu'on a quand même quasiment 500 000 salariés dans le monde qui travaillent chez Carrefour. Et donc là, quand on parle du rôle de l'entreprise, qui est un sujet auquel je crois beaucoup, les entreprises ont un rôle sociétal à jouer. On peut faire plein de choses en entreprise. On peut lancer plein de politiques de diversité, d'inclusion, d'engagement des collaborateurs. Quand on s'appelle Carrefour, qu'on est présent dans toute une série de pays dans le monde, qu'on a beaucoup de salariés, on a la capacité. de faire bouger les lignes. Donc ça aussi, c'est un sujet qui me plaisait beaucoup chez Carrefour et qui continue de me plaire. Donc voilà, c'est les deux raisons pour lesquelles je suis arrivée chez Carrefour. C'est une entreprise qui n'est pas comme les autres. C'est le secteur de la grande distribution. On est au cœur de plein d'enjeux d'alimentation, de souveraineté alimentaire. Et puis, on a une responsabilité à travers le nombre de salariés qu'on a. Carrefour, on a 500 000 salariés, mais Walmart, qui est notre comparable aux États-Unis, la plus grande entreprise en termes de nombre de salariés. Donc voilà, c'est des entreprises qui ont un vrai impact sociétal.
- Speaker #0
Oui, et de plus en plus aussi les employés, les salariés, quand ils choisissent une entreprise, prennent en compte cette notion. Ça devient un vrai critère de savoir quel est le rôle de l'entreprise dans la société. C'est devenu aussi important presque que tout le reste.
- Speaker #1
Exactement, et ça moi j'en suis vraiment convaincue. En effet, ça reste parfois un choix de collaborateurs ou de salariés qui a de la chance de pouvoir choisir entre plusieurs entreprises. Mais quand on a le choix, on va tous aller spontanément vers une entreprise qui nous ressemble. qui fait des actions vis-à-vis de la société, qui a une politique climatique, qui s'engage. Et donc en effet, c'est aussi un sujet de marque employeur, ça permet de recruter des gens qui se sentent en adéquation avec nos valeurs et qui sont contents et fiers de travailler chez Carrefour. Et ça, je pense qu'il y a vraiment une forme de supplément d'âme où les gens sont fiers de voir tout ce qu'on fait, notamment notre grand sujet chez nous qui est la transition alimentaire pour tous, qui est notre raison d'être et qui est vraiment quelque chose qui diffuse en interne et qui est très présent au quotidien.
- Speaker #0
Oui, c'est un sujet qui vous touche particulièrement aussi. Vous êtes assez sensible sur cette... sur cette cause-là.
- Speaker #1
Moi, c'est un sujet qui me touche beaucoup à titre personnel aussi, mais comme je pense beaucoup de gens. J'ai deux enfants qui ont 7 ans et 9 ans, mais je pense que tout le monde est concerné par le sujet de l'alimentation et de la santé et de tout ce qu'on mange au cours d'une vie. On mange des millions de tonnes de nourriture et on a la capacité d'influer sur ce qu'on mange, de manger des produits plus bio, plus vertueux, plus respectueux de la planète. Et donc, je trouve que c'est une mission formidable d'essayer de démocratiser. Cet accès pour tous à une alimentation de qualité et respectueuse de l'environnement, je trouve que c'est vraiment une belle mission.
- Speaker #0
Et vous êtes aussi très engagée dans l'égalité homme-femme. C'est un sujet aussi qui est important. Vous avez mis des choses en place. Est-ce que vous pouvez nous en parler justement ? Et pourquoi c'est important de mettre en place des choses concrètes pour arriver à cette égalité dans le monde professionnel ?
