- Speaker #0
Hey ! Comment ça va ?
- Speaker #1
Coucou !
- Speaker #2
Comment ça va ?
- Speaker #0
Comment ça va ?
- Speaker #2
Ça va et toi ? Comment ça va ?
- Speaker #3
Ça va.
- Speaker #0
Hey !
- Speaker #2
Comment ça va ?
- Speaker #0
Ça va et toi ? Comment ça va ?
- Speaker #2
Comment ça va à la selle ? À la fin du Moyen-Âge, les médecins avaient l'habitude de poser cette question pour connaître l'état de santé de leurs patients. La phrase comment ça va vient donc en réalité de comment ça va à la selle. 600 ans après, je me suis reposé la même question. Je suis parti sillonner la France et la Suisse à vélo avec mon ami Nathan Pratt, dans l'unique but d'explorer nos toilettes. Sur plus de 3500 kilomètres, nous sommes allés interroger des spécialistes du sujet avec pour seule question en tête, comment vont nos toilettes ? C'est un sujet hyper tabou dans notre société et pourtant, je suis persuadé qu'il est la clé pour tendre vers un monde plus soutenable, plus juste. Tout comme les médecins du Moyen-Âge, je vous invite donc à vous asseoir confortablement sur votre selle, attraper le guidon de votre bicyclette pour soulever la lunette et explorer avec nous le fond de la culette. Je m'appelle Victor Ledoux et vous écoutez le podcast En selle, un véritable voyage au cœur des toilettes.
- Speaker #4
On a fait des réseaux d'égout pratiquement partout.
- Speaker #5
On mettait de l'eau dans les bassins, on soufflait dedans et puis on regardait ce qui se passait.
- Speaker #1
En France, on doit avoir 65 millions d'habitants et on doit avoir à peu près une capacité puratoire d'une centaine de millions d'équivalents habitants.
- Speaker #2
Les trois derniers épisodes nous ont éloignés du ruisseau. Les pieds au sec, nous avons pu observer sous nos yeux la transformation du monde agricole et l'arrivée de l'industrie du déchet au cours du XXe siècle. Après un tel grand écart, nous retrouvons le fil de l'eau. Désormais, l'agriculture n'a plus besoin ni de nos excréments, ni de nos déchets de cuisine pour fertiliser ses terres. Le tout-à-les-goûts continue à se développer, et avant lui, l'adduction en eau potable de tous les habitants des villes. L'eau devient alors plus accessible et elle arrive directement dans les maisons. Les habitants se mettent donc à consommer de l'eau en grande quantité. Avec la chasse d'eau, les excréments humains sont mélangés à l'eau de nos salles de bain et de nos cuisines. Les termes urine et matière fécale disparaissent alors petit à petit du langage courant. Ils sont remplacés par le terme d'eau usée Une expression utile puisqu'elle permet de tout englober sans trop savoir de quoi on parle. Le tout-à-l'égout se répand ainsi dans toutes les villes de l'Hexagone. Mais attention, les eaux usées sont alors rejetées directement en rivière. Dans certaines villes, une valorisation de ces eaux usées est mise en place sous la forme de champs d'épandage. On envoie les eaux usées directement sur les champs cultivés, mais cette méthode va petit à petit atteindre ses limites. A partir du XXe siècle, on va ainsi chercher de nouvelles techniques de traitement plus intensives. C'est ce que nous allons découvrir dans ce huitième numéro. C'est assez drôle, parce que ces innovations sont les systèmes que j'ai étudiés à la fac. Et pour être honnête avec vous, je n'étais pas l'étudiant le plus assidu. C'était de la chimie pure, et je crois que ça me passait complètement au-dessus de la tête. Je n'allais donc plus en cours et avais donc abandonné l'idée de travailler dans une station d'épuration. Pourtant, trois ans après, je me retrouve à faire un voyage à vélo sur le sujet. Il faut croire que j'ai dû gagner en maturité. Durant ce périple, les entretiens que j'ai pu faire pour comprendre le fonctionnement