- Speaker #0
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans cette nouvelle série d'Entretien avec un dentiste, l'humain à l'ADF. Pendant trois épisodes, nous allons explorer des thèmes qui traversent la pratique dentaire au quotidien mais aussi la vie de chacun chacune de nous, l'épuisement professionnel, les compétences relationnelles et le consentement. L'idée de cette série est née d'une envie d'aborder des sujets qui vont au delà des gestes techniques. Parce que si la dentisterie repose sur un savoir-faire précis, elle ne peut s'épanouir sans une réflexion humaine, éthique et relationnelle. Dans le premier épisode, nous parlerons de l'épuisement professionnel, une problématique souvent taboue, mais malheureusement omniprésente dans les métiers de soins. Dans le deuxième épisode, nous plongerons au cœur des compétences relationnelles, ces savoir-être qui façonnent la qualité de nos interactions entre les patients et les équipes. Enfin, notre troisième épisode sera consacré au consentement, une dimension essentielle pour instaurer une relation de soins équilibrée et respectueuse avec la participation d'usagers du système dentaire. Cette série a été enregistrée lors du congrès annuel de l'Association dentaire française, l'ADF, en 2024, qui s'est tenue la dernière semaine de novembre. Un grand merci au comité de l'ADF pour m'avoir permis de mettre en lumière ces thématiques dans le cadre de conférences et tables rondes riches en échanges et en enseignements. Épisode 1 comprendre et prévenir l'épuisement professionnel. Au départ, il y a le congrès annuel de l'ADF, point de ralliement des praticiens, chercheurs et industriels où les grands défis de la dentisterie sont débattus, les personnages, une présidente de séance, Dr Marie-Hélène Hay, chirurgienne dentiste à la retraite, engagée dans les questions de santé mentale des praticiens et invitée de l'épisode 36 de ce podcast, intitulé La voie du changement où elle partage son parcours et sa vision du soin. Deux intervenantes, Samah Karaki, neuroscientifique et autrice de plusieurs ouvrages, notamment Le travail en équipe, Le talent est une fiction et L'empathie est politique. Elle décryptera les mécanismes neuropsychologiques du burn-out et proposera des pistes pour repenser nos environnements de vie et de travail. Marie Peset, psychologue, docteur en psychologie et psychanalyste, créatrice du réseau Souffrance et Travail, qui nous éclairera sur les signes d'alerte et les stratégies pour soigner le travail. Un public curieux et engagé. Enquête d'outils pour prévenir et gérer l'épuisement professionnel. Le décor, mardi 26 novembre 2024, 14h-15h30, salle 243. Le titre de la séance, l'épuisement professionnel, le comprendre, le prévenir et le gérer. Et enfin le thème, l'épuisement professionnel au-delà des chiffres, une réalité humaine et collective, souvent invisible, qui nécessite une approche systémique et pragmatique pour être comprise et surmontée. Le burn-out est un sujet que j'ai déjà exploré dans une précédente série dans laquelle intervenaient Marie Peset et Marie-Hélène Haye, et dans laquelle on pouvait entendre les voix de trois dentistes ayant traversé cette épreuve. Pour ceux qui le souhaitent, je vous ai mis les liens vers cette série et l'épisode La Voix du Changement dans le descriptif de l'épisode. Avant le début de la séance, j'ai eu la chance de pouvoir échanger avec Samak Haraki et Marie Peset. Étant des personnalités publiques et reconnues dans leur domaine, je leur ai demandé pourquoi venir parler de l'épuisement professionnel à l'ADF Et quel message clé elle souhaite transmettre à cette audience de dentistes ?
- Speaker #1
Alors, le burn-out n'est même pas excluant de la vie personnelle. Donc, ça ne concerne pas que les professions. Et c'est vraiment avoir une vision de notre cognition, de notre fonctionnement cognitif qui ne sépare pas les sphères de la vie. Et donc, voilà, c'est un peu le point de vue que je veux présenter. C'est de... de sortir un peu des catégories, de l'obsession de catégoriser et de caractériser, et de rappeler à quel point le burn-out peut être subjectif et très unique, et qui se manifeste de façon très multiple.
- Speaker #2
Venir parler du burn-out à l'ADF, c'est surtout essayer de pénétrer toutes les niches, parce que chaque professionnel est dans sa sphère. Il est temps de dire que le burn-out touche absolument tous les secteurs sociaux professionnels, et surtout, surtout dire qu'il y a des outils. pour se rétablir et pour s'arrêter avant la catastrophe.
- Speaker #1
Pour sortir d'un burn-out, souvent on propose des solutions symptomatiques qui nous permettent de nous extraire de la situation, de distraire nos pensées. Alors bien sûr que ça peut être quelque chose qui peut nous aider à prendre une forme d'escale. Mais ça ne résout pas la source du mal. Et donc il est essentiel aussi de questionner quelque chose qui est en dehors du corps, en dehors de la personne, en dehors de l'individu, qui cause le stress ou ce manque d'alignement avec nos besoins et ce qu'on reçoit. Et donc il ne faut pas centrer tous nos efforts dans des solutions symptomatiques. Il faut assumer tout ce qui ne va pas dans les environnements de vie. que ce soit des environnements de travail ou même les villes que nous traversons, toutes les conditions de vie qui font que pour notre espèce, pour le fonctionnement d'un cerveau humain, ça ne convient pas en fait à nos besoins fondamentaux. Donc tant qu'on s'engouffre dans des solutions symptomatiques, on ne va pas poser les bonnes questions en quelque sorte.
- Speaker #2
Je crois que les meilleurs messages à donner à des cliniciens, ce sont les mêmes que pour tous les patients que nous recevons dans le réseau souffrance et travail. D'abord, soigner la peur. La peur de s'arrêter, la peur de ne pas être à la hauteur, la peur de faire faillite si on a un cabinet. Et donc, renforcer sa prévoyance au maximum pour les mauvais jours. Ça, c'est indispensable. La sécurité sociale a mis en place des moyens pour s'arrêter, il faut avoir une prévoyance extrêmement solide, et puis il faut sortir de la solitude parce qu'on est souvent très seul dans un cabinet. Donc il faut inventer des ressources collectives, et puis il faut se renseigner en amont sur ce qui existe, et ce qui existe sont des consultations spécialisées où on ne va pas aller sur votre névrose individuelle dans un premier temps, ni votre DIP. Mais on va essayer de vous aider à mettre à plat votre organisation du travail, comment vous êtes soumis aussi aux organisations matricielles, dans lesquelles nous sommes tous pris, et comment vous pouvez vous en dégager. Et puis enfin, il faut se souvenir que 80% des patients que nous prenons en charge retrouvent du travail, quitte à rebondir sur d'autres métiers. Après, les outils pratiques qui sont sur le site Souffrance et Travail, nous avons un test de propagation du burnout qui est très au point. qui marche bien et qui aide la personne à prendre conscience de là où elle en est arrivée, c'est-à-dire dans la partie étroite de l'entonnoir où il n'y a plus aucune visibilité, dans la partie compulsive du travail où on s'auto-accélère. Pour nous, le bilan neuropsychologique et le bilan des fonctions exécutives est tout à fait central. Si la mémoire de travail est atteinte, le lien avec le travail est fait.
