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En un battement d'aile

38. Un tour d'Europe à vélo à la découverte d’initiatives écologiques

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58min |10/09/2025
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Description

En 2024, trois jeunes de la région, Pierre Bosselli, Elio et Lou Léna Juillet, ont entrepris un périple exceptionnel à vélo : plus de 10 000 kilomètres à travers 13 pays, de la France jusqu’à la Norvège, en passant par la Pologne et les pays baltes.


Leur objectif  : rencontrer et documenter des initiatives locales et durables qui réinventent le lien au vivant et expérimentent la sobriété.


Avec leur projet Demain c’est mieux, ils ont exploré des éco-lieux, visité des fermes agroécologiques et rencontré des communautés engagées. Chaque étape a nourri leur réflexion, mêlant émerveillement, lucidité et questionnements sur la transition écologique et sociale en Europe.


Dans cet épisode, ils reviennent sur ce parcours, partagent leurs apprentissages et leurs doutes, et offrent un regard inspirant sur les manières d’agir concrètement pour le vivant. Un récit qui invite à découvrir, réfléchir et s’engager à son échelle pour un futur plus durable.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans la saison 3 d'En un battement d'ailes. On repart pour une nouvelle série de reportages et d'entretiens à la découverte de celles et ceux qui agissent déjà en Auvergne Rhône-Alpes. Et pour ouvrir cette saison, je vous propose d'aller à la rencontre de trois jeunes qui font du bien à entendre. En 2024, Pierre Bossély, Elio et Lou Lénajuillet ont embarqué pour un périple exceptionnel. Plus de 10 000 km à vélo à travers 13 pays. pays. de la France jusqu'aux confins de la Norvège, en passant par la Pologne et les Pays-Baltes à la recherche d'initiatives concrètes, locales, durables. Mais leur voyage ne s'est pas limité à une aventure personnelle. Avec leur projet « Demain c'est mieux » , ils ont voulu documenter ce qu'ils ont découvert en chemin. Des citoyennes et citoyens qui partout en Europe réinventent leurs liens aux vivants, expérimentent la sobriété et s'engagent dans la transition. Ils ont traversé des écolieux, visité des fermes agroécologiques, rencontré des communautés engagées. Chaque étape a nourri leur réflexion et affiné leur regard entre émerveillement et lucidité, espoir et questionnement, un parcours qu'ils vont d'ailleurs raconter dans un film documentaire à venir. Pour rendre un battement d'ailes, ils reviennent sur ce chemin parcouru, sur les apprentissages, les doutes, mais aussi sur les perspectives qu'ouvre ce récit.

  • Speaker #1

    Salut, moi c'est Elio, et celui que vous voyez là sur son tout nouveau vélo, c'est Pierre. Et s'il sourit autant... Ah, arrête, arrête s'il te plaît. C'est parce qu'on s'apprête à partir pour une aventure de plus de 8 mois à vélo en Europe. C'est un périple d'environ 10 000 km et à travers 13 pays. Nous, quand on voyage, ce qu'on aime, c'est la liberté que nous offre le vélo. Il nous permet aussi bien de bivouaquer à la sauvage que de dormir chez des gens super accueillants. Parce que oui, voyager à vélo, on l'a déjà fait l'année dernière avec notre ami Jules. en traversant 5 pays européens sur 2000 km. On a adoré cette première expérience. Mais aujourd'hui, on veut aller plus loin et autrement.

  • Speaker #2

    Mais alors pourquoi ? Face à la situation actuelle du monde, il est facile de perdre espoir. Alors, notre but est clair, partir à la découverte des personnes qui construisent déjà le monde de demain. Il existe une immense diversité d'alternatives inspirantes. Alternative, c'est le mot qu'on utilise pour décrire toutes ces personnes qui se rassemblent et repensent leur manière d'habiter la Terre. Et toutes ces alternatives, nous voulons les filmer. pour en faire un film documentaire. Il retracera notre périple et sera rythmé par des pistes de réflexion, des témoignages inspirants, des évolutions de nos pensées et plein d'autres choses.

  • Speaker #0

    Petit extrait, bande-annonce de projet Demain c'est mieux, qui avait pour vocation de présenter ce voyage que vous vous apprêtiez alors à entamer. Bonjour à tous les trois.

  • Speaker #2

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Merci d'être là autour de ce micro. Alors avant de commencer, vous allez peut-être reconnaître une voix, celle de Lou, que j'ai accueillie en stage l'année dernière et qui vous avait proposé sans surprise un épisode consacré au voyage. Alors du coup, on ne va pas faire semblant qu'on ne se connaît pas, Lou. Et on va donc se tutoyer tous les quatre, puisqu'on a déjà eu l'occasion d'échanger ensemble. Alors nous sommes à la Duchesse. Ici, un tiers lieu en occupation temporaire dans le quartier de la Duchère, coordonné par Mafriche Urbaine, qui a pour mission d'accompagner la transformation urbaine du quartier en tissant du lien entre habitants, associations, artistes, entreprises, pouvoirs publics. Est-ce que c'est typiquement ce genre de lieu que vous avez pu découvrir lors de ce voyage ? Alors, oui. Alors, Elio ?

  • Speaker #1

    Ça fait plaisir de retourner justement dans des lieux un petit peu alternatifs comme ça, même si on n'a pas eu encore l'occasion de tout découvrir. C'est vrai qu'on n'a pas fait beaucoup de lieux en ville durant le voyage. C'est peut-être un petit manque, notamment sur les sujets sociaux, qu'on aurait bien aimé aborder un petit peu plus. Mais évidemment que, surtout dans la ville où maintenant on habite, c'est très intéressant de voir des alternatives et une façon un peu différente de repenser nos modes de vie, même jusqu'au centre des villes.

  • Speaker #0

    Et puis de créer du lien, ce lien qui est clairement la clé et le socle aussi de votre projet. On va commencer par revenir sur la genèse du projet. Racontez-moi justement ce moment où vous vous êtes dit un jour, bon, allez, on prend nos vélos, on part, on plaque tout. Qu'est-ce qui vous animait à ce moment-là pour vous le lancer dans ce défi ? Pierre ?

  • Speaker #2

    En fait, on est... tous les trois dans des études donc l'eau en journalisme, Elio en but génie biologique et moi en bts dans la protection de la nature et moi j'étais en première année et j'y trouvais de moins en moins de sens. En tout cas, je sentais que c'était pas... La façon dont on m'enseignait la protection de la nature, c'était pas vraiment ce que je voulais faire moi. Et donc je me posais beaucoup de questions et un besoin profond d'aller rencontrer des gens et de leur poser toutes ces questions, profondes mais aussi existentielles, sur la manière dont j'avais envie de vivre, etc. Et comment ça s'est passé ? Eh bien, en fait, tout bêtement, moi j'avais déjà arrêté... les études dans lesquelles j'avais rencontré Elio. Et ça me disait bien de démissionner une deuxième fois. Mais cette fois, pour une bonne raison, je ne dirais pas forcément juste parce que mes études ne me plaisaient pas, mais par un réel besoin qui venait du plus profond de moi. Et c'est là que j'ai appelé Elio et je lui ai dit qu'on pourrait faire ce tour. Ce tour à vélo à la rencontre de ces gens-là. Elio au début a beaucoup hésité. On s'est rappelé plusieurs fois. Puis à un moment on a dit oui, allez on se lance. Et Lou qui a eu écho de ce début de projet, de cette idée, nous a très vite rejoints. Et c'était avec grand plaisir que l'aventure A3 a commencé après.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on a vraiment décidé à un moment de partir au début ? Je pense que ce n'était pas facile à accepter. Moi je me rappelle que je n'avais pas encore accepté d'arrêter mes études. Du coup je disais à Pierre, allez on commence à faire le projet, mais comme ça je continue mes études et puis on verra bien ce qui se passe. Mais je me rappelle ne pas avoir eu ce petit passage, justement ce petit pas. Je n'osais pas trop le faire. Une fois qu'on s'est retrouvés à trois, je pense que c'était assez évident. Et du coup, sans trop se le dire, on s'est tous les trois lancés. On a commencé à prendre les décisions qui allaient nous permettre de se lancer dans ce voyage. Mais je soulignerais le fait que ce n'était pas évident d'oser se lancer là-dedans.

  • Speaker #0

    Il y avait de l'inquiétude pour la suite en se disant, si on part un an, qu'on met tout en pause, qu'est-ce qui nous attendra au retour ? C'est le fait de créer cette césure qui n'existe pas beaucoup aujourd'hui, en tout cas pas dans notre société. Elio,

  • Speaker #3

    tu soulignais souvent le... Enfin là, c'est plus quelque chose qu'on a découvert, le terme... On l'a découvert plutôt récemment, mais tu l'as ressenti assez fort, ce droit à l'errance, le droit... Je peux te laisser plus en parler, qui est à la fois un privilège, mais aussi un droit, surtout dans un moment où il y a une convergence un peu des crises et où tout semble un peu instable et avec mille issues possibles et pas toujours très joyeuses, en tout cas l'imaginaire collectif ou ce dont on entend parler. et face à tout ça...

  • Speaker #1

    C'est simplement essayer de prendre le temps de se poser la question de comment on veut vivre demain. Et surtout en fonction de ce qu'on doit changer. Aujourd'hui, on commence à avoir connaissance de beaucoup de choses qui sont plus soutenables dans nos modes de vie. Et donc, ça pose forcément un changement de vie radical. Nous, on a le privilège de pouvoir le faire. Donc, nous, on ne se sentait pas de continuer comme ça parce qu'on se sentait mal et parce qu'on sentait quelque chose de supérieur qui... où en fait on était un petit peu, je ne sais pas comment expliquer, mais un peu comme si on vivait sur quelque chose de pas soutenable, en consommant trop, en consommant surtout la part d'autres personnes. Et du coup, qu'il y avait un besoin impératif pour tout le monde, en tout cas d'engager ce changement, ou en tout cas déjà pour ceux qui le peuvent. Et pour nous, ce n'était pas possible de continuer sans prendre ce virage-là.

  • Speaker #3

    Un besoin et je dirais même une responsabilité. Je pense qu'on partageait ça tous les trois, il y avait un besoin. très intérieure qu'on a partagé et sur lequel on s'est retrouvés. Et à cela s'ajoute du coup la responsabilité, quand on s'informe et quand on apprend, on découvre, on écoute, on lit. Ça, c'est vraiment quelque chose qu'on faisait beaucoup, en tout cas avant le départ. On se dit, on a le devoir de...

  • Speaker #2

    Tu veux dire le devoir de porter ces questions-là, tu veux dire plutôt ? Ok, avec l'idée d'un film documentaire. Oui, moi, c'est vrai que je l'ai pas mal vécu comme un besoin personnel. Vraiment. Et pour revenir à la question que tu posais sur la difficulté de quitter ses études et de ne pas avoir cette sécurité de diplôme. Je n'ai pas de diplôme aujourd'hui, alors même si je veux travailler dans un domaine qui n'en demande pas forcément, le domaine naturaliste est quand même très ouvert là-dessus. Mais ça n'a pas été facile. Mes parents m'ont clairement dit que financièrement, ils ne me soutiendraient plus. Donc que je délivrais à moi-même et que j'allais devoir me gérer tout seul, ce qui est normal parce que j'ai été éduqué comme ça. mais c'était pas facile mais c'est pour Mais c'est important de le dire parce que ça souligne vraiment ce besoin, c'est-à-dire que j'avais un besoin si profond de, comme dit Aliot, de laisser ce temps à la réflexion, savoir comment j'ai envie de dédier ma vie à la protection du vivant, comment j'ai envie de vivre, mais surtout de laisser le temps de la réflexion sur plein d'autres sujets.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'on se rend compte que sur un schéma classique d'études, on n'a pas ce temps-là. Il ne nous est pas donné, ou du moins sous vraiment de brèves formes. Non,

  • Speaker #2

    on ne l'a pas eu.

  • Speaker #1

    Nous on a ressenti qu'on en manquait énormément, mais au delà de juste l'orientation des études, même sur comment on vit, comment on habite, est-ce qu'on le fait ensemble, en fait il y a plein d'autres façons de le faire. Et si on n'a pas le temps de se poser ces questions et on ne nous les présente pas, en fait on s'enferme. un petit peu dans un système qui peut être bon pour nous peut-être, mais qui parfois on peut se rendre compte aussi que des années plus tard, en fait ça ne nous correspondait pas, que ça soit dans le métier, que ça soit dans notre habitat, etc.

  • Speaker #0

    Et le voyage, ça a été présent tout de suite, c'est-à-dire que justement le fait de pouvoir se laisser ce temps, parce que vous auriez pu le prendre autrement, vous auriez pu le prendre en France, vous auriez pu le prendre à côté de chez vous, ou en allant, enfin juste en expérimentant plein de choses par exemple. Le fait d'aller à la rencontre de l'autre, d'aller voir ce qui se passe ailleurs, il y avait peut-être cette sortie de zone de confort pour aller se laisser un peu bousculer par d'autres choses que vous ne connaissiez pas ?

  • Speaker #3

    Je dirais qu'en partie, mais pour rebondir de nouveau sur cette question de responsabilité, je pense que nous, on le vivait comme un besoin et un devoir d'aller voir est-ce qu'il y a des gens qui vivent autrement que ce qu'on nous présente généralement ? Et si oui, est-ce qu'il n'y en a qu'en France ? Parce qu'on entend souvent parler un peu de la Drôme, l'Ardèche, de ces endroits très alternatifs. Mais est-ce qu'il y en a en Pologne ? Est-ce qu'il y en a en Finlande, en Norvège, en Suède ? Et le fait d'aller les voir et aller les documenter, c'est peut-être... On avait cette envie de partage, mais en tout cas, le fait d'aller les documenter, c'est peut-être ma formation de journaliste que moi, du coup, pour le coup, j'ai eu la chance et la facilité de terminer mes études avant de vous rejoindre. Mais oui, il y a une sortie de zone de confort, certes, mais je dirais que c'était surtout parce que quand on a commencé à poser des questions autour de nous, « Coucou papa, maman, comment est-ce qu'on habite autrement ? Est-ce qu'on peut vraiment avoir des enfants ? Est-ce qu'aujourd'hui c'est responsable ? » On nous a dit « Mais attendez, toutes ces questions, elles sont hyper intéressantes et on se les pose aussi. Donc si vous allez chercher des réponses, partagez-les nous. »

  • Speaker #1

    Moi j'aimerais juste souligner, je veux pas qu'on ait l'impression qu'on dit que tout le monde doit partir en... En voyage, comme ça, justement, dans cette quête-là, c'est à chacun de trouver un peu de quoi il a besoin et où est-ce qu'il pourrait trouver les réponses aux questions qu'il se poserait. Mais ça ne passe pas du tout forcément par le voyage, pas non plus forcément par le vélo. Ça peut prendre toute forme diverse, cette errance. Je pense que c'est important de le souligner.

  • Speaker #2

    C'est ça. Et nous, je pense que ça a pris cette forme aussi. Du fait d'avoir quitté nos études, c'était important d'avoir un projet. Un vrai truc et pas seulement comme tu disais qu'on aurait pu faire, rester à côté de chez nous ou prendre ce temps, prendre neuf mois avec notre famille sans rien faire et à se poser des questions et à réfléchir. Je pense qu'on y avait aussi cette volonté de projet, de faire quelque chose, de construire quelque chose de sérieux et dans le même temps qui nous servirait toute notre vie peut-être pour nos choix futurs.

  • Speaker #0

    Demain c'est mieux, un projet documentaire itinérant. Pensez, je trouve, un peu comme une forme d'antidote aussi un peu à la paralysie du monde. Trois jeunes qui décident de s'embarquer à la fois dans leur questionnement, dans cette errance que vous évoquez aussi, et cette idée de transmission qui arrive assez rapidement. Comment vous établissez votre parcours et comment vous avez choisi les initiatives que vous aviez envie d'aller voir ? Parce que bon, une fois qu'on s'est dit ok, on a envie de partir, on a envie d'aller voir celles et ceux qui ont un autre mode de vie et qui habitent le monde d'une autre manière. Comment peut-il y avoir la page blanche en se disant ok, mais où est-ce qu'on les trouve ces gens-là ?

  • Speaker #3

    On a galéré, on a cherché un peu.

  • Speaker #2

    ça s'est fait plutôt Alors en fait, ça peut paraître étonnant, mais ça s'est fait plutôt à la fin de la préparation, que ce soit le trajet final. Alors le trajet, en gros, on avait une idée, mais en fait, jusqu'au dernier jour, ça a changé. Même pendant le voyage, l'itinéraire a changé. Et pour ce qui est des alternatives, moi, je me souviens de soirées avec Elio sur la dernière semaine de préparation, où on n'avait pas encore les alternatives qu'on allait voir en Finlande ou des choses comme ça. ça s'est fait très intuitivement et surtout on s'est pas non plus énormément pris la tête sur ce qu'on voulait découvrir. En fait, on n'avait pas forcément d'idée précise de ce qu'on voulait aller voir. On était surtout très curieux d'aller voir des choses différentes de ce qu'on avait l'habitude de voir, des choses qu'on n'avait jamais vues, des modes de vie qu'on n'avait jamais vues, des modes de vie en collectif surtout. Et donc, on a cherché, on a recensé comme on pouvait, mais c'était quelque chose.

  • Speaker #0

    Mais il y avait quand même une petite rame qui était présente pour quand même avoir un début de direction. Une fois que je suis sur mon vélo, le premier jour, je vais où ? Donc vous saviez que vous aviez envie de partir en Europe, vous auriez pu vous lancer dans un tour du monde ou aller voir carrément à l'autre bout du monde, mais vous avez quand même plutôt choisi de rester en Europe parce que vélo ?

  • Speaker #3

    Parce que vélo, après au niveau des alternatives, on avait visé comme tu disais plutôt dans les pays du Nord, mais dans le... Comment dire, le déroulé et les différentes alternatives qu'on est allé voir, on peut retrouver en filigrane l'évolution un peu de nos pensées. Et je pense que du coup cette errance elle se retrouve aussi là-dedans, c'est-à-dire qu'on avait déjà pré-sélectionné un certain nombre, on les a pas toutes contactées d'un coup parce que pour beaucoup c'est des lieux de vie. Donc c'est des familles comme nous, elles ne peuvent pas te dire dans... Ben oui, bien sûr, allez-y, dans 7 mois, 3 jours et puis 2 heures, on vous accueillera sans aucun problème. Et puis en fait, au fur et à mesure, après avoir fait beaucoup de lieux de vie en collectif, où nous, justement, on s'était dit, comment est-ce qu'on réapprend à vivre ensemble ? Ça, ça a été une des premières conclusions, révélations ou, je ne sais pas, évolutions de pensée de notre côté. Au fur et à mesure, après en avoir fait une bonne quinzaine, au bout d'un moment, on se dit ok, d'accord. Et puis du coup, dans les lieux, tu rencontres d'autres personnes qui vont t'amener d'autres questionnements. Et on s'est retrouvé à se dire ok, du coup, on vit ensemble, mais comment est-ce qu'on construit nos habitations ? Puis après, comment est-ce qu'on renoue également avec le vivant ? Puis comment est-ce qu'on éduque ? Comment est-ce qu'on grandit ? Les enfants, mais nous aussi, du coup, on allait dans des écoles de la nature pour adultes. En fait, vraiment, on le retrouve au fur et à mesure du voyage.

  • Speaker #1

    Voilà un des avantages du vélo, notamment de pouvoir se dire, bon, en fait, le mois prochain, je n'ai plus du tout envie d'aller dans cette partie de la Norvège, mais j'ai envie d'aller visiter cette partie de la Suède parce que là-bas, je vais y voir telle alternative qui suivra telle évolution de pensée. Après, il y a des réalités, comme on a dit, on ne passe jamais à l'improviste dans les lieux. Il y a les réalités du temps, de la distance. On s'adapte à tout ça, mais globalement, on a plutôt suivi notre...

  • Speaker #0

    Et les questionnements au départ, elles... Elle portait déjà un peu sur des thématiques. Je me souviens qu'on en a parlé ensemble avant que vous, enfin en tout cas avant que toi, Lou, tu ne rejoignes Pierre et Elio, qui avaient l'idée de l'éducation. Comment justement, dans la manière dont on grandit, on éduque, il peut y avoir cet autre rapport au monde. Donc il y avait déjà quand même un peu des pré-questionnements, on va dire, qui étaient déjà bien présents.

  • Speaker #1

    Tout à fait, c'est pour ça qu'on part d'ailleurs avec ces questionnements en tête. Et je pense qu'il va être notamment intéressant dans le film, c'est qu'en fait, on s'est pris des claques. Il y a des domaines qu'on sous-estimait ou qu'on n'avait pas du tout pris en compte.

  • Speaker #0

    Par exemple ?

  • Speaker #1

    Par exemple, je me rappelle qu'en tout cas, Pierre et moi, on est vraiment partis dans l'optique de la reconnexion avec notre environnement, avec le vivant au sens large. Et en fait, on s'est rendu compte dans les premiers lieux qu'en fait, un éco-village ou un tiers-lieu, peu importe, c'était surtout une affaire d'humains, de facteurs humains. Et que ce n'était pas forcément des objets, ce n'était pas forcément... une reconnexion, comme on peut dire, même si c'est un terme très théorique avec le vivant, mais ça concernait plutôt le vivre ensemble. Donc ça, par exemple, c'est une des premières claques qu'on s'est prises. Il y en a eu tout le long et elles sont propres après à chacun.

  • Speaker #2

    Oui, globalement, les thèmes qui ressortent, c'était la vie en collectif. Donc, découverte de modes de vie collectifs différents. Il y avait le thème de l'éducation, comment on éduque les enfants de demain. Et puis, ce thème qui était plus, moi, je portais vraiment personnellement, de comment on protège le vivant que l'humain extermine aujourd'hui. Moi, je sais que c'est ça que je veux faire de ma vie. Je veux dédier ma vie à la protection du vivant, mais comment ? Et donc, un thème qui touche un peu au vivant et à sa protection, c'était un grand thème qui ressortait aussi.

  • Speaker #0

    À travers, je trouve, les vidéos que vous avez publiées au fur et à mesure de votre voyage, finalement, on comprend aussi que vous n'êtes pas forcément allé chercher des modèles parfaits. mais vraiment de montrer comment pouvait s'expérimenter des choses comment il y avait des gens qui tâtonnent et je trouve que c'est très aligné avec la démarche du journalisme de solution, moi c'est ce que je fais en allant à la rencontre des initiatives et de montrer qu'il n'y a pas de solution parfaite c'est pas un petit guide à la fin avec lequel on ressort en disant pour que le monde il fonctionne correctement il faut que ce soit comme ça, comme ça, comme ça et finalement c'est assez intéressant de montrer cette... Cette démarche et ces réflexions qui évoluent aussi en cours de route, est-ce que ça vous en aviez conscience dès le départ ? Est-ce que vous y avez réfléchi dans la logique de documentaire en vous disant « alors on ne veut pas ni faire découvrir un monde bisounours, ni faire une espèce de greenwashing de bonnes intentions ? »

  • Speaker #1

    Moi je pense que assez naïvement, je partais vraiment dans l'optique de, même si je ne l'avais pas conscientisé, que c'était un peu le modèle à suivre et qu'on avait trouvé toutes les réponses dans ces milieux-là. Et ça a été aussi un apprentissage du voyage et qui sera très clairement visible dans le film, en tout cas c'est une intention collective, c'est de montrer qu'en fait il n'y a pas vraiment de solution, qu'il y en a plein différentes, qu'elles méritent d'être essayées, mais qu'elles ne sont pas faciles à mettre en place et à tenir sur le long terme.

  • Speaker #3

    Je pense qu'inconsciemment on cherchait un peu un modèle parfait, on allait pour s'inspirer en se disant « ok, je reviens de mon voyage, je sais dans quel type d'habitage j'habite » . Enfin... Je sais comment peut-être me nourrir différemment, etc. Et en fait, au fur et à mesure, ça peut paraître un peu naïf qu'on soit parti comme ça, mais c'est l'évolution de notre pensée et il faut qu'on soit honnête là-dessus. Au fur et à mesure, on s'est dit mais pas du tout, en fait, il y a autant de solutions qu'il y a de projets. Et chaque projet a le mérite d'exister parce qu'il va dans une certaine direction. Mais à partir du moment où... On cherche un modèle type, quelque chose à suivre, presque de dogmatique. Là, il y a un souci. C'est là où nous, on s'est sentis en tout cas le moins à l'aise. C'était dans les lieux où il y avait le plus de dogmes. Moi, je sais que j'ai eu un profond changement et surtout une prise de conscience. C'est un moment où j'écoutais un podcast avec, je crois, Corinne Morel-Darleux.

  • Speaker #0

    Morel-Darleux, qu'on a reçu au mois de janvier dans le podcast.

  • Speaker #3

    Qui nous parlait, il me semble, j'espère que c'est bien, et que je ne me trompe pas. qui parlait de ce triptyque pour modifier profondément les choses. Elle le tirait en tout cas de l'éducation populaire et qu'il faut axer les changements sur trois axes. En un, c'est un peu une espèce de bataille culturelle, essayer de changer les récits, de changer la façon dont on raconte les choses. En deux, enfin, en fait, je dis un, deux, trois, mais il n'y a pas d'ordre ni de choses qui prévalent sur une autre. Il y a à la fois, il faut essayer de montrer qu'il existe des alternatives. des préfiguratives, en fait, de montrer qu'il existe autre chose. Et d'autre part, il faut lutter contre les forces destructrices. Et en fait, ça a été pour moi une grille d'analyse de tous ces lieux qui m'a beaucoup aidée, mais je suis sûre qu'elle peut être grandement modifiée, mais qui m'a fait prendre conscience qu'il y a une espèce d'ultra-importance de valoriser toute forme de tentative, tant qu'on va un peu dans cette logique de... Nous reconnecter au vivant, d'être dans la protection de l'autre, du vivant et dans quelque chose de plus souhaitable, plus durable. Mais que ce soit à la fois dans de la lutte avec du militantisme ou en essayant de créer des alternatives et d'autres formes de vie en collectif ou en essayant de changer. En fait, il existe mille solutions et on n'en a pas une qui nous a... Enfin forcément, on en a forcément des qui nous ont plus touchés, mais c'est en fonction des sensibilités. Bien sûr.

  • Speaker #2

    Non, c'était juste pour rejoindre un peu ce que disait Lio. C'est vrai qu'il était parti dans une idée globale de peut-être recherche de... Je me souviens, tu disais, tu recherchais plutôt le modèle de vie qui pouvait un peu être le plus écologique et à la fois le plus soutenable et le plus acceptable pour tout le monde. Applicable à grande échelle. Voilà. Et en fait, d'une on se rend compte que tous les lieux sont différents, et en fait c'est surtout des lieux de collectif où c'est des personnes qui ont choisi de vivre ensemble et d'appliquer les règles qu'ils avaient envie d'appliquer. Et moi je sais que je suis arrivé au début du voyage avec beaucoup de reportages et d'interviews en tête sur l'effondrement, et beaucoup de questions notamment sur cet effondrement. Et je posais des questions que par rapport à ça, mais vraiment dans les lieux je leur demandais comment vous êtes. à ça, mais là si vous êtes raccordé à l'eau courante comment vous faites s'il n'y a plus d'eau vous allez galérer parce que j'étais parti dans cette optique de si je fais ce voyage et que je vais voir des lieux collectifs ça va forcément me donner des réponses sur comment je vais vivre plus tard ou même maintenant dans les prochaines années et s'il y a une conclusion à tirer de ça c'est que j'ai pas du tout de réponse après 9 mois de voyage évidemment pas et j'ai même un début de réponse déjà qui est de que je ne me vois pas vivre dans un écolieu tel qu'on les a visités d'ici à moyen voire long terme. Parce que c'est un vrai projet de vie. Tu t'installes, souvent c'est coûteux financièrement.

  • Speaker #3

    Manque de diversité aussi.

  • Speaker #2

    Manque de diversité. On n'a très peu, voire jamais vu de jeunes de notre âge installés dans un lieu. En fait, la plupart des jeunes de notre âge sont encore en études ou ils commencent à peine un métier. il ne se pose pas forcément ces questions de... où ils veulent vivre. Et c'est vrai que là, j'ai pris un peu de recul et je me suis dit, c'est peut-être pas des questions que je me pose maintenant. C'est très intéressant de voir comment tous ces gens vivent en collectif et ça me servira peut-être plus tard. Mais là, maintenant, ça paraît si loin de vivre comme ça.

  • Speaker #1

    Ça pose de nouvelles grandes questions, je trouve. Nous qui étions convaincus de ce mode de vie, non pas qu'on l'ait tous mis de côté, mais du coup, nous qui étions convaincus, même nous, on a... pas forcément l'envie de directement s'installer, où on n'est pas encore profondément convaincu que c'est exactement la forme qu'on doit suivre, comment on fait pour motiver des gens qui ne s'y intéressent pas ?

  • Speaker #0

    Donc finalement, vous êtes repartis presque avec plus de questions.

  • Speaker #3

    Ah oui, ça c'est la conclusion. On a beaucoup plus de questions que de départ.

  • Speaker #0

    Est-ce que, malgré tout, dans les différentes initiatives que vous avez rencontrées, est-ce que vous retrouvez un fil rouge commun ?

  • Speaker #2

    En France, par exemple, on a vu vraiment beaucoup de choses différentes. Si on devait parler de lieux en collectif, c'est-à-dire des personnes qui ont décidé de vivre ensemble, je trouve qu'il y a deux grandes sortes de lieux qui sont ressortis. C'est les lieux qui, d'une part, les lieux avec des gens qui se sont retrouvés, qui se sont mis ensemble pour vivre collectivement de façon plutôt sobre, en tout cas, ça a presque toujours été le cas, de façon écologique et plutôt sobre, mais sans réel but de... Changer le monde, alors changer le monde c'est un grand Je sens le but de s'élargir ou de faire de grandes choses ou d'étaler ce mode de vie tout autour d'eux, tout ça, mais simplement l'envie de vivre ensemble avec amour et respect. D'autres, une deuxième catégorie de lieux qui faisait la même chose, parmi celles qu'on a vues, bien sûr. Une deuxième catégorie qui faisait la même chose que la première, mais avec des ambitions, des buts, des objectifs à moyen voire long terme.

  • Speaker #1

    Peut-être même la volonté d'influencer le monde.

  • Speaker #2

    Et d'ailleurs, il y a même un lieu qui nous a dit que leur ambition, c'était de changer le monde avec ce qu'ils faisaient en collectif. Donc, je trouve que c'est deux facettes qu'on a remarquées.

  • Speaker #3

    Une autre grille de lecture,

  • Speaker #2

    si je peux me permettre.

  • Speaker #3

    Même une autre grille de lecture, dans les communautés intentionnelles où les gens se disent on va vivre ensemble, il y a un objectif commun qui est par exemple de renouer. avec, je ne sais pas, le vivant autour d'eux, ou d'avoir vraiment une démarche plus sobre, comme tu disais, et de l'autre, des gens qui vont plutôt vouloir chérir un peu leur vie en communauté et retrouver déjà du sens dans la vie en collectif, en mettant un peu, pas au second plan, mais les objectifs écologiques du lieu ne sont pas en premier plan. Voilà, c'est une autre grime. Je pense qu'il y en a plein.

  • Speaker #2

    Mais pour conclure là-dessus, je dirais que, premièrement, même s'il y a peut-être des... des ressemblances dans certains lieux, ils sont complètement différents, vraiment. Il n'y en a pas un qui se ressemble à chaque fois.

  • Speaker #0

    En tout cas, on sent bien la diversité de ce que vous avez pu découvrir. On ne découvrira qu'un millionième sans doute de ce que vous avez vécu au cours de ces longs mois. Vous avez eu aussi l'occasion de vivre un peu des moments, je trouve, hors du temps. Je pense notamment à la fête de Rasa en Lituanie. Une réunion ancestrale qui fête l'épanouissement de la nature. Elle se tient en pleine floraison au jour du solstice d'été. Je vous propose un petit extrait vidéo.

  • Speaker #3

    La fête de Rasa, qui signifie la fête de la rosée, est célébrée depuis la nuit des temps par les Lituaniens et d'autres populations baltes. Elle a lieu chaque année au moment où le soleil est au solstice d'été. En début de soirée, on a retrouvé des hommes et des femmes parés de couronnes de fleurs en haut d'une petite colline et pour beaucoup habillés de tenues traditionnelles. Au son des dodités de longues trompettes en bois, tous sont passés sous un portail qui symbolise la séparation entre le monde profane et le monde sacré. Une invitation à laisser derrière cette porte tous ses problèmes personnels. Direction la rivière pour s'y purifier corps et esprit. Ils ont chanté des chants ancestraux tous ensemble et écouté des poèmes anciens en l'honneur de la nature. Un moment puissant, transportant, dont les rites sont transmis depuis des siècles. Ensuite, tous se sont rendus au pied d'un grand chêne. arbre considéré comme sacré pour s'imprégner de la fumée et métaphoriquement de la force de cet arbre, avant de remonter sur la colonne. Là-haut, chacun s'est adressé à son dieu ou à un autre esprit divin selon sa croyance, en y jetant de la poudre d'ambre en faisant un vœu. S'en sont suivis des danses collectives autour d'un grand feu au rythme d'un accordéon. Enfin, tous se sont rendus au lac et les femmes ont déposé leur couronne dans l'eau, sur une petite croix de bois avec une bougie, symbolisant le voyage de l'être humain sur la rivière de la vie. La légende veut d'ailleurs que... les couronnes d'un garçon et d'une fille qui se rencontrent prédisent leur union cette même année.

  • Speaker #0

    Alors, petite réaction à réécouter comme ça, quelques mois plus tard.

  • Speaker #1

    C'est assez drôle comme retour, de se replonger là-dedans. Je me rappelle, moi, des retours qu'on avait eus sur nos réseaux ou quoi, qui n'avaient pas forcément été très positifs. Je me rappelle d'une certaine incompréhension, un peu. D'ailleurs, moi, j'avais ressenti un peu de déception, parce que pour moi, j'avais trouvé ça incroyable. Mais un peu de... peur de la part des gens à l'extérieur de « mais qu'est-ce qui se trame ? Pourquoi les gens ils s'habillent comme ça ? » Peut-être parce que ça sort peut-être un petit peu de la culture et des mœurs, je ne sais pas.