de ces traitements des eaux usées m'ont passionné. Sincèrement, j'ai redécouvert un monde, et avec les personnes pédagogues comme ceux que vous allez entendre, j'ai trouvé ça super simple. Ces personnes, elles sont au nombre de trois. Trois hommes, à peu près de la même génération. Ils ont tous les trois commencé leur carrière dans les années 70. Le premier à nous guider, c'est Bernard Barraquet. Il a débuté ingénieur pour finir directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche publique, le CNRS. Dans ses travaux, il a analysé le partage et la gestion durable de la ressource en eau à travers l'histoire et au sein des pays européens. Nous le rencontrons à Paris, ville dans laquelle il a longtemps travaillé et habité. Le jour de notre rendez-vous, nous restons bloqués devant la porte de son immeuble, sans savoir sur quel bouton appuyer. Et là, miracle, quelqu'un sort de l'humour. Et il se trouve que c'est lui. Nous lui tendons la main pour le saluer, mais là, stupeur. Il nous avait complètement oubliés. Notre rencontre n'avait pas été notée dans son agenda, et il a quelque chose d'urgent à faire ce matin. Il fonce droit dans une bouche de métro et nous laisse comme ça, pantois, sur le trottoir. Heureusement, il nous rappelle quelques minutes après. Il nous propose de passer à midi, juste avant le déjeuner. Derrière la porte de l'immeuble devant laquelle nous sommes restés bloqués, Nous découvrons une magnifique petite ruelle rappelant étonnamment les villes du Sud. Une petite table entourée de plantes nous attend. Mais dépêchons-nous, interview presse, car la femme de Bernard nous scrute par la fenêtre de la cuisine pour savoir quand est-ce qu'ils pourront déguster leur repas.
- Speaker #4
Il fallait d'abord qu'on arrive à mettre des robinets qui ferment à l'entrée des immeubles pour pouvoir vendre des volumes d'eau. Parce que sinon on ne pouvait vendre que des débits d'eau.
- Speaker #6
Bernard Barraquet, chercheur en gestion durable de l'eau.
- Speaker #4
Il y a eu une période où les immeubles étaient raccordés à un réseau d'eau et l'eau coulait en permanence. On avait une fontaine privée, en quelque sorte, dans l'immeuble. évidemment les ingénieurs à la fin du 19ème étaient très embêtés parce qu'on apportait aux immeubles une eau de plus en plus propre et ils trouvaient ça fou de la gaspiller alors quand on a réussi à mettre des robinets on a pu mettre des compteurs et commencer à vendre l'eau au volume et ça, ça a entraîné une certaine marchandisation du service de l'eau comme on dit aujourd'hui par contre pour l'assainissement c'est beaucoup plus tard parce que le tout à l'égout 1894, Paris, puis après un peu partout, ça s'est généralisé et simplement Une fois que le réseau d'égout passait dans votre rue, l'immeuble était obligé de se raccorder. Pour des raisons sanitaires. En gros, l'eau potable, ça a toujours été considéré comme un confort ou un luxe, même au début un luxe, puis après un confort, et seulement plus tard une protection contre les maladies hydriques, alors que l'assainissement, dès le début, à cause des matières fécales, tout ça, c'était obligé de se raccorder. Et du coup, c'était payé dans les impôts locaux. Comme aujourd'hui, on paye encore pour beaucoup l'enlèvement des ordures ménagères parce que c'est des problèmes de santé publique. Donc pour la santé publique, on vous oblige. Et si on vous oblige, ça se paye par l'impôt. Sauf qu'après la Deuxième Guerre mondiale, on a fait un très gros effort d'équipement des villes en réseau d'égout. Et du coup, on a fini par se dire, puisque tout le monde est raccordé, on peut considérer que l'assainissement rend service aux habitants des villes. Donc on n'est plus dans une logique d'obligation, mais une logique de service rendu.