- Speaker #1
Alors ça, évidemment, en tant que femme, c'est un sujet qui me touche beaucoup. Mais je pense que c'est un sujet qui concerne aussi beaucoup les hommes. On a énormément de femmes chez Carrefour, on a un peu plus de femmes que d'hommes, on doit être à 52% de femmes et 48% d'hommes dans notre corps social. Et c'est vrai qu'on a beaucoup agi et de longue date sur la féminisation des cadres dirigeants, c'est un peu le sujet par lequel on prend toujours l'égalité hommes-femmes, de se dire qu'il faut davantage de femmes à des postes de direction. Et donc ça c'est un sujet sur lequel on a bien avancé chez Carrefour. On a par exemple 44% de nos managers qui sont des femmes, donc on n'est pas encore à la parité mais on n'en est quand même pas si loin. On a beaucoup de femmes cadres dirigeantes et puis en même temps on se disait il n'y a pas que ce sujet des femmes cadres dirigeantes, de l'égalité salariale, il y a aussi le sujet de ce qui fait qu'une femme au quotidien n'est parfois pas dans la même situation qu'un homme. Et donc en échangeant beaucoup en interne, en se disant tiens, quelle serait vraiment l'initiative qu'on pourrait lancer, qui parlerait à tout le monde en interne, qui ferait du sens, c'est venu d'une jeune femme de mes équipes qui souffrait d'endométriose et qui revenait d'un déplacement en Espagne, elle était le voir Carrefour Espagne. En Espagne, il y a une loi sur l'endométriose et donc elle est revenue en disant si jamais j'avais des jours d'absence autorisés quand je souffre d'endométriose, ça changerait ma vie au quotidien. Et donc on a un peu regardé ce sujet, on l'a un peu expertisé et donc on a annoncé il y a deux ans un dispositif assez novateur puisqu'on est toujours les seuls en France à l'avoir fait, à accorder une journée d'absence par mois, c'est-à-dire 12 jours par an à toutes les femmes qui souffrent d'endométriose. Et ça en fait, ça a été... un véritable succès en interne, parce qu'il y a énormément de femmes qui souffrent d'endométriose, et qui pour l'instant faisaient comme plein de sujets pour les femmes, c'est-à-dire que, ben voilà, elles faisaient un peu contre mauvaise fortune, bon cœur. On le voit sur d'autres sujets, les maladies cardiovasculaires, les femmes, par exemple, quand elles font un infarctus, mettent beaucoup plus de temps qu'un homme à s'en rendre compte, parce qu'en effet, elles se disent qu'elles sont fatiguées, qu'elles travaillent beaucoup, et donc l'endométriose, il y a beaucoup de femmes qui se disent, ben voilà, je fais avec, sauf que faire avec, C'est soit aller au travail en souffrant énormément, soit c'est poser une journée d'arrêt, mais la première journée d'arrêt... C'est une journée de carence avec la sécurité sociale et c'est non payé. Et donc, c'est quand même pas neutre d'avoir une journée en moins travaillée. Et donc, voilà, on a lancé ce dispositif et on a été vraiment très contents parce que ça correspond vraiment à un souci quelque part de justice sociale, de dire que la santé des femmes n'est pas la même que celle des hommes. On pourra dire tout ce qu'on veut, mais il y a des sujets un peu différents. On a lancé aussi au même moment des congés sur la PMA, sur la fausse couche aussi. Et donc, voilà, des sujets qui touchent les femmes et ça a été très... très bien accueillie en interne et on a été vraiment très contents de ce dispositif sur une forme d'égalité réelle.
- Speaker #0
Et vous, quelle est aussi la... Quelque part la satisfaction, en tout cas l'épanouissement personnel de se dire que vous contribuez à ça et aussi en tant que femme. Maintenant dans ce rôle, vous l'avez dit, vous avez toujours eu envie de servir et d'être dans un rôle d'action. Là vous voyez du concret que réellement on peut mettre en place parce qu'il y a pas mal de choses dont on parle depuis longtemps, il y a pas mal de choses dont on sait mais les entreprises ont du mal quand même à en mettre en avant. Là ça passe aussi par votre biais, votre propre engagement en tant que femme, en tant qu'humaine. Qu'est-ce que vous en retirez aussi de ça pour vous ?