  • Speaker #2

    Français,

  • Speaker #3

    oui. Du coup, il y a beaucoup de gens qui faisaient référence à ce film d'horreur « Midsommar » , et du coup on nous a dit « vous allez mourir » . Mais du coup,

  • Speaker #1

    ça pose des questions assez intéressantes. Qu'est-ce qui sort de ton carcan culturel de mode de vie ?

  • Speaker #0

    Oui, et puis je pense en plus de voir que Merci. Notre rapport aussi aux vivants, à la nature, etc., il est aujourd'hui relativement déconnecté, même quand on peut sembler proche. Il y a quand même, je trouve, une différence entre ce qu'on peut vivre en milieu urbain, de ce qu'on peut être, avec ce rapport avec des fêtes plus proches de la nature, qui peut encore se vivre dans certaines campagnes, en France en tout cas. Mais ça montre bien qu'en tout cas, ça vient quand même agiter quelque chose à cet endroit-là. qui montrent sans doute, à mon avis, une forme de déconnexion ou d'éloignement avec ça.

  • Speaker #1

    Oui, et puis là, en l'occurrence, ça pourrait engager une certaine reconnexion, mais du coup, plus spirituelle. C'est ça qui est intéressant. Parce qu'on a plutôt à aborder des lieux où même on a rencontré... On a rencontré des gens qui nous parlaient plutôt d'une reconnexion vraiment très technique, très scientifique, comment on gère une réserve, comment on gère une espèce qui disparaît. Alors que là, tu vois, c'était plus spirituel et du coup dans des choses qui sont plus abstraites, c'est peut-être ça qui peut rendre un petit peu plus inquiet.

  • Speaker #2

    Je pense qu'on était tous les trois assez étrangers et là on était entourés de personnes qui, au contraire, étaient absolument là-dedans. Au fond,

  • Speaker #3

    respect.

  • Speaker #2

    Au fond, respect. Respect et surtout une relation... très spirituel aux vivants, à la nature. Et c'est vrai que c'est quand on ne connaît pas.

  • Speaker #3

    Du coup, ça a amené beaucoup de questionnements. Justement, on nous disait, ça ressemble à une secte, etc. Et du coup, on en a tiré quelque chose de positif. C'est qu'on s'est posé pas mal de questions sur est-ce que dans ces lieux, il y a des dérives sectaires ? Est-ce que c'est tout un pan qu'on a un peu creusé, un peu cherché ? On a fait un peu nos recherches.

  • Speaker #1

    Et qu'au début on mettait de côté. Au début, moi je m'en rappelle vraiment réagir d'une façon assez réfractaire quand j'avais ce genre de retour. Mais il y a des risques de secte, quand vous faites des rondes avant de manger, c'est pas bizarre. Et en vrai, moi maintenant je comprends tout à fait qu'on peut avoir ce regard-là extérieur, et même de l'intérieur, il y a des risques très clairs de devenir une secte quand on est un collectif. De devenir ce qu'on appelle sectaire. mais du coup le fait d'avoir de diverses expériences nous a aidé à ouvrir aussi notre esprit là dessus et à accepter que ça ne faisait pas partie de la réalité des gens. Quand tu habites aujourd'hui dans une ville occidentale, ce n'est pas le genre de choses que tu fais régulièrement, de te rouler tout nu dans la rosée au matin, à l'aube, avec des colliers de fleurs. On ne le fait pas, mais...

  • Speaker #2

    On ne le fait pas depuis qu'on a découvert ça non plus.

  • Speaker #1

    Non. Pas toi ?

  • Speaker #0

    Mais ce qui est très étonnant, c'est que si... Vous aviez vécu cette expérience auprès de peuples autochtones au fin fond de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le regard, je pense, des gens, il aurait été aussi différent. Et le fait, en fait, finalement, de voir cette expérience et cette relation relativement spirituelle avec la nature, vécue dans des communautés qui, finalement, sont très proches de nous, de nos modes de vie actuels, finalement, on était en Europe, des Occidentaux, je pense que le rapport n'est pas le même. alors que Les hommes-fleurs en Papouasie-Nouvelle-Guinée, ça ne traumatise personne quand on regarde un documentaire.

  • Speaker #1

    Merci de mettre le doigt là-dessus, parce que c'est aussi quelque chose qui me dérangeait. Et c'est carrément... Enfin, je trouve ça super intéressant. Et il y a aussi un truc intérieur à creuser là-dedans sur notre rapport à l'exotisme. Enfin, je veux dire, on voit peut-être un peu trop l'Europe comme quelque chose de différent. Mais en fait, il y avait toutes ces communautés-là. Il y avait cette histoire ici en Europe. Et certains Pays-Baltes l'ont un petit peu gardée. Mais on avait aussi ça... Moi, je trouve ça super intéressant et merci de mettre le doigt là-dessus.

  • Speaker #0

    C'est là où on en revient à la question de l'imaginaire, des nouveaux récits autour du voyage, de la rencontre de l'autre. Est-ce que finalement, on est obligé d'aller à l'autre bout du monde pour vraiment rencontrer l'autre avec un grand A ? Pas forcément. On peut aller voir des gens qui sont très différents de nous et qui ne sont pas si loin.

  • Speaker #2

    Pas très différents de nous, pas si loin, oui, ça c'est sûr.

  • Speaker #3

    De pas de chez nous.

  • Speaker #0

    Dans votre projet, ce que je trouve vraiment intéressant, c'est que vous êtes finalement à la fois les auteurs, donc c'est vous qui êtes parti, vous êtes aussi les passeurs au travers du documentaire, et en même temps, vous êtes vraiment les témoins transformés par cette expérience, et il y a finalement cette triple dimension qui se mélange, en tout cas là, quand on vous écoute, qui ressort de manière assez forte, je trouve. Est-ce que vous vous attendiez à ce que... Justement, ces trois rôles se mélangent peut-être autant, viennent autant vous transformer, vous bousculer ?

  • Speaker #3

    Je dirais que c'est un juste milieu qui est en permanence en train de bouger et surtout qui n'est pas facile des fois je trouve à tenir. C'est-à-dire qu'on a envie de mettre en lumière toutes ces personnes qui agissent quotidiennement. et à la fois on veut permettre par notre histoire et par juste nous qui en est humainement, on veut faciliter cette... Comment dire ça ? On veut faire en sorte que les gens puissent s'accrocher, qu'ils puissent rentrer dans l'histoire de par juste notre bonhomme de chemin, qui n'est pas du tout incroyable, mais ça peut peut-être être plus facile qu'avec un documentaire arté qui va présenter très factuellement, et ça a tout son intérêt, je ne suis pas du tout là à dénigrer ce genre de travail journalistique. Et à la fois, en plus de ça, il fallait vivre le voyage pleinement, se laisser s'imprégner, laisser les différentes... Évolution de pensée, faire leur bonhomme de chemin dans notre tête et en même temps filmer tout ça pour pouvoir le documenter. Comment documenter, le partager, quelle place laisser à la communication finalement parce qu'on avait quand même beaucoup d'engagement. On avait donc les réseaux sociaux avec Instagram, on avait des vidéos YouTube, on avait des chroniques pour le Dauphiné, on avait des partenariats avec des écoles donc il fallait leur écrire des mails. Plus pendant le voyage on préparait un peu, on faisait des retranscriptions d'interviews. Donc finalement c'était vraiment un travail à plein temps. En même temps on vivait une forme de déconnexion et on prônait. Ce « ok, on se déconnecte, on prend le temps de vivre les choses et de s'imprégner » .

  • Speaker #0

    J'ai 12 heures de mail à envoyer.

  • Speaker #3

    Mais voilà, c'était difficile d'être à la fois l'auteur, le réalisateur, la personne qui le vit, le témoin.

  • Speaker #0

    Tout en vivant l'expérience à l'instant T et en se laissant embousculer par ce qui arrive.

  • Speaker #3

    On a très peur que ça devienne un égotrip. C'est un mélange de tout.

  • Speaker #2

    Super dur. Super dur d'être à la fois les trois. Vraiment, ça c'est... Je pense que c'était quelque chose dont j'avais peur un peu avant le départ. C'était des questions qu'on se posait déjà un peu avant le départ et qu'on s'est d'autant plus posées pendant le voyage. Ça a été source de tension, bien sûr, de devoir monter des vidéos YouTube, faire la communication Instagram, envoyer des mails, appeler les alternatives. En fait, il y a des jours, il faut s'imaginer qu'il y avait des semaines parfois qu'on passait à presque bosser. On restait à un endroit et on bossait parfois trois jours d'affilée. On ne faisait pas grand chose d'autre que d'être sur un ordi pendant un voyage comme ça. Passe un beau lac. Face à un bolac, alors voilà,

  • Speaker #0

    on essaie de... Le cadre était sympa, mais...

  • Speaker #2

    On essaie des cadres sympas, mais c'est la réalité du projet qu'on a fait. C'est pour ça qu'on préfère appeler ça un projet plutôt qu'un voyage. Il y a une dimension voyage, mais il y a quand même une énorme dimension projet qui laisse place à beaucoup de contraintes, en fait.

  • Speaker #1

    Et le jeu là-dedans, c'était pas de se perdre justement dans cette communication.

  • Speaker #2

    Trouver l'équilibre.

  • Speaker #1

    On se travaille et de garder quand même en tête qu'on part à la base pour nous, pour des questions intérieures. et qu'on doit suivre ce chemin-là et pas oublier un peu d'où vient la naissance de ce besoin profond et qu'on est parti pour essayer d'y trouver des réponses et pas que pour le partager.

  • Speaker #3

    Et gérer tout l'aspect voyage et vélo à côté. C'est-à-dire que... Oui,

  • Speaker #0

    c'est campus, il y a l'organe logistique.

  • Speaker #3

    On s'était fixé 80 km par jour. Dans les Pays-Baltes, la Pologne, on était quand même monté. Des fois, ça montait à des centaines. Il fallait... trouver le repas, on faisait deux fois les courses pour éviter de trop porter, il y avait trouver l'eau, gérer nos fatigues, nos corps. C'était tellement de paramètres à prendre en même temps. Il y a des moments où on a cru qu'on allait se perdre.

  • Speaker #2

    Oui, il y a eu des moments très très durs de tensions entre nous.

  • Speaker #0

    Oui, d'ailleurs à un moment vous êtes séparés.

  • Speaker #2

    On se fait une semaine.

  • Speaker #1

    C'est ça le souci, c'est que tout ça en général se répercute sur les relations humaines. Parce que c'est la seule personne sur qui on peut taper, on ne peut pas taper sur... le compte Instagram ou sur les contraintes ou sur ce qui nous tracke dans la tête. Malheureusement, c'est sûr qu'on a connu des moments.

  • Speaker #2

    Mais malgré ça, c'était aussi hyper riche de ce côté-là. Justement, on a mis le doigt sur des problèmes de communication, sur le fait d'être 24h sur 24 ensemble, collés. En hyper proximité. En hyper proximité. Dans la même temps. Même si je ne dormais pas avec Lou le soir, je dormais avec lui tous les soirs dans la même temps, collés. Et on était sur le vélo et puis on faisait les courses ensemble et on allait voir les alternatives ensemble. Avec Lou, c'est pareil. C'est-à-dire qu'on était tous les trois, 24 heures sur 24, ensemble, à presque tout faire ensemble. Et en fait, ça, forcément, ça a des conséquences sur la communication. Ça a des petits problèmes de communication qui font que ça mène à des tensions. Et on a travaillé là-dessus pendant tout le voyage. Ça a été un vrai sujet, la communication à trois. Et je pense que ça nous a beaucoup appris, ça nous a beaucoup fait grandir ce voyage là-dessus.

  • Speaker #1

    Et on apprend encore.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous avez appris les uns des autres ? Donc pour préciser quand même, on ne l'a pas dit très explicitement en tout début, mais Elio et Lou, vous êtes frères et sœurs, toi Pierre, tu es un de leurs potes. Comment justement, déjà peut-être dans votre relation de frères et sœurs, qu'est-ce que ça transforme ? J'imagine qu'il y a clairement un avant-après dans votre relation.

  • Speaker #3

    Je pense qu'on a... expérimenter ce qu'on pouvait voir dans les lieux de vie en collectif. C'était hyper intéressant, c'est-à-dire qu'on était là, on était avec la caméra, le micro, « Ok, comment vous faites pour vivre ensemble ? Est-ce que vous avez des règles ? Comment est-ce que vous faites ? » Et puis après, on se retrouve face, on s'embrouille pour rien, et puis on fait, en fait, c'est exactement la même chose, il y a une petite mise en œuvre de l'acteur humain, et comment est-ce que nous, on va prendre soin de la membrane de notre collectif ? Je reviens là-dessus, je pense que c'était surtout cette interview à la fin du voyage avec Marine Simon, où elle nous parlait de ça. qui est du coup une... je sais même pas dire, je sais juste qu'elle anime des... elle a écrit des livres...

  • Speaker #2

    Les ateliers du travail qui relient.

  • Speaker #3

    Ouais voilà c'est ça.

  • Speaker #2

    Par le service notamment.

  • Speaker #3

    En intelligence collective et puis en fait tu écoutes l'interview et tu fais ah ouais bon en fait c'est exactement ce que nous on pourrait faire et du coup je trouve ça hyper intéressant après on en sort changé ça c'est sûr, moi je sais que Pierre il est pas du matin, moi je suis je sais pas, moi je suis relou quand je suis fatiguée et puis

  • Speaker #2

    Lou a besoin de mon... J'ai des petites doses de nourriture toute la journée, alors qu'avec Elio, on se pète le bide le matin et le midi, et le soir, mais vraiment ponctuellement.

  • Speaker #3

    J'ai réquis à quoi dans les sacoches ?

  • Speaker #2

    Moi j'ai le sommeil léger, j'ai besoin de boules qui aient, Elio n'en a pas besoin du tout.

  • Speaker #1

    Ça on va peut-être trouver des équilibres avec les besoins de chacun, donc un peu comme tu dis, ce qu'on retrouve dans des... de collectif parce qu'au final, c'est des problèmes de la vie de tous les jours. Sauf que le voyage à vélo nous force à mettre les problèmes sur la table et en discuter. On ne peut pas mettre sur le tapis et dire qu'on en parlera plus tard. En fait, ça les sort. Sauf que ça les sort au moment où on est fatigué, où on a peur, où on est stressé. Du coup, souvent, c'est facilement...

  • Speaker #2

    C'est ça qui est dur. Tu t'embrouilles, mais c'est pas chacun rentre chez soi et après, on en reparle le lendemain. C'est qu'on est tout le temps ensemble, donc on est obligé d'en parler tout le temps. Donc chaque problème, il faut en parler, il faut le régler, on est obligé, sinon on n'avance pas.

  • Speaker #0

    En tout cas, ce projet, il parle aussi beaucoup de la jeunesse, la vôtre, celle que vous portez en étant trois jeunes qui décident de se lancer dans cette expérience. Est-ce que vous avez ressenti aussi peut-être cette forme de responsabilité qu'on évoquait en début d'entretien en tant que jeune ?

  • Speaker #3

    Moi, je pense que c'est difficile. Je me sens pas du tout... Le symbole ou... Comment dire ? Je ne pense pas que je représente la jeunesse ou quoi que ce soit parce qu'il y a tellement de profils différents dans la jeunesse. Et surtout, je sais que je viens d'un milieu privilégié et que j'ai grandi en Haute-Savoie, à la frontière suisse. Je ne me sens pas du tout comme étant vraiment quelqu'un qui symbolise la jeunesse. Après, moi, de par mon parcours, est-ce que je sentais la responsabilité, comme je le disais au début ? Oui, dans le sens où... dès qu'on s'informe, comme disait Pierre tout à l'heure, je suis arrivée dans le voyage avec plein d'informations sur l'effondrement, sur le fait qu'on sait que juste la manière dont on vit mondialement, ça n'est plus du tout soutenable et d'ailleurs pas souhaitable. Moi, je ne veux plus que mon confort dépende de plein de gens au détriment de leur vie et de juste leurs besoins primaires. Je n'ai pas du tout envie que ma façon de vivre détruise le vivant qui nous entoure et que pour l'instant, tout ce qu'ils nous montrent, tous les rapports scientifiques, tous les chiffres, on ne va pas les ressortir. on les... on les connaît, tout ça nous montre que ça ne va pas. Donc évidemment qu'on sent une responsabilité. Et en même temps, des fois, on a un peu envie de dire « c'est pas mon dos, je suis fatiguée » .

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, peut-être une responsabilité générationnelle, j'aime pas trop dire ça non plus, mais n'empêche qu'on sent bien, en tout cas, qu'on va pas pouvoir continuer comme ça, et qu'il y a autre chose à inventer, et qu'aujourd'hui, c'est pas mis en place. Donc, qu'est-ce qu'on fait face à ça ? On peut le regarder d'un point de vue purement personnel. Bon, mes enfants, dans quel monde ils vont grandir ? Si je veux avoir des enfants, on se rend bien compte qu'il va y avoir quelque chose à changer tout de suite pour nous et pour eux, si on veut leur offrir quelque chose d'un minimum souhaitable et vivable, et surtout pouvoir se regarder peut-être dans la glace et être à peu près droit dans ses chaussures.

  • Speaker #2

    C'est ça, je pense qu'on ne se dit pas, nous trois, qu'on doit faire, on doit s'engager, on doit porter cette jeunesse ou je ne sais quoi, ça vient vraiment du... C'est automatique, en fait, sachant tout ce qu'on sait aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Mais dans le documentaire, en tout cas, vous allez incarner trois jeunes qui se posent des questions et qui sont allés chercher des réponses. Et donc, il y a forcément, en tout cas, dans le fait de transmettre aux gens au travers du documentaire, il y aura nécessairement, en tout cas, ce regard-là porté sur vous, de vous dire, ben voilà, il y a trois jeunes là qui n'ont pas voulu rester inactifs.

  • Speaker #1

    n'est pas prétend pas incarner le...

  • Speaker #2

    C'est sûr qu'il y a un but qui est clair et tu as raison là-dessus, c'est qu'on a envie de faire un film aussi pour inspirer, pour que ce qu'on a vécu et les questions qu'on s'est posées, nos évolutions de pensée, puissent amener peut-être aux mêmes réflexions, en tout cas à des personnes, à des jeunes qui pourraient être dans les mêmes situations que nous, ou qui n'auraient pas forcément l'occasion de faire la même chose que nous, mais qui puissent regarder un film qui retrace. ce que nous on a vécu, qui peut être intéressant sans prétendre que ça va changer la vie de beaucoup de gens, évidemment que non, mais que ça puisse semer des petites graines.

  • Speaker #3

    Et de nouveau, avec cette idée de part, on a un modèle à vous présenter, c'est un panel d'alternatives non exhaustives qu'on est allé voir. On peut piocher, on peut s'inspirer, on peut se dire ça c'est exactement ce que je ne veux pas, alors que ça, il y a quelque chose d'intéressant. Et le but, c'est ça, c'est de provoquer de l'espoir actif. Après, est-ce qu'on va réussir ? C'est un énorme défi. Parce qu'on a tous les rushs, on est en train de construire le synopsis pour revenir un peu sur ce fameux film documentaire dont on parle depuis si longtemps. Ça prend tellement de temps. Est-ce qu'on va réussir à transmettre ce que nous, ça nous a montré, ce que nous, ça nous a transporté ? Je ne pense pas, en tout cas pas de la même manière, mais est-ce que ça va pouvoir ? Susciter des choses, est-ce que ça va pouvoir donner des idées, est-ce que ça va pouvoir inspirer ou donner de l'envie à certaines personnes ? On va essayer de le coupler avec les événements locaux en tout cas, on va essayer de faire des ciné-débats. L'idée pour l'instant serait de faire une tournée d'avant-première dans laquelle au moins deux de chacun de nous pourraient être là sur place pour pouvoir discuter avec le public en intelligence collective et faire émerger... Soit des idées, soit des questionnements, des critiques, peu importe. Et peut-être le coupler à des événements locaux en partenariat avec des associations, des tiers-lieux, des collectivités. Pour l'instant, c'est les projets qui sont en tête. C'est ça.

  • Speaker #0

    Donc là, vous êtes dans la partie production, réalisation du film, du documentaire. Où est-ce que vous en êtes ?

  • Speaker #2

    et bien depuis qu'on s'est on a terminé le voyage on s'est donné quelques mois de souffle avant de s'installer à Lyon, donc on est tous les trois à Lyon maintenant, pour commencer à écrire l'histoire. Parce que c'est bien beau, on a plein de rushs, on a 8 teras de rushs en tout, ce qui est énorme. Mais on n'a pas d'histoire. On n'a pas d'histoire. On a énormément d'interviews, de lieux, mais on va pas tout mettre. Et on va devoir sélectionner et savoir l'histoire qu'on veut raconter. Et donc on est là-dessus actuellement.

  • Speaker #1

    On découvre un nouveau milieu, ouais. Le monde du cinéma, on n'est pas du tout issus de ce milieu-là, donc... C'est pas évident, mais je dirais que la partie projet était quand même très personnelle dans la motivation profonde, parce que c'était un besoin. La partie film, les moins. On n'est pas passionné de cinéma, on n'a pas eu envie de faire un film et après on s'est dit « qu'est-ce qu'on fait comme projet ? » C'est plutôt « bon, en fait, on s'est rendu compte qu'il fallait le partager » . Je pense que c'est en ça que notre projet, on peut quand même le reconnaître, qu'il y a une volonté de partage et qu'il n'est pas du tout que personnel. Il y a vraiment une volonté de pouvoir le mettre à libre disposition. et que quelqu'un qui un jour se pose des questions à peu près similaires aux nôtres puisse avoir en ressources libres tout le chemin qu'on a fait et le travail qu'on a suivi, parce que c'est quand même beaucoup de travail. Et que voilà, on le fait de cette façon-là, on le fait aussi pas que pour nous. Et le but, c'est vraiment de le partager et que ça puisse peut-être inspirer.

  • Speaker #3

    Pour l'instant, on essaye de trouver un équilibre. On est tous les trois du coup en emploi sur Lyon ou ses alentours et à temps partiel. Avec plus ou moins d'heures par semaine et pas forcément les mêmes jours. Donc c'est aussi trouver des moments de réunion, trouver le compromis entre à la fois nos équilibres de vie personnelle et ce film et le temps de travail qu'il représente.

  • Speaker #0

    Plus de 10 000 kilomètres à vélo, 13 pays, 9 mois de voyage. Arrive le retour, le moment du retour, les derniers jours. Puis le dernier jour. Je vous fais écouter à nouveau un petit extrait.

  • Speaker #3

    C'est le tout dernier jour de voyage. Ça nous a fait bien bizarre ce matin de prendre notre dernier petit-déj tous les trois. On s'apprête à descendre le Salève, là où on est actuellement. Un peu dans le brouillard d'ailleurs, mais on sent que ça va se lever. Et on se donne rendez-vous à la salle communale. à 18h et ça nous ferait super plaisir de vous voir.

  • Speaker #0

    Alors là, il y a la famille, les amis, les copains qui vous attendent au retour. Là, dans la tête, il se passe quoi ?

  • Speaker #3

    J'ai envie d'une douche. En vrai, de vrai.

  • Speaker #1

    Si on en a envie,

  • Speaker #3

    on peut en prendre une.

  • Speaker #0

    Encore aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Non, non, non, je pense qu'il se passe beaucoup de choses.

  • Speaker #3

    Je rigole, mais il se passe beaucoup de choses.

  • Speaker #1

    À la fois beaucoup de choses, à la fois pas grand-chose, parce que du coup, je trouve que... Moi, j'avais eu l'impression, en tout cas c'est mon impression, mais j'avais eu l'impression de pouvoir déjà pas mal digérer un peu ce qu'on avait vu. Pas du tout cette sensation d'un coup débarquer et de revenir à quelque chose. En fait, là aussi, encore une fois, le voyage à vélo offre un certain temps de voyage, de déplacement, qui laisse, je trouve, le temps à l'esprit de s'adapter, de... de se préparer à revenir ou quoi. Donc juste pour moi, beaucoup d'amour et de bonheur de retrouver la famille, les proches, tous les gens qui nous suivent. Et pour moi, ce sera principalement ça.

  • Speaker #2

    Oui, oui, c'est ça, Elio a raison. C'est vrai qu'on a le temps de se préparer à l'arrivée. C'est pas un vol en avion où on traverse la plage.

  • Speaker #0

    Il n'y a pas l'avant-après. Il y a quand même une forme de cheminement.

  • Speaker #2

    C'est plus un cheminement qu'un avant-après, c'est vrai. Plus ressenti comme ça. Et moi, personnellement, il y avait un peu cette sensation qu'on s'était fixé un certain temps de voyage. Et donc, le moment venu, il y a un peu cette hâte de rentrer aussi quand même et de se poser. Je me souviens que quand même les deux derniers mois étaient fatigants. On sentait vraiment une fatigue accumulée des sept derniers mois. Et ouais. Le dernier mois surtout, fatiguant, on sentait qu'on devait plus se reposer qu'avant, on était moins en forme, et donc il y avait aussi un peu l'envie de souffler, de se poser et de pouvoir dormir.

  • Speaker #3

    En fait nos vélos, comme on ne les avait pas assurés, parce que l'assurance était à hauteur de je ne sais plus combien, une centaine d'euros, mais finalement ça ne couvrait pas du tout notre matos matériel, matos etc. Donc on est non-stop avec nos vélos, peu importe ce que tu fais 24h sur 24. tu as tes vélos, sauf dans les lieux peut-être où on pouvait les mettre forcément ça rajoute un peu de challenge parce que finalement on est non seulement tout le temps ensemble mais non seulement également tout le temps avec un vélo 4 sacoches et 30 kilos de bagages avec nos affaires donc c'est vrai que des fois de pouvoir le poser et de dire ok bah là j'ai pas à m'en occuper avec la responsabilité que ça représente, il y a des fois on se faisait la réflexion de dire si quelqu'un part avec mon vélo est-ce que du coup on arrête le film ? Comment est-ce que ça se passe ? Alors là-dessus, moi, je disais au début, pas de souci, ne vous inquiétez pas, les gars, j'ai le sommeil super léger. Moi, je me réveille en deux spits, il n'y a pas de souci. Et en fait, un matin, je me réveille et il y a Elio qui me dit, mais tu n'as pas entendu ? je suis dans ma petite tente solitaire, là mon petit cercueil est parfait. Et il me dit, il y a un camion, un semi-remort qui est venu déposer des toilettes publiques à côté de ta tente, mais à 3 mètres. Tu n'as rien entendu. Je dis, alors moi, je t'avoue que là, les 100 kilomètres derrière, je crois que ça m'a cané. Du coup, il y avait une certaine responsabilité.

  • Speaker #1

    On a commencé à accrocher les vélos.

  • Speaker #3

    Oui, on avait un petit fil avec une petite clochette comme ça. Après, on a mis les cadenas. Et oui, du coup, comme tu disais, Pierre, de la fatigue, cette charge mentale. Moi, j'ai retrouvé la personne dont j'étais amoureuse. Donc forcément, il y avait aussi beaucoup d'attentes. Il y avait cette fin de voyage. Merci. Je pense pas qu'on l'a vécu, enfin je veux pas m'avancer mais je pense pas qu'on l'a mal vécu. Je pense qu'on était tous les trois heureux de rentrer et l'envie de prendre une pause pour pouvoir mieux se mettre sur le film après.

  • Speaker #0

    Alors pour finir, la question que j'avais envie de vous poser c'est finalement est-ce que demain c'est mieux après ce voyage ?

  • Speaker #3

    On aimerait bien qu'aujourd'hui ça soit bien.

  • Speaker #2

    Je sais pas, cette question... Est-ce que demain sera mieux ? Franchement, peut-être que ça s'entend que je ne suis pas très optimiste.

  • Speaker #0

    L'hésitation laisse planer un questionnement.

  • Speaker #2

    Non, c'est vrai qu'on a choisi ce nom de projet assez tôt.

  • Speaker #1

    Tu l'as dit ? Il t'évoque quoi ce nom ?

  • Speaker #0

    Demain c'est mieux. Pour moi, c'est... Par exemple, pour le podcast, je m'étais posé la question de l'appeler Demain. Enfin, ou avoir un truc autour de Demain pour montrer qu'en fait... Ouais, on... Demain est déjà là. Je crois que c'était ça le titre auquel j'avais pensé. Je trouve que justement, ils se projettent sur c'est quoi le monde de demain qu'on veut. Et donc, effectivement, avec une approche un peu optimiste et pleine d'espoir. Bon,

  • Speaker #3

    spoiler, ce ne sera pas le nom du film. Ça, bien sûr. On a entendu parler de Demain, c'est mieux. Mais surtout parce que je ne sais pas si c'est la mentalité dans laquelle on revient.

  • Speaker #1

    Le message profond, il n'est pas spécialement optimiste dans le sens, demain c'est mieux, vous inquiétez pas. Même je pense que, moi je me confère bien plus comme pessimiste que comme optimiste. Par contre, ce qui est intéressant, c'est le pessimiste plus le actif. Même si je sais que ça va être compliqué, je fais tout pour que ça puisse aller mieux. Donc c'est, demain c'est mieux parce que je change aujourd'hui, parce qu'on peut changer les choses aujourd'hui. Je pense que c'est vraiment ça. Non,

  • Speaker #2

    c'est ça, c'est exactement ça. C'est être pessimiste, c'est pas mal en fait. C'est normal d'être pessimiste dans le monde dans lequel on vit aujourd'hui. Par contre, être un pessimiste qui ne fait rien ou qui reste dans cette mentalité du tout est foutu, c'est peut-être un peu dommage. Nous, je sais qu'on n'est pas là-dedans. Il y a des choses qui vont très mal se passer, ça va être très dur. On va vers un monde avec plein de changements et vraiment plein de difficultés. On est déjà dans un monde avec plein de difficultés, mais ça va être de...

  • Speaker #0

    On va dans le pire quoi. Et donc, le savoir, en être conscient, l'accepter, mais être dans l'action et dans l'optimisme de faire des choses pour que ça change quand même un peu.

  • Speaker #1

    Faire pour garder et conserver ce qui nous est vraiment important et pouvoir l'appliquer demain. En fait, c'est à la fois très difficile et à la fois c'est une chance, j'ai l'impression. C'est un peu dur de dire ça parce qu'on sait qu'on est privilégié, etc. Mais en tout cas, nous, avec le privilège qu'on a, je ne peux pas passer à côté de la chance d'essayer de faire quelque chose et d'essayer de même prendre des risques, à nous exposer, que ce soit sur les réseaux, à faire tout ce projet, un film qui peut-être ne va pas marcher, je ne sais pas. C'est des risques, mais en fait, on ne peut pas passer à côté. Il y a vraiment quelque chose à réinventer. Nous, on veut être déjà la passerelle de gens qui ont commencé, et pourquoi pas nous s'en inspirer. De toute façon, j'ai un peu l'impression qu'il n'y a que ça à faire.

  • Speaker #0

    Le sentiment d'aller dans le bon sens, surtout. de ne pas être à contresens de ce qu'on devrait faire dans ce monde. Avec tout ce qu'on sait aujourd'hui, c'est difficile d'avoir une vie, d'avoir une vie, entre guillemets, normale, sans se soucier de tout ce qui se passe autour. Je pense que forcément, quand on est informé, nos actions quotidiennes, que ce soit notre vie ou notre mode de vie, doivent s'adapter à ça et doivent le prendre en compte, en tout cas.

  • Speaker #2

    J'étais en train de sélectionner deux citations qui viennent illustrer exactement vos deux propos. Je les avais notés, il y en a un de Jean-Marc Gansil qui dit « Je reste viscéralement accroché à l'idée qu'il faut faire de son mieux pour limiter la souffrance que peuvent et pourront provoquer les prévisions pour soi et pour le collectif » . Donc c'est exactement ça, je trouve qu'on se retrouve là-dedans. Et par rapport à cet espoir actif, ou en tout cas que tu disais, le pessimisme est plus de l'action derrière. C'est Emmanuel Caplin dans son film « Une fois que tu sais » . J'ai noté juste son extrait et je le relis parfois, c'est « L'espoir n'est certainement pas la même chose que l'optimisme » . Ce n'est pas la conviction que quelque chose se passera bien, mais la certitude que quelque chose a du sens, indépendamment de la façon dont il se termine. Et moi, je...

  • Speaker #0

    Cette dernière, elle est très bien.

  • Speaker #2

    Je pense que c'est plutôt dans ce mindset-là qu'on revient. C'est pas avec de l'optimisme et en mode, bon, on va trouver des solutions. Ça va être très sûrement, et c'est déjà compliqué pour beaucoup d'entre nous. C'est extrêmement injuste et ça n'est pas désirable, en tout cas, de mon point de vue. Et donc autant faire toutes les choses pour essayer de limiter la souffrance pour soi, pour le collectif, et tout faire dans l'optimisme, en se disant « sûrement ça ne va pas se passer super top, mais autant faire tout ce qu'on peut, peu importe l'issue. » Je crois que c'est beaucoup...

  • Speaker #1

    Et en plus, on compte qu'on a beaucoup à y gagner. Donc qu'on peut y être plus heureux, qu'on peut y être plus épanoui, plus proche de... Avec plus de temps pour sa famille, avec plus de temps pour soi, avec plus de temps pour faire ce qui donne vraiment du sens dans nos vies. Et en fait, je pense que naturellement, on ira vers ça. Après, est-ce que ça va se faire dans la précipitation et dans la douleur ? Ou est-ce qu'on va encore réussir à saisir cette opportunité du temps ? On a le temps de choisir. Ça, c'est à nous d'en décider.

  • Speaker #0

    En tout cas, c'est sûr que demain, c'est mieux. On n'est pas dans l'optimisme du tout va bien se passer. Ne vous inquiétez pas. Évidemment, on n'est pas là-dedans.

  • Speaker #3

    Pas du tout.

  • Speaker #2

    Je pense pas déjà très mal pour d'autres personnes, mais c'est très douloureux de savoir.

  • Speaker #3

    Et puis, comme le dit Mathieu Baudin, le directeur de l'Institut des Futurs Souhaits Stables, au pire, ça marche. Et je trouve que ça permet justement de ne pas rentrer dans une espèce d'optimisme béat, mais de se dire, à défaut, on aura au moins été dans l'action et on aura au moins fait quelque chose. Merci beaucoup à tous les trois pour ce témoignage éclairant qui fait du bien, tout en étant... extrêmement lucide. Et puis rendez-vous pour la sortie du documentaire.

  • Speaker #2

    Merci à toi pour tes questions et pour ton engagement au travers de ton travail.

  • Speaker #0

    Merci.

Description

En 2024, trois jeunes de la région, Pierre Bosselli, Elio et Lou Léna Juillet, ont entrepris un périple exceptionnel à vélo : plus de 10 000 kilomètres à travers 13 pays, de la France jusqu’à la Norvège, en passant par la Pologne et les pays baltes.


Leur objectif  : rencontrer et documenter des initiatives locales et durables qui réinventent le lien au vivant et expérimentent la sobriété.


Avec leur projet Demain c’est mieux, ils ont exploré des éco-lieux, visité des fermes agroécologiques et rencontré des communautés engagées. Chaque étape a nourri leur réflexion, mêlant émerveillement, lucidité et questionnements sur la transition écologique et sociale en Europe.


Dans cet épisode, ils reviennent sur ce parcours, partagent leurs apprentissages et leurs doutes, et offrent un regard inspirant sur les manières d’agir concrètement pour le vivant. Un récit qui invite à découvrir, réfléchir et s’engager à son échelle pour un futur plus durable.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans la saison 3 d'En un battement d'ailes. On repart pour une nouvelle série de reportages et d'entretiens à la découverte de celles et ceux qui agissent déjà en Auvergne Rhône-Alpes. Et pour ouvrir cette saison, je vous propose d'aller à la rencontre de trois jeunes qui font du bien à entendre. En 2024, Pierre Bossély, Elio et Lou Lénajuillet ont embarqué pour un périple exceptionnel. Plus de 10 000 km à vélo à travers 13 pays. pays. de la France jusqu'aux confins de la Norvège, en passant par la Pologne et les Pays-Baltes à la recherche d'initiatives concrètes, locales, durables. Mais leur voyage ne s'est pas limité à une aventure personnelle. Avec leur projet « Demain c'est mieux » , ils ont voulu documenter ce qu'ils ont découvert en chemin. Des citoyennes et citoyens qui partout en Europe réinventent leurs liens aux vivants, expérimentent la sobriété et s'engagent dans la transition. Ils ont traversé des écolieux, visité des fermes agroécologiques, rencontré des communautés engagées. Chaque étape a nourri leur réflexion et affiné leur regard entre émerveillement et lucidité, espoir et questionnement, un parcours qu'ils vont d'ailleurs raconter dans un film documentaire à venir. Pour rendre un battement d'ailes, ils reviennent sur ce chemin parcouru, sur les apprentissages, les doutes, mais aussi sur les perspectives qu'ouvre ce récit.

  • Speaker #1

    Salut, moi c'est Elio, et celui que vous voyez là sur son tout nouveau vélo, c'est Pierre. Et s'il sourit autant... Ah, arrête, arrête s'il te plaît. C'est parce qu'on s'apprête à partir pour une aventure de plus de 8 mois à vélo en Europe. C'est un périple d'environ 10 000 km et à travers 13 pays. Nous, quand on voyage, ce qu'on aime, c'est la liberté que nous offre le vélo. Il nous permet aussi bien de bivouaquer à la sauvage que de dormir chez des gens super accueillants. Parce que oui, voyager à vélo, on l'a déjà fait l'année dernière avec notre ami Jules. en traversant 5 pays européens sur 2000 km. On a adoré cette première expérience. Mais aujourd'hui, on veut aller plus loin et autrement.

  • Speaker #2

    Mais alors pourquoi ? Face à la situation actuelle du monde, il est facile de perdre espoir. Alors, notre but est clair, partir à la découverte des personnes qui construisent déjà le monde de demain. Il existe une immense diversité d'alternatives inspirantes. Alternative, c'est le mot qu'on utilise pour décrire toutes ces personnes qui se rassemblent et repensent leur manière d'habiter la Terre. Et toutes ces alternatives, nous voulons les filmer. pour en faire un film documentaire. Il retracera notre périple et sera rythmé par des pistes de réflexion, des témoignages inspirants, des évolutions de nos pensées et plein d'autres choses.

  • Speaker #0

    Petit extrait, bande-annonce de projet Demain c'est mieux, qui avait pour vocation de présenter ce voyage que vous vous apprêtiez alors à entamer. Bonjour à tous les trois.

  • Speaker #2

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Merci d'être là autour de ce micro. Alors avant de commencer, vous allez peut-être reconnaître une voix, celle de Lou, que j'ai accueillie en stage l'année dernière et qui vous avait proposé sans surprise un épisode consacré au voyage. Alors du coup, on ne va pas faire semblant qu'on ne se connaît pas, Lou. Et on va donc se tutoyer tous les quatre, puisqu'on a déjà eu l'occasion d'échanger ensemble. Alors nous sommes à la Duchesse. Ici, un tiers lieu en occupation temporaire dans le quartier de la Duchère, coordonné par Mafriche Urbaine, qui a pour mission d'accompagner la transformation urbaine du quartier en tissant du lien entre habitants, associations, artistes, entreprises, pouvoirs publics. Est-ce que c'est typiquement ce genre de lieu que vous avez pu découvrir lors de ce voyage ? Alors, oui. Alors, Elio ?

  • Speaker #1

    Ça fait plaisir de retourner justement dans des lieux un petit peu alternatifs comme ça, même si on n'a pas eu encore l'occasion de tout découvrir. C'est vrai qu'on n'a pas fait beaucoup de lieux en ville durant le voyage. C'est peut-être un petit manque, notamment sur les sujets sociaux, qu'on aurait bien aimé aborder un petit peu plus. Mais évidemment que, surtout dans la ville où maintenant on habite, c'est très intéressant de voir des alternatives et une façon un peu différente de repenser nos modes de vie, même jusqu'au centre des villes.

  • Speaker #0

    Et puis de créer du lien, ce lien qui est clairement la clé et le socle aussi de votre projet. On va commencer par revenir sur la genèse du projet. Racontez-moi justement ce moment où vous vous êtes dit un jour, bon, allez, on prend nos vélos, on part, on plaque tout. Qu'est-ce qui vous animait à ce moment-là pour vous le lancer dans ce défi ? Pierre ?

  • Speaker #2

    En fait, on est... tous les trois dans des études donc l'eau en journalisme, Elio en but génie biologique et moi en bts dans la protection de la nature et moi j'étais en première année et j'y trouvais de moins en moins de sens. En tout cas, je sentais que c'était pas... La façon dont on m'enseignait la protection de la nature, c'était pas vraiment ce que je voulais faire moi. Et donc je me posais beaucoup de questions et un besoin profond d'aller rencontrer des gens et de leur poser toutes ces questions, profondes mais aussi existentielles, sur la manière dont j'avais envie de vivre, etc. Et comment ça s'est passé ? Eh bien, en fait, tout bêtement, moi j'avais déjà arrêté... les études dans lesquelles j'avais rencontré Elio. Et ça me disait bien de démissionner une deuxième fois. Mais cette fois, pour une bonne raison, je ne dirais pas forcément juste parce que mes études ne me plaisaient pas, mais par un réel besoin qui venait du plus profond de moi. Et c'est là que j'ai appelé Elio et je lui ai dit qu'on pourrait faire ce tour. Ce tour à vélo à la rencontre de ces gens-là. Elio au début a beaucoup hésité. On s'est rappelé plusieurs fois. Puis à un moment on a dit oui, allez on se lance. Et Lou qui a eu écho de ce début de projet, de cette idée, nous a très vite rejoints. Et c'était avec grand plaisir que l'aventure A3 a commencé après.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on a vraiment décidé à un moment de partir au début ? Je pense que ce n'était pas facile à accepter. Moi je me rappelle que je n'avais pas encore accepté d'arrêter mes études. Du coup je disais à Pierre, allez on commence à faire le projet, mais comme ça je continue mes études et puis on verra bien ce qui se passe. Mais je me rappelle ne pas avoir eu ce petit passage, justement ce petit pas. Je n'osais pas trop le faire. Une fois qu'on s'est retrouvés à trois, je pense que c'était assez évident. Et du coup, sans trop se le dire, on s'est tous les trois lancés. On a commencé à prendre les décisions qui allaient nous permettre de se lancer dans ce voyage. Mais je soulignerais le fait que ce n'était pas évident d'oser se lancer là-dedans.

  • Speaker #0

    Il y avait de l'inquiétude pour la suite en se disant, si on part un an, qu'on met tout en pause, qu'est-ce qui nous attendra au retour ? C'est le fait de créer cette césure qui n'existe pas beaucoup aujourd'hui, en tout cas pas dans notre société. Elio,

  • Speaker #3

    tu soulignais souvent le... Enfin là, c'est plus quelque chose qu'on a découvert, le terme... On l'a découvert plutôt récemment, mais tu l'as ressenti assez fort, ce droit à l'errance, le droit... Je peux te laisser plus en parler, qui est à la fois un privilège, mais aussi un droit, surtout dans un moment où il y a une convergence un peu des crises et où tout semble un peu instable et avec mille issues possibles et pas toujours très joyeuses, en tout cas l'imaginaire collectif ou ce dont on entend parler. et face à tout ça...

  • Speaker #1

    C'est simplement essayer de prendre le temps de se poser la question de comment on veut vivre demain. Et surtout en fonction de ce qu'on doit changer. Aujourd'hui, on commence à avoir connaissance de beaucoup de choses qui sont plus soutenables dans nos modes de vie. Et donc, ça pose forcément un changement de vie radical. Nous, on a le privilège de pouvoir le faire. Donc, nous, on ne se sentait pas de continuer comme ça parce qu'on se sentait mal et parce qu'on sentait quelque chose de supérieur qui... où en fait on était un petit peu, je ne sais pas comment expliquer, mais un peu comme si on vivait sur quelque chose de pas soutenable, en consommant trop, en consommant surtout la part d'autres personnes. Et du coup, qu'il y avait un besoin impératif pour tout le monde, en tout cas d'engager ce changement, ou en tout cas déjà pour ceux qui le peuvent. Et pour nous, ce n'était pas possible de continuer sans prendre ce virage-là.

  • Speaker #3

    Un besoin et je dirais même une responsabilité. Je pense qu'on partageait ça tous les trois, il y avait un besoin. très intérieure qu'on a partagé et sur lequel on s'est retrouvés. Et à cela s'ajoute du coup la responsabilité, quand on s'informe et quand on apprend, on découvre, on écoute, on lit. Ça, c'est vraiment quelque chose qu'on faisait beaucoup, en tout cas avant le départ. On se dit, on a le devoir de...

  • Speaker #2

    Tu veux dire le devoir de porter ces questions-là, tu veux dire plutôt ? Ok, avec l'idée d'un film documentaire. Oui, moi, c'est vrai que je l'ai pas mal vécu comme un besoin personnel. Vraiment. Et pour revenir à la question que tu posais sur la difficulté de quitter ses études et de ne pas avoir cette sécurité de diplôme. Je n'ai pas de diplôme aujourd'hui, alors même si je veux travailler dans un domaine qui n'en demande pas forcément, le domaine naturaliste est quand même très ouvert là-dessus. Mais ça n'a pas été facile. Mes parents m'ont clairement dit que financièrement, ils ne me soutiendraient plus. Donc que je délivrais à moi-même et que j'allais devoir me gérer tout seul, ce qui est normal parce que j'ai été éduqué comme ça. mais c'était pas facile mais c'est pour Mais c'est important de le dire parce que ça souligne vraiment ce besoin, c'est-à-dire que j'avais un besoin si profond de, comme dit Aliot, de laisser ce temps à la réflexion, savoir comment j'ai envie de dédier ma vie à la protection du vivant, comment j'ai envie de vivre, mais surtout de laisser le temps de la réflexion sur plein d'autres sujets.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'on se rend compte que sur un schéma classique d'études, on n'a pas ce temps-là. Il ne nous est pas donné, ou du moins sous vraiment de brèves formes. Non,

  • Speaker #2

    on ne l'a pas eu.

  • Speaker #1

    Nous on a ressenti qu'on en manquait énormément, mais au delà de juste l'orientation des études, même sur comment on vit, comment on habite, est-ce qu'on le fait ensemble, en fait il y a plein d'autres façons de le faire. Et si on n'a pas le temps de se poser ces questions et on ne nous les présente pas, en fait on s'enferme. un petit peu dans un système qui peut être bon pour nous peut-être, mais qui parfois on peut se rendre compte aussi que des années plus tard, en fait ça ne nous correspondait pas, que ça soit dans le métier, que ça soit dans notre habitat, etc.

  • Speaker #0

    Et le voyage, ça a été présent tout de suite, c'est-à-dire que justement le fait de pouvoir se laisser ce temps, parce que vous auriez pu le prendre autrement, vous auriez pu le prendre en France, vous auriez pu le prendre à côté de chez vous, ou en allant, enfin juste en expérimentant plein de choses par exemple. Le fait d'aller à la rencontre de l'autre, d'aller voir ce qui se passe ailleurs, il y avait peut-être cette sortie de zone de confort pour aller se laisser un peu bousculer par d'autres choses que vous ne connaissiez pas ?

  • Speaker #3

    Je dirais qu'en partie, mais pour rebondir de nouveau sur cette question de responsabilité, je pense que nous, on le vivait comme un besoin et un devoir d'aller voir est-ce qu'il y a des gens qui vivent autrement que ce qu'on nous présente généralement ? Et si oui, est-ce qu'il n'y en a qu'en France ? Parce qu'on entend souvent parler un peu de la Drôme, l'Ardèche, de ces endroits très alternatifs. Mais est-ce qu'il y en a en Pologne ? Est-ce qu'il y en a en Finlande, en Norvège, en Suède ? Et le fait d'aller les voir et aller les documenter, c'est peut-être... On avait cette envie de partage, mais en tout cas, le fait d'aller les documenter, c'est peut-être ma formation de journaliste que moi, du coup, pour le coup, j'ai eu la chance et la facilité de terminer mes études avant de vous rejoindre. Mais oui, il y a une sortie de zone de confort, certes, mais je dirais que c'était surtout parce que quand on a commencé à poser des questions autour de nous, « Coucou papa, maman, comment est-ce qu'on habite autrement ? Est-ce qu'on peut vraiment avoir des enfants ? Est-ce qu'aujourd'hui c'est responsable ? » On nous a dit « Mais attendez, toutes ces questions, elles sont hyper intéressantes et on se les pose aussi. Donc si vous allez chercher des réponses, partagez-les nous. »

  • Speaker #1

    Moi j'aimerais juste souligner, je veux pas qu'on ait l'impression qu'on dit que tout le monde doit partir en... En voyage, comme ça, justement, dans cette quête-là, c'est à chacun de trouver un peu de quoi il a besoin et où est-ce qu'il pourrait trouver les réponses aux questions qu'il se poserait. Mais ça ne passe pas du tout forcément par le voyage, pas non plus forcément par le vélo. Ça peut prendre toute forme diverse, cette errance. Je pense que c'est important de le souligner.

  • Speaker #2

    C'est ça. Et nous, je pense que ça a pris cette forme aussi. Du fait d'avoir quitté nos études, c'était important d'avoir un projet. Un vrai truc et pas seulement comme tu disais qu'on aurait pu faire, rester à côté de chez nous ou prendre ce temps, prendre neuf mois avec notre famille sans rien faire et à se poser des questions et à réfléchir. Je pense qu'on y avait aussi cette volonté de projet, de faire quelque chose, de construire quelque chose de sérieux et dans le même temps qui nous servirait toute notre vie peut-être pour nos choix futurs.

  • Speaker #0

    Demain c'est mieux, un projet documentaire itinérant. Pensez, je trouve, un peu comme une forme d'antidote aussi un peu à la paralysie du monde. Trois jeunes qui décident de s'embarquer à la fois dans leur questionnement, dans cette errance que vous évoquez aussi, et cette idée de transmission qui arrive assez rapidement. Comment vous établissez votre parcours et comment vous avez choisi les initiatives que vous aviez envie d'aller voir ? Parce que bon, une fois qu'on s'est dit ok, on a envie de partir, on a envie d'aller voir celles et ceux qui ont un autre mode de vie et qui habitent le monde d'une autre manière. Comment peut-il y avoir la page blanche en se disant ok, mais où est-ce qu'on les trouve ces gens-là ?

  • Speaker #3

    On a galéré, on a cherché un peu.

  • Speaker #2

    ça s'est fait plutôt Alors en fait, ça peut paraître étonnant, mais ça s'est fait plutôt à la fin de la préparation, que ce soit le trajet final. Alors le trajet, en gros, on avait une idée, mais en fait, jusqu'au dernier jour, ça a changé. Même pendant le voyage, l'itinéraire a changé. Et pour ce qui est des alternatives, moi, je me souviens de soirées avec Elio sur la dernière semaine de préparation, où on n'avait pas encore les alternatives qu'on allait voir en Finlande ou des choses comme ça. ça s'est fait très intuitivement et surtout on s'est pas non plus énormément pris la tête sur ce qu'on voulait découvrir. En fait, on n'avait pas forcément d'idée précise de ce qu'on voulait aller voir. On était surtout très curieux d'aller voir des choses différentes de ce qu'on avait l'habitude de voir, des choses qu'on n'avait jamais vues, des modes de vie qu'on n'avait jamais vues, des modes de vie en collectif surtout. Et donc, on a cherché, on a recensé comme on pouvait, mais c'était quelque chose.

  • Speaker #0

    Mais il y avait quand même une petite rame qui était présente pour quand même avoir un début de direction. Une fois que je suis sur mon vélo, le premier jour, je vais où ? Donc vous saviez que vous aviez envie de partir en Europe, vous auriez pu vous lancer dans un tour du monde ou aller voir carrément à l'autre bout du monde, mais vous avez quand même plutôt choisi de rester en Europe parce que vélo ?

  • Speaker #3

    Parce que vélo, après au niveau des alternatives, on avait visé comme tu disais plutôt dans les pays du Nord, mais dans le... Comment dire, le déroulé et les différentes alternatives qu'on est allé voir, on peut retrouver en filigrane l'évolution un peu de nos pensées. Et je pense que du coup cette errance elle se retrouve aussi là-dedans, c'est-à-dire qu'on avait déjà pré-sélectionné un certain nombre, on les a pas toutes contactées d'un coup parce que pour beaucoup c'est des lieux de vie. Donc c'est des familles comme nous, elles ne peuvent pas te dire dans... Ben oui, bien sûr, allez-y, dans 7 mois, 3 jours et puis 2 heures, on vous accueillera sans aucun problème. Et puis en fait, au fur et à mesure, après avoir fait beaucoup de lieux de vie en collectif, où nous, justement, on s'était dit, comment est-ce qu'on réapprend à vivre ensemble ? Ça, ça a été une des premières conclusions, révélations ou, je ne sais pas, évolutions de pensée de notre côté. Au fur et à mesure, après en avoir fait une bonne quinzaine, au bout d'un moment, on se dit ok, d'accord. Et puis du coup, dans les lieux, tu rencontres d'autres personnes qui vont t'amener d'autres questionnements. Et on s'est retrouvé à se dire ok, du coup, on vit ensemble, mais comment est-ce qu'on construit nos habitations ? Puis après, comment est-ce qu'on renoue également avec le vivant ? Puis comment est-ce qu'on éduque ? Comment est-ce qu'on grandit ? Les enfants, mais nous aussi, du coup, on allait dans des écoles de la nature pour adultes. En fait, vraiment, on le retrouve au fur et à mesure du voyage.

  • Speaker #1

    Voilà un des avantages du vélo, notamment de pouvoir se dire, bon, en fait, le mois prochain, je n'ai plus du tout envie d'aller dans cette partie de la Norvège, mais j'ai envie d'aller visiter cette partie de la Suède parce que là-bas, je vais y voir telle alternative qui suivra telle évolution de pensée. Après, il y a des réalités, comme on a dit, on ne passe jamais à l'improviste dans les lieux. Il y a les réalités du temps, de la distance. On s'adapte à tout ça, mais globalement, on a plutôt suivi notre...

  • Speaker #0

    Et les questionnements au départ, elles... Elle portait déjà un peu sur des thématiques. Je me souviens qu'on en a parlé ensemble avant que vous, enfin en tout cas avant que toi, Lou, tu ne rejoignes Pierre et Elio, qui avaient l'idée de l'éducation. Comment justement, dans la manière dont on grandit, on éduque, il peut y avoir cet autre rapport au monde. Donc il y avait déjà quand même un peu des pré-questionnements, on va dire, qui étaient déjà bien présents.

  • Speaker #1

    Tout à fait, c'est pour ça qu'on part d'ailleurs avec ces questionnements en tête. Et je pense qu'il va être notamment intéressant dans le film, c'est qu'en fait, on s'est pris des claques. Il y a des domaines qu'on sous-estimait ou qu'on n'avait pas du tout pris en compte.

  • Speaker #0

    Par exemple ?

  • Speaker #1

    Par exemple, je me rappelle qu'en tout cas, Pierre et moi, on est vraiment partis dans l'optique de la reconnexion avec notre environnement, avec le vivant au sens large. Et en fait, on s'est rendu compte dans les premiers lieux qu'en fait, un éco-village ou un tiers-lieu, peu importe, c'était surtout une affaire d'humains, de facteurs humains. Et que ce n'était pas forcément des objets, ce n'était pas forcément... une reconnexion, comme on peut dire, même si c'est un terme très théorique avec le vivant, mais ça concernait plutôt le vivre ensemble. Donc ça, par exemple, c'est une des premières claques qu'on s'est prises. Il y en a eu tout le long et elles sont propres après à chacun.

  • Speaker #2

    Oui, globalement, les thèmes qui ressortent, c'était la vie en collectif. Donc, découverte de modes de vie collectifs différents. Il y avait le thème de l'éducation, comment on éduque les enfants de demain. Et puis, ce thème qui était plus, moi, je portais vraiment personnellement, de comment on protège le vivant que l'humain extermine aujourd'hui. Moi, je sais que c'est ça que je veux faire de ma vie. Je veux dédier ma vie à la protection du vivant, mais comment ? Et donc, un thème qui touche un peu au vivant et à sa protection, c'était un grand thème qui ressortait aussi.

  • Speaker #0

    À travers, je trouve, les vidéos que vous avez publiées au fur et à mesure de votre voyage, finalement, on comprend aussi que vous n'êtes pas forcément allé chercher des modèles parfaits. mais vraiment de montrer comment pouvait s'expérimenter des choses comment il y avait des gens qui tâtonnent et je trouve que c'est très aligné avec la démarche du journalisme de solution, moi c'est ce que je fais en allant à la rencontre des initiatives et de montrer qu'il n'y a pas de solution parfaite c'est pas un petit guide à la fin avec lequel on ressort en disant pour que le monde il fonctionne correctement il faut que ce soit comme ça, comme ça, comme ça et finalement c'est assez intéressant de montrer cette... Cette démarche et ces réflexions qui évoluent aussi en cours de route, est-ce que ça vous en aviez conscience dès le départ ? Est-ce que vous y avez réfléchi dans la logique de documentaire en vous disant « alors on ne veut pas ni faire découvrir un monde bisounours, ni faire une espèce de greenwashing de bonnes intentions ? »

  • Speaker #1

    Moi je pense que assez naïvement, je partais vraiment dans l'optique de, même si je ne l'avais pas conscientisé, que c'était un peu le modèle à suivre et qu'on avait trouvé toutes les réponses dans ces milieux-là. Et ça a été aussi un apprentissage du voyage et qui sera très clairement visible dans le film, en tout cas c'est une intention collective, c'est de montrer qu'en fait il n'y a pas vraiment de solution, qu'il y en a plein différentes, qu'elles méritent d'être essayées, mais qu'elles ne sont pas faciles à mettre en place et à tenir sur le long terme.

  • Speaker #3

    Je pense qu'inconsciemment on cherchait un peu un modèle parfait, on allait pour s'inspirer en se disant « ok, je reviens de mon voyage, je sais dans quel type d'habitage j'habite » . Enfin... Je sais comment peut-être me nourrir différemment, etc. Et en fait, au fur et à mesure, ça peut paraître un peu naïf qu'on soit parti comme ça, mais c'est l'évolution de notre pensée et il faut qu'on soit honnête là-dessus. Au fur et à mesure, on s'est dit mais pas du tout, en fait, il y a autant de solutions qu'il y a de projets. Et chaque projet a le mérite d'exister parce qu'il va dans une certaine direction. Mais à partir du moment où... On cherche un modèle type, quelque chose à suivre, presque de dogmatique. Là, il y a un souci. C'est là où nous, on s'est sentis en tout cas le moins à l'aise. C'était dans les lieux où il y avait le plus de dogmes. Moi, je sais que j'ai eu un profond changement et surtout une prise de conscience. C'est un moment où j'écoutais un podcast avec, je crois, Corinne Morel-Darleux.

  • Speaker #0

    Morel-Darleux, qu'on a reçu au mois de janvier dans le podcast.

  • Speaker #3

    Qui nous parlait, il me semble, j'espère que c'est bien, et que je ne me trompe pas. qui parlait de ce triptyque pour modifier profondément les choses. Elle le tirait en tout cas de l'éducation populaire et qu'il faut axer les changements sur trois axes. En un, c'est un peu une espèce de bataille culturelle, essayer de changer les récits, de changer la façon dont on raconte les choses. En deux, enfin, en fait, je dis un, deux, trois, mais il n'y a pas d'ordre ni de choses qui prévalent sur une autre. Il y a à la fois, il faut essayer de montrer qu'il existe des alternatives. des préfiguratives, en fait, de montrer qu'il existe autre chose. Et d'autre part, il faut lutter contre les forces destructrices. Et en fait, ça a été pour moi une grille d'analyse de tous ces lieux qui m'a beaucoup aidée, mais je suis sûre qu'elle peut être grandement modifiée, mais qui m'a fait prendre conscience qu'il y a une espèce d'ultra-importance de valoriser toute forme de tentative, tant qu'on va un peu dans cette logique de... Nous reconnecter au vivant, d'être dans la protection de l'autre, du vivant et dans quelque chose de plus souhaitable, plus durable. Mais que ce soit à la fois dans de la lutte avec du militantisme ou en essayant de créer des alternatives et d'autres formes de vie en collectif ou en essayant de changer. En fait, il existe mille solutions et on n'en a pas une qui nous a... Enfin forcément, on en a forcément des qui nous ont plus touchés, mais c'est en fonction des sensibilités. Bien sûr.

  • Speaker #2

    Non, c'était juste pour rejoindre un peu ce que disait Lio. C'est vrai qu'il était parti dans une idée globale de peut-être recherche de... Je me souviens, tu disais, tu recherchais plutôt le modèle de vie qui pouvait un peu être le plus écologique et à la fois le plus soutenable et le plus acceptable pour tout le monde. Applicable à grande échelle. Voilà. Et en fait, d'une on se rend compte que tous les lieux sont différents, et en fait c'est surtout des lieux de collectif où c'est des personnes qui ont choisi de vivre ensemble et d'appliquer les règles qu'ils avaient envie d'appliquer. Et moi je sais que je suis arrivé au début du voyage avec beaucoup de reportages et d'interviews en tête sur l'effondrement, et beaucoup de questions notamment sur cet effondrement. Et je posais des questions que par rapport à ça, mais vraiment dans les lieux je leur demandais comment vous êtes. à ça, mais là si vous êtes raccordé à l'eau courante comment vous faites s'il n'y a plus d'eau vous allez galérer parce que j'étais parti dans cette optique de si je fais ce voyage et que je vais voir des lieux collectifs ça va forcément me donner des réponses sur comment je vais vivre plus tard ou même maintenant dans les prochaines années et s'il y a une conclusion à tirer de ça c'est que j'ai pas du tout de réponse après 9 mois de voyage évidemment pas et j'ai même un début de réponse déjà qui est de que je ne me vois pas vivre dans un écolieu tel qu'on les a visités d'ici à moyen voire long terme. Parce que c'est un vrai projet de vie. Tu t'installes, souvent c'est coûteux financièrement.

  • Speaker #3

    Manque de diversité aussi.

  • Speaker #2

    Manque de diversité. On n'a très peu, voire jamais vu de jeunes de notre âge installés dans un lieu. En fait, la plupart des jeunes de notre âge sont encore en études ou ils commencent à peine un métier. il ne se pose pas forcément ces questions de... où ils veulent vivre. Et c'est vrai que là, j'ai pris un peu de recul et je me suis dit, c'est peut-être pas des questions que je me pose maintenant. C'est très intéressant de voir comment tous ces gens vivent en collectif et ça me servira peut-être plus tard. Mais là, maintenant, ça paraît si loin de vivre comme ça.

  • Speaker #1

    Ça pose de nouvelles grandes questions, je trouve. Nous qui étions convaincus de ce mode de vie, non pas qu'on l'ait tous mis de côté, mais du coup, nous qui étions convaincus, même nous, on a... pas forcément l'envie de directement s'installer, où on n'est pas encore profondément convaincu que c'est exactement la forme qu'on doit suivre, comment on fait pour motiver des gens qui ne s'y intéressent pas ?

  • Speaker #0

    Donc finalement, vous êtes repartis presque avec plus de questions.

  • Speaker #3

    Ah oui, ça c'est la conclusion. On a beaucoup plus de questions que de départ.

  • Speaker #0

    Est-ce que, malgré tout, dans les différentes initiatives que vous avez rencontrées, est-ce que vous retrouvez un fil rouge commun ?

  • Speaker #2

    En France, par exemple, on a vu vraiment beaucoup de choses différentes. Si on devait parler de lieux en collectif, c'est-à-dire des personnes qui ont décidé de vivre ensemble, je trouve qu'il y a deux grandes sortes de lieux qui sont ressortis. C'est les lieux qui, d'une part, les lieux avec des gens qui se sont retrouvés, qui se sont mis ensemble pour vivre collectivement de façon plutôt sobre, en tout cas, ça a presque toujours été le cas, de façon écologique et plutôt sobre, mais sans réel but de... Changer le monde, alors changer le monde c'est un grand Je sens le but de s'élargir ou de faire de grandes choses ou d'étaler ce mode de vie tout autour d'eux, tout ça, mais simplement l'envie de vivre ensemble avec amour et respect. D'autres, une deuxième catégorie de lieux qui faisait la même chose, parmi celles qu'on a vues, bien sûr. Une deuxième catégorie qui faisait la même chose que la première, mais avec des ambitions, des buts, des objectifs à moyen voire long terme.

  • Speaker #1

    Peut-être même la volonté d'influencer le monde.

  • Speaker #2

    Et d'ailleurs, il y a même un lieu qui nous a dit que leur ambition, c'était de changer le monde avec ce qu'ils faisaient en collectif. Donc, je trouve que c'est deux facettes qu'on a remarquées.

  • Speaker #3

    Une autre grille de lecture,

  • Speaker #2

    si je peux me permettre.

  • Speaker #3

    Même une autre grille de lecture, dans les communautés intentionnelles où les gens se disent on va vivre ensemble, il y a un objectif commun qui est par exemple de renouer. avec, je ne sais pas, le vivant autour d'eux, ou d'avoir vraiment une démarche plus sobre, comme tu disais, et de l'autre, des gens qui vont plutôt vouloir chérir un peu leur vie en communauté et retrouver déjà du sens dans la vie en collectif, en mettant un peu, pas au second plan, mais les objectifs écologiques du lieu ne sont pas en premier plan. Voilà, c'est une autre grime. Je pense qu'il y en a plein.

  • Speaker #2

    Mais pour conclure là-dessus, je dirais que, premièrement, même s'il y a peut-être des... des ressemblances dans certains lieux, ils sont complètement différents, vraiment. Il n'y en a pas un qui se ressemble à chaque fois.

  • Speaker #0

    En tout cas, on sent bien la diversité de ce que vous avez pu découvrir. On ne découvrira qu'un millionième sans doute de ce que vous avez vécu au cours de ces longs mois. Vous avez eu aussi l'occasion de vivre un peu des moments, je trouve, hors du temps. Je pense notamment à la fête de Rasa en Lituanie. Une réunion ancestrale qui fête l'épanouissement de la nature. Elle se tient en pleine floraison au jour du solstice d'été. Je vous propose un petit extrait vidéo.

  • Speaker #3

    La fête de Rasa, qui signifie la fête de la rosée, est célébrée depuis la nuit des temps par les Lituaniens et d'autres populations baltes. Elle a lieu chaque année au moment où le soleil est au solstice d'été. En début de soirée, on a retrouvé des hommes et des femmes parés de couronnes de fleurs en haut d'une petite colline et pour beaucoup habillés de tenues traditionnelles. Au son des dodités de longues trompettes en bois, tous sont passés sous un portail qui symbolise la séparation entre le monde profane et le monde sacré. Une invitation à laisser derrière cette porte tous ses problèmes personnels. Direction la rivière pour s'y purifier corps et esprit. Ils ont chanté des chants ancestraux tous ensemble et écouté des poèmes anciens en l'honneur de la nature. Un moment puissant, transportant, dont les rites sont transmis depuis des siècles. Ensuite, tous se sont rendus au pied d'un grand chêne. arbre considéré comme sacré pour s'imprégner de la fumée et métaphoriquement de la force de cet arbre, avant de remonter sur la colonne. Là-haut, chacun s'est adressé à son dieu ou à un autre esprit divin selon sa croyance, en y jetant de la poudre d'ambre en faisant un vœu. S'en sont suivis des danses collectives autour d'un grand feu au rythme d'un accordéon. Enfin, tous se sont rendus au lac et les femmes ont déposé leur couronne dans l'eau, sur une petite croix de bois avec une bougie, symbolisant le voyage de l'être humain sur la rivière de la vie. La légende veut d'ailleurs que... les couronnes d'un garçon et d'une fille qui se rencontrent prédisent leur union cette même année.

  • Speaker #0

    Alors, petite réaction à réécouter comme ça, quelques mois plus tard.

  • Speaker #1

    C'est assez drôle comme retour, de se replonger là-dedans. Je me rappelle, moi, des retours qu'on avait eus sur nos réseaux ou quoi, qui n'avaient pas forcément été très positifs. Je me rappelle d'une certaine incompréhension, un peu. D'ailleurs, moi, j'avais ressenti un peu de déception, parce que pour moi, j'avais trouvé ça incroyable. Mais un peu de... peur de la part des gens à l'extérieur de « mais qu'est-ce qui se trame ? Pourquoi les gens ils s'habillent comme ça ? » Peut-être parce que ça sort peut-être un petit peu de la culture et des mœurs, je ne sais pas.

