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ENFANT DE LA SHOAH

ARLETTE - 10 ans - 4EME partie - "POURQUOI MOI JE SUIS REVENUE ET PAS LES AUTRES ? "

ARLETTE - 10 ans - 4EME partie - "POURQUOI MOI JE SUIS REVENUE ET PAS LES AUTRES ? "

17min |30/07/2025
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17min |30/07/2025
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Description

Originaire de Pologne, Abraham, le père d’Arlette, avait choisi la France pour y construire sa vie. « Le pays des droits de l’homme », disait-il avec conviction.

Mais en mai 1941, il est arrêté lors de la rafle du billet vert.

Quelques mois plus tard, il est déporté vers Auschwitz. Il n’en reviendra jamais.

Arlette n’a alors que neuf ans.

Le 16 juillet 1942, elle est arrêtée avec sa mère et sa sœur lors de la rafle du Vélodrome d’Hiver.

Après plusieurs jours d’enfermement, elles sont transférées à la gare d’Austerlitz. Un train les attend : un wagon à bestiaux, direction le camp de Beaune-la-Rolande.


Elles y resteront un temps, jusqu’à ce que la mère d’Arlette réussisse à s’enfuir grâce à un mensonge audacieux : elle affirme aux gardiens que son mari possède des usines utiles aux Allemands, ce qui est vrai, et qu’on les attend à Paris, ce qui l’est moins.

La supercherie fonctionne. Profitant d’un relâchement dans la surveillance du train, elle s’échappe avec ses deux filles. Elles marcheront de longues heures pour regagner Paris.


D’abord réfugiées chez une voisine, elles entrent alors dans un réseau de solidarité un circuit comme celui bien connu de l’OSE, discrets, clandestin qui sauve des enfants juifs en les plaçant à la campagne.


Ce circuit, la maman d’Arlette  l’appelle « la filière des facteurs »


Voici le quatrième et dernier épisode du témoignage d’Arlette, 10 ans, enfant de la Shoah.



🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à Alexandre Bande et à Néo Verriest pour leur aide précieuse❤️


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire des enfants cachés en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Jusqu'à présent, je culpabilise beaucoup, beaucoup. Pourquoi moi je suis revenue ? Pourquoi les quatre familles qui étaient avec moi dans l'immeuble, personne n'est revenu, aucun enfant. Pourquoi je suis là ? Donc en témoignant, je les fais revivre, sinon on les oubliera complètement.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Originaire de Pologne, Abraham, le père d'Arlette, avait choisi la France pour y construire sa vie. Le pays des droits de l'homme, disait-il avec conviction. Mais en mai 1941, il est arrêté lors de la rafle du billet vert. Quelques mois plus tard, il est déporté vers Auschwitz. Arlette n'a alors que 9 ans. Le 16 juillet 1942, elle est arrêtée avec sa mère et sa sœur lors de la rafle du vélodrome d'hiver. Après plusieurs jours d'enfermement, elles sont transférées à la gare d'Osterlitz. Un train les attend, un wagon à bestiaux, direction le camp de Beaune-la-Rolande. Elles y resteront un temps, jusqu'à ce que la mère d'Arlette réussisse à s'enfuir grâce à un mensonge audacieux. Elle affirme au gardien que son mari possède des usines utiles aux Allemands, ce qui est vrai, et qu'on les attend à Paris, ce qui l'est moins. La supercherie fonctionne. Profitant d'un relâchement dans la surveillance du train, elle s'échappe avec ses deux filles. Elles marcheront de longues heures pour regagner Paris. D'abord réfugiées chez une voisine, elles entrent alors dans un réseau de solidarité, un circuit comme celui bien connu de l'OSE, discret. clandestin, qui sauvent des enfants juifs en les plaçant à la campagne. Ce circuit, la maman d'Arlette l'appelle la filière des facteurs. Voici le quatrième et dernier épisode du témoignage d'Arlette, 10 ans, Enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que c'est que la filière des facteurs pour ma mère ? C'était qu'avant la guerre, comme je vous ai dit, on ne partait pas en vacances. Mais les petits parisiens qui avaient mauvaise mine... La Croix-Rouge venait dans les écoles, prenait les enfants, disait voilà on peut les envoyer dans des fermes où ils auront du lait, une bonne mine et tout ça. Donc les enfants allaient dans les fermes, mais qu'est-ce qu'ils faisaient les enfants ? Ils écrivaient des cartes postales aux parents. Donc les facteurs connaissaient les fermes. Donc un jour on a vu arriver une... Une brave femme qui a pris ma soeur et moi-même par la main et qui nous a emmenées en Touraine, à Vendôme. Je vous ai dit, je suis née à Paris. En fait, non, je suis née à Vendôme. Parce qu'on est arrivées dans cette famille, mais simple, pauvre, vous ne pouvez même pas imaginer. C'était minuscule. Il y avait deux pièces grandes comme ça et c'est tout. Une plus petite que ça qui servait de chambre au couple. Et puis une autre où il y avait la cuisinière brûlée en permanence du feu. On faisait la cuisine, la lessive, l'eau, enfin tout était là. Et son mari avait construit un espèce de faux lit qui devait faire trois mètres sur trois mètres. Il avait mis des sacs de... en jute, il avait mis de la paille et de la balle d'avoine qui nous servait de matelas et on dormait là. Et qui dormait là ? Il y avait six enfants juifs. On a vécu là-bas comme des pirates. Sans papiers, sans rien du tout. On ne nous a rien demandé. On faisait comme tout le monde. On allait au catéchisme, on allait par intermittence à l'école, parce qu'il n'y avait pas vraiment d'école, parce que beaucoup d'instituteurs se cachaient pour la STO et tout ça. Donc on a vécu très heureux, vraiment comme des pirates, elle elle élevait des lapins. On a été très, très, très heureux chez eux. Je vous dis, j'ai fréquenté le catéchisme. Je peux vous chanter toute la messe en latin. Même un jour, il y a le curé qui vient me trouver, qui me dit, "Arlette, est-ce que tu aimes les fraises ?" Donc, j'ai été séparée de ma soeur parce qu'elle allait dans un groupe plus vieux, plus grand. Je dis, "oui, mon père". Il m'a emmenée dans son petit jardin de cure. Et j'ai mangé des fraises toute la journée. Et je rentre le soir chez les... On l'appelait la Jeanne, elle s'appelait Jeanne et lui s'appelait Jean. Donc je rentre le soir chez la Jeanne. Je dis, "vous savez, la Jeanne, le père, il m'a emmené dans son jardin de cure. J'ai mangé des fraises toute l'après-midi". Eh bien, figurez-vous que le lendemain, il y a une voisine, je la vois encore, costaude, qui contourne la maison où on habitait, où on passait par le petit jardin, le chemin. Elle a ses deux poings sur les hanches et elle appelle la Jeanne, "la Jeanne, il faut que je vous raconte". "Qu'est-ce qui se passe ?" "Vous ne devinerez jamais. Figurez-vous qu'hier, il y a eu une descente de la Gestapo chez notre brave curé, soi-disant, il cache des enfants juifs". Il m'a sauvée, c'est vrai que les fraises maintenant, c'est vrai que c'est mon fruit préféré. Mais vous vous rendez compte ? Je n'ai rien demandé, rien dit. Rien du tout. Il a sauvé une enfant juive. Voilà la France. C'est celle-ci que j'aime. Ma mère est rentrée clandestinement plusieurs fois sur Paris, a brisé les scellés et leur a apporté de l'argent. Mais l'argent, ce n'était pas tellement un moyen de transaction. C e qui était plus important, c'est ce qui manquait. La France manquait de tout. Ma mère avait beaucoup, beaucoup de linge de maison, des draps, des nappes, des serviettes du damassé. Elle le teignait en noir et en marron. Elle faisait des pantalons et des jupes pour les paysans. Et ça, c'était des monnaies d'échange, plus que de l'argent. Mais on les a payés, c'est vrai, mais ils le méritaient plus qu'aux centuple, plus qu'au centuple. Alors ma maman, elle, c'était une excellente cuisinière, une excellente couturière. Elle ne pouvait pas rester chez la Jeanne, c'était trop petit, puis elle ne pouvait pas la garder. Donc elle se louait dans les fermes avoisinantes, elle se louait partout. Et comme elle avait gardé ce petit accent, elle se faisait passer pour Alsacienne. Et on disait "l'Alsacienne, pour les communions, elle fait des brioches avec des nattes. C'est magnifique!" Elle faisait des Halots, en fait. Elle ne faisait rien d'autre. Elle fait des gâteaux avec l'eau des pommes de terre. Vous savez ce qu'elle faisait ? Elle prenait des pommes de terre, parce que les paysans en avaient, elle râpait les pommes de terre, et en râpant les pommes de terre, elle faisait des rostis avec. Mais l'eau qui s'écoulait, il suffisait de la laisser pendant 48 heures, l'eau s'évapore, vous avez de la fécule de pommes de terre. Et c'est ce que l'on fait a Pessah pour faire les gateaux. Et elle faisait des gâteaux avec l'eau des pommes de terre. On disait, l'alsacienne, elle sait tout faire. Donc ma mère se cachait dans les environs, dans les fermes avoisinantes. Et on la voyait, elle venait nous voir de temps en temps. On est resté chez la jeune pratiquement jusqu'à la fin de la guerre. Juste les derniers mois où elle n'a pas... pu nous garder, il a dû avoir une dénonciation où elle a eu très peur. Elle a retrouvé ma mère dans une des fermes, il y avait ce que l'on mange actuellement, les champignons de Paris venaient tous de Vendôme. Il y avait plus d'une quinzaine de champignonières, ça fait des kilomètres et des kilomètres de long et on s'est caché dans ces champignonières. On n'était pas les seuls parce qu'il y avait des réfugiés. français qui avaient subi les bombardements et qui se cachaient aussi dans ces champignonières. Ma mère sortait la nuit pour nous chercher à manger dans les fermes qu'elle connaissait et la journée on jouait, on sortait comme ça. C'était les vacances éternelles. Vendôme c'était extraordinaire. Je vous raconte un fait magnifique, vraiment on va terminer là-dessus. Je jouais dehors et la jeune ne voulait pas que je sorte. Et juste en face, il y avait le quartier général, le commandantur des Allemands, qui était là vraiment en face de la maison où on habitait. En fait, c'était une maison de rendez-vous, c'était un bastringue, où les Allemands retrouvaient des filles, vous savez, pendant la guerre, s'amusaient avec de la musique. Donc pourquoi je reviens à ça ? Parce que moi qui suis insupportable, je joue dehors. La Jeanne ne veut pas. Un jour, il y avait plein d'Allemands qui passaient pour aller dans cette maison-là. Il me dit « va t'arriver quelque chose » . D'ailleurs, il y a un Allemand, un jour, qui est passé, il m'a vue, il m'a prise dans ses bras, il est parti en permission, et il m'a rapporté une petite poupée d'Allemagne, s'il avait su que c'était pour une enfant juive. Enfin, ce n'est pas pour ça que je vous raconte ça. C'est que la Jeanne avait très peur. Elle me dit « un jour, il va arriver quelque chose, ne sors pas » . Et moi, je n'écoute pas. Il est arrivé ce qui devait arriver. Et l'Allemand me prend dans ses bras. Et ils m'emmènent dans ce quartier général. Et là, il y a plein d'Allemands. Il y a des filles, il y a des Allemands. Et qu'est-ce qu'on demande à une petite fille ? "Comment tu t'appelles ?" "Je m'appelle Arlette." "rlette comment ?" Là j'ai 9 ans. 10 ans. Et je sais que je ne peux pas dire mon nom. Je porte un nom typiquement juif. Je m'appelle Reiman. Si je dis le nom, La Jeanne va être arrêtée, le Jean aussi, c'est fini. Je sais que je ne peux pas le dire. Je regarde l'allemand et ils insistent. "Arlette comment ?" Ce n'est pas de l'intelligence. Je l'ai regardé, comme une petite fille qui ne sait pas. Je lui ai dit "Arlette tout court". Et lui, il n'a pas compris le français. Il ne comprend pas le français. Il a cru que tout court, c'était un nom français.

  • Speaker #1

    Une spontanéité mêlée d'insouciance qui permit à Arlette d'assister quelque temps plus tard à la libération. Elle se souvient encore aujourd'hui de ces cloches joyeuses qu'elle entendit avec sa maman avant d'Aume. Mais elle se souvient aussi des terribles scènes d'épuration qui suivirent. Femmes accusées de collaboration trainées sur les places publiques, le crâne rasé, exposées aux crachats et aux insultes d'une foule assoiffée de vengeance. Après la libération, les deux enfants demeurèrent quelques temps à Vendôme. Leur mère entreprit alors des recherches désespérées pour retrouver la trace de son mari. Une période d'attente terrible, où l'espoir le disputait à l'angoisse, où chaque jour apportait son lot d'incertitudes.

  • Speaker #0

    Elle est rentrée sur Paris, où elle faisait la navette entre la gare de l'Est, l'hôtel Lutetia, c'était l'horreur. C'était l'horreur totale. Ma mère espérait tellement, tellement qu'il revienne. Elle ne pensait qu'à ça. Ça a été un couple fusionnel. Ma mère, a connu mon père à l'âge de 13 ans. Ils s'étaient promis le mariage. Lui, il a émigré en France. Il est resté 5 ans pour se faire une situation, pour envoyer des papiers à ma mère. pour qu'elle vienne le rejoindre. Ils se sont mariés en France. Donc c'était une fusion. Elle était sûre qu'il allait revenir. Et quand elle a su qu'il ne reviendrait pas, jusqu'au jour où elle a vu quelqu'un à la gare de l'Est ou à l'hôtel Lutétia, qui lui a dit "écoute, ne l'attend pas. J'ai fait partie aussi du convoi numéro 4. On l'a vu partir", comme je vous l'ai expliqué. Et à partir de là, ma mère s'est trouvée avec des maux de tête, des gros malaises, jusqu'au jour où elle s'est trouvée mal dans la rue. La police l'a ramassée dans la rue, ils l'ont emmenée à l'hôtel Dieu. C'était en janvier 1946, donc six mois après la guerre. La police est venue nous trouver en disant « On a ramassé votre maman, venez la voir, elle est à l'hôpital. » Et je me souviens avec ma sœur, on a été la voir à l'hôpital et elle était très mal. Elle avait mal à la tête, elle réclamait de la morphine. Et puis ses dernières paroles, je me souviens ma sœur la secouait « Maman, maman, t'as fait tellement pour nous, maman. » Et maman lui disait, "il faut que je retrouve papa. Demain je serai avec papa". Et ma soeur, elle la secoue, elle lui dit, "maman, reste là, on est là". Et puis le lendemain, elle n'était plus là. C'était ses dernières paroles.

  • Speaker #1

    Après la guerre, Arlette et sa sœur deviennent pupilles de la nation, sans père, sans mère, sans personne. Mais Arlette le dit avec force, ce qui l'a sauvée, c'est l'internat. Alors que sa sœur est mise au travail, Arlette a la chance d'être placée dans la Sarthe par ses tuteurs. Elle y vit anonymement, sans que personne ne sache qu'elle est juive, ni que son père a été assassiné. Des années difficiles, dont elle garde un souvenir douloureux, mais qui lui permettent de se construire un monde à elle, entourée de livres et de silence. Les autres filles rentrent chez elle le dimanche. Elle reste à l'internat, mais tant qu'il y a la bibliothèque, elle tient bon. Et puis un jour, lors de la remise des résultats du brevet, elle écoute les noms des élèves admis défiler, jusqu'au dernier. On annonce alors... "La première du canton, c'est la petite orpheline". Un moment de lumière, une revanche silencieuse, une victoire sur l'oubli. Depuis cette époque, Arlette a parcouru un long chemin. Elle a épousé un homme extraordinaire, un "mensch", comme elle aime à dire. Un homme qui a connu les mêmes souffrances qu'elle. Ensemble, ils consacrent une grande partie de leur vie à témoigner, partageant leur histoire auprès des jeunes dans les établissements scolaires, transmettant leur mémoire à travers des livres et des rencontres. Très chère Arlette, merci du fond du cœur de m'avoir fait le don précieux de votre témoignage. J'ai été profondément touchée par votre confiance et par la générosité avec laquelle vous avez partagé ces souvenirs si intimes et si douloureux. Merci à la Claims Conférence pour son soutien dans ce travail de transmission. Merci à Néo Verriest et à Alexandre Bande pour leur aide précieuse. Et merci à vous tous qui avez suivi ces quatre épisodes du témoignage d'Arlette. Ces récits sont essentiels à la connaissance de notre histoire. et à notre mémoire collective. Il nous rappellent que derrière les grandes dates de l'histoire se cachent des destins humains, des enfances brisées, mais aussi une formidable capacité de résilience. Alors n'hésitez pas à partager ce podcast autour de vous, avec vos proches, avec vos amis, car ces voix du passé éclairent notre présent et nous aident à construire un avenir plus juste. La mémoire se transmet, elle se partage, elle nous unit dans notre humanité commune. On se retrouve très vite pour un nouveau témoignage. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Description

Originaire de Pologne, Abraham, le père d’Arlette, avait choisi la France pour y construire sa vie. « Le pays des droits de l’homme », disait-il avec conviction.

Mais en mai 1941, il est arrêté lors de la rafle du billet vert.

Quelques mois plus tard, il est déporté vers Auschwitz. Il n’en reviendra jamais.

Arlette n’a alors que neuf ans.

Le 16 juillet 1942, elle est arrêtée avec sa mère et sa sœur lors de la rafle du Vélodrome d’Hiver.

Après plusieurs jours d’enfermement, elles sont transférées à la gare d’Austerlitz. Un train les attend : un wagon à bestiaux, direction le camp de Beaune-la-Rolande.


Elles y resteront un temps, jusqu’à ce que la mère d’Arlette réussisse à s’enfuir grâce à un mensonge audacieux : elle affirme aux gardiens que son mari possède des usines utiles aux Allemands, ce qui est vrai, et qu’on les attend à Paris, ce qui l’est moins.

La supercherie fonctionne. Profitant d’un relâchement dans la surveillance du train, elle s’échappe avec ses deux filles. Elles marcheront de longues heures pour regagner Paris.


D’abord réfugiées chez une voisine, elles entrent alors dans un réseau de solidarité un circuit comme celui bien connu de l’OSE, discrets, clandestin qui sauve des enfants juifs en les plaçant à la campagne.


Ce circuit, la maman d’Arlette  l’appelle « la filière des facteurs »


Voici le quatrième et dernier épisode du témoignage d’Arlette, 10 ans, enfant de la Shoah.



🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à Alexandre Bande et à Néo Verriest pour leur aide précieuse❤️


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire des enfants cachés en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Jusqu'à présent, je culpabilise beaucoup, beaucoup. Pourquoi moi je suis revenue ? Pourquoi les quatre familles qui étaient avec moi dans l'immeuble, personne n'est revenu, aucun enfant. Pourquoi je suis là ? Donc en témoignant, je les fais revivre, sinon on les oubliera complètement.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Originaire de Pologne, Abraham, le père d'Arlette, avait choisi la France pour y construire sa vie. Le pays des droits de l'homme, disait-il avec conviction. Mais en mai 1941, il est arrêté lors de la rafle du billet vert. Quelques mois plus tard, il est déporté vers Auschwitz. Arlette n'a alors que 9 ans. Le 16 juillet 1942, elle est arrêtée avec sa mère et sa sœur lors de la rafle du vélodrome d'hiver. Après plusieurs jours d'enfermement, elles sont transférées à la gare d'Osterlitz. Un train les attend, un wagon à bestiaux, direction le camp de Beaune-la-Rolande. Elles y resteront un temps, jusqu'à ce que la mère d'Arlette réussisse à s'enfuir grâce à un mensonge audacieux. Elle affirme au gardien que son mari possède des usines utiles aux Allemands, ce qui est vrai, et qu'on les attend à Paris, ce qui l'est moins. La supercherie fonctionne. Profitant d'un relâchement dans la surveillance du train, elle s'échappe avec ses deux filles. Elles marcheront de longues heures pour regagner Paris. D'abord réfugiées chez une voisine, elles entrent alors dans un réseau de solidarité, un circuit comme celui bien connu de l'OSE, discret. clandestin, qui sauvent des enfants juifs en les plaçant à la campagne. Ce circuit, la maman d'Arlette l'appelle la filière des facteurs. Voici le quatrième et dernier épisode du témoignage d'Arlette, 10 ans, Enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que c'est que la filière des facteurs pour ma mère ? C'était qu'avant la guerre, comme je vous ai dit, on ne partait pas en vacances. Mais les petits parisiens qui avaient mauvaise mine... La Croix-Rouge venait dans les écoles, prenait les enfants, disait voilà on peut les envoyer dans des fermes où ils auront du lait, une bonne mine et tout ça. Donc les enfants allaient dans les fermes, mais qu'est-ce qu'ils faisaient les enfants ? Ils écrivaient des cartes postales aux parents. Donc les facteurs connaissaient les fermes. Donc un jour on a vu arriver une... Une brave femme qui a pris ma soeur et moi-même par la main et qui nous a emmenées en Touraine, à Vendôme. Je vous ai dit, je suis née à Paris. En fait, non, je suis née à Vendôme. Parce qu'on est arrivées dans cette famille, mais simple, pauvre, vous ne pouvez même pas imaginer. C'était minuscule. Il y avait deux pièces grandes comme ça et c'est tout. Une plus petite que ça qui servait de chambre au couple. Et puis une autre où il y avait la cuisinière brûlée en permanence du feu. On faisait la cuisine, la lessive, l'eau, enfin tout était là. Et son mari avait construit un espèce de faux lit qui devait faire trois mètres sur trois mètres. Il avait mis des sacs de... en jute, il avait mis de la paille et de la balle d'avoine qui nous servait de matelas et on dormait là. Et qui dormait là ? Il y avait six enfants juifs. On a vécu là-bas comme des pirates. Sans papiers, sans rien du tout. On ne nous a rien demandé. On faisait comme tout le monde. On allait au catéchisme, on allait par intermittence à l'école, parce qu'il n'y avait pas vraiment d'école, parce que beaucoup d'instituteurs se cachaient pour la STO et tout ça. Donc on a vécu très heureux, vraiment comme des pirates, elle elle élevait des lapins. On a été très, très, très heureux chez eux. Je vous dis, j'ai fréquenté le catéchisme. Je peux vous chanter toute la messe en latin. Même un jour, il y a le curé qui vient me trouver, qui me dit, "Arlette, est-ce que tu aimes les fraises ?" Donc, j'ai été séparée de ma soeur parce qu'elle allait dans un groupe plus vieux, plus grand. Je dis, "oui, mon père". Il m'a emmenée dans son petit jardin de cure. Et j'ai mangé des fraises toute la journée. Et je rentre le soir chez les... On l'appelait la Jeanne, elle s'appelait Jeanne et lui s'appelait Jean. Donc je rentre le soir chez la Jeanne. Je dis, "vous savez, la Jeanne, le père, il m'a emmené dans son jardin de cure. J'ai mangé des fraises toute l'après-midi". Eh bien, figurez-vous que le lendemain, il y a une voisine, je la vois encore, costaude, qui contourne la maison où on habitait, où on passait par le petit jardin, le chemin. Elle a ses deux poings sur les hanches et elle appelle la Jeanne, "la Jeanne, il faut que je vous raconte". "Qu'est-ce qui se passe ?" "Vous ne devinerez jamais. Figurez-vous qu'hier, il y a eu une descente de la Gestapo chez notre brave curé, soi-disant, il cache des enfants juifs". Il m'a sauvée, c'est vrai que les fraises maintenant, c'est vrai que c'est mon fruit préféré. Mais vous vous rendez compte ? Je n'ai rien demandé, rien dit. Rien du tout. Il a sauvé une enfant juive. Voilà la France. C'est celle-ci que j'aime. Ma mère est rentrée clandestinement plusieurs fois sur Paris, a brisé les scellés et leur a apporté de l'argent. Mais l'argent, ce n'était pas tellement un moyen de transaction. C e qui était plus important, c'est ce qui manquait. La France manquait de tout. Ma mère avait beaucoup, beaucoup de linge de maison, des draps, des nappes, des serviettes du damassé. Elle le teignait en noir et en marron. Elle faisait des pantalons et des jupes pour les paysans. Et ça, c'était des monnaies d'échange, plus que de l'argent. Mais on les a payés, c'est vrai, mais ils le méritaient plus qu'aux centuple, plus qu'au centuple. Alors ma maman, elle, c'était une excellente cuisinière, une excellente couturière. Elle ne pouvait pas rester chez la Jeanne, c'était trop petit, puis elle ne pouvait pas la garder. Donc elle se louait dans les fermes avoisinantes, elle se louait partout. Et comme elle avait gardé ce petit accent, elle se faisait passer pour Alsacienne. Et on disait "l'Alsacienne, pour les communions, elle fait des brioches avec des nattes. C'est magnifique!" Elle faisait des Halots, en fait. Elle ne faisait rien d'autre. Elle fait des gâteaux avec l'eau des pommes de terre. Vous savez ce qu'elle faisait ? Elle prenait des pommes de terre, parce que les paysans en avaient, elle râpait les pommes de terre, et en râpant les pommes de terre, elle faisait des rostis avec. Mais l'eau qui s'écoulait, il suffisait de la laisser pendant 48 heures, l'eau s'évapore, vous avez de la fécule de pommes de terre. Et c'est ce que l'on fait a Pessah pour faire les gateaux. Et elle faisait des gâteaux avec l'eau des pommes de terre. On disait, l'alsacienne, elle sait tout faire. Donc ma mère se cachait dans les environs, dans les fermes avoisinantes. Et on la voyait, elle venait nous voir de temps en temps. On est resté chez la jeune pratiquement jusqu'à la fin de la guerre. Juste les derniers mois où elle n'a pas... pu nous garder, il a dû avoir une dénonciation où elle a eu très peur. Elle a retrouvé ma mère dans une des fermes, il y avait ce que l'on mange actuellement, les champignons de Paris venaient tous de Vendôme. Il y avait plus d'une quinzaine de champignonières, ça fait des kilomètres et des kilomètres de long et on s'est caché dans ces champignonières. On n'était pas les seuls parce qu'il y avait des réfugiés. français qui avaient subi les bombardements et qui se cachaient aussi dans ces champignonières. Ma mère sortait la nuit pour nous chercher à manger dans les fermes qu'elle connaissait et la journée on jouait, on sortait comme ça. C'était les vacances éternelles. Vendôme c'était extraordinaire. Je vous raconte un fait magnifique, vraiment on va terminer là-dessus. Je jouais dehors et la jeune ne voulait pas que je sorte. Et juste en face, il y avait le quartier général, le commandantur des Allemands, qui était là vraiment en face de la maison où on habitait. En fait, c'était une maison de rendez-vous, c'était un bastringue, où les Allemands retrouvaient des filles, vous savez, pendant la guerre, s'amusaient avec de la musique. Donc pourquoi je reviens à ça ? Parce que moi qui suis insupportable, je joue dehors. La Jeanne ne veut pas. Un jour, il y avait plein d'Allemands qui passaient pour aller dans cette maison-là. Il me dit « va t'arriver quelque chose » . D'ailleurs, il y a un Allemand, un jour, qui est passé, il m'a vue, il m'a prise dans ses bras, il est parti en permission, et il m'a rapporté une petite poupée d'Allemagne, s'il avait su que c'était pour une enfant juive. Enfin, ce n'est pas pour ça que je vous raconte ça. C'est que la Jeanne avait très peur. Elle me dit « un jour, il va arriver quelque chose, ne sors pas » . Et moi, je n'écoute pas. Il est arrivé ce qui devait arriver. Et l'Allemand me prend dans ses bras. Et ils m'emmènent dans ce quartier général. Et là, il y a plein d'Allemands. Il y a des filles, il y a des Allemands. Et qu'est-ce qu'on demande à une petite fille ? "Comment tu t'appelles ?" "Je m'appelle Arlette." "rlette comment ?" Là j'ai 9 ans. 10 ans. Et je sais que je ne peux pas dire mon nom. Je porte un nom typiquement juif. Je m'appelle Reiman. Si je dis le nom, La Jeanne va être arrêtée, le Jean aussi, c'est fini. Je sais que je ne peux pas le dire. Je regarde l'allemand et ils insistent. "Arlette comment ?" Ce n'est pas de l'intelligence. Je l'ai regardé, comme une petite fille qui ne sait pas. Je lui ai dit "Arlette tout court". Et lui, il n'a pas compris le français. Il ne comprend pas le français. Il a cru que tout court, c'était un nom français.

  • Speaker #1

    Une spontanéité mêlée d'insouciance qui permit à Arlette d'assister quelque temps plus tard à la libération. Elle se souvient encore aujourd'hui de ces cloches joyeuses qu'elle entendit avec sa maman avant d'Aume. Mais elle se souvient aussi des terribles scènes d'épuration qui suivirent. Femmes accusées de collaboration trainées sur les places publiques, le crâne rasé, exposées aux crachats et aux insultes d'une foule assoiffée de vengeance. Après la libération, les deux enfants demeurèrent quelques temps à Vendôme. Leur mère entreprit alors des recherches désespérées pour retrouver la trace de son mari. Une période d'attente terrible, où l'espoir le disputait à l'angoisse, où chaque jour apportait son lot d'incertitudes.

  • Speaker #0

    Elle est rentrée sur Paris, où elle faisait la navette entre la gare de l'Est, l'hôtel Lutetia, c'était l'horreur. C'était l'horreur totale. Ma mère espérait tellement, tellement qu'il revienne. Elle ne pensait qu'à ça. Ça a été un couple fusionnel. Ma mère, a connu mon père à l'âge de 13 ans. Ils s'étaient promis le mariage. Lui, il a émigré en France. Il est resté 5 ans pour se faire une situation, pour envoyer des papiers à ma mère. pour qu'elle vienne le rejoindre. Ils se sont mariés en France. Donc c'était une fusion. Elle était sûre qu'il allait revenir. Et quand elle a su qu'il ne reviendrait pas, jusqu'au jour où elle a vu quelqu'un à la gare de l'Est ou à l'hôtel Lutétia, qui lui a dit "écoute, ne l'attend pas. J'ai fait partie aussi du convoi numéro 4. On l'a vu partir", comme je vous l'ai expliqué. Et à partir de là, ma mère s'est trouvée avec des maux de tête, des gros malaises, jusqu'au jour où elle s'est trouvée mal dans la rue. La police l'a ramassée dans la rue, ils l'ont emmenée à l'hôtel Dieu. C'était en janvier 1946, donc six mois après la guerre. La police est venue nous trouver en disant « On a ramassé votre maman, venez la voir, elle est à l'hôpital. » Et je me souviens avec ma sœur, on a été la voir à l'hôpital et elle était très mal. Elle avait mal à la tête, elle réclamait de la morphine. Et puis ses dernières paroles, je me souviens ma sœur la secouait « Maman, maman, t'as fait tellement pour nous, maman. » Et maman lui disait, "il faut que je retrouve papa. Demain je serai avec papa". Et ma soeur, elle la secoue, elle lui dit, "maman, reste là, on est là". Et puis le lendemain, elle n'était plus là. C'était ses dernières paroles.

  • Speaker #1

    Après la guerre, Arlette et sa sœur deviennent pupilles de la nation, sans père, sans mère, sans personne. Mais Arlette le dit avec force, ce qui l'a sauvée, c'est l'internat. Alors que sa sœur est mise au travail, Arlette a la chance d'être placée dans la Sarthe par ses tuteurs. Elle y vit anonymement, sans que personne ne sache qu'elle est juive, ni que son père a été assassiné. Des années difficiles, dont elle garde un souvenir douloureux, mais qui lui permettent de se construire un monde à elle, entourée de livres et de silence. Les autres filles rentrent chez elle le dimanche. Elle reste à l'internat, mais tant qu'il y a la bibliothèque, elle tient bon. Et puis un jour, lors de la remise des résultats du brevet, elle écoute les noms des élèves admis défiler, jusqu'au dernier. On annonce alors... "La première du canton, c'est la petite orpheline". Un moment de lumière, une revanche silencieuse, une victoire sur l'oubli. Depuis cette époque, Arlette a parcouru un long chemin. Elle a épousé un homme extraordinaire, un "mensch", comme elle aime à dire. Un homme qui a connu les mêmes souffrances qu'elle. Ensemble, ils consacrent une grande partie de leur vie à témoigner, partageant leur histoire auprès des jeunes dans les établissements scolaires, transmettant leur mémoire à travers des livres et des rencontres. Très chère Arlette, merci du fond du cœur de m'avoir fait le don précieux de votre témoignage. J'ai été profondément touchée par votre confiance et par la générosité avec laquelle vous avez partagé ces souvenirs si intimes et si douloureux. Merci à la Claims Conférence pour son soutien dans ce travail de transmission. Merci à Néo Verriest et à Alexandre Bande pour leur aide précieuse. Et merci à vous tous qui avez suivi ces quatre épisodes du témoignage d'Arlette. Ces récits sont essentiels à la connaissance de notre histoire. et à notre mémoire collective. Il nous rappellent que derrière les grandes dates de l'histoire se cachent des destins humains, des enfances brisées, mais aussi une formidable capacité de résilience. Alors n'hésitez pas à partager ce podcast autour de vous, avec vos proches, avec vos amis, car ces voix du passé éclairent notre présent et nous aident à construire un avenir plus juste. La mémoire se transmet, elle se partage, elle nous unit dans notre humanité commune. On se retrouve très vite pour un nouveau témoignage. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

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Description

Originaire de Pologne, Abraham, le père d’Arlette, avait choisi la France pour y construire sa vie. « Le pays des droits de l’homme », disait-il avec conviction.

Mais en mai 1941, il est arrêté lors de la rafle du billet vert.

Quelques mois plus tard, il est déporté vers Auschwitz. Il n’en reviendra jamais.

Arlette n’a alors que neuf ans.

Le 16 juillet 1942, elle est arrêtée avec sa mère et sa sœur lors de la rafle du Vélodrome d’Hiver.

Après plusieurs jours d’enfermement, elles sont transférées à la gare d’Austerlitz. Un train les attend : un wagon à bestiaux, direction le camp de Beaune-la-Rolande.


Elles y resteront un temps, jusqu’à ce que la mère d’Arlette réussisse à s’enfuir grâce à un mensonge audacieux : elle affirme aux gardiens que son mari possède des usines utiles aux Allemands, ce qui est vrai, et qu’on les attend à Paris, ce qui l’est moins.

La supercherie fonctionne. Profitant d’un relâchement dans la surveillance du train, elle s’échappe avec ses deux filles. Elles marcheront de longues heures pour regagner Paris.


D’abord réfugiées chez une voisine, elles entrent alors dans un réseau de solidarité un circuit comme celui bien connu de l’OSE, discrets, clandestin qui sauve des enfants juifs en les plaçant à la campagne.


Ce circuit, la maman d’Arlette  l’appelle « la filière des facteurs »


Voici le quatrième et dernier épisode du témoignage d’Arlette, 10 ans, enfant de la Shoah.



🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à Alexandre Bande et à Néo Verriest pour leur aide précieuse❤️


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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suivez moi sur les réseaux ici 👉 https://linktr.ee/EnfantDeLaShoah

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❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire des enfants cachés en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Jusqu'à présent, je culpabilise beaucoup, beaucoup. Pourquoi moi je suis revenue ? Pourquoi les quatre familles qui étaient avec moi dans l'immeuble, personne n'est revenu, aucun enfant. Pourquoi je suis là ? Donc en témoignant, je les fais revivre, sinon on les oubliera complètement.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Originaire de Pologne, Abraham, le père d'Arlette, avait choisi la France pour y construire sa vie. Le pays des droits de l'homme, disait-il avec conviction. Mais en mai 1941, il est arrêté lors de la rafle du billet vert. Quelques mois plus tard, il est déporté vers Auschwitz. Arlette n'a alors que 9 ans. Le 16 juillet 1942, elle est arrêtée avec sa mère et sa sœur lors de la rafle du vélodrome d'hiver. Après plusieurs jours d'enfermement, elles sont transférées à la gare d'Osterlitz. Un train les attend, un wagon à bestiaux, direction le camp de Beaune-la-Rolande. Elles y resteront un temps, jusqu'à ce que la mère d'Arlette réussisse à s'enfuir grâce à un mensonge audacieux. Elle affirme au gardien que son mari possède des usines utiles aux Allemands, ce qui est vrai, et qu'on les attend à Paris, ce qui l'est moins. La supercherie fonctionne. Profitant d'un relâchement dans la surveillance du train, elle s'échappe avec ses deux filles. Elles marcheront de longues heures pour regagner Paris. D'abord réfugiées chez une voisine, elles entrent alors dans un réseau de solidarité, un circuit comme celui bien connu de l'OSE, discret. clandestin, qui sauvent des enfants juifs en les plaçant à la campagne. Ce circuit, la maman d'Arlette l'appelle la filière des facteurs. Voici le quatrième et dernier épisode du témoignage d'Arlette, 10 ans, Enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que c'est que la filière des facteurs pour ma mère ? C'était qu'avant la guerre, comme je vous ai dit, on ne partait pas en vacances. Mais les petits parisiens qui avaient mauvaise mine... La Croix-Rouge venait dans les écoles, prenait les enfants, disait voilà on peut les envoyer dans des fermes où ils auront du lait, une bonne mine et tout ça. Donc les enfants allaient dans les fermes, mais qu'est-ce qu'ils faisaient les enfants ? Ils écrivaient des cartes postales aux parents. Donc les facteurs connaissaient les fermes. Donc un jour on a vu arriver une... Une brave femme qui a pris ma soeur et moi-même par la main et qui nous a emmenées en Touraine, à Vendôme. Je vous ai dit, je suis née à Paris. En fait, non, je suis née à Vendôme. Parce qu'on est arrivées dans cette famille, mais simple, pauvre, vous ne pouvez même pas imaginer. C'était minuscule. Il y avait deux pièces grandes comme ça et c'est tout. Une plus petite que ça qui servait de chambre au couple. Et puis une autre où il y avait la cuisinière brûlée en permanence du feu. On faisait la cuisine, la lessive, l'eau, enfin tout était là. Et son mari avait construit un espèce de faux lit qui devait faire trois mètres sur trois mètres. Il avait mis des sacs de... en jute, il avait mis de la paille et de la balle d'avoine qui nous servait de matelas et on dormait là. Et qui dormait là ? Il y avait six enfants juifs. On a vécu là-bas comme des pirates. Sans papiers, sans rien du tout. On ne nous a rien demandé. On faisait comme tout le monde. On allait au catéchisme, on allait par intermittence à l'école, parce qu'il n'y avait pas vraiment d'école, parce que beaucoup d'instituteurs se cachaient pour la STO et tout ça. Donc on a vécu très heureux, vraiment comme des pirates, elle elle élevait des lapins. On a été très, très, très heureux chez eux. Je vous dis, j'ai fréquenté le catéchisme. Je peux vous chanter toute la messe en latin. Même un jour, il y a le curé qui vient me trouver, qui me dit, "Arlette, est-ce que tu aimes les fraises ?" Donc, j'ai été séparée de ma soeur parce qu'elle allait dans un groupe plus vieux, plus grand. Je dis, "oui, mon père". Il m'a emmenée dans son petit jardin de cure. Et j'ai mangé des fraises toute la journée. Et je rentre le soir chez les... On l'appelait la Jeanne, elle s'appelait Jeanne et lui s'appelait Jean. Donc je rentre le soir chez la Jeanne. Je dis, "vous savez, la Jeanne, le père, il m'a emmené dans son jardin de cure. J'ai mangé des fraises toute l'après-midi". Eh bien, figurez-vous que le lendemain, il y a une voisine, je la vois encore, costaude, qui contourne la maison où on habitait, où on passait par le petit jardin, le chemin. Elle a ses deux poings sur les hanches et elle appelle la Jeanne, "la Jeanne, il faut que je vous raconte". "Qu'est-ce qui se passe ?" "Vous ne devinerez jamais. Figurez-vous qu'hier, il y a eu une descente de la Gestapo chez notre brave curé, soi-disant, il cache des enfants juifs". Il m'a sauvée, c'est vrai que les fraises maintenant, c'est vrai que c'est mon fruit préféré. Mais vous vous rendez compte ? Je n'ai rien demandé, rien dit. Rien du tout. Il a sauvé une enfant juive. Voilà la France. C'est celle-ci que j'aime. Ma mère est rentrée clandestinement plusieurs fois sur Paris, a brisé les scellés et leur a apporté de l'argent. Mais l'argent, ce n'était pas tellement un moyen de transaction. C e qui était plus important, c'est ce qui manquait. La France manquait de tout. Ma mère avait beaucoup, beaucoup de linge de maison, des draps, des nappes, des serviettes du damassé. Elle le teignait en noir et en marron. Elle faisait des pantalons et des jupes pour les paysans. Et ça, c'était des monnaies d'échange, plus que de l'argent. Mais on les a payés, c'est vrai, mais ils le méritaient plus qu'aux centuple, plus qu'au centuple. Alors ma maman, elle, c'était une excellente cuisinière, une excellente couturière. Elle ne pouvait pas rester chez la Jeanne, c'était trop petit, puis elle ne pouvait pas la garder. Donc elle se louait dans les fermes avoisinantes, elle se louait partout. Et comme elle avait gardé ce petit accent, elle se faisait passer pour Alsacienne. Et on disait "l'Alsacienne, pour les communions, elle fait des brioches avec des nattes. C'est magnifique!" Elle faisait des Halots, en fait. Elle ne faisait rien d'autre. Elle fait des gâteaux avec l'eau des pommes de terre. Vous savez ce qu'elle faisait ? Elle prenait des pommes de terre, parce que les paysans en avaient, elle râpait les pommes de terre, et en râpant les pommes de terre, elle faisait des rostis avec. Mais l'eau qui s'écoulait, il suffisait de la laisser pendant 48 heures, l'eau s'évapore, vous avez de la fécule de pommes de terre. Et c'est ce que l'on fait a Pessah pour faire les gateaux. Et elle faisait des gâteaux avec l'eau des pommes de terre. On disait, l'alsacienne, elle sait tout faire. Donc ma mère se cachait dans les environs, dans les fermes avoisinantes. Et on la voyait, elle venait nous voir de temps en temps. On est resté chez la jeune pratiquement jusqu'à la fin de la guerre. Juste les derniers mois où elle n'a pas... pu nous garder, il a dû avoir une dénonciation où elle a eu très peur. Elle a retrouvé ma mère dans une des fermes, il y avait ce que l'on mange actuellement, les champignons de Paris venaient tous de Vendôme. Il y avait plus d'une quinzaine de champignonières, ça fait des kilomètres et des kilomètres de long et on s'est caché dans ces champignonières. On n'était pas les seuls parce qu'il y avait des réfugiés. français qui avaient subi les bombardements et qui se cachaient aussi dans ces champignonières. Ma mère sortait la nuit pour nous chercher à manger dans les fermes qu'elle connaissait et la journée on jouait, on sortait comme ça. C'était les vacances éternelles. Vendôme c'était extraordinaire. Je vous raconte un fait magnifique, vraiment on va terminer là-dessus. Je jouais dehors et la jeune ne voulait pas que je sorte. Et juste en face, il y avait le quartier général, le commandantur des Allemands, qui était là vraiment en face de la maison où on habitait. En fait, c'était une maison de rendez-vous, c'était un bastringue, où les Allemands retrouvaient des filles, vous savez, pendant la guerre, s'amusaient avec de la musique. Donc pourquoi je reviens à ça ? Parce que moi qui suis insupportable, je joue dehors. La Jeanne ne veut pas. Un jour, il y avait plein d'Allemands qui passaient pour aller dans cette maison-là. Il me dit « va t'arriver quelque chose » . D'ailleurs, il y a un Allemand, un jour, qui est passé, il m'a vue, il m'a prise dans ses bras, il est parti en permission, et il m'a rapporté une petite poupée d'Allemagne, s'il avait su que c'était pour une enfant juive. Enfin, ce n'est pas pour ça que je vous raconte ça. C'est que la Jeanne avait très peur. Elle me dit « un jour, il va arriver quelque chose, ne sors pas » . Et moi, je n'écoute pas. Il est arrivé ce qui devait arriver. Et l'Allemand me prend dans ses bras. Et ils m'emmènent dans ce quartier général. Et là, il y a plein d'Allemands. Il y a des filles, il y a des Allemands. Et qu'est-ce qu'on demande à une petite fille ? "Comment tu t'appelles ?" "Je m'appelle Arlette." "rlette comment ?" Là j'ai 9 ans. 10 ans. Et je sais que je ne peux pas dire mon nom. Je porte un nom typiquement juif. Je m'appelle Reiman. Si je dis le nom, La Jeanne va être arrêtée, le Jean aussi, c'est fini. Je sais que je ne peux pas le dire. Je regarde l'allemand et ils insistent. "Arlette comment ?" Ce n'est pas de l'intelligence. Je l'ai regardé, comme une petite fille qui ne sait pas. Je lui ai dit "Arlette tout court". Et lui, il n'a pas compris le français. Il ne comprend pas le français. Il a cru que tout court, c'était un nom français.

  • Speaker #1

    Une spontanéité mêlée d'insouciance qui permit à Arlette d'assister quelque temps plus tard à la libération. Elle se souvient encore aujourd'hui de ces cloches joyeuses qu'elle entendit avec sa maman avant d'Aume. Mais elle se souvient aussi des terribles scènes d'épuration qui suivirent. Femmes accusées de collaboration trainées sur les places publiques, le crâne rasé, exposées aux crachats et aux insultes d'une foule assoiffée de vengeance. Après la libération, les deux enfants demeurèrent quelques temps à Vendôme. Leur mère entreprit alors des recherches désespérées pour retrouver la trace de son mari. Une période d'attente terrible, où l'espoir le disputait à l'angoisse, où chaque jour apportait son lot d'incertitudes.

  • Speaker #0

    Elle est rentrée sur Paris, où elle faisait la navette entre la gare de l'Est, l'hôtel Lutetia, c'était l'horreur. C'était l'horreur totale. Ma mère espérait tellement, tellement qu'il revienne. Elle ne pensait qu'à ça. Ça a été un couple fusionnel. Ma mère, a connu mon père à l'âge de 13 ans. Ils s'étaient promis le mariage. Lui, il a émigré en France. Il est resté 5 ans pour se faire une situation, pour envoyer des papiers à ma mère. pour qu'elle vienne le rejoindre. Ils se sont mariés en France. Donc c'était une fusion. Elle était sûre qu'il allait revenir. Et quand elle a su qu'il ne reviendrait pas, jusqu'au jour où elle a vu quelqu'un à la gare de l'Est ou à l'hôtel Lutétia, qui lui a dit "écoute, ne l'attend pas. J'ai fait partie aussi du convoi numéro 4. On l'a vu partir", comme je vous l'ai expliqué. Et à partir de là, ma mère s'est trouvée avec des maux de tête, des gros malaises, jusqu'au jour où elle s'est trouvée mal dans la rue. La police l'a ramassée dans la rue, ils l'ont emmenée à l'hôtel Dieu. C'était en janvier 1946, donc six mois après la guerre. La police est venue nous trouver en disant « On a ramassé votre maman, venez la voir, elle est à l'hôpital. » Et je me souviens avec ma sœur, on a été la voir à l'hôpital et elle était très mal. Elle avait mal à la tête, elle réclamait de la morphine. Et puis ses dernières paroles, je me souviens ma sœur la secouait « Maman, maman, t'as fait tellement pour nous, maman. » Et maman lui disait, "il faut que je retrouve papa. Demain je serai avec papa". Et ma soeur, elle la secoue, elle lui dit, "maman, reste là, on est là". Et puis le lendemain, elle n'était plus là. C'était ses dernières paroles.

  • Speaker #1

    Après la guerre, Arlette et sa sœur deviennent pupilles de la nation, sans père, sans mère, sans personne. Mais Arlette le dit avec force, ce qui l'a sauvée, c'est l'internat. Alors que sa sœur est mise au travail, Arlette a la chance d'être placée dans la Sarthe par ses tuteurs. Elle y vit anonymement, sans que personne ne sache qu'elle est juive, ni que son père a été assassiné. Des années difficiles, dont elle garde un souvenir douloureux, mais qui lui permettent de se construire un monde à elle, entourée de livres et de silence. Les autres filles rentrent chez elle le dimanche. Elle reste à l'internat, mais tant qu'il y a la bibliothèque, elle tient bon. Et puis un jour, lors de la remise des résultats du brevet, elle écoute les noms des élèves admis défiler, jusqu'au dernier. On annonce alors... "La première du canton, c'est la petite orpheline". Un moment de lumière, une revanche silencieuse, une victoire sur l'oubli. Depuis cette époque, Arlette a parcouru un long chemin. Elle a épousé un homme extraordinaire, un "mensch", comme elle aime à dire. Un homme qui a connu les mêmes souffrances qu'elle. Ensemble, ils consacrent une grande partie de leur vie à témoigner, partageant leur histoire auprès des jeunes dans les établissements scolaires, transmettant leur mémoire à travers des livres et des rencontres. Très chère Arlette, merci du fond du cœur de m'avoir fait le don précieux de votre témoignage. J'ai été profondément touchée par votre confiance et par la générosité avec laquelle vous avez partagé ces souvenirs si intimes et si douloureux. Merci à la Claims Conférence pour son soutien dans ce travail de transmission. Merci à Néo Verriest et à Alexandre Bande pour leur aide précieuse. Et merci à vous tous qui avez suivi ces quatre épisodes du témoignage d'Arlette. Ces récits sont essentiels à la connaissance de notre histoire. et à notre mémoire collective. Il nous rappellent que derrière les grandes dates de l'histoire se cachent des destins humains, des enfances brisées, mais aussi une formidable capacité de résilience. Alors n'hésitez pas à partager ce podcast autour de vous, avec vos proches, avec vos amis, car ces voix du passé éclairent notre présent et nous aident à construire un avenir plus juste. La mémoire se transmet, elle se partage, elle nous unit dans notre humanité commune. On se retrouve très vite pour un nouveau témoignage. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Description

Originaire de Pologne, Abraham, le père d’Arlette, avait choisi la France pour y construire sa vie. « Le pays des droits de l’homme », disait-il avec conviction.

Mais en mai 1941, il est arrêté lors de la rafle du billet vert.

Quelques mois plus tard, il est déporté vers Auschwitz. Il n’en reviendra jamais.

Arlette n’a alors que neuf ans.

Le 16 juillet 1942, elle est arrêtée avec sa mère et sa sœur lors de la rafle du Vélodrome d’Hiver.

Après plusieurs jours d’enfermement, elles sont transférées à la gare d’Austerlitz. Un train les attend : un wagon à bestiaux, direction le camp de Beaune-la-Rolande.


Elles y resteront un temps, jusqu’à ce que la mère d’Arlette réussisse à s’enfuir grâce à un mensonge audacieux : elle affirme aux gardiens que son mari possède des usines utiles aux Allemands, ce qui est vrai, et qu’on les attend à Paris, ce qui l’est moins.

La supercherie fonctionne. Profitant d’un relâchement dans la surveillance du train, elle s’échappe avec ses deux filles. Elles marcheront de longues heures pour regagner Paris.


D’abord réfugiées chez une voisine, elles entrent alors dans un réseau de solidarité un circuit comme celui bien connu de l’OSE, discrets, clandestin qui sauve des enfants juifs en les plaçant à la campagne.


Ce circuit, la maman d’Arlette  l’appelle « la filière des facteurs »


Voici le quatrième et dernier épisode du témoignage d’Arlette, 10 ans, enfant de la Shoah.



🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à Alexandre Bande et à Néo Verriest pour leur aide précieuse❤️


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire des enfants cachés en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Jusqu'à présent, je culpabilise beaucoup, beaucoup. Pourquoi moi je suis revenue ? Pourquoi les quatre familles qui étaient avec moi dans l'immeuble, personne n'est revenu, aucun enfant. Pourquoi je suis là ? Donc en témoignant, je les fais revivre, sinon on les oubliera complètement.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Originaire de Pologne, Abraham, le père d'Arlette, avait choisi la France pour y construire sa vie. Le pays des droits de l'homme, disait-il avec conviction. Mais en mai 1941, il est arrêté lors de la rafle du billet vert. Quelques mois plus tard, il est déporté vers Auschwitz. Arlette n'a alors que 9 ans. Le 16 juillet 1942, elle est arrêtée avec sa mère et sa sœur lors de la rafle du vélodrome d'hiver. Après plusieurs jours d'enfermement, elles sont transférées à la gare d'Osterlitz. Un train les attend, un wagon à bestiaux, direction le camp de Beaune-la-Rolande. Elles y resteront un temps, jusqu'à ce que la mère d'Arlette réussisse à s'enfuir grâce à un mensonge audacieux. Elle affirme au gardien que son mari possède des usines utiles aux Allemands, ce qui est vrai, et qu'on les attend à Paris, ce qui l'est moins. La supercherie fonctionne. Profitant d'un relâchement dans la surveillance du train, elle s'échappe avec ses deux filles. Elles marcheront de longues heures pour regagner Paris. D'abord réfugiées chez une voisine, elles entrent alors dans un réseau de solidarité, un circuit comme celui bien connu de l'OSE, discret. clandestin, qui sauvent des enfants juifs en les plaçant à la campagne. Ce circuit, la maman d'Arlette l'appelle la filière des facteurs. Voici le quatrième et dernier épisode du témoignage d'Arlette, 10 ans, Enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que c'est que la filière des facteurs pour ma mère ? C'était qu'avant la guerre, comme je vous ai dit, on ne partait pas en vacances. Mais les petits parisiens qui avaient mauvaise mine... La Croix-Rouge venait dans les écoles, prenait les enfants, disait voilà on peut les envoyer dans des fermes où ils auront du lait, une bonne mine et tout ça. Donc les enfants allaient dans les fermes, mais qu'est-ce qu'ils faisaient les enfants ? Ils écrivaient des cartes postales aux parents. Donc les facteurs connaissaient les fermes. Donc un jour on a vu arriver une... Une brave femme qui a pris ma soeur et moi-même par la main et qui nous a emmenées en Touraine, à Vendôme. Je vous ai dit, je suis née à Paris. En fait, non, je suis née à Vendôme. Parce qu'on est arrivées dans cette famille, mais simple, pauvre, vous ne pouvez même pas imaginer. C'était minuscule. Il y avait deux pièces grandes comme ça et c'est tout. Une plus petite que ça qui servait de chambre au couple. Et puis une autre où il y avait la cuisinière brûlée en permanence du feu. On faisait la cuisine, la lessive, l'eau, enfin tout était là. Et son mari avait construit un espèce de faux lit qui devait faire trois mètres sur trois mètres. Il avait mis des sacs de... en jute, il avait mis de la paille et de la balle d'avoine qui nous servait de matelas et on dormait là. Et qui dormait là ? Il y avait six enfants juifs. On a vécu là-bas comme des pirates. Sans papiers, sans rien du tout. On ne nous a rien demandé. On faisait comme tout le monde. On allait au catéchisme, on allait par intermittence à l'école, parce qu'il n'y avait pas vraiment d'école, parce que beaucoup d'instituteurs se cachaient pour la STO et tout ça. Donc on a vécu très heureux, vraiment comme des pirates, elle elle élevait des lapins. On a été très, très, très heureux chez eux. Je vous dis, j'ai fréquenté le catéchisme. Je peux vous chanter toute la messe en latin. Même un jour, il y a le curé qui vient me trouver, qui me dit, "Arlette, est-ce que tu aimes les fraises ?" Donc, j'ai été séparée de ma soeur parce qu'elle allait dans un groupe plus vieux, plus grand. Je dis, "oui, mon père". Il m'a emmenée dans son petit jardin de cure. Et j'ai mangé des fraises toute la journée. Et je rentre le soir chez les... On l'appelait la Jeanne, elle s'appelait Jeanne et lui s'appelait Jean. Donc je rentre le soir chez la Jeanne. Je dis, "vous savez, la Jeanne, le père, il m'a emmené dans son jardin de cure. J'ai mangé des fraises toute l'après-midi". Eh bien, figurez-vous que le lendemain, il y a une voisine, je la vois encore, costaude, qui contourne la maison où on habitait, où on passait par le petit jardin, le chemin. Elle a ses deux poings sur les hanches et elle appelle la Jeanne, "la Jeanne, il faut que je vous raconte". "Qu'est-ce qui se passe ?" "Vous ne devinerez jamais. Figurez-vous qu'hier, il y a eu une descente de la Gestapo chez notre brave curé, soi-disant, il cache des enfants juifs". Il m'a sauvée, c'est vrai que les fraises maintenant, c'est vrai que c'est mon fruit préféré. Mais vous vous rendez compte ? Je n'ai rien demandé, rien dit. Rien du tout. Il a sauvé une enfant juive. Voilà la France. C'est celle-ci que j'aime. Ma mère est rentrée clandestinement plusieurs fois sur Paris, a brisé les scellés et leur a apporté de l'argent. Mais l'argent, ce n'était pas tellement un moyen de transaction. C e qui était plus important, c'est ce qui manquait. La France manquait de tout. Ma mère avait beaucoup, beaucoup de linge de maison, des draps, des nappes, des serviettes du damassé. Elle le teignait en noir et en marron. Elle faisait des pantalons et des jupes pour les paysans. Et ça, c'était des monnaies d'échange, plus que de l'argent. Mais on les a payés, c'est vrai, mais ils le méritaient plus qu'aux centuple, plus qu'au centuple. Alors ma maman, elle, c'était une excellente cuisinière, une excellente couturière. Elle ne pouvait pas rester chez la Jeanne, c'était trop petit, puis elle ne pouvait pas la garder. Donc elle se louait dans les fermes avoisinantes, elle se louait partout. Et comme elle avait gardé ce petit accent, elle se faisait passer pour Alsacienne. Et on disait "l'Alsacienne, pour les communions, elle fait des brioches avec des nattes. C'est magnifique!" Elle faisait des Halots, en fait. Elle ne faisait rien d'autre. Elle fait des gâteaux avec l'eau des pommes de terre. Vous savez ce qu'elle faisait ? Elle prenait des pommes de terre, parce que les paysans en avaient, elle râpait les pommes de terre, et en râpant les pommes de terre, elle faisait des rostis avec. Mais l'eau qui s'écoulait, il suffisait de la laisser pendant 48 heures, l'eau s'évapore, vous avez de la fécule de pommes de terre. Et c'est ce que l'on fait a Pessah pour faire les gateaux. Et elle faisait des gâteaux avec l'eau des pommes de terre. On disait, l'alsacienne, elle sait tout faire. Donc ma mère se cachait dans les environs, dans les fermes avoisinantes. Et on la voyait, elle venait nous voir de temps en temps. On est resté chez la jeune pratiquement jusqu'à la fin de la guerre. Juste les derniers mois où elle n'a pas... pu nous garder, il a dû avoir une dénonciation où elle a eu très peur. Elle a retrouvé ma mère dans une des fermes, il y avait ce que l'on mange actuellement, les champignons de Paris venaient tous de Vendôme. Il y avait plus d'une quinzaine de champignonières, ça fait des kilomètres et des kilomètres de long et on s'est caché dans ces champignonières. On n'était pas les seuls parce qu'il y avait des réfugiés. français qui avaient subi les bombardements et qui se cachaient aussi dans ces champignonières. Ma mère sortait la nuit pour nous chercher à manger dans les fermes qu'elle connaissait et la journée on jouait, on sortait comme ça. C'était les vacances éternelles. Vendôme c'était extraordinaire. Je vous raconte un fait magnifique, vraiment on va terminer là-dessus. Je jouais dehors et la jeune ne voulait pas que je sorte. Et juste en face, il y avait le quartier général, le commandantur des Allemands, qui était là vraiment en face de la maison où on habitait. En fait, c'était une maison de rendez-vous, c'était un bastringue, où les Allemands retrouvaient des filles, vous savez, pendant la guerre, s'amusaient avec de la musique. Donc pourquoi je reviens à ça ? Parce que moi qui suis insupportable, je joue dehors. La Jeanne ne veut pas. Un jour, il y avait plein d'Allemands qui passaient pour aller dans cette maison-là. Il me dit « va t'arriver quelque chose » . D'ailleurs, il y a un Allemand, un jour, qui est passé, il m'a vue, il m'a prise dans ses bras, il est parti en permission, et il m'a rapporté une petite poupée d'Allemagne, s'il avait su que c'était pour une enfant juive. Enfin, ce n'est pas pour ça que je vous raconte ça. C'est que la Jeanne avait très peur. Elle me dit « un jour, il va arriver quelque chose, ne sors pas » . Et moi, je n'écoute pas. Il est arrivé ce qui devait arriver. Et l'Allemand me prend dans ses bras. Et ils m'emmènent dans ce quartier général. Et là, il y a plein d'Allemands. Il y a des filles, il y a des Allemands. Et qu'est-ce qu'on demande à une petite fille ? "Comment tu t'appelles ?" "Je m'appelle Arlette." "rlette comment ?" Là j'ai 9 ans. 10 ans. Et je sais que je ne peux pas dire mon nom. Je porte un nom typiquement juif. Je m'appelle Reiman. Si je dis le nom, La Jeanne va être arrêtée, le Jean aussi, c'est fini. Je sais que je ne peux pas le dire. Je regarde l'allemand et ils insistent. "Arlette comment ?" Ce n'est pas de l'intelligence. Je l'ai regardé, comme une petite fille qui ne sait pas. Je lui ai dit "Arlette tout court". Et lui, il n'a pas compris le français. Il ne comprend pas le français. Il a cru que tout court, c'était un nom français.

