- Speaker #0
Une des premières chansons que j'ai enregistrée avec mon 4 pistes, ça s'appelle Triste regard. Et je me souviens à l'époque, on avait voulu faire un clip avec mon frère. Et mon frère avait pris le caméscope de mes parents, un truc hyper lourd, les gros caméscopes. Et il m'avait dit, c'était trop drôle, parce qu'il m'avait dit on va faire comme les Cure. Je vais suspendre la caméra et je vais la lancer. Mais sauf que la caméra, je me suis prise trois fois dans la tête.
- Speaker #1
Je suis Julien Bordier et je suis ravi de vous retrouver pour cette nouvelle saison de Dans le Décor avec l'Assasem. Dans chaque épisode, je vous emmène dans le lieu de création d'un artiste pour une visite à sa compagnie. Dans le Décor, c'est une rencontre en forme d'exploration sonore. pour redécouvrir le parcours d'une personnalité, sonder ses inspirations et faire l'état des lieux de ses projets. Les murs avaient des oreilles, maintenant, ils ont une voix. La musique accompagne nos vies. Et, depuis 170 ans, la SACEM accompagne celles et ceux qui la créent. 182 520 auteurs, compositeurs et éditeurs de musique l'ont choisi pour gérer leurs droits d'auteur et représenter leurs œuvres. La SACEM contribue à la vitalité et au rayonnement de la création sur tous les territoires. via un soutien à des projets culturels et artistiques. Société engagée, elle offre des dispositifs d'entraide et de solidarité à ses membres. Aujourd'hui, je me rends chez la grande Sophie. La chanteuse réside à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, à la lisière de Paris. Elle habite au troisième étage, sans ascenseur. Arrivé à la porte d'entrée, il y a encore quelques marches à gravir. C'est sous les toits de son duplex que la musicienne a aménagé une chambre en home studio. Dans ce petit espace, Elle a composé les chansons de son nouvel album intitulé La vie moderne. Cette pièce musicale, elle l'appelle son perchoir.
- Speaker #0
Il y a une fenêtre qui donne sur le ciel et j'ai l'impression parfois d'être un oiseau puisque je suis à la hauteur de tous les oiseaux.
- Speaker #1
Tu croises des fois des oiseaux qui viennent te rendre visite, qui viennent se poser ?
- Speaker #0
Oui, ça m'arrive de faire des photos. Puis comme souvent, ils se mettent sur les antennes, je les vois très bien. Et puis même parfois, j'imagine aussi que tous les oiseaux, quand ils se regroupent pour migrer. Ils font des espèces de balais. Et à chaque fois, je dis, ils sont sympas, c'est pour moi, tout ça.
- Speaker #1
Autour de toi, qu'est-ce qu'il y a, alors ?
- Speaker #0
Alors là, il y a des guitares qui sont accrochées, différents instruments que j'utilise. En fait, je crée mes maquettes ici. Tout se passe ici. J'aime bien composer ici. Alors, quand je dis composer ici, c'est-à-dire que j'ai un ordinateur avec des enceintes. J'ai aussi mon casque. J'ai un clavier maître. Et puis, j'utilise aussi beaucoup de son de mon ordi, mais je fais aussi des prises avec mes guitares. Mais ça, c'est quand j'ai fini d'écrire la chanson, je me dis, bon, là, je vais faire la maquette, je mets toutes mes idées en place. Mais parfois, je peux prendre ma guitare et composer dans la cuisine, tu vois. Mais une fois que j'ai la structure de la chanson, l'architecture, je monte. Et voilà, j'ouvre toutes mes machines, mon ordinateur, et puis je me lance.
- Speaker #1
Depuis combien de temps tu as établi ici ton petit studio ?