  • Speaker #2

    Français,

  • Speaker #3

    oui. Du coup, il y a beaucoup de gens qui faisaient référence à ce film d'horreur « Midsommar » , et du coup on nous a dit « vous allez mourir » . Mais du coup,

  • Speaker #1

    ça pose des questions assez intéressantes. Qu'est-ce qui sort de ton carcan culturel de mode de vie ?

  • Speaker #0

    Oui, et puis je pense en plus de voir que Merci. Notre rapport aussi aux vivants, à la nature, etc., il est aujourd'hui relativement déconnecté, même quand on peut sembler proche. Il y a quand même, je trouve, une différence entre ce qu'on peut vivre en milieu urbain, de ce qu'on peut être, avec ce rapport avec des fêtes plus proches de la nature, qui peut encore se vivre dans certaines campagnes, en France en tout cas. Mais ça montre bien qu'en tout cas, ça vient quand même agiter quelque chose à cet endroit-là. qui montrent sans doute, à mon avis, une forme de déconnexion ou d'éloignement avec ça.

  • Speaker #1

    Oui, et puis là, en l'occurrence, ça pourrait engager une certaine reconnexion, mais du coup, plus spirituelle. C'est ça qui est intéressant. Parce qu'on a plutôt à aborder des lieux où même on a rencontré... On a rencontré des gens qui nous parlaient plutôt d'une reconnexion vraiment très technique, très scientifique, comment on gère une réserve, comment on gère une espèce qui disparaît. Alors que là, tu vois, c'était plus spirituel et du coup dans des choses qui sont plus abstraites, c'est peut-être ça qui peut rendre un petit peu plus inquiet.

  • Speaker #2

    Je pense qu'on était tous les trois assez étrangers et là on était entourés de personnes qui, au contraire, étaient absolument là-dedans. Au fond,

  • Speaker #3

    respect.

  • Speaker #2

    Au fond, respect. Respect et surtout une relation... très spirituel aux vivants, à la nature. Et c'est vrai que c'est quand on ne connaît pas.

  • Speaker #3

    Du coup, ça a amené beaucoup de questionnements. Justement, on nous disait, ça ressemble à une secte, etc. Et du coup, on en a tiré quelque chose de positif. C'est qu'on s'est posé pas mal de questions sur est-ce que dans ces lieux, il y a des dérives sectaires ? Est-ce que c'est tout un pan qu'on a un peu creusé, un peu cherché ? On a fait un peu nos recherches.

  • Speaker #1

    Et qu'au début on mettait de côté. Au début, moi je m'en rappelle vraiment réagir d'une façon assez réfractaire quand j'avais ce genre de retour. Mais il y a des risques de secte, quand vous faites des rondes avant de manger, c'est pas bizarre. Et en vrai, moi maintenant je comprends tout à fait qu'on peut avoir ce regard-là extérieur, et même de l'intérieur, il y a des risques très clairs de devenir une secte quand on est un collectif. De devenir ce qu'on appelle sectaire. mais du coup le fait d'avoir de diverses expériences nous a aidé à ouvrir aussi notre esprit là dessus et à accepter que ça ne faisait pas partie de la réalité des gens. Quand tu habites aujourd'hui dans une ville occidentale, ce n'est pas le genre de choses que tu fais régulièrement, de te rouler tout nu dans la rosée au matin, à l'aube, avec des colliers de fleurs. On ne le fait pas, mais...

  • Speaker #2

    On ne le fait pas depuis qu'on a découvert ça non plus.

  • Speaker #1

    Non. Pas toi ?

  • Speaker #0

    Mais ce qui est très étonnant, c'est que si... Vous aviez vécu cette expérience auprès de peuples autochtones au fin fond de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le regard, je pense, des gens, il aurait été aussi différent. Et le fait, en fait, finalement, de voir cette expérience et cette relation relativement spirituelle avec la nature, vécue dans des communautés qui, finalement, sont très proches de nous, de nos modes de vie actuels, finalement, on était en Europe, des Occidentaux, je pense que le rapport n'est pas le même. alors que Les hommes-fleurs en Papouasie-Nouvelle-Guinée, ça ne traumatise personne quand on regarde un documentaire.

  • Speaker #1

    Merci de mettre le doigt là-dessus, parce que c'est aussi quelque chose qui me dérangeait. Et c'est carrément... Enfin, je trouve ça super intéressant. Et il y a aussi un truc intérieur à creuser là-dedans sur notre rapport à l'exotisme. Enfin, je veux dire, on voit peut-être un peu trop l'Europe comme quelque chose de différent. Mais en fait, il y avait toutes ces communautés-là. Il y avait cette histoire ici en Europe. Et certains Pays-Baltes l'ont un petit peu gardée. Mais on avait aussi ça... Moi, je trouve ça super intéressant et merci de mettre le doigt là-dessus.

  • Speaker #0

    C'est là où on en revient à la question de l'imaginaire, des nouveaux récits autour du voyage, de la rencontre de l'autre. Est-ce que finalement, on est obligé d'aller à l'autre bout du monde pour vraiment rencontrer l'autre avec un grand A ? Pas forcément. On peut aller voir des gens qui sont très différents de nous et qui ne sont pas si loin.

  • Speaker #2

    Pas très différents de nous, pas si loin, oui, ça c'est sûr.

  • Speaker #3

    De pas de chez nous.

  • Speaker #0

    Dans votre projet, ce que je trouve vraiment intéressant, c'est que vous êtes finalement à la fois les auteurs, donc c'est vous qui êtes parti, vous êtes aussi les passeurs au travers du documentaire, et en même temps, vous êtes vraiment les témoins transformés par cette expérience, et il y a finalement cette triple dimension qui se mélange, en tout cas là, quand on vous écoute, qui ressort de manière assez forte, je trouve. Est-ce que vous vous attendiez à ce que... Justement, ces trois rôles se mélangent peut-être autant, viennent autant vous transformer, vous bousculer ?

  • Speaker #3

    Je dirais que c'est un juste milieu qui est en permanence en train de bouger et surtout qui n'est pas facile des fois je trouve à tenir. C'est-à-dire qu'on a envie de mettre en lumière toutes ces personnes qui agissent quotidiennement. et à la fois on veut permettre par notre histoire et par juste nous qui en est humainement, on veut faciliter cette... Comment dire ça ? On veut faire en sorte que les gens puissent s'accrocher, qu'ils puissent rentrer dans l'histoire de par juste notre bonhomme de chemin, qui n'est pas du tout incroyable, mais ça peut peut-être être plus facile qu'avec un documentaire arté qui va présenter très factuellement, et ça a tout son intérêt, je ne suis pas du tout là à dénigrer ce genre de travail journalistique. Et à la fois, en plus de ça, il fallait vivre le voyage pleinement, se laisser s'imprégner, laisser les différentes... Évolution de pensée, faire leur bonhomme de chemin dans notre tête et en même temps filmer tout ça pour pouvoir le documenter. Comment documenter, le partager, quelle place laisser à la communication finalement parce qu'on avait quand même beaucoup d'engagement. On avait donc les réseaux sociaux avec Instagram, on avait des vidéos YouTube, on avait des chroniques pour le Dauphiné, on avait des partenariats avec des écoles donc il fallait leur écrire des mails. Plus pendant le voyage on préparait un peu, on faisait des retranscriptions d'interviews. Donc finalement c'était vraiment un travail à plein temps. En même temps on vivait une forme de déconnexion et on prônait. Ce « ok, on se déconnecte, on prend le temps de vivre les choses et de s'imprégner » .

  • Speaker #0

    J'ai 12 heures de mail à envoyer.

  • Speaker #3

    Mais voilà, c'était difficile d'être à la fois l'auteur, le réalisateur, la personne qui le vit, le témoin.

  • Speaker #0

    Tout en vivant l'expérience à l'instant T et en se laissant embousculer par ce qui arrive.

  • Speaker #3

    On a très peur que ça devienne un égotrip. C'est un mélange de tout.

  • Speaker #2

    Super dur. Super dur d'être à la fois les trois. Vraiment, ça c'est... Je pense que c'était quelque chose dont j'avais peur un peu avant le départ. C'était des questions qu'on se posait déjà un peu avant le départ et qu'on s'est d'autant plus posées pendant le voyage. Ça a été source de tension, bien sûr, de devoir monter des vidéos YouTube, faire la communication Instagram, envoyer des mails, appeler les alternatives. En fait, il y a des jours, il faut s'imaginer qu'il y avait des semaines parfois qu'on passait à presque bosser. On restait à un endroit et on bossait parfois trois jours d'affilée. On ne faisait pas grand chose d'autre que d'être sur un ordi pendant un voyage comme ça. Passe un beau lac. Face à un bolac, alors voilà,

  • Speaker #0

    on essaie de... Le cadre était sympa, mais...

  • Speaker #2

    On essaie des cadres sympas, mais c'est la réalité du projet qu'on a fait. C'est pour ça qu'on préfère appeler ça un projet plutôt qu'un voyage. Il y a une dimension voyage, mais il y a quand même une énorme dimension projet qui laisse place à beaucoup de contraintes, en fait.

  • Speaker #1

    Et le jeu là-dedans, c'était pas de se perdre justement dans cette communication.

  • Speaker #2

    Trouver l'équilibre.

  • Speaker #1

    On se travaille et de garder quand même en tête qu'on part à la base pour nous, pour des questions intérieures. et qu'on doit suivre ce chemin-là et pas oublier un peu d'où vient la naissance de ce besoin profond et qu'on est parti pour essayer d'y trouver des réponses et pas que pour le partager.

  • Speaker #3

    Et gérer tout l'aspect voyage et vélo à côté. C'est-à-dire que... Oui,

  • Speaker #0

    c'est campus, il y a l'organe logistique.

  • Speaker #3

    On s'était fixé 80 km par jour. Dans les Pays-Baltes, la Pologne, on était quand même monté. Des fois, ça montait à des centaines. Il fallait... trouver le repas, on faisait deux fois les courses pour éviter de trop porter, il y avait trouver l'eau, gérer nos fatigues, nos corps. C'était tellement de paramètres à prendre en même temps. Il y a des moments où on a cru qu'on allait se perdre.

  • Speaker #2

    Oui, il y a eu des moments très très durs de tensions entre nous.

  • Speaker #0

    Oui, d'ailleurs à un moment vous êtes séparés.

  • Speaker #2

    On se fait une semaine.

  • Speaker #1

    C'est ça le souci, c'est que tout ça en général se répercute sur les relations humaines. Parce que c'est la seule personne sur qui on peut taper, on ne peut pas taper sur... le compte Instagram ou sur les contraintes ou sur ce qui nous tracke dans la tête. Malheureusement, c'est sûr qu'on a connu des moments.

  • Speaker #2

    Mais malgré ça, c'était aussi hyper riche de ce côté-là. Justement, on a mis le doigt sur des problèmes de communication, sur le fait d'être 24h sur 24 ensemble, collés. En hyper proximité. En hyper proximité. Dans la même temps. Même si je ne dormais pas avec Lou le soir, je dormais avec lui tous les soirs dans la même temps, collés. Et on était sur le vélo et puis on faisait les courses ensemble et on allait voir les alternatives ensemble. Avec Lou, c'est pareil. C'est-à-dire qu'on était tous les trois, 24 heures sur 24, ensemble, à presque tout faire ensemble. Et en fait, ça, forcément, ça a des conséquences sur la communication. Ça a des petits problèmes de communication qui font que ça mène à des tensions. Et on a travaillé là-dessus pendant tout le voyage. Ça a été un vrai sujet, la communication à trois. Et je pense que ça nous a beaucoup appris, ça nous a beaucoup fait grandir ce voyage là-dessus.

  • Speaker #1

    Et on apprend encore.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous avez appris les uns des autres ? Donc pour préciser quand même, on ne l'a pas dit très explicitement en tout début, mais Elio et Lou, vous êtes frères et sœurs, toi Pierre, tu es un de leurs potes. Comment justement, déjà peut-être dans votre relation de frères et sœurs, qu'est-ce que ça transforme ? J'imagine qu'il y a clairement un avant-après dans votre relation.

  • Speaker #3

    Je pense qu'on a... expérimenter ce qu'on pouvait voir dans les lieux de vie en collectif. C'était hyper intéressant, c'est-à-dire qu'on était là, on était avec la caméra, le micro, « Ok, comment vous faites pour vivre ensemble ? Est-ce que vous avez des règles ? Comment est-ce que vous faites ? » Et puis après, on se retrouve face, on s'embrouille pour rien, et puis on fait, en fait, c'est exactement la même chose, il y a une petite mise en œuvre de l'acteur humain, et comment est-ce que nous, on va prendre soin de la membrane de notre collectif ? Je reviens là-dessus, je pense que c'était surtout cette interview à la fin du voyage avec Marine Simon, où elle nous parlait de ça. qui est du coup une... je sais même pas dire, je sais juste qu'elle anime des... elle a écrit des livres...

  • Speaker #2

    Les ateliers du travail qui relient.

  • Speaker #3

    Ouais voilà c'est ça.

  • Speaker #2

    Par le service notamment.

  • Speaker #3

    En intelligence collective et puis en fait tu écoutes l'interview et tu fais ah ouais bon en fait c'est exactement ce que nous on pourrait faire et du coup je trouve ça hyper intéressant après on en sort changé ça c'est sûr, moi je sais que Pierre il est pas du matin, moi je suis je sais pas, moi je suis relou quand je suis fatiguée et puis

  • Speaker #2

    Lou a besoin de mon... J'ai des petites doses de nourriture toute la journée, alors qu'avec Elio, on se pète le bide le matin et le midi, et le soir, mais vraiment ponctuellement.

  • Speaker #3

    J'ai réquis à quoi dans les sacoches ?

  • Speaker #2

    Moi j'ai le sommeil léger, j'ai besoin de boules qui aient, Elio n'en a pas besoin du tout.

  • Speaker #1

    Ça on va peut-être trouver des équilibres avec les besoins de chacun, donc un peu comme tu dis, ce qu'on retrouve dans des... de collectif parce qu'au final, c'est des problèmes de la vie de tous les jours. Sauf que le voyage à vélo nous force à mettre les problèmes sur la table et en discuter. On ne peut pas mettre sur le tapis et dire qu'on en parlera plus tard. En fait, ça les sort. Sauf que ça les sort au moment où on est fatigué, où on a peur, où on est stressé. Du coup, souvent, c'est facilement...

  • Speaker #2

    C'est ça qui est dur. Tu t'embrouilles, mais c'est pas chacun rentre chez soi et après, on en reparle le lendemain. C'est qu'on est tout le temps ensemble, donc on est obligé d'en parler tout le temps. Donc chaque problème, il faut en parler, il faut le régler, on est obligé, sinon on n'avance pas.

  • Speaker #0

    En tout cas, ce projet, il parle aussi beaucoup de la jeunesse, la vôtre, celle que vous portez en étant trois jeunes qui décident de se lancer dans cette expérience. Est-ce que vous avez ressenti aussi peut-être cette forme de responsabilité qu'on évoquait en début d'entretien en tant que jeune ?

  • Speaker #3

    Moi, je pense que c'est difficile. Je me sens pas du tout... Le symbole ou... Comment dire ? Je ne pense pas que je représente la jeunesse ou quoi que ce soit parce qu'il y a tellement de profils différents dans la jeunesse. Et surtout, je sais que je viens d'un milieu privilégié et que j'ai grandi en Haute-Savoie, à la frontière suisse. Je ne me sens pas du tout comme étant vraiment quelqu'un qui symbolise la jeunesse. Après, moi, de par mon parcours, est-ce que je sentais la responsabilité, comme je le disais au début ? Oui, dans le sens où... dès qu'on s'informe, comme disait Pierre tout à l'heure, je suis arrivée dans le voyage avec plein d'informations sur l'effondrement, sur le fait qu'on sait que juste la manière dont on vit mondialement, ça n'est plus du tout soutenable et d'ailleurs pas souhaitable. Moi, je ne veux plus que mon confort dépende de plein de gens au détriment de leur vie et de juste leurs besoins primaires. Je n'ai pas du tout envie que ma façon de vivre détruise le vivant qui nous entoure et que pour l'instant, tout ce qu'ils nous montrent, tous les rapports scientifiques, tous les chiffres, on ne va pas les ressortir. on les... on les connaît, tout ça nous montre que ça ne va pas. Donc évidemment qu'on sent une responsabilité. Et en même temps, des fois, on a un peu envie de dire « c'est pas mon dos, je suis fatiguée » .

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, peut-être une responsabilité générationnelle, j'aime pas trop dire ça non plus, mais n'empêche qu'on sent bien, en tout cas, qu'on va pas pouvoir continuer comme ça, et qu'il y a autre chose à inventer, et qu'aujourd'hui, c'est pas mis en place. Donc, qu'est-ce qu'on fait face à ça ? On peut le regarder d'un point de vue purement personnel. Bon, mes enfants, dans quel monde ils vont grandir ? Si je veux avoir des enfants, on se rend bien compte qu'il va y avoir quelque chose à changer tout de suite pour nous et pour eux, si on veut leur offrir quelque chose d'un minimum souhaitable et vivable, et surtout pouvoir se regarder peut-être dans la glace et être à peu près droit dans ses chaussures.

  • Speaker #2

    C'est ça, je pense qu'on ne se dit pas, nous trois, qu'on doit faire, on doit s'engager, on doit porter cette jeunesse ou je ne sais quoi, ça vient vraiment du... C'est automatique, en fait, sachant tout ce qu'on sait aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Mais dans le documentaire, en tout cas, vous allez incarner trois jeunes qui se posent des questions et qui sont allés chercher des réponses. Et donc, il y a forcément, en tout cas, dans le fait de transmettre aux gens au travers du documentaire, il y aura nécessairement, en tout cas, ce regard-là porté sur vous, de vous dire, ben voilà, il y a trois jeunes là qui n'ont pas voulu rester inactifs.

  • Speaker #1

    n'est pas prétend pas incarner le...

  • Speaker #2

    C'est sûr qu'il y a un but qui est clair et tu as raison là-dessus, c'est qu'on a envie de faire un film aussi pour inspirer, pour que ce qu'on a vécu et les questions qu'on s'est posées, nos évolutions de pensée, puissent amener peut-être aux mêmes réflexions, en tout cas à des personnes, à des jeunes qui pourraient être dans les mêmes situations que nous, ou qui n'auraient pas forcément l'occasion de faire la même chose que nous, mais qui puissent regarder un film qui retrace. ce que nous on a vécu, qui peut être intéressant sans prétendre que ça va changer la vie de beaucoup de gens, évidemment que non, mais que ça puisse semer des petites graines.

  • Speaker #3

    Et de nouveau, avec cette idée de part, on a un modèle à vous présenter, c'est un panel d'alternatives non exhaustives qu'on est allé voir. On peut piocher, on peut s'inspirer, on peut se dire ça c'est exactement ce que je ne veux pas, alors que ça, il y a quelque chose d'intéressant. Et le but, c'est ça, c'est de provoquer de l'espoir actif. Après, est-ce qu'on va réussir ? C'est un énorme défi. Parce qu'on a tous les rushs, on est en train de construire le synopsis pour revenir un peu sur ce fameux film documentaire dont on parle depuis si longtemps. Ça prend tellement de temps. Est-ce qu'on va réussir à transmettre ce que nous, ça nous a montré, ce que nous, ça nous a transporté ? Je ne pense pas, en tout cas pas de la même manière, mais est-ce que ça va pouvoir ? Susciter des choses, est-ce que ça va pouvoir donner des idées, est-ce que ça va pouvoir inspirer ou donner de l'envie à certaines personnes ? On va essayer de le coupler avec les événements locaux en tout cas, on va essayer de faire des ciné-débats. L'idée pour l'instant serait de faire une tournée d'avant-première dans laquelle au moins deux de chacun de nous pourraient être là sur place pour pouvoir discuter avec le public en intelligence collective et faire émerger... Soit des idées, soit des questionnements, des critiques, peu importe. Et peut-être le coupler à des événements locaux en partenariat avec des associations, des tiers-lieux, des collectivités. Pour l'instant, c'est les projets qui sont en tête. C'est ça.

  • Speaker #0

    Donc là, vous êtes dans la partie production, réalisation du film, du documentaire. Où est-ce que vous en êtes ?

  • Speaker #2

    et bien depuis qu'on s'est on a terminé le voyage on s'est donné quelques mois de souffle avant de s'installer à Lyon, donc on est tous les trois à Lyon maintenant, pour commencer à écrire l'histoire. Parce que c'est bien beau, on a plein de rushs, on a 8 teras de rushs en tout, ce qui est énorme. Mais on n'a pas d'histoire. On n'a pas d'histoire. On a énormément d'interviews, de lieux, mais on va pas tout mettre. Et on va devoir sélectionner et savoir l'histoire qu'on veut raconter. Et donc on est là-dessus actuellement.

  • Speaker #1

    On découvre un nouveau milieu, ouais. Le monde du cinéma, on n'est pas du tout issus de ce milieu-là, donc... C'est pas évident, mais je dirais que la partie projet était quand même très personnelle dans la motivation profonde, parce que c'était un besoin. La partie film, les moins. On n'est pas passionné de cinéma, on n'a pas eu envie de faire un film et après on s'est dit « qu'est-ce qu'on fait comme projet ? » C'est plutôt « bon, en fait, on s'est rendu compte qu'il fallait le partager » . Je pense que c'est en ça que notre projet, on peut quand même le reconnaître, qu'il y a une volonté de partage et qu'il n'est pas du tout que personnel. Il y a vraiment une volonté de pouvoir le mettre à libre disposition. et que quelqu'un qui un jour se pose des questions à peu près similaires aux nôtres puisse avoir en ressources libres tout le chemin qu'on a fait et le travail qu'on a suivi, parce que c'est quand même beaucoup de travail. Et que voilà, on le fait de cette façon-là, on le fait aussi pas que pour nous. Et le but, c'est vraiment de le partager et que ça puisse peut-être inspirer.

  • Speaker #3

    Pour l'instant, on essaye de trouver un équilibre. On est tous les trois du coup en emploi sur Lyon ou ses alentours et à temps partiel. Avec plus ou moins d'heures par semaine et pas forcément les mêmes jours. Donc c'est aussi trouver des moments de réunion, trouver le compromis entre à la fois nos équilibres de vie personnelle et ce film et le temps de travail qu'il représente.

  • Speaker #0

    Plus de 10 000 kilomètres à vélo, 13 pays, 9 mois de voyage. Arrive le retour, le moment du retour, les derniers jours. Puis le dernier jour. Je vous fais écouter à nouveau un petit extrait.

  • Speaker #3

    C'est le tout dernier jour de voyage. Ça nous a fait bien bizarre ce matin de prendre notre dernier petit-déj tous les trois. On s'apprête à descendre le Salève, là où on est actuellement. Un peu dans le brouillard d'ailleurs, mais on sent que ça va se lever. Et on se donne rendez-vous à la salle communale. à 18h et ça nous ferait super plaisir de vous voir.

  • Speaker #0

    Alors là, il y a la famille, les amis, les copains qui vous attendent au retour. Là, dans la tête, il se passe quoi ?

  • Speaker #3

    J'ai envie d'une douche. En vrai, de vrai.

  • Speaker #1

    Si on en a envie,

  • Speaker #3

    on peut en prendre une.

  • Speaker #0

    Encore aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Non, non, non, je pense qu'il se passe beaucoup de choses.

  • Speaker #3

    Je rigole, mais il se passe beaucoup de choses.

  • Speaker #1

    À la fois beaucoup de choses, à la fois pas grand-chose, parce que du coup, je trouve que... Moi, j'avais eu l'impression, en tout cas c'est mon impression, mais j'avais eu l'impression de pouvoir déjà pas mal digérer un peu ce qu'on avait vu. Pas du tout cette sensation d'un coup débarquer et de revenir à quelque chose. En fait, là aussi, encore une fois, le voyage à vélo offre un certain temps de voyage, de déplacement, qui laisse, je trouve, le temps à l'esprit de s'adapter, de... de se préparer à revenir ou quoi. Donc juste pour moi, beaucoup d'amour et de bonheur de retrouver la famille, les proches, tous les gens qui nous suivent. Et pour moi, ce sera principalement ça.

  • Speaker #2

    Oui, oui, c'est ça, Elio a raison. C'est vrai qu'on a le temps de se préparer à l'arrivée. C'est pas un vol en avion où on traverse la plage.

  • Speaker #0

    Il n'y a pas l'avant-après. Il y a quand même une forme de cheminement.

  • Speaker #2

    C'est plus un cheminement qu'un avant-après, c'est vrai. Plus ressenti comme ça. Et moi, personnellement, il y avait un peu cette sensation qu'on s'était fixé un certain temps de voyage. Et donc, le moment venu, il y a un peu cette hâte de rentrer aussi quand même et de se poser. Je me souviens que quand même les deux derniers mois étaient fatigants. On sentait vraiment une fatigue accumulée des sept derniers mois. Et ouais. Le dernier mois surtout, fatiguant, on sentait qu'on devait plus se reposer qu'avant, on était moins en forme, et donc il y avait aussi un peu l'envie de souffler, de se poser et de pouvoir dormir.

  • Speaker #3

    En fait nos vélos, comme on ne les avait pas assurés, parce que l'assurance était à hauteur de je ne sais plus combien, une centaine d'euros, mais finalement ça ne couvrait pas du tout notre matos matériel, matos etc. Donc on est non-stop avec nos vélos, peu importe ce que tu fais 24h sur 24. tu as tes vélos, sauf dans les lieux peut-être où on pouvait les mettre forcément ça rajoute un peu de challenge parce que finalement on est non seulement tout le temps ensemble mais non seulement également tout le temps avec un vélo 4 sacoches et 30 kilos de bagages avec nos affaires donc c'est vrai que des fois de pouvoir le poser et de dire ok bah là j'ai pas à m'en occuper avec la responsabilité que ça représente, il y a des fois on se faisait la réflexion de dire si quelqu'un part avec mon vélo est-ce que du coup on arrête le film ? Comment est-ce que ça se passe ? Alors là-dessus, moi, je disais au début, pas de souci, ne vous inquiétez pas, les gars, j'ai le sommeil super léger. Moi, je me réveille en deux spits, il n'y a pas de souci. Et en fait, un matin, je me réveille et il y a Elio qui me dit, mais tu n'as pas entendu ? je suis dans ma petite tente solitaire, là mon petit cercueil est parfait. Et il me dit, il y a un camion, un semi-remort qui est venu déposer des toilettes publiques à côté de ta tente, mais à 3 mètres. Tu n'as rien entendu. Je dis, alors moi, je t'avoue que là, les 100 kilomètres derrière, je crois que ça m'a cané. Du coup, il y avait une certaine responsabilité.

  • Speaker #1

    On a commencé à accrocher les vélos.

  • Speaker #3

    Oui, on avait un petit fil avec une petite clochette comme ça. Après, on a mis les cadenas. Et oui, du coup, comme tu disais, Pierre, de la fatigue, cette charge mentale. Moi, j'ai retrouvé la personne dont j'étais amoureuse. Donc forcément, il y avait aussi beaucoup d'attentes. Il y avait cette fin de voyage. Merci. Je pense pas qu'on l'a vécu, enfin je veux pas m'avancer mais je pense pas qu'on l'a mal vécu. Je pense qu'on était tous les trois heureux de rentrer et l'envie de prendre une pause pour pouvoir mieux se mettre sur le film après.

  • Speaker #0

    Alors pour finir, la question que j'avais envie de vous poser c'est finalement est-ce que demain c'est mieux après ce voyage ?

  • Speaker #3

    On aimerait bien qu'aujourd'hui ça soit bien.

  • Speaker #2

    Je sais pas, cette question... Est-ce que demain sera mieux ? Franchement, peut-être que ça s'entend que je ne suis pas très optimiste.

  • Speaker #0

    L'hésitation laisse planer un questionnement.

  • Speaker #2

    Non, c'est vrai qu'on a choisi ce nom de projet assez tôt.

  • Speaker #1

    Tu l'as dit ? Il t'évoque quoi ce nom ?

  • Speaker #0

    Demain c'est mieux. Pour moi, c'est... Par exemple, pour le podcast, je m'étais posé la question de l'appeler Demain. Enfin, ou avoir un truc autour de Demain pour montrer qu'en fait... Ouais, on... Demain est déjà là. Je crois que c'était ça le titre auquel j'avais pensé. Je trouve que justement, ils se projettent sur c'est quoi le monde de demain qu'on veut. Et donc, effectivement, avec une approche un peu optimiste et pleine d'espoir. Bon,

  • Speaker #3

    spoiler, ce ne sera pas le nom du film. Ça, bien sûr. On a entendu parler de Demain, c'est mieux. Mais surtout parce que je ne sais pas si c'est la mentalité dans laquelle on revient.

  • Speaker #1

    Le message profond, il n'est pas spécialement optimiste dans le sens, demain c'est mieux, vous inquiétez pas. Même je pense que, moi je me confère bien plus comme pessimiste que comme optimiste. Par contre, ce qui est intéressant, c'est le pessimiste plus le actif. Même si je sais que ça va être compliqué, je fais tout pour que ça puisse aller mieux. Donc c'est, demain c'est mieux parce que je change aujourd'hui, parce qu'on peut changer les choses aujourd'hui. Je pense que c'est vraiment ça. Non,

  • Speaker #2

    c'est ça, c'est exactement ça. C'est être pessimiste, c'est pas mal en fait. C'est normal d'être pessimiste dans le monde dans lequel on vit aujourd'hui. Par contre, être un pessimiste qui ne fait rien ou qui reste dans cette mentalité du tout est foutu, c'est peut-être un peu dommage. Nous, je sais qu'on n'est pas là-dedans. Il y a des choses qui vont très mal se passer, ça va être très dur. On va vers un monde avec plein de changements et vraiment plein de difficultés. On est déjà dans un monde avec plein de difficultés, mais ça va être de...

  • Speaker #0

    On va dans le pire quoi. Et donc, le savoir, en être conscient, l'accepter, mais être dans l'action et dans l'optimisme de faire des choses pour que ça change quand même un peu.

  • Speaker #1

    Faire pour garder et conserver ce qui nous est vraiment important et pouvoir l'appliquer demain. En fait, c'est à la fois très difficile et à la fois c'est une chance, j'ai l'impression. C'est un peu dur de dire ça parce qu'on sait qu'on est privilégié, etc. Mais en tout cas, nous, avec le privilège qu'on a, je ne peux pas passer à côté de la chance d'essayer de faire quelque chose et d'essayer de même prendre des risques, à nous exposer, que ce soit sur les réseaux, à faire tout ce projet, un film qui peut-être ne va pas marcher, je ne sais pas. C'est des risques, mais en fait, on ne peut pas passer à côté. Il y a vraiment quelque chose à réinventer. Nous, on veut être déjà la passerelle de gens qui ont commencé, et pourquoi pas nous s'en inspirer. De toute façon, j'ai un peu l'impression qu'il n'y a que ça à faire.

  • Speaker #0

    Le sentiment d'aller dans le bon sens, surtout. de ne pas être à contresens de ce qu'on devrait faire dans ce monde. Avec tout ce qu'on sait aujourd'hui, c'est difficile d'avoir une vie, d'avoir une vie, entre guillemets, normale, sans se soucier de tout ce qui se passe autour. Je pense que forcément, quand on est informé, nos actions quotidiennes, que ce soit notre vie ou notre mode de vie, doivent s'adapter à ça et doivent le prendre en compte, en tout cas.

  • Speaker #2

    J'étais en train de sélectionner deux citations qui viennent illustrer exactement vos deux propos. Je les avais notés, il y en a un de Jean-Marc Gansil qui dit « Je reste viscéralement accroché à l'idée qu'il faut faire de son mieux pour limiter la souffrance que peuvent et pourront provoquer les prévisions pour soi et pour le collectif » . Donc c'est exactement ça, je trouve qu'on se retrouve là-dedans. Et par rapport à cet espoir actif, ou en tout cas que tu disais, le pessimisme est plus de l'action derrière. C'est Emmanuel Caplin dans son film « Une fois que tu sais » . J'ai noté juste son extrait et je le relis parfois, c'est « L'espoir n'est certainement pas la même chose que l'optimisme » . Ce n'est pas la conviction que quelque chose se passera bien, mais la certitude que quelque chose a du sens, indépendamment de la façon dont il se termine. Et moi, je...

  • Speaker #0

    Cette dernière, elle est très bien.

  • Speaker #2

    Je pense que c'est plutôt dans ce mindset-là qu'on revient. C'est pas avec de l'optimisme et en mode, bon, on va trouver des solutions. Ça va être très sûrement, et c'est déjà compliqué pour beaucoup d'entre nous. C'est extrêmement injuste et ça n'est pas désirable, en tout cas, de mon point de vue. Et donc autant faire toutes les choses pour essayer de limiter la souffrance pour soi, pour le collectif, et tout faire dans l'optimisme, en se disant « sûrement ça ne va pas se passer super top, mais autant faire tout ce qu'on peut, peu importe l'issue. » Je crois que c'est beaucoup...

  • Speaker #1

    Et en plus, on compte qu'on a beaucoup à y gagner. Donc qu'on peut y être plus heureux, qu'on peut y être plus épanoui, plus proche de... Avec plus de temps pour sa famille, avec plus de temps pour soi, avec plus de temps pour faire ce qui donne vraiment du sens dans nos vies. Et en fait, je pense que naturellement, on ira vers ça. Après, est-ce que ça va se faire dans la précipitation et dans la douleur ? Ou est-ce qu'on va encore réussir à saisir cette opportunité du temps ? On a le temps de choisir. Ça, c'est à nous d'en décider.

  • Speaker #0

    En tout cas, c'est sûr que demain, c'est mieux. On n'est pas dans l'optimisme du tout va bien se passer. Ne vous inquiétez pas. Évidemment, on n'est pas là-dedans.

  • Speaker #3

    Pas du tout.

  • Speaker #2

    Je pense pas déjà très mal pour d'autres personnes, mais c'est très douloureux de savoir.

  • Speaker #3

    Et puis, comme le dit Mathieu Baudin, le directeur de l'Institut des Futurs Souhaits Stables, au pire, ça marche. Et je trouve que ça permet justement de ne pas rentrer dans une espèce d'optimisme béat, mais de se dire, à défaut, on aura au moins été dans l'action et on aura au moins fait quelque chose. Merci beaucoup à tous les trois pour ce témoignage éclairant qui fait du bien, tout en étant... extrêmement lucide. Et puis rendez-vous pour la sortie du documentaire.

  • Speaker #2

    Merci à toi pour tes questions et pour ton engagement au travers de ton travail.