- Speaker #0
L'eau potable et l'assainissement étaient considérés comme deux choses différentes et séparées. Hum, pas facile de le comprendre quand on est ancré dans notre système actuel. Pour vous aider, je vous propose d'analyser cela d'un point de vue matériel. Au début, nous avons d'un côté amené l'eau potable dans les immeubles par un système de canalisation, d'abord dans des fontaines situées dans la cour, puis dans les immeubles. De l'autre côté, on a maintenu le système des fosses d'aisance et du recyclage des matières pendant un certain temps. Puis, à un moment donné, nous avons basculé vers le tout-à-les-goûts. C'est là que la gestion quotidienne de l'assainissement est devenue très proche de celle de l'eau potable. Dans les deux cas, la gestion ne consistait plus qu'à maintenir un bon écoulement de l'eau. Ville par ville, on a donc observé un rapprochement entre ces deux domaines jusqu'à ce qu'aujourd'hui, ce sont parfois les mêmes personnes qui sont en charge de leur gestion.
- Speaker #4
On a fait des réseaux d'égout pratiquement partout. Le ministère de l'Intérieur et le ministère de l'Agriculture ont eu des grosses dotations pour financer à 50% l'extension des réseaux d'égout. Notre problème à nous Français, c'est que quand on est arrivé en 1945, après la libération, il y a eu une explosion urbaine et une industrialisation des villes qui fait que beaucoup plus de pollution est arrivée dans les réseaux d'égout.
- Speaker #5
Ce qui se passe comme partout, la population augmente, les quantités d'eau usée produite augmentent, le progrès fait qu'on utilise de plus en plus d'eau, y compris par temps sec, et rapidement on s'aperçoit que les champs d'épandage c'est bien, mais c'est insuffisant.
- Speaker #6
Michel Gouzaille, ingénieur en assainissement.
- Speaker #5
Avec le développement urbain, il y a de moins en moins de terrain, il y a de plus en plus d'eau, et puis la population continue d'augmenter. La guerre prend fin, il faut trouver autre chose.
- Speaker #2
Ah, cette belle voix grave ! Vous êtes obligés de la reconnaître. Elle apparaît dans l'épisode 5. C'est celle de Michel Gouzaille, l'ancien ingénieur du SIAP, la collectivité en charge de l'assainissement à Paris. Durant sa carrière, Michel a participé aux recherches sur les nouvelles techniques de traitement des eaux usées. Bouts activés, membranes, biofiltres, biodisques, tout ça, il le connaît sur le bout des doigts. C'est son laboratoire de recherche qui, avec les principaux industriels de l'époque, ont développé ces systèmes. Il faut bien comprendre que jusque dans les années 2000, les œufs usés que rejetaient les Parisiens dans la Seine ne respectaient pas les normes fixées par la Commission européenne. Et oui, car la seconde moitié du XXe siècle voit arriver l'Europe, et avec elle, la mise en place de nouvelles lois environnementales qui vont venir s'imposer aux gestionnaires de l'eau à partir de 1991. La pression était donc très forte sur le SIAP pour qu'il améliore sa station d'épuration. Si rien n'était fait, la France risquait alors une amende d'environ 300 millions d'euros. Michel nous raconte qu'en 2008, le commissaire européen en personne s'était déplacé sur la station parisienne pour comprendre la situation. Une phrase l'avait alors marqué. Le commissaire danois de l'époque avait déclaré vous avez 13 ans de retard Et son enthousiasme s'est arrêté là. Ça montre bien à quel point la France n'était pas le meilleur élève à ce moment-là de l'histoire.
