#40 Hortense Raynal : la poésie peut-elle panser nos liens ? cover
#40 Hortense Raynal : la poésie peut-elle panser nos liens ? cover
Finta! L'Aveyron par ses voix

#40 Hortense Raynal : la poésie peut-elle panser nos liens ?

#40 Hortense Raynal : la poésie peut-elle panser nos liens ?

44min |14/12/2024
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#40 Hortense Raynal : la poésie peut-elle panser nos liens ? cover
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Finta! L'Aveyron par ses voix

#40 Hortense Raynal : la poésie peut-elle panser nos liens ?

#40 Hortense Raynal : la poésie peut-elle panser nos liens ?

44min |14/12/2024
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Description

C’est l’histoire d’une rencontre de papier, à l’étage de la Maison du livre. Il y avait ce petit recueil d’un orange mandarine qui semblait m’attendre. Et ce titre, Ruralités, qui tenait sa promesse. Au dos, Hortense Raynal, née en 1993 à Rodez, en Aveyron. Comme moi. Notre rencontre, de chair et de voix haute, a eu lieu quelques mois plus tard au Château de Taurines pour une performance poétique qui résonne encore.


Depuis, la poétesse Hortense Raynal a publié deux livres : d’abord, Nous sommes des marécages, et plus récemment, Bouche-fumier. Il faut la lire pour sentir sa puissance, il faut la voir performer pour imprimer son énergie. Sa prose, elle la dit organique, elle la façonne à partir de sa matière, dans laquelle sa sève paysanne, son enracinement, jaillit.


Portée par la puissance des réseaux sociaux, l’attrait de la poésie contemporaine se vérifie en librairie, où les jeunes plumes ont largement dépoussiéré les rayons. Hortense Raynal s’inscrit dans cette génération qui écrit, qui dit, qui incarne, qui projette sa poésie pour trouver des oreilles nouvelles, pour que ses mots dépassent toutes les barrières et viennent nous percuter.


C’est dans la maison de ses parents, accrochée sur les hauteurs d’Estaing, là où elle a grandi, qu’Hortense Raynal a choisi que nous nous retrouvions.


🧡 Si vous aimez Finta! partagez-le! Finta est un podcast écrit, réalisé et produit par Lola Cros. Il est mixé par le studio Qude. Retrouvez tous les épisodes de Finta! gratuitement sur les applis de podcasts. Plus d'infos sur www.fintapodcast.fr


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Tout part de l'envie de lier, de l'envie d'allier, de l'envie d'allier, d'aller hors de soi, de lier donc. Lier qui, comment, quoi ? Lier nos corps, nos esprits, la ronde, le collier. La poésie, ligament. La poésie est un ligament. Alors oui, tu te fais des entorses, t'as mal, mais ça délie, ça délie, ça délie les langues pour mieux relier les plexus. Après la poésie, plein de petits plexus. Relier entre eux comme ça. Et ton devoir, c'est de te mélanger, de te coller à tout le monde sans distinction. De te lier, grosse colle. La poétesse, la poétesse est une grosse colle. Grosse glue, la poétesse.

  • Speaker #1

    Explorer les basculements d'une époque, sentir frémir des énergies, voir les ruralités se transformer avec celles et ceux qui les provoquent. les repense, les bouscule.

  • Speaker #2

    Finta,

  • Speaker #1

    c'est le podcast qui nourrit des esprits, des envies d'agir et des espoirs très concrets à l'échelle locale. Finta donne à entendre l'Aveyron à travers celles et ceux qui ont choisi d'habiter ici et maintenant, de s'engager aujourd'hui pour demain. Je suis Lola Cross et j'arpente ce bout de campagne depuis dix ans comme journaliste. Avec Finta, je vous invite à croiser des regards,

  • Speaker #2

    à Finter de plus près.

  • Speaker #1

    Et ça commence tout de suite. C'est d'abord l'histoire d'une rencontre de papier à l'étage de la Maison du Livre. Il y avait ce petit recueil d'un orange mandarine qui semblait m'attendre, et ce titre, Ruralité, qui tenait déjà sa promesse. Odo, Hortense Renal, né en 1993 à Rodez, en Aveyron, comme moi. Notre rencontre de chair et de voix haute a eu lieu quelques mois plus tard, Ausha de Taurine, pour une performance poétique qui résonne encore. Depuis, La poétesse Hortense Reyna l'a publié deux livres. Il y a eu d'abord Nous sommes des marécages et plus récemment Bouches fumiles Il faut la lire pour sentir sa puissance. Il faut la voir performer pour imprimer son énergie. Sa prose, elle l'a dit organique. Elle la façonne à partir de sa matière dans laquelle sa sève paysanne, son enracinement, jaillit. Portée par la puissance des réseaux sociaux, l'attrait de la poésie contemporaine se vérifie en librairie. où les jeunes plumes ont largement dépoussiéré les rayons. Hortense Reynal s'inscrit dans cette génération qui écrit,

  • Speaker #0

    qui dit,

  • Speaker #1

    qui incarne, qui danse, qui projette sa poésie pour trouver des oreilles nouvelles, pour que ses mots dépassent toutes les barrières et viennent nous percuter. C'est dans la maison de ses parents, accrochée sur les hauteurs d'Estaing, là où elle a grandi, qu'Hortense Reynal a choisi que nous nous retrouvions.

  • Speaker #0

    Alors aujourd'hui, on se trouve dans la maison où j'ai grandi. Donc on est chez mes parents. Et là, on est dans la pièce qui s'appelle le petit salon, qui a été refaite quand j'avais à peu près 10 ans, et c'est l'ancien grenier. Donc voilà, et on est juste à côté de ma chambre d'enfance, du coup, et à la ponçarderie, à Estin. Maintenant, il y a eu une... des mises à jour des adresses. C'est marrant, ils nous ont dit Non, maintenant, vous habitez 15 routes du Pueche. Par contre, le Pueche, c'est le point le plus haut. Donc, on est assez en hauteur.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qu'il dit de toi, ce lieu ?

  • Speaker #0

    C'est là où j'ai grandi. C'est le décor... le décor de mon enfance. C'est là où j'ai évolué. Et pas loin, il y avait mes grands-parents, il y avait le reste de ma famille. Et gamine, c'était quand même un territoire où je pouvais gambader tranquillement. Il n'y avait pas de question de où tu vas, à quelle heure, qu'est-ce que tu fais. C'était vraiment quand même... C'était assez vaste, finalement. comme territoire où évoluer, enfin.

  • Speaker #2

    Et tu avais des amis, là, dans le hameau ?

  • Speaker #0

    Et j'avais mes cousins, en fait. J'avais mes cousins, et moi, j'ai deux grands frères. Donc on était une petite bande de sept à évoluer là-dedans.

  • Speaker #2

    Tu as cité dans une interview récemment une phrase de Marguerite Yourcenar, L'endroit d'où l'on vient n'est pas forcément celui où l'on est, mais celui que l'on questionne pour la première fois. Comment ça résonne avec ton histoire ?

  • Speaker #0

    Je pense que ça peut être en rapport avec la perte de ma grand-mère en 2018, qui n'habitait pas exactement dans cette maison-là. dans la sienne, un peu plus loin et je pense à partir de ce moment là que je me suis posé la question de la filiation la filiation féminine d'où je viens comment vivaient les femmes et les couples avant moi. Et peut-être c'est à partir de ce point-là, l'entrée a été plus ma grand-mère que ma propre enfance finalement, pour me poser la question d'où je viens.

  • Speaker #2

    Si tu suis en tout cas ce que dit Roussenard, en quoi tu l'as questionné toi ce lieu ? Qu'est-ce qui l'a éclairé chez toi peut-être alors qu'au décès de ta grand-mère ?

  • Speaker #0

    À ce moment-là, j'étais étudiante à Paris. Tu vois, et j'étais en études de lettres. Et comment dire ? J'avais déjà eu des petites remarques sur mon accent, puis je me rendais bien compte, je faisais une grande école après une classe préparatoire, je me rendais bien compte qu'au niveau d'où les gens venaient, les milieux ruraux étaient quand même relativement rares, et je me suis dit tiens, donc déjà. Et lorsque j'ai perdu ma grand-mère, Je me suis dit qu'elle était représentante de tout un monde qui disparaissait. Pas qu'un monde qui contient un langage, des langues, des gestes, une manière d'être, une manière d'habiter. Et c'est ça que j'ai questionné, je pense. Ce monde qui disparaissait, pour me demander à quel point il était constitutif de moi. Ou pas, d'ailleurs, puisque forcément, des choses ont évolué. Je ne vis pas comme ma grand-mère le vivait. Mais je m'en sentais proche.

  • Speaker #2

    Et quand tu dis que ça disparaît, ça veut dire que tu étais consciente à ce moment-là ? que ce sont des manières d'habiter qui n'avaient pas été transmises déjà à la génération de tes parents ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a une prise de conscience. Et puis, moi, j'avais déjà perdu mes grands-parents du côté de mon père. Et mon grand-père n'était pas dans un état... Il était en maison de retraite. Donc, très physiquement, la maison n'était plus habitée. Elle allait trouver un autre avenir de maison. Et donc, très physiquement, les lieux devenaient déserts aussi de quelque chose. donc il y a aussi ça qui est important je trouve, le côté physique

  • Speaker #2

    Tu dis aussi que le lien à tes racines aveyronnaises notamment tapisse le décor de ton imaginaire intérieur qu'est-ce que ça veut dire ça ?

  • Speaker #0

    Ça veut dire que même quand encore là aujourd'hui ça a un peu évolué mais que même quand j'essaye d'écrire autre chose je vais écrire un peu à partir de ça... J'appelle ça la sève. Il y a comme une sève qui est là, comme la sève est dans un arbre. Et que même si je tourne autour, elle est forcément là. Donc ça peut se traduire par, dans le cas de ma pratique à moi, qui est celle de l'écriture, ça peut se traduire par des choix de vocabulaire, des choix d'image, où tu te dis, ah tiens, là, il y a un peu de ça qui se joue, alors que j'écris sur autre chose, tu vois. C'est un peu dans ce sens-là, oui.

  • Speaker #2

    Et ça encore, tu l'observes depuis le décès de ta grand-mère ou c'est des prises de conscience que tu as eues plus jeune ?

  • Speaker #0

    Non, c'est depuis là.

  • Speaker #2

    Oui, il y a eu un nœud en 2018. Oui, c'est ça. Qui a été concomitant du coup avec le début de ma pratique d'écriture. Après, j'écrivais quand même. J'étais une adolescente qui écrivait. Je ne sais pas, je n'ai pas l'impression non plus d'avoir été une adolescente qui écrivait, écrivait à fond. Comme on a un peu discuté là à Orchans, je faisais du sport aussi. Ce n'était pas spécialement, comment dire, une enfant dans les livres. J'avais un peu une pratique d'écriture, je me dis comme je pense beaucoup d'ados. Et vraiment en 2018, voilà, là je me dis que oui, il y a... une fertilité quoi, un oeuf en fait. À quand remonte ta rencontre avec la poésie vraiment ? Quels sont tes premiers souvenirs ?

  • Speaker #0

    J'ai souvent la classe de CE2 où on doit réciter pour faire le portrait d'un oiseau de Prévert, peindre le portrait de l'oiseau, quelque chose comme ça. C'est dans Paroles, et c'est un poème où Prévert s'amuse à mélanger un peu fiction et réalité. Il parle d'un tableau, et à la fois l'oiseau devient réel. En fait, comme il dit, il suffit de peindre l'oiseau pour qu'il existe, il suffit de peindre la porte ouverte de la cage pour qu'il s'envole. À la fin du poème, le... Le peintre a ouvert la cage et l'oiseau n'est plus dans le tableau. Il y a une espèce de mélange. Si j'écris un mot, il devient réel. Je pense que ça a joué, ça. Et aussi, je sais qu'on était à l'école primaire Jean Monnet, à Espalion, dans la salle centrale, là, qui était une salle d'expression toute ronde au centre de l'école. Avec le recul, je trouve que c'est super bien d'avoir une salle un peu vide où tout est possible au centre d'une école. Et on était là, et on devait... On avait chacun, chacune, un vers à réciter. Et on était en groupe, comme ça, et dès qu'il fallait réciter, il fallait s'avancer, pour le dire, voilà. Et il fallait revenir ensuite dans le groupe. Et peut-être que, à ce moment-là aussi, j'ai enregistré le côté corps et poésie en même temps. Parce que c'était pas du théâtre, exactement, en fait. C'était pas ça. Du coup, je pense que je vais se souvenir qu'il est pas mal ancré.

  • Speaker #2

    Tu en parles de la place du corps, parce que tes poèmes, aujourd'hui, ils prennent corps. Tu les incarnes dans des performances. Donc là, si tu te replaces dans ton souvenir, il y a le fait juste de s'avancer d'abord pour réciter ton vers. Mais qu'est-ce qu'il permet d'autre, le corps ? En quoi il a sa place dans la poésie ? Qu'est-ce qu'il dit de plus ou différemment ?

  • Speaker #0

    Parler ? c'est pas que prendre une place sonore c'est aussi prendre sa place très physique dans le monde et aujourd'hui ça se vérifie dans plein d'autres domaines, prendre la parole ne pas se taire, c'est exister c'est avoir une existence et le faire si en plus on peut le faire aussi se mettre en mouvement je pense aussi que se mettre en mouvement et être actif, active être Dans sa pleine capacité de mouvement de corps, c'est pareil, ça existait aussi. Et les deux ensemble, alors là...

  • Speaker #2

    Oui, ça rejoint aussi la place que tu donnes à la voix haute. Tu les as aussi enregistrées, certains de tes poèmes, qui sont devenus des podcasts. C'est cette même idée-là, en fait, que la poésie, pour toi, la tienne en tout cas, elle ne reste pas que dans tes bouquins et dans tes recueils. Elle prend vie sous toutes ses formes. C'est ça que tu l'as tout de suite conscientisé dans ton travail ?

  • Speaker #0

    Conscientisé ? Pas vraiment. Je crois que j'ai quand même beaucoup cherché, beaucoup pas forcément, entre guillemets, compris ce que je faisais tout de suite, non. Mais en tout cas, maintenant, à l'aune des quatre ans qui viennent s'écouler depuis le début de ma première résidence de poésie, et trois ans depuis mon premier livre, je peux dire que je crois que ce qui est aussi important pour moi, c'est justement de... Ne pas venir d'un milieu de l'écrit, de la poésie, de la littérature. Beaucoup de gens viennent me voir en me disant Ah ben, en fait, la poésie, quand elle est dite, je la reçois beaucoup mieux, voire je la reçois tout court, que si je devais ouvrir un livre. Et aussi, il y a de l'aveu de Oh, j'aurais pas ouvert, moi, les livres. Je préfère vous écouter, je préfère écouter. Et je crois qu'il y a... Maintenant, plus consciemment et inconsciemment, ce truc de... Vu que je ne viens pas de là, j'ai envie que les gens, ça soit accessible aussi. Chose qui ne serait pas le cas si je me contentais d'écrire mes bouquins et de faire des lectures très... Comment dire ?

  • Speaker #2

    Académique ?

  • Speaker #0

    Académique, merci. Oui, c'est ça.

  • Speaker #2

    Comment tu... Ta prose, on la décrit comme organique, macérée. Il y a plusieurs mots comme ça qui reviennent de critiques, notamment. Toi, quels sont les mots que tu mets dessus ?

  • Speaker #0

    Moi, je dis toujours que j'écris avec de la matière et pas sur un sujet. Je pense que c'est ça pour moi, le langage. J'en fais tellement un peu ce que je veux que... Le langage, c'est comme une matière dans laquelle se plonger et aller le pétrir, le bouger. Voilà, les mots peuvent prendre des formes différentes. Moi, j'utilise beaucoup ce mot de matière. Comme une artisane, comme une ébéniste, qui irait prendre sa matière, le bois ou l'angère, son pain, et donner la forme qu'on veut. Parce qu'en plus, finalement, très... Si on observe les poèmes, c'est pareil, de loin on peut voir que ça a des formes complètement différentes. de la prose classique ou le roman.

  • Speaker #2

    Tu t'amuses aussi avec la mise en page ?

  • Speaker #0

    Oui, voilà. C'est ça que tu veux dire ? Oui, c'est ça. Faire correspondre le rythme des mots avec l'émotion, ce qui veut être dit, que ça corresponde le plus possible. Donc, couper, aller à la ligne, quand il faut, quand on le ressent. Donc, voilà, matière. Organique, ça me va très bien aussi, avec ce côté de... Il n'y a pas que le cerveau et la bouche qui parlent, il y a un peu tout, tous les organes, tout peut parler dans un corps.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que tu as envie de dire, toi ? Qu'est-ce que tu as envie d'exprimer ? Pourquoi tu as choisi la poésie comme médium d'expression, peut-être ? Mais ce serait quoi le message, si tu arrivais à le définir ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'au fond, c'est arriver à dire que putain, merde, l'être humain, il est capable d'une grande palette d'émotions. Et être vivant et vivante, c'est grandiose en fait. Il y a peut-être parfois une sorte de petite... colère de rétrécir l'expérience humaine que se dire c'est comme ça que se font les choses ça s'assied alors qu'en fait si on est à l'écouté du sensible dont on est capable c'est et je crois que peut-être j'ai envie d'essayer de dire de le dire ça c'est énorme c'est vraiment une montagne mais ouais ça serait ça arriver à exprimer la la la grande capacité vivante de l'être et de l'expérience du monde. Voilà. Avoir conscience, essayer de dire aux gens, ayez conscience de ce grandiose de nos capacités.

  • Speaker #2

    Je sais qu'on te pose souvent la question, qu'est-ce qu'elle peut, la poésie ? Et j'aime bien cette réponse que tu avais déjà apportée. Tu dis, la poésie apporte une réponse collective à la détérioration du tissu relationnel entre les individus, mais aussi entre les individus et les autres espèces, entre les individus avec leur environnement, et entre les individus et les forces qui les dépassent. Qu'est-ce que tu entends par cette grande définition de ce que peut la poésie ?

  • Speaker #0

    Là, c'était... Beaucoup quand j'étais concentrée sur le côté de la relation, du lien qu'on peut avoir avec... Donc là, je fais la différence entre les humains, l'environnement et le grand mystère. Et c'est une notion aussi qui m'intéresse énormément dans le dialogue, la conversation. Tu vois là aussi ce qu'on est en train de faire. Toujours pareil, je crois, ce souci de dire qu'on a une grande diversité dans la palette, de se mettre en relation avec les choses. Il n'y a pas juste une seule manière de se mettre en relation avec un être humain. Il y en a une infinité. Pareil pour l'environnement. Et aussi parler de ces grandes choses qui nous dépassent. Et moi, je crois que dans ma poésie, il y a aussi ça qui m'intéresse. Le côté, le grand, l'infiniment grand, le cosmos. C'est comme si je n'oubliais jamais que j'étais juste un être humain sur une Terre, dans la galaxie, dans une conscience du vaste. J'aime bien dire ça aussi à Poésie, c'est une conscience du vaste. Conscience qu'on se situe dans un énorme microcosme et que la vie n'est pas toute petite. Que la poésie, elle peut... à chaque instant, rappeler aux individus qu'ils la lisent, ou l'écrivent, ou s'y intéressent. Ouais, voilà, cette conscience du vaste, qui permet du coup de se sentir peut-être... plus serein avec les autres. À chaque instant, ne pas oublier qu'on est dans tout ce grand système. Et je trouve que ça relativise énormément les petits soucis, les choses pratico-pratiques.

  • Speaker #2

    Et si elle est un acte de résistance alors, elle l'est contre quoi la poésie ?

  • Speaker #0

    Oh ben contre l'utilisation efficace du langage, d'avoir... Voilà, si j'ai envie de lire un poème, au lieu d'avoir une parole qui va être complètement efficace avec quelqu'un, ben voilà, le faire. C'est comme danser, quoi. Moi, je n'utilise pas mon corps pour aller de un point A à un point B ou pour faire des choses absolument nécessaires, on est bien d'accord, comme dormir et manger. Je l'utilise pour faire quelque chose qui, a priori, ne va pas donner un résultat, mais qui, en fait, va chercher la beauté. Chercher la beauté, c'est un acte de résistance aussi, je pense, parce que c'est quand même un effort. Ça peut être un effort. C'est déjà pas mal, je crois.

  • Speaker #2

    Je voudrais t'amener peut-être sur une autre chambre de ta vie. Celui qui a trait à la jeunesse, le rapport entre la jeunesse et la ruralité. Tu en parlais tout à l'heure quand tu es partie pour tes études, notamment. Il y a ce premier arrachement à la terre, en un sens. Et il est paru des portraits de toi qui disaient que tu étais... tiraillé peut-être entre des sentiments d'une néo-urbaine et ceux de souvenirs d'enfance. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que tu te reconnais dans ce tiraillement ? Et est-ce qu'il est toujours d'actualité ?

  • Speaker #0

    Alors non, il est moins d'actualité maintenant. Je pense que c'était quelque chose, surtout en rapport avec mon premier livre, Ruralité. Là, je pense que c'est constitutif d'une partie de mon identité. Et peut-être aujourd'hui, j'ai compris que la notion de ruralité, de parler aussi du monde paysan, c'était à l'intérieur de ma pratique, qui est la pratique de l'écriture et de la poésie, et qui elle-même est beaucoup plus définitoire de mon identité. Et qui donc... n'a pas forcément de lien avec le monde rural et dans son activité physique, au jour le jour. Moi, je suis plutôt en train de créer, de faire de la scène. Par contre, c'est ma matière. C'est quelque chose dont je peux parler, c'est quelque chose que je ressens, quelque chose que j'ai gardé depuis mon enfance. Il y a des choses qui sont restées. Je te parlais de la manière de bouger dans les lieux, peut-être que j'ai gardé ça. de l'utilisation des mots, peut-être quelques traces d'accent. Voilà, mais moi, je ne peux pas dire qu'aujourd'hui, moi j'habite un milieu rural, mais je n'habite pas du tout un milieu agricole, paysan. Donc ce n'est plus mon monde.

  • Speaker #2

    Mais c'est le cas de beaucoup d'habitants du monde rural aussi, puisque l'agriculture n'est plus au cœur de l'économie rurale, dans le sens où ça concerne... En avérant, je n'ai plus le chiffre en tête, mais c'est moins de 5% des actifs qui travaillent aujourd'hui dans l'agriculture.

  • Speaker #0

    Oui, c'est faux.

  • Speaker #2

    En réalité, donc, c'est plus que ça. Et comment on se définit ?

  • Speaker #0

    Oui, le XXe siècle, voilà, ça a été la grande traversée du XXe siècle vers ce fameux tentage.

  • Speaker #2

    tout à fait tu t'es aussi beaucoup exprimé sur le sentiment d'un système de reproduction sociale et aussi de violence qui va avec, d'une violence symbolique qui renvoie toujours aux origines ça, ça m'a marqué de toi est-ce que tu parles des origines sociales, des origines géographiques ?

  • Speaker #0

    alors ça c'est quand j'étais en études donc là maintenant Ça fait quand même 5 ans que j'ai fini. Donc, c'était vraiment un ressenti quand j'étais en études. Là, je le ressens moins, parce que j'ai la chance d'évoluer quand même là, au sein de... Je fais des résidences, je fais des dates dans les grandes institutions. Donc, je vois beaucoup moins l'espèce de plafond de verre qui serait dû au fait que je sois... issu de l'univers intellectuel du quartier latin parisien. Il y a un peu plus de diversité, je pense, qu'on croit en littérature. Peut-être un peu plus en poésie, encore plus que dans le roman. Donc c'est un sujet, un thème de réflexion qui est moins là dans mon... actuelle quoi. C'était vraiment quand j'étais en études.

  • Speaker #2

    Parce que tu l'as ressenti ?

  • Speaker #0

    Parce que j'étais vraiment au coeur du quartier latin parisien quoi. Maintenant là j'y vis plus et j'ai aligné un peu plus ma manière de vivre. Voilà, c'est ça.

  • Speaker #2

    Mais ça veut dire quoi ? On te renvoyait à quoi concrètement ?

  • Speaker #0

    L'accent, tout de suite. L'accent, c'était vraiment beaucoup... C'est une des principales remarques. C'est là que je me suis renseignée sur la notion de glottophobie, juste comme ça.

  • Speaker #2

    La discrimination par l'accent ?

  • Speaker #0

    Voilà, par l'accent, et souvent par l'accent intra-franco-français.

  • Speaker #2

    T'en es arrivé à quoi sur cette réflexion sur la glottophobie ?

  • Speaker #0

    J'ai compris que c'était un enjeu de pouvoir. Tu comprends mieux pourquoi tu le lisses un peu, tu le modifies quand t'es dans une situation un petit peu... Comme moi, j'ai fait des stages au monde, au monde des livres. J'ai fait des stages à France Culture quand j'étais en études. Ou quand tu passes des euros, tu te vois en train de faire un petit peu comme ça et tu fais Ah, en fait, voilà, c'est pour ça

  • Speaker #2

    C'est intéressant tout ce que tu dis, parce que moi j'ai relu tes trois bouquins là aujourd'hui. Donc en fait j'ai fait un tout de ces trois bouquins à l'instant T. Mais en fait ce que tu dis, c'est que tu as largement cheminé. Tu en es où aujourd'hui alors de tes réflexions ? Qu'est-ce qui t'occupe aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Donc là, le troisième livre est sorti en mars. Nous sommes en octobre, donc il a quelques mois.

  • Speaker #2

    Donc bouche fumée.

  • Speaker #0

    Bouche fumée. Et lui, c'est mon art poétique, c'est-à-dire la manière dont je perçois la poésie, pour moi. Un peu ma définition de la poésie. À force de lire plein de textes qui disent la poésie c'est ceci, la poésie c'est cela avoir envie d'ajouter. à cette mosaïque, ma définition. Et donc j'en suis là. Et j'en suis plutôt au stade où, comme je te disais, c'est beaucoup moins tiraillé. C'est comme si j'avais fabriqué mes outils d'écriture et là je m'en servais. Tout en continuant à en fabriquer d'autres qui vont être moins ancrées dans l'enfance.

  • Speaker #2

    Elle est peut-être un peu triviale, cette question, mais qu'est-ce qui t'inspire, toi, aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, maintenant, ce n'est pas trivial, puisque, justement, le premier livre, c'était beaucoup l'enfance, etc. Et aujourd'hui, effectivement, j'ai d'autres matières à inspiration. J'aime beaucoup, j'en parle beaucoup de ce mot. Ça sera dans d'autres entretiens. Mais le mot bizarre, j'aime beaucoup le mot bizarre. toujours pareil dans ce petit truc qui va appeler l'œil qui va décaler quelque chose qui va interpeller qui pourra être justement jugé comme bizarre mais qui en fait transpire toute l'humanité de quelque chose d'une situation, d'un être humain, d'un paysage quelque chose d'un peu qui dénote un peu incongru ça, ça me plaît beaucoup d'essayer d'écrire à partir de ça hum J'aime beaucoup, dans les poèmes, mettre des petites phrases, un peu de trucs qui vont de soi. Ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant. La poésie, c'est un peu son rôle, ça aussi. je sais, au pire, je sais même pas, par exemple, la bouche c'est fait pour parler, bon, voilà, ça pourrait très bien se retrouver dans un de mes poèmes, ça. L'air de dire, il faut rappeler un peu les choses. Et j'ai constaté en plus, en général, que quand je les lisais à voix haute, ça faisait un peu sourire les gens, ça leur faisait un petit peu le petit, comme ça, tu sais, le petit... Et le côté un peu rieur aussi, un petit peu... Et le bizarre crée ça, crée du rieur. Et... Et ça, ça me plaît beaucoup aussi. Ça, c'est un de mes endroits de travail aussi. Mettre un peu d'autodérision, de rire dans la poésie. C'est pas que l'azur, les oiseaux. Voilà. Des choses un peu concrètes aussi.

  • Speaker #2

    C'est intéressant ce que tu dis parce que tu évoques la réaction que ça crée chez le public aussi. On a beaucoup parlé de toi, ce que tu avais envie d'exprimer. Mais qu'est-ce que tu vas chercher chez ceux qui te lisent, t'écoutent, te voient ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est ça, je crois, aussi. L'humanité, quoi, tout simplement. L'humanité, le rire, l'amour de l'incongru, du loufoque, le truc... On est sur cette terre, c'est bien pour aller chercher les choses qui ont du relief, qui vont gratter un peu quelque part pour montrer l'humanité. Je crois que c'est ça.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu accepterais de lire toute ou partie d'un de tes poèmes ? En tout cas celui qui aujourd'hui résonne le plus en toi et que tu as envie de partager ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #2

    J'ai deux livres sur trois à la main.

  • Speaker #0

    Oui, très bien,

  • Speaker #2

    très bien. J'ai ruralité et bouche fumée.

  • Speaker #0

    Je vais lire... Je regarde un peu. Bouche fumée, du coup, je pense. Allez, j'ai une là peut-être. Des fois, les livres, ça nous dépasse. Alors, est-ce que j'ai écrit une fois ? Est-ce que c'est moi qui l'ai écrit ? Non, mais vraiment. Allez, non, plutôt celui-là. Je l'ai lu moins souvent. Il mérite d'être lu. Tout part de l'envie de lier, de l'envie d'allier, de l'envie d'allier, d'aller hors de soi, de lier donc. Lier qui, comment, quoi ? Lier nos corps, nos esprits, la ronde, le collier. La poésie, ligament. La poésie est un ligament. Alors oui, tu te fais des entorses, t'as mal, mais ça délie, ça délie, ça délie les langues pour mieux relier les plexus. Après la poésie, plein de petits plexus, reliés entre eux comme ça. Et ton devoir, c'est de te mélanger, de te coller à tout le monde sans distinction, de te lier, grosse colle. La poétesse, la poétesse est une grosse colle, grosse glue la poétesse, où j'en étais. Ah oui, la glue, la glaise de la poétesse. Par mes mots, je me colle à vous, là, à votre oreille. C'est le même mot qui sort de ma bouche et qui rentre dans votre oreille. Ma bouche, elle est dans votre oreille, là. Elle se colle, toute liée, toute liante. Mes mots sont dans vos ligaments, dans vos trompes et vos tendons. Tout est lié, lié, lié, lié, là, là, là, là, là. T'as compris la lettre L, tu crois ? Pas sûr. Pas sûr, mais tes alliés sont là autour de toi. Ce sont les mots, alité près de toi, mon vieux, alitération près de toi, la poésie, un grand ligament qui ferait le tour du monde, le tour de toutes les bouches du monde. Surtout, ne ligature rien. articulation lien articulation lien la poésie articulation fragile parfois ouais attention doucement là prends soin de ton lien de ta glue et de ta glaise ma grande comme ça de la glaise à la glèbe ralentis et colle-toi à toi fibreuse de la poésie. Prends des fibres, t'as la fibre, tu le sais, étendue et sans fin, lignes courbes et longues qui collent sur tout. Il faut que tu cultives cette indéfinie, continue et immense fibre qui colle. L'immense fibre qui colle.

  • Speaker #1

    Pourquoi tu as choisi celui-ci ?

  • Speaker #0

    On a parlé de lien et de relation. Donc j'ai vu le mot lien. Et, j'avais pas prévu, parce que pareil, on écrit et puis les livres nous dépassent. J'avais un peu oublié que j'avais écrit... Ça marche très bien pour un podcast. Les mots que j'ai dans la bouche sont les mêmes qui sont dans vos oreilles, là. Et je crois que quand j'écris ça, c'était aussi une histoire de lien. Dans Nous sommes des marécages, je parle aussi pas mal de ça. On a les mêmes lieux, la même émotion source. Nos cartes se rencontrent, nos reliefs, nos mars, nos étangs. Nous sommes des marécages, nous sommes les mêmes. Enfin, comme un truc où ça se mélange un petit peu. Je pense que ça me plaît bien aussi. Ouais, c'est toujours pareil, c'est aller chercher le lien entre les gens, mais de manière différente. D'aller chercher les choses un peu... Oui, cette idée-là de dire qu'on a les mêmes mots dans la bouche que dans l'oreille, ce n'est pas un truc qu'on entend trop. La joie et la beauté de se dire qu'on peut être en lien de manière... infiniment diverses et variées. On peut être imaginatif sur ça, on peut être créatif. Quand vous rencontrez quelqu'un, vous n'êtes pas obligé de lui dire bonjour, comment tu t'appelles, tu fais quoi dans la vie et quel âge tu as. Ça peut être j'adore les chiens surtout, les coqueurs et toi, n'importe quoi. Ça, il n'y a rien de plus qui m'émeut beaucoup. D'ailleurs, je me souviens de cette image, j'avais vu une pièce de théâtre quand j'étais à Paris. Et c'était des... Au lieu de se faire des poignées de main ou des bises ou des câlins, ils se mettaient... C'était un peu de la danse. Ils se mettaient en lien par des parties du corps différentes. Et ça m'avait beaucoup émue de voir deux êtres humains faire ça, en fait. Peut-être que j'essaie de faire ça, moi, avec mon matériau, qui sont les mots.

  • Speaker #1

    Ça veut aussi dire sortir d'un mécanisme auquel on ne réfléchit plus, puisqu'on rentre en relation 99 fois sur 100, par le bonjour ça va. Donc c'est juste aussi reprendre conscience peut-être aussi du moment que l'on vit et de s'autoriser à faire un pas de côté.

  • Speaker #0

    Tout à fait, avoir une présence consciente, entière. Et en plus, ça peut aider aussi quand on n'est pas forcément à l'aise avec les normes sociales, justement. trouver d'autres chemins, un chemin de traverse. Et aussi, toujours ce fameux mot, accepter d'être bizarre, accepter le bizarre en soi, et être curieuse du bizarre des autres aussi.

  • Speaker #1

    Tu l'as abordé dans ton troisième livre, Nous sommes des marécages. C'est quoi l'idée qu'il y avait derrière ce livre, peut-être ? Est-ce que tu peux nous en reparler ? Il y avait cette idée de sortir du GPS, un peu ?

  • Speaker #0

    Tout à fait. Alors, nous sommes d'abord à cas, c'est le deuxième. C'est le deuxième, c'est entre les deux. Voilà, oui. Oui. Nous sommes des marécages, c'est un moment de ma vie où je n'ai pas de smartphone. J'ai un tout petit téléphone à 14,90€ acheté à Carrefour. Et donc voilà, déjà là, c'est un rapport au monde différent quand même à l'heure où l'on vit. Donc je pense que de fait, là aussi, j'étais dans des relations différentes aux gens, aux lieux et tout. Au temps aussi, ça change le rapport au temps énormément. Je me suis plus intéressée à la question du GPS, comment je peux me mouvoir sans pouvoir à chaque instant cartographier mon environnement, juste avec mes yeux et regarder les panneaux ou demander à des gens. Et voilà, j'ai eu envie de parler de ça, de raconter un peu ça. Le livre, à la fin, est dédié à tous ceux et à toutes celles qui se perdent. C'est pas grave. Ça me plaît bien. Ça me plaît assez de chuchoter c'est pas grave à l'oreille des gens dans ce livre. Bien. Parce qu'on est déjà assez sévère avec soi-même. Et parce que, justement, sans GPS, on rate, on se perd en fait. On ne va pas aussi vite qu'on voudrait. On ne va pas du point A au point B comme il faut. On peut éventuellement rater des trains, ne pas être à leur rendez-vous, décevoir des gens. Ça, c'était assez intéressant aussi. Ne pas être toujours dans l'hyper-performance, l'efficacité, la rapidité. Et du coup, faire d'autres rencontres et d'autres aventures. Au final, j'ai beaucoup... Je parlais à des gens avec qui je n'aurais jamais parlé. Et j'ai apprivoisé ce sentiment aussi de stress, de panique, de ne pas savoir. Je ne sais pas, on est dans une guerre inconnue, ça nous fait stresser et tout. Mais en fait, c'est un pli à prendre. Une fois que... Je pense qu'on stresse d'autant plus qu'on se déresponsabilise de sa propre capacité de savoir. Puisqu'on met tout dans le GPS, dans le téléphone. Et sous-entendu, moi, je suis capable de rien. C'est lui qui est capable de tout, le téléphone. Ça me rend triste, moi, d'imaginer qu'il y ait des vies qui n'ont plus du tout confiance dans le dehors, avec le confinement et le Covid, on a vu, ce rapport à l'extérieur qui a pu en prendre un sacré coup. Ce rapport aux gens aussi, d'avoir peur d'avoir un peu le moindre contact avec un inconnu dans la rue. Alors que bon, les chances, il arrive des malheurs, il en arrive, mais les probabilités sont quand même plutôt dans le bon sens. Donc ça, la réconciliation avec le dehors, peut-être. C'est ça, nous sommes des marécages. Parce qu'en fait, et ça c'est un ethnologue qui s'appelle Philippe Descola qui dit La nature n'existe pas, nous sommes la nature. Moi j'ai envie de dire aussi Le dehors n'existe pas, nous sommes le dehors. Je suis le dehors. Donc ouais. Ah, ça me donne envie de reprendre un petit bigot là. De rejeter mon smartphone.

  • Speaker #1

    Et donc après, nous sommes... Nos marécages ?

  • Speaker #0

    Les marécages.

  • Speaker #1

    Mais ça marche.

  • Speaker #0

    On a comme des marécages.

  • Speaker #1

    Chacun se l'approprie. Et sur le coup, tu arrives à Bouches fumées, qui est ton dernier livre. Livre, libre aussi. C'est le moment où je mélange tout.

  • Speaker #0

    Des poèmes, toi aussi.

  • Speaker #1

    Bouches fumées, ça veut dire quoi ? Il m'intrigue encore ce livre, ce titre pourtant.

  • Speaker #0

    Ouais, On en parle aussi... Ben, en fait, le fumier, donc. Parlons-en. Tu vois, c'est là où je te parlais de la sève au tout début. Ça revient. Moi, j'ai ce souvenir. Là, si je réfléchis pas trop, le fumier, pour moi, c'est plutôt... Je suis en scooter, j'ai 14-15 ans, je vais rejoindre les copines au foirail et Je suis sur la route, je suis sur mon scooter, à priori je ne suis pas à la ferme, mais en fait je sens l'odeur du fumier en roulant. C'est un peu ce mélange-là. Ça c'est pour rappeler juste un souvenir. Mais sinon le fumier c'est ce qui s'épand sur les champs pour les fertiliser, pour favoriser en tout cas la fertilisation. Et donc la bouche fumier, ça serait la bouche fertile. Les mots, la bouche qui peut justement en épandant. sont fumiers qui seraient en fait des mots. Ces mots fumiers peuvent essayer de fertiliser un peu le monde, planter des petites graines, planter des petites pousses. Et d'ailleurs, des retours qu'on me fait après m'avoir entendu le lire, c'est... Un sentiment d'autorisation. Les gens viennent... Je retiens pas mal ça, voilà. Quand nous sommes des marécages, on parlait du c'est pas grave, ça rassure Et bouche fumière, on me dit que ça donne envie aux gens de s'autoriser des trucs. Et ben pour moi, voilà, la bouche fumière, si elle a favorisé ça, si elle a fertilisé des gens qui peuvent se dire bon ben moi aussi je vais créer des trucs, moi aussi j'ai envie de dire des trucs, dire mes trucs Et voilà. Fertiliser ça.

  • Speaker #1

    Pour le coup, tu parles de ce souvenir avec l'odeur du fumier qui te suit, mais toi, tes parents ne sont pas paysans.

  • Speaker #0

    Non. Ouais.

  • Speaker #1

    Tes grands-parents l'étaient ?

  • Speaker #0

    Et mes grands-parents l'étaient, mes quatre grands-parents. Mais donc la maison où l'on se trouve, où j'ai grandi, est vraiment à 300 mètres de la ferme de ma grand-mère. Et à... à 100 mètres de la maison de mon oncle qui était agriculteur aussi. Mon cousin qui a repris la ferme. Donc, avec les vaches dans les prés aux alentours, les poules, bon voilà. Il y a quand même cette notion-là qui est toute proche, quoi. Mais oui, non, moi, mes parents ne l'étaient pas.

  • Speaker #1

    Hortense, je voudrais t'amener vers la fin de notre échange. La dernière question, elle est rituelle avec tous les invités. C'est en quoi est-ce que tu crois ?

  • Speaker #0

    Wow. ça va peut-être répéter je crois en la capacité, je crois que j'aime bien ce mot aussi de créer de la beauté des gens voilà j'ai envie juste de dire ça merci

  • Speaker #1

    beaucoup de ton temps et de tout ce que tu nous as dit.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de Finta jusqu'au bout. J'espère qu'il vous a plu, inspiré, questionné et fait voyager peut-être. Si vous souhaitez continuer la discussion, je suis toujours curieuse de vous lire et d'échanger. Je vous propose que l'on se retrouve sur Facebook, sur Instagram ou sur le site fintapodcast.fr. Vous pouvez retrouver tous les précédents épisodes de Finta gratuitement sur les applications de podcast. Et pour recevoir chaque nouvel épisode directement dans votre boîte mail, vous pouvez aussi vous abonner à la newsletter. Et pour que Finta vive, si vous appréciez le podcast et que vous souhaitez soutenir ce travail indépendant, partagez-le autour de vous. Consphérez-le à vos amis, parlez-en, c'est le meilleur soutien que vous puissiez nous apporter. A très bientôt.

  • Speaker #0

    Moi je pourrais parler de poésie très longtemps, mais peut-être dire que l'écriture c'est aussi un... Je pense que je crois aussi dans l'écriture, ça me tient aussi dans la vie. C'est quelque chose que... L'autre jour, je pensais un peu avec vertige en me disant, tiens, si je n'écrivais pas, ce serait quoi ma vie ? Donc voilà, c'est quelque chose qui tient. Et voilà, et dire que mon prochain livre sort en mai 2025 aussi. Celui-ci va s'appeler Abandon, avec un S.

  • Speaker #1

    Comme Ruralité,

  • Speaker #0

    avec un S. Un petit peu, oui. Je l'ai écrit à peu près en même temps.

  • Speaker #1

    Ok. Et pourquoi il sort 5 ans après ?

  • Speaker #0

    Il avait besoin de maturer ou de rester encore. Ce n'était pas encore son moment. Ils ont une petite vie aussi, les livres. Je ne les maîtrise pas entièrement. Merci. Merci à toi, Lola.

Description

C’est l’histoire d’une rencontre de papier, à l’étage de la Maison du livre. Il y avait ce petit recueil d’un orange mandarine qui semblait m’attendre. Et ce titre, Ruralités, qui tenait sa promesse. Au dos, Hortense Raynal, née en 1993 à Rodez, en Aveyron. Comme moi. Notre rencontre, de chair et de voix haute, a eu lieu quelques mois plus tard au Château de Taurines pour une performance poétique qui résonne encore.


Depuis, la poétesse Hortense Raynal a publié deux livres : d’abord, Nous sommes des marécages, et plus récemment, Bouche-fumier. Il faut la lire pour sentir sa puissance, il faut la voir performer pour imprimer son énergie. Sa prose, elle la dit organique, elle la façonne à partir de sa matière, dans laquelle sa sève paysanne, son enracinement, jaillit.


Portée par la puissance des réseaux sociaux, l’attrait de la poésie contemporaine se vérifie en librairie, où les jeunes plumes ont largement dépoussiéré les rayons. Hortense Raynal s’inscrit dans cette génération qui écrit, qui dit, qui incarne, qui projette sa poésie pour trouver des oreilles nouvelles, pour que ses mots dépassent toutes les barrières et viennent nous percuter.


C’est dans la maison de ses parents, accrochée sur les hauteurs d’Estaing, là où elle a grandi, qu’Hortense Raynal a choisi que nous nous retrouvions.


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Transcription

  • Speaker #0

    Tout part de l'envie de lier, de l'envie d'allier, de l'envie d'allier, d'aller hors de soi, de lier donc. Lier qui, comment, quoi ? Lier nos corps, nos esprits, la ronde, le collier. La poésie, ligament. La poésie est un ligament. Alors oui, tu te fais des entorses, t'as mal, mais ça délie, ça délie, ça délie les langues pour mieux relier les plexus. Après la poésie, plein de petits plexus. Relier entre eux comme ça. Et ton devoir, c'est de te mélanger, de te coller à tout le monde sans distinction. De te lier, grosse colle. La poétesse, la poétesse est une grosse colle. Grosse glue, la poétesse.

  • Speaker #1

    Explorer les basculements d'une époque, sentir frémir des énergies, voir les ruralités se transformer avec celles et ceux qui les provoquent. les repense, les bouscule.

  • Speaker #2

    Finta,

  • Speaker #1

    c'est le podcast qui nourrit des esprits, des envies d'agir et des espoirs très concrets à l'échelle locale. Finta donne à entendre l'Aveyron à travers celles et ceux qui ont choisi d'habiter ici et maintenant, de s'engager aujourd'hui pour demain. Je suis Lola Cross et j'arpente ce bout de campagne depuis dix ans comme journaliste. Avec Finta, je vous invite à croiser des regards,

  • Speaker #2

    à Finter de plus près.

  • Speaker #1

    Et ça commence tout de suite. C'est d'abord l'histoire d'une rencontre de papier à l'étage de la Maison du Livre. Il y avait ce petit recueil d'un orange mandarine qui semblait m'attendre, et ce titre, Ruralité, qui tenait déjà sa promesse. Odo, Hortense Renal, né en 1993 à Rodez, en Aveyron, comme moi. Notre rencontre de chair et de voix haute a eu lieu quelques mois plus tard, Ausha de Taurine, pour une performance poétique qui résonne encore. Depuis, La poétesse Hortense Reyna l'a publié deux livres. Il y a eu d'abord Nous sommes des marécages et plus récemment Bouches fumiles Il faut la lire pour sentir sa puissance. Il faut la voir performer pour imprimer son énergie. Sa prose, elle l'a dit organique. Elle la façonne à partir de sa matière dans laquelle sa sève paysanne, son enracinement, jaillit. Portée par la puissance des réseaux sociaux, l'attrait de la poésie contemporaine se vérifie en librairie. où les jeunes plumes ont largement dépoussiéré les rayons. Hortense Reynal s'inscrit dans cette génération qui écrit,

  • Speaker #0

    qui dit,

  • Speaker #1

    qui incarne, qui danse, qui projette sa poésie pour trouver des oreilles nouvelles, pour que ses mots dépassent toutes les barrières et viennent nous percuter. C'est dans la maison de ses parents, accrochée sur les hauteurs d'Estaing, là où elle a grandi, qu'Hortense Reynal a choisi que nous nous retrouvions.

  • Speaker #0

    Alors aujourd'hui, on se trouve dans la maison où j'ai grandi. Donc on est chez mes parents. Et là, on est dans la pièce qui s'appelle le petit salon, qui a été refaite quand j'avais à peu près 10 ans, et c'est l'ancien grenier. Donc voilà, et on est juste à côté de ma chambre d'enfance, du coup, et à la ponçarderie, à Estin. Maintenant, il y a eu une... des mises à jour des adresses. C'est marrant, ils nous ont dit Non, maintenant, vous habitez 15 routes du Pueche. Par contre, le Pueche, c'est le point le plus haut. Donc, on est assez en hauteur.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qu'il dit de toi, ce lieu ?

  • Speaker #0

    C'est là où j'ai grandi. C'est le décor... le décor de mon enfance. C'est là où j'ai évolué. Et pas loin, il y avait mes grands-parents, il y avait le reste de ma famille. Et gamine, c'était quand même un territoire où je pouvais gambader tranquillement. Il n'y avait pas de question de où tu vas, à quelle heure, qu'est-ce que tu fais. C'était vraiment quand même... C'était assez vaste, finalement. comme territoire où évoluer, enfin.

  • Speaker #2

    Et tu avais des amis, là, dans le hameau ?

  • Speaker #0

    Et j'avais mes cousins, en fait. J'avais mes cousins, et moi, j'ai deux grands frères. Donc on était une petite bande de sept à évoluer là-dedans.

  • Speaker #2

    Tu as cité dans une interview récemment une phrase de Marguerite Yourcenar, L'endroit d'où l'on vient n'est pas forcément celui où l'on est, mais celui que l'on questionne pour la première fois. Comment ça résonne avec ton histoire ?

  • Speaker #0

    Je pense que ça peut être en rapport avec la perte de ma grand-mère en 2018, qui n'habitait pas exactement dans cette maison-là. dans la sienne, un peu plus loin et je pense à partir de ce moment là que je me suis posé la question de la filiation la filiation féminine d'où je viens comment vivaient les femmes et les couples avant moi. Et peut-être c'est à partir de ce point-là, l'entrée a été plus ma grand-mère que ma propre enfance finalement, pour me poser la question d'où je viens.

  • Speaker #2

    Si tu suis en tout cas ce que dit Roussenard, en quoi tu l'as questionné toi ce lieu ? Qu'est-ce qui l'a éclairé chez toi peut-être alors qu'au décès de ta grand-mère ?

  • Speaker #0

    À ce moment-là, j'étais étudiante à Paris. Tu vois, et j'étais en études de lettres. Et comment dire ? J'avais déjà eu des petites remarques sur mon accent, puis je me rendais bien compte, je faisais une grande école après une classe préparatoire, je me rendais bien compte qu'au niveau d'où les gens venaient, les milieux ruraux étaient quand même relativement rares, et je me suis dit tiens, donc déjà. Et lorsque j'ai perdu ma grand-mère, Je me suis dit qu'elle était représentante de tout un monde qui disparaissait. Pas qu'un monde qui contient un langage, des langues, des gestes, une manière d'être, une manière d'habiter. Et c'est ça que j'ai questionné, je pense. Ce monde qui disparaissait, pour me demander à quel point il était constitutif de moi. Ou pas, d'ailleurs, puisque forcément, des choses ont évolué. Je ne vis pas comme ma grand-mère le vivait. Mais je m'en sentais proche.

  • Speaker #2

    Et quand tu dis que ça disparaît, ça veut dire que tu étais consciente à ce moment-là ? que ce sont des manières d'habiter qui n'avaient pas été transmises déjà à la génération de tes parents ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a une prise de conscience. Et puis, moi, j'avais déjà perdu mes grands-parents du côté de mon père. Et mon grand-père n'était pas dans un état... Il était en maison de retraite. Donc, très physiquement, la maison n'était plus habitée. Elle allait trouver un autre avenir de maison. Et donc, très physiquement, les lieux devenaient déserts aussi de quelque chose. donc il y a aussi ça qui est important je trouve, le côté physique

  • Speaker #2

    Tu dis aussi que le lien à tes racines aveyronnaises notamment tapisse le décor de ton imaginaire intérieur qu'est-ce que ça veut dire ça ?

  • Speaker #0

    Ça veut dire que même quand encore là aujourd'hui ça a un peu évolué mais que même quand j'essaye d'écrire autre chose je vais écrire un peu à partir de ça... J'appelle ça la sève. Il y a comme une sève qui est là, comme la sève est dans un arbre. Et que même si je tourne autour, elle est forcément là. Donc ça peut se traduire par, dans le cas de ma pratique à moi, qui est celle de l'écriture, ça peut se traduire par des choix de vocabulaire, des choix d'image, où tu te dis, ah tiens, là, il y a un peu de ça qui se joue, alors que j'écris sur autre chose, tu vois. C'est un peu dans ce sens-là, oui.

  • Speaker #2

    Et ça encore, tu l'observes depuis le décès de ta grand-mère ou c'est des prises de conscience que tu as eues plus jeune ?

  • Speaker #0

    Non, c'est depuis là.

  • Speaker #2

    Oui, il y a eu un nœud en 2018. Oui, c'est ça. Qui a été concomitant du coup avec le début de ma pratique d'écriture. Après, j'écrivais quand même. J'étais une adolescente qui écrivait. Je ne sais pas, je n'ai pas l'impression non plus d'avoir été une adolescente qui écrivait, écrivait à fond. Comme on a un peu discuté là à Orchans, je faisais du sport aussi. Ce n'était pas spécialement, comment dire, une enfant dans les livres. J'avais un peu une pratique d'écriture, je me dis comme je pense beaucoup d'ados. Et vraiment en 2018, voilà, là je me dis que oui, il y a... une fertilité quoi, un oeuf en fait. À quand remonte ta rencontre avec la poésie vraiment ? Quels sont tes premiers souvenirs ?

  • Speaker #0

    J'ai souvent la classe de CE2 où on doit réciter pour faire le portrait d'un oiseau de Prévert, peindre le portrait de l'oiseau, quelque chose comme ça. C'est dans Paroles, et c'est un poème où Prévert s'amuse à mélanger un peu fiction et réalité. Il parle d'un tableau, et à la fois l'oiseau devient réel. En fait, comme il dit, il suffit de peindre l'oiseau pour qu'il existe, il suffit de peindre la porte ouverte de la cage pour qu'il s'envole. À la fin du poème, le... Le peintre a ouvert la cage et l'oiseau n'est plus dans le tableau. Il y a une espèce de mélange. Si j'écris un mot, il devient réel. Je pense que ça a joué, ça. Et aussi, je sais qu'on était à l'école primaire Jean Monnet, à Espalion, dans la salle centrale, là, qui était une salle d'expression toute ronde au centre de l'école. Avec le recul, je trouve que c'est super bien d'avoir une salle un peu vide où tout est possible au centre d'une école. Et on était là, et on devait... On avait chacun, chacune, un vers à réciter. Et on était en groupe, comme ça, et dès qu'il fallait réciter, il fallait s'avancer, pour le dire, voilà. Et il fallait revenir ensuite dans le groupe. Et peut-être que, à ce moment-là aussi, j'ai enregistré le côté corps et poésie en même temps. Parce que c'était pas du théâtre, exactement, en fait. C'était pas ça. Du coup, je pense que je vais se souvenir qu'il est pas mal ancré.

  • Speaker #2

    Tu en parles de la place du corps, parce que tes poèmes, aujourd'hui, ils prennent corps. Tu les incarnes dans des performances. Donc là, si tu te replaces dans ton souvenir, il y a le fait juste de s'avancer d'abord pour réciter ton vers. Mais qu'est-ce qu'il permet d'autre, le corps ? En quoi il a sa place dans la poésie ? Qu'est-ce qu'il dit de plus ou différemment ?

  • Speaker #0

    Parler ? c'est pas que prendre une place sonore c'est aussi prendre sa place très physique dans le monde et aujourd'hui ça se vérifie dans plein d'autres domaines, prendre la parole ne pas se taire, c'est exister c'est avoir une existence et le faire si en plus on peut le faire aussi se mettre en mouvement je pense aussi que se mettre en mouvement et être actif, active être Dans sa pleine capacité de mouvement de corps, c'est pareil, ça existait aussi. Et les deux ensemble, alors là...

  • Speaker #2

    Oui, ça rejoint aussi la place que tu donnes à la voix haute. Tu les as aussi enregistrées, certains de tes poèmes, qui sont devenus des podcasts. C'est cette même idée-là, en fait, que la poésie, pour toi, la tienne en tout cas, elle ne reste pas que dans tes bouquins et dans tes recueils. Elle prend vie sous toutes ses formes. C'est ça que tu l'as tout de suite conscientisé dans ton travail ?

  • Speaker #0

    Conscientisé ? Pas vraiment. Je crois que j'ai quand même beaucoup cherché, beaucoup pas forcément, entre guillemets, compris ce que je faisais tout de suite, non. Mais en tout cas, maintenant, à l'aune des quatre ans qui viennent s'écouler depuis le début de ma première résidence de poésie, et trois ans depuis mon premier livre, je peux dire que je crois que ce qui est aussi important pour moi, c'est justement de... Ne pas venir d'un milieu de l'écrit, de la poésie, de la littérature. Beaucoup de gens viennent me voir en me disant Ah ben, en fait, la poésie, quand elle est dite, je la reçois beaucoup mieux, voire je la reçois tout court, que si je devais ouvrir un livre. Et aussi, il y a de l'aveu de Oh, j'aurais pas ouvert, moi, les livres. Je préfère vous écouter, je préfère écouter. Et je crois qu'il y a... Maintenant, plus consciemment et inconsciemment, ce truc de... Vu que je ne viens pas de là, j'ai envie que les gens, ça soit accessible aussi. Chose qui ne serait pas le cas si je me contentais d'écrire mes bouquins et de faire des lectures très... Comment dire ?

  • Speaker #2

    Académique ?

  • Speaker #0

    Académique, merci. Oui, c'est ça.

  • Speaker #2

    Comment tu... Ta prose, on la décrit comme organique, macérée. Il y a plusieurs mots comme ça qui reviennent de critiques, notamment. Toi, quels sont les mots que tu mets dessus ?

  • Speaker #0

    Moi, je dis toujours que j'écris avec de la matière et pas sur un sujet. Je pense que c'est ça pour moi, le langage. J'en fais tellement un peu ce que je veux que... Le langage, c'est comme une matière dans laquelle se plonger et aller le pétrir, le bouger. Voilà, les mots peuvent prendre des formes différentes. Moi, j'utilise beaucoup ce mot de matière. Comme une artisane, comme une ébéniste, qui irait prendre sa matière, le bois ou l'angère, son pain, et donner la forme qu'on veut. Parce qu'en plus, finalement, très... Si on observe les poèmes, c'est pareil, de loin on peut voir que ça a des formes complètement différentes. de la prose classique ou le roman.

  • Speaker #2

    Tu t'amuses aussi avec la mise en page ?

  • Speaker #0

    Oui, voilà. C'est ça que tu veux dire ? Oui, c'est ça. Faire correspondre le rythme des mots avec l'émotion, ce qui veut être dit, que ça corresponde le plus possible. Donc, couper, aller à la ligne, quand il faut, quand on le ressent. Donc, voilà, matière. Organique, ça me va très bien aussi, avec ce côté de... Il n'y a pas que le cerveau et la bouche qui parlent, il y a un peu tout, tous les organes, tout peut parler dans un corps.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que tu as envie de dire, toi ? Qu'est-ce que tu as envie d'exprimer ? Pourquoi tu as choisi la poésie comme médium d'expression, peut-être ? Mais ce serait quoi le message, si tu arrivais à le définir ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'au fond, c'est arriver à dire que putain, merde, l'être humain, il est capable d'une grande palette d'émotions. Et être vivant et vivante, c'est grandiose en fait. Il y a peut-être parfois une sorte de petite... colère de rétrécir l'expérience humaine que se dire c'est comme ça que se font les choses ça s'assied alors qu'en fait si on est à l'écouté du sensible dont on est capable c'est et je crois que peut-être j'ai envie d'essayer de dire de le dire ça c'est énorme c'est vraiment une montagne mais ouais ça serait ça arriver à exprimer la la la grande capacité vivante de l'être et de l'expérience du monde. Voilà. Avoir conscience, essayer de dire aux gens, ayez conscience de ce grandiose de nos capacités.

  • Speaker #2

    Je sais qu'on te pose souvent la question, qu'est-ce qu'elle peut, la poésie ? Et j'aime bien cette réponse que tu avais déjà apportée. Tu dis, la poésie apporte une réponse collective à la détérioration du tissu relationnel entre les individus, mais aussi entre les individus et les autres espèces, entre les individus avec leur environnement, et entre les individus et les forces qui les dépassent. Qu'est-ce que tu entends par cette grande définition de ce que peut la poésie ?

  • Speaker #0

    Là, c'était... Beaucoup quand j'étais concentrée sur le côté de la relation, du lien qu'on peut avoir avec... Donc là, je fais la différence entre les humains, l'environnement et le grand mystère. Et c'est une notion aussi qui m'intéresse énormément dans le dialogue, la conversation. Tu vois là aussi ce qu'on est en train de faire. Toujours pareil, je crois, ce souci de dire qu'on a une grande diversité dans la palette, de se mettre en relation avec les choses. Il n'y a pas juste une seule manière de se mettre en relation avec un être humain. Il y en a une infinité. Pareil pour l'environnement. Et aussi parler de ces grandes choses qui nous dépassent. Et moi, je crois que dans ma poésie, il y a aussi ça qui m'intéresse. Le côté, le grand, l'infiniment grand, le cosmos. C'est comme si je n'oubliais jamais que j'étais juste un être humain sur une Terre, dans la galaxie, dans une conscience du vaste. J'aime bien dire ça aussi à Poésie, c'est une conscience du vaste. Conscience qu'on se situe dans un énorme microcosme et que la vie n'est pas toute petite. Que la poésie, elle peut... à chaque instant, rappeler aux individus qu'ils la lisent, ou l'écrivent, ou s'y intéressent. Ouais, voilà, cette conscience du vaste, qui permet du coup de se sentir peut-être... plus serein avec les autres. À chaque instant, ne pas oublier qu'on est dans tout ce grand système. Et je trouve que ça relativise énormément les petits soucis, les choses pratico-pratiques.

  • Speaker #2

    Et si elle est un acte de résistance alors, elle l'est contre quoi la poésie ?

  • Speaker #0

    Oh ben contre l'utilisation efficace du langage, d'avoir... Voilà, si j'ai envie de lire un poème, au lieu d'avoir une parole qui va être complètement efficace avec quelqu'un, ben voilà, le faire. C'est comme danser, quoi. Moi, je n'utilise pas mon corps pour aller de un point A à un point B ou pour faire des choses absolument nécessaires, on est bien d'accord, comme dormir et manger. Je l'utilise pour faire quelque chose qui, a priori, ne va pas donner un résultat, mais qui, en fait, va chercher la beauté. Chercher la beauté, c'est un acte de résistance aussi, je pense, parce que c'est quand même un effort. Ça peut être un effort. C'est déjà pas mal, je crois.

  • Speaker #2

    Je voudrais t'amener peut-être sur une autre chambre de ta vie. Celui qui a trait à la jeunesse, le rapport entre la jeunesse et la ruralité. Tu en parlais tout à l'heure quand tu es partie pour tes études, notamment. Il y a ce premier arrachement à la terre, en un sens. Et il est paru des portraits de toi qui disaient que tu étais... tiraillé peut-être entre des sentiments d'une néo-urbaine et ceux de souvenirs d'enfance. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que tu te reconnais dans ce tiraillement ? Et est-ce qu'il est toujours d'actualité ?

  • Speaker #0

    Alors non, il est moins d'actualité maintenant. Je pense que c'était quelque chose, surtout en rapport avec mon premier livre, Ruralité. Là, je pense que c'est constitutif d'une partie de mon identité. Et peut-être aujourd'hui, j'ai compris que la notion de ruralité, de parler aussi du monde paysan, c'était à l'intérieur de ma pratique, qui est la pratique de l'écriture et de la poésie, et qui elle-même est beaucoup plus définitoire de mon identité. Et qui donc... n'a pas forcément de lien avec le monde rural et dans son activité physique, au jour le jour. Moi, je suis plutôt en train de créer, de faire de la scène. Par contre, c'est ma matière. C'est quelque chose dont je peux parler, c'est quelque chose que je ressens, quelque chose que j'ai gardé depuis mon enfance. Il y a des choses qui sont restées. Je te parlais de la manière de bouger dans les lieux, peut-être que j'ai gardé ça. de l'utilisation des mots, peut-être quelques traces d'accent. Voilà, mais moi, je ne peux pas dire qu'aujourd'hui, moi j'habite un milieu rural, mais je n'habite pas du tout un milieu agricole, paysan. Donc ce n'est plus mon monde.

  • Speaker #2

    Mais c'est le cas de beaucoup d'habitants du monde rural aussi, puisque l'agriculture n'est plus au cœur de l'économie rurale, dans le sens où ça concerne... En avérant, je n'ai plus le chiffre en tête, mais c'est moins de 5% des actifs qui travaillent aujourd'hui dans l'agriculture.

  • Speaker #0

    Oui, c'est faux.

  • Speaker #2

    En réalité, donc, c'est plus que ça. Et comment on se définit ?

  • Speaker #0

    Oui, le XXe siècle, voilà, ça a été la grande traversée du XXe siècle vers ce fameux tentage.

  • Speaker #2

    tout à fait tu t'es aussi beaucoup exprimé sur le sentiment d'un système de reproduction sociale et aussi de violence qui va avec, d'une violence symbolique qui renvoie toujours aux origines ça, ça m'a marqué de toi est-ce que tu parles des origines sociales, des origines géographiques ?

  • Speaker #0

    alors ça c'est quand j'étais en études donc là maintenant Ça fait quand même 5 ans que j'ai fini. Donc, c'était vraiment un ressenti quand j'étais en études. Là, je le ressens moins, parce que j'ai la chance d'évoluer quand même là, au sein de... Je fais des résidences, je fais des dates dans les grandes institutions. Donc, je vois beaucoup moins l'espèce de plafond de verre qui serait dû au fait que je sois... issu de l'univers intellectuel du quartier latin parisien. Il y a un peu plus de diversité, je pense, qu'on croit en littérature. Peut-être un peu plus en poésie, encore plus que dans le roman. Donc c'est un sujet, un thème de réflexion qui est moins là dans mon... actuelle quoi. C'était vraiment quand j'étais en études.

  • Speaker #2

    Parce que tu l'as ressenti ?

  • Speaker #0

    Parce que j'étais vraiment au coeur du quartier latin parisien quoi. Maintenant là j'y vis plus et j'ai aligné un peu plus ma manière de vivre. Voilà, c'est ça.

  • Speaker #2

    Mais ça veut dire quoi ? On te renvoyait à quoi concrètement ?

  • Speaker #0

    L'accent, tout de suite. L'accent, c'était vraiment beaucoup... C'est une des principales remarques. C'est là que je me suis renseignée sur la notion de glottophobie, juste comme ça.

  • Speaker #2

    La discrimination par l'accent ?

  • Speaker #0

    Voilà, par l'accent, et souvent par l'accent intra-franco-français.

  • Speaker #2

    T'en es arrivé à quoi sur cette réflexion sur la glottophobie ?

  • Speaker #0

    J'ai compris que c'était un enjeu de pouvoir. Tu comprends mieux pourquoi tu le lisses un peu, tu le modifies quand t'es dans une situation un petit peu... Comme moi, j'ai fait des stages au monde, au monde des livres. J'ai fait des stages à France Culture quand j'étais en études. Ou quand tu passes des euros, tu te vois en train de faire un petit peu comme ça et tu fais Ah, en fait, voilà, c'est pour ça

  • Speaker #2

    C'est intéressant tout ce que tu dis, parce que moi j'ai relu tes trois bouquins là aujourd'hui. Donc en fait j'ai fait un tout de ces trois bouquins à l'instant T. Mais en fait ce que tu dis, c'est que tu as largement cheminé. Tu en es où aujourd'hui alors de tes réflexions ? Qu'est-ce qui t'occupe aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Donc là, le troisième livre est sorti en mars. Nous sommes en octobre, donc il a quelques mois.

  • Speaker #2

    Donc bouche fumée.

  • Speaker #0

    Bouche fumée. Et lui, c'est mon art poétique, c'est-à-dire la manière dont je perçois la poésie, pour moi. Un peu ma définition de la poésie. À force de lire plein de textes qui disent la poésie c'est ceci, la poésie c'est cela avoir envie d'ajouter. à cette mosaïque, ma définition. Et donc j'en suis là. Et j'en suis plutôt au stade où, comme je te disais, c'est beaucoup moins tiraillé. C'est comme si j'avais fabriqué mes outils d'écriture et là je m'en servais. Tout en continuant à en fabriquer d'autres qui vont être moins ancrées dans l'enfance.

  • Speaker #2

    Elle est peut-être un peu triviale, cette question, mais qu'est-ce qui t'inspire, toi, aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, maintenant, ce n'est pas trivial, puisque, justement, le premier livre, c'était beaucoup l'enfance, etc. Et aujourd'hui, effectivement, j'ai d'autres matières à inspiration. J'aime beaucoup, j'en parle beaucoup de ce mot. Ça sera dans d'autres entretiens. Mais le mot bizarre, j'aime beaucoup le mot bizarre. toujours pareil dans ce petit truc qui va appeler l'œil qui va décaler quelque chose qui va interpeller qui pourra être justement jugé comme bizarre mais qui en fait transpire toute l'humanité de quelque chose d'une situation, d'un être humain, d'un paysage quelque chose d'un peu qui dénote un peu incongru ça, ça me plaît beaucoup d'essayer d'écrire à partir de ça hum J'aime beaucoup, dans les poèmes, mettre des petites phrases, un peu de trucs qui vont de soi. Ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant. La poésie, c'est un peu son rôle, ça aussi. je sais, au pire, je sais même pas, par exemple, la bouche c'est fait pour parler, bon, voilà, ça pourrait très bien se retrouver dans un de mes poèmes, ça. L'air de dire, il faut rappeler un peu les choses. Et j'ai constaté en plus, en général, que quand je les lisais à voix haute, ça faisait un peu sourire les gens, ça leur faisait un petit peu le petit, comme ça, tu sais, le petit... Et le côté un peu rieur aussi, un petit peu... Et le bizarre crée ça, crée du rieur. Et... Et ça, ça me plaît beaucoup aussi. Ça, c'est un de mes endroits de travail aussi. Mettre un peu d'autodérision, de rire dans la poésie. C'est pas que l'azur, les oiseaux. Voilà. Des choses un peu concrètes aussi.

  • Speaker #2

    C'est intéressant ce que tu dis parce que tu évoques la réaction que ça crée chez le public aussi. On a beaucoup parlé de toi, ce que tu avais envie d'exprimer. Mais qu'est-ce que tu vas chercher chez ceux qui te lisent, t'écoutent, te voient ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est ça, je crois, aussi. L'humanité, quoi, tout simplement. L'humanité, le rire, l'amour de l'incongru, du loufoque, le truc... On est sur cette terre, c'est bien pour aller chercher les choses qui ont du relief, qui vont gratter un peu quelque part pour montrer l'humanité. Je crois que c'est ça.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu accepterais de lire toute ou partie d'un de tes poèmes ? En tout cas celui qui aujourd'hui résonne le plus en toi et que tu as envie de partager ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #2

    J'ai deux livres sur trois à la main.

  • Speaker #0

    Oui, très bien,

  • Speaker #2

    très bien. J'ai ruralité et bouche fumée.

  • Speaker #0

    Je vais lire... Je regarde un peu. Bouche fumée, du coup, je pense. Allez, j'ai une là peut-être. Des fois, les livres, ça nous dépasse. Alors, est-ce que j'ai écrit une fois ? Est-ce que c'est moi qui l'ai écrit ? Non, mais vraiment. Allez, non, plutôt celui-là. Je l'ai lu moins souvent. Il mérite d'être lu. Tout part de l'envie de lier, de l'envie d'allier, de l'envie d'allier, d'aller hors de soi, de lier donc. Lier qui, comment, quoi ? Lier nos corps, nos esprits, la ronde, le collier. La poésie, ligament. La poésie est un ligament. Alors oui, tu te fais des entorses, t'as mal, mais ça délie, ça délie, ça délie les langues pour mieux relier les plexus. Après la poésie, plein de petits plexus, reliés entre eux comme ça. Et ton devoir, c'est de te mélanger, de te coller à tout le monde sans distinction, de te lier, grosse colle. La poétesse, la poétesse est une grosse colle, grosse glue la poétesse, où j'en étais. Ah oui, la glue, la glaise de la poétesse. Par mes mots, je me colle à vous, là, à votre oreille. C'est le même mot qui sort de ma bouche et qui rentre dans votre oreille. Ma bouche, elle est dans votre oreille, là. Elle se colle, toute liée, toute liante. Mes mots sont dans vos ligaments, dans vos trompes et vos tendons. Tout est lié, lié, lié, lié, là, là, là, là, là. T'as compris la lettre L, tu crois ? Pas sûr. Pas sûr, mais tes alliés sont là autour de toi. Ce sont les mots, alité près de toi, mon vieux, alitération près de toi, la poésie, un grand ligament qui ferait le tour du monde, le tour de toutes les bouches du monde. Surtout, ne ligature rien. articulation lien articulation lien la poésie articulation fragile parfois ouais attention doucement là prends soin de ton lien de ta glue et de ta glaise ma grande comme ça de la glaise à la glèbe ralentis et colle-toi à toi fibreuse de la poésie. Prends des fibres, t'as la fibre, tu le sais, étendue et sans fin, lignes courbes et longues qui collent sur tout. Il faut que tu cultives cette indéfinie, continue et immense fibre qui colle. L'immense fibre qui colle.

  • Speaker #1

    Pourquoi tu as choisi celui-ci ?

  • Speaker #0

    On a parlé de lien et de relation. Donc j'ai vu le mot lien. Et, j'avais pas prévu, parce que pareil, on écrit et puis les livres nous dépassent. J'avais un peu oublié que j'avais écrit... Ça marche très bien pour un podcast. Les mots que j'ai dans la bouche sont les mêmes qui sont dans vos oreilles, là. Et je crois que quand j'écris ça, c'était aussi une histoire de lien. Dans Nous sommes des marécages, je parle aussi pas mal de ça. On a les mêmes lieux, la même émotion source. Nos cartes se rencontrent, nos reliefs, nos mars, nos étangs. Nous sommes des marécages, nous sommes les mêmes. Enfin, comme un truc où ça se mélange un petit peu. Je pense que ça me plaît bien aussi. Ouais, c'est toujours pareil, c'est aller chercher le lien entre les gens, mais de manière différente. D'aller chercher les choses un peu... Oui, cette idée-là de dire qu'on a les mêmes mots dans la bouche que dans l'oreille, ce n'est pas un truc qu'on entend trop. La joie et la beauté de se dire qu'on peut être en lien de manière... infiniment diverses et variées. On peut être imaginatif sur ça, on peut être créatif. Quand vous rencontrez quelqu'un, vous n'êtes pas obligé de lui dire bonjour, comment tu t'appelles, tu fais quoi dans la vie et quel âge tu as. Ça peut être j'adore les chiens surtout, les coqueurs et toi, n'importe quoi. Ça, il n'y a rien de plus qui m'émeut beaucoup. D'ailleurs, je me souviens de cette image, j'avais vu une pièce de théâtre quand j'étais à Paris. Et c'était des... Au lieu de se faire des poignées de main ou des bises ou des câlins, ils se mettaient... C'était un peu de la danse. Ils se mettaient en lien par des parties du corps différentes. Et ça m'avait beaucoup émue de voir deux êtres humains faire ça, en fait. Peut-être que j'essaie de faire ça, moi, avec mon matériau, qui sont les mots.

  • Speaker #1

    Ça veut aussi dire sortir d'un mécanisme auquel on ne réfléchit plus, puisqu'on rentre en relation 99 fois sur 100, par le bonjour ça va. Donc c'est juste aussi reprendre conscience peut-être aussi du moment que l'on vit et de s'autoriser à faire un pas de côté.

  • Speaker #0

    Tout à fait, avoir une présence consciente, entière. Et en plus, ça peut aider aussi quand on n'est pas forcément à l'aise avec les normes sociales, justement. trouver d'autres chemins, un chemin de traverse. Et aussi, toujours ce fameux mot, accepter d'être bizarre, accepter le bizarre en soi, et être curieuse du bizarre des autres aussi.

  • Speaker #1

    Tu l'as abordé dans ton troisième livre, Nous sommes des marécages. C'est quoi l'idée qu'il y avait derrière ce livre, peut-être ? Est-ce que tu peux nous en reparler ? Il y avait cette idée de sortir du GPS, un peu ?

  • Speaker #0

    Tout à fait. Alors, nous sommes d'abord à cas, c'est le deuxième. C'est le deuxième, c'est entre les deux. Voilà, oui. Oui. Nous sommes des marécages, c'est un moment de ma vie où je n'ai pas de smartphone. J'ai un tout petit téléphone à 14,90€ acheté à Carrefour. Et donc voilà, déjà là, c'est un rapport au monde différent quand même à l'heure où l'on vit. Donc je pense que de fait, là aussi, j'étais dans des relations différentes aux gens, aux lieux et tout. Au temps aussi, ça change le rapport au temps énormément. Je me suis plus intéressée à la question du GPS, comment je peux me mouvoir sans pouvoir à chaque instant cartographier mon environnement, juste avec mes yeux et regarder les panneaux ou demander à des gens. Et voilà, j'ai eu envie de parler de ça, de raconter un peu ça. Le livre, à la fin, est dédié à tous ceux et à toutes celles qui se perdent. C'est pas grave. Ça me plaît bien. Ça me plaît assez de chuchoter c'est pas grave à l'oreille des gens dans ce livre. Bien. Parce qu'on est déjà assez sévère avec soi-même. Et parce que, justement, sans GPS, on rate, on se perd en fait. On ne va pas aussi vite qu'on voudrait. On ne va pas du point A au point B comme il faut. On peut éventuellement rater des trains, ne pas être à leur rendez-vous, décevoir des gens. Ça, c'était assez intéressant aussi. Ne pas être toujours dans l'hyper-performance, l'efficacité, la rapidité. Et du coup, faire d'autres rencontres et d'autres aventures. Au final, j'ai beaucoup... Je parlais à des gens avec qui je n'aurais jamais parlé. Et j'ai apprivoisé ce sentiment aussi de stress, de panique, de ne pas savoir. Je ne sais pas, on est dans une guerre inconnue, ça nous fait stresser et tout. Mais en fait, c'est un pli à prendre. Une fois que... Je pense qu'on stresse d'autant plus qu'on se déresponsabilise de sa propre capacité de savoir. Puisqu'on met tout dans le GPS, dans le téléphone. Et sous-entendu, moi, je suis capable de rien. C'est lui qui est capable de tout, le téléphone. Ça me rend triste, moi, d'imaginer qu'il y ait des vies qui n'ont plus du tout confiance dans le dehors, avec le confinement et le Covid, on a vu, ce rapport à l'extérieur qui a pu en prendre un sacré coup. Ce rapport aux gens aussi, d'avoir peur d'avoir un peu le moindre contact avec un inconnu dans la rue. Alors que bon, les chances, il arrive des malheurs, il en arrive, mais les probabilités sont quand même plutôt dans le bon sens. Donc ça, la réconciliation avec le dehors, peut-être. C'est ça, nous sommes des marécages. Parce qu'en fait, et ça c'est un ethnologue qui s'appelle Philippe Descola qui dit La nature n'existe pas, nous sommes la nature. Moi j'ai envie de dire aussi Le dehors n'existe pas, nous sommes le dehors. Je suis le dehors. Donc ouais. Ah, ça me donne envie de reprendre un petit bigot là. De rejeter mon smartphone.

  • Speaker #1

    Et donc après, nous sommes... Nos marécages ?

  • Speaker #0

    Les marécages.

  • Speaker #1

    Mais ça marche.

  • Speaker #0

    On a comme des marécages.

  • Speaker #1

    Chacun se l'approprie. Et sur le coup, tu arrives à Bouches fumées, qui est ton dernier livre. Livre, libre aussi. C'est le moment où je mélange tout.

  • Speaker #0

    Des poèmes, toi aussi.

  • Speaker #1

    Bouches fumées, ça veut dire quoi ? Il m'intrigue encore ce livre, ce titre pourtant.

  • Speaker #0

    Ouais, On en parle aussi... Ben, en fait, le fumier, donc. Parlons-en. Tu vois, c'est là où je te parlais de la sève au tout début. Ça revient. Moi, j'ai ce souvenir. Là, si je réfléchis pas trop, le fumier, pour moi, c'est plutôt... Je suis en scooter, j'ai 14-15 ans, je vais rejoindre les copines au foirail et Je suis sur la route, je suis sur mon scooter, à priori je ne suis pas à la ferme, mais en fait je sens l'odeur du fumier en roulant. C'est un peu ce mélange-là. Ça c'est pour rappeler juste un souvenir. Mais sinon le fumier c'est ce qui s'épand sur les champs pour les fertiliser, pour favoriser en tout cas la fertilisation. Et donc la bouche fumier, ça serait la bouche fertile. Les mots, la bouche qui peut justement en épandant. sont fumiers qui seraient en fait des mots. Ces mots fumiers peuvent essayer de fertiliser un peu le monde, planter des petites graines, planter des petites pousses. Et d'ailleurs, des retours qu'on me fait après m'avoir entendu le lire, c'est... Un sentiment d'autorisation. Les gens viennent... Je retiens pas mal ça, voilà. Quand nous sommes des marécages, on parlait du c'est pas grave, ça rassure Et bouche fumière, on me dit que ça donne envie aux gens de s'autoriser des trucs. Et ben pour moi, voilà, la bouche fumière, si elle a favorisé ça, si elle a fertilisé des gens qui peuvent se dire bon ben moi aussi je vais créer des trucs, moi aussi j'ai envie de dire des trucs, dire mes trucs Et voilà. Fertiliser ça.

  • Speaker #1

    Pour le coup, tu parles de ce souvenir avec l'odeur du fumier qui te suit, mais toi, tes parents ne sont pas paysans.

  • Speaker #0

    Non. Ouais.

  • Speaker #1

    Tes grands-parents l'étaient ?

  • Speaker #0

    Et mes grands-parents l'étaient, mes quatre grands-parents. Mais donc la maison où l'on se trouve, où j'ai grandi, est vraiment à 300 mètres de la ferme de ma grand-mère. Et à... à 100 mètres de la maison de mon oncle qui était agriculteur aussi. Mon cousin qui a repris la ferme. Donc, avec les vaches dans les prés aux alentours, les poules, bon voilà. Il y a quand même cette notion-là qui est toute proche, quoi. Mais oui, non, moi, mes parents ne l'étaient pas.

  • Speaker #1

    Hortense, je voudrais t'amener vers la fin de notre échange. La dernière question, elle est rituelle avec tous les invités. C'est en quoi est-ce que tu crois ?

  • Speaker #0

    Wow. ça va peut-être répéter je crois en la capacité, je crois que j'aime bien ce mot aussi de créer de la beauté des gens voilà j'ai envie juste de dire ça merci

  • Speaker #1

    beaucoup de ton temps et de tout ce que tu nous as dit.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de Finta jusqu'au bout. J'espère qu'il vous a plu, inspiré, questionné et fait voyager peut-être. Si vous souhaitez continuer la discussion, je suis toujours curieuse de vous lire et d'échanger. Je vous propose que l'on se retrouve sur Facebook, sur Instagram ou sur le site fintapodcast.fr. Vous pouvez retrouver tous les précédents épisodes de Finta gratuitement sur les applications de podcast. Et pour recevoir chaque nouvel épisode directement dans votre boîte mail, vous pouvez aussi vous abonner à la newsletter. Et pour que Finta vive, si vous appréciez le podcast et que vous souhaitez soutenir ce travail indépendant, partagez-le autour de vous. Consphérez-le à vos amis, parlez-en, c'est le meilleur soutien que vous puissiez nous apporter. A très bientôt.

  • Speaker #0

    Moi je pourrais parler de poésie très longtemps, mais peut-être dire que l'écriture c'est aussi un... Je pense que je crois aussi dans l'écriture, ça me tient aussi dans la vie. C'est quelque chose que... L'autre jour, je pensais un peu avec vertige en me disant, tiens, si je n'écrivais pas, ce serait quoi ma vie ? Donc voilà, c'est quelque chose qui tient. Et voilà, et dire que mon prochain livre sort en mai 2025 aussi. Celui-ci va s'appeler Abandon, avec un S.

  • Speaker #1

    Comme Ruralité,

  • Speaker #0

    avec un S. Un petit peu, oui. Je l'ai écrit à peu près en même temps.

  • Speaker #1

    Ok. Et pourquoi il sort 5 ans après ?

  • Speaker #0

    Il avait besoin de maturer ou de rester encore. Ce n'était pas encore son moment. Ils ont une petite vie aussi, les livres. Je ne les maîtrise pas entièrement. Merci. Merci à toi, Lola.

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Description

C’est l’histoire d’une rencontre de papier, à l’étage de la Maison du livre. Il y avait ce petit recueil d’un orange mandarine qui semblait m’attendre. Et ce titre, Ruralités, qui tenait sa promesse. Au dos, Hortense Raynal, née en 1993 à Rodez, en Aveyron. Comme moi. Notre rencontre, de chair et de voix haute, a eu lieu quelques mois plus tard au Château de Taurines pour une performance poétique qui résonne encore.


Depuis, la poétesse Hortense Raynal a publié deux livres : d’abord, Nous sommes des marécages, et plus récemment, Bouche-fumier. Il faut la lire pour sentir sa puissance, il faut la voir performer pour imprimer son énergie. Sa prose, elle la dit organique, elle la façonne à partir de sa matière, dans laquelle sa sève paysanne, son enracinement, jaillit.


Portée par la puissance des réseaux sociaux, l’attrait de la poésie contemporaine se vérifie en librairie, où les jeunes plumes ont largement dépoussiéré les rayons. Hortense Raynal s’inscrit dans cette génération qui écrit, qui dit, qui incarne, qui projette sa poésie pour trouver des oreilles nouvelles, pour que ses mots dépassent toutes les barrières et viennent nous percuter.


C’est dans la maison de ses parents, accrochée sur les hauteurs d’Estaing, là où elle a grandi, qu’Hortense Raynal a choisi que nous nous retrouvions.


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Transcription

  • Speaker #0

    Tout part de l'envie de lier, de l'envie d'allier, de l'envie d'allier, d'aller hors de soi, de lier donc. Lier qui, comment, quoi ? Lier nos corps, nos esprits, la ronde, le collier. La poésie, ligament. La poésie est un ligament. Alors oui, tu te fais des entorses, t'as mal, mais ça délie, ça délie, ça délie les langues pour mieux relier les plexus. Après la poésie, plein de petits plexus. Relier entre eux comme ça. Et ton devoir, c'est de te mélanger, de te coller à tout le monde sans distinction. De te lier, grosse colle. La poétesse, la poétesse est une grosse colle. Grosse glue, la poétesse.

  • Speaker #1

    Explorer les basculements d'une époque, sentir frémir des énergies, voir les ruralités se transformer avec celles et ceux qui les provoquent. les repense, les bouscule.

  • Speaker #2

    Finta,

  • Speaker #1

    c'est le podcast qui nourrit des esprits, des envies d'agir et des espoirs très concrets à l'échelle locale. Finta donne à entendre l'Aveyron à travers celles et ceux qui ont choisi d'habiter ici et maintenant, de s'engager aujourd'hui pour demain. Je suis Lola Cross et j'arpente ce bout de campagne depuis dix ans comme journaliste. Avec Finta, je vous invite à croiser des regards,

  • Speaker #2

    à Finter de plus près.

  • Speaker #1

    Et ça commence tout de suite. C'est d'abord l'histoire d'une rencontre de papier à l'étage de la Maison du Livre. Il y avait ce petit recueil d'un orange mandarine qui semblait m'attendre, et ce titre, Ruralité, qui tenait déjà sa promesse. Odo, Hortense Renal, né en 1993 à Rodez, en Aveyron, comme moi. Notre rencontre de chair et de voix haute a eu lieu quelques mois plus tard, Ausha de Taurine, pour une performance poétique qui résonne encore. Depuis, La poétesse Hortense Reyna l'a publié deux livres. Il y a eu d'abord Nous sommes des marécages et plus récemment Bouches fumiles Il faut la lire pour sentir sa puissance. Il faut la voir performer pour imprimer son énergie. Sa prose, elle l'a dit organique. Elle la façonne à partir de sa matière dans laquelle sa sève paysanne, son enracinement, jaillit. Portée par la puissance des réseaux sociaux, l'attrait de la poésie contemporaine se vérifie en librairie. où les jeunes plumes ont largement dépoussiéré les rayons. Hortense Reynal s'inscrit dans cette génération qui écrit,

  • Speaker #0

    qui dit,

  • Speaker #1

    qui incarne, qui danse, qui projette sa poésie pour trouver des oreilles nouvelles, pour que ses mots dépassent toutes les barrières et viennent nous percuter. C'est dans la maison de ses parents, accrochée sur les hauteurs d'Estaing, là où elle a grandi, qu'Hortense Reynal a choisi que nous nous retrouvions.

  • Speaker #0

    Alors aujourd'hui, on se trouve dans la maison où j'ai grandi. Donc on est chez mes parents. Et là, on est dans la pièce qui s'appelle le petit salon, qui a été refaite quand j'avais à peu près 10 ans, et c'est l'ancien grenier. Donc voilà, et on est juste à côté de ma chambre d'enfance, du coup, et à la ponçarderie, à Estin. Maintenant, il y a eu une... des mises à jour des adresses. C'est marrant, ils nous ont dit Non, maintenant, vous habitez 15 routes du Pueche. Par contre, le Pueche, c'est le point le plus haut. Donc, on est assez en hauteur.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qu'il dit de toi, ce lieu ?

  • Speaker #0

    C'est là où j'ai grandi. C'est le décor... le décor de mon enfance. C'est là où j'ai évolué. Et pas loin, il y avait mes grands-parents, il y avait le reste de ma famille. Et gamine, c'était quand même un territoire où je pouvais gambader tranquillement. Il n'y avait pas de question de où tu vas, à quelle heure, qu'est-ce que tu fais. C'était vraiment quand même... C'était assez vaste, finalement. comme territoire où évoluer, enfin.

  • Speaker #2

    Et tu avais des amis, là, dans le hameau ?

  • Speaker #0

    Et j'avais mes cousins, en fait. J'avais mes cousins, et moi, j'ai deux grands frères. Donc on était une petite bande de sept à évoluer là-dedans.

  • Speaker #2

    Tu as cité dans une interview récemment une phrase de Marguerite Yourcenar, L'endroit d'où l'on vient n'est pas forcément celui où l'on est, mais celui que l'on questionne pour la première fois. Comment ça résonne avec ton histoire ?

  • Speaker #0

    Je pense que ça peut être en rapport avec la perte de ma grand-mère en 2018, qui n'habitait pas exactement dans cette maison-là. dans la sienne, un peu plus loin et je pense à partir de ce moment là que je me suis posé la question de la filiation la filiation féminine d'où je viens comment vivaient les femmes et les couples avant moi. Et peut-être c'est à partir de ce point-là, l'entrée a été plus ma grand-mère que ma propre enfance finalement, pour me poser la question d'où je viens.

  • Speaker #2

    Si tu suis en tout cas ce que dit Roussenard, en quoi tu l'as questionné toi ce lieu ? Qu'est-ce qui l'a éclairé chez toi peut-être alors qu'au décès de ta grand-mère ?

  • Speaker #0

    À ce moment-là, j'étais étudiante à Paris. Tu vois, et j'étais en études de lettres. Et comment dire ? J'avais déjà eu des petites remarques sur mon accent, puis je me rendais bien compte, je faisais une grande école après une classe préparatoire, je me rendais bien compte qu'au niveau d'où les gens venaient, les milieux ruraux étaient quand même relativement rares, et je me suis dit tiens, donc déjà. Et lorsque j'ai perdu ma grand-mère, Je me suis dit qu'elle était représentante de tout un monde qui disparaissait. Pas qu'un monde qui contient un langage, des langues, des gestes, une manière d'être, une manière d'habiter. Et c'est ça que j'ai questionné, je pense. Ce monde qui disparaissait, pour me demander à quel point il était constitutif de moi. Ou pas, d'ailleurs, puisque forcément, des choses ont évolué. Je ne vis pas comme ma grand-mère le vivait. Mais je m'en sentais proche.

  • Speaker #2

    Et quand tu dis que ça disparaît, ça veut dire que tu étais consciente à ce moment-là ? que ce sont des manières d'habiter qui n'avaient pas été transmises déjà à la génération de tes parents ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a une prise de conscience. Et puis, moi, j'avais déjà perdu mes grands-parents du côté de mon père. Et mon grand-père n'était pas dans un état... Il était en maison de retraite. Donc, très physiquement, la maison n'était plus habitée. Elle allait trouver un autre avenir de maison. Et donc, très physiquement, les lieux devenaient déserts aussi de quelque chose. donc il y a aussi ça qui est important je trouve, le côté physique

  • Speaker #2

    Tu dis aussi que le lien à tes racines aveyronnaises notamment tapisse le décor de ton imaginaire intérieur qu'est-ce que ça veut dire ça ?

  • Speaker #0

    Ça veut dire que même quand encore là aujourd'hui ça a un peu évolué mais que même quand j'essaye d'écrire autre chose je vais écrire un peu à partir de ça... J'appelle ça la sève. Il y a comme une sève qui est là, comme la sève est dans un arbre. Et que même si je tourne autour, elle est forcément là. Donc ça peut se traduire par, dans le cas de ma pratique à moi, qui est celle de l'écriture, ça peut se traduire par des choix de vocabulaire, des choix d'image, où tu te dis, ah tiens, là, il y a un peu de ça qui se joue, alors que j'écris sur autre chose, tu vois. C'est un peu dans ce sens-là, oui.

  • Speaker #2

    Et ça encore, tu l'observes depuis le décès de ta grand-mère ou c'est des prises de conscience que tu as eues plus jeune ?

  • Speaker #0

    Non, c'est depuis là.

  • Speaker #2

    Oui, il y a eu un nœud en 2018. Oui, c'est ça. Qui a été concomitant du coup avec le début de ma pratique d'écriture. Après, j'écrivais quand même. J'étais une adolescente qui écrivait. Je ne sais pas, je n'ai pas l'impression non plus d'avoir été une adolescente qui écrivait, écrivait à fond. Comme on a un peu discuté là à Orchans, je faisais du sport aussi. Ce n'était pas spécialement, comment dire, une enfant dans les livres. J'avais un peu une pratique d'écriture, je me dis comme je pense beaucoup d'ados. Et vraiment en 2018, voilà, là je me dis que oui, il y a... une fertilité quoi, un oeuf en fait. À quand remonte ta rencontre avec la poésie vraiment ? Quels sont tes premiers souvenirs ?

  • Speaker #0

    J'ai souvent la classe de CE2 où on doit réciter pour faire le portrait d'un oiseau de Prévert, peindre le portrait de l'oiseau, quelque chose comme ça. C'est dans Paroles, et c'est un poème où Prévert s'amuse à mélanger un peu fiction et réalité. Il parle d'un tableau, et à la fois l'oiseau devient réel. En fait, comme il dit, il suffit de peindre l'oiseau pour qu'il existe, il suffit de peindre la porte ouverte de la cage pour qu'il s'envole. À la fin du poème, le... Le peintre a ouvert la cage et l'oiseau n'est plus dans le tableau. Il y a une espèce de mélange. Si j'écris un mot, il devient réel. Je pense que ça a joué, ça. Et aussi, je sais qu'on était à l'école primaire Jean Monnet, à Espalion, dans la salle centrale, là, qui était une salle d'expression toute ronde au centre de l'école. Avec le recul, je trouve que c'est super bien d'avoir une salle un peu vide où tout est possible au centre d'une école. Et on était là, et on devait... On avait chacun, chacune, un vers à réciter. Et on était en groupe, comme ça, et dès qu'il fallait réciter, il fallait s'avancer, pour le dire, voilà. Et il fallait revenir ensuite dans le groupe. Et peut-être que, à ce moment-là aussi, j'ai enregistré le côté corps et poésie en même temps. Parce que c'était pas du théâtre, exactement, en fait. C'était pas ça. Du coup, je pense que je vais se souvenir qu'il est pas mal ancré.

  • Speaker #2

    Tu en parles de la place du corps, parce que tes poèmes, aujourd'hui, ils prennent corps. Tu les incarnes dans des performances. Donc là, si tu te replaces dans ton souvenir, il y a le fait juste de s'avancer d'abord pour réciter ton vers. Mais qu'est-ce qu'il permet d'autre, le corps ? En quoi il a sa place dans la poésie ? Qu'est-ce qu'il dit de plus ou différemment ?

  • Speaker #0

    Parler ? c'est pas que prendre une place sonore c'est aussi prendre sa place très physique dans le monde et aujourd'hui ça se vérifie dans plein d'autres domaines, prendre la parole ne pas se taire, c'est exister c'est avoir une existence et le faire si en plus on peut le faire aussi se mettre en mouvement je pense aussi que se mettre en mouvement et être actif, active être Dans sa pleine capacité de mouvement de corps, c'est pareil, ça existait aussi. Et les deux ensemble, alors là...

  • Speaker #2

    Oui, ça rejoint aussi la place que tu donnes à la voix haute. Tu les as aussi enregistrées, certains de tes poèmes, qui sont devenus des podcasts. C'est cette même idée-là, en fait, que la poésie, pour toi, la tienne en tout cas, elle ne reste pas que dans tes bouquins et dans tes recueils. Elle prend vie sous toutes ses formes. C'est ça que tu l'as tout de suite conscientisé dans ton travail ?

  • Speaker #0

    Conscientisé ? Pas vraiment. Je crois que j'ai quand même beaucoup cherché, beaucoup pas forcément, entre guillemets, compris ce que je faisais tout de suite, non. Mais en tout cas, maintenant, à l'aune des quatre ans qui viennent s'écouler depuis le début de ma première résidence de poésie, et trois ans depuis mon premier livre, je peux dire que je crois que ce qui est aussi important pour moi, c'est justement de... Ne pas venir d'un milieu de l'écrit, de la poésie, de la littérature. Beaucoup de gens viennent me voir en me disant Ah ben, en fait, la poésie, quand elle est dite, je la reçois beaucoup mieux, voire je la reçois tout court, que si je devais ouvrir un livre. Et aussi, il y a de l'aveu de Oh, j'aurais pas ouvert, moi, les livres. Je préfère vous écouter, je préfère écouter. Et je crois qu'il y a... Maintenant, plus consciemment et inconsciemment, ce truc de... Vu que je ne viens pas de là, j'ai envie que les gens, ça soit accessible aussi. Chose qui ne serait pas le cas si je me contentais d'écrire mes bouquins et de faire des lectures très... Comment dire ?

  • Speaker #2

    Académique ?

  • Speaker #0

    Académique, merci. Oui, c'est ça.

  • Speaker #2

    Comment tu... Ta prose, on la décrit comme organique, macérée. Il y a plusieurs mots comme ça qui reviennent de critiques, notamment. Toi, quels sont les mots que tu mets dessus ?

  • Speaker #0

    Moi, je dis toujours que j'écris avec de la matière et pas sur un sujet. Je pense que c'est ça pour moi, le langage. J'en fais tellement un peu ce que je veux que... Le langage, c'est comme une matière dans laquelle se plonger et aller le pétrir, le bouger. Voilà, les mots peuvent prendre des formes différentes. Moi, j'utilise beaucoup ce mot de matière. Comme une artisane, comme une ébéniste, qui irait prendre sa matière, le bois ou l'angère, son pain, et donner la forme qu'on veut. Parce qu'en plus, finalement, très... Si on observe les poèmes, c'est pareil, de loin on peut voir que ça a des formes complètement différentes. de la prose classique ou le roman.

  • Speaker #2

    Tu t'amuses aussi avec la mise en page ?

  • Speaker #0

    Oui, voilà. C'est ça que tu veux dire ? Oui, c'est ça. Faire correspondre le rythme des mots avec l'émotion, ce qui veut être dit, que ça corresponde le plus possible. Donc, couper, aller à la ligne, quand il faut, quand on le ressent. Donc, voilà, matière. Organique, ça me va très bien aussi, avec ce côté de... Il n'y a pas que le cerveau et la bouche qui parlent, il y a un peu tout, tous les organes, tout peut parler dans un corps.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que tu as envie de dire, toi ? Qu'est-ce que tu as envie d'exprimer ? Pourquoi tu as choisi la poésie comme médium d'expression, peut-être ? Mais ce serait quoi le message, si tu arrivais à le définir ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'au fond, c'est arriver à dire que putain, merde, l'être humain, il est capable d'une grande palette d'émotions. Et être vivant et vivante, c'est grandiose en fait. Il y a peut-être parfois une sorte de petite... colère de rétrécir l'expérience humaine que se dire c'est comme ça que se font les choses ça s'assied alors qu'en fait si on est à l'écouté du sensible dont on est capable c'est et je crois que peut-être j'ai envie d'essayer de dire de le dire ça c'est énorme c'est vraiment une montagne mais ouais ça serait ça arriver à exprimer la la la grande capacité vivante de l'être et de l'expérience du monde. Voilà. Avoir conscience, essayer de dire aux gens, ayez conscience de ce grandiose de nos capacités.

  • Speaker #2

    Je sais qu'on te pose souvent la question, qu'est-ce qu'elle peut, la poésie ? Et j'aime bien cette réponse que tu avais déjà apportée. Tu dis, la poésie apporte une réponse collective à la détérioration du tissu relationnel entre les individus, mais aussi entre les individus et les autres espèces, entre les individus avec leur environnement, et entre les individus et les forces qui les dépassent. Qu'est-ce que tu entends par cette grande définition de ce que peut la poésie ?

  • Speaker #0

    Là, c'était... Beaucoup quand j'étais concentrée sur le côté de la relation, du lien qu'on peut avoir avec... Donc là, je fais la différence entre les humains, l'environnement et le grand mystère. Et c'est une notion aussi qui m'intéresse énormément dans le dialogue, la conversation. Tu vois là aussi ce qu'on est en train de faire. Toujours pareil, je crois, ce souci de dire qu'on a une grande diversité dans la palette, de se mettre en relation avec les choses. Il n'y a pas juste une seule manière de se mettre en relation avec un être humain. Il y en a une infinité. Pareil pour l'environnement. Et aussi parler de ces grandes choses qui nous dépassent. Et moi, je crois que dans ma poésie, il y a aussi ça qui m'intéresse. Le côté, le grand, l'infiniment grand, le cosmos. C'est comme si je n'oubliais jamais que j'étais juste un être humain sur une Terre, dans la galaxie, dans une conscience du vaste. J'aime bien dire ça aussi à Poésie, c'est une conscience du vaste. Conscience qu'on se situe dans un énorme microcosme et que la vie n'est pas toute petite. Que la poésie, elle peut... à chaque instant, rappeler aux individus qu'ils la lisent, ou l'écrivent, ou s'y intéressent. Ouais, voilà, cette conscience du vaste, qui permet du coup de se sentir peut-être... plus serein avec les autres. À chaque instant, ne pas oublier qu'on est dans tout ce grand système. Et je trouve que ça relativise énormément les petits soucis, les choses pratico-pratiques.

  • Speaker #2

    Et si elle est un acte de résistance alors, elle l'est contre quoi la poésie ?

  • Speaker #0

    Oh ben contre l'utilisation efficace du langage, d'avoir... Voilà, si j'ai envie de lire un poème, au lieu d'avoir une parole qui va être complètement efficace avec quelqu'un, ben voilà, le faire. C'est comme danser, quoi. Moi, je n'utilise pas mon corps pour aller de un point A à un point B ou pour faire des choses absolument nécessaires, on est bien d'accord, comme dormir et manger. Je l'utilise pour faire quelque chose qui, a priori, ne va pas donner un résultat, mais qui, en fait, va chercher la beauté. Chercher la beauté, c'est un acte de résistance aussi, je pense, parce que c'est quand même un effort. Ça peut être un effort. C'est déjà pas mal, je crois.

  • Speaker #2

    Je voudrais t'amener peut-être sur une autre chambre de ta vie. Celui qui a trait à la jeunesse, le rapport entre la jeunesse et la ruralité. Tu en parlais tout à l'heure quand tu es partie pour tes études, notamment. Il y a ce premier arrachement à la terre, en un sens. Et il est paru des portraits de toi qui disaient que tu étais... tiraillé peut-être entre des sentiments d'une néo-urbaine et ceux de souvenirs d'enfance. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que tu te reconnais dans ce tiraillement ? Et est-ce qu'il est toujours d'actualité ?

  • Speaker #0

    Alors non, il est moins d'actualité maintenant. Je pense que c'était quelque chose, surtout en rapport avec mon premier livre, