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LÉON - 7 ANS - "DANS LA NUIT, JE BUTE CONTRE QUELQUE CHOSE. JE CROIS QUE C'EST UNE BRANCHE D'ARBRE. C'ÉTAIT UN CADAVRE" cover
LÉON - 7 ANS - "DANS LA NUIT, JE BUTE CONTRE QUELQUE CHOSE. JE CROIS QUE C'EST UNE BRANCHE D'ARBRE. C'ÉTAIT UN CADAVRE" cover
ENFANT DE LA SHOAH

LÉON - 7 ANS - "DANS LA NUIT, JE BUTE CONTRE QUELQUE CHOSE. JE CROIS QUE C'EST UNE BRANCHE D'ARBRE. C'ÉTAIT UN CADAVRE"

LÉON - 7 ANS - "DANS LA NUIT, JE BUTE CONTRE QUELQUE CHOSE. JE CROIS QUE C'EST UNE BRANCHE D'ARBRE. C'ÉTAIT UN CADAVRE"

19min |08/10/2025
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ENFANT DE LA SHOAH

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Description

Léon a six ans quand la guerre éclate.

Son père, engagé volontaire dans l’armée française, est fait prisonnier.

Avec sa mère et son frère Max, tout d'abord protégé par la convention de Geneve, Léon sera finalement déporté au camp de Bergen-Belsen.

Non en tant que juif, mais en tant que fils de prisonnier de guerre.

Un camp sans chambre à gaz, mais ravagé par la faim, le typhus, l’abandon…


Un récit bouleversant d’un enfant sauvé de l’extermination… mais plongé dans l’horreur


Voici le témoignage de Léon, 7 ans, Enfant de la Shoah


---------

.🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à Alexandre Bande et à Néo Verriest pour leur aide précieuse ❤️


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


----

Suivez moi sur les réseaux ici 👉 https://linktr.ee/EnfantDeLaShoah



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    C'était à notre arrivée de Bergamozen. J'ai la diarrhée. Donc ça se passe dans la nuit. Je me lève à toute vitesse pour aller aux toilettes. Et je bute contre quelque chose. Je pense que c'est une branche d'arbre, etc. Et je tombe par-dessus. En fait, c'était un cadavre. Inutile de vous dire qu'il n'a pas été nécessaire d'aller jusqu'aux toilettes.

  • Speaker #1

    Moébreux, qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Léon est né le 19 août 1933 à Hussini-Gaudbranche, un petit village de Meurthe-et-Moselle, tout près de la ligne Maginot. Ses parents... originaire de Pologne, avaient quitté leur pays autour de 1925 pour s'installer en France. Le père est cordonnier. La famille vit modestement, mais paisiblement. À l'approche de la guerre en 1939, le père de Léon décide de s'engager dans l'armée française, espérant ainsi être reconnu comme pleinement français. Il laisse derrière lui sa femme et ses deux enfants, Léon et Max. Lorsque le conflit éclate, il est fait prisonnier par les Allemands en 1940 et envoyés en captivité. De leur côté, dès septembre 1939, Léon, sa mère et son frère sont évacués comme des centaines de milliers de civils vivant près de la ligne Maginot pour des raisons de sécurité. Direction le sud-ouest, loin des zones de combat. La famille est envoyée à Sivrak, en Géronde, où elle reste quelques mois avant de rejoindre Paris en 1940 suite à l'invitation d'une tante qui leur propose de les accueillir. Voici le témoignage de Léon. 7 ans, enfant de la Shoah