- Speaker #1
Alors moi j'irais pour... qu'on puisse avoir un mode de vie plus sain et pas des activités saines. Donc ce qui fait que nous sommes en capacité de nous extraire de problèmes professionnels ou personnels, c'est le fait de reconnaître que nous sommes des êtres multiples et qu'il y a des sphères qui peuvent s'effondrer et d'autres qui peuvent tenir et qu'en fait en tant que mammifères sur terre il y a aussi des possibilités de retrouver un moyen de ne pas se prendre au sérieux tout le temps. Que la carrière... ne soit pas la seule façon de se définir. Et que la famille non plus, et que le couple non plus, et que la réussite sociale non plus. Et que ça soit en fait avec aisance que l'on puisse passer d'une sphère à l'autre en reconnaissant qu'on a des cerveaux dans nos crânes qui ont survécu à des conditions de vie très très difficiles et avec des ambitions beaucoup plus collectives aussi. Je pense que c'est vraiment une vision presque philosophique de la vie qu'on mène, qui peut faire que même avec des problèmes, on a une perception différente du sens qu'on met dedans.
- Speaker #0
Quelle est l'idée essentielle que vous aimeriez que les praticiens retiennent concernant le burn-out ?
- Speaker #1
Ce qu'il faut vraiment arriver à croire quand il s'agit de la santé mentale, c'est que ce qui cause un stress, c'est un élément qui... très souvent ne vient pas de l'individu et que la solution ne peut pas venir de l'individu non plus. Et donc que nous sommes des êtres incarnés. Et par incarnés, ça ne veut pas dire que nous avons des cerveaux incarnés dans des corps. Ça veut dire aussi que ces corps sont incarnés dans une société. Ça veut dire que pour savoir comment je peux réguler mon mode de vie ou comment je peux influer sur ma santé mentale, il faut que je questionne. Toutes les interactions que j'ai avec mes collègues, avec mes patients et patientes, avec l'espace que je traverse pour arriver à mon cabinet. Et en fait, tous ces éléments sont externes à soi. Donc on ne peut pas porter en tant qu'individu la responsabilité du rétablissement de la santé mentale, c'est un sujet social.
- Speaker #2
C'est très important que le patient qu'on reçoit arrive à déconstruire la culpabilité judéo-chrétienne classique. Je ne suis pas à la hauteur. C'est important de lui expliquer que l'être humain était... extrêmement vulnérable, contrairement au discours d'excellence et de surperformance dont on nous bassine partout. C'est très important qu'ils comprennent aussi que nous sommes dans une société de surcharge cognitive en permanence, que gérer sa propre vie est en soi une petite entreprise. Donc il s'agit de faire un travail de citoyenneté, de rappeler aussi à ces patients qu'ils ont des droits et des devoirs. s'ils sont salariés et s'ils sont en libéral, qu'ils ont des systèmes de protection efficaces. En ce qui me concerne, je pense que le terreau du burn-out au-delà de la surcharge, c'est bien évidemment le travail en mode dégradé, c'est-à-dire ne plus pouvoir faire un travail dont on est fier, parce qu'on a le temps, les moyens et les effectifs de le faire. C'est ça qu'il faut soigner, il faut soigner le travail.
- Speaker #0
Alors on va aller voir les gens qui viennent à la séance pour l'épuisement professionnel. Bonjour. Bonjour. Est-ce que vous venez à la séance sur l'épuisement professionnel ? Oui. Pourquoi vous avez choisi d'assister à cette séance sur ce thème de l'épuisement professionnel ?
- Speaker #1
Déjà de voir en vrai sa macaraille, que j'ai lue mais que je n'ai jamais vue,
- Speaker #3
et puis avoir peut-être des trucs,
- Speaker #1
des astuces, des signes d'alerte qu'on n'a pas. Je préfère être un peu préventif, même si je ne ressens personnellement aucun des signes. Ça va plutôt bien.
- Speaker #3
C'est pas toujours facile de concilier vie personnelle, vie professionnelle. Et je me suis dit que c'était bien d'en prendre connaissance maintenant, pendant que je suis encore jeune, pour voir les signes qui peuvent être amenés à arriver, tout simplement.
- Speaker #0
Et vous, vous avez déjà ressenti des signes d'épuisement dans votre activité ?
- Speaker #3
Je ne sais pas, peut-être que je passe à côté.
- Speaker #1
Oui,
- Speaker #3
avant chaque vacances à peu près. Il y a des périodes comme ça où c'est un peu trop. Et puis, on sait qu'il faut un peu lâcher, prendre un peu plus de temps off pour réussir à gérer, mine de rien, les gens qui nous en demandent quand même beaucoup.
- Speaker #0
Vous trouvez que c'est important qu'à l'ADF, il y ait des séances qui soient un peu hors champ technique ?
- Speaker #3
Oui, je pense, parce que je pense qu'on est beaucoup à se poser ce genre de questions et je trouve que ça fait du bien d'avoir des sujets comme ça, parce qu'on se rend compte qu'a priori, on n'est pas les seuls à penser ce genre de choses.
- Speaker #0
Et du coup, vous attendez quoi de la séance ?
- Speaker #3
Peut-être des pistes, des informations pour ne pas aller trop loin. J'ai l'impression de pouvoir tenir encore, mais peut-être que je vais aller trop loin et que je n'arriverai pas à m'en sortir si vraiment je m'effondre. Mais bon, notamment la joie. Burnout partout, burnout nulle part. Là aussi, j'aimerais avoir un peu des éclaircissements là-dessus.
- Speaker #0
Je pense que vous allez avoir pas mal de réponses. J'espère. Bonne séance.
- Speaker #3
Merci. Alors je peux vous ressouhaiter la bienvenue et vous dire combien je suis heureuse, honorée d'avoir avec nous aujourd'hui deux conférencières formidables qui vont nous parler de l'épuisement professionnel, ce qu'on désigne toujours le plus facilement par le terme de burn-out, en la présence de Samak Haraki et Marie Peset. Moi je suis une consoeur à la retraite qui a eu un exercice libéral, on va dire très banal, Et je suis aussi cofondatrice et coprésidente du collectif Culture Santé, au nom duquel je parle assez fréquemment. Donc nous accueillons Samakaraki, qui va nous parler en premier lieu. Samakaraki est docteur en neurosciences. Et puis nous entendrons ensuite Marie Peset. Marie Peset, une grande voix du travail sur le travail. Marie a intitulé cette conférence Burnout partout ? Burnout nulle part ? et Samad l'a intitulé A-t-on vraiment la santé mentale qu'on mérite ? C'est-à-dire que ce sont deux personnes qui ont des histoires différentes, des parcours différents, des formations différentes, mais qui ont quand même au coma d'avoir travaillé sur le travail. Et je suis persuadée que... leurs discours vont s'enrichir et nous donner beaucoup de matière à comprendre et peut-être donc à prévenir et aussi à gérer ce terrible burn-out dont on parle beaucoup et qui nous fait souvent assez peur. Voilà, donc je donne la parole à Sama.
