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ENFANT DE LA SHOAH

RENÉE - 2 ANS - ELLE AVAIT DEUX ANS ET DEVAIT SE TAIRE

RENÉE - 2 ANS - ELLE AVAIT DEUX ANS ET DEVAIT SE TAIRE

14min |27/08/2025
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14min |27/08/2025
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Description

Renée est née le 4 octobre 1937 à Strasbourg, dans une famille juive aux origines mêlées : roumaines, bessarabes, ukrainiennes.

Son père, originaire de Tchernowicz, a dû quitter l’Ukraine pour venir faire ses études d’ingÉnieur en France, chassé par les quotas qui limitaient l’accès des Juifs à l’université.

Sa mère, petite femme discrète, avait perdu la sienne à l’âge de deux ans, et fut élevée par la seconde puis la troisième femme de son père.


Comme chez beaucoup de familles juives de l’époque, la religion n’occupait pas une place centrale, mais le respect, la culture, les racines, étaient là, bien vivants.

C’est donc au sein d’une famille laïque, mais attachée aux traditions que grandit Renée. Une famille comme tant d’autres, qui rêvait d’un avenir en France…


Renée était une toute petite fille pendant la guerre ; à peine deux ans au moment des événements qu’elle évoque.

Ce qu’elle nous raconte aujourd’hui est un mélange de souvenirs flous, de sensations d’enfance, et surtout de récits transmis par ses proches au fil des années.
Il ne s’agit pas d’un témoignage factuel à la minute près, mais d’une parole précieuse : celle d’une enfant juive qui a grandi dans l’ombre de la guerre et de la disparition.


Ce récit témoigne d’une mémoire familiale, d’un ressenti, d’une émotion …


Voici le témoignage de renée, 2 ans petit enfant de la shoah


🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à Alexandre Bande et à Néo Verriest pour leur aide précieuse ❤️


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


----

suivez moi sur les réseaux ici 👉 https://linktr.ee/EnfantDeLaShoah

----

❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire des enfants cachés en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. 11 000 d'entre eux ne reviendront pas des centres de mise à mort et des milliers d'autres, les plus chanceux, seront séparés de leurs parents. Cachés à la campagne sous de fausses identités, mis à l'écart du monde extérieur, parfois même dénoncés et emprisonnés. Ne pas dire qu'ils sont juifs, jamais. Se taire, affronter la peur, la solitude, le danger. Oui, chanceux, car malgré tout ces enfants survivront à cette période terrible. Ces enfants ont grandi, ils ont 80, 90 ans et plus, ils sont la mémoire de la guerre, ils sont les enfants de la Shoah. Ils replongent pour nous dans leurs souvenirs d'enfants. René est né le 4 octobre 1937 à Strasbourg, dans une famille juive aux origines mêlées, roumaine, bessarabe, ukrainienne. Son père, originaire de Tchernovitz, a dû quitter l'Ukraine pour venir faire ses études d'ingénieur en France, chassé par les quotas qui limitaient l'accès des Juifs à l'université. Sa mère, petite femme discrète, avait perdu la sienne à l'âge de deux ans et fut élevée par la seconde, puis la troisième femme de son père. Comme chez beaucoup de familles juives à l'époque, La religion n'occupait pas une place centrale, mais le respect, la culture, les racines étaient là, bien vivants. C'est donc au sein d'une famille laïque, mais attachée aux traditions, que grandit René, une famille comme tant d'autres, qui rêvait d'un avenir en France. René était une toute petite fille pendant la guerre, à peine deux ans, au moment des événements qu'elle évoque. Ce qu'elle nous raconte aujourd'hui est un mélange de souvenirs flous, de sensations d'enfance, et surtout de récits transmis par ses proches au fil des années. Il ne s'agit pas d'un témoignage factuel à la minute près, mais d'une parole précieuse, celle d'une enfant juive qui a grandi dans l'ombre de la guerre et de la disparition. Ce récit témoigne d'une mémoire familiale, d'un ressenti, d'une émotion. Voici le témoignage de René, deux ans, petit enfant de la Shoah.