- Speaker #5
Alors il y a des mecs, des anglais, parce que les anglais peuvent leur reprocher tout ce qu'on veut, mais ils sont quand même bons. et ils ont inventé entre-temps, dans les années 14 je crois, un procédé qui va profiter d'une culture bactérienne qui va s'installer parce que les conditions sont favorables. De toute façon, le travail de l'épuration des eaux, c'est vraiment de mettre la vie bactérienne dans des conditions qui leur permettent de se développer à plein pot. Alors, ce qu'on faisait, c'est qu'on mettait de l'eau dans les bassins, on soufflait dedans, et puis on regardait ce qui se passait. Et on voyait que la population bactérienne augmentait. Et un jour, ils oublient de vider le bassin, je n'en sais rien, enfin bon. Au bout de quelques temps, ils s'aperçoivent que non seulement il y a la zooglée sur les parois du bassin, mais dans le fond, il y a des trucs qui traînassent là, bizarres. Ils regardent ça de près et ils s'aperçoivent que cette boue qui traîne dans le fond, elle a une capacité à consommer de la pollution extraordinaire, beaucoup plus forte que dans le bassin si on touille tout. Et on a inventé, en faisant ça, cette boue qu'on va appeler la boue activée.
- Speaker #3
Votre tout-à-l'égout schlingue, votre tout-à-l'égout pu, votre tout-à-l'égout déborde. Chez Ansel, nous avons la solution. Nos bactéries activent les bouts. Elles transforment ces effluves à l'odeur d'oeufs pourris en une eau cristalline parfaite pour le thé. Alors, n'hésitez pas une seule seconde, courez acheter nos bouillons de bactéries et faites disparaître la pollution !
- Speaker #0
Avant de savoir ce qu'est une station d'épuration, vous devez d'abord comprendre de quoi sont composées les eaux usées. La plupart des gens les voient comme une sorte de grosse tambouille marron que l'on sent à des kilomètres à la ronde. C'est exactement ça. Laissez-moi donc vous décrire ce liquide qui, lorsqu'on le regarde de plus près, est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Comme leur nom l'indique, les eaux usées sont avant tout composées d'eau, mais plusieurs substances viennent s'y mélanger dans des proportions différentes suivant la source du rejet. La première, celle que nous avons voulu traiter en premier dans cette histoire, c'est le carbone. On va y retrouver des graisses, des protéines et tout un tas d'autres molécules contenant des chaînes d'atomes de carbone. On la nomme aussi la matière organique. Elle provient principalement de nos excréments et du papier toilette que l'on utilise. C'est la nourriture de la plupart des micro-organismes que l'on va retrouver dans l'eau. Ceux-ci sont multiples dans les eaux usées. Certains transmettent des maladies et d'autres non. Ils sont principalement issus de nos toilettes puisqu'ils proviennent en très grande majorité de notre microbiote intestinal et s'en échappent par les fessesses. En troisième position arrivent les nutriments. Ce sont principalement l'azote et le phosphore. Vous vous souvenez ? Ce sont les deux substances que l'on a recyclées en engrais au XIXe siècle. Ils proviennent essentiellement de nos urines. Pour continuer la recette de cette potion magique, j'appelle les métaux. Ils sont principalement issus des matériaux utilisés pour les toitures de nos maisons et les pneus de nos véhicules, comme le zinc, le plomb ou le cuivre. Puis arrivent les plastiques. Ils proviennent de nos cuisines, de nos vêtements, mais aussi de nos excréments puisque nous mangeons désormais des aliments contenant des microparticules de plastique. Et le meilleur pour la fin, je parle bien entendu des micropolluants. Il s'agit d'une grande famille comprenant plein de molécules. La plupart des gens pensent en premier aux médicaments que l'on ingère et qui se retrouvent bon en mal en dans nos toilettes. Mais on peut aussi citer les pesticides et un grand nombre d'autres molécules, comme les perturbateurs endocriniens ou les retardateurs de flammes que l'on retrouve dans notre quotidien. Oups, j'ai oublié le dernier élément. C'est pourtant ce qu'il y a de plus visible. On les appelle les macro-déchets. Ce sont les lingettes, les mégots, les déchets de rue et autres morceaux de bois que les eaux pluviales vont emporter avec elles ou que nous jetons dans nos toilettes. Ça y est, le cocktail est terminé. Mais attention, ne le buvez surtout pas. Vous avez bien compris qu'il s'agit d'un sacré mélange. Difficile de savoir tout ce qu'il y a dedans.