  • Speaker #0

    Merci.

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Description

En 2024, trois jeunes de la région, Pierre Bosselli, Elio et Lou Léna Juillet, ont entrepris un périple exceptionnel à vélo : plus de 10 000 kilomètres à travers 13 pays, de la France jusqu’à la Norvège, en passant par la Pologne et les pays baltes.


Leur objectif  : rencontrer et documenter des initiatives locales et durables qui réinventent le lien au vivant et expérimentent la sobriété.


Avec leur projet Demain c’est mieux, ils ont exploré des éco-lieux, visité des fermes agroécologiques et rencontré des communautés engagées. Chaque étape a nourri leur réflexion, mêlant émerveillement, lucidité et questionnements sur la transition écologique et sociale en Europe.


Dans cet épisode, ils reviennent sur ce parcours, partagent leurs apprentissages et leurs doutes, et offrent un regard inspirant sur les manières d’agir concrètement pour le vivant. Un récit qui invite à découvrir, réfléchir et s’engager à son échelle pour un futur plus durable.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans la saison 3 d'En un battement d'ailes. On repart pour une nouvelle série de reportages et d'entretiens à la découverte de celles et ceux qui agissent déjà en Auvergne Rhône-Alpes. Et pour ouvrir cette saison, je vous propose d'aller à la rencontre de trois jeunes qui font du bien à entendre. En 2024, Pierre Bossély, Elio et Lou Lénajuillet ont embarqué pour un périple exceptionnel. Plus de 10 000 km à vélo à travers 13 pays. pays. de la France jusqu'aux confins de la Norvège, en passant par la Pologne et les Pays-Baltes à la recherche d'initiatives concrètes, locales, durables. Mais leur voyage ne s'est pas limité à une aventure personnelle. Avec leur projet « Demain c'est mieux » , ils ont voulu documenter ce qu'ils ont découvert en chemin. Des citoyennes et citoyens qui partout en Europe réinventent leurs liens aux vivants, expérimentent la sobriété et s'engagent dans la transition. Ils ont traversé des écolieux, visité des fermes agroécologiques, rencontré des communautés engagées. Chaque étape a nourri leur réflexion et affiné leur regard entre émerveillement et lucidité, espoir et questionnement, un parcours qu'ils vont d'ailleurs raconter dans un film documentaire à venir. Pour rendre un battement d'ailes, ils reviennent sur ce chemin parcouru, sur les apprentissages, les doutes, mais aussi sur les perspectives qu'ouvre ce récit.

  • Speaker #1

    Salut, moi c'est Elio, et celui que vous voyez là sur son tout nouveau vélo, c'est Pierre. Et s'il sourit autant... Ah, arrête, arrête s'il te plaît. C'est parce qu'on s'apprête à partir pour une aventure de plus de 8 mois à vélo en Europe. C'est un périple d'environ 10 000 km et à travers 13 pays. Nous, quand on voyage, ce qu'on aime, c'est la liberté que nous offre le vélo. Il nous permet aussi bien de bivouaquer à la sauvage que de dormir chez des gens super accueillants. Parce que oui, voyager à vélo, on l'a déjà fait l'année dernière avec notre ami Jules. en traversant 5 pays européens sur 2000 km. On a adoré cette première expérience. Mais aujourd'hui, on veut aller plus loin et autrement.

  • Speaker #2

    Mais alors pourquoi ? Face à la situation actuelle du monde, il est facile de perdre espoir. Alors, notre but est clair, partir à la découverte des personnes qui construisent déjà le monde de demain. Il existe une immense diversité d'alternatives inspirantes. Alternative, c'est le mot qu'on utilise pour décrire toutes ces personnes qui se rassemblent et repensent leur manière d'habiter la Terre. Et toutes ces alternatives, nous voulons les filmer. pour en faire un film documentaire. Il retracera notre périple et sera rythmé par des pistes de réflexion, des témoignages inspirants, des évolutions de nos pensées et plein d'autres choses.

  • Speaker #0

    Petit extrait, bande-annonce de projet Demain c'est mieux, qui avait pour vocation de présenter ce voyage que vous vous apprêtiez alors à entamer. Bonjour à tous les trois.

  • Speaker #2

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Merci d'être là autour de ce micro. Alors avant de commencer, vous allez peut-être reconnaître une voix, celle de Lou, que j'ai accueillie en stage l'année dernière et qui vous avait proposé sans surprise un épisode consacré au voyage. Alors du coup, on ne va pas faire semblant qu'on ne se connaît pas, Lou. Et on va donc se tutoyer tous les quatre, puisqu'on a déjà eu l'occasion d'échanger ensemble. Alors nous sommes à la Duchesse. Ici, un tiers lieu en occupation temporaire dans le quartier de la Duchère, coordonné par Mafriche Urbaine, qui a pour mission d'accompagner la transformation urbaine du quartier en tissant du lien entre habitants, associations, artistes, entreprises, pouvoirs publics. Est-ce que c'est typiquement ce genre de lieu que vous avez pu découvrir lors de ce voyage ? Alors, oui. Alors, Elio ?

  • Speaker #1

    Ça fait plaisir de retourner justement dans des lieux un petit peu alternatifs comme ça, même si on n'a pas eu encore l'occasion de tout découvrir. C'est vrai qu'on n'a pas fait beaucoup de lieux en ville durant le voyage. C'est peut-être un petit manque, notamment sur les sujets sociaux, qu'on aurait bien aimé aborder un petit peu plus. Mais évidemment que, surtout dans la ville où maintenant on habite, c'est très intéressant de voir des alternatives et une façon un peu différente de repenser nos modes de vie, même jusqu'au centre des villes.

  • Speaker #0

    Et puis de créer du lien, ce lien qui est clairement la clé et le socle aussi de votre projet. On va commencer par revenir sur la genèse du projet. Racontez-moi justement ce moment où vous vous êtes dit un jour, bon, allez, on prend nos vélos, on part, on plaque tout. Qu'est-ce qui vous animait à ce moment-là pour vous le lancer dans ce défi ? Pierre ?

  • Speaker #2

    En fait, on est... tous les trois dans des études donc l'eau en journalisme, Elio en but génie biologique et moi en bts dans la protection de la nature et moi j'étais en première année et j'y trouvais de moins en moins de sens. En tout cas, je sentais que c'était pas... La façon dont on m'enseignait la protection de la nature, c'était pas vraiment ce que je voulais faire moi. Et donc je me posais beaucoup de questions et un besoin profond d'aller rencontrer des gens et de leur poser toutes ces questions, profondes mais aussi existentielles, sur la manière dont j'avais envie de vivre, etc. Et comment ça s'est passé ? Eh bien, en fait, tout bêtement, moi j'avais déjà arrêté... les études dans lesquelles j'avais rencontré Elio. Et ça me disait bien de démissionner une deuxième fois. Mais cette fois, pour une bonne raison, je ne dirais pas forcément juste parce que mes études ne me plaisaient pas, mais par un réel besoin qui venait du plus profond de moi. Et c'est là que j'ai appelé Elio et je lui ai dit qu'on pourrait faire ce tour. Ce tour à vélo à la rencontre de ces gens-là. Elio au début a beaucoup hésité. On s'est rappelé plusieurs fois. Puis à un moment on a dit oui, allez on se lance. Et Lou qui a eu écho de ce début de projet, de cette idée, nous a très vite rejoints. Et c'était avec grand plaisir que l'aventure A3 a commencé après.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on a vraiment décidé à un moment de partir au début ? Je pense que ce n'était pas facile à accepter. Moi je me rappelle que je n'avais pas encore accepté d'arrêter mes études. Du coup je disais à Pierre, allez on commence à faire le projet, mais comme ça je continue mes études et puis on verra bien ce qui se passe. Mais je me rappelle ne pas avoir eu ce petit passage, justement ce petit pas. Je n'osais pas trop le faire. Une fois qu'on s'est retrouvés à trois, je pense que c'était assez évident. Et du coup, sans trop se le dire, on s'est tous les trois lancés. On a commencé à prendre les décisions qui allaient nous permettre de se lancer dans ce voyage. Mais je soulignerais le fait que ce n'était pas évident d'oser se lancer là-dedans.

  • Speaker #0

    Il y avait de l'inquiétude pour la suite en se disant, si on part un an, qu'on met tout en pause, qu'est-ce qui nous attendra au retour ? C'est le fait de créer cette césure qui n'existe pas beaucoup aujourd'hui, en tout cas pas dans notre société. Elio,

  • Speaker #3

    tu soulignais souvent le... Enfin là, c'est plus quelque chose qu'on a découvert, le terme... On l'a découvert plutôt récemment, mais tu l'as ressenti assez fort, ce droit à l'errance, le droit... Je peux te laisser plus en parler, qui est à la fois un privilège, mais aussi un droit, surtout dans un moment où il y a une convergence un peu des crises et où tout semble un peu instable et avec mille issues possibles et pas toujours très joyeuses, en tout cas l'imaginaire collectif ou ce dont on entend parler. et face à tout ça...

  • Speaker #1

    C'est simplement essayer de prendre le temps de se poser la question de comment on veut vivre demain. Et surtout en fonction de ce qu'on doit changer. Aujourd'hui, on commence à avoir connaissance de beaucoup de choses qui sont plus soutenables dans nos modes de vie. Et donc, ça pose forcément un changement de vie radical. Nous, on a le privilège de pouvoir le faire. Donc, nous, on ne se sentait pas de continuer comme ça parce qu'on se sentait mal et parce qu'on sentait quelque chose de supérieur qui... où en fait on était un petit peu, je ne sais pas comment expliquer, mais un peu comme si on vivait sur quelque chose de pas soutenable, en consommant trop, en consommant surtout la part d'autres personnes. Et du coup, qu'il y avait un besoin impératif pour tout le monde, en tout cas d'engager ce changement, ou en tout cas déjà pour ceux qui le peuvent. Et pour nous, ce n'était pas possible de continuer sans prendre ce virage-là.

  • Speaker #3

    Un besoin et je dirais même une responsabilité. Je pense qu'on partageait ça tous les trois, il y avait un besoin. très intérieure qu'on a partagé et sur lequel on s'est retrouvés. Et à cela s'ajoute du coup la responsabilité, quand on s'informe et quand on apprend, on découvre, on écoute, on lit. Ça, c'est vraiment quelque chose qu'on faisait beaucoup, en tout cas avant le départ. On se dit, on a le devoir de...

  • Speaker #2

    Tu veux dire le devoir de porter ces questions-là, tu veux dire plutôt ? Ok, avec l'idée d'un film documentaire. Oui, moi, c'est vrai que je l'ai pas mal vécu comme un besoin personnel. Vraiment. Et pour revenir à la question que tu posais sur la difficulté de quitter ses études et de ne pas avoir cette sécurité de diplôme. Je n'ai pas de diplôme aujourd'hui, alors même si je veux travailler dans un domaine qui n'en demande pas forcément, le domaine naturaliste est quand même très ouvert là-dessus. Mais ça n'a pas été facile. Mes parents m'ont clairement dit que financièrement, ils ne me soutiendraient plus. Donc que je délivrais à moi-même et que j'allais devoir me gérer tout seul, ce qui est normal parce que j'ai été éduqué comme ça. mais c'était pas facile mais c'est pour Mais c'est important de le dire parce que ça souligne vraiment ce besoin, c'est-à-dire que j'avais un besoin si profond de, comme dit Aliot, de laisser ce temps à la réflexion, savoir comment j'ai envie de dédier ma vie à la protection du vivant, comment j'ai envie de vivre, mais surtout de laisser le temps de la réflexion sur plein d'autres sujets.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'on se rend compte que sur un schéma classique d'études, on n'a pas ce temps-là. Il ne nous est pas donné, ou du moins sous vraiment de brèves formes. Non,

  • Speaker #2

    on ne l'a pas eu.

  • Speaker #1

    Nous on a ressenti qu'on en manquait énormément, mais au delà de juste l'orientation des études, même sur comment on vit, comment on habite, est-ce qu'on le fait ensemble, en fait il y a plein d'autres façons de le faire. Et si on n'a pas le temps de se poser ces questions et on ne nous les présente pas, en fait on s'enferme. un petit peu dans un système qui peut être bon pour nous peut-être, mais qui parfois on peut se rendre compte aussi que des années plus tard, en fait ça ne nous correspondait pas, que ça soit dans le métier, que ça soit dans notre habitat, etc.

  • Speaker #0

    Et le voyage, ça a été présent tout de suite, c'est-à-dire que justement le fait de pouvoir se laisser ce temps, parce que vous auriez pu le prendre autrement, vous auriez pu le prendre en France, vous auriez pu le prendre à côté de chez vous, ou en allant, enfin juste en expérimentant plein de choses par exemple. Le fait d'aller à la rencontre de l'autre, d'aller voir ce qui se passe ailleurs, il y avait peut-être cette sortie de zone de confort pour aller se laisser un peu bousculer par d'autres choses que vous ne connaissiez pas ?

  • Speaker #3

    Je dirais qu'en partie, mais pour rebondir de nouveau sur cette question de responsabilité, je pense que nous, on le vivait comme un besoin et un devoir d'aller voir est-ce qu'il y a des gens qui vivent autrement que ce qu'on nous présente généralement ? Et si oui, est-ce qu'il n'y en a qu'en France ? Parce qu'on entend souvent parler un peu de la Drôme, l'Ardèche, de ces endroits très alternatifs. Mais est-ce qu'il y en a en Pologne ? Est-ce qu'il y en a en Finlande, en Norvège, en Suède ? Et le fait d'aller les voir et aller les documenter, c'est peut-être... On avait cette envie de partage, mais en tout cas, le fait d'aller les documenter, c'est peut-être ma formation de journaliste que moi, du coup, pour le coup, j'ai eu la chance et la facilité de terminer mes études avant de vous rejoindre. Mais oui, il y a une sortie de zone de confort, certes, mais je dirais que c'était surtout parce que quand on a commencé à poser des questions autour de nous, « Coucou papa, maman, comment est-ce qu'on habite autrement ? Est-ce qu'on peut vraiment avoir des enfants ? Est-ce qu'aujourd'hui c'est responsable ? » On nous a dit « Mais attendez, toutes ces questions, elles sont hyper intéressantes et on se les pose aussi. Donc si vous allez chercher des réponses, partagez-les nous. »

  • Speaker #1

    Moi j'aimerais juste souligner, je veux pas qu'on ait l'impression qu'on dit que tout le monde doit partir en... En voyage, comme ça, justement, dans cette quête-là, c'est à chacun de trouver un peu de quoi il a besoin et où est-ce qu'il pourrait trouver les réponses aux questions qu'il se poserait. Mais ça ne passe pas du tout forcément par le voyage, pas non plus forcément par le vélo. Ça peut prendre toute forme diverse, cette errance. Je pense que c'est important de le souligner.

  • Speaker #2

    C'est ça. Et nous, je pense que ça a pris cette forme aussi. Du fait d'avoir quitté nos études, c'était important d'avoir un projet. Un vrai truc et pas seulement comme tu disais qu'on aurait pu faire, rester à côté de chez nous ou prendre ce temps, prendre neuf mois avec notre famille sans rien faire et à se poser des questions et à réfléchir. Je pense qu'on y avait aussi cette volonté de projet, de faire quelque chose, de construire quelque chose de sérieux et dans le même temps qui nous servirait toute notre vie peut-être pour nos choix futurs.

  • Speaker #0

    Demain c'est mieux, un projet documentaire itinérant. Pensez, je trouve, un peu comme une forme d'antidote aussi un peu à la paralysie du monde. Trois jeunes qui décident de s'embarquer à la fois dans leur questionnement, dans cette errance que vous évoquez aussi, et cette idée de transmission qui arrive assez rapidement. Comment vous établissez votre parcours et comment vous avez choisi les initiatives que vous aviez envie d'aller voir ? Parce que bon, une fois qu'on s'est dit ok, on a envie de partir, on a envie d'aller voir celles et ceux qui ont un autre mode de vie et qui habitent le monde d'une autre manière. Comment peut-il y avoir la page blanche en se disant ok, mais où est-ce qu'on les trouve ces gens-là ?

  • Speaker #3

    On a galéré, on a cherché un peu.

  • Speaker #2

    ça s'est fait plutôt Alors en fait, ça peut paraître étonnant, mais ça s'est fait plutôt à la fin de la préparation, que ce soit le trajet final. Alors le trajet, en gros, on avait une idée, mais en fait, jusqu'au dernier jour, ça a changé. Même pendant le voyage, l'itinéraire a changé. Et pour ce qui est des alternatives, moi, je me souviens de soirées avec Elio sur la dernière semaine de préparation, où on n'avait pas encore les alternatives qu'on allait voir en Finlande ou des choses comme ça. ça s'est fait très intuitivement et surtout on s'est pas non plus énormément pris la tête sur ce qu'on voulait découvrir. En fait, on n'avait pas forcément d'idée précise de ce qu'on voulait aller voir. On était surtout très curieux d'aller voir des choses différentes de ce qu'on avait l'habitude de voir, des choses qu'on n'avait jamais vues, des modes de vie qu'on n'avait jamais vues, des modes de vie en collectif surtout. Et donc, on a cherché, on a recensé comme on pouvait, mais c'était quelque chose.

  • Speaker #0

    Mais il y avait quand même une petite rame qui était présente pour quand même avoir un début de direction. Une fois que je suis sur mon vélo, le premier jour, je vais où ? Donc vous saviez que vous aviez envie de partir en Europe, vous auriez pu vous lancer dans un tour du monde ou aller voir carrément à l'autre bout du monde, mais vous avez quand même plutôt choisi de rester en Europe parce que vélo ?

  • Speaker #3

    Parce que vélo, après au niveau des alternatives, on avait visé comme tu disais plutôt dans les pays du Nord, mais dans le... Comment dire, le déroulé et les différentes alternatives qu'on est allé voir, on peut retrouver en filigrane l'évolution un peu de nos pensées. Et je pense que du coup cette errance elle se retrouve aussi là-dedans, c'est-à-dire qu'on avait déjà pré-sélectionné un certain nombre, on les a pas toutes contactées d'un coup parce que pour beaucoup c'est des lieux de vie. Donc c'est des familles comme nous, elles ne peuvent pas te dire dans... Ben oui, bien sûr, allez-y, dans 7 mois, 3 jours et puis 2 heures, on vous accueillera sans aucun problème. Et puis en fait, au fur et à mesure, après avoir fait beaucoup de lieux de vie en collectif, où nous, justement, on s'était dit, comment est-ce qu'on réapprend à vivre ensemble ? Ça, ça a été une des premières conclusions, révélations ou, je ne sais pas, évolutions de pensée de notre côté. Au fur et à mesure, après en avoir fait une bonne quinzaine, au bout d'un moment, on se dit ok, d'accord. Et puis du coup, dans les lieux, tu rencontres d'autres personnes qui vont t'amener d'autres questionnements. Et on s'est retrouvé à se dire ok, du coup, on vit ensemble, mais comment est-ce qu'on construit nos habitations ? Puis après, comment est-ce qu'on renoue également avec le vivant ? Puis comment est-ce qu'on éduque ? Comment est-ce qu'on grandit ? Les enfants, mais nous aussi, du coup, on allait dans des écoles de la nature pour adultes. En fait, vraiment, on le retrouve au fur et à mesure du voyage.

  • Speaker #1

    Voilà un des avantages du vélo, notamment de pouvoir se dire, bon, en fait, le mois prochain, je n'ai plus du tout envie d'aller dans cette partie de la Norvège, mais j'ai envie d'aller visiter cette partie de la Suède parce que là-bas, je vais y voir telle alternative qui suivra telle évolution de pensée. Après, il y a des réalités, comme on a dit, on ne passe jamais à l'improviste dans les lieux. Il y a les réalités du temps, de la distance. On s'adapte à tout ça, mais globalement, on a plutôt suivi notre...

  • Speaker #0

    Et les questionnements au départ, elles... Elle portait déjà un peu sur des thématiques. Je me souviens qu'on en a parlé ensemble avant que vous, enfin en tout cas avant que toi, Lou, tu ne rejoignes Pierre et Elio, qui avaient l'idée de l'éducation. Comment justement, dans la manière dont on grandit, on éduque, il peut y avoir cet autre rapport au monde. Donc il y avait déjà quand même un peu des pré-questionnements, on va dire, qui étaient déjà bien présents.

  • Speaker #1

    Tout à fait, c'est pour ça qu'on part d'ailleurs avec ces questionnements en tête. Et je pense qu'il va être notamment intéressant dans le film, c'est qu'en fait, on s'est pris des claques. Il y a des domaines qu'on sous-estimait ou qu'on n'avait pas du tout pris en compte.

  • Speaker #0

    Par exemple ?

  • Speaker #1

    Par exemple, je me rappelle qu'en tout cas, Pierre et moi, on est vraiment partis dans l'optique de la reconnexion avec notre environnement, avec le vivant au sens large. Et en fait, on s'est rendu compte dans les premiers lieux qu'en fait, un éco-village ou un tiers-lieu, peu importe, c'était surtout une affaire d'humains, de facteurs humains. Et que ce n'était pas forcément des objets, ce n'était pas forcément... une reconnexion, comme on peut dire, même si c'est un terme très théorique avec le vivant, mais ça concernait plutôt le vivre ensemble. Donc ça, par exemple, c'est une des premières claques qu'on s'est prises. Il y en a eu tout le long et elles sont propres après à chacun.

  • Speaker #2

    Oui, globalement, les thèmes qui ressortent, c'était la vie en collectif. Donc, découverte de modes de vie collectifs différents. Il y avait le thème de l'éducation, comment on éduque les enfants de demain. Et puis, ce thème qui était plus, moi, je portais vraiment personnellement, de comment on protège le vivant que l'humain extermine aujourd'hui. Moi, je sais que c'est ça que je veux faire de ma vie. Je veux dédier ma vie à la protection du vivant, mais comment ? Et donc, un thème qui touche un peu au vivant et à sa protection, c'était un grand thème qui ressortait aussi.

  • Speaker #0

    À travers, je trouve, les vidéos que vous avez publiées au fur et à mesure de votre voyage, finalement, on comprend aussi que vous n'êtes pas forcément allé chercher des modèles parfaits. mais vraiment de montrer comment pouvait s'expérimenter des choses comment il y avait des gens qui tâtonnent et je trouve que c'est très aligné avec la démarche du journalisme de solution, moi c'est ce que je fais en allant à la rencontre des initiatives et de montrer qu'il n'y a pas de solution parfaite c'est pas un petit guide à la fin avec lequel on ressort en disant pour que le monde il fonctionne correctement il faut que ce soit comme ça, comme ça, comme ça et finalement c'est assez intéressant de montrer cette... Cette démarche et ces réflexions qui évoluent aussi en cours de route, est-ce que ça vous en aviez conscience dès le départ ? Est-ce que vous y avez réfléchi dans la logique de documentaire en vous disant « alors on ne veut pas ni faire découvrir un monde bisounours, ni faire une espèce de greenwashing de bonnes intentions ? »

  • Speaker #1

    Moi je pense que assez naïvement, je partais vraiment dans l'optique de, même si je ne l'avais pas conscientisé, que c'était un peu le modèle à suivre et qu'on avait trouvé toutes les réponses dans ces milieux-là. Et ça a été aussi un apprentissage du voyage et qui sera très clairement visible dans le film, en tout cas c'est une intention collective, c'est de montrer qu'en fait il n'y a pas vraiment de solution, qu'il y en a plein différentes, qu'elles méritent d'être essayées, mais qu'elles ne sont pas faciles à mettre en place et à tenir sur le long terme.

  • Speaker #3

    Je pense qu'inconsciemment on cherchait un peu un modèle parfait, on allait pour s'inspirer en se disant « ok, je reviens de mon voyage, je sais dans quel type d'habitage j'habite » . Enfin... Je sais comment peut-être me nourrir différemment, etc. Et en fait, au fur et à mesure, ça peut paraître un peu naïf qu'on soit parti comme ça, mais c'est l'évolution de notre pensée et il faut qu'on soit honnête là-dessus. Au fur et à mesure, on s'est dit mais pas du tout, en fait, il y a autant de solutions qu'il y a de projets. Et chaque projet a le mérite d'exister parce qu'il va dans une certaine direction. Mais à partir du moment où... On cherche un modèle type, quelque chose à suivre, presque de dogmatique. Là, il y a un souci. C'est là où nous, on s'est sentis en tout cas le moins à l'aise. C'était dans les lieux où il y avait le plus de dogmes. Moi, je sais que j'ai eu un profond changement et surtout une prise de conscience. C'est un moment où j'écoutais un podcast avec, je crois, Corinne Morel-Darleux.

  • Speaker #0

    Morel-Darleux, qu'on a reçu au mois de janvier dans le podcast.

  • Speaker #3

    Qui nous parlait, il me semble, j'espère que c'est bien, et que je ne me trompe pas. qui parlait de ce triptyque pour modifier profondément les choses. Elle le tirait en tout cas de l'éducation populaire et qu'il faut axer les changements sur trois axes. En un, c'est un peu une espèce de bataille culturelle, essayer de changer les récits, de changer la façon dont on raconte les choses. En deux, enfin, en fait, je dis un, deux, trois, mais il n'y a pas d'ordre ni de choses qui prévalent sur une autre. Il y a à la fois, il faut essayer de montrer qu'il existe des alternatives. des préfiguratives, en fait, de montrer qu'il existe autre chose. Et d'autre part, il faut lutter contre les forces destructrices. Et en fait, ça a été pour moi une grille d'analyse de tous ces lieux qui m'a beaucoup aidée, mais je suis sûre qu'elle peut être grandement modifiée, mais qui m'a fait prendre conscience qu'il y a une espèce d'ultra-importance de valoriser toute forme de tentative, tant qu'on va un peu dans cette logique de... Nous reconnecter au vivant, d'être dans la protection de l'autre, du vivant et dans quelque chose de plus souhaitable, plus durable. Mais que ce soit à la fois dans de la lutte avec du militantisme ou en essayant de créer des alternatives et d'autres formes de vie en collectif ou en essayant de changer. En fait, il existe mille solutions et on n'en a pas une qui nous a... Enfin forcément, on en a forcément des qui nous ont plus touchés, mais c'est en fonction des sensibilités. Bien sûr.

  • Speaker #2

    Non, c'était juste pour rejoindre un peu ce que disait Lio. C'est vrai qu'il était parti dans une idée globale de peut-être recherche de... Je me souviens, tu disais, tu recherchais plutôt le modèle de vie qui pouvait un peu être le plus écologique et à la fois le plus soutenable et le plus acceptable pour tout le monde. Applicable à grande échelle. Voilà. Et en fait, d'une on se rend compte que tous les lieux sont différents, et en fait c'est surtout des lieux de collectif où c'est des personnes qui ont choisi de vivre ensemble et d'appliquer les règles qu'ils avaient envie d'appliquer. Et moi je sais que je suis arrivé au début du voyage avec beaucoup de reportages et d'interviews en tête sur l'effondrement, et beaucoup de questions notamment sur cet effondrement. Et je posais des questions que par rapport à ça, mais vraiment dans les lieux je leur demandais comment vous êtes. à ça, mais là si vous êtes raccordé à l'eau courante comment vous faites s'il n'y a plus d'eau vous allez galérer parce que j'étais parti dans cette optique de si je fais ce voyage et que je vais voir des lieux collectifs ça va forcément me donner des réponses sur comment je vais vivre plus tard ou même maintenant dans les prochaines années et s'il y a une conclusion à tirer de ça c'est que j'ai pas du tout de réponse après 9 mois de voyage évidemment pas et j'ai même un début de réponse déjà qui est de que je ne me vois pas vivre dans un écolieu tel qu'on les a visités d'ici à moyen voire long terme. Parce que c'est un vrai projet de vie. Tu t'installes, souvent c'est coûteux financièrement.

  • Speaker #3

    Manque de diversité aussi.

  • Speaker #2

    Manque de diversité. On n'a très peu, voire jamais vu de jeunes de notre âge installés dans un lieu. En fait, la plupart des jeunes de notre âge sont encore en études ou ils commencent à peine un métier. il ne se pose pas forcément ces questions de... où ils veulent vivre. Et c'est vrai que là, j'ai pris un peu de recul et je me suis dit, c'est peut-être pas des questions que je me pose maintenant. C'est très intéressant de voir comment tous ces gens vivent en collectif et ça me servira peut-être plus tard. Mais là, maintenant, ça paraît si loin de vivre comme ça.

  • Speaker #1

    Ça pose de nouvelles grandes questions, je trouve. Nous qui étions convaincus de ce mode de vie, non pas qu'on l'ait tous mis de côté, mais du coup, nous qui étions convaincus, même nous, on a... pas forcément l'envie de directement s'installer, où on n'est pas encore profondément convaincu que c'est exactement la forme qu'on doit suivre, comment on fait pour motiver des gens qui ne s'y intéressent pas ?

  • Speaker #0

    Donc finalement, vous êtes repartis presque avec plus de questions.

  • Speaker #3

    Ah oui, ça c'est la conclusion. On a beaucoup plus de questions que de départ.

  • Speaker #0

    Est-ce que, malgré tout, dans les différentes initiatives que vous avez rencontrées, est-ce que vous retrouvez un fil rouge commun ?

  • Speaker #2

    En France, par exemple, on a vu vraiment beaucoup de choses différentes. Si on devait parler de lieux en collectif, c'est-à-dire des personnes qui ont décidé de vivre ensemble, je trouve qu'il y a deux grandes sortes de lieux qui sont ressortis. C'est les lieux qui, d'une part, les lieux avec des gens qui se sont retrouvés, qui se sont mis ensemble pour vivre collectivement de façon plutôt sobre, en tout cas, ça a presque toujours été le cas, de façon écologique et plutôt sobre, mais sans réel but de... Changer le monde, alors changer le monde c'est un grand Je sens le but de s'élargir ou de faire de grandes choses ou d'étaler ce mode de vie tout autour d'eux, tout ça, mais simplement l'envie de vivre ensemble avec amour et respect. D'autres, une deuxième catégorie de lieux qui faisait la même chose, parmi celles qu'on a vues, bien sûr. Une deuxième catégorie qui faisait la même chose que la première, mais avec des ambitions, des buts, des objectifs à moyen voire long terme.

  • Speaker #1

    Peut-être même la volonté d'influencer le monde.

  • Speaker #2

    Et d'ailleurs, il y a même un lieu qui nous a dit que leur ambition, c'était de changer le monde avec ce qu'ils faisaient en collectif. Donc, je trouve que c'est deux facettes qu'on a remarquées.

  • Speaker #3

    Une autre grille de lecture,

  • Speaker #2

    si je peux me permettre.

  • Speaker #3

    Même une autre grille de lecture, dans les communautés intentionnelles où les gens se disent on va vivre ensemble, il y a un objectif commun qui est par exemple de renouer. avec, je ne sais pas, le vivant autour d'eux, ou d'avoir vraiment une démarche plus sobre, comme tu disais, et de l'autre, des gens qui vont plutôt vouloir chérir un peu leur vie en communauté et retrouver déjà du sens dans la vie en collectif, en mettant un peu, pas au second plan, mais les objectifs écologiques du lieu ne sont pas en premier plan. Voilà, c'est une autre grime. Je pense qu'il y en a plein.

  • Speaker #2

    Mais pour conclure là-dessus, je dirais que, premièrement, même s'il y a peut-être des... des ressemblances dans certains lieux, ils sont complètement différents, vraiment. Il n'y en a pas un qui se ressemble à chaque fois.

  • Speaker #0

    En tout cas, on sent bien la diversité de ce que vous avez pu découvrir. On ne découvrira qu'un millionième sans doute de ce que vous avez vécu au cours de ces longs mois. Vous avez eu aussi l'occasion de vivre un peu des moments, je trouve, hors du temps. Je pense notamment à la fête de Rasa en Lituanie. Une réunion ancestrale qui fête l'épanouissement de la nature. Elle se tient en pleine floraison au jour du solstice d'été. Je vous propose un petit extrait vidéo.

  • Speaker #3

    La fête de Rasa, qui signifie la fête de la rosée, est célébrée depuis la nuit des temps par les Lituaniens et d'autres populations baltes. Elle a lieu chaque année au moment où le soleil est au solstice d'été. En début de soirée, on a retrouvé des hommes et des femmes parés de couronnes de fleurs en haut d'une petite colline et pour beaucoup habillés de tenues traditionnelles. Au son des dodités de longues trompettes en bois, tous sont passés sous un portail qui symbolise la séparation entre le monde profane et le monde sacré. Une invitation à laisser derrière cette porte tous ses problèmes personnels. Direction la rivière pour s'y purifier corps et esprit. Ils ont chanté des chants ancestraux tous ensemble et écouté des poèmes anciens en l'honneur de la nature. Un moment puissant, transportant, dont les rites sont transmis depuis des siècles. Ensuite, tous se sont rendus au pied d'un grand chêne. arbre considéré comme sacré pour s'imprégner de la fumée et métaphoriquement de la force de cet arbre, avant de remonter sur la colonne. Là-haut, chacun s'est adressé à son dieu ou à un autre esprit divin selon sa croyance, en y jetant de la poudre d'ambre en faisant un vœu. S'en sont suivis des danses collectives autour d'un grand feu au rythme d'un accordéon. Enfin, tous se sont rendus au lac et les femmes ont déposé leur couronne dans l'eau, sur une petite croix de bois avec une bougie, symbolisant le voyage de l'être humain sur la rivière de la vie. La légende veut d'ailleurs que... les couronnes d'un garçon et d'une fille qui se rencontrent prédisent leur union cette même année.

  • Speaker #0

    Alors, petite réaction à réécouter comme ça, quelques mois plus tard.

  • Speaker #1

    C'est assez drôle comme retour, de se replonger là-dedans. Je me rappelle, moi, des retours qu'on avait eus sur nos réseaux ou quoi, qui n'avaient pas forcément été très positifs. Je me rappelle d'une certaine incompréhension, un peu. D'ailleurs, moi, j'avais ressenti un peu de déception, parce que pour moi, j'avais trouvé ça incroyable. Mais un peu de... peur de la part des gens à l'extérieur de « mais qu'est-ce qui se trame ? Pourquoi les gens ils s'habillent comme ça ? » Peut-être parce que ça sort peut-être un petit peu de la culture et des mœurs, je ne sais pas.