  • Speaker #0

    Donc en 1940, on est arrivé à Paris. Nous avons vécu à Paris rue Pajol, numéro 56, une pièce qui fait ça la manger, à côté une chambre à coucher et une toute petite cuisine. Donc mon oncle et ma tante dormaient dans cette chambre à coucher. Mon frère, moi et ma mère, nous dormions dans cette salle à manger. Tous les jours, on mettait par terre un matelas. Et nous sommes restés toutes ces années à vivre comme ça, rue Pajol, dans ce petit appartement. Mon oncle et ma tante sont partis à Lyon. Donc nous sommes restés, ma mère, mon frère... moi dans cet appartement. Je pense qu'on recevait une allocation de la France en tant que mon père était prisonnier de guerre, je crois. Ça n'avait pas été une fortune. Donc en 1943, je crois, deux flics arrivent, tapent à la porte, ouvrez, la police, police, police, ouvrez. Donc ma mère ouvre, prenez une valise et puis on vous emmène. Pourquoi vous rendez... Madame, c'est comme ça. Donc, on est partis avec ces deux policiers, qui nous emmènent dans un endroit où il y avait d'autres personnes qui étaient là déjà. Et il se trouve que ma mère est venue avec... On avait une correspondance avec mon père en temps de prisonnier de guerre. Et elle montre cette correspondance et on lui dit, Madame, vous êtes libre, femme de prisonnier de guerre. Donc, on rentre chez nous. La vie continue. Moi je vais à l'école, mon frère va à l'école aussi. Ma mère fait des ménages, je crois, pour vivre un peu. On voit des gens, des amis à nous qui partent, soit en zone libre, soit déportés. Que la police arrêtait. Et puis nous on était tranquilles. Femme de prisonnier de guerre, extraordinaire. Février 1944, re la police. Il tape à la porte, 6 heures du matin, on ouvre. Madame, ouvrez, ma mère qui commençait à hurler, à pleurer, on les compte, c'est pas possible, enfin, bon bref, on suit femme de poison. Regardez, femme de poison de guerre, vous vous trompez, il y a une erreur. On verra ça, bon bref, on est emmenés. Et puis finalement, à ce moment-là, le statut de femme de poison de guerre ne donnait plus d'espoir de ne pas être déportée. On nous emmène à Drancy. C'est un rectangle, un immeuble en rectangle, brut de décoffrage, il n'est pas terminé encore, il n'y a pas de fenêtre, il n'y a pas de porte. J'ai vu mon premier suicide à Drancy. Le camp de Drancy, c'est un immeuble de trois étages. J'ai vu un homme se jeter sur la terrasse du premier étage. C'était le premier suicide. Ben Drancy, c'est le commencement de la fin. Donc nous sommes restés trois mois à Drancy comme ça, les gens qui partaient. étaient déplacés et la dernière nuit on les faisait dormir dans ce bâtiment là. Et le matin, 6 heures du matin, les autocars arrivaient et partaient à l'est pour travailler. Au bout de trois mois ça a été notre tour. On a été transférés dans un bâtiment du côté gauche de Drancy et le matin, 6 heures du matin, les autocars sont là et nous partons à l'est. Les femmes doivent travailler. Bref, on arrive à la gare de l'Est. Le train, c'est le silence. Les gens sont mutiques. Ils ne parlent pas. Les gens pleurent. C'est triste. C'était vraiment dégueulasse. Il n'y avait pas d'hygiène. Il n'y avait pas d'hygiène. Mais on va à l'Est encore. Ce n'est pas la mort. Le train arrive, les nazis sont là à nous attendre avec les chiens, Schnell, Haus, Hunter, Schnell, bon, les premiers coups arrivent, et puis on monte dans un autocar, dans un camion, qui nous amène à Berg-Nolzen, c'est pas loin, c'est 2-3 kilomètres, la gare est à 2-3 kilomètres du camp, donc on arrive dans ce camp, On voit les barbelés qui s'ouvrent. Moi, je vois au fond du camp une cheminée. Je me dis, c'est quoi cette cheminée ? Finalement, c'était une cheminée où on brûlait les cadavres. Tous les jours, une charrette passait dans le camp, traînée par des déportés, qui ramassait les morts. Avant que cette charrette arrive, les morts étaient comme des stères de bois. Donc cette charrette ramassait les morts et les amenait au four cramatoire, qui était au bout du camp. Le camp de Baganezen, c'est une immense clairière dans une forêt, mais séparée par des barrières. Donc vous avez ici le camp des Russes, le camp des... je ne me rappelle plus, le camp des Belges, le camp de l'Etoile. C'était nous, le camp de l'Etoile. Donc il y a plein de petits camps, on ne peut pas aller jusqu'au bout. Et le four comme à toi est au bout. Alors on nous emmène dans le camp de l'Etoile. On nous donne une baraque, on rentre dans cette baraque. Dans cette baraque, c'est des lits à trois étages, comme à Auschwitz, si vous avez vu Auschwitz. C'est les mêmes baraques et les mêmes lits à trois étages. Ma mère, mon frère et moi, nous étions dans un lit au troisième étage. Imaginez quand même un homme de dix ans. Dix ans, ça ne réfléchit pas comme un adulte. On n'a pas les mêmes sensations qu'un adulte. On sait qu'on est dans une prison, enfin une prison à ciel ouvert. Pourquoi on est là ? On ne sait pas pourquoi on est là. Alors, les toilettes, c'est une baraque, une immense baraque, comme les baraques où on dormait, avec un siège immense et des trous. Des trous. Et on s'assoit sur ces trous. L'eau, il n'y avait pas de l'eau tous les jours, l'eau est très froide, et Bergen-Belsen, je ne sais pas si vous savez, mais ça se trouve dans le nord de l'Allemagne, l'été il fait chaud, mais l'hiver il fait très froid. On a nos vêtements, c'est pas comme en Auschwitz, on nous donne pas de vêtements. On a nos vêtements et à la longue, nos vêtements se usent, c'est évident. On prenait le vêtement des cadavres. L'estomac c'est un deuxième cerveau. On a faim 24h sur 24. On se lève avec la faim, toute la journée on a faim, on se couche avec la faim, on dort avec la faim. On a faim, sans arrêt. Alors le matin c'était une espèce d'eau noire, enfin un petit café mais tout. A midi il y avait une soupe, le soir il y avait un petit bout de beurre avec un bout de pain je pense. C'est tout. Enfin je raconte, j'ai mangé le goudron. Au milieu de notre petit camp de Berg-Limazanne, il y avait une espèce de grande chaudière où il y avait du goudron pour mettre sur les toits des baraques. Je mangeais ce goudron. J'étais dehors, à côté des barbelés, et l'autre côté des barbelés, c'était le camp des Russes. Et j'ai vu... Vraiment, comme je vous vois maintenant, un Russe se jetait sur un cadavre et croquait, essayait de manger de la chair. Et il n'a pas eu le temps parce que le Dumirador, le nazi qui était là, envoyait une balle de mitraillette et il est mort. 6 heures du matin, appel. Qu'il fasse froid ou qu'il fasse chaud, il faut sortir et appel. Donc on est rangé par 5 et on attend que messieurs les officiers allemands arrivent. Ça peut attendre un quart d'heure, ça peut être demi-heure, ça peut être une heure. Mais on attend toujours. Donc ils nous comptent et puis ils se trompent. C'est compliqué de nous compter parce que le nombre de personnes qu'il y a à l'appel va être celui de la veille, moins les morts. Donc si on oublie les morts, ça ne marche pas. Donc le compte est faux. Bref, quand ils arrivent à avoir le compte, l'appel est terminé, les adultes vont travailler et nous les enfants, on traîne, on ne fait rien. On survit. Avec la faim, et puis on se gratte, et puis bon, c'est difficile à expliquer à quelqu'un qui ne connaît pas cette histoire-là. Mais bon, c'est le froid, la faim, les cadavres, le typhus, on s'habitue, enfin on s'habitue, on vit avec ça. On sait que demain ce sera pareil, et après-demain ce sera pareil. Sans espoir, on n'a pas d'espoir, on ne pense pas à l'avenir. On vit au jour le jour. C'est la vie, on vit tant qu'on vit. On est resté dans ce camp de la gamme Mersenne pendant un an. A la fin, on voyait les avions passer, donc on se disait la guerre va bientôt terminer. Et puis... Comme les Allemands sentaient qu'ils perdaient la guerre, parce que les Anglais approchaient trop de Bergen-Melsen, donc ils ont décidé de nous évacuer. Ils nous ont redéportés. Un jour, ils nous ont dit, on part, donc il faut aller à la gare. Donc il n'y avait pas de car pour aller à la gare, à pied. Ma mère, qui était malade, elle avait des jambes énormes comme ça, pleines d'eau, elle ne pouvait plus marcher déjà. Donc on a fait ces 2-3 kilomètres. jusqu'à la gare à pied. On est arrivés à la gare, donc le train nous attendait, et nous sommes partis avec ce train. Donc c'était la fin de Bergen-Belsen. Nous sommes restés 15 jours dans ce train. Donc le train avançait, il y avait les Américains, il y avait par là les Anglais, il y avait la Russie, vous ne savez pas d'où aller. Donc pendant 15 jours, quand le train s'arrêtait, on descendait du train. On n'avait rien à manger. On descendait du train et puis on mangeait ce qu'on trouvait, de l'herbe, n'importe quoi, enfin. Les morts, on les jetait. On les jetait sur le ballast pendant que le train avançait. Ben nous, les vivants, on se débarrassait des morts. Et puis au bout de quinze jours, il y avait les Russes. Des troupes de chocs russes. Donc pendant la nuit, les Allemands ont pris la locomotive. et sont partis. Ils devaient faire exploser le train, ils n'en ont pas eu le temps parce que les Russes sont arrivés. Donc le train était aux abords d'un petit village qui s'appelait Trubitz. Donc les allemands étaient partis, ils n'avaient pas eu le temps de faire exposer le train. Les russes nous ont libérés et nous ont dit rentrez dans le village, rentrez dans les maisons, si jamais ils ne veulent pas vous ouvrir, vous venez nous le dire et on les tue. Vous savez c'était le trouble de choc, c'était les mongols. Ils n'ont pas se gêner, ils avaient raison les Allemands. Mais je veux dire que, à ce moment-là, à mon âge, donc j'avais 11 ans à cette époque, si j'avais eu une mitraillette, je me serais amusé à mitrailler les Allemands. Avec plaisir, j'aurais tué les Allemands. Donc, on est descendu du train, ma mère, incapable de marcher, j'ai trouvé une brouette, on l'a mise dans la brouette. Et on l'a trimballé du scouviage de Trubitz. Je crois qu'on l'a mis dans une espèce de clinique ou d'hôpital, je ne sais pas. Je ne me souviens plus. Je me souviens, oui, je me souviens qu'elle était allongée sur un lit où elle avait des jambes énormes et elle avait mis des chiffons autour des jambes, de ses deux jambes. Et une femme enlevait les chiffons et des dizaines de poux sortaient de ses chiffons. Et puis, je tombe dans les pommes. Je me suis évanoui. Et je me suis évanoui par le typhus. Ça veut dire que j'ai eu le typhus 15 jours avant, il y a eu l'incubation de 15 jours, et il s'est déclaré à ce moment-là. Coup de chance, coup de chance. Le destin, le hasard, la chance, appelez ça comme vous voulez. J'ai survécu.

  • Speaker #1

    Envoyé à Bergen-Belsen, non en tant que juif, mais en tant que femme et enfant de prisonniers de guerre, Léon, sa mère et son frère, échappera ainsi à Auschwitz et aux chambres à gaz. En effet, les familles de prisonniers étaient considérées par les nazis comme de potentiels otages, échangeables contre des prisonniers allemands. Bergen-Belsen, un camp de concentration sans chambre à gaz, mais un camp où régnait la faim, le typhus et le manque total de soins. À sa libération, Léon pèse à peine 30 kilos. Il tombe dans le coma pendant 15 jours. À son réveil, il apprend une nouvelle déchirante. Sa mère est morte du typhus, épuisée par les privations et la souffrance endurée à Bergen-Belsen. Elle sera inhumée anonymement dans une fosse commune du petit village de Trebich. Léon retrouve son frère Max. Ensemble, ils passent de la zone soviétique à la zone américaine, puis parviennent enfin en zone française. grâce à l'aide des Américains. C'est à l'hôtel Lutetia, lieu d'accueil des survivants, que les deux garçons sont enfin réunis avec leur père. En effet, libérés plus tôt, celui-ci venait chaque jour à l'hôtel, espérant les revoir. Ce jour-là, il est là, il les ramène avec lui, mais ils doivent lui annoncer la mort de leur mère. Désormais, ils ne sont plus que trois. Le père, toujours cordonnier, ouvre une minuscule échoppe à Barbès. Juste en face, Une unique pièce leur sert de logement. Ils dorment tous les trois dans le même lit. Un quotidien marqué par la pauvreté, d'autant que le père est gravement malade, atteint d'un ulcère à l'estomac. Le rêve de Léon de devenir médecin s'éloigne, mais il ne renonce pas à apprendre. Il devient apprenti tailleur pour subvenir aux besoins de la famille, tout en suivant en parallèle des cours par correspondance pour préparer un diplôme d'expert comptable. Appelé pour 27 mois de service militaire, Il continue ses études à distance sans jamais lâcher. À son retour, il passe l'examen et décroche son diplôme. Merci du fond du cœur, cher Léon, pour la confiance que vous m'avez accordée en partageant votre histoire avec une dignité et une pudeur bouleversantes. Merci aussi à celles et ceux qui rendent possible la transmission de ces mémoires précieuses et fragiles. Ce témoignage est un hommage à tous les enfants cachés, à toutes les familles brisées par la guerre et à tous ceux qui, malgré tout, ont trouvé la force de reconstruire. Alors si cet épisode vous a touché, n'hésitez pas à le partager autour de vous. Pensez aussi à vous abonner au podcast sur votre plateforme préférée. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode. C'était Enfants de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Description

Léon a six ans quand la guerre éclate.

