- Speaker #0
L'humain à l'ADF, une nouvelle série d'entretiens avec un dentiste. Épisode 2, comprendre les compétences relationnelles. Au départ il y a le congrès annuel de l'ADF, lieu de rencontre des praticiens, chercheurs et industriels où s'esquisse chaque année le futur de la dentisterie. Les personnages. Un président de séance, Gabriel de Minissi, pédodentiste. Vous avez pu découvrir son parcours et sa vision de la pédodentie dans l'épisode 48 d'Entretien avec un dentiste. Trois intervenants d'exception. Nicolas Dritsch, omnipraticien pendant 18 ans et aujourd'hui enseignant. Il nous expliquera pourquoi la complexité des systèmes de soins et des relations humaines exigent de dépasser les solutions simplistes. Il était l'invité de l'épisode 42 de ce podcast. Albert Moukébert, docteur en neurosciences et psychologue clinicien. qui décryptera comment nos mécanismes cognitifs influencent nos interactions et perceptions. Il est également l'auteur des ouvrages « Votre cerveau vous joue des tours » et « Neuromania » . Jean-Noël Vergne, professeur des universités et praticien hospitalier, qui nous offrira une perspective globale grâce au modèle biopsychosocial. J'ai eu l'occasion de le rencontrer à Toulouse pour l'épisode 52, où nous avions parlé d'empathie et de sa place centrale dans la relation soignant-soigné. Tous les liens de ces épisodes se trouvent dans le descriptif. Un public curieux, composé de concrétistes en quête d'outils et de réponses. Le décor, mercredi 27 novembre 2024, 14h17, salle 242 AB. Le titre, améliorer vos compétences relationnelles au cabinet dentaire. Le thème, les compétences relationnelles, ce savoir-être essentiel, souvent occulté par la technicité des soins, qui constitue pourtant le socle d'une pratique humaine et efficace. Juste avant le début de la conférence, j'ai eu l'occasion d'aller à la rencontre des dentistes présents dans la salle pour leur poser des questions simples. Alors pourquoi avoir choisi cette séance ?
- Speaker #1
Alors parce qu'on connaît certains des conférenciers et on les adore. Et en fait on sait que forcément ça va être que du bonus.
- Speaker #2
Parce que c'est une conférence qui sort du scientifique pur et dur et que là c'est un thème un peu novateur donc moi ça m'intéresse.
- Speaker #3
Moi je sors de la fac, donc j'aimerais bien un peu voir les situations complexes. Je trouve qu'on ne l'apprend peut-être pas assez à la fac d'arriver à désamorcer le conflit.
- Speaker #0
Pourquoi avoir choisi cette séance sur les compétences relationnelles ?
- Speaker #4
Parce que je crois que ça fait partie du début de notre consultation et qu'à mon avis, parfois, si on mettait plus de temps à se pencher sur la relation patient-praticien, on éviterait des soucis par la suite.
- Speaker #0
Finalement, qu'à l'ADF, on fasse venir des intervenants hors champ dentaire, qu'est-ce que vous en pensez ? Ça me parle.
- Speaker #2
Ça peut être que positif pour ouvrir un peu les esprits étriqués de notre profession. C'est pas très sympa ce que j'ai dit.
- Speaker #1
Alors, c'est pas très sympa, mais c'est un peu ça. C'est-à-dire que ce soir, en dentisterie, en médecine, partout, je pense qu'il faut un peu sortir de ce qu'on nous apprend et ouvrir un peu les possibilités. Le corps humain, c'est quand même une machine qui est exceptionnelle dans tous ces espaces. Donc, on nous apprend des trucs. Ok, après il faut aussi s'adapter, il y a plein de choses nouvelles et c'est ça qui est intéressant. Et toutes ces ouvertures d'esprit sur la manière dont le corps fonctionne, dont le mental fonctionne, la communication et tout, c'est génial justement de s'ouvrir à ça.
- Speaker #0
Et le côté neurosciences ?
- Speaker #2
Moi je vais chercher le côté neurosciences et faire le lien avec un domaine hors dentisterie, c'est vachement intéressant.
- Speaker #0
Vous aimeriez qu'il y en ait plus des formations, des conférences qui parlent de ces sujets-là, sur plutôt le côté humain de notre profession,
- Speaker #4
plutôt que quand il y a une grosse lacune ? Dans notre formation initiale et même dans les formations continues, je pense qu'il y a une grosse lacune. La médecine de manière générale, pas que la médecine dentaire, on est trop à scinder les disciplines et à ne pas prendre le patient dans sa globale idée. La globalité, c'est que c'est un être humain avant d'être de ma choix.
- Speaker #0
C'est super,
- Speaker #3
merci. Bonjour à tous, félicitations, vous avez fait un chouette séance, mais excellent. Bonjour, je m'appelle Nicolas, j'ai été pendant 18 ans dans un cabinet en Ardèche. Je suis un peu impressionné parce qu'il y a presque autant de monde ici qu'en Ardèche. Mais je vais quand même essayer de faire quelque chose de bien, j'espère. On va parler des compétences relationnelles. Et il y a un truc qui est sympa quand on parle des compétences relationnelles, c'est que c'est le seul moment normalement, en théorie, où on peut parler de nous. Nous en entier, nous dans nos relations avec les patients, avec nos assistantes, nos prothésistes, nos collaborateurs, nos associés. Et c'est pas ce qu'on a envie de faire aujourd'hui. On a envie de parler de nous avec les autres, avec nous-mêmes, comment on se sent quand on est stressé, comment on se sent... avec les autres au sein du cabinet ou en dehors, et comment on se sent par rapport au monde, donc par rapport à notre profession, peut-être qu'on n'est pas à l'aise avec certaines choses, et donc on a envie de parler comme ça. Du coup, on a construit en fait la présentation de manière plutôt pas linéaire en tout cas. On pourra aller un petit peu où on veut, selon les questions, et du coup vous avez le droit de poser des questions quand vous voulez. On essaiera de couper un peu quand on peut, et on prendra en compte le maximum d'informations. Je me rappelle avoir vu une consœur amie pédodontiste. J'aime bien aller visiter les consœurs et confrères. Puis elle me dit, Nico, je ne comprends pas. On vient de faire une formation en CNV, il y a un mois. On a fait notre blason. On a tous écrit bienveillance, respect. Et en fait, avec l'assistante, qu'est-ce qui se passe ? On n'arrête pas de se prendre la tête, tout ça. Donc ce truc-là, ça ne marche pas. Malheureusement, on ne sera probablement jamais... Ce robot dentiste qui est parfait, qui ne fait jamais d'erreur. Et puis peut-être que vous avez déjà entendu que si ça ne va pas au cabinet ou si vous n'avez pas tout réussi, c'est parce que vous n'êtes pas sorti de votre zone de confort. Ça ne vous est pas arrivé ? Et puis pareil, il faut devenir la meilleure version de soi-même pour vraiment être parfait, ne pas se tromper. En fait, si ces personnes de génie, parce que je ne pense pas être à la cheville de Descartes ou de Claude Bernard, ont raconté n'importe quoi selon nous, c'est juste qu'elles raisonnaient sur un modèle qui ne pouvait pas leur permettre de faire mieux. Et ce que j'aimerais vous dire en intro, c'est qu'en fait, si on a tendance à mécaniser la relation avec le patient, en espérant qu'avec une vision linéaire, par exemple un patient qui a peur, au lieu de lui dire « n'ayez pas peur » , on va juste lui dire « rassurez-vous » , et là, pouf, la peur va partir. Pourquoi en fait quand on fait ça, parce qu'on fait une formation d'hypnose et on se dit ouais c'est ça qu'il faut faire et tout ça, puis après on est un petit peu déçu, alors ça marche des fois mais on sait pas trop qu'est-ce qui marche. En fait c'est que notre cerveau il marche pas du tout comme ça, et nous on marche pas du tout comme ça non plus.
- Speaker #0
Pour illustrer l'incertitude dans nos relations, Nicolas prend l'exemple d'un téléphone lancé sur une personne. Même si toutes les conditions physiques sont connues, sa réaction dépend de nombreux facteurs inconnus.