- Speaker #0
Ça fait maintenant 17 ans que je suis ici. Et c'est vrai que moi qui étais très hermétique à l'informatique quand ça a démarré, j'ai eu la chance d'avoir un mari informaticien qui m'a dit « Non, non, il faut que tu saches utiliser tout ça. » Et ça m'a permis une super indépendance. Je suis très indépendante pour composer, pour mettre en place mes idées, parce que je suis une autodidacte en fait. Et j'avais ce problème de communication avec les musiciens pour leur dire ce que je voulais exactement. Ou avec des réalisateurs, tu vois. Et maintenant, je sais dire ce que je veux puisque je peux le créer ou donner une direction, même si après on va changer des sons. Il y a beaucoup de choses qu'on garde de ce que je fais, notamment le dernier album. J'ai fait toutes mes maquettes ici. On a gardé des guitares, on a gardé des voix aussi. À chaque fois que je commence un nouvel album, il faut... pour me donner des envies de composer, j'ai besoin d'avoir du matériel ludique. Et je trouve toujours des éléments très ludiques. Par exemple, il y a même un instrument qui s'appelle le jouet, là, où tu rentres et c'est facile de faire des sons. Ça, c'est un petit objet précieux qui m'a permis d'enregistrer beaucoup sur l'album puisque c'est un... Tu vois, quand tu l'utilises, t'as même pas besoin de brancher un câble. Tu le mets dans une pièce, t'as des effets, tu choisis, tu prends ta guitare et wow ! T'as l'impression d'être à Bercy, tu vois, t'es à la fois seule, mais à la fois t'as une réverbération.
- Speaker #1
Il y a des chansons, par exemple, qui sont nées, ou des mélodies, des arrangements qui sont nés comme ça sur ce dernier album.
- Speaker #0
Au fond de cette boîte, j'ai les premières versions, en fait. C'est les premiers pas de la mer. Le premier test.
- Speaker #2
C'est la mer. On regarde la mer. Il n'y en a plus de buissons quand le soleil danse sur la mer.
- Speaker #0
Elle a évolué, tu vois. J'ai changé des paroles. Là, je dis des mots, des phrases, quand je me mets dans cette ambiance-là. Tu vois, j'avais cette réverbe, donc ça te donne envie de continuer de chanter, de jouer. Et après... Je lance des phrases et je garde les meilleures et je restructure et je travaille comme ça en fait. Mais ça c'est un des premiers G.
- Speaker #1
Si on continue le petit tour de cette pièce, sur le mur là il y a pas mal de cadres. Est-ce qu'on peut en décrire quelques-uns ?
- Speaker #0
Tous ces cadres retracent un petit peu mon parcours à différents niveaux. Là tu vois il y en a un, c'est 2004, la photo de Jean-Marie Perrier. Il avait pris tous les nouveaux qui arrivaient, il avait refait la photo des années 60. Et elle est... J'aime bien cette photo parce qu'il y a un peu tout le monde.
- Speaker #1
Alors tu es où sur cette photo ?
- Speaker #0
Je suis à gauche, là.
- Speaker #1
Et il y a qui à côté de toi ? Est-ce qu'on les reconnaît ?
- Speaker #0
Je ne sais plus les noms de tout le monde, mais il y a Benabar, Jeanne Ausha, pas loin, Aldebert. Oui, il y a aussi Biolay.
- Speaker #1
C'était cette nouvelle scène française.
- Speaker #0
Oui, voilà ce qu'on disait, la nouvelle scène française. À l'époque,
- Speaker #1
oui.
- Speaker #0
Et puis, il y a aussi, ça c'est... Ah oui, ça c'est... Alors, j'ai mis Catherine Deneuve dans Peau d'âne, parce que quand j'étais enfant, c'est le film qui m'a donné envie de faire de la musique. C'est le film que j'attendais chaque Noël. Il passait à la télé chaque Noël. Et c'était des moments magiques pour moi. C'est un petit peu un porte-bonheur, tu vois, je le mets, elle est là. Et puis, c'est vrai que j'ai eu une seule idole dans ma vie, ça a été elle. À un moment donné, tu vois, quand j'étais enfant et adolescente.
- Speaker #2
Catherine
- Speaker #0
Deneuve m'a ouvert des portes sur plein de choses, sur la culture, sur les différents compositeurs, que ce soit Georges Delru, plein de compositeurs, même classiques, que je n'aurais pas connus si je ne m'étais pas intéressée à elle. Et puis là, tu vois, il y a Leah Zellwood. avec lequel j'ai eu la chance de faire un duo, puisque j'avais repris sa chanson « This boat's a mat for walking » et il l'avait su par son éditrice, et puis il cherchait des chanteuses françaises pour faire un duo sur un de ses albums. Et donc on s'est rencontrés. Alors je ne sais plus en quelle année c'était, ça doit faire au moins dix ans ça. Et donc j'étais allée en studio avec lui pour enregistrer « Leather and Lace » . qui est une de ses chansons et il m'avait dit « Fais un couplet en français » . Donc j'avais écrit un couplet en français. Et c'est une chanson qui finalement il n'a pas prise parce qu'il y a eu des problèmes de contrat avec ma maison de disques. Et donc finalement on a pu la récupérer cette chanson et elle n'est sortie que sur un vinyle où il y avait une espèce de compilation de tous mes titres.
- Speaker #1
Elle est encadrée dans un cadre un peu léopard, c'est ça ? Oui. C'est marrant.
- Speaker #0
Là, tu vois, il y a les Françoises, où on s'était réunis avec différentes filles de la scène française. Alors, il y a Olivia Ruiz, Camille, Jeanne Chiral, Émilie Loiseau et Mrs Rosemary Stanley.
- Speaker #1
Il y a aussi un diplôme de l'Académie Charles-Crow.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Coup de cœur, je vois.
- Speaker #0
Oui, j'en ai eu deux de l'Académie Charles-Crow. Et c'est des choses, tu vois, qui font plaisir. Voilà, tu as aussi mes victoires, elles sont là. Tu as aussi des affiches un peu vietnamiennes. Parce que je suis allée au Vietnam et j'ai remporté un prix là-bas de la meilleure chanson sur Hanoi. C'était très touchant pour moi ce voyage.
- Speaker #2
Dans le rétro,
- Speaker #0
je regarde si je t'aperçois. Un oeil, un oeil,
- Speaker #2
je me souviens. Ton visage, ton parfum,
- Speaker #0
tes ruelles aussi. Ça, tu vois, c'est aussi des choses de mon premier album où on s'était amusé avec des copains à faire des boîtes de conserves avec mon nom. Il y a aussi un trèfle à quatre feuilles. Quand on a acheté mon deuxième album, on ouvrait une autre boîte de conserves et tu mettais de l'eau et un trèfle à quatre feuilles poussait.
- Speaker #1
Il y a toujours cette dimension un peu ludique, encore une fois.
- Speaker #0
Oui, toujours. Toujours, ça fait partie de mon tempérament.
- Speaker #1
C'est un peu un petit musée, presque.
- Speaker #0
Oui, dans mon bordel, on va dire. Et puis, il y a aussi les disques d'or que j'ai eus. Je les mets là. Enfin, je les éparpille, mais bon, je les étale pas ailleurs. Dans la maison, c'est vraiment dans mon coin à moi. Tu seras balayé,
- Speaker #2
tout comme moi. Balayé,
- Speaker #0
tu iras balayé.
- Speaker #2
Devant ta porte, tu apprendras à bagayer. Tu auras les deux pieds dans l'eau, mais je le sais, tu relèveras la tête. On passe par là, la vie c'est comme ça, des hauts puis des bas, ça ne fait pas des pas. On prend la salle, tout à s'en aller, le dessin de l'escalier.
- Speaker #1
La vie moderne, c'est le 9ème album, si je ne me trompe pas. Et on pourrait se dire, le 9ème album, la grande Sophie, ça va, ça roule tout seul, le succès est là forcément. Et en fait, à l'écoute de la chanson L'Escalier... on se rend compte qu'il y a des doutes, il y a la crainte aussi parfois d'être oublié. Et c'est ce que tu chantes dans cette chanson. C'est qu'il est parfois difficile peut-être de durer.
- Speaker #0
Oui, exactement. C'est comme si j'avais voulu prévenir aussi. Parce que c'est un métier où... J'ai toujours été très lucide. Je sais qu'il y a des hauts, des bas. Mais on peut les oublier. Et je pense que tout le monde, tous ceux qui font ce métier-là, ils sont confrontés à un moment ou à un autre. Il y a des moments plus difficiles. Et puis, une carrière, c'est aussi savoir se renouveler. C'est la durée, c'est la distance, en fait. Et c'est ce qu'il y a de plus dur. Parce que sortir un premier album, un deuxième... Alors, émerger, c'est difficile. Mais après, les gens veulent écouter souvent de la nouveauté, voire... Et il y a cette petite... tendance, alors le mot oublier est peut-être un peu fort, mais c'est normal, on passe sur quelqu'un d'autre, ou on écoute ce qu'on entend le plus dans les airs, à la radio, ce sont des choses normales en fait, mais c'est vrai qu'à vivre, ça peut être plus compliqué, mais justement, trouver l'envie, garder l'envie, c'est important, et en fait pour moi... Ce qui a toujours compté, ça n'a jamais été la notoriété. Je fais une grande différence, la notoriété, c'est vraiment pas ce qui compte pour moi. Je veux qu'on retienne mes chansons, mais je m'en fous qu'on me voit, en fait. Voilà, c'est mes chansons qui comptent.
- Speaker #1
Ce lieu, tu le surnommes le Perchoir.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Et alors, il y a une chanson dans le dernier album, dans le titre Vulgaire.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Tu chantes « Je préfère les gens qui grimpent à main nue sur les rochers, qui prennent le temps qu'il faut pour atteindre les sommets, les gens perchés » . Alors, j'ai deux questions. Tout d'abord, est-ce que tu pratiques l'escalade ? Et deuxièmement, est-ce que tu aspires parfois à une vie d'ermite recluse dans ce perchoir ?
- Speaker #0
Alors, je ne pratique pas l'escalade, mais j'essaie de contourner l'indélicatesse des gens. C'est un métier, pas que ce métier d'ailleurs, mais les gens peuvent être souvent, je suis très attentive à ça, à l'indélicatesse des gens et j'essaie justement de contourner, de ne pas m'apesantir là-dessus. Et la vulgarité, elle n'est pas toujours là où on croit, c'est ce que je dis dans cette chanson. C'est vrai qu'on vit une époque où on est totalement dans le chiffre, dans les chiffres. Et c'est... des fois on a envie de dire au lieu de regarder combien je fais de vues, elle te plaît ou pas ma chanson, c'est une question basique et simple mais le monde ne marche plus comme ça on est complètement à l'envers donc cette chanson elle est née vraiment de ça j'essaie de la contourner, c'est un délicatesse
- Speaker #2
Peut-être dans la bulle Tout près des nuages, rien ne peut arrêter mon regard qui se perd, je donne rien de la peur. S'en va, s'en va. Sauvage, sauvage,
- Speaker #1
sauvage Dans le morceau Sauvage, tu chantes Perdu dans ma bulle, tout près des nuages, rien ne peut arrêter mon regard Là tu as la vue Etant ici je comprends mieux
- Speaker #0
Tu as la vue, oui
- Speaker #1
Pour chanter cette chanson, tu utilises une voix différente, une voix de tête.
- Speaker #0
Oui, que j'ai déjà utilisée sur Suzanne. C'est une voix de tête que j'ai souvent utilisée avant dans des chœurs. Cette voix, j'ai mis du temps à l'accepter. Elle ne me plaisait pas au début, en fait. Parce que je n'avais pas su trouver des mots en français, les bons mots qui allaient avec cette voix. Et là, tu vois, j'avais commencé avec Suzanne à l'introduire. Et là, j'ai poursuivi avec Sauvage, parce que c'est un moment que tu vas chercher en toi, dans ton intimité. Et j'ai essayé de retranscrire ce moment le plus pur. Tu sais, tu fixes un point, on l'a tous vécu, et là, tu te dis, il ne faut que personne ne vienne interrompre ce moment. Je suis en train de rêver, c'est un moment délicieux, c'est un moment de calme aussi. Où on sort de la vitesse, parce qu'on est dans une... actuellement, tout va vite. On sort de la vitesse et on prend son temps.
- Speaker #1
Et savoir dans quel décor as-tu grandi ?
- Speaker #0
Moi j'ai grandi dans une petite ville à côté de la Méditerranée, pas loin de Marseille, qui s'appelle Port-de-Bouc. C'était dans un lotissement et c'était une ville où évidemment la mer a une importance fondamentale pour moi. Puisque j'ai grandi au bord de la mer, même si je ne suis pas née, parce que je suis née dans le nord, à Thionville, nord-est. Mais la mer, c'est important parce que c'est ce dont rêvaient mes parents. Donc ils m'ont transmis leur rêve. Si tu veux vivre au bord de la mer, moi, j'ai vécu au bord de la mer.
- Speaker #1
Et la mer, on la retrouve encore.
- Speaker #0
Et on la retrouve dans la chanson sur cet album.
- Speaker #2
Regarde les voiles de mer, bien plus puissante que les sols à torsion. C'est le grand, c'est le grand tout.
- Speaker #1
À Paris, en région parisienne, est-ce qu'elle ne te manque pas, la mer de ton enfance ?
- Speaker #0
En fait, au début, quand je suis arrivée à Paris, j'avais tellement soif de culture et de découvrir cette capitale que j'avais découverte. à l'âge de 12 ans. J'adorais cette ville et dans ma vie de pré-ado, je m'étais jurée de venir vivre ici quelque part. Donc j'avais réalisé ce rêve aussi en montant à Paris lors de mes 20 ans. Et ce que j'ai construit ici me plaît beaucoup. J'avoue qu'en prenant avec les années, le soleil me manque. Le soleil me manque, mais c'est tout récent ça. Parfois la grisaille parisienne, alors je ne sais pas combien de temps je vais y rester, mais je crois que j'ai fait mon nid ici et que je suis bien aussi. Je suis à Montreuil, moi.
- Speaker #1
Et la musique, elle est entrée à quel moment dans ta vie ?
- Speaker #0
Très tôt. Très tôt, puisque déjà, il y a toujours eu... Mon père avait un groupe avec son frère quand il était jeune, mais ses parents n'étaient pas trop pour qu'il fasse de la musique. Donc lui, il avait laissé sa batterie à la maison. Mon frère s'en était emparé. Et moi, mes parents m'avaient dit « fais de la guitare » . Je voulais faire du piano, mais ils m'avaient dit « fais de la guitare » parce que c'est plus facile à transporter. Mais en fait, j'ai compris qu'il n'y avait pas la place chez nous et c'était trop cher un piano. J'ai compris ça tardivement. Donc effectivement, ma guitare, ça a été ma meilleure amie. J'ai commencé très tôt à écrire ma première chanson, j'avais 12 ans. Et après, je dressais des portraits familiaux ou je me racontais des histoires. Je l'amenais toujours en vacances. Et j'ai commencé à écrire très jeune. J'ai eu un groupe à l'âge de 13 ans avec mon frère, qui était à la batterie. C'était lors de la première fête de la musique. On a demandé au proviseur si on pouvait amener tous nos instruments en classe. Et on jouait avec un voisin aussi, Fabrice, qui jouait du saxophone et du clavier. Et on a débarqué. C'était un petit peu notre premier concert, une échéance, tu vois. Et on a joué, on devait connaître, je ne sais pas, six morceaux. On les a joués en boucle. Tout le monde était debout sur les tables. C'était génial. C'est un super souvenir, en fait.
- Speaker #1
Et ce groupe, je crois,
- Speaker #0
s'appelait Entrée Interdite. Alors,
- Speaker #1
Entrée Interdite, ça pourrait figurer sur cette porte à l'entrée de cette chambre.
- Speaker #0
C'est vrai, puisque c'était le garage de mes parents. Il y avait marqué ça. On répétait dans le garage.
- Speaker #1
Je voulais parler de la pochette du disque qui te représente. C'est un portrait.
- Speaker #0
C'est un portrait où j'étais sans maquillage. Je l'ai fait pendant le confinement et je me suis amusée. J'ai découvert l'océanotype, qui était un moyen de développement, un des premiers moyens de développement, qui date de 1842, je crois, de la photographie. Et j'ai trouvé ça génial parce que justement, on développe avec les UV du soleil. Donc, tu prends la lumière, tu te ressources, tu vois. Et donc, je voulais aussi me situer dans le temps parce qu'avec ce qu'on a vécu, on a accéléré encore plus. Donc, j'ai pris moi l'outil qui fait partie de cette accélération, c'est notre téléphone portable. J'ai fait mon selfie avec ce téléphone portable. En revanche... j'ai développé avec une des premières techniques photographiques parce que moi j'ai l'impression sans cesse de faire un grand écart entre deux époques et j'essaie de les relier ces époques sans arrêt j'essaie de les relier et puis c'est une façon de dire je suis là, j'en suis là
- Speaker #1
Est-ce qu'on peut dire que ce disque c'est peut-être plus que les autres un autoportrait encore plus ?
- Speaker #0
Oui Oui parce que ce disque aussi j'ai fait la majorité des arrangements il n'y a qu'une chanson que je n'ai pas vraiment arrangée J'ai eu un équipier formidable aussi qui s'appelle Yann Gazi qui m'a poussé à le faire aussi dans ce sens-là. Il m'a dit voilà, je sais que tu peux tout faire. Donc c'est lui qui m'a redonné le goût aussi de réécrire et d'aller plus vite, le plus vite sur ce neuvième album. C'est important d'avoir des collaborateurs comme ça qui vous boostent vos envies.
- Speaker #1
Tu as fait ce tirage en cyanotype. Je crois que tu as fait les Beaux-Arts.
- Speaker #0
au début de tes études.
- Speaker #1
Finalement, tu as bifurqué vers la musique. Mais au départ, tu te destinais plutôt au monde des arts plastiques ?
- Speaker #0
En fait, non. J'ai toujours voulu être chanteuse. Depuis mon enfance, je crois que je n'ai étonné personne. Dès qu'on me posait la question, c'était ma réponse. Elle était naturelle depuis petite. Et après, il fallait que je trouve un moyen de continuer mes études pour mes parents. Donc, les beaux-arts, c'était un bon moyen d'être... Pas très loin, parce qu'en fait, au Beaux-Arts, je faisais aussi de la musique. Mais j'apprenais d'autres choses et ça m'a complètement, ça m'a ouvert l'esprit aussi vers d'autres, on va dire, ça m'a aidée à sortir d'une culture télévisuelle que je pouvais avoir. Parce que dans la petite ville où j'habitais, il n'y avait pas forcément un cinéma à l'époque déjà. Et j'avais plutôt une culture télé, donc ça m'a complètement ouvert les yeux sur d'autres choses.
- Speaker #1
Aujourd'hui, ça te sert encore, ce cursus Beaux-Arts ?
- Speaker #0
Oui, j'ai toujours veillé, même à l'image, j'ai toujours suivi l'image de mes albums. Et là, tu vois, quand tu disais tu l'as fait, il y a mon imprimante pour faire les négatifs, tu vois. Je fais mes négatifs. En fait, tout a été fait manuellement. Vraiment, j'ai retrouvé aussi un travail manuel que je faisais à mes débuts. quand j'ai sorti même mon premier album, d'ailleurs c'est les 25 ans cette année de mon premier album, où tu sais, je faisais mes tracts, je les découpais, j'allais les distribuer à la sortie des salles de concert. Quelque part, ce cyanotype, j'ai refait une action comme ça, je fais mes négatifs, je choisis mes papiers, je fais mes tirages, j'ai fait la pochette, et il y aura dans tout ce qui précommande l'album, j'ai tiré, je vais essayer d'en tirer, j'en ai déjà tiré 100, mais je vais en tirer beaucoup plus, mais je fais tout à la main. tu vois il y a je prends mes ciseaux je vais au soleil sur la petite terrasse là-bas et chaque chaque cyanotype qui est offert dans ces précommandes porte mes empreintes d'accord donc il y a ton ADN il y a mon ADN et j'ai mis vraiment tout mon coeur je n'ai pas fait tirer les trucs non non c'est vraiment j'ai fait de A à Z les développements
- Speaker #1
L'Assasem possède un grand nombre d'archives sur tous les artistes qui ont adhéré à l'Assasem au fil des années. J'ai demandé à l'équipe des archives d'aller faire un tour pour ouvrir la pochette. Chaque artiste a une pochette. Je lui ai demandé de l'ouvrir pour voir ce qu'il y avait dedans. J'ai ramené, ce sont des facs similaires évidemment. Alors, on a retrouvé ta demande d'admission qui remonte à 19...
- Speaker #0
Je devais avoir 20, 22, 23. 20 en plus. Oh, il y a ma photo !
- Speaker #1
Alors, il y a la photo. Est-ce que...
- Speaker #0
Je crois que je l'avais faite.
- Speaker #1
Qui étais-tu à l'époque ?
- Speaker #0
Je l'ai faite cette photo parce que je me faisais des autoportraits, pas avec un portable, j'avais un vrai appareil photo. Mais c'est moi qui l'avais faite.
- Speaker #1
Donc tu as un carré assez court. Oui. Et donc si cette photo date de la demande d'admission, la demande d'admission date...
- Speaker #0
Donc à 93, j'avais...
- Speaker #1
25 janvier 93.
- Speaker #0
J'avais 23 ans.
- Speaker #1
Et donc dans ce dossier d'admission, sont déposées des œuvres. Donc il y a 5 chansons qui sont déposées. À quoi elles correspondent, ces chansons, qui s'intitulent « Les vipères de l'eau » ?
- Speaker #0
Il y en a une, c'est marrant. C'est la première chanson que j'ai... Une des premières chansons que j'ai enregistrée avec mon 4 pistes. Ça s'appelle Triste regard. Et je me souviens, à l'époque, on avait voulu faire un clip avec mon frère. Et mon frère avait pris le caméscope de mes parents, un truc hyper lourd. Tu sais, les gros caméscopes, là. Et il m'avait dit... C'était trop drôle. Parce qu'il m'avait dit, on va faire comme les Cure. Je vais suspendre la caméra et je vais la lancer. Mais sauf que la caméra, je me suis prise trois fois dans la tête. Donc voilà, Triste Regard, j'ai eu la tête pleine de bleu après parce qu'on avait essayé de faire un clip. De l'eau, c'était toujours lié. De l'eau, je vivais au bord de la mer, donc on s'en souvient encore par la chanson.
- Speaker #1
Il y a une continuité. Qu'est-ce que ça représente de faire une demande d'admission à la SACEM ? C'est énorme.
- Speaker #0
C'est énorme parce que c'est une grande société. Tu mets un pied dans... Tu deviens professionnel quelque part, même si j'ai envie de voter. Mais c'est aussi moi qui n'écris pas la musique. Il fallait que je trouve aussi des gens qui allaient pouvoir relever mes chansons. C'était toute une démarche qui était compliquée pour moi à l'époque.
- Speaker #1
Dans la pochette, il y a aussi cette lettre qui date de 1997. Je te la montre et si tu veux bien la lire.
- Speaker #0
Alors, monsieur, je certifie... Pourquoi j'ai pas mis monsieur ou madame ? Je mettais souvent monsieur ou madame et là, je devais savoir que c'était peut-être un homme qui était à la tête de cette société. Je certifie sur l'honneur être sociétaire à la SACEM sous le nom de Sophie Riau et désirerais employer comme pseudonyme la grande Sophie s'il est disponible. Merci.
- Speaker #1
Donc ça, je trouve ça très mignon à la fin, s'il est disponible.
- Speaker #0
Au cas où, il y en a eu. Au cas où,
- Speaker #1
il y aurait une autre grande Sophie. Alors, la question que je vais te poser, c'est évident, c'est pourquoi ce pseudonyme, la Grande Sophie ?
- Speaker #0
Eh bien, en fait, je voulais un pseudonyme parce que je trouvais que mon nom de famille ne sonnait pas, Urio, je me disais, on ne le retient pas, il ne sonne pas. Je ne trouvais pas, en fait. Et quand je suis arrivée à Paris et que j'ai rencontré tous ces groupes qui jouaient aussi dans les cafés, comme moi, il y avait un groupe de filles qui s'appelait le Maximum Quet. Et avec l'association Lifeline in the Bar qui faisait tourner dans ces petits lieux. Un jour, ils m'ont dit, écoute, tu viens jouer. Et on a mis sur l'affiche la grande Sophie Sadeva. Et c'est comme si je m'étais reconnue. Je me suis dit, ah bah oui, ok. Oui, oui, c'est très bien. Moi, je vais garder ça. Ça correspond à ma taille. Puisqu'à chaque fois, j'ai eu droit à tous les noms d'oiseaux quand j'étais scolarisée. Parce que j'étais la plus grande de la classe. Ou j'étais au fond sur la photo. Donc, je me suis dit, je garde.
- Speaker #2
ça me va.