Speaker #0Est-ce que vous savez ce qu'est la boulimie vomitive ? Pas juste le terme, mais ce qu'elle fait vivre, à l'intérieur, ce qu'elle détruit, ce qu'elle fait taire. Pour Vicky, tout a commencé par une recherche de réconfort, une douceur, un plaisir simple qui lui donnait l'impression d'être en sécurité. Et puis un jour, le refuge est devenu une spirale. Une spirale de crises incontrôlables, de purges, de douleurs physiques, d'angoisse qui débordent. Une spirale qui abîme le corps autant que l'estime de soi. Comment continue-t-on à avancer quand on se sent dépassé par ces émotions ? Comment vit-on quand chaque crise laisse un vide immense ? De la culpabilité et la sensation d'être seul au monde. Et surtout, comment retrouve-t-on le chemin du rétablissement ? Dans cet épisode, Vicky brise le silence. Elle raconte les crises, des vertiges, la peur de perdre le contrôle. Les dents qui s'abîment, et puis le déclic, celui qui l'a poussé à demander de l'aide, à s'accrocher, à se relever. Son témoignage, c'est une lumière dans un tunnel qu'on traverse rarement à plusieurs. Vous êtes sur Etat d'âme, le podcast au cœur de votre santé. Excellente écoute.
Speaker #1Quand j'étais enfant, j'adorais vraiment tout ce qui était sucré. Ça me faisait vraiment du bien, je trouvais ça réconfortant. Je me souviens que pendant les repas de famille, s'il y avait de la tarte aux pommes, que je devais aller aux toilettes, il m'arrivait de partir avec ma part de tarte à la main, comme si j'avais peur qu'on me la prenne. Et avec du recul aujourd'hui, je pense que c'était déjà ma manière de me sentir en sécurité, grâce à la nourriture. Le vrai début de la boulimie vomitive, ça a été à l'adolescence. J'étais en surpoids. Et je pense que les remarques à l'école m'ont beaucoup touchée. Et puis j'avais un contexte familial complexe. Du coup, l'un l'autre, ça a créé un mélange qui m'a fragilisée. Et là, j'ai commencé à perdre pied avec la nourriture. Et ça a été le début des crises. Juste avant les crises, je me sentais submergée par l'angoisse, par la peur, complètement dépassée par mes émotions. Parfois, j'avais un peu l'impression d'être en dehors de mon corps, spectatrice de ce qui se passait autour. Et puis après une crise, je ressentais plutôt du vide. Comme si j'avais laissé partir tout ce qui était lourd pour moi, tout ce qui me faisait peur. Je me sentais très seule aussi, seule avec ma culpabilité. Parce que faire une crise, c'est s'infliger beaucoup de souffrance, beaucoup de douleur. Et j'ai toujours été consciente que ce comportement, il n'était pas normal. Donc ça décuplait ma sensibilité et ma culpabilité. C'était deux fois plus lourd pour moi. À cette période, j'avais vraiment du mal à me regarder dans le miroir. Je me dégoûtais. C'est dur à dire, mais il m'arrivait même de m'insulter, de me dire des mots vraiment difficiles. Et vraiment, ça, c'est quand j'y pense encore aujourd'hui, ça me rappelle à quel point j'ai été dure envers moi-même. L'impact sur ma santé a été vraiment terrible. J'avais beaucoup de douleurs, mal de partout, aux lèvres, aux gencives, à l'estomac. Parce qu'à force de se purger, j'ai eu beaucoup de carences, notamment au potassium. Ça m'a créé des problèmes. Au niveau du rythme cardiaque, le cœur palpitait, je me sentais très faible, j'avais des vertiges, parfois des sueurs. Et ça, c'est vraiment quelque chose que je ne souhaite à personne. Ce sont des conséquences qui sont vraiment, vraiment difficiles, très douloureuses. J'avais peur de ne pas savoir quand tout ça allait s'arrêter et jusqu'où j'allais aller. Parfois, on croit à maîtriser, mais en réalité, on ne maîtrise rien du tout. Du coup, le fait de ne pas savoir, ça entretenait cette peur au quotidien. J'ai compris que j'étais vraiment... en danger quand mes dents ont commencé à s'effriter. C'était à cause de l'acidité des purges et là, j'ai vraiment commencé à le flipper. Quand je voyais mes gencives qui, au fil du temps, se rétractaient de plus en plus, ça m'a vraiment fait peur et j'avais peur de me retrouver sans dents. Et ça, je me suis dit là, ça va loin. Le déclic qui m'a poussée vers le chemin du rétablissement, c'est quand j'ai pris conscience que je n'avais plus de limites. Je n'avais plus de gêne à aller me purger. que ce soit devant mes amis, devant ma famille. Et ça, les voir impuissants face à ça, tristes pour moi, ça m'a vraiment secouée. Je ne pouvais plus supporter de les faire souffrir autant que moi je souffrais. Le premier pas vers la guérison, ça a été de me confier à mon médecin traitant. J'ai eu la chance d'avoir un médecin très accessible, très soutenant, à l'écoute, et qui m'a pris en charge tout de suite. Il m'a orientée tout de suite vers des spécialistes. Il n'a pas cherché, il avait compris. tout de suite la gravité de mes symptômes, de mon comportement. Et je le remercie encore aujourd'hui. Ce qui m'a le plus aidée dans mon rétablissement, c'est d'avoir été actrice de ma santé, d'avoir été toujours conscient que ça n'allait pas. J'ai eu une super psychiatre qui m'a donné beaucoup de conseils, comme la cohérence cardiaque pour m'apaiser, des exercices d'ancrage pour revenir dans le présent quand les émotions débordaient. Ce psychiatre m'a soutenue, on a beaucoup travaillé ensemble. Et du coup, j'avais enfin l'association de reprendre le contrôle sur ma vie. Ce qui m'a aidée aussi, ce sont les médicaments. On ne va pas se mentir, c'est une béquille, un soutien. Il ne faut vraiment pas hésiter à prendre des médicaments, au moins à essayer. Parfois, c'est difficile de trouver le traitement qui nous correspond vraiment. Mais pour ma part, je pense que c'était vraiment nécessaire de prendre des médicaments pour avancer. Les groupes de parole ont énormément compté pour moi. Ils m'ont beaucoup apporté. Le fait de se retrouver avec des personnes dans la même situation que moi, de pouvoir partager sans craindre d'être jugée, de parler librement, d'être soutenue, entendue, ça, ça m'a vraiment aidée. Vraiment. Aujourd'hui, je me sens, on peut dire, plus sereine avec la nourriture. Je sais que le rétablissement, il n'est pas linéaire et qu'il m'arrive encore d'avoir des moments où je suis vulnérable, je suis encore sélective. parfois dans ce que je mange, mais on ne peut pas comparer à ce que j'ai vécu avant. Pouvoir partager des repas avec ma famille, mes amis, sans avoir à sortir de table, je pense que ça, c'est aussi quelque chose qui fait que je me sens plus sereine avec la nourriture. De me sentir en sécurité avec mes proches, je pense que ça facilite mes repas, si je peux dire ça comme ça.
Speaker #1Je pense qu'on ne peut pas oublier du jour au lendemain à quel point on s'est fait du mal. C'est pas parfait, encore une fois, mais je suis très reconnaissant que mon corps ait tenu le coup après tout ce que je lui ai fait subir. Je me dis qu'il porte des cicatrices, qu'il porte mon histoire, mais que ses marques sont aussi les marques de résilience, les marques du courage que j'ai eues. Alors j'essaye de l'aimer un peu plus fort chaque jour, même si des fois il y a encore des jours où c'est un peu plus difficile. J'ai choisi de m'engager dans la paix et danse pour mettre en lumière mon vécu et partager mon histoire. Parce que... Libérer ma parole, c'est aussi libérer la parole des autres, des personnes qui vivent la même chose que moi. Accompagner quelqu'un, c'est pouvoir lui montrer qu'il n'est pas seul et qu'on peut s'en sortir. C'est un moment d'échange, de partage qui est très fort et qui me rappelle ce que je suis et pourquoi il est important de parler et d'écouter sans jugement. Je dis souvent qu'en Père Edens, on parle de cœur à cœur, d'humain à humain. Et je me dis aussi que peut-être que si moi j'avais eu un Père Edens à l'é... à mes côtés à l'époque, je pense que j'aurais pu certainement avancer plus sereinement dans mon rétablissement, dans mes soins. Accompagner d'autres personnes vivant avec un TCA, c'est très gratifiant. Ça montre que j'ai vraiment pris du recul sur mon parcours et avancé dans mon propre cheminement. Et ce que je ressens, c'est de l'amour pour moi et de l'amour pour les autres. Et si je peux apporter un peu d'espoir, un peu de soulagement, et bien moi j'ai tout gagné. Ce que je voudrais dire, c'est de ne jamais baisser les bras, même lorsqu'il y a des rechutes. Les rechutes sont normales, elles font partie du processus de rétablissement et ça ne veut pas dire que tout est fichu, qu'on a tout raté et qu'on ne va pas y arriver. Ce qu'il faut, je sais que ce n'est pas facile, mais c'est essayer d'être indulgent envers soi-même, de se rappeler que chaque petit pas compte et qu'il n'y a pas d'honte à demander de l'aide. Parce que souvent, Dans ces pathologies-là, on a tendance à s'isoler et c'est deux fois plus difficile quand on est seul. Alors vraiment, pas hésiter à demander de l'aide. Ce que je veux dire aussi, c'est qu'on peut s'en sortir, retrouver de la sérénité, réapprendre à vivre avec la nourriture et avec son corps. J'ai envie de dire qu'il y a de la lumière au bout du tunnel, comme on dit, même si parfois on ne la voit pas tout de suite. Ce que je voudrais dire aux proches, c'est d'être patient, de ne pas forcer. et de simplement être là, présent, écouté. C'est difficile à vivre pour tout le monde et ce que je conseille aux proches, c'est de se raccrocher à des associations, des GEM, groupes d'entraide mutuelle ou de spécialistes. Il existe des programmes pour les proches, notamment autour de la psychoéducation. Ce sont des programmes qui permettent d'être écoutés et soutenus parce qu'on prend en considération le malade, mais Les proches, eux aussi, ont besoin d'être pris en charge, d'être accompagnés et de prendre soin d'eux. L'image qui m'a le plus portée, c'est celle d'une montagne. Parce que j'adore la montagne, elle me rappelle sa force tranquille. La montagne me rappelle qu'elle se transforme au fil du temps. Parfois, elle perd des cailloux. Parfois, elle se laisse modeler par le vent et par la pluie. Mais elle reste toujours debout, immuable et solide. La montagne, elle me rappelle que malgré les épreuves, on peut tenir, résister et avancer. Ce que je voudrais laisser après ce témoignage, c'est de l'amour et de l'espoir, de dire que même dans la souffrance, chaque vie compte et que nos combats, qui parfois sont invisibles, méritent de l'écoute et de la bienveillance. J'aimerais dire aussi que parler, écouter et tendre la main permet de transformer la douleur en force. J'aimerais dire qu'il y a toujours de la lumière à partager et de l'amour à semer autour de soi.