  • Speaker #2

    Français,

  • Speaker #3

    oui. Du coup, il y a beaucoup de gens qui faisaient référence à ce film d'horreur « Midsommar » , et du coup on nous a dit « vous allez mourir » . Mais du coup,

  • Speaker #1

    ça pose des questions assez intéressantes. Qu'est-ce qui sort de ton carcan culturel de mode de vie ?

  • Speaker #0

    Oui, et puis je pense en plus de voir que Merci. Notre rapport aussi aux vivants, à la nature, etc., il est aujourd'hui relativement déconnecté, même quand on peut sembler proche. Il y a quand même, je trouve, une différence entre ce qu'on peut vivre en milieu urbain, de ce qu'on peut être, avec ce rapport avec des fêtes plus proches de la nature, qui peut encore se vivre dans certaines campagnes, en France en tout cas. Mais ça montre bien qu'en tout cas, ça vient quand même agiter quelque chose à cet endroit-là. qui montrent sans doute, à mon avis, une forme de déconnexion ou d'éloignement avec ça.

  • Speaker #1

    Oui, et puis là, en l'occurrence, ça pourrait engager une certaine reconnexion, mais du coup, plus spirituelle. C'est ça qui est intéressant. Parce qu'on a plutôt à aborder des lieux où même on a rencontré... On a rencontré des gens qui nous parlaient plutôt d'une reconnexion vraiment très technique, très scientifique, comment on gère une réserve, comment on gère une espèce qui disparaît. Alors que là, tu vois, c'était plus spirituel et du coup dans des choses qui sont plus abstraites, c'est peut-être ça qui peut rendre un petit peu plus inquiet.

  • Speaker #2

    Je pense qu'on était tous les trois assez étrangers et là on était entourés de personnes qui, au contraire, étaient absolument là-dedans. Au fond,

  • Speaker #3

    respect.

  • Speaker #2

    Au fond, respect. Respect et surtout une relation... très spirituel aux vivants, à la nature. Et c'est vrai que c'est quand on ne connaît pas.

  • Speaker #3

    Du coup, ça a amené beaucoup de questionnements. Justement, on nous disait, ça ressemble à une secte, etc. Et du coup, on en a tiré quelque chose de positif. C'est qu'on s'est posé pas mal de questions sur est-ce que dans ces lieux, il y a des dérives sectaires ? Est-ce que c'est tout un pan qu'on a un peu creusé, un peu cherché ? On a fait un peu nos recherches.

  • Speaker #1

    Et qu'au début on mettait de côté. Au début, moi je m'en rappelle vraiment réagir d'une façon assez réfractaire quand j'avais ce genre de retour. Mais il y a des risques de secte, quand vous faites des rondes avant de manger, c'est pas bizarre. Et en vrai, moi maintenant je comprends tout à fait qu'on peut avoir ce regard-là extérieur, et même de l'intérieur, il y a des risques très clairs de devenir une secte quand on est un collectif. De devenir ce qu'on appelle sectaire. mais du coup le fait d'avoir de diverses expériences nous a aidé à ouvrir aussi notre esprit là dessus et à accepter que ça ne faisait pas partie de la réalité des gens. Quand tu habites aujourd'hui dans une ville occidentale, ce n'est pas le genre de choses que tu fais régulièrement, de te rouler tout nu dans la rosée au matin, à l'aube, avec des colliers de fleurs. On ne le fait pas, mais...

  • Speaker #2

    On ne le fait pas depuis qu'on a découvert ça non plus.

  • Speaker #1

    Non. Pas toi ?

  • Speaker #0

    Mais ce qui est très étonnant, c'est que si... Vous aviez vécu cette expérience auprès de peuples autochtones au fin fond de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le regard, je pense, des gens, il aurait été aussi différent. Et le fait, en fait, finalement, de voir cette expérience et cette relation relativement spirituelle avec la nature, vécue dans des communautés qui, finalement, sont très proches de nous, de nos modes de vie actuels, finalement, on était en Europe, des Occidentaux, je pense que le rapport n'est pas le même. alors que Les hommes-fleurs en Papouasie-Nouvelle-Guinée, ça ne traumatise personne quand on regarde un documentaire.

  • Speaker #1

    Merci de mettre le doigt là-dessus, parce que c'est aussi quelque chose qui me dérangeait. Et c'est carrément... Enfin, je trouve ça super intéressant. Et il y a aussi un truc intérieur à creuser là-dedans sur notre rapport à l'exotisme. Enfin, je veux dire, on voit peut-être un peu trop l'Europe comme quelque chose de différent. Mais en fait, il y avait toutes ces communautés-là. Il y avait cette histoire ici en Europe. Et certains Pays-Baltes l'ont un petit peu gardée. Mais on avait aussi ça... Moi, je trouve ça super intéressant et merci de mettre le doigt là-dessus.

  • Speaker #0

    C'est là où on en revient à la question de l'imaginaire, des nouveaux récits autour du voyage, de la rencontre de l'autre. Est-ce que finalement, on est obligé d'aller à l'autre bout du monde pour vraiment rencontrer l'autre avec un grand A ? Pas forcément. On peut aller voir des gens qui sont très différents de nous et qui ne sont pas si loin.

  • Speaker #2

    Pas très différents de nous, pas si loin, oui, ça c'est sûr.

  • Speaker #3

    De pas de chez nous.

  • Speaker #0

    Dans votre projet, ce que je trouve vraiment intéressant, c'est que vous êtes finalement à la fois les auteurs, donc c'est vous qui êtes parti, vous êtes aussi les passeurs au travers du documentaire, et en même temps, vous êtes vraiment les témoins transformés par cette expérience, et il y a finalement cette triple dimension qui se mélange, en tout cas là, quand on vous écoute, qui ressort de manière assez forte, je trouve. Est-ce que vous vous attendiez à ce que... Justement, ces trois rôles se mélangent peut-être autant, viennent autant vous transformer, vous bousculer ?

  • Speaker #3

    Je dirais que c'est un juste milieu qui est en permanence en train de bouger et surtout qui n'est pas facile des fois je trouve à tenir. C'est-à-dire qu'on a envie de mettre en lumière toutes ces personnes qui agissent quotidiennement. et à la fois on veut permettre par notre histoire et par juste nous qui en est humainement, on veut faciliter cette... Comment dire ça ? On veut faire en sorte que les gens puissent s'accrocher, qu'ils puissent rentrer dans l'histoire de par juste notre bonhomme de chemin, qui n'est pas du tout incroyable, mais ça peut peut-être être plus facile qu'avec un documentaire arté qui va présenter très factuellement, et ça a tout son intérêt, je ne suis pas du tout là à dénigrer ce genre de travail journalistique. Et à la fois, en plus de ça, il fallait vivre le voyage pleinement, se laisser s'imprégner, laisser les différentes... Évolution de pensée, faire leur bonhomme de chemin dans notre tête et en même temps filmer tout ça pour pouvoir le documenter. Comment documenter, le partager, quelle place laisser à la communication finalement parce qu'on avait quand même beaucoup d'engagement. On avait donc les réseaux sociaux avec Instagram, on avait des vidéos YouTube, on avait des chroniques pour le Dauphiné, on avait des partenariats avec des écoles donc il fallait leur écrire des mails. Plus pendant le voyage on préparait un peu, on faisait des retranscriptions d'interviews. Donc finalement c'était vraiment un travail à plein temps. En même temps on vivait une forme de déconnexion et on prônait. Ce « ok, on se déconnecte, on prend le temps de vivre les choses et de s'imprégner » .

  • Speaker #0

    J'ai 12 heures de mail à envoyer.

  • Speaker #3

    Mais voilà, c'était difficile d'être à la fois l'auteur, le réalisateur, la personne qui le vit, le témoin.

  • Speaker #0

    Tout en vivant l'expérience à l'instant T et en se laissant embousculer par ce qui arrive.

  • Speaker #3

    On a très peur que ça devienne un égotrip. C'est un mélange de tout.

  • Speaker #2

    Super dur. Super dur d'être à la fois les trois. Vraiment, ça c'est... Je pense que c'était quelque chose dont j'avais peur un peu avant le départ. C'était des questions qu'on se posait déjà un peu avant le départ et qu'on s'est d'autant plus posées pendant le voyage. Ça a été source de tension, bien sûr, de devoir monter des vidéos YouTube, faire la communication Instagram, envoyer des mails, appeler les alternatives. En fait, il y a des jours, il faut s'imaginer qu'il y avait des semaines parfois qu'on passait à presque bosser. On restait à un endroit et on bossait parfois trois jours d'affilée. On ne faisait pas grand chose d'autre que d'être sur un ordi pendant un voyage comme ça. Passe un beau lac. Face à un bolac, alors voilà,

  • Speaker #0

    on essaie de... Le cadre était sympa, mais...

  • Speaker #2

    On essaie des cadres sympas, mais c'est la réalité du projet qu'on a fait. C'est pour ça qu'on préfère appeler ça un projet plutôt qu'un voyage. Il y a une dimension voyage, mais il y a quand même une énorme dimension projet qui laisse place à beaucoup de contraintes, en fait.

  • Speaker #1

    Et le jeu là-dedans, c'était pas de se perdre justement dans cette communication.

  • Speaker #2

    Trouver l'équilibre.

  • Speaker #1

    On se travaille et de garder quand même en tête qu'on part à la base pour nous, pour des questions intérieures. et qu'on doit suivre ce chemin-là et pas oublier un peu d'où vient la naissance de ce besoin profond et qu'on est parti pour essayer d'y trouver des réponses et pas que pour le partager.

  • Speaker #3

    Et gérer tout l'aspect voyage et vélo à côté. C'est-à-dire que... Oui,

  • Speaker #0

    c'est campus, il y a l'organe logistique.

  • Speaker #3

    On s'était fixé 80 km par jour. Dans les Pays-Baltes, la Pologne, on était quand même monté. Des fois, ça montait à des centaines. Il fallait... trouver le repas, on faisait deux fois les courses pour éviter de trop porter, il y avait trouver l'eau, gérer nos fatigues, nos corps. C'était tellement de paramètres à prendre en même temps. Il y a des moments où on a cru qu'on allait se perdre.

  • Speaker #2

    Oui, il y a eu des moments très très durs de tensions entre nous.

  • Speaker #0

    Oui, d'ailleurs à un moment vous êtes séparés.

  • Speaker #2

    On se fait une semaine.

  • Speaker #1

    C'est ça le souci, c'est que tout ça en général se répercute sur les relations humaines. Parce que c'est la seule personne sur qui on peut taper, on ne peut pas taper sur... le compte Instagram ou sur les contraintes ou sur ce qui nous tracke dans la tête. Malheureusement, c'est sûr qu'on a connu des moments.

  • Speaker #2

    Mais malgré ça, c'était aussi hyper riche de ce côté-là. Justement, on a mis le doigt sur des problèmes de communication, sur le fait d'être 24h sur 24 ensemble, collés. En hyper proximité. En hyper proximité. Dans la même temps. Même si je ne dormais pas avec Lou le soir, je dormais avec lui tous les soirs dans la même temps, collés. Et on était sur le vélo et puis on faisait les courses ensemble et on allait voir les alternatives ensemble. Avec Lou, c'est pareil. C'est-à-dire qu'on était tous les trois, 24 heures sur 24, ensemble, à presque tout faire ensemble. Et en fait, ça, forcément, ça a des conséquences sur la communication. Ça a des petits problèmes de communication qui font que ça mène à des tensions. Et on a travaillé là-dessus pendant tout le voyage. Ça a été un vrai sujet, la communication à trois. Et je pense que ça nous a beaucoup appris, ça nous a beaucoup fait grandir ce voyage là-dessus.

  • Speaker #1

    Et on apprend encore.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous avez appris les uns des autres ? Donc pour préciser quand même, on ne l'a pas dit très explicitement en tout début, mais Elio et Lou, vous êtes frères et sœurs, toi Pierre, tu es un de leurs potes. Comment justement, déjà peut-être dans votre relation de frères et sœurs, qu'est-ce que ça transforme ? J'imagine qu'il y a clairement un avant-après dans votre relation.

  • Speaker #3

    Je pense qu'on a... expérimenter ce qu'on pouvait voir dans les lieux de vie en collectif. C'était hyper intéressant, c'est-à-dire qu'on était là, on était avec la caméra, le micro, « Ok, comment vous faites pour vivre ensemble ? Est-ce que vous avez des règles ? Comment est-ce que vous faites ? » Et puis après, on se retrouve face, on s'embrouille pour rien, et puis on fait, en fait, c'est exactement la même chose, il y a une petite mise en œuvre de l'acteur humain, et comment est-ce que nous, on va prendre soin de la membrane de notre collectif ? Je reviens là-dessus, je pense que c'était surtout cette interview à la fin du voyage avec Marine Simon, où elle nous parlait de ça. qui est du coup une... je sais même pas dire, je sais juste qu'elle anime des... elle a écrit des livres...

  • Speaker #2

    Les ateliers du travail qui relient.

  • Speaker #3

    Ouais voilà c'est ça.

  • Speaker #2

    Par le service notamment.

  • Speaker #3

    En intelligence collective et puis en fait tu écoutes l'interview et tu fais ah ouais bon en fait c'est exactement ce que nous on pourrait faire et du coup je trouve ça hyper intéressant après on en sort changé ça c'est sûr, moi je sais que Pierre il est pas du matin, moi je suis je sais pas, moi je suis relou quand je suis fatiguée et puis

  • Speaker #2

    Lou a besoin de mon... J'ai des petites doses de nourriture toute la journée, alors qu'avec Elio, on se pète le bide le matin et le midi, et le soir, mais vraiment ponctuellement.

  • Speaker #3

    J'ai réquis à quoi dans les sacoches ?

  • Speaker #2

    Moi j'ai le sommeil léger, j'ai besoin de boules qui aient, Elio n'en a pas besoin du tout.

  • Speaker #1

    Ça on va peut-être trouver des équilibres avec les besoins de chacun, donc un peu comme tu dis, ce qu'on retrouve dans des... de collectif parce qu'au final, c'est des problèmes de la vie de tous les jours. Sauf que le voyage à vélo nous force à mettre les problèmes sur la table et en discuter. On ne peut pas mettre sur le tapis et dire qu'on en parlera plus tard. En fait, ça les sort. Sauf que ça les sort au moment où on est fatigué, où on a peur, où on est stressé. Du coup, souvent, c'est facilement...

  • Speaker #2

    C'est ça qui est dur. Tu t'embrouilles, mais c'est pas chacun rentre chez soi et après, on en reparle le lendemain. C'est qu'on est tout le temps ensemble, donc on est obligé d'en parler tout le temps. Donc chaque problème, il faut en parler, il faut le régler, on est obligé, sinon on n'avance pas.

  • Speaker #0

    En tout cas, ce projet, il parle aussi beaucoup de la jeunesse, la vôtre, celle que vous portez en étant trois jeunes qui décident de se lancer dans cette expérience. Est-ce que vous avez ressenti aussi peut-être cette forme de responsabilité qu'on évoquait en début d'entretien en tant que jeune ?

  • Speaker #3

    Moi, je pense que c'est difficile. Je me sens pas du tout... Le symbole ou... Comment dire ? Je ne pense pas que je représente la jeunesse ou quoi que ce soit parce qu'il y a tellement de profils différents dans la jeunesse. Et surtout, je sais que je viens d'un milieu privilégié et que j'ai grandi en Haute-Savoie, à la frontière suisse. Je ne me sens pas du tout comme étant vraiment quelqu'un qui symbolise la jeunesse. Après, moi, de par mon parcours, est-ce que je sentais la responsabilité, comme je le disais au début ? Oui, dans le sens où... dès qu'on s'informe, comme disait Pierre tout à l'heure, je suis arrivée dans le voyage avec plein d'informations sur l'effondrement, sur le fait qu'on sait que juste la manière dont on vit mondialement, ça n'est plus du tout soutenable et d'ailleurs pas souhaitable. Moi, je ne veux plus que mon confort dépende de plein de gens au détriment de leur vie et de juste leurs besoins primaires. Je n'ai pas du tout envie que ma façon de vivre détruise le vivant qui nous entoure et que pour l'instant, tout ce qu'ils nous montrent, tous les rapports scientifiques, tous les chiffres, on ne va pas les ressortir. on les... on les connaît, tout ça nous montre que ça ne va pas. Donc évidemment qu'on sent une responsabilité. Et en même temps, des fois, on a un peu envie de dire « c'est pas mon dos, je suis fatiguée » .

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, peut-être une responsabilité générationnelle, j'aime pas trop dire ça non plus, mais n'empêche qu'on sent bien, en tout cas, qu'on va pas pouvoir continuer comme ça, et qu'il y a autre chose à inventer, et qu'aujourd'hui, c'est pas mis en place. Donc, qu'est-ce qu'on fait face à ça ? On peut le regarder d'un point de vue purement personnel. Bon, mes enfants, dans quel monde ils vont grandir ? Si je veux avoir des enfants, on se rend bien compte qu'il va y avoir quelque chose à changer tout de suite pour nous et pour eux, si on veut leur offrir quelque chose d'un minimum souhaitable et vivable, et surtout pouvoir se regarder peut-être dans la glace et être à peu près droit dans ses chaussures.

  • Speaker #2

    C'est ça, je pense qu'on ne se dit pas, nous trois, qu'on doit faire, on doit s'engager, on doit porter cette jeunesse ou je ne sais quoi, ça vient vraiment du... C'est automatique, en fait, sachant tout ce qu'on sait aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Mais dans le documentaire, en tout cas, vous allez incarner trois jeunes qui se posent des questions et qui sont allés chercher des réponses. Et donc, il y a forcément, en tout cas, dans le fait de transmettre aux gens au travers du documentaire, il y aura nécessairement, en tout cas, ce regard-là porté sur vous, de vous dire, ben voilà, il y a trois jeunes là qui n'ont pas voulu rester inactifs.

  • Speaker #1

    n'est pas prétend pas incarner le...

  • Speaker #2

    C'est sûr qu'il y a un but qui est clair et tu as raison là-dessus, c'est qu'on a envie de faire un film aussi pour inspirer, pour que ce qu'on a vécu et les questions qu'on s'est posées, nos évolutions de pensée, puissent amener peut-être aux mêmes réflexions, en tout cas à des personnes, à des jeunes qui pourraient être dans les mêmes situations que nous, ou qui n'auraient pas forcément l'occasion de faire la même chose que nous, mais qui puissent regarder un film qui retrace. ce que nous on a vécu, qui peut être intéressant sans prétendre que ça va changer la vie de beaucoup de gens, évidemment que non, mais que ça puisse semer des petites graines.

  • Speaker #3

    Et de nouveau, avec cette idée de part, on a un modèle à vous présenter, c'est un panel d'alternatives non exhaustives qu'on est allé voir. On peut piocher, on peut s'inspirer, on peut se dire ça c'est exactement ce que je ne veux pas, alors que ça, il y a quelque chose d'intéressant. Et le but, c'est ça, c'est de provoquer de l'espoir actif. Après, est-ce qu'on va réussir ? C'est un énorme défi. Parce qu'on a tous les rushs, on est en train de construire le synopsis pour revenir un peu sur ce fameux film documentaire dont on parle depuis si longtemps. Ça prend tellement de temps. Est-ce qu'on va réussir à transmettre ce que nous, ça nous a montré, ce que nous, ça nous a transporté ? Je ne pense pas, en tout cas pas de la même manière, mais est-ce que ça va pouvoir ? Susciter des choses, est-ce que ça va pouvoir donner des idées, est-ce que ça va pouvoir inspirer ou donner de l'envie à certaines personnes ? On va essayer de le coupler avec les événements locaux en tout cas, on va essayer de faire des ciné-débats. L'idée pour l'instant serait de faire une tournée d'avant-première dans laquelle au moins deux de chacun de nous pourraient être là sur place pour pouvoir discuter avec le public en intelligence collective et faire émerger... Soit des idées, soit des questionnements, des critiques, peu importe. Et peut-être le coupler à des événements locaux en partenariat avec des associations, des tiers-lieux, des collectivités. Pour l'instant, c'est les projets qui sont en tête. C'est ça.

  • Speaker #0

    Donc là, vous êtes dans la partie production, réalisation du film, du documentaire. Où est-ce que vous en êtes ?

  • Speaker #2

    et bien depuis qu'on s'est on a terminé le voyage on s'est donné quelques mois de souffle avant de s'installer à Lyon, donc on est tous les trois à Lyon maintenant, pour commencer à écrire l'histoire. Parce que c'est bien beau, on a plein de rushs, on a 8 teras de rushs en tout, ce qui est énorme. Mais on n'a pas d'histoire. On n'a pas d'histoire. On a énormément d'interviews, de lieux, mais on va pas tout mettre. Et on va devoir sélectionner et savoir l'histoire qu'on veut raconter. Et donc on est là-dessus actuellement.

  • Speaker #1

    On découvre un nouveau milieu, ouais. Le monde du cinéma, on n'est pas du tout issus de ce milieu-là, donc... C'est pas évident, mais je dirais que la partie projet était quand même très personnelle dans la motivation profonde, parce que c'était un besoin. La partie film, les moins. On n'est pas passionné de cinéma, on n'a pas eu envie de faire un film et après on s'est dit « qu'est-ce qu'on fait comme projet ? » C'est plutôt « bon, en fait, on s'est rendu compte qu'il fallait le partager » . Je pense que c'est en ça que notre projet, on peut quand même le reconnaître, qu'il y a une volonté de partage et qu'il n'est pas du tout que personnel. Il y a vraiment une volonté de pouvoir le mettre à libre disposition. et que quelqu'un qui un jour se pose des questions à peu près similaires aux nôtres puisse avoir en ressources libres tout le chemin qu'on a fait et le travail qu'on a suivi, parce que c'est quand même beaucoup de travail. Et que voilà, on le fait de cette façon-là, on le fait aussi pas que pour nous. Et le but, c'est vraiment de le partager et que ça puisse peut-être inspirer.

  • Speaker #3

    Pour l'instant, on essaye de trouver un équilibre. On est tous les trois du coup en emploi sur Lyon ou ses alentours et à temps partiel. Avec plus ou moins d'heures par semaine et pas forcément les mêmes jours. Donc c'est aussi trouver des moments de réunion, trouver le compromis entre à la fois nos équilibres de vie personnelle et ce film et le temps de travail qu'il représente.

  • Speaker #0

    Plus de 10 000 kilomètres à vélo, 13 pays, 9 mois de voyage. Arrive le retour, le moment du retour, les derniers jours. Puis le dernier jour. Je vous fais écouter à nouveau un petit extrait.

  • Speaker #3

    C'est le tout dernier jour de voyage. Ça nous a fait bien bizarre ce matin de prendre notre dernier petit-déj tous les trois. On s'apprête à descendre le Salève, là où on est actuellement. Un peu dans le brouillard d'ailleurs, mais on sent que ça va se lever. Et on se donne rendez-vous à la salle communale. à 18h et ça nous ferait super plaisir de vous voir.

  • Speaker #0

    Alors là, il y a la famille, les amis, les copains qui vous attendent au retour. Là, dans la tête, il se passe quoi ?

  • Speaker #3

    J'ai envie d'une douche. En vrai, de vrai.

  • Speaker #1

    Si on en a envie,

  • Speaker #3

    on peut en prendre une.

  • Speaker #0

    Encore aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Non, non, non, je pense qu'il se passe beaucoup de choses.

  • Speaker #3

    Je rigole, mais il se passe beaucoup de choses.

  • Speaker #1

    À la fois beaucoup de choses, à la fois pas grand-chose, parce que du coup, je trouve que... Moi, j'avais eu l'impression, en tout cas c'est mon impression, mais j'avais eu l'impression de pouvoir déjà pas mal digérer un peu ce qu'on avait vu. Pas du tout cette sensation d'un coup débarquer et de revenir à quelque chose. En fait, là aussi, encore une fois, le voyage à vélo offre un certain temps de voyage, de déplacement, qui laisse, je trouve, le temps à l'esprit de s'adapter, de... de se préparer à revenir ou quoi. Donc juste pour moi, beaucoup d'amour et de bonheur de retrouver la famille, les proches, tous les gens qui nous suivent. Et pour moi, ce sera principalement ça.

  • Speaker #2

    Oui, oui, c'est ça, Elio a raison. C'est vrai qu'on a le temps de se préparer à l'arrivée. C'est pas un vol en avion où on traverse la plage.

  • Speaker #0

    Il n'y a pas l'avant-après. Il y a quand même une forme de cheminement.

  • Speaker #2

    C'est plus un cheminement qu'un avant-après, c'est vrai. Plus ressenti comme ça. Et moi, personnellement, il y avait un peu cette sensation qu'on s'était fixé un certain temps de voyage. Et donc, le moment venu, il y a un peu cette hâte de rentrer aussi quand même et de se poser. Je me souviens que quand même les deux derniers mois étaient fatigants. On sentait vraiment une fatigue accumulée des sept derniers mois. Et ouais. Le dernier mois surtout, fatiguant, on sentait qu'on devait plus se reposer qu'avant, on était moins en forme, et donc il y avait aussi un peu l'envie de souffler, de se poser et de pouvoir dormir.

  • Speaker #3

    En fait nos vélos, comme on ne les avait pas assurés, parce que l'assurance était à hauteur de je ne sais plus combien, une centaine d'euros, mais finalement ça ne couvrait pas du tout notre matos matériel, matos etc. Donc on est non-stop avec nos vélos, peu importe ce que tu fais 24h sur 24. tu as tes vélos, sauf dans les lieux peut-être où on pouvait les mettre forcément ça rajoute un peu de challenge parce que finalement on est non seulement tout le temps ensemble mais non seulement également tout le temps avec un vélo 4 sacoches et 30 kilos de bagages avec nos affaires donc c'est vrai que des fois de pouvoir le poser et de dire ok bah là j'ai pas à m'en occuper avec la responsabilité que ça représente, il y a des fois on se faisait la réflexion de dire si quelqu'un part avec mon vélo est-ce que du coup on arrête le film ? Comment est-ce que ça se passe ? Alors là-dessus, moi, je disais au début, pas de souci, ne vous inquiétez pas, les gars, j'ai le sommeil super léger. Moi, je me réveille en deux spits, il n'y a pas de souci. Et en fait, un matin, je me réveille et il y a Elio qui me dit, mais tu n'as pas entendu ? je suis dans ma petite tente solitaire, là mon petit cercueil est parfait. Et il me dit, il y a un camion, un semi-remort qui est venu déposer des toilettes publiques à côté de ta tente, mais à 3 mètres. Tu n'as rien entendu. Je dis, alors moi, je t'avoue que là, les 100 kilomètres derrière, je crois que ça m'a cané. Du coup, il y avait une certaine responsabilité.

  • Speaker #1

    On a commencé à accrocher les vélos.

  • Speaker #3

    Oui, on avait un petit fil avec une petite clochette comme ça. Après, on a mis les cadenas. Et oui, du coup, comme tu disais, Pierre, de la fatigue, cette charge mentale. Moi, j'ai retrouvé la personne dont j'étais amoureuse. Donc forcément, il y avait aussi beaucoup d'attentes. Il y avait cette fin de voyage. Merci. Je pense pas qu'on l'a vécu, enfin je veux pas m'avancer mais je pense pas qu'on l'a mal vécu. Je pense qu'on était tous les trois heureux de rentrer et l'envie de prendre une pause pour pouvoir mieux se mettre sur le film après.

  • Speaker #0

    Alors pour finir, la question que j'avais envie de vous poser c'est finalement est-ce que demain c'est mieux après ce voyage ?

  • Speaker #3

    On aimerait bien qu'aujourd'hui ça soit bien.

  • Speaker #2

    Je sais pas, cette question... Est-ce que demain sera mieux ? Franchement, peut-être que ça s'entend que je ne suis pas très optimiste.

  • Speaker #0

    L'hésitation laisse planer un questionnement.

  • Speaker #2

    Non, c'est vrai qu'on a choisi ce nom de projet assez tôt.

  • Speaker #1

    Tu l'as dit ? Il t'évoque quoi ce nom ?

  • Speaker #0

    Demain c'est mieux. Pour moi, c'est... Par exemple, pour le podcast, je m'étais posé la question de l'appeler Demain. Enfin, ou avoir un truc autour de Demain pour montrer qu'en fait... Ouais, on... Demain est déjà là. Je crois que c'était ça le titre auquel j'avais pensé. Je trouve que justement, ils se projettent sur c'est quoi le monde de demain qu'on veut. Et donc, effectivement, avec une approche un peu optimiste et pleine d'espoir. Bon,

  • Speaker #3

    spoiler, ce ne sera pas le nom du film. Ça, bien sûr. On a entendu parler de Demain, c'est mieux. Mais surtout parce que je ne sais pas si c'est la mentalité dans laquelle on revient.

  • Speaker #1

    Le message profond, il n'est pas spécialement optimiste dans le sens, demain c'est mieux, vous inquiétez pas. Même je pense que, moi je me confère bien plus comme pessimiste que comme optimiste. Par contre, ce qui est intéressant, c'est le pessimiste plus le actif. Même si je sais que ça va être compliqué, je fais tout pour que ça puisse aller mieux. Donc c'est, demain c'est mieux parce que je change aujourd'hui, parce qu'on peut changer les choses aujourd'hui. Je pense que c'est vraiment ça. Non,

  • Speaker #2

    c'est ça, c'est exactement ça. C'est être pessimiste, c'est pas mal en fait. C'est normal d'être pessimiste dans le monde dans lequel on vit aujourd'hui. Par contre, être un pessimiste qui ne fait rien ou qui reste dans cette mentalité du tout est foutu, c'est peut-être un peu dommage. Nous, je sais qu'on n'est pas là-dedans. Il y a des choses qui vont très mal se passer, ça va être très dur. On va vers un monde avec plein de changements et vraiment plein de difficultés. On est déjà dans un monde avec plein de difficultés, mais ça va être de...

  • Speaker #0

    On va dans le pire quoi. Et donc, le savoir, en être conscient, l'accepter, mais être dans l'action et dans l'optimisme de faire des choses pour que ça change quand même un peu.

  • Speaker #1

    Faire pour garder et conserver ce qui nous est vraiment important et pouvoir l'appliquer demain. En fait, c'est à la fois très difficile et à la fois c'est une chance, j'ai l'impression. C'est un peu dur de dire ça parce qu'on sait qu'on est privilégié, etc. Mais en tout cas, nous, avec le privilège qu'on a, je ne peux pas passer à côté de la chance d'essayer de faire quelque chose et d'essayer de même prendre des risques, à nous exposer, que ce soit sur les réseaux, à faire tout ce projet, un film qui peut-être ne va pas marcher, je ne sais pas. C'est des risques, mais en fait, on ne peut pas passer à côté. Il y a vraiment quelque chose à réinventer. Nous, on veut être déjà la passerelle de gens qui ont commencé, et pourquoi pas nous s'en inspirer. De toute façon, j'ai un peu l'impression qu'il n'y a que ça à faire.

  • Speaker #0

    Le sentiment d'aller dans le bon sens, surtout. de ne pas être à contresens de ce qu'on devrait faire dans ce monde. Avec tout ce qu'on sait aujourd'hui, c'est difficile d'avoir une vie, d'avoir une vie, entre guillemets, normale, sans se soucier de tout ce qui se passe autour. Je pense que forcément, quand on est informé, nos actions quotidiennes, que ce soit notre vie ou notre mode de vie, doivent s'adapter à ça et doivent le prendre en compte, en tout cas.

  • Speaker #2

    J'étais en train de sélectionner deux citations qui viennent illustrer exactement vos deux propos. Je les avais notés, il y en a un de Jean-Marc Gansil qui dit « Je reste viscéralement accroché à l'idée qu'il faut faire de son mieux pour limiter la souffrance que peuvent et pourront provoquer les prévisions pour soi et pour le collectif » . Donc c'est exactement ça, je trouve qu'on se retrouve là-dedans. Et par rapport à cet espoir actif, ou en tout cas que tu disais, le pessimisme est plus de l'action derrière. C'est Emmanuel Caplin dans son film « Une fois que tu sais » . J'ai noté juste son extrait et je le relis parfois, c'est « L'espoir n'est certainement pas la même chose que l'optimisme » . Ce n'est pas la conviction que quelque chose se passera bien, mais la certitude que quelque chose a du sens, indépendamment de la façon dont il se termine. Et moi, je...

  • Speaker #0

    Cette dernière, elle est très bien.

  • Speaker #2

    Je pense que c'est plutôt dans ce mindset-là qu'on revient. C'est pas avec de l'optimisme et en mode, bon, on va trouver des solutions. Ça va être très sûrement, et c'est déjà compliqué pour beaucoup d'entre nous. C'est extrêmement injuste et ça n'est pas désirable, en tout cas, de mon point de vue. Et donc autant faire toutes les choses pour essayer de limiter la souffrance pour soi, pour le collectif, et tout faire dans l'optimisme, en se disant « sûrement ça ne va pas se passer super top, mais autant faire tout ce qu'on peut, peu importe l'issue. » Je crois que c'est beaucoup...

  • Speaker #1

    Et en plus, on compte qu'on a beaucoup à y gagner. Donc qu'on peut y être plus heureux, qu'on peut y être plus épanoui, plus proche de... Avec plus de temps pour sa famille, avec plus de temps pour soi, avec plus de temps pour faire ce qui donne vraiment du sens dans nos vies. Et en fait, je pense que naturellement, on ira vers ça. Après, est-ce que ça va se faire dans la précipitation et dans la douleur ? Ou est-ce qu'on va encore réussir à saisir cette opportunité du temps ? On a le temps de choisir. Ça, c'est à nous d'en décider.

  • Speaker #0

    En tout cas, c'est sûr que demain, c'est mieux. On n'est pas dans l'optimisme du tout va bien se passer. Ne vous inquiétez pas. Évidemment, on n'est pas là-dedans.

  • Speaker #3

    Pas du tout.

  • Speaker #2

    Je pense pas déjà très mal pour d'autres personnes, mais c'est très douloureux de savoir.

  • Speaker #3

    Et puis, comme le dit Mathieu Baudin, le directeur de l'Institut des Futurs Souhaits Stables, au pire, ça marche. Et je trouve que ça permet justement de ne pas rentrer dans une espèce d'optimisme béat, mais de se dire, à défaut, on aura au moins été dans l'action et on aura au moins fait quelque chose. Merci beaucoup à tous les trois pour ce témoignage éclairant qui fait du bien, tout en étant... extrêmement lucide. Et puis rendez-vous pour la sortie du documentaire.

  • Speaker #2

    Merci à toi pour tes questions et pour ton engagement au travers de ton travail.