- Speaker #1
Merci. Alors, je suis neuroscientifique, comme tu l'as introduit, et j'aime toujours rappeler au tout début de conférences face à des personnes qui pratiquent des métiers que je ne connais absolument pas, que je ne suis absolument pas légitime de vous dire quoi que ce soit ou de vous donner quoi que ce soit comme recette de bien-être. Donc ça fera vraiment une perspective. Je suis consciente que les propos que je porte sur la santé mentale... ne sont pas ceux qui nous arrangent pour des solutions à court terme. Peut-être aussi il faut définir ce que sont les neurosciences pour ceux et celles qui ne savent pas de quoi il s'agit. C'est simplement l'étude des bases biologiques de la cognition. Et par cognition, il peut s'agir des comportements, des émotions, de la mémoire et tout le reste. Et c'est une vision qui est, selon la perspective que je souhaite défendre, très réductrice, simpliste. de notre fonctionnement. Alors il y a eu dans l'histoire beaucoup de déroutes en cherchant à savoir qu'est-ce que vaut la personne à travers l'étude de son cerveau. Et donc la question de la capacité de se maîtriser aussi, c'est un héritage de cette vision rationaliste de l'humain en capacité de s'observer, détecter ce qui ne va pas. s'arranger comme si on était un chantier qu'on maîtrise parfaitement. Donc voilà, déjà il faut savoir que là il est 14h, on n'est pas du tout brillant à cette heure-ci, que vous soyez matineux ou nocturnes d'ailleurs, on est censé être en train de siester en fait, tous et toutes. Donc ça c'est juste un rappel des limites de cette vision que nous avons de notre cerveau. Notre cerveau il n'est pas très efficace, et dans la journée déjà il n'est pas très efficace. même quand il est éveillé. Mais je vais quand même vous dire quelques idées optimistes sur notre fonctionnement. Ce que nous savons, c'est que nous avons un cortex préfrontal que vous voyez ici. Il y a d'autres choses ici en rouge, mais je vais centrer mon propos sur cette partie de notre cerveau qui est irriguée. Irriguée, ça veut dire qu'il y a un trafic qui lui amène oxygène et sucre quand vous êtes éveillé. Donc là, si vous êtes là, si vous êtes vraiment là, cette partie, elle reçoit en fait ce qu'il faut pour qu'elle puisse travailler. travailler plus sain que quand vous êtes endormi. Elle est très énergivore, donc elle a vraiment une toute petite fine couche, mais elle consomme jusqu'à 40% de l'énergie du corps quand on est en éveil exécutif. Et cette partie, elle nous permet de faire tout ce qui nous rend un peu intéressants les uns pour les autres. Ça veut dire, c'est que par exemple là, votre capacité à maintenir votre attention pour nous écouter à cette heure très pénible de la journée, elle est en fait... possible grâce à cette partie de votre cerveau qui vous permet de maintenir votre attention. Donc du coup, là, nous, on est en capacité d'avoir un maintien attentionnel, une mémoire de travail. Et si vous regardez en bas, vous allez voir la résolution de problèmes, la génération d'hypothèses, le raisonnement abstrait, l'estimation cognitive. Bon, ça, c'est ce que l'école évalue en quelque sorte. Si vous avez eu des beaux parcours scolaires, c'est que vous avez ces machines qui tournent bien en quelque sorte. Parce qu'en tout cas... C'est ce qu'on cherche à évaluer au sein du système scolaire. Ce qui est quand même assez drôle à retenir, c'est que ces compétences exécutives sont en compétition avec d'autres, comme par exemple celle de la flexibilité cognitive. Ça veut dire cette capacité à changer d'avis. Vous voyez, il n'y a pas beaucoup de gens qui changent d'avis aisément dans la société. Mais ça se trouve, ils ont été brillants à l'école. Donc si un jour on veut évaluer l'intelligence comme la capacité de changer d'avis, et de s'adapter aux changements, ça se trouve, ce serait ceux qui ont vraiment très mal vécu l'école qui seraient au top de la société. C'est juste pour vous dire que c'est très bien, c'est pour ça qu'on est plusieurs, c'est parce que nous avons besoin des compétences qui se complémentent bien, mais qui ne peuvent pas coexister, tout simplement parce que les fonctions que j'ai citées d'abord, c'est une aisance, une facilité, une rapidité de traitement de la pensée abstraite, et là c'est une lenteur. Donc vous voyez bien que c'est contradictoire. Alors, comme c'est très énergivore, là, par exemple, en anglais, on dit pay attention, c'est-à-dire que vous êtes en train de vraiment, là, me donner de vos ressources, c'est très cher, l'attention. Et vous le savez aussi, en tant que personne qui travaille dans le milieu du soin, quand vous donnez votre écoute, déjà, c'est un choix délibéré de la maintenir, cette écoute, et que c'est fatigant aussi, c'est pénible, en fait, d'écouter. Donc, ce n'est pas juste un choix moral d'être bon en écoute, ça dépense de l'énergie et c'est un choix. Mais en tout cas, c'est là où vous posez votre attention, que ce soit dans les yeux de votre patient ou dans sa bouche en tout cas, mais vous vous donnez de vos ressources énergétiques. Donc comme c'est très énergivore, il nous faut un système à qui on délègue la majorité des fonctions. Par exemple, là vous n'êtes pas conscient, vous êtes en train de respirer. En tout cas, vous ne le faites pas d'une manière délibérée. vous avez délégué à un système qu'on appelle simplement système nerveux autonome, le fonctionnement, beaucoup de critères, vous transpirez, vous brissonnez, tout ça c'est très complexe. Et si vous ratez vraiment une quantité de sucre supplémentaire à ce qu'il vous faut, c'est la crise, c'est la catastrophe. Donc vous voyez, il y a plein de choses qui fonctionnent très bien sans votre capacité exécutive. Et ce qui est fascinant, c'est que ce n'est pas juste les fonctions physiologiques que nous automatisons. Là, je suis en train de vous parler en français. Je ne suis pas en train de penser le choix de mots. Je suis en train de penser au sens que je veux vous faire. Parce que j'ai automatisé aussi la langue française. Vous avez aussi dans vos métiers rendu autonome beaucoup de compétences. C'est-à-dire que ça circule un peu sans vous, n'est-ce pas ? Alors l'avantage, ce qui est très beau et très fascinant, c'est que tout ce que vous avez automatisé, ça vous laisse disponible pour m'écouter. Vous voyez, c'est ça qui est très très beau. C'est comme ça qu'on apprend. On automatise, on est disponible pour apprendre. On automatise, on est disponible pour apprendre. Et donc, personne ici n'est multitâche, hommes et femmes confondus. Mais par contre, on est en capacité de faire deux choses à la fois si la deuxième chose est automatique. Voilà, donc c'est pour ça que vous pouvez parler au téléphone quand vous conduisez parce que vous avez automatisé la conduite. Et de la même façon, si vous avez de l'expérience dans votre métier, vous êtes disponible pour mener une conversation avec votre patient. Alors, vous le savez aussi que ce maintien... attentionnelle qui a une compétence exécutive, elle ne peut pas coexister avec vous qui vous questionnez est-ce que je suis