  • Speaker #1

    Une spontanéité mêlée d'insouciance qui permit à Arlette d'assister quelque temps plus tard à la libération. Elle se souvient encore aujourd'hui de ces cloches joyeuses qu'elle entendit avec sa maman avant d'Aume. Mais elle se souvient aussi des terribles scènes d'épuration qui suivirent. Femmes accusées de collaboration trainées sur les places publiques, le crâne rasé, exposées aux crachats et aux insultes d'une foule assoiffée de vengeance. Après la libération, les deux enfants demeurèrent quelques temps à Vendôme. Leur mère entreprit alors des recherches désespérées pour retrouver la trace de son mari. Une période d'attente terrible, où l'espoir le disputait à l'angoisse, où chaque jour apportait son lot d'incertitudes.

  • Speaker #0

    Elle est rentrée sur Paris, où elle faisait la navette entre la gare de l'Est, l'hôtel Lutetia, c'était l'horreur. C'était l'horreur totale. Ma mère espérait tellement, tellement qu'il revienne. Elle ne pensait qu'à ça. Ça a été un couple fusionnel. Ma mère, a connu mon père à l'âge de 13 ans. Ils s'étaient promis le mariage. Lui, il a émigré en France. Il est resté 5 ans pour se faire une situation, pour envoyer des papiers à ma mère. pour qu'elle vienne le rejoindre. Ils se sont mariés en France. Donc c'était une fusion. Elle était sûre qu'il allait revenir. Et quand elle a su qu'il ne reviendrait pas, jusqu'au jour où elle a vu quelqu'un à la gare de l'Est ou à l'hôtel Lutétia, qui lui a dit "écoute, ne l'attend pas. J'ai fait partie aussi du convoi numéro 4. On l'a vu partir", comme je vous l'ai expliqué. Et à partir de là, ma mère s'est trouvée avec des maux de tête, des gros malaises, jusqu'au jour où elle s'est trouvée mal dans la rue. La police l'a ramassée dans la rue, ils l'ont emmenée à l'hôtel Dieu. C'était en janvier 1946, donc six mois après la guerre. La police est venue nous trouver en disant « On a ramassé votre maman, venez la voir, elle est à l'hôpital. » Et je me souviens avec ma sœur, on a été la voir à l'hôpital et elle était très mal. Elle avait mal à la tête, elle réclamait de la morphine. Et puis ses dernières paroles, je me souviens ma sœur la secouait « Maman, maman, t'as fait tellement pour nous, maman. » Et maman lui disait, "il faut que je retrouve papa. Demain je serai avec papa". Et ma soeur, elle la secoue, elle lui dit, "maman, reste là, on est là". Et puis le lendemain, elle n'était plus là. C'était ses dernières paroles.

  • Speaker #1

    Après la guerre, Arlette et sa sœur deviennent pupilles de la nation, sans père, sans mère, sans personne. Mais Arlette le dit avec force, ce qui l'a sauvée, c'est l'internat. Alors que sa sœur est mise au travail, Arlette a la chance d'être placée dans la Sarthe par ses tuteurs. Elle y vit anonymement, sans que personne ne sache qu'elle est juive, ni que son père a été assassiné. Des années difficiles, dont elle garde un souvenir douloureux, mais qui lui permettent de se construire un monde à elle, entourée de livres et de silence. Les autres filles rentrent chez elle le dimanche. Elle reste à l'internat, mais tant qu'il y a la bibliothèque, elle tient bon. Et puis un jour, lors de la remise des résultats du brevet, elle écoute les noms des élèves admis défiler, jusqu'au dernier. On annonce alors... "La première du canton, c'est la petite orpheline". Un moment de lumière, une revanche silencieuse, une victoire sur l'oubli. Depuis cette époque, Arlette a parcouru un long chemin. Elle a épousé un homme extraordinaire, un "mensch", comme elle aime à dire. Un homme qui a connu les mêmes souffrances qu'elle. Ensemble, ils consacrent une grande partie de leur vie à témoigner, partageant leur histoire auprès des jeunes dans les établissements scolaires, transmettant leur mémoire à travers des livres et des rencontres. Très chère Arlette, merci du fond du cœur de m'avoir fait le don précieux de votre témoignage. J'ai été profondément touchée par votre confiance et par la générosité avec laquelle vous avez partagé ces souvenirs si intimes et si douloureux. Merci à la Claims Conférence pour son soutien dans ce travail de transmission. Merci à Néo Verriest et à Alexandre Bande pour leur aide précieuse. Et merci à vous tous qui avez suivi ces quatre épisodes du témoignage d'Arlette. Ces récits sont essentiels à la connaissance de notre histoire. et à notre mémoire collective. Il nous rappellent que derrière les grandes dates de l'histoire se cachent des destins humains, des enfances brisées, mais aussi une formidable capacité de résilience. Alors n'hésitez pas à partager ce podcast autour de vous, avec vos proches, avec vos amis, car ces voix du passé éclairent notre présent et nous aident à construire un avenir plus juste. La mémoire se transmet, elle se partage, elle nous unit dans notre humanité commune. On se retrouve très vite pour un nouveau témoignage. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

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