- Speaker #1
Au début, on avait des stations assez petites et qui traitaient uniquement le carbone.
- Speaker #6
Jacques Le Savre, ingénieur en assainissement.
- Speaker #1
Et puis, tout doucement, on s'est aperçu qu'effectivement, s'il fallait traiter le carbone, mais qu'il fallait aller plus loin, il fallait traiter notamment l'azote ammoniacal qui provient de la décomposition de l'urée que l'on trouve dans nos urines. Un habitant, je rappelle, c'est à peu près une dizaine de grammes d'azote par jour.
- Speaker #2
Jacques Le Savre est un homme à la retraite. Désormais grand-père avec des petits-enfants, il reste quelqu'un de très dynamique. Jacques a fait toute sa carrière au sein de l'agence de l'eau Seine-Normandie. C'est une institution publique que l'on peut qualifier de banque de l'eau A cette époque, le rôle de Jacques au sein de l'agence était d'inciter les communes à construire des stations d'épuration. Lui aussi a vécu la pression mise par la réglementation européenne. A son poste, il avait donc une vision globale du développement de l'assainissement sur son territoire, le bassin Seine-Normandie. Un territoire immense qui s'étend d'Auxerre au Havre en passant par le Mont-Saint-Michel et Reims. A ce moment-là du voyage, Nathan est tombé malade. J'ai donc dû me rendre seul en train à Sanois, la commune où vit Jacques. Il vient alors me chercher en voiture à la gare et m'emmène dans un restaurant. L'interview commence dans un vacarme assourdissant puisque nous nous asseyons à côté des cuisines.
- Speaker #1
Le principe de l'assainissement, c'est de traiter à un niveau de pollution tel que le résidu de pollution qui sort de la station soit compatible avec un bon état du cours d'eau.
- Speaker #0
Ce n'est pas un exercice facile, mais je vais essayer de vous faire visualiser cet endroit si bizarre qu'est la station d'épuration. Bien entendu, il en existe de plein de sortes différentes. Je vais donc faire un choix. Pour vous, je vais décrire la station que l'on retrouve classiquement en France, la boue activée. De l'extérieur, vous y voyez de grands bassins, des grilles, des cuves de stockage, des tas de déchets, des échelles, des leviers, des tuyaux et des barrières suffisamment hautes pour vous empêcher d'entrer. Maintenant que vous avez l'image, nous allons suivre le parcours de l'eau. Les eaux usées vont donc arriver à la station d'épuration grâce au tout-à-les-goûts. Elles vont directement passer par le pré-traitement. Celui-ci va permettre de retirer les éléments grossiers comme les branches, les canettes, les plastiques, le papier toilette et les lingettes. Il va aussi extraire les matières plus lourdes comme les sables et les graviers, puis les matières plus légères comme les huiles et les graisses. On se retrouve désormais avec un liquide homogène qui va prendre la direction du traitement biologique. C'est l'étape où l'on va inciter les bonnes bactéries présentes dans l'eau à se développer pour en quelque sorte manger la matière organique et les nutriments. Lors de cette phase, les bactéries vont s'agglomérer en plein de petits paquets avant d'arriver dans le clarificateur. C'est le plus grand bassin que vous voyez. Du fait de sa taille, l'écoulement de l'eau est ralenti. Les petits paquets de bactéries vont alors tomber au fond du bassin par simple gravité et former ce que l'on appelle une boue. Débarrassée de ces pollutions, l'eau en sortie est considérée comme suffisamment propre pour être rejetée dans l'environnement. Il s'agit généralement d'une rivière, car un des grands principes de l'assainissement, c'est la dilution. Les quelques pollutions restantes présentes dans l'eau à ce moment-là sont censées se diluer dans la rivière et être traitées par cet écosystème naturel. A la fin, il ne nous reste plus qu'à récupérer les boues produites et à les traiter. Si leur qualité le permet, elles sont le plus souvent déshydratées et envoyées directement dans les champs. Toute cette chaîne est une véritable révolution. Avec elle, on peut traiter de 80 à 90% du carbone, de l'azote et du phosphore. Une vraie prouesse technique.