en train de faire la bonne chose, vous voyez ? Donc c'est pour ça que l'expérience mène à la disponibilité qui vous laisse La possibilité d'être en empathie, parce que l'empathie ce n'est rien d'autre que d'une mémoire de travail avec un projection, donc un raisonnement abstrait. C'est une fonction exécutive comme toute autre fonction et donc elle est pénible. C'est pour ça aussi qu'on a besoin d'être disponible pour la réaliser. Ces deux visages ont la même couleur. De droite et de gauche, ils ont exactement la même couleur. Sauf que votre cerveau a automatisé que dans la lumière, il obscurcit, et dans l'obscurité, il éclaircit. Comme ça, on ne trébuche pas, en quelque sorte. Ce qui est très fascinant, c'est que ça ne change rien, la façon avec laquelle vous voyez ce qui se passe. C'est parce que c'est le prix qu'on paye une fois que nous avons automatisé. On ne peut pas venir et dire je sais que je me trompe et hop, ça change. Donc ça ne sert à rien de savoir, en quelque sorte. On le sait quand on pense au changement. Mais surtout, la seule posture humble et réaliste que nous pouvons avoir vis-à-vis de notre fonctionnement, c'est qu'on n'est pas si brillant qu'on pense l'être. Ça c'est pas mal, parce qu'on part du principe que quand on a appris, Quelque chose, quand on s'est habitué à une certaine posture dans le monde, cette posture, elle est tellement évidente qu'on la fait comme on respire. Voilà, donc je ne le pense pas, c'est très évident. Donc, le stress, c'est tout ce qui vient menacer un automatisme. Si je le pense physiologiquement, c'est très simple. 37 degrés, c'est mon automatisme de fonctionnement cellulaire. Le froid, c'est un stress. Je fais une réponse au stress qui me permet de rétablir 37 degrés. Et si j'arrive à 37 degrés, on dit que j'ai été... Voilà, donc c'est ça. En fait, c'est la capacité à retrouver, après un stress, après une réponse au stress, une position, par toutes les astuces possibles. Comme nous n'avons pas que des automatismes physiologiques, nous avons aussi des automatismes psychologiques. C'est-à-dire que ce que nous avons appris de notre position dans le monde nous donne une forme d'évidence psychologique. Et toute chose qui vient menacer ce confort psychologique, ce 37 degrés psychologique, va aussi nécessiter une réponse au stress et un besoin de rétablir le confort psychologique. Voilà, donc stress, c'est tout ce qui m'éloigne de ce que j'ai automatisé comme une façon de voir le monde. Voilà, donc jusque-là... Tout va bien. La réponse au stress, c'est ce que je fais pour rétablir. Et cette réponse au stress, malheureusement pour nous, elle est tout le temps physique. Parce que comme le cerveau ne fait pas de différence entre ce qui est physiologique et ce qui est psychologique, si c'est une menace physique, je fais quoi ? Je me défends physiquement. C'est-à-dire, j'active mon système cardiovasculaire. Est-ce que je m'endors ? Non, ce n'est pas le moment, parce que je suis menacée physiquement. Et donc, je mets en veille tout ce qui n'est pas prioritaire. Parce qu'il faut survivre. Donc tout ce qui n'est pas prioritaire, ça veut dire le sommeil, la digestion, la régulation immunitaire. Si vous êtes blessé, vous ne le sentez pas. Par contre, quand c'est psychologique, nous répondons de la même façon. Nous allons mettre en veille tout ce qui ne paraît pas pour notre cerveau comme étant prioritaire. Donc je vais mettre ma perception de la douleur, je vais mettre mon métabolisme, mon cycle sommeil-éveil, ma libido. Tout ce qui paraît un peu comme du luxe. Pour le moment, parce qu'il faut survivre d'abord. Voyez ? Alors du coup, au bout d'un moment, un de ces systèmes peut craquer. Parce qu'on l'a mis en veille pendant longtemps. Et c'est ça qu'on appelle le burn-out, en tout cas de la perspective neuroscientifique. C'est quand un des systèmes qu'on a mis en veille, parce qu'on pensait être poursuivi par un prédateur, et que le but c'est de sauver sa peau, craque. Donc, vous voyez qu'il y a stress, réponse au stress. Donc la question qui m'intéresse... personnellement, c'est c'est quoi le froid psychologique en quelque sorte, c'est-à-dire qu'est-ce qui est à l'origine de cet écart de prédiction c'est-à-dire j'ai des attentes psychologiques et quelque chose qui vient m'éloigner je ne m'intéresse pas trop à la réponse au stress et ce qu'on va en faire, je pense que ça serait très complémentaire après avec ce qu'on va évoquer toutes les deux avec Marie mais ce qui m'intéresse c'est de dire mais qu'est-ce qui est à la base venu me retirer de mon confort psychologique ? C'est la question qu'on se pose peu quand on est en burn-out. Quand on est en burn-out, on vient vouloir guérir les symptômes de la réponse au stress, en quelque sorte. Alors, pour savoir qu'est-ce qui peut être quelque chose qui touche à nos besoins psychologiques, je vais aller un peu regarder dans notre système. Là, c'est juste pour vous rappeler qu'un zèbre qui court parce qu'une lionne lui court après, ou une personne en détresse psychologique, c'est exactement le même système de réponse au stress qui est activé dans le corps. Et donc, on va aller chercher qu'est-ce que nous avons comme besoins fondamentaux, qui sont considérés comme la température du corps, en quelque sorte, pour notre système psychologique. Alors, là, je vous montre des études qui ont été faites au niveau du statut social. C'est-à-dire, je prends des personnes, là, dans ce cas-là, ça a été fait en Inde, avec des personnes qui appartiennent à des castes différentes. Et on leur fait des tests cognitifs. Et on se rend compte que quand on n'évoque pas du tout la question des castes, vous voyez, low caste et high caste, donc les personnes issues de castes inférieures ou supérieures dans cette société, ont exactement la même performance cognitive. Et... ensuite, on leur dit. Donc, on fait intervenir les différences de statut. Pour les mêmes personnes, dès qu'elles réalisent qu'elles sont dominées dans ce contexte, leur performance diminue. Et ça, c'est quelque chose qui a été analysé dans beaucoup de contextes, de contextes entre hommes et femmes, entre origines ethnoraciales différentes. Dès que cette information est ajoutée, il y a comme une... Comme si quelque chose est venu m'éloigner de mon confort psychologique, qui est celui de ne pas être dominé.
- Speaker #0
Et donc, le statut social est devenu un grand enjeu pour les neuroscientifiques, pour voir que quand on met les personnes dans des situations de domination sociale, il y a un niveau de cortisol qui est augmenté dans le sang, qui au bout d'un certain temps mène à ce qu'on caractérise comme un burn-out généralisé, ce qu'on appelle défaite sociale. C'est-à-dire une personne qui se sent dominée par les autres. Ça c'est quelque chose qui est aussi extrêmement caractérisé dans le milieu médical, dans le milieu... hospitalier entre différents rangs hiérarchiques de prestige et de rôle joué au sein de l'acte du soin, avec beaucoup de personnes qui ne sont pas considérées aussi intellectuelles ou aussi valorisées dans le geste du soin que des médecins ou qu'aussi au sein des médecins aussi il y a ceux qui sont considérés comme étant hiérarchiquement supérieurs. Et en fait, on a analysé la présence de cette culture du statut comme étant à l'origine de beaucoup de burn-out, qui n'a rien à voir avec la charge du travail, mais qui a à voir en fait avec la conscience de ne pas avoir une dignité égale à l'autre en quelque sorte, et donc de se sentir dévalorisé. Un autre besoin fondamental, c'est le besoin de prédire. On a un cerveau qui a besoin de savoir ce qui va arriver. C'est-à-dire le besoin de clarté, en quelque sorte. Il y a aussi des études très fascinantes, très amusantes, qui montrent que quand on est face au risque qu'il nous arrive quelque chose de négatif, ce n'est pas la chose négative qui provoque le stress, c'est l'incertitude quant à ce qu'elle va arriver ou pas. Et on va en fait analyser ce qui se passe dans le système physiologique, c'est-à-dire le niveau de cortisol est un très bon indicateur de réponse au stress. Et on va voir que même si l'outcome, même si en fait ce qui se passe est positif, le fait qu'on a été dans l'incertitude nous rend malades. Ce cortex singulaire intérieur que vous voyez ici, c'est une partie du circuit qu'on voit activer quand on est dans une intoxication alimentaire ou quand on exprime une nausée. C'est juste pour rappeler que les mêmes parties de notre système... cognitives qui nous alertent qu'il y a quelque chose qui ne passe pas dans le système digestif, et bien en fait c'est les mêmes qui nous alertent que je n'arrive pas à me situer dans ce qui va m'arriver. Je n'arrive pas à savoir quelle est ma carrière, elle va où, ou qu'est-ce qui va se passer avec telle personne si je fais telle erreur ou pas. Voilà. Alors si je sais, en fait on se dit on n'est pas si vulnérable que ça, quand on sait. Et le troisième, c'est le besoin d'appartenance sociale. Et donc là aussi, c'est des études qui nous montrent que exclure quelqu'un, même dans un contexte virtuel, c'est-à-dire là, c'est une exclusion d'un jeu avec la machine, on voit qu'il y a une activation de cette même zone et que la souffrance ressentie, elle est diminuée par administration analgésique. C'est-à-dire que c'est une vraie souffrance comparée à du placebo. Donc en fait, si vous voulez torturer quelqu'un, vous pouvez les humilier. au niveau de leur statut, vous pouvez les exclure, vous pouvez ne pas être clair. Dans les trois cas, vous pouvez générer des burn-out et ce qui est aussi à l'échelle universelle, quand on regarde les souffrances liées au travail, on va trouver que ce sont les conditions de travail liées à ces trois besoins fondamentaux plus que la quantité de travail réellement. Donc c'est les conditions dans lesquelles le travail a été fait. Alors, du coup, est-ce que ça veut dire que pour ces trois besoins fondamentaux, il faut qu'on les nourrisse ? C'est-à-dire, si je dois avoir un environnement de travail sain, est-ce que je dois être dominant ? Est-ce que je dois tout savoir ? Est-ce que je dois être apprécié de tous ? Voilà, c'est la question qu'on peut se poser. Si c'est ça nos besoins, alors pourquoi on ne les nourrit pas ? Et ça, c'est une perception qui est très mauvaise, qui a été faite aussi de ces besoins. C'est qu'il faut venir... Dire aux gens bravo, sans cesse, les reconnaître, et leur donner des primes, et leur dire que vous êtes au top. Ces besoins-là ne sont pas aussi capricieux qu'on l'imagine. Et ce n'est pas les nourrir qui va résoudre le problème, et c'est là que ça se complexifie, sauf si vous vous rappelez de 37 degrés, 36, 38. 36, 38, ça va, n'est-ce pas ? On frissonne, on transpire, voilà. C'est ça ce que l'on appelle un relief émotionnel simple, comme la vie d'un enfant qui... Il pleure et puis il passe, il goûte, il joue, il perd, il gagne, tout va bien. En fait, c'est la même chose pour nous. C'est-à-dire qu'on n'a pas besoin d'être dominant pour être bien. Par contre, on a besoin de ne pas se poser la question sur comment est-ce que je suis à dignité égale avec les autres. C'est-à-dire que ce n'est pas des cultures dans lesquelles vous êtes reconnus comme étant l'élite. C'est un endroit où vous ne vous posez pas la question. Vous voyez, c'est une tension. Je ne suis pas humiliée, je ne suis pas non plus à la tête de la chose. Mais je ne me pose pas la question de mon statut. Et pour l'appartenance, encore une fois, ce n'est pas d'être appréciée de tous et d'apprécier tout le monde, et d'appartenir comme si c'était la famille. Je trouve que c'est aussi un faux chemin qu'on prend en ce moment dans le milieu de l'entreprise, c'est de vouloir appartenir à l'entreprise. Pas besoin, on peut très bien travailler avec des gens qu'on n'apprécie pas. Je préfère qu'on parte du principe qu'on a un contrat. de travail avec des personnes qui peuvent très bien ne pas partager notre façon de voir les choses ni nos valeurs. On a besoin d'appartenir quelque part, mais pas nécessairement au travail. On peut aussi très bien avoir cette séparation des sphères de ce que nous sommes par rapport à qui nous sommes au travail. On peut très bien aussi vouloir exposer des parts de nous et en un visibiliser d'autres, et sortir toute la complexité de notre être devant nos potes. C'est aussi très bien de revenir à cette définition du travail comme un lieu et de se dire, qui n'est pas nécessairement un lieu d'appartenance. Et puis aussi pour le besoin de clarté, on n'a pas besoin de tout savoir. Par contre, le cerveau a besoin de pouvoir envisager la pire configuration. Et cette pire configuration nous rassure. Ça veut dire partir du principe que votre métier est dur et que les gens sont compliqués. C'est une très bonne façon d'aborder votre métier. Vous n'avez pas peut-être envie d'entendre ça, mais en fait c'est ça être épicurien, c'est un peu contre-intuitif, mais Épicure il partait du principe que le monde était pourri. C'est pour ça qu'il passait des bonnes journées, parce que tout se passait mieux que cette configuration.
- Speaker #1
Dans son intervention, Sama Karaki a exploré les mécanismes du stress et du burn-out à travers le prisme des neurosciences. Elle a expliqué que nos automatismes, qu'ils soient cognitifs ou physiologiques, nous permettent de fonctionner efficacement au quotidien, mais deviennent vulnérables lorsqu'ils sont perturbés. Le burn-out, selon cette approche, est le résultat d'une surcharge prolongée qui épuise ces systèmes, qu'ils soient mentaux ou physiques. Sama a également identifié trois besoins fondamentaux liés à notre équilibre psychologique. La clarté, qui nous permet de savoir où nous allons. La dignité sociale, qui nous assure un respect mutuel dans nos interactions, et l'appartenance, qui nous aide à trouver notre place dans un groupe. Elle a toutefois souligné l'importance de ne pas surinvestir ses besoins dans le cadre du travail. L'équilibre, selon elle, réside dans la capacité à concilier ses attentes avec la réalité de nos environnements professionnels.
- Speaker #2
Merci. Merci beaucoup, Sama.
- Speaker #1
Et maintenant, place à Marie Peset.