Son père, engagé volontaire dans l’armée française, est fait prisonnier.

Avec sa mère et son frère Max, tout d'abord protégé par la convention de Geneve, Léon sera finalement déporté au camp de Bergen-Belsen.

Non en tant que juif, mais en tant que fils de prisonnier de guerre.

Un camp sans chambre à gaz, mais ravagé par la faim, le typhus, l’abandon…


Un récit bouleversant d’un enfant sauvé de l’extermination… mais plongé dans l’horreur


Voici le témoignage de Léon, 7 ans, Enfant de la Shoah


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.🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à Alexandre Bande et à Néo Verriest pour leur aide précieuse ❤️


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    C'était à notre arrivée de Bergamozen. J'ai la diarrhée. Donc ça se passe dans la nuit. Je me lève à toute vitesse pour aller aux toilettes. Et je bute contre quelque chose. Je pense que c'est une branche d'arbre, etc. Et je tombe par-dessus. En fait, c'était un cadavre. Inutile de vous dire qu'il n'a pas été nécessaire d'aller jusqu'aux toilettes.

  • Speaker #1

    Moébreux, qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Léon est né le 19 août 1933 à Hussini-Gaudbranche, un petit village de Meurthe-et-Moselle, tout près de la ligne Maginot. Ses parents... originaire de Pologne, avaient quitté leur pays autour de 1925 pour s'installer en France. Le père est cordonnier. La famille vit modestement, mais paisiblement. À l'approche de la guerre en 1939, le père de Léon décide de s'engager dans l'armée française, espérant ainsi être reconnu comme pleinement français. Il laisse derrière lui sa femme et ses deux enfants, Léon et Max. Lorsque le conflit éclate, il est fait prisonnier par les Allemands en 1940 et envoyés en captivité. De leur côté, dès septembre 1939, Léon, sa mère et son frère sont évacués comme des centaines de milliers de civils vivant près de la ligne Maginot pour des raisons de sécurité. Direction le sud-ouest, loin des zones de combat. La famille est envoyée à Sivrak, en Géronde, où elle reste quelques mois avant de rejoindre Paris en 1940 suite à l'invitation d'une tante qui leur propose de les accueillir. Voici le témoignage de Léon. 7 ans, enfant de la Shoah