  • Speaker #0

    Merci.

Description

En 2024, trois jeunes de la région, Pierre Bosselli, Elio et Lou Léna Juillet, ont entrepris un périple exceptionnel à vélo : plus de 10 000 kilomètres à travers 13 pays, de la France jusqu’à la Norvège, en passant par la Pologne et les pays baltes.


Leur objectif  : rencontrer et documenter des initiatives locales et durables qui réinventent le lien au vivant et expérimentent la sobriété.


Avec leur projet Demain c’est mieux, ils ont exploré des éco-lieux, visité des fermes agroécologiques et rencontré des communautés engagées. Chaque étape a nourri leur réflexion, mêlant émerveillement, lucidité et questionnements sur la transition écologique et sociale en Europe.


Dans cet épisode, ils reviennent sur ce parcours, partagent leurs apprentissages et leurs doutes, et offrent un regard inspirant sur les manières d’agir concrètement pour le vivant. Un récit qui invite à découvrir, réfléchir et s’engager à son échelle pour un futur plus durable.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans la saison 3 d'En un battement d'ailes. On repart pour une nouvelle série de reportages et d'entretiens à la découverte de celles et ceux qui agissent déjà en Auvergne Rhône-Alpes. Et pour ouvrir cette saison, je vous propose d'aller à la rencontre de trois jeunes qui font du bien à entendre. En 2024, Pierre Bossély, Elio et Lou Lénajuillet ont embarqué pour un périple exceptionnel. Plus de 10 000 km à vélo à travers 13 pays. pays. de la France jusqu'aux confins de la Norvège, en passant par la Pologne et les Pays-Baltes à la recherche d'initiatives concrètes, locales, durables. Mais leur voyage ne s'est pas limité à une aventure personnelle. Avec leur projet « Demain c'est mieux » , ils ont voulu documenter ce qu'ils ont découvert en chemin. Des citoyennes et citoyens qui partout en Europe réinventent leurs liens aux vivants, expérimentent la sobriété et s'engagent dans la transition. Ils ont traversé des écolieux, visité des fermes agroécologiques, rencontré des communautés engagées. Chaque étape a nourri leur réflexion et affiné leur regard entre émerveillement et lucidité, espoir et questionnement, un parcours qu'ils vont d'ailleurs raconter dans un film documentaire à venir. Pour rendre un battement d'ailes, ils reviennent sur ce chemin parcouru, sur les apprentissages, les doutes, mais aussi sur les perspectives qu'ouvre ce récit.

  • Speaker #1

    Salut, moi c'est Elio, et celui que vous voyez là sur son tout nouveau vélo, c'est Pierre. Et s'il sourit autant... Ah, arrête, arrête s'il te plaît. C'est parce qu'on s'apprête à partir pour une aventure de plus de 8 mois à vélo en Europe. C'est un périple d'environ 10 000 km et à travers 13 pays. Nous, quand on voyage, ce qu'on aime, c'est la liberté que nous offre le vélo. Il nous permet aussi bien de bivouaquer à la sauvage que de dormir chez des gens super accueillants. Parce que oui, voyager à vélo, on l'a déjà fait l'année dernière avec notre ami Jules. en traversant 5 pays européens sur 2000 km. On a adoré cette première expérience. Mais aujourd'hui, on veut aller plus loin et autrement.

  • Speaker #2

    Mais alors pourquoi ? Face à la situation actuelle du monde, il est facile de perdre espoir. Alors, notre but est clair, partir à la découverte des personnes qui construisent déjà le monde de demain. Il existe une immense diversité d'alternatives inspirantes. Alternative, c'est le mot qu'on utilise pour décrire toutes ces personnes qui se rassemblent et repensent leur manière d'habiter la Terre. Et toutes ces alternatives, nous voulons les filmer. pour en faire un film documentaire. Il retracera notre périple et sera rythmé par des pistes de réflexion, des témoignages inspirants, des évolutions de nos pensées et plein d'autres choses.

  • Speaker #0

    Petit extrait, bande-annonce de projet Demain c'est mieux, qui avait pour vocation de présenter ce voyage que vous vous apprêtiez alors à entamer. Bonjour à tous les trois.

  • Speaker #2

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Merci d'être là autour de ce micro. Alors avant de commencer, vous allez peut-être reconnaître une voix, celle de Lou, que j'ai accueillie en stage l'année dernière et qui vous avait proposé sans surprise un épisode consacré au voyage. Alors du coup, on ne va pas faire semblant qu'on ne se connaît pas, Lou. Et on va donc se tutoyer tous les quatre, puisqu'on a déjà eu l'occasion d'échanger ensemble. Alors nous sommes à la Duchesse. Ici, un tiers lieu en occupation temporaire dans le quartier de la Duchère, coordonné par Mafriche Urbaine, qui a pour mission d'accompagner la transformation urbaine du quartier en tissant du lien entre habitants, associations, artistes, entreprises, pouvoirs publics. Est-ce que c'est typiquement ce genre de lieu que vous avez pu découvrir lors de ce voyage ? Alors, oui. Alors, Elio ?

  • Speaker #1

    Ça fait plaisir de retourner justement dans des lieux un petit peu alternatifs comme ça, même si on n'a pas eu encore l'occasion de tout découvrir. C'est vrai qu'on n'a pas fait beaucoup de lieux en ville durant le voyage. C'est peut-être un petit manque, notamment sur les sujets sociaux, qu'on aurait bien aimé aborder un petit peu plus. Mais évidemment que, surtout dans la ville où maintenant on habite, c'est très intéressant de voir des alternatives et une façon un peu différente de repenser nos modes de vie, même jusqu'au centre des villes.

  • Speaker #0

    Et puis de créer du lien, ce lien qui est clairement la clé et le socle aussi de votre projet. On va commencer par revenir sur la genèse du projet. Racontez-moi justement ce moment où vous vous êtes dit un jour, bon, allez, on prend nos vélos, on part, on plaque tout. Qu'est-ce qui vous animait à ce moment-là pour vous le lancer dans ce défi ? Pierre ?

  • Speaker #2

    En fait, on est... tous les trois dans des études donc l'eau en journalisme, Elio en but génie biologique et moi en bts dans la protection de la nature et moi j'étais en première année et j'y trouvais de moins en moins de sens. En tout cas, je sentais que c'était pas... La façon dont on m'enseignait la protection de la nature, c'était pas vraiment ce que je voulais faire moi. Et donc je me posais beaucoup de questions et un besoin profond d'aller rencontrer des gens et de leur poser toutes ces questions, profondes mais aussi existentielles, sur la manière dont j'avais envie de vivre, etc. Et comment ça s'est passé ? Eh bien, en fait, tout bêtement, moi j'avais déjà arrêté... les études dans lesquelles j'avais rencontré Elio. Et ça me disait bien de démissionner une deuxième fois. Mais cette fois, pour une bonne raison, je ne dirais pas forcément juste parce que mes études ne me plaisaient pas, mais par un réel besoin qui venait du plus profond de moi. Et c'est là que j'ai appelé Elio et je lui ai dit qu'on pourrait faire ce tour. Ce tour à vélo à la rencontre de ces gens-là. Elio au début a beaucoup hésité. On s'est rappelé plusieurs fois. Puis à un moment on a dit oui, allez on se lance. Et Lou qui a eu écho de ce début de projet, de cette idée, nous a très vite rejoints. Et c'était avec grand plaisir que l'aventure A3 a commencé après.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on a vraiment décidé à un moment de partir au début ? Je pense que ce n'était pas facile à accepter. Moi je me rappelle que je n'avais pas encore accepté d'arrêter mes études. Du coup je disais à Pierre, allez on commence à faire le projet, mais comme ça je continue mes études et puis on verra bien ce qui se passe. Mais je me rappelle ne pas avoir eu ce petit passage, justement ce petit pas. Je n'osais pas trop le faire. Une fois qu'on s'est retrouvés à trois, je pense que c'était assez évident. Et du coup, sans trop se le dire, on s'est tous les trois lancés. On a commencé à prendre les décisions qui allaient nous permettre de se lancer dans ce voyage. Mais je soulignerais le fait que ce n'était pas évident d'oser se lancer là-dedans.

  • Speaker #0

    Il y avait de l'inquiétude pour la suite en se disant, si on part un an, qu'on met tout en pause, qu'est-ce qui nous attendra au retour ? C'est le fait de créer cette césure qui n'existe pas beaucoup aujourd'hui, en tout cas pas dans notre société. Elio,

  • Speaker #3

    tu soulignais souvent le... Enfin là, c'est plus quelque chose qu'on a découvert, le terme... On l'a découvert plutôt récemment, mais tu l'as ressenti assez fort, ce droit à l'errance, le droit... Je peux te laisser plus en parler, qui est à la fois un privilège, mais aussi un droit, surtout dans un moment où il y a une convergence un peu des crises et où tout semble un peu instable et avec mille issues possibles et pas toujours très joyeuses, en tout cas l'imaginaire collectif ou ce dont on entend parler. et face à tout ça...

  • Speaker #1

    C'est simplement essayer de prendre le temps de se poser la question de comment on veut vivre demain. Et surtout en fonction de ce qu'on doit changer. Aujourd'hui, on commence à avoir connaissance de beaucoup de choses qui sont plus soutenables dans nos modes de vie. Et donc, ça pose forcément un changement de vie radical. Nous, on a le privilège de pouvoir le faire. Donc, nous, on ne se sentait pas de continuer comme ça parce qu'on se sentait mal et parce qu'on sentait quelque chose de supérieur qui... où en fait on était un petit peu, je ne sais pas comment expliquer, mais un peu comme si on vivait sur quelque chose de pas soutenable, en consommant trop, en consommant surtout la part d'autres personnes. Et du coup, qu'il y avait un besoin impératif pour tout le monde, en tout cas d'engager ce changement, ou en tout cas déjà pour ceux qui le peuvent. Et pour nous, ce n'était pas possible de continuer sans prendre ce virage-là.

  • Speaker #3

    Un besoin et je dirais même une responsabilité. Je pense qu'on partageait ça tous les trois, il y avait un besoin. très intérieure qu'on a partagé et sur lequel on s'est retrouvés. Et à cela s'ajoute du coup la responsabilité, quand on s'informe et quand on apprend, on découvre, on écoute, on lit. Ça, c'est vraiment quelque chose qu'on faisait beaucoup, en tout cas avant le départ. On se dit, on a le devoir de...

  • Speaker #2

    Tu veux dire le devoir de porter ces questions-là, tu veux dire plutôt ? Ok, avec l'idée d'un film documentaire. Oui, moi, c'est vrai que je l'ai pas mal vécu comme un besoin personnel. Vraiment. Et pour revenir à la question que tu posais sur la difficulté de quitter ses études et de ne pas avoir cette sécurité de diplôme. Je n'ai pas de diplôme aujourd'hui, alors même si je veux travailler dans un domaine qui n'en demande pas forcément, le domaine naturaliste est quand même très ouvert là-dessus. Mais ça n'a pas été facile. Mes parents m'ont clairement dit que financièrement, ils ne me soutiendraient plus. Donc que je délivrais à moi-même et que j'allais devoir me gérer tout seul, ce qui est normal parce que j'ai été éduqué comme ça. mais c'était pas facile mais c'est pour Mais c'est important de le dire parce que ça souligne vraiment ce besoin, c'est-à-dire que j'avais un besoin si profond de, comme dit Aliot, de laisser ce temps à la réflexion, savoir comment j'ai envie de dédier ma vie à la protection du vivant, comment j'ai envie de vivre, mais surtout de laisser le temps de la réflexion sur plein d'autres sujets.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'on se rend compte que sur un schéma classique d'études, on n'a pas ce temps-là. Il ne nous est pas donné, ou du moins sous vraiment de brèves formes. Non,

  • Speaker #2

    on ne l'a pas eu.

  • Speaker #1

    Nous on a ressenti qu'on en manquait énormément, mais au delà de juste l'orientation des études, même sur comment on vit, comment on habite, est-ce qu'on le fait ensemble, en fait il y a plein d'autres façons de le faire. Et si on n'a pas le temps de se poser ces questions et on ne nous les présente pas, en fait on s'enferme. un petit peu dans un système qui peut être bon pour nous peut-être, mais qui parfois on peut se rendre compte aussi que des années plus tard, en fait ça ne nous correspondait pas, que ça soit dans le métier, que ça soit dans notre habitat, etc.

  • Speaker #0

    Et le voyage, ça a été présent tout de suite, c'est-à-dire que justement le fait de pouvoir se laisser ce temps, parce que vous auriez pu le prendre autrement, vous auriez pu le prendre en France, vous auriez pu le prendre à côté de chez vous, ou en allant, enfin juste en expérimentant plein de choses par exemple. Le fait d'aller à la rencontre de l'autre, d'aller voir ce qui se passe ailleurs, il y avait peut-être cette sortie de zone de confort pour aller se laisser un peu bousculer par d'autres choses que vous ne connaissiez pas ?

  • Speaker #3

    Je dirais qu'en partie, mais pour rebondir de nouveau sur cette question de responsabilité, je pense que nous, on le vivait comme un besoin et un devoir d'aller voir est-ce qu'il y a des gens qui vivent autrement que ce qu'on nous présente généralement ? Et si oui, est-ce qu'il n'y en a qu'en France ? Parce qu'on entend souvent parler un peu de la Drôme, l'Ardèche, de ces endroits très alternatifs. Mais est-ce qu'il y en a en Pologne ? Est-ce qu'il y en a en Finlande, en Norvège, en Suède ? Et le fait d'aller les voir et aller les documenter, c'est peut-être... On avait cette envie de partage, mais en tout cas, le fait d'aller les documenter, c'est peut-être ma formation de journaliste que moi, du coup, pour le coup, j'ai eu la chance et la facilité de terminer mes études avant de vous rejoindre. Mais oui, il y a une sortie de zone de confort, certes, mais je dirais que c'était surtout parce que quand on a commencé à poser des questions autour de nous, « Coucou papa, maman, comment est-ce qu'on habite autrement ? Est-ce qu'on peut vraiment avoir des enfants ? Est-ce qu'aujourd'hui c'est responsable ? » On nous a dit « Mais attendez, toutes ces questions, elles sont hyper intéressantes et on se les pose aussi. Donc si vous allez chercher des réponses, partagez-les nous. »

  • Speaker #1

    Moi j'aimerais juste souligner, je veux pas qu'on ait l'impression qu'on dit que tout le monde doit partir en... En voyage, comme ça, justement, dans cette quête-là, c'est à chacun de trouver un peu de quoi il a besoin et où est-ce qu'il pourrait trouver les réponses aux questions qu'il se poserait. Mais ça ne passe pas du tout forcément par le voyage, pas non plus forcément par le vélo. Ça peut prendre toute forme diverse, cette errance. Je pense que c'est important de le souligner.

  • Speaker #2

    C'est ça. Et nous, je pense que ça a pris cette forme aussi. Du fait d'avoir quitté nos études, c'était important d'avoir un projet. Un vrai truc et pas seulement comme tu disais qu'on aurait pu faire, rester à côté de chez nous ou prendre ce temps, prendre neuf mois avec notre famille sans rien faire et à se poser des questions et à réfléchir. Je pense qu'on y avait aussi cette volonté de projet, de faire quelque chose, de construire quelque chose de sérieux et dans le même temps qui nous servirait toute notre vie peut-être pour nos choix futurs.

  • Speaker #0

    Demain c'est mieux, un projet documentaire itinérant. Pensez, je trouve, un peu comme une forme d'antidote aussi un peu à la paralysie du monde. Trois jeunes qui décident de s'embarquer à la fois dans leur questionnement, dans cette errance que vous évoquez aussi, et cette idée de transmission qui arrive assez rapidement. Comment vous établissez votre parcours et comment vous avez choisi les initiatives que vous aviez envie d'aller voir ? Parce que bon, une fois qu'on s'est dit ok, on a envie de partir, on a envie d'aller voir celles et ceux qui ont un autre mode de vie et qui habitent le monde d'une autre manière. Comment peut-il y avoir la page blanche en se disant ok, mais où est-ce qu'on les trouve ces gens-là ?

  • Speaker #3

    On a galéré, on a cherché un peu.

  • Speaker #2

    ça s'est fait plutôt Alors en fait, ça peut paraître étonnant, mais ça s'est fait plutôt à la fin de la préparation, que ce soit le trajet final. Alors le trajet, en gros, on avait une idée, mais en fait, jusqu'au dernier jour, ça a changé. Même pendant le voyage, l'itinéraire a changé. Et pour ce qui est des alternatives, moi, je me souviens de soirées avec Elio sur la dernière semaine de préparation, où on n'avait pas encore les alternatives qu'on allait voir en Finlande ou des choses comme ça. ça s'est fait très intuitivement et surtout on s'est pas non plus énormément pris la tête sur ce qu'on voulait découvrir. En fait, on n'avait pas forcément d'idée précise de ce qu'on voulait aller voir. On était surtout très curieux d'aller voir des choses différentes de ce qu'on avait l'habitude de voir, des choses qu'on n'avait jamais vues, des modes de vie qu'on n'avait jamais vues, des modes de vie en collectif surtout. Et donc, on a cherché, on a recensé comme on pouvait, mais c'était quelque chose.

  • Speaker #0

    Mais il y avait quand même une petite rame qui était présente pour quand même avoir un début de direction. Une fois que je suis sur mon vélo, le premier jour, je vais où ? Donc vous saviez que vous aviez envie de partir en Europe, vous auriez pu vous lancer dans un tour du monde ou aller voir carrément à l'autre bout du monde, mais vous avez quand même plutôt choisi de rester en Europe parce que vélo ?

  • Speaker #3

    Parce que vélo, après au niveau des alternatives, on avait visé comme tu disais plutôt dans les pays du Nord, mais dans le... Comment dire, le déroulé et les différentes alternatives qu'on est allé voir, on peut retrouver en filigrane l'évolution un peu de nos pensées. Et je pense que du coup cette errance elle se retrouve aussi là-dedans, c'est-à-dire qu'on avait déjà pré-sélectionné un certain nombre, on les a pas toutes contactées d'un coup parce que pour beaucoup c'est des lieux de vie. Donc c'est des familles comme nous, elles ne peuvent pas te dire dans... Ben oui, bien sûr, allez-y, dans 7 mois, 3 jours et puis 2 heures, on vous accueillera sans aucun problème. Et puis en fait, au fur et à mesure, après avoir fait beaucoup de lieux de vie en collectif, où nous, justement, on s'était dit, comment est-ce qu'on réapprend à vivre ensemble ? Ça, ça a été une des premières conclusions, révélations ou, je ne sais pas, évolutions de pensée de notre côté. Au fur et à mesure, après en avoir fait une bonne quinzaine, au bout d'un moment, on se dit ok, d'accord. Et puis du coup, dans les lieux, tu rencontres d'autres personnes qui vont t'amener d'autres questionnements. Et on s'est retrouvé à se dire ok, du coup, on vit ensemble, mais comment est-ce qu'on construit nos habitations ? Puis après, comment est-ce qu'on renoue également avec le vivant ? Puis comment est-ce qu'on éduque ? Comment est-ce qu'on grandit ? Les enfants, mais nous aussi, du coup, on allait dans des écoles de la nature pour adultes. En fait, vraiment, on le retrouve au fur et à mesure du voyage.

  • Speaker #1

    Voilà un des avantages du vélo, notamment de pouvoir se dire, bon, en fait, le mois prochain, je n'ai plus du tout envie d'aller dans cette partie de la Norvège, mais j'ai envie d'aller visiter cette partie de la Suède parce que là-bas, je vais y voir telle alternative qui suivra telle évolution de pensée. Après, il y a des réalités, comme on a dit, on ne passe jamais à l'improviste dans les lieux. Il y a les réalités du temps, de la distance. On s'adapte à tout ça, mais globalement, on a plutôt suivi notre...

  • Speaker #0

    Et les questionnements au départ, elles... Elle portait déjà un peu sur des thématiques. Je me souviens qu'on en a parlé ensemble avant que vous, enfin en tout cas avant que toi, Lou, tu ne rejoignes Pierre et Elio, qui avaient l'idée de l'éducation. Comment justement, dans la manière dont on grandit, on éduque, il peut y avoir cet autre rapport au monde. Donc il y avait déjà quand même un peu des pré-questionnements, on va dire, qui étaient déjà bien présents.

  • Speaker #1

    Tout à fait, c'est pour ça qu'on part d'ailleurs avec ces questionnements en tête. Et je pense qu'il va être notamment intéressant dans le film, c'est qu'en fait, on s'est pris des claques. Il y a des domaines qu'on sous-estimait ou qu'on n'avait pas du tout pris en compte.

  • Speaker #0

    Par exemple ?

  • Speaker #1

    Par exemple, je me rappelle qu'en tout cas, Pierre et moi, on est vraiment partis dans l'optique de la reconnexion avec notre environnement, avec le vivant au sens large. Et en fait, on s'est rendu compte dans les premiers lieux qu'en fait, un éco-village ou un tiers-lieu, peu importe, c'était surtout une affaire d'humains, de facteurs humains. Et que ce n'était pas forcément des objets, ce n'était pas forcément... une reconnexion, comme on peut dire, même si c'est un terme très théorique avec le vivant, mais ça concernait plutôt le vivre ensemble. Donc ça, par exemple, c'est une des premières claques qu'on s'est prises. Il y en a eu tout le long et elles sont propres après à chacun.

  • Speaker #2

    Oui, globalement, les thèmes qui ressortent, c'était la vie en collectif. Donc, découverte de modes de vie collectifs différents. Il y avait le thème de l'éducation, comment on éduque les enfants de demain. Et puis, ce thème qui était plus, moi, je portais vraiment personnellement, de comment on protège le vivant que l'humain extermine aujourd'hui. Moi, je sais que c'est ça que je veux faire de ma vie. Je veux dédier ma vie à la protection du vivant, mais comment ? Et donc, un thème qui touche un peu au vivant et à sa protection, c'était un grand thème qui ressortait aussi.

  • Speaker #0

    À travers, je trouve, les vidéos que vous avez publiées au fur et à mesure de votre voyage, finalement, on comprend aussi que vous n'êtes pas forcément allé chercher des modèles parfaits. mais vraiment de montrer comment pouvait s'expérimenter des choses comment il y avait des gens qui tâtonnent et je trouve que c'est très aligné avec la démarche du journalisme de solution, moi c'est ce que je fais en allant à la rencontre des initiatives et de montrer qu'il n'y a pas de solution parfaite c'est pas un petit guide à la fin avec lequel on ressort en disant pour que le monde il fonctionne correctement il faut que ce soit comme ça, comme ça, comme ça et finalement c'est assez intéressant de montrer cette... Cette démarche et ces réflexions qui évoluent aussi en cours de route, est-ce que ça vous en aviez conscience dès le départ ? Est-ce que vous y avez réfléchi dans la logique de documentaire en vous disant « alors on ne veut pas ni faire découvrir un monde bisounours, ni faire une espèce de greenwashing de bonnes intentions ? »

  • Speaker #1

    Moi je pense que assez naïvement, je partais vraiment dans l'optique de, même si je ne l'avais pas conscientisé, que c'était un peu le modèle à suivre et qu'on avait trouvé toutes les réponses dans ces milieux-là. Et ça a été aussi un apprentissage du voyage et qui sera très clairement visible dans le film, en tout cas c'est une intention collective, c'est de montrer qu'en fait il n'y a pas vraiment de solution, qu'il y en a plein différentes, qu'elles méritent d'être essayées, mais qu'elles ne sont pas faciles à mettre en place et à tenir sur le long terme.

  • Speaker #3

    Je pense qu'inconsciemment on cherchait un peu un modèle parfait, on allait pour s'inspirer en se disant « ok, je reviens de mon voyage, je sais dans quel type d'habitage j'habite » . Enfin... Je sais comment peut-être me nourrir différemment, etc. Et en fait, au fur et à mesure, ça peut paraître un peu naïf qu'on soit parti comme ça, mais c'est l'évolution de notre pensée et il faut qu'on soit honnête là-dessus. Au fur et à mesure, on s'est dit mais pas du tout, en fait, il y a autant de solutions qu'il y a de projets. Et chaque projet a le mérite d'exister parce qu'il va dans une certaine direction. Mais à partir du moment où... On cherche un modèle type, quelque chose à suivre, presque de dogmatique. Là, il y a un souci. C'est là où nous, on s'est sentis en tout cas le moins à l'aise. C'était dans les lieux où il y avait le plus de dogmes. Moi, je sais que j'ai eu un profond changement et surtout une prise de conscience. C'est un moment où j'écoutais un podcast avec, je crois, Corinne Morel-Darleux.

  • Speaker #0

    Morel-Darleux, qu'on a reçu au mois de janvier dans le podcast.

  • Speaker #3

    Qui nous parlait, il me semble, j'espère que c'est bien, et que je ne me trompe pas. qui parlait de ce triptyque pour modifier profondément les choses. Elle le tirait en tout cas de l'éducation populaire et qu'il faut axer les changements sur trois axes. En un, c'est un peu une espèce de bataille culturelle, essayer de changer les récits, de changer la façon dont on raconte les choses. En deux, enfin, en fait, je dis un, deux, trois, mais il n'y a pas d'ordre ni de choses qui prévalent sur une autre. Il y a à la fois, il faut essayer de montrer qu'il existe des alternatives. des préfiguratives, en fait, de montrer qu'il existe autre chose. Et d'autre part, il faut lutter contre les forces destructrices. Et en fait, ça a été pour moi une grille d'analyse de tous ces lieux qui m'a beaucoup aidée, mais je suis sûre qu'elle peut être grandement modifiée, mais qui m'a fait prendre conscience qu'il y a une espèce d'ultra-importance de valoriser toute forme de tentative, tant qu'on va un peu dans cette logique de... Nous reconnecter au vivant, d'être dans la protection de l'autre, du vivant et dans quelque chose de plus souhaitable, plus durable. Mais que ce soit à la fois dans de la lutte avec du militantisme ou en essayant de créer des alternatives et d'autres formes de vie en collectif ou en essayant de changer. En fait, il existe mille solutions et on n'en a pas une qui nous a... Enfin forcément, on en a forcément des qui nous ont plus touchés, mais c'est en fonction des sensibilités. Bien sûr.

  • Speaker #2

    Non, c'était juste pour rejoindre un peu ce que disait Lio. C'est vrai qu'il était parti dans une idée globale de peut-être recherche de... Je me souviens, tu disais, tu recherchais plutôt le modèle de vie qui pouvait un peu être le plus écologique et à la fois le plus soutenable et le plus acceptable pour tout le monde. Applicable à grande échelle. Voilà. Et en fait, d'une on se rend compte que tous les lieux sont différents, et en fait c'est surtout des lieux de collectif où c'est des personnes qui ont choisi de vivre ensemble et d'appliquer les règles qu'ils avaient envie d'appliquer. Et moi je sais que je suis arrivé au début du voyage avec beaucoup de reportages et d'interviews en tête sur l'effondrement, et beaucoup de questions notamment sur cet effondrement. Et je posais des questions que par rapport à ça, mais vraiment dans les lieux je leur demandais comment vous êtes. à ça, mais là si vous êtes raccordé à l'eau courante comment vous faites s'il n'y a plus d'eau vous allez galérer parce que j'étais parti dans cette optique de si je fais ce voyage et que je vais voir des lieux collectifs ça va forcément me donner des réponses sur comment je vais vivre plus tard ou même maintenant dans les prochaines années et s'il y a une conclusion à tirer de ça c'est que j'ai pas du tout de réponse après 9 mois de voyage évidemment pas et j'ai même un début de réponse déjà qui est de que je ne me vois pas vivre dans un écolieu tel qu'on les a visités d'ici à moyen voire long terme. Parce que c'est un vrai projet de vie. Tu t'installes, souvent c'est coûteux financièrement.

  • Speaker #3

    Manque de diversité aussi.

  • Speaker #2

    Manque de diversité. On n'a très peu, voire jamais vu de jeunes de notre âge installés dans un lieu. En fait, la plupart des jeunes de notre âge sont encore en études ou ils commencent à peine un métier. il ne se pose pas forcément ces questions de... où ils veulent vivre. Et c'est vrai que là, j'ai pris un peu de recul et je me suis dit, c'est peut-être pas des questions que je me pose maintenant. C'est très intéressant de voir comment tous ces gens vivent en collectif et ça me servira peut-être plus tard. Mais là, maintenant, ça paraît si loin de vivre comme ça.

  • Speaker #1

    Ça pose de nouvelles grandes questions, je trouve. Nous qui étions convaincus de ce mode de vie, non pas qu'on l'ait tous mis de côté, mais du coup, nous qui étions convaincus, même nous, on a... pas forcément l'envie de directement s'installer, où on n'est pas encore profondément convaincu que c'est exactement la forme qu'on doit suivre, comment on fait pour motiver des gens qui ne s'y intéressent pas ?

  • Speaker #0

    Donc finalement, vous êtes repartis presque avec plus de questions.

  • Speaker #3

    Ah oui, ça c'est la conclusion. On a beaucoup plus de questions que de départ.

  • Speaker #0

    Est-ce que, malgré tout, dans les différentes initiatives que vous avez rencontrées, est-ce que vous retrouvez un fil rouge commun ?

  • Speaker #2

    En France, par exemple, on a vu vraiment beaucoup de choses différentes. Si on devait parler de lieux en collectif, c'est-à-dire des personnes qui ont décidé de vivre ensemble, je trouve qu'il y a deux grandes sortes de lieux qui sont ressortis. C'est les lieux qui, d'une part, les lieux avec des gens qui se sont retrouvés, qui se sont mis ensemble pour vivre collectivement de façon plutôt sobre, en tout cas, ça a presque toujours été le cas, de façon écologique et plutôt sobre, mais sans réel but de... Changer le monde, alors changer le monde c'est un grand Je sens le but de s'élargir ou de faire de grandes choses ou d'étaler ce mode de vie tout autour d'eux, tout ça, mais simplement l'envie de vivre ensemble avec amour et respect. D'autres, une deuxième catégorie de lieux qui faisait la même chose, parmi celles qu'on a vues, bien sûr. Une deuxième catégorie qui faisait la même chose que la première, mais avec des ambitions, des buts, des objectifs à moyen voire long terme.

  • Speaker #1

    Peut-être même la volonté d'influencer le monde.

  • Speaker #2

    Et d'ailleurs, il y a même un lieu qui nous a dit que leur ambition, c'était de changer le monde avec ce qu'ils faisaient en collectif. Donc, je trouve que c'est deux facettes qu'on a remarquées.

  • Speaker #3

    Une autre grille de lecture,

  • Speaker #2

    si je peux me permettre.

  • Speaker #3

    Même une autre grille de lecture, dans les communautés intentionnelles où les gens se disent on va vivre ensemble, il y a un objectif commun qui est par exemple de renouer. avec, je ne sais pas, le vivant autour d'eux, ou d'avoir vraiment une démarche plus sobre, comme tu disais, et de l'autre, des gens qui vont plutôt vouloir chérir un peu leur vie en communauté et retrouver déjà du sens dans la vie en collectif, en mettant un peu, pas au second plan, mais les objectifs écologiques du lieu ne sont pas en premier plan. Voilà, c'est une autre grime. Je pense qu'il y en a plein.

  • Speaker #2

    Mais pour conclure là-dessus, je dirais que, premièrement, même s'il y a peut-être des... des ressemblances dans certains lieux, ils sont complètement différents, vraiment. Il n'y en a pas un qui se ressemble à chaque fois.

  • Speaker #0

    En tout cas, on sent bien la diversité de ce que vous avez pu découvrir. On ne découvrira qu'un millionième sans doute de ce que vous avez vécu au cours de ces longs mois. Vous avez eu aussi l'occasion de vivre un peu des moments, je trouve, hors du temps. Je pense notamment à la fête de Rasa en Lituanie. Une réunion ancestrale qui fête l'épanouissement de la nature. Elle se tient en pleine floraison au jour du solstice d'été. Je vous propose un petit extrait vidéo.

  • Speaker #3

    La fête de Rasa, qui signifie la fête de la rosée, est célébrée depuis la nuit des temps par les Lituaniens et d'autres populations baltes. Elle a lieu chaque année au moment où le soleil est au solstice d'été. En début de soirée, on a retrouvé des hommes et des femmes parés de couronnes de fleurs en haut d'une petite colline et pour beaucoup habillés de tenues traditionnelles. Au son des dodités de longues trompettes en bois, tous sont passés sous un portail qui symbolise la séparation entre le monde profane et le monde sacré. Une invitation à laisser derrière cette porte tous ses problèmes personnels. Direction la rivière pour s'y purifier corps et esprit. Ils ont chanté des chants ancestraux tous ensemble et écouté des poèmes anciens en l'honneur de la nature. Un moment puissant, transportant, dont les rites sont transmis depuis des siècles. Ensuite, tous se sont rendus au pied d'un grand chêne. arbre considéré comme sacré pour s'imprégner de la fumée et métaphoriquement de la force de cet arbre, avant de remonter sur la colonne. Là-haut, chacun s'est adressé à son dieu ou à un autre esprit divin selon sa croyance, en y jetant de la poudre d'ambre en faisant un vœu. S'en sont suivis des danses collectives autour d'un grand feu au rythme d'un accordéon. Enfin, tous se sont rendus au lac et les femmes ont déposé leur couronne dans l'eau, sur une petite croix de bois avec une bougie, symbolisant le voyage de l'être humain sur la rivière de la vie. La légende veut d'ailleurs que... les couronnes d'un garçon et d'une fille qui se rencontrent prédisent leur union cette même année.

  • Speaker #0

    Alors, petite réaction à réécouter comme ça, quelques mois plus tard.

  • Speaker #1

    C'est assez drôle comme retour, de se replonger là-dedans. Je me rappelle, moi, des retours qu'on avait eus sur nos réseaux ou quoi, qui n'avaient pas forcément été très positifs. Je me rappelle d'une certaine incompréhension, un peu. D'ailleurs, moi, j'avais ressenti un peu de déception, parce que pour moi, j'avais trouvé ça incroyable. Mais un peu de... peur de la part des gens à l'extérieur de « mais qu'est-ce qui se trame ? Pourquoi les gens ils s'habillent comme ça ? » Peut-être parce que ça sort peut-être un petit peu de la culture et des mœurs, je ne sais pas.