- Speaker #2
Une frénésie s'est emparée de notre époque et donc aussi du monde du travail pour satisfaire une insatiable productivité. Le rythme de travail, un peu partout, s'est intensifié dans tous les secteurs professionnels. Et nous vivons une vie d'athlète de la quantité. Et donc, il ne faut pas s'étonner de la... propagation de ce syndrome d'épuisement professionnel, de ce mot valise surutilisé de façon médiatique et par les patients qui arrivent avec leur diagnostic. L'obsession de la croissance exponentielle encourage, nous dit l'ONU, une économie du burn-out. Celui qui s'en sort dans les organisations du travail actuel n'est pas comme autrefois le plus diplômé, le plus intelligent ou celui qui a les skills physiques les plus poussés. La contrainte du corps est toujours au devant de la scène. Travailler de cette façon-là si vite conduit à ne pas bien travailler. Et le travail en mode dégradé est le terreau de ce burn-out, mauvaise valise et des solides travailleurs consciencieux. Et vous verrez que bientôt, on dira que la conscience professionnelle est inutile et qu'elle conduit à des pathologies. En tout cas, en 2019, la DARES, au ministère du Travail, la direction des statistiques, Au travers de l'enquête SUMER, qui est une enquête prédictive épidémiologique qui est faite tous les six ans, disait que 47% des travailleurs français étaient en souffrance éthique au travail, c'est-à-dire conscients de ne pas arriver à avoir le temps, les effectifs et les moyens de faire du beau travail, celui qui nous construit. Donc je vais essayer de vous expliquer à quel point le travail est quand même central dans la construction de notre identité, le temps que nous y passons. Le simple fait qu'en venant au monde, nous commençons à travailler, à construire un appareil psychique. Nous travaillons à l'école, nous travaillons au collège, au lycée, nous travaillons quand nous nous occupons des tâches domestiques, nous travaillons dans l'emploi. Des fois, on ne travaille pas dans l'emploi parce qu'on est mis au banc. Se lever tous les matins pour être utile au monde, aller apprendre la solidarité dans un collectif de travail soudé. Et se construire et s'élargir soi-même en apprenant de nouvelles compétences, c'est vraiment, effectivement, travailler pour qui et pourquoi. Et c'est important et personne ne peut se passer de cela. Et d'ailleurs, la plupart des patients, qui malheureusement, pour 20% d'entre eux, finissent en invalidité deuxième catégorie, n'ont plus d'emploi, mais retrouvent tous une activité, car travailler, c'est se travailler soi-même. Et surtout... apprendre la solidarité et travailler ensemble. Et pour comprendre le monde du travail, il faut traverser de très nombreuses disciplines. Ergonomie, psychologie du travail, droit, médecine, neurophysiologie. Sans quoi les stéréotypes font la loi et nous en sommes abreuvés tous les jours par nos ministres. Le salarié français ne penserait qu'à ses RTT alors que nous sommes quatrième en productivité horaire au rang mondial. Le travail ne serait que souffrance alors qu'il est vraiment central pour s'accomplir, et vous le savez, car votre métier a du sens. C'est le salarié fragile qui craque ? Non. C'est le plus investi dans l'exécution du travail et dans les règles de métier, et qui ne supporte pas que le productivisme abîme son geste de métier. Alors, deux courants s'affrontent depuis fort longtemps autour de la question de la souffrance au travail. Le premier, vous le savez, notamment autour de la publication du livre de Marie-François Riguillet, La violence perverse au quotidien, le harcèlement moral va soutenir la prolifération de pervers narcissiques, de personnalités toxiques, en allant sur ce qu'on appelle en sociologie la naturalisation. C'est la nature des gens qui nous pourrirait la vie et au travail. Et le second ? auquel j'appartiens, appuyé sur les recherches cliniques en santé au travail, va du côté des modèles organisationnels en expliquant que, effectivement, de nos jours, le travail s'est modifié, notamment dans sa façon de travailler. Est-ce que je peux dire à l'ouvrière qui visse 27 bouchons par minute et qui fait un canal carpien que son audit pillé pour quelque chose et que son hyperactivité est structurelle, alors que c'est... L'usine qui la demande, alors que démissionner quand on est salarié fait perdre ses droits sociaux. Et quand on est en libéral, si on n'a pas pensé, c'est le premier mot. La première graine que je veux semer, si on n'a pas pensé à une super prévoyance, c'est bien s'arrêter, devient une faillite programmée. Ou bien encore, peut-on dire aux femmes qu'elles consentent de façon pulsionnelle à être payées moins que les hommes, tout en assurant la deuxième journée trop invisibilisée. Alors, en contrepartie de ce que nous apportons tous les jours au travail, nous attendons une rétribution, pas simplement un salaire bien sûr, mais la reconnaissance. Parce que la reconnaissance de la qualité du travail accompli est la réponse à nos attentes subjectives quant à l'accomplissement de nous-mêmes. On peut toujours invoquer la personnalité de la personne qui craque, qui est en souffrance au travail. Pourquoi ? Parce que nous engageons toute notre personnalité, surtout quand on est soignant, on ne l'est pas par hasard. Alors si on s'investit trop au travail, on pourra toujours trouver l'origine du côté de la reconnaissance qui n'a pas été obtenue dans l'enfance. Si on a un lien un peu difficile avec l'autorité, on ira chercher le papa. C'est très très facile de psychologiser les relations au travail. Alors on va revenir en 2024 à la définition qu'en donne la CIM, la classification internationale des maladies, dans sa onzième version. Le burn-out est un syndrome, pas une maladie, un syndrome, résultant d'un stress chronique au travail qui n'a pas été correctement géré, caractérisé par trois dimensions, et que l'on ne doit pas utiliser ailleurs que pour la sphère professionnelle. Le burn-out est en fait un syndrome de désadaptation de l'être humain, sa vulnérabilité, à des organisations du travail devenues pathogènes, qui nous mettent dans une accélération absolument frénétique et tellement récupérée sur le plan médiatique que nous sommes à des niveaux de vocabulaire lamentables. Il existe bien d'autres syndromes, donc pourquoi va-t-on chercher toujours des syndromes ? anglo-saxon, le burn-out, le burn-out, au lieu de se pencher sur ce que reconnaît par exemple notre bonne sécurité sociale, qui ne va reconnaître en maladie professionnelle hors tableau que trois pathologies. Donc si vous devez un jour être arrêté, c'est parce que vous avez un TAG, un trouble anxieux généralisé, une dépression ou un syndrome post-traumatique. En 2019, 1475, burn-out reconnu en maladie professionnelle. 30 000 accidents du travail pour lésions psychiques, et je vous expliquerai la ruse que nos médecins-conseils ont inventée. On va passer à quelques chiffres pour que vous compreniez que tous les discours sur l'absence d'objectivation de la souffrance au travail sont des mensonges. Par exemple, sur le lien entre les symptômes anxieux et ce qu'on appelle le job strain, vous voyez bien que dans la division sexuelle du travail, où les femmes occupent souvent des postes plus subordonnés, être sous tension et devoir exécuter des ordres multiplient par deux les symptômes anxieux. Tandis que le manque de reconnaissance de la carrière multiplie les symptômes dépressifs par deux chez les hommes. Je vais donc vous emmener aussi du côté d'une autre discipline, les nouvelles organisations du travail. Elles sont apparues dans les années 80 et ont profondément modifié le rapport de chacun d'entre nous à notre geste de métier. Au principe du management scientifique, du toyotisme, du fordisme, s'est rajouté bien... bientôt toutes les nouvelles technologies de l'informatique et de la communication, jusque dans vos cabinets privés. Bien évidemment, les trois quarts du capital des entreprises cotées dans le monde sont la propriété de fonds d'investissement. Nous sommes donc passés, dit Pierre-Yves Gomez, qui est professeur d'économie à l'École normale de Lyon, de l'argent du travail à l'argent de la rente. Toutes les entreprises, des plus grandes aux plus petites, sont soumises à cette financiarisation. Il faut donc d'abord donner des dividendes de chiffres à des actionnaires et enlever du coup du travail tout ce que le client ne va pas payer. Voilà pourquoi vous vous retrouvez à timbrer vos paquets tout seul devant des automates à la poste, pourquoi vous enregistrez vos valises dans les avions. On a licencié dans toutes ces entreprises tous ceux qui faisaient ce travail à votre place et la force de ce pilotage par l'aval est d'avoir transformé le consommateur. en