- Speaker #1
Moi, j'en retire une vraie fierté, évidemment, et une vraie satisfaction sur le rôle de l'entreprise. Moi, j'en suis véritablement convaincue. Quand on travaille pour l'État, il y a plein de choses formidables qu'on peut faire, mais évidemment, c'est toujours dans un temps un peu plus long. Alors que dans une entreprise où il y a quand même des circuits de décision assez courts, et puis quand on a la chance d'avoir un PDG, ce qui est le cas d'Alexandre Bompard, qui est extrêmement convaincu sur les sujets, on peut décider très vite. Notre dispositif sur l'endométriose, évidemment, on a regardé un petit peu ce qui se faisait, ce que la loi permet ou ne permet pas. Parce que l'idée, ce n'est pas de proposer des dispositifs qui ne fonctionnent pas. Mais une fois qu'on a expertisé, ça allait très vite. Et en un mois, on a lancé le dispositif. Et un mois après, il s'appliquait. Et je trouve que c'est ça qui est formidable dans une entreprise. C'est que si on a vraiment des dirigeants qui sont convaincus, on peut lancer des choses et on peut changer la vie de beaucoup de gens. C'est ça que je trouve vraiment quelque part grisant en entreprise, de se dire qu'on peut vraiment faire bouger les lignes. C'est ça qui est passionnant. Et sur toute une série de sujets, sur les sujets, il y a un sujet qui nous tient beaucoup à cœur chez Carrefour, c'est le handicap. On en a fait la grande cause de notre plan stratégique sur 2022-2026 avec deux engagements. Le premier, c'est de recruter 15 000 collaborateurs en situation de handicap. Sur le papier, ça semble facile. En réalité, ce n'est pas si simple que ça. C'est-à-dire qu'on le fait en France, mais dans tous les pays où le groupe est présent. Et en France, on a la chance d'avoir une loi sur l'emploi des personnes en situation de handicap. Ce n'est pas le cas dans tous les pays du groupe. il y a des pays où... Quand on est en situation de handicap, c'est très compliqué de trouver un emploi. Et quand Carrefour, dans un pays, dit « si, moi je veux recruter des personnes en situation de handicap » , on change la donne, on change le regard sur le handicap. Et donc ça, ça a été véritablement quelque chose qui change la donne. Et on le fait aussi en magasin. Donc en magasin, on a lancé notre premier magasin « Andy Accessible » , avec toute une série d'innovations qui vont d'avoir des perches de préhension. Donc c'est un peu comme des grandes perches qui permettent à une personne en fauteuil roulant d'accéder aux rayons qui sont tout en haut ou tout en bas. Et puis avec des choses aussi très numériques, avec des applications sur smartphone pour les personnes malvoyantes, pour leur dire vous êtes à l'entrée du magasin, là vous êtes au rayon céréales. Après avec Kellogg's, on a lancé aussi des QR codes. Donc la personne en effet qui est malvoyante, moi c'est ce que j'ai découvert à l'époque, se sert d'un smartphone en fait pour se repérer dans l'espace. Et donc avec le smartphone, elle est devant le paquet de céréales et elle sait qu'en l'occurrence c'est des Kellogg's, c'est des spécial cas à la fraise au chocolat avec les allergènes. Et donc elle a accès exactement aux mêmes informations qu'une personne. bienvoyante et donc voilà tout ça c'est formidable c'est là où on se dit notre magasin on dit accessible on est très très fier c'est vraiment quelque chose qui change la vie des gens en personne en situation de handicap et voilà donc c'est pour ça qu'on se dit dans une entreprise on a la latitude de pouvoir vraiment faire des choses pour les causes qui nous tiennent à coeur alors
- Speaker #0
je voulais revenir aussi vous l'avez évoqué vous êtes maman aussi de deux enfants vous menez une carrière quand même qui est impressionnante qui engagé qui qui demande beaucoup de J'imagine aussi comment vous arrivez à concilier les deux. Est-ce que vos maternités se sont intégrées dans votre parcours professionnel ? Pourquoi je pose encore cette question quelque part ? Parce que c'est un vrai enjeu pour les femmes encore d'ambitionner sur des postes quand même à responsabilité et d'envisager aussi d'avoir un rôle de maman en parallèle.