  • Speaker #2

    Français,

  • Speaker #3

    oui. Du coup, il y a beaucoup de gens qui faisaient référence à ce film d'horreur « Midsommar » , et du coup on nous a dit « vous allez mourir » . Mais du coup,

  • Speaker #1

    ça pose des questions assez intéressantes. Qu'est-ce qui sort de ton carcan culturel de mode de vie ?

  • Speaker #0

    Oui, et puis je pense en plus de voir que Merci. Notre rapport aussi aux vivants, à la nature, etc., il est aujourd'hui relativement déconnecté, même quand on peut sembler proche. Il y a quand même, je trouve, une différence entre ce qu'on peut vivre en milieu urbain, de ce qu'on peut être, avec ce rapport avec des fêtes plus proches de la nature, qui peut encore se vivre dans certaines campagnes, en France en tout cas. Mais ça montre bien qu'en tout cas, ça vient quand même agiter quelque chose à cet endroit-là. qui montrent sans doute, à mon avis, une forme de déconnexion ou d'éloignement avec ça.

  • Speaker #1

    Oui, et puis là, en l'occurrence, ça pourrait engager une certaine reconnexion, mais du coup, plus spirituelle. C'est ça qui est intéressant. Parce qu'on a plutôt à aborder des lieux où même on a rencontré... On a rencontré des gens qui nous parlaient plutôt d'une reconnexion vraiment très technique, très scientifique, comment on gère une réserve, comment on gère une espèce qui disparaît. Alors que là, tu vois, c'était plus spirituel et du coup dans des choses qui sont plus abstraites, c'est peut-être ça qui peut rendre un petit peu plus inquiet.

  • Speaker #2

    Je pense qu'on était tous les trois assez étrangers et là on était entourés de personnes qui, au contraire, étaient absolument là-dedans. Au fond,

  • Speaker #3

    respect.

  • Speaker #2

    Au fond, respect. Respect et surtout une relation... très spirituel aux vivants, à la nature. Et c'est vrai que c'est quand on ne connaît pas.

  • Speaker #3

    Du coup, ça a amené beaucoup de questionnements. Justement, on nous disait, ça ressemble à une secte, etc. Et du coup, on en a tiré quelque chose de positif. C'est qu'on s'est posé pas mal de questions sur est-ce que dans ces lieux, il y a des dérives sectaires ? Est-ce que c'est tout un pan qu'on a un peu creusé, un peu cherché ? On a fait un peu nos recherches.

  • Speaker #1

    Et qu'au début on mettait de côté. Au début, moi je m'en rappelle vraiment réagir d'une façon assez réfractaire quand j'avais ce genre de retour. Mais il y a des risques de secte, quand vous faites des rondes avant de manger, c'est pas bizarre. Et en vrai, moi maintenant je comprends tout à fait qu'on peut avoir ce regard-là extérieur, et même de l'intérieur, il y a des risques très clairs de devenir une secte quand on est un collectif. De devenir ce qu'on appelle sectaire. mais du coup le fait d'avoir de diverses expériences nous a aidé à ouvrir aussi notre esprit là dessus et à accepter que ça ne faisait pas partie de la réalité des gens. Quand tu habites aujourd'hui dans une ville occidentale, ce n'est pas le genre de choses que tu fais régulièrement, de te rouler tout nu dans la rosée au matin, à l'aube, avec des colliers de fleurs. On ne le fait pas, mais...

  • Speaker #2

    On ne le fait pas depuis qu'on a découvert ça non plus.

  • Speaker #1

    Non. Pas toi ?

  • Speaker #0

    Mais ce qui est très étonnant, c'est que si... Vous aviez vécu cette expérience auprès de peuples autochtones au fin fond de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le regard, je pense, des gens, il aurait été aussi différent. Et le fait, en fait, finalement, de voir cette expérience et cette relation relativement spirituelle avec la nature, vécue dans des communautés qui, finalement, sont très proches de nous, de nos modes de vie actuels, finalement, on était en Europe, des Occidentaux, je pense que le rapport n'est pas le même. alors que Les hommes-fleurs en Papouasie-Nouvelle-Guinée, ça ne traumatise personne quand on regarde un documentaire.

  • Speaker #1

    Merci de mettre le doigt là-dessus, parce que c'est aussi quelque chose qui me dérangeait. Et c'est carrément... Enfin, je trouve ça super intéressant. Et il y a aussi un truc intérieur à creuser là-dedans sur notre rapport à l'exotisme. Enfin, je veux dire, on voit peut-être un peu trop l'Europe comme quelque chose de différent. Mais en fait, il y avait toutes ces communautés-là. Il y avait cette histoire ici en Europe. Et certains Pays-Baltes l'ont un petit peu gardée. Mais on avait aussi ça... Moi, je trouve ça super intéressant et merci de mettre le doigt là-dessus.

  • Speaker #0

    C'est là où on en revient à la question de l'imaginaire, des nouveaux récits autour du voyage, de la rencontre de l'autre. Est-ce que finalement, on est obligé d'aller à l'autre bout du monde pour vraiment rencontrer l'autre avec un grand A ? Pas forcément. On peut aller voir des gens qui sont très différents de nous et qui ne sont pas si loin.

  • Speaker #2

    Pas très différents de nous, pas si loin, oui, ça c'est sûr.

  • Speaker #3

    De pas de chez nous.

  • Speaker #0

    Dans votre projet, ce que je trouve vraiment intéressant, c'est que vous êtes finalement à la fois les auteurs, donc c'est vous qui êtes parti, vous êtes aussi les passeurs au travers du documentaire, et en même temps, vous êtes vraiment les témoins transformés par cette expérience, et il y a finalement cette triple dimension qui se mélange, en tout cas là, quand on vous écoute, qui ressort de manière assez forte, je trouve. Est-ce que vous vous attendiez à ce que... Justement, ces trois rôles se mélangent peut-être autant, viennent autant vous transformer, vous bousculer ?

  • Speaker #3

    Je dirais que c'est un juste milieu qui est en permanence en train de bouger et surtout qui n'est pas facile des fois je trouve à tenir. C'est-à-dire qu'on a envie de mettre en lumière toutes ces personnes qui agissent quotidiennement. et à la fois on veut permettre par notre histoire et par juste nous qui en est humainement, on veut faciliter cette... Comment dire ça ? On veut faire en sorte que les gens puissent s'accrocher, qu'ils puissent rentrer dans l'histoire de par juste notre bonhomme de chemin, qui n'est pas du tout incroyable, mais ça peut peut-être être plus facile qu'avec un documentaire arté qui va présenter très factuellement, et ça a tout son intérêt, je ne suis pas du tout là à dénigrer ce genre de travail journalistique. Et à la fois, en plus de ça, il fallait vivre le voyage pleinement, se laisser s'imprégner, laisser les différentes... Évolution de pensée, faire leur bonhomme de chemin dans notre tête et en même temps filmer tout ça pour pouvoir le documenter. Comment documenter, le partager, quelle place laisser à la communication finalement parce qu'on avait quand même beaucoup d'engagement. On avait donc les réseaux sociaux avec Instagram, on avait des vidéos YouTube, on avait des chroniques pour le Dauphiné, on avait des partenariats avec des écoles donc il fallait leur écrire des mails. Plus pendant le voyage on préparait un peu, on faisait des retranscriptions d'interviews. Donc finalement c'était vraiment un travail à plein temps. En même temps on vivait une forme de déconnexion et on prônait. Ce « ok, on se déconnecte, on prend le temps de vivre les choses et de s'imprégner » .

  • Speaker #0

    J'ai 12 heures de mail à envoyer.

  • Speaker #3

    Mais voilà, c'était difficile d'être à la fois l'auteur, le réalisateur, la personne qui le vit, le témoin.

  • Speaker #0

    Tout en vivant l'expérience à l'instant T et en se laissant embousculer par ce qui arrive.

  • Speaker #3

    On a très peur que ça devienne un égotrip. C'est un mélange de tout.

  • Speaker #2

    Super dur. Super dur d'être à la fois les trois. Vraiment, ça c'est... Je pense que c'était quelque chose dont j'avais peur un peu avant le départ. C'était des questions qu'on se posait déjà un peu avant le départ et qu'on s'est d'autant plus posées pendant le voyage. Ça a été source de tension, bien sûr, de devoir monter des vidéos YouTube, faire la communication Instagram, envoyer des mails, appeler les alternatives. En fait, il y a des jours, il faut s'imaginer qu'il y avait des semaines parfois qu'on passait à presque bosser. On restait à un endroit et on bossait parfois trois jours d'affilée. On ne faisait pas grand chose d'autre que d'être sur un ordi pendant un voyage comme ça. Passe un beau lac. Face à un bolac, alors voilà,

  • Speaker #0

    on essaie de... Le cadre était sympa, mais...

  • Speaker #2

    On essaie des cadres sympas, mais c'est la réalité du projet qu'on a fait. C'est pour ça qu'on préfère appeler ça un projet plutôt qu'un voyage. Il y a une dimension voyage, mais il y a quand même une énorme dimension projet qui laisse place à beaucoup de contraintes, en fait.

  • Speaker #1

    Et le jeu là-dedans, c'était pas de se perdre justement dans cette communication.

  • Speaker #2

    Trouver l'équilibre.

  • Speaker #1

    On se travaille et de garder quand même en tête qu'on part à la base pour nous, pour des questions intérieures. et qu'on doit suivre ce chemin-là et pas oublier un peu d'où vient la naissance de ce besoin profond et qu'on est parti pour essayer d'y trouver des réponses et pas que pour le partager.

  • Speaker #3

    Et gérer tout l'aspect voyage et vélo à côté. C'est-à-dire que... Oui,

  • Speaker #0

    c'est campus, il y a l'organe logistique.

  • Speaker #3

    On s'était fixé 80 km par jour. Dans les Pays-Baltes, la Pologne, on était quand même monté. Des fois, ça montait à des centaines. Il fallait... trouver le repas, on faisait deux fois les courses pour éviter de trop porter, il y avait trouver l'eau, gérer nos fatigues, nos corps. C'était tellement de paramètres à prendre en même temps. Il y a des moments où on a cru qu'on allait se perdre.

  • Speaker #2

    Oui, il y a eu des moments très très durs de tensions entre nous.

  • Speaker #0

    Oui, d'ailleurs à un moment vous êtes séparés.

  • Speaker #2

    On se fait une semaine.

  • Speaker #1

    C'est ça le souci, c'est que tout ça en général se répercute sur les relations humaines. Parce que c'est la seule personne sur qui on peut taper, on ne peut pas taper sur... le compte Instagram ou sur les contraintes ou sur ce qui nous tracke dans la tête. Malheureusement, c'est sûr qu'on a connu des moments.

  • Speaker #2

    Mais malgré ça, c'était aussi hyper riche de ce côté-là. Justement, on a mis le doigt sur des problèmes de communication, sur le fait d'être 24h sur 24 ensemble, collés. En hyper proximité. En hyper proximité. Dans la même temps. Même si je ne dormais pas avec Lou le soir, je dormais avec lui tous les soirs dans la même temps, collés. Et on était sur le vélo et puis on faisait les courses ensemble et on allait voir les alternatives ensemble. Avec Lou, c'est pareil. C'est-à-dire qu'on était tous les trois, 24 heures sur 24, ensemble, à presque tout faire ensemble. Et en fait, ça, forcément, ça a des conséquences sur la communication. Ça a des petits problèmes de communication qui font que ça mène à des tensions. Et on a travaillé là-dessus pendant tout le voyage. Ça a été un vrai sujet, la communication à trois. Et je pense que ça nous a beaucoup appris, ça nous a beaucoup fait grandir ce voyage là-dessus.

  • Speaker #1

    Et on apprend encore.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous avez appris les uns des autres ? Donc pour préciser quand même, on ne l'a pas dit très explicitement en tout début, mais Elio et Lou, vous êtes frères et sœurs, toi Pierre, tu es un de leurs potes. Comment justement, déjà peut-être dans votre relation de frères et sœurs, qu'est-ce que ça transforme ? J'imagine qu'il y a clairement un avant-après dans votre relation.

  • Speaker #3

    Je pense qu'on a... expérimenter ce qu'on pouvait voir dans les lieux de vie en collectif. C'était hyper intéressant, c'est-à-dire qu'on était là, on était avec la caméra, le micro, « Ok, comment vous faites pour vivre ensemble ? Est-ce que vous avez des règles ? Comment est-ce que vous faites ? » Et puis après, on se retrouve face, on s'embrouille pour rien, et puis on fait, en fait, c'est exactement la même chose, il y a une petite mise en œuvre de l'acteur humain, et comment est-ce que nous, on va prendre soin de la membrane de notre collectif ? Je reviens là-dessus, je pense que c'était surtout cette interview à la fin du voyage avec Marine Simon, où elle nous parlait de ça. qui est du coup une... je sais même pas dire, je sais juste qu'elle anime des... elle a écrit des livres...

  • Speaker #2

    Les ateliers du travail qui relient.

  • Speaker #3

    Ouais voilà c'est ça.

  • Speaker #2

    Par le service notamment.

  • Speaker #3

    En intelligence collective et puis en fait tu écoutes l'interview et tu fais ah ouais bon en fait c'est exactement ce que nous on pourrait faire et du coup je trouve ça hyper intéressant après on en sort changé ça c'est sûr, moi je sais que Pierre il est pas du matin, moi je suis je sais pas, moi je suis relou quand je suis fatiguée et puis

  • Speaker #2

    Lou a besoin de mon... J'ai des petites doses de nourriture toute la journée, alors qu'avec Elio, on se pète le bide le matin et le midi, et le soir, mais vraiment ponctuellement.

  • Speaker #3

    J'ai réquis à quoi dans les sacoches ?

  • Speaker #2

    Moi j'ai le sommeil léger, j'ai besoin de boules qui aient, Elio n'en a pas besoin du tout.

  • Speaker #1

    Ça on va peut-être trouver des équilibres avec les besoins de chacun, donc un peu comme tu dis, ce qu'on retrouve dans des... de collectif parce qu'au final, c'est des problèmes de la vie de tous les jours. Sauf que le voyage à vélo nous force à mettre les problèmes sur la table et en discuter. On ne peut pas mettre sur le tapis et dire qu'on en parlera plus tard. En fait, ça les sort. Sauf que ça les sort au moment où on est fatigué, où on a peur, où on est stressé. Du coup, souvent, c'est facilement...

  • Speaker #2

    C'est ça qui est dur. Tu t'embrouilles, mais c'est pas chacun rentre chez soi et après, on en reparle le lendemain. C'est qu'on est tout le temps ensemble, donc on est obligé d'en parler tout le temps. Donc chaque problème, il faut en parler, il faut le régler, on est obligé, sinon on n'avance pas.

  • Speaker #0

    En tout cas, ce projet, il parle aussi beaucoup de la jeunesse, la vôtre, celle que vous portez en étant trois jeunes qui décident de se lancer dans cette expérience. Est-ce que vous avez ressenti aussi peut-être cette forme de responsabilité qu'on évoquait en début d'entretien en tant que jeune ?

  • Speaker #3

    Moi, je pense que c'est difficile. Je me sens pas du tout... Le symbole ou... Comment dire ? Je ne pense pas que je représente la jeunesse ou quoi que ce soit parce qu'il y a tellement de profils différents dans la jeunesse. Et surtout, je sais que je viens d'un milieu privilégié et que j'ai grandi en Haute-Savoie, à la frontière suisse. Je ne me sens pas du tout comme étant vraiment quelqu'un qui symbolise la jeunesse. Après, moi, de par mon parcours, est-ce que je sentais la responsabilité, comme je le disais au début ? Oui, dans le sens où... dès qu'on s'informe, comme disait Pierre tout à l'heure, je suis arrivée dans le voyage avec plein d'informations sur l'effondrement, sur le fait qu'on sait que juste la manière dont on vit mondialement, ça n'est plus du tout soutenable et d'ailleurs pas souhaitable. Moi, je ne veux plus que mon confort dépende de plein de gens au détriment de leur vie et de juste leurs besoins primaires. Je n'ai pas du tout envie que ma façon de vivre détruise le vivant qui nous entoure et que pour l'instant, tout ce qu'ils nous montrent, tous les rapports scientifiques, tous les chiffres, on ne va pas les ressortir. on les... on les connaît, tout ça nous montre que ça ne va pas. Donc évidemment qu'on sent une responsabilité. Et en même temps, des fois, on a un peu envie de dire « c'est pas mon dos, je suis fatiguée » .

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, peut-être une responsabilité générationnelle, j'aime pas trop dire ça non plus, mais n'empêche qu'on sent bien, en tout cas, qu'on va pas pouvoir continuer comme ça, et qu'il y a autre chose à inventer, et qu'aujourd'hui, c'est pas mis en place. Donc, qu'est-ce qu'on fait face à ça ? On peut le regarder d'un point de vue purement personnel. Bon, mes enfants, dans quel monde ils vont grandir ? Si je veux avoir des enfants, on se rend bien compte qu'il va y avoir quelque chose à changer tout de suite pour nous et pour eux, si on veut leur offrir quelque chose d'un minimum souhaitable et vivable, et surtout pouvoir se regarder peut-être dans la glace et être à peu près droit dans ses chaussures.

  • Speaker #2

    C'est ça, je pense qu'on ne se dit pas, nous trois, qu'on doit faire, on doit s'engager, on doit porter cette jeunesse ou je ne sais quoi, ça vient vraiment du... C'est automatique, en fait, sachant tout ce qu'on sait aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Mais dans le documentaire, en tout cas, vous allez incarner trois jeunes qui se posent des questions et qui sont allés chercher des réponses. Et donc, il y a forcément, en tout cas, dans le fait de transmettre aux gens au travers du documentaire, il y aura nécessairement, en tout cas, ce regard-là porté sur vous, de vous dire, ben voilà, il y a trois jeunes là qui n'ont pas voulu rester inactifs.

  • Speaker #1

    n'est pas prétend pas incarner le...

  • Speaker #2

    C'est sûr qu'il y a un but qui est clair et tu as raison là-dessus, c'est qu'on a envie de faire un film aussi pour inspirer, pour que ce qu'on a vécu et les questions qu'on s'est posées, nos évolutions de pensée, puissent amener peut-être aux mêmes réflexions, en tout cas à des personnes, à des jeunes qui pourraient être dans les mêmes situations que nous, ou qui n'auraient pas forcément l'occasion de faire la même chose que nous, mais qui puissent regarder un film qui retrace. ce que nous on a vécu, qui peut être intéressant sans prétendre que ça va changer la vie de beaucoup de gens, évidemment que non, mais que ça puisse semer des petites graines.

  • Speaker #3

    Et de nouveau, avec cette idée de part, on a un modèle à vous présenter, c'est un panel d'alternatives non exhaustives qu'on est allé voir. On peut piocher, on peut s'inspirer, on peut se dire ça c'est exactement ce que je ne veux pas, alors que ça, il y a quelque chose d'intéressant. Et le but, c'est ça, c'est de provoquer de l'espoir actif. Après, est-ce qu'on va réussir ? C'est un énorme défi. Parce qu'on a tous les rushs, on est en train de construire le synopsis pour revenir un peu sur ce fameux film documentaire dont on parle depuis si longtemps. Ça prend tellement de temps. Est-ce qu'on va réussir à transmettre ce que nous, ça nous a montré, ce que nous, ça nous a transporté ? Je ne pense pas, en tout cas pas de la même manière, mais est-ce que ça va pouvoir ? Susciter des choses, est-ce que ça va pouvoir donner des idées, est-ce que ça va pouvoir inspirer ou donner de l'envie à certaines personnes ? On va essayer de le coupler avec les événements locaux en tout cas, on va essayer de faire des ciné-débats. L'idée pour l'instant serait de faire une tournée d'avant-première dans laquelle au moins deux de chacun de nous pourraient être là sur place pour pouvoir discuter avec le public en intelligence collective et faire émerger... Soit des idées, soit des questionnements, des critiques, peu importe. Et peut-être le coupler à des événements locaux en partenariat avec des associations, des tiers-lieux, des collectivités. Pour l'instant, c'est les projets qui sont en tête. C'est ça.

  • Speaker #0

    Donc là, vous êtes dans la partie production, réalisation du film, du documentaire. Où est-ce que vous en êtes ?

  • Speaker #2

    et bien depuis qu'on s'est on a terminé le voyage on s'est donné quelques mois de souffle avant de s'installer à Lyon, donc on est tous les trois à Lyon maintenant, pour commencer à écrire l'histoire. Parce que c'est bien beau, on a plein de rushs, on a 8 teras de rushs en tout, ce qui est énorme. Mais on n'a pas d'histoire. On n'a pas d'histoire. On a énormément d'interviews, de lieux, mais on va pas tout mettre. Et on va devoir sélectionner et savoir l'histoire qu'on veut raconter. Et donc on est là-dessus actuellement.

  • Speaker #1

    On découvre un nouveau milieu, ouais. Le monde du cinéma, on n'est pas du tout issus de ce milieu-là, donc... C'est pas évident, mais je dirais que la partie projet était quand même très personnelle dans la motivation profonde, parce que c'était un besoin. La partie film, les moins. On n'est pas passionné de cinéma, on n'a pas eu envie de faire un film et après on s'est dit « qu'est-ce qu'on fait comme projet ? » C'est plutôt « bon, en fait, on s'est rendu compte qu'il fallait le partager » . Je pense que c'est en ça que notre projet, on peut quand même le reconnaître, qu'il y a une volonté de partage et qu'il n'est pas du tout que personnel. Il y a vraiment une volonté de pouvoir le mettre à libre disposition. et que quelqu'un qui un jour se pose des questions à peu près similaires aux nôtres puisse avoir en ressources libres tout le chemin qu'on a fait et le travail qu'on a suivi, parce que c'est quand même beaucoup de travail. Et que voilà, on le fait de cette façon-là, on le fait aussi pas que pour nous. Et le but, c'est vraiment de le partager et que ça puisse peut-être inspirer.

  • Speaker #3

    Pour l'instant, on essaye de trouver un équilibre. On est tous les trois du coup en emploi sur Lyon ou ses alentours et à temps partiel. Avec plus ou moins d'heures par semaine et pas forcément les mêmes jours. Donc c'est aussi trouver des moments de réunion, trouver le compromis entre à la fois nos équilibres de vie personnelle et ce film et le temps de travail qu'il représente.

  • Speaker #0

    Plus de 10 000 kilomètres à vélo, 13 pays, 9 mois de voyage. Arrive le retour, le moment du retour, les derniers jours. Puis le dernier jour. Je vous fais écouter à nouveau un petit extrait.

  • Speaker #3

    C'est le tout dernier jour de voyage. Ça nous a fait bien bizarre ce matin de prendre notre dernier petit-déj tous les trois. On s'apprête à descendre le Salève, là où on est actuellement. Un peu dans le brouillard d'ailleurs, mais on sent que ça va se lever. Et on se donne rendez-vous à la salle communale. à 18h et ça nous ferait super plaisir de vous voir.

  • Speaker #0

    Alors là, il y a la famille, les amis, les copains qui vous attendent au retour. Là, dans la tête, il se passe quoi ?

  • Speaker #3

    J'ai envie d'une douche. En vrai, de vrai.

  • Speaker #1

    Si on en a envie,

  • Speaker #3

    on peut en prendre une.

  • Speaker #0

    Encore aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Non, non, non, je pense qu'il se passe beaucoup de choses.

  • Speaker #3

    Je rigole, mais il se passe beaucoup de choses.

  • Speaker #1

    À la fois beaucoup de choses, à la fois pas grand-chose, parce que du coup, je trouve que... Moi, j'avais eu l'impression, en tout cas c'est mon impression, mais j'avais eu l'impression de pouvoir déjà pas mal digérer un peu ce qu'on avait vu. Pas du tout cette sensation d'un coup débarquer et de revenir à quelque chose. En fait, là aussi, encore une fois, le voyage à vélo offre un certain temps de voyage, de déplacement, qui laisse, je trouve, le temps à l'esprit de s'adapter, de... de se préparer à revenir ou quoi. Donc juste pour moi, beaucoup d'amour et de bonheur de retrouver la famille, les proches, tous les gens qui nous suivent. Et pour moi, ce sera principalement ça.

  • Speaker #2

    Oui, oui, c'est ça, Elio a raison. C'est vrai qu'on a le temps de se préparer à l'arrivée. C'est pas un vol en avion où on traverse la plage.

  • Speaker #0

    Il n'y a pas l'avant-après. Il y a quand même une forme de cheminement.

  • Speaker #2

    C'est plus un cheminement qu'un avant-après, c'est vrai. Plus ressenti comme ça. Et moi, personnellement, il y avait un peu cette sensation qu'on s'était fixé un certain temps de voyage. Et donc, le moment venu, il y a un peu cette hâte de rentrer aussi quand même et de se poser. Je me souviens que quand même les deux derniers mois étaient fatigants. On sentait vraiment une fatigue accumulée des sept derniers mois. Et ouais. Le dernier mois surtout, fatiguant, on sentait qu'on devait plus se reposer qu'avant, on était moins en forme, et donc il y avait aussi un peu l'envie de souffler, de se poser et de pouvoir dormir.

  • Speaker #3

    En fait nos vélos, comme on ne les avait pas assurés, parce que l'assurance était à hauteur de je ne sais plus combien, une centaine d'euros, mais finalement ça ne couvrait pas du tout notre matos matériel, matos etc. Donc on est non-stop avec nos vélos, peu importe ce que tu fais 24h sur 24. tu as tes vélos, sauf dans les lieux peut-être où on pouvait les mettre forcément ça rajoute un peu de challenge parce que finalement on est non seulement tout le temps ensemble mais non seulement également tout le temps avec un vélo 4 sacoches et 30 kilos de bagages avec nos affaires donc c'est vrai que des fois de pouvoir le poser et de dire ok bah là j'ai pas à m'en occuper avec la responsabilité que ça représente, il y a des fois on se faisait la réflexion de dire si quelqu'un part avec mon vélo est-ce que du coup on arrête le film ? Comment est-ce que ça se passe ? Alors là-dessus, moi, je disais au début, pas de souci, ne vous inquiétez pas, les gars, j'ai le sommeil super léger. Moi, je me réveille en deux spits, il n'y a pas de souci. Et en fait, un matin, je me réveille et il y a Elio qui me dit, mais tu n'as pas entendu ? je suis dans ma petite tente solitaire, là mon petit cercueil est parfait. Et il me dit, il y a un camion, un semi-remort qui est venu déposer des toilettes publiques à côté de ta tente, mais à 3 mètres. Tu n'as rien entendu. Je dis, alors moi, je t'avoue que là, les 100 kilomètres derrière, je crois que ça m'a cané. Du coup, il y avait une certaine responsabilité.

  • Speaker #1

    On a commencé à accrocher les vélos.

  • Speaker #3

    Oui, on avait un petit fil avec une petite clochette comme ça. Après, on a mis les cadenas. Et oui, du coup, comme tu disais, Pierre, de la fatigue, cette charge mentale. Moi, j'ai retrouvé la personne dont j'étais amoureuse. Donc forcément, il y avait aussi beaucoup d'attentes. Il y avait cette fin de voyage. Merci. Je pense pas qu'on l'a vécu, enfin je veux pas m'avancer mais je pense pas qu'on l'a mal vécu. Je pense qu'on était tous les trois heureux de rentrer et l'envie de prendre une pause pour pouvoir mieux se mettre sur le film après.

  • Speaker #0

    Alors pour finir, la question que j'avais envie de vous poser c'est finalement est-ce que demain c'est mieux après ce voyage ?

  • Speaker #3

    On aimerait bien qu'aujourd'hui ça soit bien.

  • Speaker #2

    Je sais pas, cette question... Est-ce que demain sera mieux ? Franchement, peut-être que ça s'entend que je ne suis pas très optimiste.

  • Speaker #0

    L'hésitation laisse planer un questionnement.

  • Speaker #2

    Non, c'est vrai qu'on a choisi ce nom de projet assez tôt.

  • Speaker #1

    Tu l'as dit ? Il t'évoque quoi ce nom ?

  • Speaker #0

    Demain c'est mieux. Pour moi, c'est... Par exemple, pour le podcast, je m'étais posé la question de l'appeler Demain. Enfin, ou avoir un truc autour de Demain pour montrer qu'en fait... Ouais, on... Demain est déjà là. Je crois que c'était ça le titre auquel j'avais pensé. Je trouve que justement, ils se projettent sur c'est quoi le monde de demain qu'on veut. Et donc, effectivement, avec une approche un peu optimiste et pleine d'espoir. Bon,

  • Speaker #3

    spoiler, ce ne sera pas le nom du film. Ça, bien sûr. On a entendu parler de Demain, c'est mieux. Mais surtout parce que je ne sais pas si c'est la mentalité dans laquelle on revient.

  • Speaker #1

    Le message profond, il n'est pas spécialement optimiste dans le sens, demain c'est mieux, vous inquiétez pas. Même je pense que, moi je me confère bien plus comme pessimiste que comme optimiste. Par contre, ce qui est intéressant, c'est le pessimiste plus le actif. Même si je sais que ça va être compliqué, je fais tout pour que ça puisse aller mieux. Donc c'est, demain c'est mieux parce que je change aujourd'hui, parce qu'on peut changer les choses aujourd'hui. Je pense que c'est vraiment ça. Non,

  • Speaker #2

    c'est ça, c'est exactement ça. C'est être pessimiste, c'est pas mal en fait. C'est normal d'être pessimiste dans le monde dans lequel on vit aujourd'hui. Par contre, être un pessimiste qui ne fait rien ou qui reste dans cette mentalité du tout est foutu, c'est peut-être un peu dommage. Nous, je sais qu'on n'est pas là-dedans. Il y a des choses qui vont très mal se passer, ça va être très dur. On va vers un monde avec plein de changements et vraiment plein de difficultés. On est déjà dans un monde avec plein de difficultés, mais ça va être de...

  • Speaker #0

    On va dans le pire quoi. Et donc, le savoir, en être conscient, l'accepter, mais être dans l'action et dans l'optimisme de faire des choses pour que ça change quand même un peu.

  • Speaker #1

    Faire pour garder et conserver ce qui nous est vraiment important et pouvoir l'appliquer demain. En fait, c'est à la fois très difficile et à la fois c'est une chance, j'ai l'impression. C'est un peu dur de dire ça parce qu'on sait qu'on est privilégié, etc. Mais en tout cas, nous, avec le privilège qu'on a, je ne peux pas passer à côté de la chance d'essayer de faire quelque chose et d'essayer de même prendre des risques, à nous exposer, que ce soit sur les réseaux, à faire tout ce projet, un film qui peut-être ne va pas marcher, je ne sais pas. C'est des risques, mais en fait, on ne peut pas passer à côté. Il y a vraiment quelque chose à réinventer. Nous, on veut être déjà la passerelle de gens qui ont commencé, et pourquoi pas nous s'en inspirer. De toute façon, j'ai un peu l'impression qu'il n'y a que ça à faire.

  • Speaker #0

    Le sentiment d'aller dans le bon sens, surtout. de ne pas être à contresens de ce qu'on devrait faire dans ce monde. Avec tout ce qu'on sait aujourd'hui, c'est difficile d'avoir une vie, d'avoir une vie, entre guillemets, normale, sans se soucier de tout ce qui se passe autour. Je pense que forcément, quand on est informé, nos actions quotidiennes, que ce soit notre vie ou notre mode de vie, doivent s'adapter à ça et doivent le prendre en compte, en tout cas.

  • Speaker #2

    J'étais en train de sélectionner deux citations qui viennent illustrer exactement vos deux propos. Je les avais notés, il y en a un de Jean-Marc Gansil qui dit « Je reste viscéralement accroché à l'idée qu'il faut faire de son mieux pour limiter la souffrance que peuvent et pourront provoquer les prévisions pour soi et pour le collectif » . Donc c'est exactement ça, je trouve qu'on se retrouve là-dedans. Et par rapport à cet espoir actif, ou en tout cas que tu disais, le pessimisme est plus de l'action derrière. C'est Emmanuel Caplin dans son film « Une fois que tu sais » . J'ai noté juste son extrait et je le relis parfois, c'est « L'espoir n'est certainement pas la même chose que l'optimisme » . Ce n'est pas la conviction que quelque chose se passera bien, mais la certitude que quelque chose a du sens, indépendamment de la façon dont il se termine. Et moi, je...

  • Speaker #0

    Cette dernière, elle est très bien.

  • Speaker #2

    Je pense que c'est plutôt dans ce mindset-là qu'on revient. C'est pas avec de l'optimisme et en mode, bon, on va trouver des solutions. Ça va être très sûrement, et c'est déjà compliqué pour beaucoup d'entre nous. C'est extrêmement injuste et ça n'est pas désirable, en tout cas, de mon point de vue. Et donc autant faire toutes les choses pour essayer de limiter la souffrance pour soi, pour le collectif, et tout faire dans l'optimisme, en se disant « sûrement ça ne va pas se passer super top, mais autant faire tout ce qu'on peut, peu importe l'issue. » Je crois que c'est beaucoup...

  • Speaker #1

    Et en plus, on compte qu'on a beaucoup à y gagner. Donc qu'on peut y être plus heureux, qu'on peut y être plus épanoui, plus proche de... Avec plus de temps pour sa famille, avec plus de temps pour soi, avec plus de temps pour faire ce qui donne vraiment du sens dans nos vies. Et en fait, je pense que naturellement, on ira vers ça. Après, est-ce que ça va se faire dans la précipitation et dans la douleur ? Ou est-ce qu'on va encore réussir à saisir cette opportunité du temps ? On a le temps de choisir. Ça, c'est à nous d'en décider.

  • Speaker #0

    En tout cas, c'est sûr que demain, c'est mieux. On n'est pas dans l'optimisme du tout va bien se passer. Ne vous inquiétez pas. Évidemment, on n'est pas là-dedans.

  • Speaker #3

    Pas du tout.

  • Speaker #2

    Je pense pas déjà très mal pour d'autres personnes, mais c'est très douloureux de savoir.

  • Speaker #3

    Et puis, comme le dit Mathieu Baudin, le directeur de l'Institut des Futurs Souhaits Stables, au pire, ça marche. Et je trouve que ça permet justement de ne pas rentrer dans une espèce d'optimisme béat, mais de se dire, à défaut, on aura au moins été dans l'action et on aura au moins fait quelque chose. Merci beaucoup à tous les trois pour ce témoignage éclairant qui fait du bien, tout en étant... extrêmement lucide. Et puis rendez-vous pour la sortie du documentaire.

  • Speaker #2

    Merci à toi pour tes questions et pour ton engagement au travers de ton travail.

  • Speaker #0

    Merci.

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