travailleur sur sa propre vie, en organisateur de sa propre vie. Les corps au travail, vous le savez, ne sont plus évalués dans la plupart des entreprises que par des tableaux de bord issus des fonctions financières. C'est une grammaire chiffrée qui n'est absolument pas faite pour le corps humain et qui ne dit rien de ce que vous mettez dans vos gestes de métier. Et votre honneur ? Vos règles de métier, votre sueur, vos efforts, votre intelligence, votre endurance à la quantité d'heures de travail, tout cela n'est absolument pas mesuré. Donc vous voyez qu'il existe désormais un gouffre entre cette gouvernance par les nombres et le travail réel que nous devons faire sur le terrain pour y arriver. Vous y rajoutez la crise sanitaire qui a fait exploser la mise en place des outils, vous aboutissez à ce premier dégât qui est la porosité complète. entre notre vie privée et notre vie professionnelle. Il faut se souvenir qu'il faut 350 millisecondes pour cligner des yeux. Il faut que vous sachiez qu'un algorithme opère 7000 transactions boursières dans cette même donnée temporelle, et que donc l'être humain a perdu la bataille contre ces outils. Chez les soignants, vous le savez, c'est la tarification à l'acte, la chirurgie ambulatoire, les pôles, le lean management, la sous-traitance, les patients. Traités par le chirurgien deviennent un nombre d'actes à l'hôpital. Le temps passé par acte, la performance de tel opérateur par rapport à un autre. Et l'hôpital tient, vos cabinets tiennent, les usines tiennent. Et pendant le Covid, on l'a vu, nous avons tenu, grâce aux éboueurs, aux infirmiers, aux soignants et aux caissières de supermarché, parce que ce sont les métiers qui tiennent le monde. Ils tiennent, mais parce que nous rusons avec les normes, parce que nous tentons effectivement de nous écarter des procédures, des décrets, pour que le travail ait encore un peu d'allure et qu'il ait surtout un peu de sens. Nous sommes d'abord des êtres vulnérables, être entrepreneurs de soi-même, toute cette neuve langue managériale alors que l'organisme humain a des cycles, des alternances de veille, de sommeil, des pics de production, d'hormones. Si on soumet l'organisme à une intensification des tâches sur un temps trop prolongé, vous le savez, il va mobiliser beaucoup trop de cortisol qui ne redescendra jamais à un niveau correct. Et ce corps inoxydable, Ce corps-machine que veut notre société n'existe pas. Faire travailler les salariés en éliminant des temps qu'on dit morts ? Alors que ce sont des temps de répit, c'est méconnaître le fonctionnement du corps humain. Et faute d'écouter les spécialistes, les ergonomes, les neurophysiologistes, les cliniciens du travail, eh bien on privilégie une approche qu'on dit scientifique et chiffrée, mais qui ne parle que de cadence, de chronométrage, de cycle de production, en oubliant des chiffres tout à fait médicaux. Sur le versant cognitif, on est dans une telle accélération des tâches, dans une telle instantanéité d'exécution, Que bien évidemment, les e-mails, les appels, les textos, les patients qui s'enchaînent, les notifications, tout ceci est une charge mentale terrifiante. Et notre cerveau ne peut pas assumer tout ceci. C'est important de le rappeler parce que cela veut dire que si vous y rajoutez les objectifs inatteignables qu'on nous confie, chacun d'entre nous commence sa journée de travail, qu'il soit salarié ou en libéral, en faute prescrite. Intellectuellement, on le sait qu'on n'arrivera pas à voir tous ces patients. Mais on tente d'y arriver parce qu'on est inconscientieux et ce n'est pas pathologique. Va venir ensuite, bien sûr, pour les athlètes de la quantité que nous sommes, l'épuisement physique et moral, les surmenages, qui vont s'actualiser sous des formes extrêmement différentes. Du côté des décompensations psychiques, vous aurez d'abord le stress, les premiers troubles cognitifs. Vous allez passer assez rapidement à l'état de stress aigu, puis les vrais syndromes. ou bien les effondrements anxio-dépressifs. Du côté de l'isolement, vous aurez bien évidemment, si vous êtes par exemple mis au banc par votre collectif de collègues ou d'associés, l'état de stress post-traumatique qui est le syndrome princeps du harcèlement moral. Et puis ce qui m'inquiète davantage, c'est les suicides. Tous ces gens que nous voyons et qui disent moi, je voudrais juste que ça s'arrête
- Speaker #0
Je ne sais pas comment faire pour faire un pas de côté par rapport à mon état et à ma situation. Je ne sais pas qui aller voir. Je veux juste que ça s'arrête. Faire des bilans. neuropsychologique, c'est important parce que ça vous permet de mettre en évidence l'atteinte de vos fonctions exécutives et les risques que vous prenez à vouloir à tout prix continuer à travailler. Donc ce soir, quand vous rentrez, vous vérifiez votre contrat de prévoyance, s'il vous plaît, et vous le blindez, et vous vérifiez les assurances que vous avez prises pour vos emprunts, et vous les blindez, comme ça, si un jour vous n'êtes pas bien, vous pourrez vous arrêter tranquillement. C'est absolument vital. Et nous... recevons un patient qui n'est pas encore arrêté, on lui laisse trois jours pour revoir tous ses contrats s'ils ne sont pas suffisants. Faites la même chose. Et enfin, surtout pour le médecin-conseil de la Sécurité sociale ou pour ceux d'entre vous qui travaillent à l'hôpital, l'imputabilité en tant que maladie professionnelle de vos lésions, de votre syndrome au travail, c'est votre protection sociale, c'est fondamental, vous vous en doutez. Aujourd'hui, je voudrais réhabiliter la fatigue comme mécanisme protecteur. La fatigue, elle est là pour vous dire qu'il faut préserver l'équilibre de votre vie, vivre des intérêts et pas de votre capital, et donc le discours ambiant que la fatigue, ça se dépasse, ça se surmonte, n'aboutit qu'à une chose, au dopage et à l'absorption de produits illégaux ou illégaux. Soyez attentifs et affichez le plus possible ces trois... Prémices en termes de symptômes, une fatigue indéracinable que le repos ne repose plus, la perte du plaisir à exercer ce métier pour lequel vous avez tant investi et le recours aux produits pour tenir. Alors, on va passer tout de suite à ce qu'il faut traiter, la peur. La peur de parler, la peur de dire qu'on ne se sent pas bien, la peur de passer le test de propagation du burn-out qui est en ligne sur le site Souffrance et Travail. peur que cela ait des conséquences sur votre cabinet et que vous fassiez faillite. Et puis les outils collectifs, parler autour de vous, aller voir quelqu'un, aller voir un psychologue du travail qui ne s'intéressera pas à votre deal mais à comment vous organisez votre travail. Et puis si vous avez blindé votre prévoyance, l'arrêt maladie. C'est une coordination d'acteurs qui va permettre de remettre à plat votre fonctionnement vis-à-vis du travail. qui va permettre surtout par l'analyse de votre travail réel de vous donner le maximum de conseils pour revoir votre organisation et surtout de pouvoir déclarer en accident du travail si vous êtes salarié un état de stress aigu. Bien sûr, avoir un médecin traitant et ne pas vous soigner vous-même. Et je rappellerai encore, parce que ça me paraît important, que quand un métier conforme... au besoin du sujet et que quand ces modalités d'exercice respectent le libre jeu du jeu psychique et du jeu corporel, le travail est central pour vous garder en bonne santé et que c'est la reconnaissance de la qualité de votre travail qui va protéger votre santé. En tout cas devenez des soignants avertis, apprenez à connaître les maladies du travail, à connaître vos droits, les acteurs de prévention, ne restez pas seuls et renseignez-vous sur le site Souffrance et travail, merci de votre attention.
- Speaker #1
Dans son intervention, Marie Peset parle de l'impact de l'hyperproductivité sur la santé des travailleurs, décrivant une économie du burn-out favorisée par l'intensification des rythmes de travail. Elle insiste sur les conséquences psychiques et physiques, troubles cognitifs, épuisement et dégradation des fonctions exécutives. Selon elle, le burn-out résulte souvent d'un travail en mode dégradé, où le sens du métier est altéré par des contraintes excessives. Face à cela, Elle appelle à soigner la peur de l'effondrement et à rétablir des conditions de travail dignes. Elle plaide aussi pour des structures collectives pour briser la solitude des praticiens et promouvoir des bilans neuropsychologiques préventifs. Enfin, elle souligne l'importance de valoriser la qualité du travail accompli pour restaurer l'équilibre et prévenir l'épuisement.
- Speaker #2
Alors, une première question face au sentiment d'incompréhension et d'isolement, de solitude. Comment trouver une écoute ?