- Speaker #1
Alors moi j'ai eu mes enfants en 2015 et 2017, donc à l'époque j'étais encore chez Veolia, où j'ai fait plutôt en effet le modèle Working Woman. à travailler jusqu'au bout, à pas forcément prendre mon congé maternité, voire très très très peu. Et je pense que pour les femmes, on a eu un énorme appel d'air. Pour moi, c'est le Covid. Le Covid et tout ce que ça a changé en termes de mode de travail, de télétravail. Moi, jusqu'au Covid, je n'ai jamais fait une seule journée de télétravail. Alors que ma fille était petite, je n'ai jamais emmené à l'école le matin. Je ne suis jamais allée la chercher à 4h30 parce qu'en effet, il y avait une forme de culture du présentéisme dans beaucoup d'entreprises françaises. Et je pense que le Covid a vraiment changé les mœurs. on voit très bien qu'on peut faire pas mal de choses en télétravail. On fait moins de déplacements professionnels parce qu'on se rend compte que les déplacements évidemment ça émet du CO2, c'est beaucoup de fatigue et que parfois on peut aussi une fois qu'on a vu les gens une seule fois faire des conf calls et je pense que voilà le Covid a fait une culture de travail beaucoup plus ouverte qu'on n'avait pas en France où on peut se permettre de temps en temps d'aller chez le pédiatre et puis de rentrer travailler le soir après à plus tard. Je pense que pour les femmes c'était vraiment une libération. En tout En tout cas, moi, j'ai vu le avant-après. Alors après, évidemment... Tout ça ne fonctionne que pour les femmes qui ont un job sur lequel on peut faire du télétravail. En effet, quand on est en magasin, quand on est en entrepôt, c'est parfois plus compliqué. Mais pour toutes celles qui ont un job où on peut faire du télétravail, je pense que ça fait une vraie forme de flexibilité qui n'existait pas avant. Et donc moi, je suis la dernière, probablement en génération, à avoir connu les enfants en bas âge avant et après le Covid. Et ça, c'était le seul point positif du Covid qui a vraiment libéré notre rapport au travail. On est tous beaucoup plus nomades. Et vous,
- Speaker #0
vous l'avez vraiment ressenti ? Vous avez changé des choses concrètement ? Dans votre manière de voir, le travail est l'équilibre, en fait, perso pro ?
- Speaker #1
Oui, je pense que le télétravail, en tout cas quand on voulait être quatre dirigeants, il y avait un petit côté compliqué à demander du télétravail. Je pense que maintenant, il y a beaucoup de gens qui font du télétravail, qui travaillent à distance. Il y a cette culture du résultat, l'obligation de résultat plus que l'obligation de moyens. Je pense qu'elle s'est vraiment décuplée en France. Il y a d'autres pays qui étaient peut-être plus avant-gardistes, plus précurseurs. Mais nous, je pense qu'en effet, tant que les gens délivrent, ont des bons résultats, quelque part, en effet, l'employeur s'en moque un peu plus de savoir d'où il le fait. Et ça, je trouve ça assez sain. Évidemment, toute proportion gardée, ce n'est pas non plus une ode au télétravail, mais ça permet pour une femme, quand elle a un enfant malade qui se casse le nez, que l'école appelle, de pouvoir s'absenter du travail et de retravailler le soir de chez elle. Personne n'en tiendra rigueur. C'était peut-être moins le cas il y a 10 ans.
- Speaker #0
Et vous leur en parlez, justement, de ce rôle de l'entreprise, eux qui peuvent se projeter dans des... Voilà donc. dans leur futur, de l'importance, comme on vient de l'aborder, de ce que l'entreprise pourra avoir comme rôle, du rôle qu'ils peuvent avoir aussi au sein d'une entreprise. Est-ce que c'est un échange que vous avez déjà avec vos enfants, ou ils sont encore petits ?
- Speaker #1
Oui, mes enfants sont très sensibilisés au monde de l'entreprise. Je pense que chez Carrefour, on est vraiment une entreprise très ouverte, on fait beaucoup de choses avec nos collaborateurs, on fait beaucoup de choses pour avoir une forme d'esprit un peu de famille, même si le terme, en effet, sur l'entreprise, de plusieurs dizaines de milliers de collaborateurs est toujours compliqué. On fait beaucoup de journées enfants aussi à notre siège social où vous êtes aujourd'hui de Massy. On fait ça quand même une fois chaque année. Tous les enfants viennent avec leurs parents. Et c'est un moment un peu formidable où les enfants peuvent voir qui sont leurs collègues, qui sont les collègues des parents, à quoi ressemble le bureau, la cafétéria, etc. Donc mes enfants sont très sensibilisés au travail que je fais. Et puis Carrefour, on a des magasins partout. Donc en effet, les enfants, il y a un côté plus réel. Je pense que tous les enfants de collaborateurs Carrefour voient ce que font leurs parents. Et c'est plutôt sain d'avoir une forme de rapport au travail tout à fait décomplexé, que les enfants sachent ce que font les parents, à quoi ça ressemble, à quoi ça sert. Même si je dois avouer que mes enfants n'ont pas encore forcément compris ce que c'était s'occuper de RSE et d'impact. Je pense que c'est encore un tout petit peu lointain pour eux.
- Speaker #0
Ça sera quand même leur génération. Ça sera ancré quand même dans leur génération.
- Speaker #1
Exactement. Et en revanche, ils voient toutes les réalisations. Le concret. Le concret de nos réalisations. Moi, j'essaie de beaucoup les éduquer sur ce qu'on peut faire, tout ce qu'on peut faire à terme d'impact sociétal. Je vais faire ma petite minute de promotion pour la marque Ramdam Social, que vous connaissez probablement. Et je trouve que c'est une marque formidable. On y croit depuis le début chez Carrefour. On a été les premiers à les commercialiser. Maintenant, ils sont présents partout. Ils sont présents dans les relais, achetons les monoprix partout. Ça fait plaisir de les voir. Et ça, je pense que mes enfants, maintenant, ont compris et spontanément vont vouloir acheter des cookies Ramdam Social plutôt qu'un autre, en sachant que derrière, ils font une bonne action et que c'est un repas offert à une personne qui vit dans la rue. Donc, je pense qu'en effet, il y a toute une... Un nombre de sujets très importants de sensibilisation qu'on peut faire.
- Speaker #0
J'avais envie d'avoir aussi votre avis sur l'ambition féminine. Est-ce que vous avez peut-être un conseil à donner si une femme nous écoute et se dit « moi aussi j'aimerais arriver à un poste responsabilité, avoir une carrière, etc. » L'ambition féminine fait encore peur, ou en tout cas on n'a pas encore tous les codes pour avoir l'ambition de l'ambition quelque part. Est-ce que ça a été le cas aussi pour vous ? Est-ce qu'à un moment, il y a eu ce petit syndrome de l'imposteur qui a toqué à votre porte ? Ou pas forcément parce que tout s'est déroulé naturellement ? Et si vous aviez un conseil à donner à quelqu'un qui n'ose pas encore être ambitieuse, ça serait quoi ?
- Speaker #1
Alors, moi, je pense qu'il y a deux sujets là-dessus. Le premier sujet, c'est de dire que les femmes n'osent pas. Moi, c'est quelque chose auquel je ne crois pas. C'est-à-dire que depuis que j'ai commencé à travailler, chaque année, j'ai demandé une augmentation de salaire. Chaque année, je me suis roulée par terre comme un homme. Et je le vois dans mes équipes, je pense que j'ai plein de femmes qui me demandent à bouger au bout de trois ans, à avoir une augmentation de salaire, qui ne sont pas contentes de leurs conditions de travail. Je trouve ça tout à fait sain. Donc tout le discours pour dire qu'il faut accompagner les femmes, qu'elles n'osent pas lever la main, j'y crois à moitié. En revanche, je pense qu'en effet, nous les femmes, on a un petit côté, et moi la première, parfois bonne élève, à vouloir faire bien les choses, à bien travailler pour son employeur, ce qui est tout à fait normal, et parfois à négliger le côté réseau. Et ça, moi, dans mes équipes, c'est souvent ce que je dis aux jeunes femmes, qu'il faut faire du réseau, il faut faire de l'autopromotion, il faut aller se valoriser, se vendre à droite à gauche comme le font les hommes. Il y avait une grande phrase qui est « Network is not not working » . Et en effet, d'inciter les femmes, elles aussi, à aller des conférences en fin de journée, à prendre la parole à ces conférences, d'être visibles. Et ça, je pense qu'en revanche, en effet. Sur longue période, c'est plutôt le sujet où je me dis qu'on a une petite différence homme-femme. Oui,
- Speaker #0
on reste un peu en retrait.