- Speaker #1
Pour toute cette partie des stations d'épuration de manière importante, j'allais dire que si on regarde la taille, c'est un peu la forme d'un poisson placé verticalement, c'est-à-dire au début il n'y avait rien, on a progressivement fait des stations de plus en plus grandes, ensuite on les a rendues plus compactes. Donc la remprise au sol a diminué, puis ensuite ça a réagrandi en mettant derrière des zones de dispersion, des zones tampons, qui permettaient de ne pas rejeter directement et de faire un peaufinage du traitement en sortie de la station d'épuration et le rejet direct au milieu naturel. Pour les petites stations d'épuration, il faut voir que les stations d'épuration inférieures à 2000 équivalents habitants, il y a eu une évolution qui était que le principe dit déboîtivé était appliqué au début, mais bien évidemment sur les petites stations, il n'y a pas du personnel à temps plein. Et donc on s'est aperçu qu'il y avait quand même des zones de dysfonctionnement très importantes parce que l'entretien était insuffisant ou s'il y avait eu un entretien à la hauteur, ça demandait des coûts faramineux. Donc beaucoup de stations d'épuration sont devenues des stations dites de lagunage, qui disent qu'il y avait une emprise au sol relativement importante, avec des surfaces de plans d'eau importantes. Et ensuite on a pas mal remplacé les lagunages par des fils plantés de roseaux, qui avaient donc une emprise au sol significativement inférieure et qui permettait d'opérer des traitements.
- Speaker #4
Quand vous allez en Allemagne, chacune de ces techniques correspond à une certaine tranche de population. Alors qu'en France, vous pouvez avoir par exemple une lagune pour une ville comme Rochefort, parce qu'ils sont dans des marais, donc ils ont pu faire une grosse lagune, et vous allez vous retrouver avec des bouts activés dans des villes de 5 ans qui veulent un habitant,
- Speaker #5
alors que ça ne va pas marcher.
- Speaker #0
Ce que nous expliquent Jacques et Bernard, c'est que la boue activée ne fonctionne pas tout le temps. Dans les années 60, les élus locaux en ont pourtant construit partout, même dans des territoires peu denses comme la montagne ou la campagne. C'est ce qui fait qu'on se retrouve aujourd'hui avec tout un tas d'ouvrages à gérer dans des endroits où leur intérêt peut être questionné. En effet, sur ces petits systèmes d'assainissement, les gestionnaires de l'eau ont observé de plus en plus de dysfonctionnements au niveau de l'écoulement dans les canalisations comme au niveau du traitement de la station d'épuration. La quantité d'eau usée produite par les habitants de ces territoires ruraux n'était pas suffisante pour assurer leur bon fonctionnement. A partir de là, le monde de l'eau a donc fait un véritable rétropédalage et a cherché à concevoir de nouveaux systèmes plus adaptés. Depuis, sur les petites stations d'épuration qui collectent les eaux usées de moins de 2000 habitants, on envisage par exemple des traitements par lagunage, filtres à sable ou filtres plantés de roseaux. On les appelle des traitements dits extensifs
- Speaker #1
Et je sais que les dimensionnements des stations d'épuration en pollution, elles étaient faites pour durer une trentaine d'années. On admettait qu'elles pouvaient avoir une capacité de traitement de 30% supérieure à la capacité effective à la date à laquelle elles étaient construites. Je pense que même en France, on doit avoir 65 millions d'habitants et on doit avoir à peu près une capacité puratoire d'une centaine de millions d'équivalents habitants. Donc on trouve bien pour le 30%, sachant qu'il y a en France à peu près une dizaine de millions d'habitants qui ne ressortent pas de l'assainissement collectif tel que je viens de le décrire, mais qui ressortent de l'assainissement non collectif.