  • Speaker #0

    Donc en 1940, on est arrivé à Paris. Nous avons vécu à Paris rue Pajol, numéro 56, une pièce qui fait ça la manger, à côté une chambre à coucher et une toute petite cuisine. Donc mon oncle et ma tante dormaient dans cette chambre à coucher. Mon frère, moi et ma mère, nous dormions dans cette salle à manger. Tous les jours, on mettait par terre un matelas. Et nous sommes restés toutes ces années à vivre comme ça, rue Pajol, dans ce petit appartement. Mon oncle et ma tante sont partis à Lyon. Donc nous sommes restés, ma mère, mon frère... moi dans cet appartement. Je pense qu'on recevait une allocation de la France en tant que mon père était prisonnier de guerre, je crois. Ça n'avait pas été une fortune. Donc en 1943, je crois, deux flics arrivent, tapent à la porte, ouvrez, la police, police, police, ouvrez. Donc ma mère ouvre, prenez une valise et puis on vous emmène. Pourquoi vous rendez... Madame, c'est comme ça. Donc, on est partis avec ces deux policiers, qui nous emmènent dans un endroit où il y avait d'autres personnes qui étaient là déjà. Et il se trouve que ma mère est venue avec... On avait une correspondance avec mon père en temps de prisonnier de guerre. Et elle montre cette correspondance et on lui dit, Madame, vous êtes libre, femme de prisonnier de guerre. Donc, on rentre chez nous. La vie continue. Moi je vais à l'école, mon frère va à l'école aussi. Ma mère fait des ménages, je crois, pour vivre un peu. On voit des gens, des amis à nous qui partent, soit en zone libre, soit déportés. Que la police arrêtait. Et puis nous on était tranquilles. Femme de prisonnier de guerre, extraordinaire. Février 1944, re la police. Il tape à la porte, 6 heures du matin, on ouvre. Madame, ouvrez, ma mère qui commençait à hurler, à pleurer, on les compte, c'est pas possible, enfin, bon bref, on suit femme de poison. Regardez, femme de poison de guerre, vous vous trompez, il y a une erreur. On verra ça, bon bref, on est emmenés. Et puis finalement, à ce moment-là, le statut de femme de poison de guerre ne donnait plus d'espoir de ne pas être déportée. On nous emmène à Drancy. C'est un rectangle, un immeuble en rectangle, brut de décoffrage, il n'est pas terminé encore, il n'y a pas de fenêtre, il n'y a pas de porte. J'ai vu mon premier suicide à Drancy. Le camp de Drancy, c'est un immeuble de trois étages. J'ai vu un homme se jeter sur la terrasse du premier étage. C'était le premier suicide. Ben Drancy, c'est le commencement de la fin. Donc nous sommes restés trois mois à Drancy comme ça, les gens qui partaient. étaient déplacés et la dernière nuit on les faisait dormir dans ce bâtiment là. Et le matin, 6 heures du matin, les autocars arrivaient et partaient à l'est pour travailler. Au bout de trois mois ça a été notre tour. On a été transférés dans un bâtiment du côté gauche de Drancy et le matin, 6 heures du matin, les autocars sont là et nous partons à l'est. Les femmes doivent travailler. Bref, on arrive à la gare de l'Est. Le train, c'est le silence. Les gens sont mutiques. Ils ne parlent pas. Les gens pleurent. C'est triste. C'était vraiment dégueulasse. Il n'y avait pas d'hygiène. Il n'y avait pas d'hygiène. Mais on va à l'Est encore. Ce n'est pas la mort. Le train arrive, les nazis sont là à nous attendre avec les chiens, Schnell, Haus, Hunter, Schnell, bon, les premiers coups arrivent, et puis on monte dans un autocar, dans un camion, qui nous amène à Berg-Nolzen, c'est pas loin, c'est 2-3 kilomètres, la gare est à 2-3 kilomètres du camp, donc on arrive dans ce camp, On voit les barbelés qui s'ouvrent. Moi, je vois au fond du camp une cheminée. Je me dis, c'est quoi cette cheminée ? Finalement, c'était une cheminée où on brûlait les cadavres. Tous les jours, une charrette passait dans le camp, traînée par des déportés, qui ramassait les morts. Avant que cette charrette arrive, les morts étaient comme des stères de bois. Donc cette charrette ramassait les morts et les amenait au four cramatoire, qui était au bout du camp. Le camp de Baganezen, c'est une immense clairière dans une forêt, mais séparée par des barrières. Donc vous avez ici le camp des Russes, le camp des... je ne me rappelle plus, le camp des Belges, le camp de l'Etoile. C'était nous, le camp de l'Etoile. Donc il y a plein de petits camps, on ne peut pas aller jusqu'au bout. Et le four comme à toi est au bout. Alors on nous emmène dans le camp de l'Etoile. On nous donne une baraque, on rentre dans cette baraque. Dans cette baraque, c'est des lits à trois étages, comme à Auschwitz, si vous avez vu Auschwitz. C'est les mêmes baraques et les mêmes lits à trois étages. Ma mère, mon frère et moi, nous étions dans un lit au troisième étage. Imaginez quand même un homme de dix ans. Dix ans, ça ne réfléchit pas comme un adulte. On n'a pas les mêmes sensations qu'un adulte. On sait qu'on est dans une prison, enfin une prison à ciel ouvert. Pourquoi on est là ? On ne sait pas pourquoi on est là. Alors, les toilettes, c'est une baraque, une immense baraque, comme les baraques où on dormait, avec un siège immense et des trous. Des trous. Et on s'assoit sur ces trous. L'eau, il n'y avait pas de l'eau tous les jours, l'eau est très froide, et Bergen-Belsen, je ne sais pas si vous savez, mais ça se trouve dans le nord de l'Allemagne, l'été il fait chaud, mais l'hiver il fait très froid. On a nos vêtements, c'est pas comme en Auschwitz, on nous donne pas de vêtements. On a nos vêtements et à la longue, nos vêtements se usent, c'est évident. On prenait le vêtement des cadavres. L'estomac c'est un deuxième cerveau. On a faim 24h sur 24. On se lève avec la faim, toute la journée on a faim, on se couche avec la faim, on dort avec la faim. On a faim, sans arrêt. Alors le matin c'était une espèce d'eau noire, enfin un petit café mais tout. A midi il y avait une soupe, le soir il y avait un petit bout de beurre avec un bout de pain je pense. C'est tout. Enfin je raconte, j'ai mangé le goudron. Au milieu de notre petit camp de Berg-Limazanne, il y avait une espèce de grande chaudière où il y avait du goudron pour mettre sur les toits des baraques. Je mangeais ce goudron. J'étais dehors, à côté des barbelés, et l'autre côté des barbelés, c'était le camp des Russes. Et j'ai vu... Vraiment, comme je vous vois maintenant, un Russe se jetait sur un cadavre et croquait, essayait de manger de la chair. Et il n'a pas eu le temps parce que le Dumirador, le nazi qui était là, envoyait une balle de mitraillette et il est mort. 6 heures du matin, appel. Qu'il fasse froid ou qu'il fasse chaud, il faut sortir et appel. Donc on est rangé par 5 et on attend que messieurs les officiers allemands arrivent. Ça peut attendre un quart d'heure, ça peut être demi-heure, ça peut être une heure. Mais on attend toujours. Donc ils nous comptent et puis ils se trompent. C'est compliqué de nous compter parce que le nombre de personnes qu'il y a à l'appel va être celui de la veille, moins les morts. Donc si on oublie les morts, ça ne marche pas. Donc le compte est faux. Bref, quand ils arrivent à avoir le compte, l'appel est terminé, les adultes vont travailler et nous les enfants, on traîne, on ne fait rien. On survit. Avec la faim, et puis on se gratte, et puis bon, c'est difficile à expliquer à quelqu'un qui ne connaît pas cette histoire-là. Mais bon, c'est le froid, la faim, les cadavres, le typhus, on s'habitue, enfin on s'habitue, on vit avec ça. On sait que demain ce sera pareil, et après-demain ce sera pareil. Sans espoir, on n'a pas d'espoir, on ne pense pas à l'avenir. On vit au jour le jour. C'est la vie, on vit tant qu'on vit. On est resté dans ce camp de la gamme Mersenne pendant un an. A la fin, on voyait les avions passer, donc on se disait la guerre va bientôt terminer. Et puis... Comme les Allemands sentaient qu'ils perdaient la guerre, parce que les Anglais approchaient trop de Bergen-Melsen, donc ils ont décidé de nous évacuer. Ils nous ont redéportés. Un jour, ils nous ont dit, on part, donc il faut aller à la gare. Donc il n'y avait pas de car pour aller à la gare, à pied. Ma mère, qui était malade, elle avait des jambes énormes comme ça, pleines d'eau, elle ne pouvait plus marcher déjà. Donc on a fait ces 2-3 kilomètres. jusqu'à la gare à pied. On est arrivés à la gare, donc le train nous attendait, et nous sommes partis avec ce train. Donc c'était la fin de Bergen-Belsen. Nous sommes restés 15 jours dans ce train. Donc le train avançait, il y avait les Américains, il y avait par là les Anglais, il y avait la Russie, vous ne savez pas d'où aller. Donc pendant 15 jours, quand le train s'arrêtait, on descendait du train. On n'avait rien à manger. On descendait du train et puis on mangeait ce qu'on trouvait, de l'herbe, n'importe quoi, enfin. Les morts, on les jetait. On les jetait sur le ballast pendant que le train avançait. Ben nous, les vivants, on se débarrassait des morts. Et puis au bout de quinze jours, il y avait les Russes. Des troupes de chocs russes. Donc pendant la nuit, les Allemands ont pris la locomotive. et sont partis. Ils devaient faire exploser le train, ils n'en ont pas eu le temps parce que les Russes sont arrivés. Donc le train était aux abords d'un petit village qui s'appelait Trubitz. Donc les allemands étaient partis, ils n'avaient pas eu le temps de faire exposer le train. Les russes nous ont libérés et nous ont dit rentrez dans le village, rentrez dans les maisons, si jamais ils ne veulent pas vous ouvrir, vous venez nous le dire et on les tue. Vous savez c'était le trouble de choc, c'était les mongols. Ils n'ont pas se gêner, ils avaient raison les Allemands. Mais je veux dire que, à ce moment-là, à mon âge, donc j'avais 11 ans à cette époque, si j'avais eu une mitraillette, je me serais amusé à mitrailler les Allemands. Avec plaisir, j'aurais tué les Allemands. Donc, on est descendu du train, ma mère, incapable de marcher, j'ai trouvé une brouette, on l'a mise dans la brouette. Et on l'a trimballé du scouviage de Trubitz. Je crois qu'on l'a mis dans une espèce de clinique ou d'hôpital, je ne sais pas. Je ne me souviens plus. Je me souviens, oui, je me souviens qu'elle était allongée sur un lit où elle avait des jambes énormes et elle avait mis des chiffons autour des jambes, de ses deux jambes. Et une femme enlevait les chiffons et des dizaines de poux sortaient de ses chiffons. Et puis, je tombe dans les pommes. Je me suis évanoui. Et je me suis évanoui par le typhus. Ça veut dire que j'ai eu le typhus 15 jours avant, il y a eu l'incubation de 15 jours, et il s'est déclaré à ce moment-là. Coup de chance, coup de chance. Le destin, le hasard, la chance, appelez ça comme vous voulez. J'ai survécu.

  • Speaker #1

    Envoyé à Bergen-Belsen, non en tant que juif, mais en tant que femme et enfant de prisonniers de guerre, Léon, sa mère et son frère, échappera ainsi à Auschwitz et aux chambres à gaz. En effet, les familles de prisonniers étaient considérées par les nazis comme de potentiels otages, échangeables contre des prisonniers allemands. Bergen-Belsen, un camp de concentration sans chambre à gaz, mais un camp où régnait la faim, le typhus et le manque total de soins. À sa libération, Léon pèse à peine 30 kilos. Il tombe dans le coma pendant 15 jours. À son réveil, il apprend une nouvelle déchirante. Sa mère est morte du typhus, épuisée par les privations et la souffrance endurée à Bergen-Belsen. Elle sera inhumée anonymement dans une fosse commune du petit village de Trebich. Léon retrouve son frère Max. Ensemble, ils passent de la zone soviétique à la zone américaine, puis parviennent enfin en zone française. grâce à l'aide des Américains. C'est à l'hôtel Lutetia, lieu d'accueil des survivants, que les deux garçons sont enfin réunis avec leur père. En effet, libérés plus tôt, celui-ci venait chaque jour à l'hôtel, espérant les revoir. Ce jour-là, il est là, il les ramène avec lui, mais ils doivent lui annoncer la mort de leur mère. Désormais, ils ne sont plus que trois. Le père, toujours cordonnier, ouvre une minuscule échoppe à Barbès. Juste en face, Une unique pièce leur sert de logement. Ils dorment tous les trois dans le même lit. Un quotidien marqué par la pauvreté, d'autant que le père est gravement malade, atteint d'un ulcère à l'estomac. Le rêve de Léon de devenir médecin s'éloigne, mais il ne renonce pas à apprendre. Il devient apprenti tailleur pour subvenir aux besoins de la famille, tout en suivant en parallèle des cours par correspondance pour préparer un diplôme d'expert comptable. Appelé pour 27 mois de service militaire, Il continue ses études à distance sans jamais lâcher. À son retour, il passe l'examen et décroche son diplôme. Merci du fond du cœur, cher Léon, pour la confiance que vous m'avez accordée en partageant votre histoire avec une dignité et une pudeur bouleversantes. Merci aussi à celles et ceux qui rendent possible la transmission de ces mémoires précieuses et fragiles. Ce témoignage est un hommage à tous les enfants cachés, à toutes les familles brisées par la guerre et à tous ceux qui, malgré tout, ont trouvé la force de reconstruire. Alors si cet épisode vous a touché, n'hésitez pas à le partager autour de vous. Pensez aussi à vous abonner au podcast sur votre plateforme préférée. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode. C'était Enfants de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

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Description

Léon a six ans quand la guerre éclate.