  • Speaker #1

    À la déclaration de guerre, j'avais deux ans, il y a eu très vite une occupation de Strasbourg par les nazis. Et à ce moment-là, on a été évacués, on est partis. J'ai en mémoire une grande salle quelque part, avec des gens couchés partout. Je pense que c'était au cours de cette évacuation. Après, alors on a habité Clermont-Ferrand, on était logés par un couple de gens qui étaient essentiellement résistants. qui vraiment consacraient leur vie à ça. D'ailleurs, il y avait même la mémé, mémé Charbonnier, qui à sa manière paraît-il résistait. Et bon, sauf qu'elle a fait une bêtise. Presque à la fin de la guerre, elle a dévoilé que un certain monsieur Firman était chez eux, habitait là. Et monsieur Firman a été emmené et mort à Auschwitz. Et ce monsieur, c'était un collègue de mon père. Il était adorable pour moi, il était tout seul, je ne sais pas. Bon, donc voilà. Mon premier souvenir, gros souvenir douloureux. En 1942, on a reçu un avis d'expulsion. Et donc, il fallait qu'on parte. En juin 1942... On est partis sur l'Isère où j'avais mon oncle et ma tante. Je ne me souviens pas du départ. Je sais qu'on est allés à Gierre, à côté de Grenoble, et qu'ils nous ont trouvé un logement à Gierre. Il y avait beaucoup, beaucoup de juifs à Gierre. On est cachés dans une pièce, je revois la pièce. Mon père était malade, il avait commencé à être très malade. Bon, ça m'embêtait de le voir touché comme ça, ça ne lui ressemblait pas. Mais j'ai cette image de mon père malade et d'une rafle à un moment donné. Donc c'était les Français, bien sûr. Il y a deux policiers très aimables qui sont venus, qui ont dit à mes parents qu'on allait être emmenés. et qu'il fallait qu'on rassemble nos affaires, qu'ils allaient venir nous chercher l'après-midi, et qu'il fallait qu'on prépare les bagages. Et ne vous inquiétez pas madame, il va être soigné par des médecins allemands, qui sont de très bons médecins. J'étais contente, moi je pensais qu'on allait coucher dans le foin, et pour moi c'était ça, et que... bon c'était... l'évasion des vacances. Et alors ma mère a commencé à rassembler nos affaires. Et puis l'après-midi, ben ils ne venaient pas. On attendait, ils ne venaient pas. Et à un moment donné, c'est mon oncle qui est arrivé. Tout va bien, il ne ramasse pas les Roumains. Donc les Roumains étaient encore à ce moment-là sous le traité d'alliance entre eux. Hitler et la Roumanie, et on n'est pas partis. La vie a repris son cours. Les images que je garde, c'est après la mort de mon père, parce qu'il a été donc très malade, et puis il se faisait énormément de soucis en sachant que, voilà, il allait nous laisser là, il savait qu'il allait partir. Il allait nous laisser dans cet enfer. Et je suis partie chez les sœurs. Et là, il y a un trou. Je ne sais pas si c'est les sœurs à Gier, parce qu'il y en avait, ou si c'est les sœurs qui étaient du côté de Villardelon. Je ne me souviens ni du départ, ni de l'arrivée. Je me souviens d'une espèce d'anonymat que j'avais au milieu d'elle. Là, j'avais peur, j'avais peur vraiment, parce que j'avais vu que mon père était parti, je l'ai vu mourir. Et donc j'étais perdue, perdue dans la masse des sœurs. Je ne me souviens pas qu'il y en ait eu de particulièrement gentilles, ni de particulièrement... une espèce d'indifférence. Et après on est allé, je ne sais pas pourquoi, on est allé habiter à Grenoble. Là j'ai senti, j'ai senti, par exemple, j'étais avec ma mère dans la rue, on voit arriver une femme en face de nous, elle dit « N'y allez pas, il y a une rafle ! N'y allez pas, il y a une rafle ! » Elle m'a fait peur. Je sentais la trouille sur elle et ma mère m'a tiré en avant pour qu'on continue. Derrière nous, il y avait des Allemands et devant nous aussi, je crois. Mais alors, elle n'a pas changé de direction, pas tout de suite. Et après, elle m'a tiré à droite ou à gauche, je ne sais pas. au bout de, finalement, je ne pense pas très longtemps à Grenoble, parce que les Allemands sont entrés dans Grenoble en 1943, oui. Notre propriétaire, qui habitait Pierre-Châtel, à côté de la Mûre, est venu nous chercher un jour. Elle est arrivée et elle ne nous avait pas prévenu. Elle nous a dit « Bon, Madame Siler, vous faites vos balises, je vous emmène chez moi à la haute » . Il n'est pas question que vous restiez une minute de plus ici. Ce qu'on disait, c'était qu'il y avait une épicière au bout de la rue qui dénonçait. Donc, Mme Siler, on ne prend pas le risque, on part. Et ça s'est fait le jour même, à Pierre-Châtel. On était cachés par Mme Dima, dans une grande maison, qui était agréable, on avait une pièce en bas. Et il est arrivé qu'il y ait des Allemands dans la maison. Mais à ce moment-là, il fallait que je me tienne hyper tranquille, que je ne crie pas, que je ne parle pas. D'ailleurs, il y a eu un jour une inondation chez nous. J'ai vu arriver de l'eau. « Maman, maman, il y a des Allemands ! » « Tais-toi, tais-toi ! » Effectivement, il y avait une langue d'eau qui entrait. Alors elle a épongé, épongé, épongé, et puis ça n'a pas été grand-chose, on s'en est... Un moment que j'ai vécu comme un moment de terreur, parce que là, effectivement, quand j'ai vu la tête de ma mère, et le fait qu'il ne fallait pas crier, et l'eau qui arrivait, peur. J'étais pas très intégrée, parce qu'il y avait cette espèce de frousse. Alors oui, parce que j'allais au catéchisme, et je m'y étais faite. J'aimais bien, moi, la Sainte Vierge. J'avais plus ou moins des copains. Et ce n'était pas désagréable. Il n'y a pas eu de souvenirs mauvais, là. Alors là, j'avais conscience que j'étais juive. Je savais qu'on n'était pas catholique, que j'allais au catéchisme, mais qu'on n'était pas catholique. Je savais que c'était dangereux. Et j'étais un peu époustouflée, parce qu'il y avait un Allemand qui m'a parlé, une fois, qui m'a dit, toujours au cheval, j'étais sûre. J'étais sur un vélo, et non, pour moi, je jouais au cheval, c'est ça. Je faisais du cheval. Et il avait l'air gentil, certainement. Mais je savais que c'était... Il ne fallait peut-être pas que je lui dise plus de choses. Un beau jour, on a entendu la fille de Mme Dima, qui nous appelait. « Madame Siler, Madame Siler, ils se m'en vont ! » Alors il devait être, je ne sais pas, 5-6 heures du matin, un truc comme ça. On s'est mis à la fenêtre et ils défilaient des Ausha, des voitures. Ils partaient. C'était très silencieux. C'était une espèce de cortège très… Oui, je vois ça comme un cortège hyper silencieux. À ce moment-là, il n'y avait personne dans la rue. On était à nos fenêtres et en se cachant. Quelques heures après, c'est les Américains qui sont arrivés. Alors la rue était étroite, le trottoir, c'est un petit bout du machin. Et on était nombreux, on était collés contre le mur et on voyait passer les Ausha et ces gars joviaux, sympas, qui nous lançaient du chocolat, des trucs. Je sentais qu'il y avait quelque chose qui s'enlevait. J'avais conscience que eux c'étaient des gentils, des libérateurs, des... Enfin c'est un peu simpliste, hein, comme... Mais voilà. J'étais née un peu avant la guerre, mais j'étais toute petite, donc... Au cours de la vie, c'était... Ça a été le après.

  • Speaker #0

    Oui, pour René comme pour tant d'autres enfants, qui étaient si petits au moment de l'invasion allemande, c'est à la fin de la guerre que la vie a commencé, que la vie a pris son cours. René s'est mariée, elle a eu des enfants, et elle n'a jamais cessé de transmettre son histoire, portant cette mémoire avec une force tranquille, une clarté touchante. Merci, cher René, de m'avoir offert un peu de votre mémoire. Merci à vous, chers auditeurs, d'avoir écouté cet épisode d'Enfants de la Shoah. Ces témoignages sont essentiels. Ils nous aident à comprendre le passé, à mieux voir le présent et à construire un avenir plus lucide. En ces temps troublés face à la résurgence de l'antisémitisme, faire entendre ces voix, c'est un acte essentiel. Alors si cet épisode vous a touché, je vous invite vraiment à le partager autour de vous, à vos proches, à votre famille. Abonnez-vous au podcast et laissez un commentaire si vous le souhaitez. C'est précieux pour continuer ce travail de mémoire. Merci pour votre écoute, merci pour votre fidélité. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode. Allez, salut ! C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor.

Description

Renée est née le 4 octobre 1937 à Strasbourg, dans une famille juive aux origines mêlées : roumaines, bessarabes, ukrainiennes.

Son père, originaire de Tchernowicz, a dû quitter l’Ukraine pour venir faire ses études d’ingÉnieur en France, chassé par les quotas qui limitaient l’accès des Juifs à l’université.

Sa mère, petite femme discrète, avait perdu la sienne à l’âge de deux ans, et fut élevée par la seconde puis la troisième femme de son père.


Comme chez beaucoup de familles juives de l’époque, la religion n’occupait pas une place centrale, mais le respect, la culture, les racines, étaient là, bien vivants.

C’est donc au sein d’une famille laïque, mais attachée aux traditions que grandit Renée. Une famille comme tant d’autres, qui rêvait d’un avenir en France…


Renée était une toute petite fille pendant la guerre ; à peine deux ans au moment des événements qu’elle évoque.

Ce qu’elle nous raconte aujourd’hui est un mélange de souvenirs flous, de sensations d’enfance, et surtout de récits transmis par ses proches au fil des années.
Il ne s’agit pas d’un témoignage factuel à la minute près, mais d’une parole précieuse : celle d’une enfant juive qui a grandi dans l’ombre de la guerre et de la disparition.


Ce récit témoigne d’une mémoire familiale, d’un ressenti, d’une émotion …


Voici le témoignage de renée, 2 ans petit enfant de la shoah


🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à Alexandre Bande et à Néo Verriest pour leur aide précieuse ❤️


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire des enfants cachés en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. 11 000 d'entre eux ne reviendront pas des centres de mise à mort et des milliers d'autres, les plus chanceux, seront séparés de leurs parents. Cachés à la campagne sous de fausses identités, mis à l'écart du monde extérieur, parfois même dénoncés et emprisonnés. Ne pas dire qu'ils sont juifs, jamais. Se taire, affronter la peur, la solitude, le danger. Oui, chanceux, car malgré tout ces enfants survivront à cette période terrible. Ces enfants ont grandi, ils ont 80, 90 ans et plus, ils sont la mémoire de la guerre, ils sont les enfants de la Shoah. Ils replongent pour nous dans leurs souvenirs d'enfants. René est né le 4 octobre 1937 à Strasbourg, dans une famille juive aux origines mêlées, roumaine, bessarabe, ukrainienne. Son père, originaire de Tchernovitz, a dû quitter l'Ukraine pour venir faire ses études d'ingénieur en France, chassé par les quotas qui limitaient l'accès des Juifs à l'université. Sa mère, petite femme discrète, avait perdu la sienne à l'âge de deux ans et fut élevée par la seconde, puis la troisième femme de son père. Comme chez beaucoup de familles juives à l'époque, La religion n'occupait pas une place centrale, mais le respect, la culture, les racines étaient là, bien vivants. C'est donc au sein d'une famille laïque, mais attachée aux traditions, que grandit René, une famille comme tant d'autres, qui rêvait d'un avenir en France. René était une toute petite fille pendant la guerre, à peine deux ans, au moment des événements qu'elle évoque. Ce qu'elle nous raconte aujourd'hui est un mélange de souvenirs flous, de sensations d'enfance, et surtout de récits transmis par ses proches au fil des années. Il ne s'agit pas d'un témoignage factuel à la minute près, mais d'une parole précieuse, celle d'une enfant juive qui a grandi dans l'ombre de la guerre et de la disparition. Ce récit témoigne d'une mémoire familiale, d'un ressenti, d'une émotion. Voici le témoignage de René, deux ans, petit enfant de la Shoah.