- Speaker #3
Tout groupe de... parole est intéressant parce que ça permet de verbaliser, de comprendre aussi ce qui nous arrive à travers les mots des autres. Mais je conseillerais aussi d'avoir des groupes d'amis extérieurs. du travail parce que des fois une bonne soirée avec des amis ça nous permet de relativiser l'importance qu'on donne à des sujets professionnels. Donc je pense qu'on n'a rien trouvé de mieux en tant qu'espèce que ces formes un peu invisibles et implicites de soins qui ne disent pas qu'ils font du soin. C'est-à-dire juste penser à autre chose, passer à autre chose, écouter nos amis avoir leurs problèmes qui n'ont rien à voir avec les nôtres. C'est aussi quelque chose qui permet de faire du bien.
- Speaker #0
Protégez-vous pour pouvoir ralentir et faire des temps morts, des temps très très très vivants.
- Speaker #2
Mais c'est vrai que planifier des temps et ne pas les appeler temps morts, mais les appeler temps de repos ou de répit...
- Speaker #0
Les temps de répit, c'est très important.
- Speaker #2
Au propos d'apprentissage, j'ai une question là, qui serait la question, comment notre formation initiale pourrait jouer un rôle préventif ?
- Speaker #0
Moi, je n'y crois pas trop, parce que les organisations du travail changent tout le temps, et donc c'est un apprentissage constant. Si on apprenait pendant les études des mesures de prévention, elles seraient démolies dans ce changement perpétuel. C'est le danger le plus important, je trouve, de tout réapprendre sans arrêt.
- Speaker #3
Il y a quelque chose déjà qui dépasse la formation à ce métier en particulier, c'est-à-dire qu'en fait on n'est pas formé à se faire attention à soi-même et aux autres. Donc ça c'est déjà, on n'a pas de formation sur ce qu'on est en train d'évoquer, qui est une compétence de la vie. Il y a aussi une pression au niveau peut-être aussi de ces métiers qui sont très valorisés dans la société, qui mettent une pression d'anxiété de performance qui a été caractérisée dans les... dans les milieux de prestige dans lesquels vous faites partie, ça ne vous laisse pas cet espace dans lequel vous pouvez faire votre métier dans le calme et dans son cœur qui est le soin.
- Speaker #2
Merci beaucoup de votre écoute attentive.
- Speaker #1
Du coup, les impressions à chaud de la conférence. Content, déçu ?
- Speaker #4
Oui, content. Mais en fait, je ne suis pas candidat au burn-out, je ne pense pas. Donc, je suis rassuré quant à ma santé mentale. Après, j'ai du travail, j'ai beaucoup de travail. C'est tout, c'est comme ça.
- Speaker #1
C'est clairant quand même.
- Speaker #4
Oui, beaucoup. Oui.
- Speaker #1
Quelle solution, par exemple, vous allez mettre en place au cabinet assez rapidement ?
- Speaker #5
On va faire des petites réunions d'équipe, je pense, pour déjà avoir le ressenti de tous et ne plus se sentir seule.
- Speaker #1
Et vous êtes vigilant par rapport aux autres membres de l'équipe, de leur état de fatigue, de stress ?
- Speaker #5
Oui. On est très vigilants, mais je pense qu'on ne l'est jamais assez en fait. Et j'ai bien retenu l'automatisme. Finalement, on y va, on y va, on y va. Ce n'est pas grave, demain ça ira mieux, mais en fait, demain ça ne va pas du tout.
- Speaker #1
Et vous avez quel rapport par rapport à votre métier ?
- Speaker #5
Alors moi, je suis office manager, je ne suis pas dentiste, mais justement, il faudrait revoir peut-être l'emploi du temps.
- Speaker #1
Qu'est-ce que tu as retenu de cette séance ?
- Speaker #2
Eh bien,
- Speaker #0
j'ai trouvé que c'était très intéressant avec deux éclairages. très différents.
- Speaker #2
On se rend compte à quel point c'est une problématique importante, à quel point on est nous-mêmes dedans. Et comment s'en rendre compte, comment trouver des solutions.
- Speaker #1
Yasmina, toi, pourquoi tu as voulu venir voir cette séance ?
- Speaker #5
Écoute, j'ai d'abord beaucoup apprécié ta trilogie sur le burn-out. Ça a allumé des petites ampoules, des petites alertes, qui m'ont fait réaliser pas mal de choses. Comme elle dit, ça m'a carrément qui vivait, pas d'autre chose. Pour moi, c'est une des clés, c'est ce que je retiendrai en tout cas d'aujourd'hui.
- Speaker #1
Tu as quel rapport avec ton travail aujourd'hui ?
- Speaker #4
Compliqué, très compliqué. Je me pose beaucoup de questions depuis plusieurs mois. Je continue malgré tout, mais je suis extrêmement fatigué.
- Speaker #1
C'est quoi que tu trouves compliqué ?
- Speaker #4
Je n'arrive plus à suivre comme j'ai pu le faire. Je cherche à freiner en fait.
- Speaker #1
Quand tu dis que tu n'arrives pas à suivre, c'est que tu te mets la barre haute au niveau performance, au niveau formation, au niveau technicité ?
- Speaker #4
Oui, en partie, et au niveau exigence, et puis surtout pour répondre à la demande. C'est une deuxième partie, c'est un deuxième volet. On a un problème d'accès aux soins qui est considérable et on essaye de tenir pour répondre, répondre, répondre. Et aujourd'hui, je n'arrive plus à suivre.
- Speaker #1
Et tu trouves quand même du sens à ce que tu fais ?
- Speaker #4
J'adore ce que je fais. Oui, bien sûr que je trouve du sens. J'adore ce que je fais.
- Speaker #1
C'est quoi que t'aimerais qui change alors fondamentalement et qui ferait que tu serais plus heureux dans ton métier ?
- Speaker #4
C'est comme tout le monde, prendre le temps, avoir du temps, avoir moins de pression, pouvoir dire non sans sentir le reproche ou l'incompréhension dans les paroles ou dans les yeux des gens, pouvoir sortir, j'habite une petite ville sans qu'on me sollicite, des choses comme ça.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #4
De rien, avec plaisir.
- Speaker #1
Nous arrivons à la fin de cet épisode consacré à l'épuisement professionnel des chirurgiens dentistes, une problématique qui touche profondément notre profession. A travers les éclairages de Samak Haraki et Marie Peset, et grâce à vos questions, nous avons exploré les mécanismes du burn-out, les facteurs culturels et organisationnels qui y contribuent, mais aussi les pistes pour y faire face individuellement et collectivement. Ce sujet nous rappelle une chose essentielle. Prendre soin des autres commence par apprendre à prendre soin de soi, planifier des pauses, cultiver des relations enrichissantes en dehors du cadre professionnel et se donner le droit à l'imperfection, sautant tant de moyens pour retrouver du plaisir et du sens dans notre métier. Mais ces solutions individuelles ne suffisent pas, elles doivent être accompagnées d'un changement systémique où la reconnaissance et la santé des soignants deviennent une priorité. Comme l'a dit Marie Peset, le travail c'est important, mais il ne doit jamais absorber toute notre vie. Dans le prochain épisode de cette série spéciale ADF, nous nous pencherons sur un aspect fondamental de notre métier, souvent oublié de nos formations, les compétences relationnelles. A travers une conférence animée par des experts, nous explorerons comment mieux interagir avec nos patients, nos équipes et nous-mêmes. Vous découvrirez des outils concrets pour répondre aux défis humains du quotidien en cabinet dentaire. Rendez-vous très bientôt pour ce deuxième volet, où nous continuerons à approfondir ces questions qui façonnent notre pratique. Merci à Maxime Wattieu pour la composition musicale et les ajustements sur mesure, à Jade Piolle pour les illustrations. et à Péline Bussy pour la prise de soin et le montage.