- Speaker #0
Et oui, car malgré l'effet de mode, nous n'avons pas mis en place le tout-à-l'égout partout. Dans certains endroits, ça ne valait pas la peine de tirer 5 km de canalisation pour aller chercher la petite maison isolée à l'autre bout de la commune. Pourtant, ces maisons avaient bien besoin de gérer leurs eaux usées elles aussi. C'est pour ça que l'on a développé l'assainissement autonome. Il s'agit de petits systèmes de traitement directement intégrés à la maison ou dans son jardin qui permettent de traiter les eaux usées d'un foyer. Mais revenons-en aux stations d'épuration, le sujet principal de cet épisode.
- Speaker #5
Ce qui m'énerve, c'est qu'on accuse les stations d'épuration de rejeter des trucs. Les stations d'épuration, elles ne rejettent rien. Les stations d'épuration, elles font ce qu'elles peuvent avec ce qu'on leur donne. Et ce qu'elles rejettent, c'est qu'elles ne l'ont pas fait exprès. Et c'est parce qu'on ne leur a pas donné assez de moyens pour ne pas les rejeter. Et puis l'azote, le phosphore et tout ce qu'on veut, ce n'est pas ils qui le fabriquent, c'est tous ceux qui participent et tout le monde. Donc n'accusons pas la station d'épuration d'être un outil qui va dégrader l'environnement.
- Speaker #2
Ce que veut dire Michel ici, c'est que nous sommes tous responsables des pollutions rejetées par les stations d'épuration. C'est nous qui excrétons ces nutriments qui peuvent polluer les rivières. C'est nous qui consommons ces produits chimiques au quotidien. C'est nous qui prenons des médicaments. C'est nous qui mangeons des aliments bourrés de plastique et de pesticides. En l'espace de 50 ans, le nombre de pollutions chimiques arrivant aux stations d'épuration a explosé. Aujourd'hui, l'Agence européenne des produits chimiques estime que plus de 20 000 substances chimiques différentes peuvent être retrouvées dans les eaux usées. Alors soyons honnêtes, il est carrément impossible de tout traiter. Mon but ici n'est pas de vous faire culpabiliser sur votre mode de vie, mais plutôt de vous faire prendre conscience du caractère collectif de la gestion de nos eaux usées. L'assainissement est un sujet qui nous concerne tous. La chasse d'eau combinée au tout-à-l'égout nous font très vite oublier nos propres impacts. Tout disparaît sous nos yeux comme par enchantement. Mais je vous assure, tout ça reste bien réel. Malgré les gros efforts que nous avons pu faire durant la fin du XXe siècle avec la construction des stations d'épuration, nous continuons à polluer notre environnement. Alors sortons du déni et agissons collectivement. Merci aux trois jeunes retraités que sont Bernard, Michel et Jacques de nous avoir raconté leur vécu. Dans cet épisode, nous avons pu découvrir l'uniformisation des modes de gestion de nos excréments. Un couplage entre le tout-à-l'égout et la station d'épuration par bois activé qui s'est répandue dans toute la France à grand coup de plans d'investissement étatiques. Les infrastructures étant en place, nous allons désormais analyser leurs modes de gestion, leur organisation sociale, la répartition des responsabilités, des rôles et des tâches. Bref, dans le prochain épisode, nous aborderons la mise en place du modèle de l'eau à la française. Je vous dis à bientôt et je filme Remettre en selle pour un dernier épisode.
- Speaker #6
Sous-titrage ST'501 Les enregistrements que vous venez d'entendre sont issus de l'aventure Ancel. Si vous souhaitez en savoir plus, retrouvez-nous sur ancel.fr. Ce podcast a reçu le soutien financier de l'Agence de l'eau à Dourgaronne dans le cadre de son appel à projet Éduc'eau et celui de la Fondation de France pour son concours Déclic jeune. Merci à toutes les personnes qui nous ont fait confiance et notamment aux bénévoles ayant contribué de près ou de loin à l'élaboration de ce programme.
- Speaker #5
C'est le 4. Encore.
- Speaker #7
Sous-sais