  • Speaker #1

    À la déclaration de guerre, j'avais deux ans, il y a eu très vite une occupation de Strasbourg par les nazis. Et à ce moment-là, on a été évacués, on est partis. J'ai en mémoire une grande salle quelque part, avec des gens couchés partout. Je pense que c'était au cours de cette évacuation. Après, alors on a habité Clermont-Ferrand, on était logés par un couple de gens qui étaient essentiellement résistants. qui vraiment consacraient leur vie à ça. D'ailleurs, il y avait même la mémé, mémé Charbonnier, qui à sa manière paraît-il résistait. Et bon, sauf qu'elle a fait une bêtise. Presque à la fin de la guerre, elle a dévoilé que un certain monsieur Firman était chez eux, habitait là. Et monsieur Firman a été emmené et mort à Auschwitz. Et ce monsieur, c'était un collègue de mon père. Il était adorable pour moi, il était tout seul, je ne sais pas. Bon, donc voilà. Mon premier souvenir, gros souvenir douloureux. En 1942, on a reçu un avis d'expulsion. Et donc, il fallait qu'on parte. En juin 1942... On est partis sur l'Isère où j'avais mon oncle et ma tante. Je ne me souviens pas du départ. Je sais qu'on est allés à Gierre, à côté de Grenoble, et qu'ils nous ont trouvé un logement à Gierre. Il y avait beaucoup, beaucoup de juifs à Gierre. On est cachés dans une pièce, je revois la pièce. Mon père était malade, il avait commencé à être très malade. Bon, ça m'embêtait de le voir touché comme ça, ça ne lui ressemblait pas. Mais j'ai cette image de mon père malade et d'une rafle à un moment donné. Donc c'était les Français, bien sûr. Il y a deux policiers très aimables qui sont venus, qui ont dit à mes parents qu'on allait être emmenés. et qu'il fallait qu'on rassemble nos affaires, qu'ils allaient venir nous chercher l'après-midi, et qu'il fallait qu'on prépare les bagages. Et ne vous inquiétez pas madame, il va être soigné par des médecins allemands, qui sont de très bons médecins. J'étais contente, moi je pensais qu'on allait coucher dans le foin, et pour moi c'était ça, et que... bon c'était... l'évasion des vacances. Et alors ma mère a commencé à rassembler nos affaires. Et puis l'après-midi, ben ils ne venaient pas. On attendait, ils ne venaient pas. Et à un moment donné, c'est mon oncle qui est arrivé. Tout va bien, il ne ramasse pas les Roumains. Donc les Roumains étaient encore à ce moment-là sous le traité d'alliance entre eux. Hitler et la Roumanie, et on n'est pas partis. La vie a repris son cours. Les images que je garde, c'est après la mort de mon père, parce qu'il a été donc très malade, et puis il se faisait énormément de soucis en sachant que, voilà, il allait nous laisser là, il savait qu'il allait partir. Il allait nous laisser dans cet enfer. Et je suis partie chez les sœurs. Et là, il y a un trou. Je ne sais pas si c'est les sœurs à Gier, parce qu'il y en avait, ou si c'est les sœurs qui étaient du côté de Villardelon. Je ne me souviens ni du départ, ni de l'arrivée. Je me souviens d'une espèce d'anonymat que j'avais au milieu d'elle. Là, j'avais peur, j'avais peur vraiment, parce que j'avais vu que mon père était parti, je l'ai vu mourir. Et donc j'étais perdue, perdue dans la masse des sœurs. Je ne me souviens pas qu'il y en ait eu de particulièrement gentilles, ni de particulièrement... une espèce d'indifférence. Et après on est allé, je ne sais pas pourquoi, on est allé habiter à Grenoble. Là j'ai senti, j'ai senti, par exemple, j'étais avec ma mère dans la rue, on voit arriver une femme en face de nous, elle dit « N'y allez pas, il y a une rafle ! N'y allez pas, il y a une rafle ! » Elle m'a fait peur. Je sentais la trouille sur elle et ma mère m'a tiré en avant pour qu'on continue. Derrière nous, il y avait des Allemands et devant nous aussi, je crois. Mais alors, elle n'a pas changé de direction, pas tout de suite. Et après, elle m'a tiré à droite ou à gauche, je ne sais pas. au bout de, finalement, je ne pense pas très longtemps à Grenoble, parce que les Allemands sont entrés dans Grenoble en 1943, oui. Notre propriétaire, qui habitait Pierre-Châtel, à côté de la Mûre, est venu nous chercher un jour. Elle est arrivée et elle ne nous avait pas prévenu. Elle nous a dit « Bon, Madame Siler, vous faites vos balises, je vous emmène chez moi à la haute » . Il n'est pas question que vous restiez une minute de plus ici. Ce qu'on disait, c'était qu'il y avait une épicière au bout de la rue qui dénonçait. Donc, Mme Siler, on ne prend pas le risque, on part. Et ça s'est fait le jour même, à Pierre-Châtel. On était cachés par Mme Dima, dans une grande maison, qui était agréable, on avait une pièce en bas. Et il est arrivé qu'il y ait des Allemands dans la maison. Mais à ce moment-là, il fallait que je me tienne hyper tranquille, que je ne crie pas, que je ne parle pas. D'ailleurs, il y a eu un jour une inondation chez nous. J'ai vu arriver de l'eau. « Maman, maman, il y a des Allemands ! » « Tais-toi, tais-toi ! » Effectivement, il y avait une langue d'eau qui entrait. Alors elle a épongé, épongé, épongé, et puis ça n'a pas été grand-chose, on s'en est... Un moment que j'ai vécu comme un moment de terreur, parce que là, effectivement, quand j'ai vu la tête de ma mère, et le fait qu'il ne fallait pas crier, et l'eau qui arrivait, peur. J'étais pas très intégrée, parce qu'il y avait cette espèce de frousse. Alors oui, parce que j'allais au catéchisme, et je m'y étais faite. J'aimais bien, moi, la Sainte Vierge. J'avais plus ou moins des copains. Et ce n'était pas désagréable. Il n'y a pas eu de souvenirs mauvais, là. Alors là, j'avais conscience que j'étais juive. Je savais qu'on n'était pas catholique, que j'allais au catéchisme, mais qu'on n'était pas catholique. Je savais que c'était dangereux. Et j'étais un peu époustouflée, parce qu'il y avait un Allemand qui m'a parlé, une fois, qui m'a dit, toujours au cheval, j'étais sûre. J'étais sur un vélo, et non, pour moi, je jouais au cheval, c'est ça. Je faisais du cheval. Et il avait l'air gentil, certainement. Mais je savais que c'était... Il ne fallait peut-être pas que je lui dise plus de choses. Un beau jour, on a entendu la fille de Mme Dima, qui nous appelait. « Madame Siler, Madame Siler, ils se m'en vont ! » Alors il devait être, je ne sais pas, 5-6 heures du matin, un truc comme ça. On s'est mis à la fenêtre et ils défilaient des Ausha, des voitures. Ils partaient. C'était très silencieux. C'était une espèce de cortège très… Oui, je vois ça comme un cortège hyper silencieux. À ce moment-là, il n'y avait personne dans la rue. On était à nos fenêtres et en se cachant. Quelques heures après, c'est les Américains qui sont arrivés. Alors la rue était étroite, le trottoir, c'est un petit bout du machin. Et on était nombreux, on était collés contre le mur et on voyait passer les Ausha et ces gars joviaux, sympas, qui nous lançaient du chocolat, des trucs. Je sentais qu'il y avait quelque chose qui s'enlevait. J'avais conscience que eux c'étaient des gentils, des libérateurs, des... Enfin c'est un peu simpliste, hein, comme... Mais voilà. J'étais née un peu avant la guerre, mais j'étais toute petite, donc... Au cours de la vie, c'était... Ça a été le après.

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    Oui, pour René comme pour tant d'autres enfants, qui étaient si petits au moment de l'invasion allemande, c'est à la fin de la guerre que la vie a commencé, que la vie a pris son cours. René s'est mariée, elle a eu des enfants, et elle n'a jamais cessé de transmettre son histoire, portant cette mémoire avec une force tranquille, une clarté touchante. Merci, cher René, de m'avoir offert un peu de votre mémoire. Merci à vous, chers auditeurs, d'avoir écouté cet épisode d'Enfants de la Shoah. Ces témoignages sont essentiels. Ils nous aident à comprendre le passé, à mieux voir le présent et à construire un avenir plus lucide. En ces temps troublés face à la résurgence de l'antisémitisme, faire entendre ces voix, c'est un acte essentiel. Alors si cet épisode vous a touché, je vous invite vraiment à le partager autour de vous, à vos proches, à votre famille. Abonnez-vous au podcast et laissez un commentaire si vous le souhaitez. C'est précieux pour continuer ce travail de mémoire. Merci pour votre écoute, merci pour votre fidélité. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode. Allez, salut ! C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor.

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Renée est née le 4 octobre 1937 à Strasbourg, dans une famille juive aux origines mêlées : roumaines, bessarabes, ukrainiennes.

Son père, originaire de Tchernowicz, a dû quitter l’Ukraine pour venir faire ses études d’ingÉnieur en France, chassé par les quotas qui limitaient l’accès des Juifs à l’université.

Sa mère, petite femme discrète, avait perdu la sienne à l’âge de deux ans, et fut élevée par la seconde puis la troisième femme de son père.


Comme chez beaucoup de familles juives de l’époque, la religion n’occupait pas une place centrale, mais le respect, la culture, les racines, étaient là, bien vivants.

C’est donc au sein d’une famille laïque, mais attachée aux traditions que grandit Renée. Une famille comme tant d’autres, qui rêvait d’un avenir en France…


Renée était une toute petite fille pendant la guerre ; à peine deux ans au moment des événements qu’elle évoque.

Ce qu’elle nous raconte aujourd’hui est un mélange de souvenirs flous, de sensations d’enfance, et surtout de récits transmis par ses proches au fil des années.
Il ne s’agit pas d’un témoignage factuel à la minute près, mais d’une parole précieuse : celle d’une enfant juive qui a grandi dans l’ombre de la guerre et de la disparition.


Ce récit témoigne d’une mémoire familiale, d’un ressenti, d’une émotion …


Voici le témoignage de renée, 2 ans petit enfant de la shoah


🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à Alexandre Bande et à Néo Verriest pour leur aide précieuse ❤️


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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Transcription

  • Speaker #0

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. 11 000 d'entre eux ne reviendront pas des centres de mise à mort et des milliers d'autres, les plus chanceux, seront séparés de leurs parents. Cachés à la campagne sous de fausses identités, mis à l'écart du monde extérieur, parfois même dénoncés et emprisonnés. Ne pas dire qu'ils sont juifs, jamais. Se taire, affronter la peur, la solitude, le danger. Oui, chanceux, car malgré tout ces enfants survivront à cette période terrible. Ces enfants ont grandi, ils ont 80, 90 ans et plus, ils sont la mémoire de la guerre, ils sont les enfants de la Shoah. Ils replongent pour nous dans leurs souvenirs d'enfants. René est né le 4 octobre 1937 à Strasbourg, dans une famille juive aux origines mêlées, roumaine, bessarabe, ukrainienne. Son père, originaire de Tchernovitz, a dû quitter l'Ukraine pour venir faire ses études d'ingénieur en France, chassé par les quotas qui limitaient l'accès des Juifs à l'université. Sa mère, petite femme discrète, avait perdu la sienne à l'âge de deux ans et fut élevée par la seconde, puis la troisième femme de son père. Comme chez beaucoup de familles juives à l'époque, La religion n'occupait pas une place centrale, mais le respect, la culture, les racines étaient là, bien vivants. C'est donc au sein d'une famille laïque, mais attachée aux traditions, que grandit René, une famille comme tant d'autres, qui rêvait d'un avenir en France. René était une toute petite fille pendant la guerre, à peine deux ans, au moment des événements qu'elle évoque. Ce qu'elle nous raconte aujourd'hui est un mélange de souvenirs flous, de sensations d'enfance, et surtout de récits transmis par ses proches au fil des années. Il ne s'agit pas d'un témoignage factuel à la minute près, mais d'une parole précieuse, celle d'une enfant juive qui a grandi dans l'ombre de la guerre et de la disparition. Ce récit témoigne d'une mémoire familiale, d'un ressenti, d'une émotion. Voici le témoignage de René, deux ans, petit enfant de la Shoah.

  • Speaker #1

    À la déclaration de guerre, j'avais deux ans, il y a eu très vite une occupation de Strasbourg par les nazis. Et à ce moment-là, on a été évacués, on est partis. J'ai en mémoire une grande salle quelque part, avec des gens couchés partout. Je pense que c'était au cours de cette évacuation. Après, alors on a habité Clermont-Ferrand, on était logés par un couple de gens qui étaient essentiellement résistants. qui vraiment consacraient leur vie à ça. D'ailleurs, il y avait même la mémé, mémé Charbonnier, qui à sa manière paraît-il résistait. Et bon, sauf qu'elle a fait une bêtise. Presque à la fin de la guerre, elle a dévoilé que un certain monsieur Firman était chez eux, habitait là. Et monsieur Firman a été emmené et mort à Auschwitz. Et ce monsieur, c'était un collègue de mon père. Il était adorable pour moi, il était tout seul, je ne sais pas. Bon, donc voilà. Mon premier souvenir, gros souvenir douloureux. En 1942, on a reçu un avis d'expulsion. Et donc, il fallait qu'on parte. En juin 1942... On est partis sur l'Isère où j'avais mon oncle et ma tante. Je ne me souviens pas du départ. Je sais qu'on est allés à Gierre, à côté de Grenoble, et qu'ils nous ont trouvé un logement à Gierre. Il y avait beaucoup, beaucoup de juifs à Gierre. On est cachés dans une pièce, je revois la pièce. Mon père était malade, il avait commencé à être très malade. Bon, ça m'embêtait de le voir touché comme ça, ça ne lui ressemblait pas. Mais j'ai cette image de mon père malade et d'une rafle à un moment donné. Donc c'était les Français, bien sûr. Il y a deux policiers très aimables qui sont venus, qui ont dit à mes parents qu'on allait être emmenés. et qu'il fallait qu'on rassemble nos affaires, qu'ils allaient venir nous chercher l'après-midi, et qu'il fallait qu'on prépare les bagages. Et ne vous inquiétez pas madame, il va être soigné par des médecins allemands, qui sont de très bons médecins. J'étais contente, moi je pensais qu'on allait coucher dans le foin, et pour moi c'était ça, et que... bon c'était... l'évasion des vacances. Et alors ma mère a commencé à rassembler nos affaires. Et puis l'après-midi, ben ils ne venaient pas. On attendait, ils ne venaient pas. Et à un moment donné, c'est mon oncle qui est arrivé. Tout va bien, il ne ramasse pas les Roumains. Donc les Roumains étaient encore à ce moment-là sous le traité d'alliance entre eux. Hitler et la Roumanie, et on n'est pas partis. La vie a repris son cours. Les images que je garde, c'est après la mort de mon père, parce qu'il a été donc très malade, et puis il se faisait énormément de soucis en sachant que, voilà, il allait nous laisser là, il savait qu'il allait partir. Il allait nous laisser dans cet enfer. Et je suis partie chez les sœurs. Et là, il y a un trou. Je ne sais pas si c'est les sœurs à Gier, parce qu'il y en avait, ou si c'est les sœurs qui étaient du côté de Villardelon. Je ne me souviens ni du départ, ni de l'arrivée. Je me souviens d'une espèce d'anonymat que j'avais au milieu d'elle. Là, j'avais peur, j'avais peur vraiment, parce que j'avais vu que mon père était parti, je l'ai vu mourir. Et donc j'étais perdue, perdue dans la masse des sœurs. Je ne me souviens pas qu'il y en ait eu de particulièrement gentilles, ni de particulièrement... une espèce d'indifférence. Et après on est allé, je ne sais pas pourquoi, on est allé habiter à Grenoble. Là j'ai senti, j'ai senti, par exemple, j'étais avec ma mère dans la rue, on voit arriver une femme en face de nous, elle dit « N'y allez pas, il y a une rafle ! N'y allez pas, il y a une rafle ! » Elle m'a fait peur. Je sentais la trouille sur elle et ma mère m'a tiré en avant pour qu'on continue. Derrière nous, il y avait des Allemands et devant nous aussi, je crois. Mais alors, elle n'a pas changé de direction, pas tout de suite. Et après, elle m'a tiré à droite ou à gauche, je ne sais pas. au bout de, finalement, je ne pense pas très longtemps à Grenoble, parce que les Allemands sont entrés dans Grenoble en 1943, oui. Notre propriétaire, qui habitait Pierre-Châtel, à côté de la Mûre, est venu nous chercher un jour. Elle est arrivée et elle ne nous avait pas prévenu. Elle nous a dit « Bon, Madame Siler, vous faites vos balises, je vous emmène chez moi à la haute » . Il n'est pas question que vous restiez une minute de plus ici. Ce qu'on disait, c'était qu'il y avait une épicière au bout de la rue qui dénonçait. Donc, Mme Siler, on ne prend pas le risque, on part. Et ça s'est fait le jour même, à Pierre-Châtel. On était cachés par Mme Dima, dans une grande maison, qui était agréable, on avait une pièce en bas. Et il est arrivé qu'il y ait des Allemands dans la maison. Mais à ce moment-là, il fallait que je me tienne hyper tranquille, que je ne crie pas, que je ne parle pas. D'ailleurs, il y a eu un jour une inondation chez nous. J'ai vu arriver de l'eau. « Maman, maman, il y a des Allemands ! » « Tais-toi, tais-toi ! » Effectivement, il y avait une langue d'eau qui entrait. Alors elle a épongé, épongé, épongé, et puis ça n'a pas été grand-chose, on s'en est... Un moment que j'ai vécu comme un moment de terreur, parce que là, effectivement, quand j'ai vu la tête de ma mère, et le fait qu'il ne fallait pas crier, et l'eau qui arrivait, peur. J'étais pas très intégrée, parce qu'il y avait cette espèce de frousse. Alors oui, parce que j'allais au catéchisme, et je m'y étais faite. J'aimais bien, moi, la Sainte Vierge. J'avais plus ou moins des copains. Et ce n'était pas désagréable. Il n'y a pas eu de souvenirs mauvais, là. Alors là, j'avais conscience que j'étais juive. Je savais qu'on n'était pas catholique, que j'allais au catéchisme, mais qu'on n'était pas catholique. Je savais que c'était dangereux. Et j'étais un peu époustouflée, parce qu'il y avait un Allemand qui m'a parlé, une fois, qui m'a dit, toujours au cheval, j'étais sûre. J'étais sur un vélo, et non, pour moi, je jouais au cheval, c'est ça. Je faisais du cheval. Et il avait l'air gentil, certainement. Mais je savais que c'était... Il ne fallait peut-être pas que je lui dise plus de choses. Un beau jour, on a entendu la fille de Mme Dima, qui nous appelait. « Madame Siler, Madame Siler, ils se m'en vont ! » Alors il devait être, je ne sais pas, 5-6 heures du matin, un truc comme ça. On s'est mis à la fenêtre et ils défilaient des Ausha, des voitures. Ils partaient. C'était très silencieux. C'était une espèce de cortège très… Oui, je vois ça comme un cortège hyper silencieux. À ce moment-là, il n'y avait personne dans la rue. On était à nos fenêtres et en se cachant. Quelques heures après, c'est les Américains qui sont arrivés. Alors la rue était étroite, le trottoir, c'est un petit bout du machin. Et on était nombreux, on était collés contre le mur et on voyait passer les Ausha et ces gars joviaux, sympas, qui nous lançaient du chocolat, des trucs. Je sentais qu'il y avait quelque chose qui s'enlevait. J'avais conscience que eux c'étaient des gentils, des libérateurs, des... Enfin c'est un peu simpliste, hein, comme... Mais voilà. J'étais née un peu avant la guerre, mais j'étais toute petite, donc... Au cours de la vie, c'était... Ça a été le après.

  • Speaker #0

    Oui, pour René comme pour tant d'autres enfants, qui étaient si petits au moment de l'invasion allemande, c'est à la fin de la guerre que la vie a commencé, que la vie a pris son cours. René s'est mariée, elle a eu des enfants, et elle n'a jamais cessé de transmettre son histoire, portant cette mémoire avec une force tranquille, une clarté touchante. Merci, cher René, de m'avoir offert un peu de votre mémoire. Merci à vous, chers auditeurs, d'avoir écouté cet épisode d'Enfants de la Shoah. Ces témoignages sont essentiels. Ils nous aident à comprendre le passé, à mieux voir le présent et à construire un avenir plus lucide. En ces temps troublés face à la résurgence de l'antisémitisme, faire entendre ces voix, c'est un acte essentiel. Alors si cet épisode vous a touché, je vous invite vraiment à le partager autour de vous, à vos proches, à votre famille. Abonnez-vous au podcast et laissez un commentaire si vous le souhaitez. C'est précieux pour continuer ce travail de mémoire. Merci pour votre écoute, merci pour votre fidélité. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode. Allez, salut ! C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor.