- Speaker #1
Ou alors à se dire je suis la meilleure de mon équipe et mon chef est content de moi, mais ce n'est pas pour autant que le chef pensera à promouvoir la jeune femme. Et donc, il faut multiplier son réseau externe, avoir de la visibilité. Et ça, en effet, je le vois plus probablement chez les femmes que chez les hommes qui ont une tendance naturelle.
- Speaker #0
Pour vous, ça a toujours été fluide et pas forcément quelque chose de contraignant quelque part. je veux dire avec le recul de se dire J'ai réagi diffé
- Speaker #1
Ce n'est pas forcément fluide. Non, ça n'a jamais été fluide. Je pense qu'on obtient toujours les choses parce qu'on les a demandées. Là aussi, je pense que c'est un des clés. C'est de demander, d'oser. Je pense qu'en effet, les filles, je le vois en effet même avec mes enfants, une petite fille a plus tendance à être la première de la classe, à se dire ma maîtresse est contente de moi. Puis ça y est, elle passe à autre chose. Alors qu'un garçon pourrait être moins bon, mais voilà, il se fera plus remarquer. Donc je pense que voilà, c'est jamais totalement fluide. Pour une femme, je pense que ça restera toujours un tout petit peu plus compliqué. On a des codes qui sont des codes masculins, quoi qu'on en dise. Et donc, pour une femme, il faut aussi jouer avec ces codes masculins, soit s'y intégrer, soit être légèrement en dissension avec ces codes. Ça sera toujours un peu plus compliqué pour les femmes. Mais malgré tout, moi, ça fait 20 ans que je travaille. Je pense que la situation s'est considérablement améliorée pour les femmes. Il n'y a plus de sexisme. Enfin, en tout cas, il n'y a quasiment plus de sexisme, de discrimination. Il reste parfois des codes masculins. Ça très clairement parce qu'on n'efface pas des dizaines d'années de travail au masculin, mais la situation s'est quand même considérablement améliorée. Et puis après, charge aux femmes aussi de jouer dans ces codes-là.
- Speaker #0
On est dans elles agissent et j'ai quelques questions signatures à vous poser. Déjà, j'aimerais connaître votre définition d'agir. Pour vous, ça signifie quoi ?
- Speaker #1
Alors agir, pour moi, ça signifie avoir des résultats. C'est pour ça que je pense que je suis contente d'être chez Carrefour. On est une entreprise très efficace, très... pragmatique. Je pense qu'il n'y a rien qui me révèle plus que les gens qui ont le sentiment d'agir mais qui ne font absolument rien, qui restent dans les grandes paroles, les grandes promesses. Donc agir, c'est avoir des résultats concrets et visibles. Et c'est d'ailleurs ce que je fais sur la direction RSE de Carrefour. On a des KPI en tout, on mesure tout. C'est le seul moyen de savoir si on a véritablement agi ou pas. Si vous faites une course en 100 mètres et que vous ne mesurez jamais, vous pouvez dire que vous êtes amélioré, mais personne n'en sait rien. Donc moi, je crois beaucoup dans les résultats mesurables. et vérifiable. Donc agir, c'est avoir des résultats très factuels, très les pieds sur terre.
- Speaker #0
Et quel combat ou une cause qui vous anime profondément aujourd'hui ?
- Speaker #1
J'ai pas une cause en particulier qui m'anime plus qu'une autre parce qu'évidemment en étant une femme, l'égalité homme-femme c'est important, mais le handicap je suis sensibilisée aussi pour plein de raisons.
- Speaker #0
Il y a plein de sujets.
- Speaker #1
Il y a plein de sujets, je pense que moi le sujet qui me sensibilise le plus en ce moment c'est celui de l'avenir du monde, du contexte international dans lequel on vit, peut-être de la fin de la... paix d'une certaine manière. Moi c'est un sujet qui m'inquiète beaucoup et sur lequel je pense qu'on aurait tous intérêt à se mobiliser. Moi je viens d'une génération, en effet ça a été les 30 glorieuses, on a signé pour une paix en Europe, on pensait que c'était un monde immuable et on est en train de se rendre compte que c'est peut-être plus le cas. Donc je pense que c'est vraiment le sujet qui à la fois m'inquiète le plus et sur lequel je serais le plus prêt à me mobiliser, parce que si ce sujet-là n'existe pas, les autres encore moins. Voilà donc le sujet de la paix dans le monde au sens large.
- Speaker #0
Est-ce qu'il y a une femme qui vous inspire tout particulièrement ? par son action, par l'action qu'elle mène, ça serait qui et pourquoi ?
- Speaker #1
Moi, une femme qui m'a beaucoup marquée, c'est Françoise Héritier, la sociologue. J'ai vu la chance d'Alen de ses dernières conférences avant son décès. Je suis très sensible à tous ses écrits. Et d'ailleurs, ma fille de 9 ans, désormais, connaît Françoise Héritier aussi. Et on est assez d'accord, j'étais assez sensible sur le fait que si les femmes sont un peu plus petites que les hommes, et là encore, on n'enlève pas des décennies un peu plus minces aussi, c'est que probablement, il y a quelques siècles, Les femmes faisaient à manger pour les hommes, les hommes mangeaient d'abord la viande, mangeaient les meilleures pièces, et puis les femmes débarrassaient et mangeaient ce qui reste. Et c'est des décennies et des siècles de repas de cette manière-là qui font que les femmes ont une constitution un peu plus faible que les hommes. Et toutes ces théories sociologiques me semblent être le bon angle d'approche. C'est-à-dire qu'on est différents, les femmes et les hommes, il n'y a aucun ressentiment ou quoi que ce soit. Il y a quand même eu des siècles où les femmes ont été un tout petit peu en retrait. Ça explique pas mal de choses et donc j'aime bien son approche sociologique. des choses sur la différence entre les hommes et les femmes qui ne sont absolument pas insurmontables mais qui ont quand même existé. Ça permet de rebondir sur une de vos questions sur le monde du travail. Je pense qu'on a un monde du travail qui est totalement désormais asexué, quelque part, où il y a une vraie égalité homme-femme. Ce qui peut rester parfois, c'est un peu cette forme de paternalisme, de masculinité, qui a un héritage de siècles où les femmes n'ont pas été considérées comme les hommes. J'aime beaucoup Françoise Héritier. J'ai vraiment une passion pour tout ce qu'elle a écrit.
- Speaker #0
Je comprends, j'aime beaucoup aussi. Elle est très inspirante.
- Speaker #1
Et ça permet à ma fille de se battre si jamais son frère a un plus gros morceau de poulet qu'elle. Elle peut citer Françoise Héritier, elle a gagné la droite au double de ration de poulet.
- Speaker #0
C'est toujours utile.
- Speaker #1
Ça peut toujours servir.
- Speaker #0
Est-ce qu'il y a une action tout particulière qui vous revient là spontanément, qui a marqué votre vie et qui fait que vous en êtes là aujourd'hui et que vous auriez envie de nous partager ?
- Speaker #1
Une action particulière ? Non, je ne sais pas. Je pense que comme beaucoup de gens, il y a beaucoup de choses qui sont liées à l'enfance. J'avais un père qui venait d'un milieu extrêmement modeste, qui a réussi à s'en sortir grâce à la méritocratie, à l'école républicaine. Et je pense que moi, c'est vraiment un sujet qui est resté en moi, cette capacité de progression grâce au travail, grâce aux études. Donc ça, c'est vraiment un sujet qui, quelque part, là aussi, infuse chez Carrefour. Au Carrefour, il y a une dernière entreprise où l'ascenseur social fonctionne. où il y a plein de sujets où on peut progresser en interne. Donc je pense que moi, il y a beaucoup de choses qui viennent de ce milieu extrêmement modeste de mon père et de l'envie de progresser dans la vie, de s'en sortir. Et puis après aussi, de rendre un peu qu'on a réussi à progresser dans la vie en quelque sorte.
- Speaker #0
Merci beaucoup, Karine.
- Speaker #1
Merci. Merci pour cette émission. Merci, Émilie. Merci beaucoup.