- Speaker #3
Et donc, pourquoi on ne peut pas prédire ? Parce qu'en fait, toutes ces informations-là, on ne les a pas. On n'a pas accès à ça. Et c'est ce qui se passe avec nos patients. Quand ils arrivent, on ne sait pas quelle est leur vie, quel est leur contexte. Et c'est pareil pour nos assistantes, pour tout ce qu'on veut. Et toute cette Ausha, en fait, fait qu'il y a de l'incertitude. Or, ça, on a tendance à ne pas trop vouloir l'accepter. On a tendance à vouloir réfléchir comme un dentiste, avec le gradient thérapeutique, qui est, par exemple, un truc fantastique, qui marche super bien avec les dents, mais qui marche beaucoup moins bien si on essaye juste de l'appliquer sans prendre en compte le contexte de la personne. Voilà. On dit que, en fait, toute la partie qui est à gauche est hyper fonctionnelle pour les systèmes simples ou compliqués. C'est-à-dire des systèmes qui fonctionnent comme ça. On mordance un émail, on va coller. Il n'y a pas besoin de lui dire, petit émail, sois gentil, colle. D'accord ? Ça va bien se passer. Il va coller parce qu'il est prédictible. Par contre, on peut dire ce qu'on veut à un patient, une assistante, ou eux-mêmes, ils peuvent nous dire ce qu'on veut. On ne sera pas prédictible. Il y a des fois où on va bien le prendre. Des fois, on est fatigué. On ne peut pas le bien prendre. bien le prendre, etc. Tout ça parce qu'il y a une notion d'information qui rentre en compte. Ce que je voulais vous dire, c'est que si on veut aborder scientifiquement la relation, on ne peut pas faire comme si ce truc à droite, il n'existe pas. Et donc, c'est ce qu'on veut faire aujourd'hui. On veut vous donner une approche scientifique de la relation. Cette Ausha, elle s'intéresse au système complexe adaptatif. Quand on le présente comme ça, on a l'impression peut-être qu'il y en a une qui n'est pas bonne, une qui est bonne. En fait, non. En permanence, les scientifiques font interagir les deux. Et il y a un truc qui s'appelle l'intelligence artificielle. C'est l'émergence de ces deux mouvements-là qui a permis de faire qu'il y en a partout et que toute information est partout. Par exemple, il y a un patient qui vient, il veut un détartrage, vous regardez, tout est ok, il y a juste besoin d'un détartrage. Tout le monde est d'accord sur la représentation du réel. Un détartrage, il n'y a aucune incertitude. Vous prenez votre incertitude, vous regardez, tout est ok. à détartrer, vous enlevez le tartre, il n'y a plus de tartre, c'est fini, au revoir monsieur, c'était simple. Il y a des fois où on peut avoir des désaccords plus ou moins importants. Puis il y a des fois où ça peut être plus ou moins incertain sur les résultats. Donc on appelle ça compliqué. S'il y a de l'incertitude sur toute la partie que vous voyez, sur les représentations de la situation, par exemple, il y a un patient qui a besoin de mettre un implant, mais en fait, il a déjà eu un implant avant et ça ne s'est pas très bien passé. Nous, notre représentation, c'est que c'est une situation simple, tout est ok. On a un os parfait, la densité est bonne, le parodont aussi, tout est bien. Donc on sait qu'en fait, ça va être très... le résultat espéré va être très bon. Mais lui, sa représentation, c'est quand même, j'ai peur. Quand c'est des situations comme ça, on peut tout à fait mettre en place des techniques. Donc des techniques comme de l'hypnose, de la communication, ce que vous pouvez déjà apprendre, je pense, dans des formations qui existent. Parfois... On peut avoir de l'incertitude qui est sur le résultat. Admettons qu'on a une carie parapulpaire, on est en hyperhémipulpaire, on sait que maintenant si on a un protocole qui est quand même très bon avec des biocéramiques et qu'on met la digue et tout ce que vous voulez, on va avoir un résultat qui va être globalement plutôt bon, mais il y a une part d'incertitude. Si le patient qui vient... est d'accord pour faire ça, et il sait que peut-être ça ne se passera pas super bien, ça va aller. Et dans ces cas-là, on dit que dans les systèmes compliqués comme ça, on dit qu'on a juste besoin d'avoir des bons protocoles, de la bonne connaissance et tout ça. Et en fait, la partie compliquée, c'est plutôt du domaine de l'expertise. Sauf qu'en fait, il y a toute la partie relationnelle, dont on va parler aujourd'hui, qu'on appelle complexe. On peut par exemple avoir une situation où le patient et nous-mêmes, on est d'accord pour essayer de sauver une dent qui a une petite fêlure. Pour autant, on voit qu'il y a une lésion en dos par haut et que la probabilité pour qu'on la sauve est vraiment très faible. Dans ces cas-là... Il n'y a pas qu'une histoire de procédure, de checklist et tout ça. On va avoir besoin de penser en processus. On va avoir besoin que ce soit une décision partagée et on va avoir besoin de s'adapter. S'adapter c'est quoi ? C'est de se dire ok, si jamais ça ne fonctionne pas, je m'engage à... faire en sorte de vous voir le plus vite possible si ça part en abcès, par exemple. Parce que si jamais on décide de faire un truc et que ça ne fonctionne pas et qu'on ne le voit pas en urgence, là ça peut devenir complexe. C'est-à-dire qu'on peut commencer à avoir des conflits avec le patient. Et puis sur un... un autre niveau, c'est peut-être des choses que vous connaissez. Un enfant, par exemple, qui est allaité, qui a deux ans et demi, et vous voyez qu'il a pas mal de caries, et vous parlez aux parents du fait que peut-être que l'allaitement participe au problème. Et eux, ils ont lu sur la ligue du lait que non, le lait, ça protège des caries, et du coup, on n'est pas du tout d'accord sur la représentation du réel. Dans ces cas-là, L'une des erreurs qu'on a tendance à faire, ça s'appelle le réflexe correcteur. On veut essayer de convaincre les gens. Et ça, en général, ça ne marche pas bien. En fait, dans ces cas-là, il faut essayer de dézoomer un peu de l'individu et plus de s'intéresser à la qualité relationnelle. qu'on a avec le patient, à travailler sur le contexte, s'intéresser à leur contexte de vie, ou de se demander c'est quoi la finalité, de revenir à la finalité. Tout ça pour vous dire que si vous voyez des situations dans le cabinet où... Là, je vous ai parlé des patients, mais vous avez l'impression qu'on est plus dans la partie complexe. C'est-à-dire que vous avez beau essayer la communication, puis ça ne marche pas, puis vous n'entendez pas, toujours pas avec votre associé ou je ne sais quoi. Ou vous êtes mal à l'aise avec l'argent, par exemple. Ou il y a des conflits assez souvent entre les assistantes et les patients qui sont agressifs. Toutes ces situations-là sont des situations complexes et on a des manières particulières de s'y intéresser. Et donc si vous y pensez pendant la séance... on sera vraiment intéressé d'en parler.
