Speaker #1Bonjour à toutes et à tous, je suis Marine Manard, neuropsychologue, docteur en sciences psychologiques. Aujourd'hui, je suis ravie de vous parler d'un sujet essentiel pour notre bien-être au quotidien, la dépression. Nous allons explorer ce qu'est la dépression, ses causes, ses symptômes et différentes approches pour pouvoir la traiter. La dépression, c'est un grand mot et c'est vrai que quand on entend parler de dépression, ça fait peur. Ça fait peur parce qu'on imagine tout de suite le pire. Les personnes qui sont recroquevillées dans leur lit pendant des mois, qui ont des idées noires, qui voire font des tentatives de suicide. Alors oui, évidemment, ça existe. Ce sont des cas de dépression sévère qui ont besoin d'un accompagnement urgent, évidemment. Par contre, la dépression peut être plus discrète, plus chronique, peut guetter chez la personne qui vous vend le pain le matin avec un grand sourire. La dépression a plein de visages. La dépression va impliquer des manifestations très variées et va aussi être dépendante de différents facteurs, à la fois des facteurs... neurochimique. En fait, la dépression va être dépendante de certains neurotransmetteurs, mais disons que notre cerveau va pouvoir avoir un impact sur le fait de manifester des symptômes dépressifs ou non. Dans un deuxième temps, notre environnement va évidemment énormément jouer sur la possibilité de développer un syndrome dépressif ou pas. Et donc toutes ces différentes causes et les facteurs contributifs à la dépression vont... évidemment, amener des solutions et des recherches de prise en charge qui peuvent être très différentes. En termes de symptômes, la dépression va principalement impacter les mécanismes de motivation. C'est-à-dire que, vous l'aurez remarqué, si vous avez un petit coup de déprime ou si vous êtes vous-même atteint de dépression, la première chose qui va flancher, ça va être votre motivation. Vous n'aurez plus envie d'aller boire un verre, vous n'aurez probablement pas envie d'aller au sport, vous n'aurez envie de rien. de voir personne et d'être tranquille. C'est l'un des premiers symptômes. Évidemment, un ensemble d'émotions peuvent venir s'entremêler à cette perte de motivation, de la tristesse, de l'anxiété, de la colère. Parfois, on observe également dans de nombreux cas des difficultés cognitives, donc des pertes en termes de mémoire, de concentration. Toutes ces facultés qu'on veut utiliser au quotidien sans trop... sans rendre compte, mais qui parfois, quand elles flanchent, nous rendent la vie un peu compliquée. Et du coup, vont pouvoir amener également un sentiment de perte d'estime de soi, de dévalorisation, qui va également alimenter le syndrome dépressif. Et donc, la dépression, je la représente régulièrement en consultation comme un grand cercle vicieux, en fait. Parce que... Le syndrome dépressif va pouvoir être provoqué soit par des facteurs internes, comme je le disais tout à l'heure, avec une perturbation purement neurochimique, souvent quand même majorée ou alimentée par des facteurs externes environnementaux, que ce soit un deuil, une transition de vie difficile, un burn-out, des problèmes familiaux, des problèmes professionnels, des problèmes financiers. Il y a une multitude de facteurs environnementaux qui peuvent venir provoquer. des syndromes dépressifs. Et donc, ce syndrome dépressif va être associé à cette perte de motivation, on va se couper du monde, on va faire moins de choses, on va perdre en estime de soi, on va éventuellement prendre ou perdre du poids, et donc on va se trouver moins bien dans sa peau, ce qui fait qu'on va encore moins voir de monde, etc. Et donc, on va se retrouver dans cette boucle un peu infernale comme ça, où ça va être difficile de sortir sans aide parfois. Alors, parfois non. On va pouvoir trouver la faille et s'engouffrer dedans pour sortir soi-même. Parfois, il y aura besoin d'une main tendue pour pouvoir en sortir. Alors, parmi les autres symptômes, il y en a d'autres, évidemment. On va pouvoir noter, par exemple, des cauchemars, de l'hypersomnie, donc le fait de dormir ou plus qu'avant, une hyposomnie ou une hypervigilance aussi parfois, c'est un peu plus rare mais ça arrive aussi, donc le fait de dormir moins, des troubles de l'appétit évidemment, de l'irritabilité, ce genre de choses. Alors évidemment en termes de dépression, comme