Son père, engagé volontaire dans l’armée française, est fait prisonnier.

Avec sa mère et son frère Max, tout d'abord protégé par la convention de Geneve, Léon sera finalement déporté au camp de Bergen-Belsen.

Non en tant que juif, mais en tant que fils de prisonnier de guerre.

Un camp sans chambre à gaz, mais ravagé par la faim, le typhus, l’abandon…


Un récit bouleversant d’un enfant sauvé de l’extermination… mais plongé dans l’horreur


Voici le témoignage de Léon, 7 ans, Enfant de la Shoah


---------

.🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à Alexandre Bande et à Néo Verriest pour leur aide précieuse ❤️


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


----

Suivez moi sur les réseaux ici 👉 https://linktr.ee/EnfantDeLaShoah



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    C'était à notre arrivée de Bergamozen. J'ai la diarrhée. Donc ça se passe dans la nuit. Je me lève à toute vitesse pour aller aux toilettes. Et je bute contre quelque chose. Je pense que c'est une branche d'arbre, etc. Et je tombe par-dessus. En fait, c'était un cadavre. Inutile de vous dire qu'il n'a pas été nécessaire d'aller jusqu'aux toilettes.

  • Speaker #1

    Moébreux, qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Léon est né le 19 août 1933 à Hussini-Gaudbranche, un petit village de Meurthe-et-Moselle, tout près de la ligne Maginot. Ses parents... originaire de Pologne, avaient quitté leur pays autour de 1925 pour s'installer en France. Le père est cordonnier. La famille vit modestement, mais paisiblement. À l'approche de la guerre en 1939, le père de Léon décide de s'engager dans l'armée française, espérant ainsi être reconnu comme pleinement français. Il laisse derrière lui sa femme et ses deux enfants, Léon et Max. Lorsque le conflit éclate, il est fait prisonnier par les Allemands en 1940 et envoyés en captivité. De leur côté, dès septembre 1939, Léon, sa mère et son frère sont évacués comme des centaines de milliers de civils vivant près de la ligne Maginot pour des raisons de sécurité. Direction le sud-ouest, loin des zones de combat. La famille est envoyée à Sivrak, en Géronde, où elle reste quelques mois avant de rejoindre Paris en 1940 suite à l'invitation d'une tante qui leur propose de les accueillir. Voici le témoignage de Léon. 7 ans, enfant de la Shoah