- Speaker #5
Bonjour à tous et à toutes. Je ne suis pas du tout dentiste. Pour moi, la pulpe, c'est les oranges. Je suis chercheur en neurosciences et psychologue. Je vais vous parler un peu de quelques présupposés qu'on a un peu sur notre fonctionnement et qui ne sont pas tout à fait exacts et qui, souvent, causent des soucis. dans la prise en charge La première chose que je veux vous dire, c'est qu'aujourd'hui, on a un peu abandonné l'espoir de comprendre notre fonctionnement à partir du cerveau seulement. Aujourd'hui, quand je me présente, je vais me présenter comme une personne appartenant à la discipline des sciences cognitives. Quand on fait de la recherche, le but, c'est de développer des modèles théoriques. Et quand on s'est intéressé aux humains, on avait différentes disciplines qui se sont intéressées au même sujet d'étude. Et chaque discipline était en train de développer leur propre modèle théorique. Et dans les années 60, on a essayé de mettre ces modèles-là. ces modèles théoriques ensemble, et on a découvert qu'il y avait plein de modèles théoriques qui étaient en contradiction les uns avec les autres, alors que ça ne devrait pas être le cas, vu que c'est le même sujet d'étude. Donc on a dû développer une nouvelle discipline qui va être interdisciplinaire et transdisciplinaire, donc qu'on appelle les sciences cognitives, dont le but c'est de comprendre les mécanismes qui façonnent le comportement, individuel et collectif, parce qu'on est des animaux sociaux, et on fait ça à différentes échelles, à différents niveaux explicatifs, comme on dit. L'échelle la plus petite, l'échelle micro, c'est l'échelle physique, c'est moi et mon cerveau, une échelle plus moyenne qu'on appelle l'échelle meso, c'est l'échelle sociale, moi et les autres, et enfin une échelle plus large, l'échelle macro, ma ville, mon quartier, ma culture. Et aujourd'hui, on va un peu se focaliser, souvent, quand on est dans la prise en charge médicale, on va dire, on est souvent sur le niveau micro, on va commencer par notre perception, parce que pour interagir avec le monde, tout commence par la perception. Comment est-ce qu'on passe de la perception à nos interprétations ? Qu'est-ce qu'on se dit dans notre tête ? Et comment nos représentations sont influées par autre chose que juste nos processus mentaux ? Et pourquoi est-ce que prendre en compte ces choses, c'est important dans la prise en charge, que ce soit en psychologie ou en dentisterie ou dans n'importe quelle prise en charge d'une personne qui vient ? pour du soin. Et donc la perception c'est nos sens, on n'en a pas 5, on en a 9, c'est une sorte de combat personnel que je mène pour réhabiliter les 4 autres sens qui restent. Notre proprioception, notre thermoception, notre capacité à sentir la chaleur, interoception, notre capacité à ressentir le corps de l'intérieur, et on a notre nociception, qui est à la base un peu de ce qu'on appelle la douleur. Et pendant longtemps, on pensait que notre perception c'est quelque chose qui est un chemin à sens unique. On appelle cette approche en anglais L'approche bottom-up, c'est-à-dire de l'extérieur vers l'intérieur. Récemment, dans les 10-15 dernières années, on a réalisé que ce n'est pas vraiment comme ça que ça marche. Et donc on a découvert que notre perception, c'était plutôt un chemin à double sens. Je peux vous montrer comment ce n'est pas juste du bottom-up. Si vous regardez par exemple cette illusion, vous regardez ces voitures et vous voyez sans doute la voiture du haut comme plus grande que celle qui est au milieu, qui est plus grande que celle qui est en bas. Mais parce que je vous ai dit que c'est une illusion d'optique, vous vous doutez bien que ces trois voitures font exactement la même taille. Et si notre perception c'était juste du bottom-up, il n'y a aucune raison que cette illusion d'optique fonctionne. Ce qui est en train de se passer ici, c'est que votre cerveau, dans votre champ perceptif, n'est pas juste en train de recevoir de manière passive des informations du monde extérieur, mais en train de mélanger cette image avec nos connaissances, nos attentes, nos prédictions. Donc nos cerveaux sont en train d'essayer de prédire le réel, et on les prédit avec des règles qu'on a apprises au cours de notre vie. Par exemple, la règle qui est en train d'être appliquée ici à cette illusion d'optique. C'est la perspective, c'est une règle que vous apprenez entre 5 mois et 18 mois de vie, un truc par là, et qui dit que les objets qui sont plus proches de moi apparaissent plus grands que les objets qui sont plus loin que moi. On a tendance à croire qu'au moins notre perception est isolée de tout ça, mais en fait c'est pas du tout vrai. Chaque champ perceptif que vous recevez, que ce soit votre champ visuel, votre champ auditif ou n'importe quoi, en fait c'est le mélange de deux processus qui sont en train d'avoir lieu tout le temps en même temps. Des processus bottom-up qu'on a vus, mais qui sont en train de se faire. Mais c'est incomplet, et il y a d'autres mécanismes qui sont aussi en jeu, qu'on appelle les mécanismes top-down. Et c'est des modèles, des attentes, des connaissances qu'on a, qui vont venir colorer ce que vous êtes en train de voir. Donc ça c'est pour notre perception, et on va utiliser une dernière tâche perceptive pour faire le saut entre notre perception et nos cognitions. L'illusion est la suivante. Ma question pour vous est très simple. Je veux que les personnes qui voient cette danseuse tourner dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, lèvent la main. Les personnes qui la voient tourner dans le sens des aiguilles d'une montre, les gens qui la voient changer. Donc déjà on a un premier problème, c'est que vous êtes en train de regarder la même chose, mais vous n'êtes pas en train de voir la même chose. Si vous regardez à droite puis au centre, elles tournent dans un sens, si vous regardez à gauche puis au centre, elles tournent dans un autre sens, et chacun et chacune d'entre vous peuvent la faire changer de sens, comme ils veulent, quand elles veulent, il suffit juste de regarder à Ausha droite, puis au centre. Si vous regardez quelques millisecondes à gauche, vous allez faire former ce qu'on appelle un a priori visuel, et votre cerveau va stabiliser l'ambiguïté de la danseuse du centre avec l'a priori visuel. que vous venez de voir. Si vous regardez un peu à droite, vous allez former un autre a priori visuel et vous allez stabiliser avec l'a priori que vous venez de voir. Il y a même certains philosophes qui disent qu'il y a autant de manières de stabiliser l'ambiguïté du réel qu'il y a d'individus. C'est ça qui vous rend unique. Vous êtes unique dans la manière dont vous complétez les informations du monde. Plus une situation est ambiguë à incertaine et plus je peux lui attribuer le sens que je veux. Par exemple, moi j'ai fait ma thèse sur l'anxiété, sur l'anxiété sociale. Et on peut dire que les troubles psychologiques... mais aussi nos personnalités. Quand on parle de la personnalité d'une personne, en fait on est en train de décrire comment elle aura tendance à stabiliser une ambiguïté. Avant d'arriver à l'anxiété sociale, on peut prendre des exemples beaucoup plus simples. Par exemple, une personne optimiste, c'est quoi l'optimisme ? C'est une description de comment une personne stabilise l'ambiguïté du futur. Le futur par définition est ambigu parce qu'il est incertain, parce qu'il n'est pas encore là. Une personne optimiste, c'est quelqu'un qui va se dire ça va bien se passer. Une personne pessimiste, c'est quelqu'un qui va se dire ça va mal se passer. Une personne jalouse, c'est quoi une personne jalouse ? Je prends mon téléphone, j'appelle la personne avec qui je suis en couple et je suis quelqu'un de jaloux. La personne ne répond pas, c'est un stimuli ambigu. Je ne sais pas pourquoi elle ne répond pas. Je vais me dire, elle ne répond pas parce qu'elle me trompe. C'est ça être jaloux. Ne pas être jaloux, c'est stabiliser cette ambiguïté en disant, elle ne répond pas parce qu'elle est occupée, elle me rappellera après. Et ça, c'est en train de se passer tout le temps, avec tout le monde. Moi, je vais voir mon dentiste. qui me donne des instructions, et qui me dit peut-être que tu vas avoir ça, je rentre chez moi, j'ai un nouveau truc, je sais pas c'est quoi, peut-être que je vais me dire que c'est très très grave, alors que peut-être ça l'est pas. Ça dépend de combien je suis stressé. Mais cette manière de stabiliser l'ambiguïté ne dépend pas juste de... de moi. Par exemple, dans la communication, et une grande partie de la prise en charge médicale, c'est de la communication, mais dans la communication, on peut avoir beaucoup d'incertitudes, beaucoup d'ambiguïtés. Je fais un implant et mon dentiste me donne une feuille d'instruction de ce que je dois faire. C'est très ambigu pour moi. Pour mon dentiste, c'est hyper clair parce que lui, il s'y connaît. Mais moi, je ne m'y connais pas. Il y a plein d'informations que je n'ai pas. En fait, le problème, c'est qu'on a tendance à ne pas voir l'ambiguïté. On a tendance, notre cerveau fait tout pour qu'on ait l'impression que tout est stable. Le comportement d'un patient qui vient vous voir ne dépend pas juste de sa personnalité. Ça dépend d'une interaction permanente entre trois choses. Ses pensées, sa personnalité, tout ça reste dans l'équation. Mais en plus, il y a son corps et il y a le contexte dans lequel il baigne. Et quand on n'est plus dans une vision cérébro-centrée de l'individu où je pense, que mon patient est en train d'agir de cette manière juste à cause de lui mais qui a une sorte de système dynamique d'interaction entre le cerveau le corps et l'environnement et là ça change beaucoup comment on prend en charge les gens donc on appelle ça la cognition incarnée un patient qui vient me voir parce qu'il a fait un burn out alors que sa vie c'était une sorte de tgv qui va à 450 