je le disais, elle a plusieurs visages. Il y a des dépressions chroniques plutôt légères, comme on va dire, avec lesquelles... Des gens pourront vivre des années sans avoir besoin nécessairement d'aide extérieure, même s'ils en bénéficieraient grandement évidemment en termes de qualité de vie, mais ils arrivent à fonctionner avec. Là où ça pose problème, un problème majeur en tout cas et d'urgence, ça va être quand la dépression qui s'installe est vraiment invalidante, qu'il va y avoir un impact significatif sur le fonctionnement du quotidien ou ça va empiéter. les activités de loisirs, les activités professionnelles, etc. Et donc, à ce moment-là, effectivement, il faut être vigilant, notamment en termes, comme je le disais tout à l'heure, à l'apparition d'idées noires, de risques de passage à l'acte et de tentatives de suicide. Et donc, dans ces cas-là, il est évidemment primordial de favoriser l'accès à un professionnel de santé spécialisé. spécialisé dans la santé mentale. Alors, il y a deux professions qui devraient être complémentaires, mais c'est vrai que le grand public a souvent tendance à confondre ces deux professions et l'accès aux soins favorise l'une par rapport à l'autre. Je m'explique tout de suite. D'un côté, on a les psychiatres qui vont pouvoir offrir une aide, notamment pharmacologique, qui est parfois indispensable pour pouvoir stabiliser l'humeur. permettre justement un travail thérapeutique pour traiter le fond du problème, pour pouvoir aider à sortir de cette dépression. L'aide pharmacologique, les médicaments vont pouvoir servir de béquille en quelque sorte pour pouvoir avancer dans la thérapie jusqu'à ce qu'il n'y ait plus besoin de cette béquille. Et donc, une première consultation de diagnostic pour évaluer Cette dépression peut se faire à la fois chez un psychiatre qui va pouvoir directement prescrire des médicaments, parce que ceux-ci sont indiqués, mais ça peut également se faire chez un psychologue qui va pouvoir évaluer et rediriger le cas échéant chez un psychiatre si une pharmacologie semble utile ou indispensable pour pouvoir entamer un travail thérapeutique. D'autre part, le psychologue, lui, va vraiment servir de thérapeute, de travail de fond. et informé à la psychologie sur cinq années minimum, il va pouvoir justement mettre en place différentes stratégies de prise en charge avec le patient. Là, ça va se faire en fonction évidemment de la spécialité, de la spécialisation du psychologue qu'on va consulter. Alors, je pense qu'en France et en Belgique, on en est à peu près au même stade en termes de remboursement. Les sécurités sociales remboursent... plus aisément les professions médicales que paramédicales. Et donc, en tout cas ici en Belgique, pour ne pas me prononcer sur la France, les psychiatres sont mieux remboursés, mieux pris en charge par la Sécurité sociale que les psychologues, ce qui favorise évidemment une prise en charge exclusive par le psychiatre des syndromes dépressifs. Ce qui n'est pas une tare en soi, mais c'est vrai que parfois, un travail plus... poussé chez un psychologue peut s'avérer nécessaire et donc là, ce serait évidemment un grand bénéfice si la sécurité sociale pouvait prendre en charge aussi les soins psychologiques. Alors, en termes de prise en charge, moi je suis personnellement d'orientation, je suis plutôt spécialisée en thérapie cognitivo-comportementale, donc là on va vraiment travailler à la fois sur les pensées éventuellement dysfonctionnelles, et sur les difficultés comportementales. Qu'est-ce qui va poser problème dans le fonctionnement quotidien ? Moi, j'aime bien partir de ça parce que du coup, on se dit oui, mais on ne traite pas le fond du problème directement. Non, c'est vrai. Je ne vais pas aller chercher nécessairement directement à traiter la racine du mal, comme j'appelle ça. Je vais parfois juste me servir de choses, peut-être de détails du quotidien qui ne fonctionnent plus chez ce patient-là. Voilà. qui impacte son fonctionnement. Et on va travailler sur ça. Ça va paraître très superficiel au début, mais en fait, on va améliorer une pièce du puzzle. Et ça, ça va refonctionner. Par exemple, le patient qui ne voulait plus se faire à manger, qui ne s'alimentait presque plus. On est parti sur ça, parce que pour moi, ça a été une des premières urgences, déjà, parce qu'il y avait un besoin vital et fondamental qui était le plus comblé. Mais surtout parce que, du coup, c'est un patient qui aimait beaucoup la cuisine avant. Et donc, lui permettre de réapprécier ses moments de cuisine lui permettait de rendre un côté plaisir à son quotidien. Donc, j'avais, disons, pour ma part, réussi à remettre en place deux choses essentielles, qui étaient de s'alimenter. C'était déjà pas mal, mais surtout l'aspect. plaisir. Et donc, j'ai rendu à son cerveau l'idée que, bah oui, en fait, dans la journée, même si je suis super mal toute la journée, eh ben, à 17h, je fais à manger et ça, c'est plutôt chouette. Et donc, petit à petit, en partant de cas concrets, de problèmes fonctionnels qui paraissaient très superficiels, on a pu avancer comme ça et arriver jusqu'au moment où on était suffisamment libérés de certaines choses, de certaines urgences fonctionnelles, pour pouvoir travailler sur vraiment ce qui posait. problèmes en termes profonds et qui provoquaient cette dépression. La dépression, alors, en termes de cas concrets, j'en ai évidemment plein, mais la dépression, comme je disais, va avoir de multiples facettes. On va avoir des dépressions qui vont être liées à un gros manque d'estime de soi, par exemple. Avec des personnes qui vont avoir un fonctionnement quotidien tout à fait banal et normal, mais qui vont avoir une estime de soi tellement faible qui vont se déprécier tellement qu'en fait, ils ont un syndrome dépressif un peu latent, qui sont un peu tout le temps tristes, un peu mélancoliques. Et donc, chez ces personnes, on ne va pas travailler directement un syndrome dépressif pur et dur. On va travailler sur justement les autres aspects qui vont impacter ce sentiment dépressif. Par contre, chez les personnes évidemment qui ont un syndrome dépressif sévère, on va alors à ce moment-là effectivement... travailler de fond et travailler en fonction des urgences, comme je le disais tout à l'heure. Et donc, effectivement, le patient ou la patiente qui va arriver avec des idées noires très présentes, avec éventuellement des antécédents de tentatives de suicide, on va être particulièrement attentif à essayer de l'aider à passer le cap dans un premier temps. Et puis, évidemment, à apprendre à sortir de cette spirale qui peut être... très anxiogènes et qui va empêcher de réfléchir de façon rationnelle. Parce que les personnes qui se font du mal, qui s'automutilent, qui vont passer à l'acte, vont généralement avoir une perte en termes de raisonnement. Disons qu'elles ne vont plus réfléchir de façon rationnelle, en fait. Sur le moment, la détresse émotionnelle va être tellement puissante, tellement forte, que leur capacité de... rationnelles vont être impactées. On va avoir des personnes qui vont, par exemple, passer à l'acte parce qu'elles sont persuadées que personne ne les aime, alors qu'elles ont pas du tout. Elles ont une famille aimante, elles ont parfois des enfants qui les aiment plus que tout au monde. Évidemment, le raisonnement n'est pas rationnel, mais la détresse émotionnelle est tellement forte qu'elle prend le pas. Et donc là, on va aider, évidemment, la personne à identifier ce qui provoque ces grosses détresses et surtout à ramener du raisonnement logique et de la rationalité dans ces épisodes-là. Voilà, alors évidemment, je ne peux que conseiller le contact avec un professionnel de santé adéquat et qui est respectueux de votre situation et de vos valeurs si vous rencontrez des épisodes dépressifs. Voilà, s'octroyer du bien-être, s'octroyer des moments de... pose aussi des moments de repos, veiller à se ménager, veiller à être bienveillant envers soi-même aussi, est essentiel pour moi pour préserver justement l'apparition de ce genre de difficultés et évidemment une bonne hygiène de vie quotidienne avec éviter évidemment d'abuser de substances notamment, de favoriser une hygiène de vie correcte. Alors je ne dis pas qu'il faut être un athlète, mais voilà, bouger, manger sainement, faire de la relaxation, avoir des loisirs, etc. Voir du monde, tout ça va pouvoir favoriser évidemment une humeur agréable et des émotions positives qui vont évidemment améliorer le bien-être et diminuer le risque de développer des syndromes dépressifs. Merci de m'avoir écoutée aujourd'hui. J'espère que cet épisode vous apportera des éclairages et des outils utiles pour comprendre et prendre en charge les dépressions.