Description

Renée est née le 4 octobre 1937 à Strasbourg, dans une famille juive aux origines mêlées : roumaines, bessarabes, ukrainiennes.

Son père, originaire de Tchernowicz, a dû quitter l’Ukraine pour venir faire ses études d’ingÉnieur en France, chassé par les quotas qui limitaient l’accès des Juifs à l’université.

Sa mère, petite femme discrète, avait perdu la sienne à l’âge de deux ans, et fut élevée par la seconde puis la troisième femme de son père.


Comme chez beaucoup de familles juives de l’époque, la religion n’occupait pas une place centrale, mais le respect, la culture, les racines, étaient là, bien vivants.

C’est donc au sein d’une famille laïque, mais attachée aux traditions que grandit Renée. Une famille comme tant d’autres, qui rêvait d’un avenir en France…


Renée était une toute petite fille pendant la guerre ; à peine deux ans au moment des événements qu’elle évoque.

Ce qu’elle nous raconte aujourd’hui est un mélange de souvenirs flous, de sensations d’enfance, et surtout de récits transmis par ses proches au fil des années.
Il ne s’agit pas d’un témoignage factuel à la minute près, mais d’une parole précieuse : celle d’une enfant juive qui a grandi dans l’ombre de la guerre et de la disparition.


Ce récit témoigne d’une mémoire familiale, d’un ressenti, d’une émotion …


Voici le témoignage de renée, 2 ans petit enfant de la shoah


🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à Alexandre Bande et à Néo Verriest pour leur aide précieuse ❤️


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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Transcription

  • Speaker #0

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. 11 000 d'entre eux ne reviendront pas des centres de mise à mort et des milliers d'autres, les plus chanceux, seront séparés de leurs parents. Cachés à la campagne sous de fausses identités, mis à l'écart du monde extérieur, parfois même dénoncés et emprisonnés. Ne pas dire qu'ils sont juifs, jamais. Se taire, affronter la peur, la solitude, le danger. Oui, chanceux, car malgré tout ces enfants survivront à cette période terrible. Ces enfants ont grandi, ils ont 80, 90 ans et plus, ils sont la mémoire de la guerre, ils sont les enfants de la Shoah. Ils replongent pour nous dans leurs souvenirs d'enfants. René est né le 4 octobre 1937 à Strasbourg, dans une famille juive aux origines mêlées, roumaine, bessarabe, ukrainienne. Son père, originaire de Tchernovitz, a dû quitter l'Ukraine pour venir faire ses études d'ingénieur en France, chassé par les quotas qui limitaient l'accès des Juifs à l'université. Sa mère, petite femme discrète, avait perdu la sienne à l'âge de deux ans et fut élevée par la seconde, puis la troisième femme de son père. Comme chez beaucoup de familles juives à l'époque, La religion n'occupait pas une place centrale, mais le respect, la culture, les racines étaient là, bien vivants. C'est donc au sein d'une famille laïque, mais attachée aux traditions, que grandit René, une famille comme tant d'autres, qui rêvait d'un avenir en France. René était une toute petite fille pendant la guerre, à peine deux ans, au moment des événements qu'elle évoque. Ce qu'elle nous raconte aujourd'hui est un mélange de souvenirs flous, de sensations d'enfance, et surtout de récits transmis par ses proches au fil des années. Il ne s'agit pas d'un témoignage factuel à la minute près, mais d'une parole précieuse, celle d'une enfant juive qui a grandi dans l'ombre de la guerre et de la disparition. Ce récit témoigne d'une mémoire familiale, d'un ressenti, d'une émotion. Voici le témoignage de René, deux ans, petit enfant de la Shoah.

  • Speaker #1

    À la déclaration de guerre, j'avais deux ans, il y a eu très vite une occupation de Strasbourg par les nazis. Et à ce moment-là, on a été évacués, on est partis. J'ai en mémoire une grande salle quelque part, avec des gens couchés partout. Je pense que c'était au cours de cette évacuation. Après, alors on a habité Clermont-Ferrand, on était logés par un couple de gens qui étaient essentiellement résistants. qui vraiment consacraient leur vie à ça. D'ailleurs, il y avait même la mémé, mémé Charbonnier, qui à sa manière paraît-il résistait. Et bon, sauf qu'elle a fait une bêtise. Presque à la fin de la guerre, elle a dévoilé que un certain monsieur Firman était chez eux, habitait là. Et monsieur Firman a été emmené et mort à Auschwitz. Et ce monsieur, c'était un collègue de mon père. Il était adorable pour moi, il était tout seul, je ne sais pas. Bon, donc voilà. Mon premier souvenir, gros souvenir douloureux. En 1942, on a reçu un avis d'expulsion. Et donc, il fallait qu'on parte. En juin 1942... On est partis sur l'Isère où j'avais mon oncle et ma tante. Je ne me souviens pas du départ. Je sais qu'on est allés à Gierre, à côté de Grenoble, et qu'ils nous ont trouvé un logement à Gierre. Il y avait beaucoup, beaucoup de juifs à Gierre. On est cachés dans une pièce, je revois la pièce. Mon père était malade, il avait commencé à être très malade. Bon, ça m'embêtait de le voir touché comme ça, ça ne lui ressemblait pas. Mais j'ai cette image de mon père malade et d'une rafle à un moment donné. Donc c'était les Français, bien sûr. Il y a deux policiers très aimables qui sont venus, qui ont dit à mes parents qu'on allait être emmenés. et qu'il fallait qu'on rassemble nos affaires, qu'ils allaient venir nous chercher l'après-midi, et qu'il fallait qu'on prépare les bagages. Et ne vous inquiétez pas madame, il va être soigné par des médecins allemands, qui sont de très bons médecins. J'étais contente, moi je pensais qu'on allait coucher dans le foin, et pour moi c'était ça, et que... bon c'était... l'évasion des vacances. Et alors ma mère a commencé à rassembler nos affaires. Et puis l'après-midi, ben ils ne venaient pas. On attendait, ils ne venaient pas. Et à un moment donné, c'est mon oncle qui est arrivé. Tout va bien, il ne ramasse pas les Roumains. Donc les Roumains étaient encore à ce moment-là sous le traité d'alliance entre eux. Hitler et la Roumanie, et on n'est pas partis. La vie a repris son cours. Les images que je garde, c'est après la mort de mon père, parce qu'il a été donc très malade, et puis il se faisait énormément de soucis en sachant que, voilà, il allait nous laisser là, il savait qu'il allait partir. Il allait nous laisser dans cet enfer. Et je suis partie chez les sœurs. Et là, il y a un trou. Je ne sais pas si c'est les sœurs à Gier, parce qu'il y en avait, ou si c'est les sœurs qui étaient du côté de Villardelon. Je ne me souviens ni du départ, ni de l'arrivée. Je me souviens d'une espèce d'anonymat que j'avais au milieu d'elle. Là, j'avais peur, j'avais peur vraiment, parce que j'avais vu que mon père était parti, je l'ai vu mourir. Et donc j'étais perdue, perdue dans la masse des sœurs. Je ne me souviens pas qu'il y en ait eu de particulièrement gentilles, ni de particulièrement... une espèce d'indifférence. Et après on est allé, je ne sais pas pourquoi, on est allé habiter à Grenoble. Là j'ai senti, j'ai senti, par exemple, j'étais avec ma mère dans la rue, on voit arriver une femme en face de nous, elle dit « N'y allez pas, il y a une rafle ! N'y allez pas, il y a une rafle ! » Elle m'a fait peur. Je sentais la trouille sur elle et ma mère m'a tiré en avant pour qu'on continue. Derrière nous, il y avait des Allemands et devant nous aussi, je crois. Mais alors, elle n'a pas changé de direction, pas tout de suite. Et après, elle m'a tiré à droite ou à gauche, je ne sais pas. au bout de, finalement, je ne pense pas très longtemps à Grenoble, parce que les Allemands sont entrés dans Grenoble en 1943, oui. Notre propriétaire, qui habitait Pierre-Châtel, à côté de la Mûre, est venu nous chercher un jour. Elle est arrivée et elle ne nous avait pas prévenu. Elle nous a dit « Bon, Madame Siler, vous faites vos balises, je vous emmène chez moi à la haute » . Il n'est pas question que vous restiez une minute de plus ici. Ce qu'on disait, c'était qu'il y avait une épicière au bout de la rue qui dénonçait. Donc, Mme Siler, on ne prend pas le risque, on part. Et ça s'est fait le jour même, à Pierre-Châtel. On était cachés par Mme Dima, dans une grande maison, qui était agréable, on avait une pièce en bas. Et il est arrivé qu'il y ait des Allemands dans la maison. Mais à ce moment-là, il fallait que je me tienne hyper tranquille, que je ne crie pas, que je ne parle pas. D'ailleurs, il y a eu un jour une inondation chez nous. J'ai vu arriver de l'eau. « Maman, maman, il y a des Allemands ! » « Tais-toi, tais-toi ! » Effectivement, il y avait une langue d'eau qui entrait. Alors elle a épongé, épongé, épongé, et puis ça n'a pas été grand-chose, on s'en est... Un moment que j'ai vécu comme un moment de terreur, parce que là, effectivement, quand j'ai vu la tête de ma mère, et le fait qu'il ne fallait pas crier, et l'eau qui arrivait, peur. J'étais pas très intégrée, parce qu'il y avait cette espèce de frousse. Alors oui, parce que j'allais au catéchisme, et je m'y étais faite. J'aimais bien, moi, la Sainte Vierge. J'avais plus ou moins des copains. Et ce n'était pas désagréable. Il n'y a pas eu de souvenirs mauvais, là. Alors là, j'avais conscience que j'étais juive. Je savais qu'on n'était pas catholique, que j'allais au catéchisme, mais qu'on n'était pas catholique. Je savais que c'était dangereux. Et j'étais un peu époustouflée, parce qu'il y avait un Allemand qui m'a parlé, une fois, qui m'a dit, toujours au cheval, j'étais sûre. J'étais sur un vélo, et non, pour moi, je jouais au cheval, c'est ça. Je faisais du cheval. Et il avait l'air gentil, certainement. Mais je savais que c'était... Il ne fallait peut-être pas que je lui dise plus de choses. Un beau jour, on a entendu la fille de Mme Dima, qui nous appelait. « Madame Siler, Madame Siler, ils se m'en vont ! » Alors il devait être, je ne sais pas, 5-6 heures du matin, un truc comme ça. On s'est mis à la fenêtre et ils défilaient des Ausha, des voitures. Ils partaient. C'était très silencieux. C'était une espèce de cortège très… Oui, je vois ça comme un cortège hyper silencieux. À ce moment-là, il n'y avait personne dans la rue. On était à nos fenêtres et en se cachant. Quelques heures après, c'est les Américains qui sont arrivés. Alors la rue était étroite, le trottoir, c'est un petit bout du machin. Et on était nombreux, on était collés contre le mur et on voyait passer les Ausha et ces gars joviaux, sympas, qui nous lançaient du chocolat, des trucs. Je sentais qu'il y avait quelque chose qui s'enlevait. J'avais conscience que eux c'étaient des gentils, des libérateurs, des... Enfin c'est un peu simpliste, hein, comme... Mais voilà. J'étais née un peu avant la guerre, mais j'étais toute petite, donc... Au cours de la vie, c'était... Ça a été le après.

  • Speaker #0

    Oui, pour René comme pour tant d'autres enfants, qui étaient si petits au moment de l'invasion allemande, c'est à la fin de la guerre que la vie a commencé, que la vie a pris son cours. René s'est mariée, elle a eu des enfants, et elle n'a jamais cessé de transmettre son histoire, portant cette mémoire avec une force tranquille, une clarté touchante. Merci, cher René, de m'avoir offert un peu de votre mémoire. Merci à vous, chers auditeurs, d'avoir écouté cet épisode d'Enfants de la Shoah. Ces témoignages sont essentiels. Ils nous aident à comprendre le passé, à mieux voir le présent et à construire un avenir plus lucide. En ces temps troublés face à la résurgence de l'antisémitisme, faire entendre ces voix, c'est un acte essentiel. Alors si cet épisode vous a touché, je vous invite vraiment à le partager autour de vous, à vos proches, à votre famille. Abonnez-vous au podcast et laissez un commentaire si vous le souhaitez. C'est précieux pour continuer ce travail de mémoire. Merci pour votre écoute, merci pour votre fidélité. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode. Allez, salut ! C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor.

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