km heure j'ai pas essayé de le rendre plus résilient serait un non sens total Je vais essayer de faire en sorte que son environnement aille moins vite pour qu'il puisse récupérer. Donc ça devient, est-ce que je dois tout le temps agir sur le patient, ou est-ce que je dois parfois agir sur l'environnement ? Parfois on doit prendre en charge l'individu, parfois on doit prendre en charge son... corps. Si quelqu'un a des algies faciales ou a des douleurs, a des rages de dents très souvent, elle devient très colérique. Je peux faire de la thérapie pendant des années, ça va rien faire. Il faut qu'il aille voir un dentiste. Et parfois, on doit prendre l'environnement en compte. Le problème du système biomédical, c'est que très souvent, derrière, il y a une sorte de surresponsabilisation de l'individu et une invisibilisation du contexte. Le contexte étant aussi les autres individus. Quand on étend ça à la médecine... Le médecin, il n'est plus en train de prendre en charge un patient, il est en train de prendre en charge des symptômes. On ne réalise pas qu'on a une part de responsabilité assez importante dans ça, parce qu'on va sur-responsabiliser l'individu et invisibiliser le contexte. Par exemple, un des exemples qui je pense vous parlera, où on sait et on réalise très vite qu'on n'est pas juste des cerveaux, c'est avec la douleur. La douleur, comme je vous ai dit, c'est une sorte de mélange entre un signal perceptif qu'on appelle la nociception et le ressenti de j'ai mal. On n'a pas de dolorimètre, on ne sait pas comment mesurer la douleur. Et on a des mesures des nerfs nociceptifs. On peut mesurer combien est-ce qu'un nerf de la douleur est en train de s'activer. Et bien quand on mesure un nerf nociceptif et on essaye de l'appareiller avec le ressenti subjectif de la personne, parfois ils marchent ensemble, parfois le nerf nociceptif est en train de péter des câbles et la personne n'a pas mal, parfois le nerf nociceptif est complètement... endormi, mais la personne est en train d'hurler de douleur. On ne sait pas comment objectiver le ressenti subjectif des gens. Notre gold standard, le nec plus ultra de la technologie pour mesurer la douleur, c'est combien est-ce que vous avez mal entre 0 et 10 ? Mais le problème avec les échelles visuelles de la douleur, c'est que c'est très simple pour le soignant de ne pas croire. Parce que si vous avez une douleur que vous n'avez pas connue, que vous n'avez pas vécue, c'est très simple de l'éviter, de dire, pfff, une rage dedans, ça va. Mais on ne va pas s'amuser à faire en sorte que tous les médecins et toutes les douleurs... Que ça marche ! Ou bien on se retrouve avec le fameux douleur psychosomatique. Où en creux, on est en train de dire à la personne, en fait, t'as rien. C'est dans ta tête. Alors que toutes les douleurs, quand on n'a pas une vision réductionniste de l'humain, toutes les douleurs sont psychosomatiques. Vu que tout ce qu'on ressent est une interaction entre le corps, l'esprit, le cerveau, et l'environnement. Et ça, ça m'amène à ma conclusion qu'aujourd'hui, on a besoin d'une sorte de science de la subjectivité. On ne peut plus faire comme si la subjectivité de l'individu n'est pas importante parce que je suis en train de soigner une carie, ou parce que je suis en train de soigner un cancer, ou parce que je suis en train de soigner une dépression. La subjectivité devrait faire partie...
- Speaker #0
une partie presque centrale dans la prise en charge médicale, parce que c'est elle qui peut expliquer le mieux pourquoi des gens n'adhèrent pas parfois au traitement, pourquoi parfois les gens ont des comportements qui peuvent paraître hyper bizarres. Et quand on change un peu, quand on inverse un peu la focale, on n'est plus en train de se dire un comportement, c'est le résultat des processus mentaux de la personne qui vient d'avoir ce comportement. Beaucoup de choses deviennent plus simples.
- Speaker #1
Merci beaucoup,
- Speaker #2
Edouard.
- Speaker #1
C'est super intéressant. Vous avez compris que notre cerveau, dès qu'on reçoit une information, on l'interprète. Et notre patient, pareil. Du coup, il va falloir voir comment on concilie nos deux interprétations en tant que praticien, en tant que patient. Et peut-être pas trop se projeter non plus dans le patient, mais en tout cas, l'autre écueil, ce serait de ne pas du tout se projeter dans le patient. Donc il faut tenir compte de la spécificité, de la subjectivité du patient. Mais des fois, c'est difficile à doser. Puis il y a aussi une notion horaire qu'on a tous en libéral, que c'est plus rapide de se couper un peu du patient. Et quand on est dans l'empathie, ça prend un peu de temps aussi. Et puis en même temps, ça peut faire un peu plus souffrir. Et il y a une balance à trouver entre être un peu automatique, un peu script, un peu se projeter dans la subjectivité.
- Speaker #2
À partir de maintenant, on va rentrer dans, espérons-t-on, des échanges pratiques à partir de vos expériences. peut-être d'expériences que vous avez eues, de situations complexes avec des patients ou avec des confrères ou avec votre équipe. Et nous irons de temps en temps, à la lumière de vos questions et de nos réponses et surtout de nos échanges, présenter d'autres petites mini-présentations qui feront l'appui, parce que dans cette conférence sur les compétences relationnelles, il est important de centrer notre présentation sur nos échanges.
- Speaker #1
Oui, alors on a... Aurélie, tu vas répondre à une question.
- Speaker #3
Moi, j'aurais une question. Nous, on veut être parfaits et réussir tout et tout, mais on a aussi en face de nous des patients qui, maintenant, laissent peu de place quand même au fait que nous, on ne soit pas parfaits. C'est-à-dire qu'ils nous demandent que la carie qu'on va soigner, elle dure toute la vie. Alors, moi, je ne pose pas d'implant, je ne fais que des petits mignons. Mais quand ils posent des implants, que l'implant dure toute la vie, que... Et puis, oui, mais alors là, vous avez fait un soin, il y a un bout qui a cassé. Ce n'est pas normal que ça soit cassé. Pourquoi c'est cassé ? Alors, on peut expliquer certaines choses, mais du coup, on ne peut pas tout expliquer aussi, tout ce qui peut arriver. Donc, c'est un peu compliqué. C'est vraiment ça qui est compliqué. Il y a le relationnel. Mais comment on fait pour gérer ces patients qui nous demandent à nous aussi d'être parfaits, alors que même sinon, on a compris qu'on ne pouvait pas l'être ? Comment on fait ?
- Speaker #1
Je ne vais pas donner de réponse, mais c'est une question qu'on retrouve plusieurs fois. C'est un petit peu l'asymétrie qu'il y a entre... Les efforts que nous devons faire pour être dans de la subjectivité, l'individualité, les attentes du patient. Et en retour, on a parfois l'impression que les patients pourraient être un peu ingrats et qu'on fait beaucoup d'efforts et qu'eux, on peut s'adapter dans l'autre sens. Et donc, on a beaucoup de questions sur... Le processus d'empathie que le soignant peut avoir avec son patient pour s'adapter, pour répondre à ses attentes et comment faire pour ne pas en être en souffrance.
- Speaker #3
Ce n'est pas tant de la gratification, c'est d'essayer de leur faire comprendre qu'il ne faut pas qu'ils s'attendent à des miracles quand c'est pas possible.
- Speaker #0
Je vais donner un premier élément de réponse plus général et après... Je suis sûr que Nicolas et Jean-Noël ont des choses plus spécifiques aux soins dentaires. Ma réponse est très simple, c'est qu'il faut apprendre à partager l'incertitude. Le problème du modèle biomédical, c'est qu'on a créé une illusion qu'on a tout résolu dans le corps humain. Et donc les gens ne sont pas... ouverts à l'incertitude, donc ils pensent que le médecin n'est pas bon. Moi souvent, quand des personnes viennent me voir, des patients viennent me voir en consulte, la première chose presque que je leur dis, c'est que la psychologie moderne aujourd'hui n'est pas encore assez bonne pour avoir une prise en charge. efficace tout le temps et qu'il y a des chances que ça marche pas, qu'on doit faire autre chose etc par exemple une branche de la médecine où les patients acceptent très facilement on va dire l'incertitude alors que le diagnostic est beaucoup plus lourd c'est en oncologie avec les cancers vous acceptez qu'il y a des chances que vous en sortiez pas. Et tout le monde l'accepte, c'est difficile, et on prend en charge et tout, mais on l'accepte parce que, dans cette branche de la médecine, il y a cette croyance que tout ne va pas être parfait. Alors que dans les soins dentaires, en tout cas moi, en tant que patient, on va dire, parce qu'encore une fois, je ne suis pas dentiste. Je me dis, si j'ai une carie, si mon dentiste est bon, il faudrait qu'il me résolve le truc et que ma dent, après, n'ait plus de problème. Et je pense que ça, ça vient, c'est une responsabilité partagée. C'est ce qu'on dit, ne vous inquiétez pas, ça va aller. Et après, quand ça ne va pas, le médecin m'a dit que ça va aller et ce n'est pas en train d'aller, donc le médecin est mauvais. Quand vous, vous allez voir votre médecin, qui soit dentiste ou autre chose, etc., vous ne voulez pas être rassuré, vous voulez comprendre. Ce n'est pas la même chose. Moi, je vais voir mon dentiste qui me dit, écoute Albert, tu as un problème là, et en fait, nos connaissances actuelles font que les taux de réussite sont de 70%. Si après, ma dent, elle pète, je me dis, c'est normal, il m'a prévenu. Le problème, c'est qu'on veut infantiliser les gens, et après, on veut qu'ils agissent comme des adultes. C'est comment on l'apporte ? Plus que le contenu. De ce qu'on est en train de dire aussi. Et ça ne veut pas dire qu'il faut avoir de l'empathie. Souvent, je dis, c'est l'empathie, c'est l'empathie. Je ne m'attends pas à une empathie de fou de la part de mon dentiste si je dois faire une couronne. Mais qu'on m'explique. Je suis la voix des patients.