  • Speaker #0

    Donc en 1940, on est arrivé à Paris. Nous avons vécu à Paris rue Pajol, numéro 56, une pièce qui fait ça la manger, à côté une chambre à coucher et une toute petite cuisine. Donc mon oncle et ma tante dormaient dans cette chambre à coucher. Mon frère, moi et ma mère, nous dormions dans cette salle à manger. Tous les jours, on mettait par terre un matelas. Et nous sommes restés toutes ces années à vivre comme ça, rue Pajol, dans ce petit appartement. Mon oncle et ma tante sont partis à Lyon. Donc nous sommes restés, ma mère, mon frère... moi dans cet appartement. Je pense qu'on recevait une allocation de la France en tant que mon père était prisonnier de guerre, je crois. Ça n'avait pas été une fortune. Donc en 1943, je crois, deux flics arrivent, tapent à la porte, ouvrez, la police, police, police, ouvrez. Donc ma mère ouvre, prenez une valise et puis on vous emmène. Pourquoi vous rendez... Madame, c'est comme ça. Donc, on est partis avec ces deux policiers, qui nous emmènent dans un endroit où il y avait d'autres personnes qui étaient là déjà. Et il se trouve que ma mère est venue avec... On avait une correspondance avec mon père en temps de prisonnier de guerre. Et elle montre cette correspondance et on lui dit, Madame, vous êtes libre, femme de prisonnier de guerre. Donc, on rentre chez nous. La vie continue. Moi je vais à l'école, mon frère va à l'école aussi. Ma mère fait des ménages, je crois, pour vivre un peu. On voit des gens, des amis à nous qui partent, soit en zone libre, soit déportés. Que la police arrêtait. Et puis nous on était tranquilles. Femme de prisonnier de guerre, extraordinaire. Février 1944, re la police. Il tape à la porte, 6 heures du matin, on ouvre. Madame, ouvrez, ma mère qui commençait à hurler, à pleurer, on les compte, c'est pas possible, enfin, bon bref, on suit femme de poison. Regardez, femme de poison de guerre, vous vous trompez, il y a une erreur. On verra ça, bon bref, on est emmenés. Et puis finalement, à ce moment-là, le statut de femme de poison de guerre ne donnait plus d'espoir de ne pas être déportée. On nous emmène à Drancy. C'est un rectangle, un immeuble en rectangle, brut de décoffrage, il n'est pas terminé encore, il n'y a pas de fenêtre, il n'y a pas de porte. J'ai vu mon premier suicide à Drancy. Le camp de Drancy, c'est un immeuble de trois étages. J'ai vu un homme se jeter sur la terrasse du premier étage. C'était le premier suicide. Ben Drancy, c'est le commencement de la fin. Donc nous sommes restés trois mois à Drancy comme ça, les gens qui partaient. étaient déplacés et la dernière nuit on les faisait dormir dans ce bâtiment là. Et le matin, 6 heures du matin, les autocars arrivaient et partaient à l'est pour travailler. Au bout de trois mois ça a été notre tour. On a été transférés dans un bâtiment du côté gauche de Drancy et le matin, 6 heures du matin, les autocars sont là et nous partons à l'est. Les femmes doivent travailler. Bref, on arrive à la gare de l'Est. Le train, c'est le silence. Les gens sont mutiques. Ils ne parlent pas. Les gens pleurent. C'est triste. C'était vraiment dégueulasse. Il n'y avait pas d'hygiène. Il n'y avait pas d'hygiène. Mais on va à l'Est encore. Ce n'est pas la mort. Le train arrive, les nazis sont là à nous attendre avec les chiens, Schnell, Haus, Hunter, Schnell, bon, les premiers coups arrivent, et puis on monte dans un autocar, dans un camion, qui nous amène à Berg-Nolzen, c'est pas loin, c'est 2-3 kilomètres, la gare est à 2-3 kilomètres du camp, donc on arrive dans ce camp, On voit les barbelés qui s'ouvrent. Moi, je vois au fond du camp une cheminée. Je me dis, c'est quoi cette cheminée ? Finalement, c'était une cheminée où on brûlait les cadavres. Tous les jours, une charrette passait dans le camp, traînée par des déportés, qui ramassait les morts. Avant que cette charrette arrive, les morts étaient comme des stères de bois. Donc cette charrette ramassait les morts et les amenait au four cramatoire, qui était au bout du camp. Le camp de Baganezen, c'est une immense clairière dans une forêt, mais séparée par des barrières. Donc vous avez ici le camp des Russes, le camp des... je ne me rappelle plus, le camp des Belges, le camp de l'Etoile. C'était nous, le camp de l'Etoile. Donc il y a plein de petits camps, on ne peut pas aller jusqu'au bout. Et le four comme à toi est au bout. Alors on nous emmène dans le camp de l'Etoile. On nous donne une baraque, on rentre dans cette baraque. Dans cette baraque, c'est des lits à trois étages, comme à Auschwitz, si vous avez vu Auschwitz. C'est les mêmes baraques et les mêmes lits à trois étages. Ma mère, mon frère et moi, nous étions dans un lit au troisième étage. Imaginez quand même un homme de dix ans. Dix ans, ça ne réfléchit pas comme un adulte. On n'a pas les mêmes sensations qu'un adulte. On sait qu'on est dans une prison, enfin une prison à ciel ouvert. Pourquoi on est là ? On ne sait pas pourquoi on est là. Alors, les toilettes, c'est une baraque, une immense baraque, comme les baraques où on dormait, avec un siège immense et des trous. Des trous. Et on s'assoit sur ces trous. L'eau, il n'y avait pas de l'eau tous les jours, l'eau est très froide, et Bergen-Belsen, je ne sais pas si vous savez, mais ça se trouve dans le nord de l'Allemagne, l'été il fait chaud, mais l'hiver il fait très froid. On a nos vêtements, c'est pas comme en Auschwitz, on nous donne pas de vêtements. On a nos vêtements et à la longue, nos vêtements se usent, c'est évident. On prenait le vêtement des cadavres. L'estomac c'est un deuxième cerveau. On a faim 24h sur 24. On se lève avec la faim, toute la journée on a faim, on se couche avec la faim, on dort avec la faim. On a faim, sans arrêt. Alors le matin c'était une espèce d'eau noire, enfin un petit café mais tout. A midi il y avait une soupe, le soir il y avait un petit bout de beurre avec un bout de pain je pense. C'est tout. Enfin je raconte, j'ai mangé le goudron. Au milieu de notre petit camp de Berg-Limazanne, il y avait une espèce de grande chaudière où il y avait du goudron pour mettre sur les toits des baraques. Je mangeais ce goudron. J'étais dehors, à côté des barbelés, et l'autre côté des barbelés, c'était le camp des Russes. Et j'ai vu... Vraiment, comme je vous vois maintenant, un Russe se jetait sur un cadavre et croquait, essayait de manger de la chair. Et il n'a pas eu le temps parce que le Dumirador, le nazi qui était là, envoyait une balle de mitraillette et il est mort. 6 heures du matin, appel. Qu'il fasse froid ou qu'il fasse chaud, il faut sortir et appel. Donc on est rangé par 5 et on attend que messieurs les officiers allemands arrivent. Ça peut attendre un quart d'heure, ça peut être demi-heure, ça peut être une heure. Mais on attend toujours. Donc ils nous comptent et puis ils se trompent. C'est compliqué de nous compter parce que le nombre de personnes qu'il y a à l'appel va être celui de la veille, moins les morts. Donc si on oublie les morts, ça ne marche pas. Donc le compte est faux. Bref, quand ils arrivent à avoir le compte, l'appel est terminé, les adultes vont travailler et nous les enfants, on traîne, on ne fait rien. On survit. Avec la faim, et puis on se gratte, et puis bon, c'est difficile à expliquer à quelqu'un qui ne connaît pas cette histoire-là. Mais bon, c'est le froid, la faim, les cadavres, le typhus, on s'habitue, enfin on s'habitue, on vit avec ça. On sait que demain ce sera pareil, et après-demain ce sera pareil. Sans espoir, on n'a pas d'espoir, on ne pense pas à l'avenir. On vit au jour le jour. C'est la vie, on vit tant qu'on vit. On est resté dans ce camp de la gamme Mersenne pendant un an. A la fin, on voyait les avions passer, donc on se disait la guerre va bientôt terminer. Et puis... Comme les Allemands sentaient qu'ils perdaient la guerre, parce que les Anglais approchaient trop de Bergen-Melsen, donc ils ont décidé de nous évacuer. Ils nous ont redéportés. Un jour, ils nous ont dit, on part, donc il faut aller à la gare. Donc il n'y avait pas de car pour aller à la gare, à pied. Ma mère, qui était malade, elle avait des jambes énormes comme ça, pleines d'eau, elle ne pouvait plus marcher déjà. Donc on a fait ces 2-3 kilomètres. jusqu'à la gare à pied. On est arrivés à la gare, donc le train nous attendait, et nous sommes partis avec ce train. Donc c'était la fin de Bergen-Belsen. Nous sommes restés 15 jours dans ce train. Donc le train avançait, il y avait les Américains, il y avait par là les Anglais, il y avait la Russie, vous ne savez pas d'où aller. Donc pendant 15 jours, quand le train s'arrêtait, on descendait du train. On n'avait rien à manger. On descendait du train et puis on mangeait ce qu'on trouvait, de l'herbe, n'importe quoi, enfin. Les morts, on les jetait. On les jetait sur le ballast pendant que le train avançait. Ben nous, les vivants, on se débarrassait des morts. Et puis au bout de quinze jours, il y avait les Russes. Des troupes de chocs russes. Donc pendant la nuit, les Allemands ont pris la locomotive. et sont partis. Ils devaient faire exploser le train, ils n'en ont pas eu le temps parce que les Russes sont arrivés. Donc le train était aux abords d'un petit village qui s'appelait Trubitz. Donc les allemands étaient partis, ils n'avaient pas eu le temps de faire exposer le train. Les russes nous ont libérés et nous ont dit rentrez dans le village, rentrez dans les maisons, si jamais ils ne veulent pas vous ouvrir, vous venez nous le dire et on les tue. Vous savez c'était le trouble de choc, c'était les mongols. Ils n'ont pas se gêner, ils avaient raison les Allemands. Mais je veux dire que, à ce moment-là, à mon âge, donc j'avais 11 ans à cette époque, si j'avais eu une mitraillette, je me serais amusé à mitrailler les Allemands. Avec plaisir, j'aurais tué les Allemands. Donc, on est descendu du train, ma mère, incapable de marcher, j'ai trouvé une brouette, on l'a mise dans la brouette. Et on l'a trimballé du scouviage de Trubitz. Je crois qu'on l'a mis dans une espèce de clinique ou d'hôpital, je ne sais pas. Je ne me souviens plus. Je me souviens, oui, je me souviens qu'elle était allongée sur un lit où elle avait des jambes énormes et elle avait mis des chiffons autour des jambes, de ses deux jambes. Et une femme enlevait les chiffons et des dizaines de poux sortaient de ses chiffons. Et puis, je tombe dans les pommes. Je me suis évanoui. Et je me suis évanoui par le typhus. Ça veut dire que j'ai eu le typhus 15 jours avant, il y a eu l'incubation de 15 jours, et il s'est déclaré à ce moment-là. Coup de chance, coup de chance. Le destin, le hasard, la chance, appelez ça comme vous voulez. J'ai survécu.

  • Speaker #1

    Envoyé à Bergen-Belsen, non en tant que juif, mais en tant que femme et enfant de prisonniers de guerre, Léon, sa mère et son frère, échappera ainsi à Auschwitz et aux chambres à gaz. En effet, les familles de prisonniers étaient considérées par les nazis comme de potentiels otages, échangeables contre des prisonniers allemands. Bergen-Belsen, un camp de concentration sans chambre à gaz, mais un camp où régnait la faim, le typhus et le manque total de soins. À sa libération, Léon pèse à peine 30 kilos. Il tombe dans le coma pendant 15 jours. À son réveil, il apprend une nouvelle déchirante. Sa mère est morte du typhus, épuisée par les privations et la souffrance endurée à Bergen-Belsen. Elle sera inhumée anonymement dans une fosse commune du petit village de Trebich. Léon retrouve son frère Max. Ensemble, ils passent de la zone soviétique à la zone américaine, puis parviennent enfin en zone française. grâce à l'aide des Américains. C'est à l'hôtel Lutetia, lieu d'accueil des survivants, que les deux garçons sont enfin réunis avec leur père. En effet, libérés plus tôt, celui-ci venait chaque jour à l'hôtel, espérant les revoir. Ce jour-là, il est là, il les ramène avec lui, mais ils doivent lui annoncer la mort de leur mère. Désormais, ils ne sont plus que trois. Le père, toujours cordonnier, ouvre une minuscule échoppe à Barbès. Juste en face, Une unique pièce leur sert de logement. Ils dorment tous les trois dans le même lit. Un quotidien marqué par la pauvreté, d'autant que le père est gravement malade, atteint d'un ulcère à l'estomac. Le rêve de Léon de devenir médecin s'éloigne, mais il ne renonce pas à apprendre. Il devient apprenti tailleur pour subvenir aux besoins de la famille, tout en suivant en parallèle des cours par correspondance pour préparer un diplôme d'expert comptable. Appelé pour 27 mois de service militaire, Il continue ses études à distance sans jamais lâcher. À son retour, il passe l'examen et décroche son diplôme. Merci du fond du cœur, cher Léon, pour la confiance que vous m'avez accordée en partageant votre histoire avec une dignité et une pudeur bouleversantes. Merci aussi à celles et ceux qui rendent possible la transmission de ces mémoires précieuses et fragiles. Ce témoignage est un hommage à tous les enfants cachés, à toutes les familles brisées par la guerre et à tous ceux qui, malgré tout, ont trouvé la force de reconstruire. Alors si cet épisode vous a touché, n'hésitez pas à le partager autour de vous. Pensez aussi à vous abonner au podcast sur votre plateforme préférée. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode. C'était Enfants de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Description

Léon a six ans quand la guerre éclate.

Son père, engagé volontaire dans l’armée française, est fait prisonnier.

Avec sa mère et son frère Max, tout d'abord protégé par la convention de Geneve, Léon sera finalement déporté au camp de Bergen-Belsen.

Non en tant que juif, mais en tant que fils de prisonnier de guerre.

Un camp sans chambre à gaz, mais ravagé par la faim, le typhus, l’abandon…


Un récit bouleversant d’un enfant sauvé de l’extermination… mais plongé dans l’horreur


Voici le témoignage de Léon, 7 ans, Enfant de la Shoah


---------

.🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à Alexandre Bande et à Néo Verriest pour leur aide précieuse ❤️


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    C'était à notre arrivée de Bergamozen. J'ai la diarrhée. Donc ça se passe dans la nuit. Je me lève à toute vitesse pour aller aux toilettes. Et je bute contre quelque chose. Je pense que c'est une branche d'arbre, etc. Et je tombe par-dessus. En fait, c'était un cadavre. Inutile de vous dire qu'il n'a pas été nécessaire d'aller jusqu'aux toilettes.

  • Speaker #1

    Moébreux, qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Léon est né le 19 août 1933 à Hussini-Gaudbranche, un petit village de Meurthe-et-Moselle, tout près de la ligne Maginot. Ses parents... originaire de Pologne, avaient quitté leur pays autour de 1925 pour s'installer en France. Le père est cordonnier. La famille vit modestement, mais paisiblement. À l'approche de la guerre en 1939, le père de Léon décide de s'engager dans l'armée française, espérant ainsi être reconnu comme pleinement français. Il laisse derrière lui sa femme et ses deux enfants, Léon et Max. Lorsque le conflit éclate, il est fait prisonnier par les Allemands en 1940 et envoyés en captivité. De leur côté, dès septembre 1939, Léon, sa mère et son frère sont évacués comme des centaines de milliers de civils vivant près de la ligne Maginot pour des raisons de sécurité. Direction le sud-ouest, loin des zones de combat. La famille est envoyée à Sivrak, en Géronde, où elle reste quelques mois avant de rejoindre Paris en 1940 suite à l'invitation d'une tante qui leur propose de les accueillir. Voici le témoignage de Léon. 7 ans, enfant de la Shoah

  • Speaker #0

    Donc en 1940, on est arrivé à Paris. Nous avons vécu à Paris rue Pajol, numéro 56, une pièce qui fait ça la manger, à côté une chambre à coucher et une toute petite cuisine. Donc mon oncle et ma tante dormaient dans cette chambre à coucher. Mon frère, moi et ma mère, nous dormions dans cette salle à manger. Tous les jours, on mettait par terre un matelas. Et nous sommes restés toutes ces années à vivre comme ça, rue Pajol, dans ce petit appartement. Mon oncle et ma tante sont partis à Lyon. Donc nous sommes restés, ma mère, mon frère... moi dans cet appartement. Je pense qu'on recevait une allocation de la France en tant que mon père était prisonnier de guerre, je crois. Ça n'avait pas été une fortune. Donc en 1943, je crois, deux flics arrivent, tapent à la porte, ouvrez, la police, police, police, ouvrez. Donc ma mère ouvre, prenez une valise et puis on vous emmène. Pourquoi vous rendez... Madame, c'est comme ça. Donc, on est partis avec ces deux policiers, qui nous emmènent dans un endroit où il y avait d'autres personnes qui étaient là déjà. Et il se trouve que ma mère est venue avec... On avait une correspondance avec mon père en temps de prisonnier de guerre. Et elle montre cette correspondance et on lui dit, Madame, vous êtes libre, femme de prisonnier de guerre. Donc, on rentre chez nous. La vie continue. Moi je vais à l'école, mon frère va à l'école aussi. Ma mère fait des ménages, je crois, pour vivre un peu. On voit des gens, des amis à nous qui partent, soit en zone libre, soit déportés. Que la police arrêtait. Et puis nous on était tranquilles. Femme de prisonnier de guerre, extraordinaire. Février 1944, re la police. Il tape à la porte, 6 heures du matin, on ouvre. Madame, ouvrez, ma mère qui commençait à hurler, à pleurer, on les compte, c'est pas possible, enfin, bon bref, on suit femme de poison. Regardez, femme de poison de guerre, vous vous trompez, il y a une erreur. On verra ça, bon bref, on est emmenés. Et puis finalement, à ce moment-là, le statut de femme de poison de guerre ne donnait plus d'espoir de ne pas être déportée. On nous emmène à Drancy. C'est un rectangle, un immeuble en rectangle, brut de décoffrage, il n'est pas terminé encore, il n'y a pas de fenêtre, il n'y a pas de porte. J'ai vu mon premier suicide à Drancy. Le camp de Drancy, c'est un immeuble de trois étages. J'ai vu un homme se jeter sur la terrasse du premier étage. C'était le premier suicide. Ben Drancy, c'est le commencement de la fin. Donc nous sommes restés trois mois à Drancy comme ça, les gens qui partaient. étaient déplacés et la dernière nuit on les faisait dormir dans ce bâtiment là. Et le matin, 6 heures du matin, les autocars arrivaient et partaient à l'est pour travailler. Au bout de trois mois ça a été notre tour. On a été transférés dans un bâtiment du côté gauche de Drancy et le matin, 6 heures du matin, les autocars sont là et nous partons à l'est. Les femmes doivent travailler. Bref, on arrive à la gare de l'Est. Le train, c'est le silence. Les gens sont mutiques. Ils ne parlent pas. Les gens pleurent. C'est triste. C'était vraiment dégueulasse. Il n'y avait pas d'hygiène. Il n'y avait pas d'hygiène. Mais on va à l'Est encore. Ce n'est pas la mort. Le train arrive, les nazis sont là à nous attendre avec les chiens, Schnell, Haus, Hunter, Schnell, bon, les premiers coups arrivent, et puis on monte dans un autocar, dans un camion, qui nous amène à Berg-Nolzen, c'est pas loin, c'est 2-3 kilomètres, la gare est à 2-3 kilomètres du camp, donc on arrive dans ce camp, On voit les barbelés qui s'ouvrent. Moi, je vois au fond du camp une cheminée. Je me dis, c'est quoi cette cheminée ? Finalement, c'était une cheminée où on brûlait les cadavres. Tous les jours, une charrette passait dans le camp, traînée par des déportés, qui ramassait les morts. Avant que cette charrette arrive, les morts étaient comme des stères de bois. Donc cette charrette ramassait les morts et les amenait au four cramatoire, qui était au bout du camp. Le camp de Baganezen, c'est une immense clairière dans une forêt, mais séparée par des barrières. Donc vous avez ici le camp des Russes, le camp des... je ne me rappelle plus, le camp des Belges, le camp de l'Etoile. C'était nous, le camp de l'Etoile. Donc il y a plein de petits camps, on ne peut pas aller jusqu'au bout. Et le four comme à toi est au bout. Alors on nous emmène dans le camp de l'Etoile. On nous donne une baraque, on rentre dans cette baraque. Dans cette baraque, c'est des lits à trois étages, comme à Auschwitz, si vous avez vu Auschwitz. C'est les mêmes baraques et les mêmes lits à trois étages. Ma mère, mon frère et moi, nous étions dans un lit au troisième étage. Imaginez quand même un homme de dix ans. Dix ans, ça ne réfléchit pas comme un adulte. On n'a pas les mêmes sensations qu'un adulte. On sait qu'on est dans une prison, enfin une prison à ciel ouvert. Pourquoi on est là ? On ne sait pas pourquoi on est là. Alors, les toilettes, c'est une baraque, une immense baraque, comme les baraques où on dormait, avec un siège immense et des trous. Des trous. Et on s'assoit sur ces trous. L'eau, il n'y avait pas de l'eau tous les jours, l'eau est très froide, et Bergen-Belsen, je ne sais pas si vous savez, mais ça se trouve dans le nord de l'Allemagne, l'été il fait chaud, mais l'hiver il fait très froid. On a nos vêtements, c'est pas comme en Auschwitz, on nous donne pas de vêtements. On a nos vêtements et à la longue, nos vêtements se usent, c'est évident. On prenait le vêtement des cadavres. L'estomac c'est un deuxième cerveau. On a faim 24h sur 24. On se lève avec la faim, toute la journée on a faim, on se couche avec la faim, on dort avec la faim. On a faim, sans arrêt. Alors le matin c'était une espèce d'eau noire, enfin un petit café mais tout. A midi il y avait une soupe, le soir il y avait un petit bout de beurre avec un bout de pain je pense. C'est tout. Enfin je raconte, j'ai mangé le goudron. Au milieu de notre petit camp de Berg-Limazanne, il y avait une espèce de grande chaudière où il y avait du goudron pour mettre sur les toits des baraques. Je mangeais ce goudron. J'étais dehors, à côté des barbelés, et l'autre côté des barbelés, c'était le camp des Russes. Et j'ai vu... Vraiment, comme je vous vois maintenant, un Russe se jetait sur un cadavre et croquait, essayait de manger de la chair. Et il n'a pas eu le temps parce que le Dumirador, le nazi qui était là, envoyait une balle de mitraillette et il est mort. 6 heures du matin, appel. Qu'il fasse froid ou qu'il fasse chaud, il faut sortir et appel. Donc on est rangé par 5 et on attend que messieurs les officiers allemands arrivent. Ça peut attendre un quart d'heure, ça peut être demi-heure, ça peut être une heure. Mais on attend toujours. Donc ils nous comptent et puis ils se trompent. C'est compliqué de nous compter parce que le nombre de personnes qu'il y a à l'appel va être celui de la veille, moins les morts. Donc si on oublie les morts, ça ne marche pas. Donc le compte est faux. Bref, quand ils arrivent à avoir le compte, l'appel est terminé, les adultes vont travailler et nous les enfants, on traîne, on ne fait rien. On survit. Avec la faim, et puis on se gratte, et puis bon, c'est difficile à expliquer à quelqu'un qui ne connaît pas cette histoire-là. Mais bon, c'est le froid, la faim, les cadavres, le typhus, on s'habitue, enfin on s'habitue, on vit avec ça. On sait que demain ce sera pareil, et après-demain ce sera pareil. Sans espoir, on n'a pas d'espoir, on ne pense pas à l'avenir. On vit au jour le jour. C'est la vie, on vit tant qu'on vit. On est resté dans ce camp de la gamme Mersenne pendant un an. A la fin, on voyait les avions passer, donc on se disait la guerre va bientôt terminer. Et puis... Comme les Allemands sentaient qu'ils perdaient la guerre, parce que les Anglais approchaient trop de Bergen-Melsen, donc ils ont décidé de nous évacuer. Ils nous ont redéportés. Un jour, ils nous ont dit, on part, donc il faut aller à la gare. Donc il n'y avait pas de car pour aller à la gare, à pied. Ma mère, qui était malade, elle avait des jambes énormes comme ça, pleines d'eau, elle ne pouvait plus marcher déjà. Donc on a fait ces 2-3 kilomètres. jusqu'à la gare à pied. On est arrivés à la gare, donc le train nous attendait, et nous sommes partis avec ce train. Donc c'était la fin de Bergen-Belsen. Nous sommes restés 15 jours dans ce train. Donc le train avançait, il y avait les Américains, il y avait par là les Anglais, il y avait la Russie, vous ne savez pas d'où aller. Donc pendant 15 jours, quand le train s'arrêtait, on descendait du train. On n'avait rien à manger. On descendait du train et puis on mangeait ce qu'on trouvait, de l'herbe, n'importe quoi, enfin. Les morts, on les jetait. On les jetait sur le ballast pendant que le train avançait. Ben nous, les vivants, on se débarrassait des morts. Et puis au bout de quinze jours, il y avait les Russes. Des troupes de chocs russes. Donc pendant la nuit, les Allemands ont pris la locomotive. et sont partis. Ils devaient faire exploser le train, ils n'en ont pas eu le temps parce que les Russes sont arrivés. Donc le train était aux abords d'un petit village qui s'appelait Trubitz. Donc les allemands étaient partis, ils n'avaient pas eu le temps de faire exposer le train. Les russes nous ont libérés et nous ont dit rentrez dans le village, rentrez dans les maisons, si jamais ils ne veulent pas vous ouvrir, vous venez nous le dire et on les tue. Vous savez c'était le trouble de choc, c'était les mongols. Ils n'ont pas se gêner, ils avaient raison les Allemands. Mais je veux dire que, à ce moment-là, à mon âge, donc j'avais 11 ans à cette époque, si j'avais eu une mitraillette, je me serais amusé à mitrailler les Allemands. Avec plaisir, j'aurais tué les Allemands. Donc, on est descendu du train, ma mère, incapable de marcher, j'ai trouvé une brouette, on l'a mise dans la brouette. Et on l'a trimballé du scouviage de Trubitz. Je crois qu'on l'a mis dans une espèce de clinique ou d'hôpital, je ne sais pas. Je ne me souviens plus. Je me souviens, oui, je me souviens qu'elle était allongée sur un lit où elle avait des jambes énormes et elle avait mis des chiffons autour des jambes, de ses deux jambes. Et une femme enlevait les chiffons et des dizaines de poux sortaient de ses chiffons. Et puis, je tombe dans les pommes. Je me suis évanoui. Et je me suis évanoui par le typhus. Ça veut dire que j'ai eu le typhus 15 jours avant, il y a eu l'incubation de 15 jours, et il s'est déclaré à ce moment-là. Coup de chance, coup de chance. Le destin, le hasard, la chance, appelez ça comme vous voulez. J'ai survécu.

  • Speaker #1

    Envoyé à Bergen-Belsen, non en tant que juif, mais en tant que femme et enfant de prisonniers de guerre, Léon, sa mère et son frère, échappera ainsi à Auschwitz et aux chambres à gaz. En effet, les familles de prisonniers étaient considérées par les nazis comme de potentiels otages, échangeables contre des prisonniers allemands. Bergen-Belsen, un camp de concentration sans chambre à gaz, mais un camp où régnait la faim, le typhus et le manque total de soins. À sa libération, Léon pèse à peine 30 kilos. Il tombe dans le coma pendant 15 jours. À son réveil, il apprend une nouvelle déchirante. Sa mère est morte du typhus, épuisée par les privations et la souffrance endurée à Bergen-Belsen. Elle sera inhumée anonymement dans une fosse commune du petit village de Trebich. Léon retrouve son frère Max. Ensemble, ils passent de la zone soviétique à la zone américaine, puis parviennent enfin en zone française. grâce à l'aide des Américains. C'est à l'hôtel Lutetia, lieu d'accueil des survivants, que les deux garçons sont enfin réunis avec leur père. En effet, libérés plus tôt, celui-ci venait chaque jour à l'hôtel, espérant les revoir. Ce jour-là, il est là, il les ramène avec lui, mais ils doivent lui annoncer la mort de leur mère. Désormais, ils ne sont plus que trois. Le père, toujours cordonnier, ouvre une minuscule échoppe à Barbès. Juste en face, Une unique pièce leur sert de logement. Ils dorment tous les trois dans le même lit. Un quotidien marqué par la pauvreté, d'autant que le père est gravement malade, atteint d'un ulcère à l'estomac. Le rêve de Léon de devenir médecin s'éloigne, mais il ne renonce pas à apprendre. Il devient apprenti tailleur pour subvenir aux besoins de la famille, tout en suivant en parallèle des cours par correspondance pour préparer un diplôme d'expert comptable. Appelé pour 27 mois de service militaire, Il continue ses études à distance sans jamais lâcher. À son retour, il passe l'examen et décroche son diplôme. Merci du fond du cœur, cher Léon, pour la confiance que vous m'avez accordée en partageant votre histoire avec une dignité et une pudeur bouleversantes. Merci aussi à celles et ceux qui rendent possible la transmission de ces mémoires précieuses et fragiles. Ce témoignage est un hommage à tous les enfants cachés, à toutes les familles brisées par la guerre et à tous ceux qui, malgré tout, ont trouvé la force de reconstruire. Alors si cet épisode vous a touché, n'hésitez pas à le partager autour de vous. Pensez aussi à vous abonner au podcast sur votre plateforme préférée. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode. C'était Enfants de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

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