- Speaker #4
Et puis, juste pour se souvenir que la communication, ce n'est pas que des mots. Ce n'est pas juste, voilà, il y a 80% et tout ça. Il y a aussi le positionnement relationnel qu'on va... prendre et aider le départ. Et bon, ça vous arrive peut-être qu'il y ait des patients qui arrivent et qui disent je viens pour la première fois et on m'a dit que vous étiez le meilleur. C'est vrai que ça fait plaisir, quelques fois où on l'entend, alors que des fois il y en a qui disent je vous aime pas, vous les dentistes. c'est cool il y en a un en fait ça moi je prends plus je sais pas ce que je dis mais soit je dis faut pas croire tout ce que disent les autres ou alors ouais bah je fais de mon mieux et puis des fois il y en a qui sont contents ça c'est pas une histoire de communication c'est juste de se mettre en position basse et d'être conscient qu'on connait pas tout donc ça c'est sur la position à partir du moment où on sait ça bah en fait perso ce que je communique c'est que je ne sais pas ne sais pas, des fois. Ça, il y a des études scientifiques qui disent qu'on a plus confiance dans le praticien qui dit qu'il est vulnérable que dans le praticien qui est parfait. Donc ça, c'est la première chose. Et donc, qu'est-ce que c'est la conséquence concrète pour nous, cliniciens ? En fait, c'est du coup de donner le choix, de faire une décision partagée avec le patient. Je ne donne absolument jamais qu'une seule solution au patient. Jamais. Je lui dis, ben, voilà, là, par rapport à, je sais pas, votre dent absente, on a quatre solutions. La première, c'est rien faire, avec des avantages et inconvénients. Si vous ne faites rien, l'avantage, c'est que pendant un temps, vous ne viendrez pas me voir, vous ne passerez pas de temps ici, c'est cool. L'inconvénient, c'est que c'est possible que du coup, ça s'abîme ailleurs et qu'il faudra passer plus de temps après. En fait, ce que je fais, c'est que j'essaye de partager la responsabilité de la réussite du parcours de soins.
- Speaker #1
On a une question sur l'ingénieur comportemental, la médication, est-ce une solution ?
- Speaker #0
La question, c'est mais alors, la médication chimique n'est pas toujours la solution. Je ne sais pas si c'est pour la santé mentale ou dans les soins dentaires, mais dans la santé mentale, clairement, la médication n'est pas toujours la solution. Voire parfois, on préfère ne pas donner selon la représentation des patients. C'est-à-dire, si j'ai un patient qui est un peu, ou même très déprimé, mais qui est complètement réfractaire aux antidépresseurs, je ne vais jamais lui dire, soit c'est les antidépresseurs, soit tu vas souffrir toute ta vie. On va essayer de travailler ensemble pour éviter l'antidépresseur. Et lui, tout seul, il va réaliser que si ce n'est pas en train de marcher, il sait qu'il y a cette option. Il sait qu'il est réfractaire. On va attendre et voir. De toute façon, c'est lui qui est en train de souffrir. Moi, je vais un peu... comme ce que dit Nicolas. Je vais expliquer que, voilà, juste sache que cet outil existe, je comprends tes réticences, je vais essayer de te persuader de le faire, juste que si la souffrance devient très importante, peut-être que ça vaut le coup. Mais je ne vais pas te mettre la pression, c'est toi qui souffres, pas moi. Un peu comme le patient qui ne veut pas arranger sa dent, il faut juste qu'on lui explique l'enjeu.
- Speaker #5
Je trouve qu'à un moment donné, quand ça devient très complexe, c'est important aussi que nous, on dise, là, je décide qu'on fasse comme ça. Parce que par rapport aux accompagnants, par rapport aux parents, ils peuvent être, eux, dans une grande difficulté de se dire... Si c'est moi qui prends la décision, est-ce que je prends vraiment la bonne décision ? Et comme ensuite ils repartent avec leur enfant, la personne à qui ils accompagnent, nous quelque part on fait autre chose, on passe à autre chose. Alors qu'eux ils repartent avec cette éventuellement forme de culpabilité de dire est-ce que j'ai pris la bonne décision ? Donc je pense que c'est important aussi qu'à un moment donné je suis tout à fait d'accord sur le partage de la décision. Mais à un moment donné parfois c'est moi qui décide. Et je prends la charge de la décision.
- Speaker #4
Grève, merci. Ça fait partie aussi des trucs. C'était 14h, c'était pas super sympa de vous faire de la philo des sciences. Mais c'est pour ça que je disais tout à l'heure que ce qui comptait, c'est un processus. Il n'y a pas de procédure là. Est-ce qu'à chaque fois, je laisse les parents dehors ou est-ce que je les mets dedans ? En fait, ça dépend. Il n'y a pas besoin d'être un expert en communication, juste communiquer sur pourquoi on est ensemble. En fait, on est ensemble là pour soigner l'enfant. Pour soigner votre enfant, j'ai besoin de... Dès que ça commence à être ambigu aussi, je reviens sur ça. C'est pourquoi on est là. Pourquoi moi je suis là... Pourquoi vous, vous venez ? Je ne suis pas là pour vous faire la morale, vous n'êtes pas là non plus pour m'expliquer la vie ou je ne sais pas quoi. On est là juste pour soigner votre enfant. En fait, plus c'est complexe et plus il faut agir en conscience des conséquences. Au lieu d'agir en connaissance de cause. agissez en connaissance des conséquences. J'assume la conséquence de choisir ça.
- Speaker #2
En fait, l'incertitude, on la partage avec les patients. On ne prend pas tout le poids sur nos épaules. Mais le patient, il veut être certain d'une chose, c'est qu'on soit là pour lui. L'incertitude, c'est celle-là qu'il faut forger. C'est-à-dire qu'on prenne des décisions avec lui ou que parfois on s'impose parce que dans la finalité, on est là pour lui. La certitude, c'est que le patient comprenne qu'on est là, qu'on fait ce métier et qu'on l'accueille parce qu'on est là pour lui. Et ça, il faut qu'on se crée les conditions, que ce soit évident.
- Speaker #1
Alors je vais vous embêter, mais on a vraiment 3-4 questions sur l'empathie, comment bien se positionner pour qu'il n'y en ait pas trop pour ne pas souffrir, et en même temps il y a même une question sur comment on fait ça en 30 minutes vu le tarif horaire, et donc comment se positionner la quantité d'empathie sans en souffrir tout en étant efficient et faire ressentir aux patients qu'on est vraiment là pour lui personnellement, donc comment doser l'empathie ?
- Speaker #0
Je pense que le problème vient du mot empathie, c'est à dire quand on imagine l'empathie, on imagine qu'on est en train de pleurer ensemble et... Moi aussi j'ai mal. Ma prochaine phrase va être bizarre, mais on n'a pas particulièrement besoin d'empathie. On a besoin de comprendre.
- Speaker #1
Il est parfois pesant d'être empathique avec nos patients. Ils ne peuvent pas se contenter qu'on soit juste sympathique ?
- Speaker #0
Si, on peut se contenter d'être sympathique, mais au-delà de la sympathie et de l'empathie, c'est d'essayer de voir comment ils sont en train de voir le truc. C'est un peu cette notion de premier ordre, second ordre, troisième ordre. C'est comment est-ce que la personne me représente ? Comment est-ce que je la représente ? Et l'empathie, pour moi, c'est plus dans des maladies chroniques, des choses comme ça. Mais je pense que très peu de gens vont chez leur dentiste et s'attendent à pleurer dans leurs bras. C'est plus, j'ai besoin de sentir qu'on n'est pas en train d'essayer de maximiser la vitesse avec laquelle je ne devais pas repartir. Si on peut juste faire sentir à la personne, moi parfois j'ai des journées hyper chargées, c'est plus dans mon attitude, la journée chargée c'est mon problème, c'est pas le problème des gens qui viennent me voir, donc même si j'ai, c'est vraiment genre le rush où j'ai été en retard à un rendez-vous, donc mes rendez-vous sont en train de s'en gêner, je vais prendre le temps, et dès que je ferme la porte... Je suis comme en train de courir partout pour avoir le temps de boire un verre d'eau avant le rendez-vous d'après. Le but, c'est de donner l'illusion, s'il le faut, c'est pas très grave, que... je suis là présent avec la personne et que je vais prendre en charge autre chose que juste son symptôme.
- Speaker #1
Jean-Noël va nous présenter quelques notions sur cette thématique.
- Speaker #2
Pour répondre à la question, comment je fais pour déployer l'empathie dans ma pratique, on n'a pas de recette et on s'est promis de ne pas donner de recette et de ne pas simplifier le message. Par contre, on peut élaborer des cadres, cadres d'organisation. Par exemple, la structuration d'une consultation qui nous permet de faire émerger ce qu'on peut appeler l'empathie. Mais en fait, c'est la démonstration, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'on est là pour le patient. Il n'attend que ça. Quand vous, en tant que patient, vous allez voir un soignant, vous attendez juste qu'il vous écoute et qu'il soit là dans le lieu où vous vous rencontrez pour vous. Eh bien, on peut structurer une consultation de cette manière en faisant de temps en temps des recadrages. Bien sûr, ce n'est pas une recette. Bien sûr, c'est adaptatif. Mais quand même, ça aide. Cette structuration de la consultation, elle a fait l'objet d'une publication avec nos confrères et amis canadiens. Je suis super content qu'il y ait dans la salle Christophe Bedos, qui est la personne qui a décrit le modèle biopsychosocial en antisterie, sur lequel je reviendrai peut-être tout à l'heure. Et donc, cette approche clinique, c'est cinq étapes qu'il ne faut pas prendre au pied de la lettre. Encore une fois, on peut toujours revenir en arrière, on peut en zapper une, mais au départ, quand on veut favoriser une structuration qui fasse émerger cette... évidence qu'on est là pour le patient c'est un cadre qui aide beaucoup qui personnellement moi dans mon exercice aux urgences dentaires à l'hôpital dans les premières années m'a aidé beaucoup la première étape d'une approche clinique dite centré sur la personne c'est d'écouter d'écouter attentivement non pas en mode anamnèse mais en mode curiosité qui êtes vous qu'est ce qui se passe pourquoi vous venez aujourd'hui quand c'est la première fois que je rencontre un patient On a avec lui une conversation franche et naturelle, on ne va pas essayer dans cette phase d'exploration d'aller chercher le diagnostic de la pulpite irréversible, même si ça crie aux yeux. Je ne parle pas de pratique hospitalière mais de pratique en privé puisque cette étude, on a testé cette approche en pratique libérale. Et cette première étape, juste d'écouter, non pas pour manipuler le patient, pour lui montrer qu'on écoute, mais vraiment pour s'intéresser à lui, parce que ça va pouvoir influencer notre démarche diagnostique et thérapeutique, on l'a chronométré, c'est entre 2 et 3 minutes. Et puis des fois c'est 5 secondes. C'est qu'est-ce qui vous emmène, j'ai très mal, ok, donc on s'occupe de la douleur aujourd'hui, oui, ok. Mais néanmoins, on pose la question... Qu'est-ce qui vous emmène aujourd'hui ? Et puis on peut être amené à développer un peu plus dans les situations où de la complexité émerge de ce ou de ces motifs de consultation. Donc dans cette étape, on va valider émotionnellement ce que dit le patient. S'il dit qu'il vient parce qu'il a des caries à cause des extraterrestres, on va dire que c'est d'accord. Non pas pour le manipuler, mais parce que c'est intéressant de rentrer dans sa vie et dans ses représentations. Vous avez vu tout à l'heure, les représentations constituent notre construction du réel. Comment il construit ce réel-là ? C'est intéressant en plus d'être sincèrement curieux de sa vision du monde. Donc il est important d'adopter une position basse de Palo Alto. Je ne suis pas l'expert qui va répondre avec certitude à ton problème. Je suis le soignant qui va essayer de faire quelque chose pour répondre à ton problème. Ça me permettra ensuite de partager mes incertitudes. À ce moment-là, je ne suis pas légitime pour aller contredire la représentation du patient. Je l'écoute, je le respecte, je valide tout. Parce que je ne suis pas légitime, je n'ai pas fait l'examen clinique. Une fois qu'on a exploré la personne et sa singularité, on va passer à une étape, quand on est dans une situation d'urgence ou de première consultation, de diagnostic que vous connaissez bien et ce n'est pas l'enjeu d'aujourd'hui, de faire la synthèse des tests paracliniques, etc. Néanmoins, c'est une phase super importante, cette phase qu'on pourrait assimiler à la phase cartésienne de la consultation. Quels sont les signes décrits par la science que l'on va pouvoir lister ? Et à ce stade, un autre recadrage fréquent, c'est d'éviter d'anticiper sur la notion de traitement. Le recadrage que l'on fait souvent avec les patients à ce moment-là, c'est qu'on a une liste de diagnostics. Vous avez trois lésions carieuses, une maladie parodontale et deux édentements. Et là, le patient va nous demander combien ça coûte. C'est un peu tôt pour répondre à cette question, dans la mesure où on ne sait pas encore dans quelle direction on va aller. On va peut-être aller vers des abstentions thérapeutiques. Parce qu'on n'a pas encore pris le temps de partager ces diagnostics, de discuter un tout petit peu des incertitudes liées à chacun des traitements. Et quelque chose d'important aussi, qu'il faut je pense définitivement assumer de notre part, c'est qu'on ne liste pas avec nos patients l'ensemble des pathologies de sa bouche. Dans une bouche, il y a beaucoup de diagnostics que vous assumez ne pas être un problème, parce que vous sentez bien que c'est... Ça ne correspond pas aux attentes du patient. Et ça, c'est normal. C'est normal parce que ça n'a pas émergé de la discussion et de la compréhension des motifs et des besoins du patient. Et donc ensuite vient cette phase importante de quelques instants, où avant de parler de plan de traitement, on va parler de qu'est-ce qui se passe en termes de besoins. Quels sont vos besoins par rapport au diagnostic que je comprends être important pour vous ? On parle de plus en plus de co-diagnostic, on fait beaucoup de co en ce moment. Cette notion de co-diagnostic est quand même très intéressante. On va discuter, prendre un peu de temps pour être ouvert aux questions sur la maladie et sur les besoins. Et ensuite, on a l'autoroute pour la prise de décision partagée. Vous savez, la prise de décision partagée, c'est une discipline à part entière. Il y a des congrès de prise de décision partagée. Ça a du sens que si ça s'inscrit, c'est important, mais ce n'est pas central de partager les décisions. Il y a tout le reste qui va avec. Il y a la compréhension et l'attitude générale et l'organisation de la structure de soins pour qu'émerge cette prise de décision partagée. On va éviter, par exemple, quand on a une approche centrée sur la personne, la notion de soin sous condition. C'est-à-dire, je te fais un soin si tu me prouves que tu te brosses les dents. Et on ne prend pas donc sur soi le poids de la responsabilité d'un événement indésirable ensuite. Pas seul. On l'a partagé avec le patient. On a été ce qu'on appelle assertif dans certains courants de pensée. On a pu exprimer nos doutes. Et donc, on fait souvent un dentaire. Vous voyez bien du temps notre allié. C'est-à-dire, là, je ne suis pas certain du diagnostic. Je ne sais pas si c'est un aft ou une lésion. Revenez dans une semaine. Si c'est un aft, il n'y sera plus. Dans une semaine, on pourra éventuellement faire... à des explorations plus poussées. Donc en termes de diagnostic et thérapeutique, c'est important aussi de considérer le temps pour in fine envisager en cinquième temps le stade de l'intervention où là on va aussi adapter nos interventions à nos patients. On va essayer d'adapter nos actions, non pas à ce qu'on fait uniquement dans la bouche, même si c'est notre corps de métier, le temps principal que l'on y passe, mais aussi à envisager des actions sur les déterminants de santé. Au-delà de la sphère dentaire, on s'adapte au contexte du patient pour façonner, confectionner notre phase d'intervention, considérant bien sûr qu'il y a toute cette dimension d'anxiété et de douleur dont il va falloir pousser la curiosité dans notre attitude pour savoir comment on s'adapte au patient vis-à-vis de l'anxiété que représentent nos actes. Donc ce que je veux dire c'est que être un praticien au niveau méso-systémique, avoir dans son dans son calepin concrètement des confrères à qui on va pouvoir facilement adresser des patients au delà de la sphère dentaire. est quelque chose qui permet beaucoup de réduire le stress professionnel. Voilà pour la structuration de la consultation, qui permet donc, si je synthétise, de créer le cadre de l'éclosion d'une empathie qui n'a même pas besoin d'être exprimée, ni d'être forcée.
- Speaker #1
Merci infiniment, parce que je trouve que ça répondait parfaitement à cette question qui revenait beaucoup sur l'empathie. Merci beaucoup, Jean-Nel. Donc la prévention est-elle un traitement de l'environnement du patient ?
- Speaker #2
Si on a un modèle biomédical en tête, non. Si on a un modèle biopsychosocial en tête, oui. Je vais aller vite, parce que ce qui va répondre directement à la question, c'est plutôt la fin de cette mini-présentation. Juste, si on s'ancre sur la philosophie des sciences, j'appuie ce que j'ai dit tout à l'heure. En modèle biomédical, la prévention ne s'adapte pas trop dans le contexte dentaire. parce que ça n'intéresse pas trop la recherche, parce qu'on ne va pas s'intéresser à des maladies mais à leur prévention. Donc on n'a pas tout le continuum science-industrie qui va s'intéresser et faire de la recherche dans de la prévention. Donc ça ne marche pas très bien. Par contre, si on s'intéresse à des philosophies plus constructivistes, sur des finalités, la finalité de notre profession c'est que les gens soient en meilleure santé buccodentaire, alors on va adopter des modèles dits biopsychosociaux. Et donc dans les modèles biopsychosociaux, Ce que j'ai évoqué tout à l'heure, la structuration d'une consultation est une conséquence de l'adoption d'un modèle biopsychosocial, où on va vouloir comprendre le patient, vous retrouvez les différentes phases de tout à l'heure, envisager des possibilités et co-décider, et co-intervenir. Ça c'est ce que j'ai décrit tout à l'heure avec la structuration d'une consultation. C'est la conséquence directe de ce socle théorique. Quand on l'étend, À ce qu'Albert a décrit tout à l'heure, que la vie et la santé en particulier, il est bon de l'envisager selon un prisme allant du microsystème de l'individu au méso-système. Un de vos méso-systèmes, c'est votre cabinet dentaire, l'organisation à l'échelle de votre structure de soins. Et si on l'élargit au macrosystème, à la société, au programme de santé publique par exemple, ce qui est intéressant c'est qu'on va pouvoir avoir la même approche de vouloir comprendre les choses. décider des choses et intervenir. Ce socle de comprendre, décision, intervention a constitué ce qu'on a écrit avec Christophe et Narek, le modèle Montréal-Toulouse, où on va trouver comme super important pour la profession, individuellement et collectivement, de s'intéresser à comprendre la population. C'est ce qu'on fait quand on fait des études épidémiologiques, par exemple. Donc c'est important d'essayer de comprendre ce que veulent les gens aujourd'hui. Et parce que ça va pouvoir avoir une influence sur l'évolution de notre profession. Quelques petites conséquences, là j'ai parlé de choses théoriques, mais les conséquences d'avoir un modèle biopsychosocial en tête, ça va être par exemple qu'on ne va plus considérer l'anamnèse mais la conversation. à l'échelle clinique. Si l'objectif c'est la santé des gens, la prévention est quelque chose de naturellement à exercer en cabinet et à l'échelle sociétale. On va éviter dans un modèle biopsychosocial de considérer la santé générale comme étant disjointe de la santé orale. Et donc qu'est-ce que ça veut dire ouvrir les rôles des chirurgiens dentistes, ouvrir l'action des soins dentaires à d'autres professions ? Dans une approche biopsychosociale, au niveau individuel, en clinique, on va mettre en œuvre tout ce qu'il faut pour que cette empathie puisse émerger du soin. Il faut aussi s'investir à l'échelle pas que individuelle, mais aussi méso-systémique et macro-systémique pour que le métier évolue et les partenariats avec d'autres métiers de la santé puissent émerger.
- Speaker #1
On a plusieurs questions qui reviennent sur la même thématique. Comment réagir face à un patient qui arrive avec ses idées préconçues, de type « je et le dentiste » , ou ses dogmes qui seraient en opposition avec les données scientifiques ? Jean-Lune, par exemple. Auriez-vous des conseils sur la gestion des personnes à qui la relation est difficile, avec un a priori d'emblée négatif sur la profession, parfois très exigeant, quelqu'un qui n'est pas dans l'écoute du diagnostic et dans la méfiance ? Nicolas, Jean-Noël, quelqu'un ?
- Speaker #4
Pour moi, un qui est vraiment important. Avec le patient, c'est de réduire l'ambiguïté. Quand un patient arrive et il dit « je vous hais, vous voulez dentiste » , en fait, c'est hyper ambigu, on ne sait pas de quoi il parle. Donc la première chose que je lui demande, et trouvez vos propres trucs, je ne suis pas en train de dire « il faut que vous disiez ça » . Moi, je lui dis « mais qu'est-ce que vous n'aimez pas quand vous consultez chez le dentiste ? » Je veux juste savoir de quoi il parle, en fait. Ou « qu'est-ce qui ne s'est pas bien passé quand vous avez… »
- Speaker #0
consulter les dernières fois. Et là, en fait, en général, ça redevient beaucoup plus concret.
- Speaker #1
Merci Nicolas. Nicolas, tu parlais de culture de cabinet, je crois. Avez-vous des conseils pour former nos assistantes, surtout les jeunes, qui n'ont pas forcément le vécu nécessaire aux relations humaines ? Est-ce que nos assistantes, elles s'auto-forment, ou est-ce que tu les formes ?
- Speaker #0
J'ai vraiment plein plein plein de formations sur ça et je pense que pour nous, ce qui me semble le plus intéressant, c'est de se former à l'entretien motivationnel. Pourquoi je pense que c'est intéressant ? D'abord parce qu'il publie énormément. Ensuite, c'est dans le domaine de la santé. C'est pas du marketing, c'est pas essayer de manipuler les patients et tout ça. D'accord. Comme ils publient beaucoup scientifiquement, j'ai pu voir en 15 ans une grosse évolution. Donc, il y a un truc sain. L'entretien motivationnel, ça existe depuis maintenant 40 ans et ils publient énormément. Et ils ont beaucoup changé. Et ce qui est cool, c'est qu'avant, c'était vraiment sûr. Ça a été créé pour faire face aux gens qui étaient addicts à l'alcool, au tabac et tout ça. Et en fait, maintenant, il y a tout un champ qui étudie vraiment les trucs pour nous. Et il y a un bouquin qui s'appelle... pratique de l'entretien motivationnel communiqué en consultation avec le patient. Et c'est vraiment hyper concret pour nous. Perso, les formations relationnelles, je les fais tout le temps avec les assistantes.
- Speaker #1
À quel moment est-il légitime de mettre fin à un acte voire au suivi du patient ?
- Speaker #2
En fait, je ne sais pas en soins dentaires c'est comment, mais en psychologie, au début de la thérapie, on est assez clair, aussi bien moi que la personne qui vient me consulter, sur quelles sont les conditions pour que la thérapie s'arrête. Je ne sais pas si un patient commence à me tabasser, je ne vais pas lui dire on se voit la semaine prochaine. Je vais avoir peur. Et si moi je commence à tabasser le patient, je ne suis pas sûr qu'il va revenir la semaine d'après. Il faut qu'il y ait des sortes de limites. C'est pas parce que vous êtes... En fait, ça, le truc de l'empathie et tout, ça revient un peu autour de la même chose. C'est pas parce que vous êtes soignant que vous êtes soudainement plus humain. Vous devez accepter tout et jamais rien dire et tout accepter et être tout le temps dans... le contrôle, etc. Parfois, on s'énerve. C'est comme dans tous les métiers. Je sais pas, c'est un peu le truc de le client et roi qui est en train d'être étendu à tous les domaines de la société et qui est néfaste dans tous les domaines de la société. C'est pas parce que je vais dans un hôtel que je veux parler comme de la merde aux réceptionnistes. Il faut qu'ils me supportent.
- Speaker #0
Vous savez ce que je vous ai dit par rapport à mes associés ou collaborateurs ou assistantes et tout ça ? On l'a fait en équipe avec les patients. C'est-à-dire, pour nous, qu'est-ce qui serait indispensable pour que ça marche bien avec les patients ? Qu'est-ce qui serait inacceptable ? Et on est tous d'accord en fait.
- Speaker #3
Et c'est très contextuel parce que, par exemple, à l'hôpital, quand les patients viennent et qu'ils cherchent une réponse et qu'ils ne trouvent pas de dentiste et qu'on est la dernière roue de leur charrette, et qui commencent en entrant dans la porte à nous insulter, on a une autre vision. On les accueille et on voit ce qu'on peut faire. S'ils continuent après, ok, on appelle la sécurité. Et voilà, c'est des cadres à poser selon les contextes de lieu d'exercice.
- Speaker #1
Merci beaucoup à tous pour votre participation.
- Speaker #4
Je voulais savoir ce que vous avez retenu de la séance.
- Speaker #3
C'est parlé. parler avec le patient, parler avec ses associés, parler avec son assistante et puis s'exprimer de façon simple et de façon entière et naturelle.
- Speaker #4
Qu'est-ce qui va vous rester le plus et vous êtes le plus utile dans votre pratique en rentrant au cabinet ?
- Speaker #5
Ce que j'ai compris, c'est qu'il faut peut-être être un peu plus gentil aussi avec nous les dentistes parce que peut-être que parfois il y a des situations conflictuelles qu'on craigne nous dentistes. Et ça, il y a plusieurs choses là, Albert qui en a parlé. Je me suis vu parfois me dire, peut-être que là, je suis peut-être montée un peu en pression. Pas forcément, je n'ai peut-être pas forcément verbalisé avec le patient, mais en moi, j'ai senti quelque chose monter, pas une colère, mais là, je n'aime pas le patient, comment il a réagi. En fait, peut-être ça va me permettre de redescendre ça en me disant, ouais, non, mais en fait, là, ouais.
- Speaker #4
Je pense qu'on a tellement l'habitude dans notre formation initiale et dans les formations post-universitaires d'avoir des protocoles que là, en fait, ils ne nous donnent pas un protocole. Non, non. Ils nous donnent des pistes de réflexion.
- Speaker #5
De réflexion, ouais. En tout cas, moi, j'arrive à un moment de ma pratique où La technique, c'est facile. Mais par contre, gérer l'évolution de la population et avoir des outils supplémentaires pour communiquer.
- Speaker #4
Moi, ce que je retiens de cette séance, c'est qu'il y a un côté très déculpabilisant et en même temps, prise de conscience de la responsabilité qu'on a. C'est toujours un petit peu ambivalent, mais à la fois, on n'a pas toutes les clés en main. Donc on ne peut pas se responsabiliser de tout. Mais par contre, je ne suis pas non plus à dire qu'il faut que les patients portent leurs responsabilités, leurs problèmes ou leurs douleurs. Je pense que c'est ce que disait Nicolas, c'est un dialogue permanent et c'est oser peut-être aussi exprimer certaines choses, comme dire que là on ne sait pas, ou de dire que là on n'est pas à l'aise avec la façon dont la personne s'exprime ou dit les choses. Donc j'ai trouvé que c'était une séance qui... faisait du bien en fait. Ce que j'ai perçu aussi, c'est beaucoup de liens avec la séance d'hier sur l'épuisement professionnel, parce que je pense que c'est aussi ces problèmes de communication qui souvent conduisent à des problèmes d'épuisement, et ça fait beaucoup écho aussi à la conférence que je vais présider vendredi, sur le consentement, parce que je pense que c'est un peu tout lié.
- Speaker #1
Alors là où je suis vraiment content, c'est qu'on ait abordé cette thématique de la communication, qui reste quand même super rare dans les formations des dentistes en général, et même encore un petit peu au sein du congrès de l'ADF, parce que cette notion de communication, les mots, ils sont encore plus importants que nos gestes techniques et nos matériaux.
- Speaker #2
Je pense que les sciences cognitives peuvent apporter une autre vision que le modèle biomédical et contribuer à montrer pourquoi on ne peut pas réduire un humain ni à son cerveau ni à ses symptômes. Parce que par définition, les sciences cognitives sont interdisciplinaires et transdisciplinaires. Donc on va essayer d'allier des connaissances de la philosophie, de l'anthropologie, de la sociologie, de la neurosciences, de la neurologie, pour essayer d'avoir une vision plus complète de notre fonctionnement. En fait, aujourd'hui, on ne sait pas comment on fonctionne. Clairement, on sait comment fonctionnent certaines parties, on sait comment fonctionne une synapse, comment fonctionne un neurone, comment pousse une dent, etc. Mais l'humain, dans son expérience subjective, on ne sait pas encore, et les sciences cognitives peuvent avoir un rôle important, j'espère, ou je pense, pour développer une science de la subjectivité. En fait, pendant trop longtemps, on a mis de côté la subjectivité des humains en se disant que ce qui compte, c'est l'objectivation. Aujourd'hui, on est en train de réaliser qu'il y a des choses qu'on n'arrive pas à objectiver, comme la douleur, par exemple. Je pense que cette science de la subjectivité peut très bien venir des sciences cognitives.
- Speaker #4
C'est quoi l'essence de ce que vous avez dit, le plus important à retenir, qui leur sera le plus utile ?
- Speaker #0
En fait, d'appliquer ce qu'on a fait avec la salle. C'est-à-dire que les choses les plus intéressantes ne sortent pas spécialement du contenu de ce qu'on a mis, mais de l'interaction avec eux, le fait d'avoir écouté leurs problématiques, puis après de faire rebondir avec ce qu'on a mis. qu'on avait à dire, là ça a créé quelque chose de beaucoup plus intéressant et il me semble que faire ça avec les patients souvent ça fonctionne comme ça aussi de les écouter juste en fait ça fait émerger plein de trucs qu'on n'imaginait pas et on peut comprendre du coup pourquoi ça ne fonctionnait pas avec d'autres patients voilà
- Speaker #3
Je dirais avec d'autres mots à peu près la même chose, c'est-à-dire que l'ancrage scientifique des principes de communication pour nourrir des relations est quelque chose qui est récent dans l'histoire des sciences et qu'il est important de ne pas tomber dans les dérives que l'on peut avoir sur des approches de communication avec des étiquetages de patients, de s'ouvrir à la créativité, à la curiosité pour adapter nos thérapeutiques mais aussi nos diagnostics à l'individualité de chaque patient.
- Speaker #2
Je dirais de sortir de cette notion qu'une personne saine, c'est une personne sans pathologie et qu'il faut plus de conditions pour arriver à être bien. C'est pas parce que je sais pas quelqu'un a mal à la dent et quand il ressort du cabinet, il a la plus mal à la dent que c'est assez pour dire ok j'ai prise en charge. Que la prise en charge, c'est une prise en charge d'un agent humain qui a des potes, qui a une vie et que c'est pas juste la prise en charge d'un symptôme ou d'un problème.
- Speaker #4
J'espère que cet échange vous a permis de découvrir des perspectives intéressantes, des outils concrets et peut-être même des pistes de réflexion pour vos pratiques quotidiennes. Une chose est certaine, dans notre métier, humain et complexe, nous apprenons autant des autres que de nous-mêmes. Un grand merci à nos intervenants, Nicolas, Albert et Jean-Noël, pour leur générosité et leur expertise, ainsi qu'au public pour ces questions toujours pertinentes. Dans le prochain et dernier épisode de cette série spéciale ADF, nous poursuivrons cette exploration des enjeux humains de la pratique dentaire, mais cette fois-ci avec un focus tout particulier sur un sujet encore peu abordé, le consentement du patient. Cette table ronde, que j'ai eu l'honneur de présider, réunit des intervenants venant d'horizons différents, deux dentistes, deux représentants du dentaire, une première à l'ADF, et une parfaite parité avec deux hommes et deux femmes. Préparez-vous à un échange riche et équilibré autour de ce thème incontournable entre points de vue diversifiés et réflexions partagées. Merci à l'ADF, à Maxime Wattieu pour la composition musicale et les ajustements sur mesure, à Jade Piolle pour les illustrations et à Pauline Bussy pour la prise de son et le montage.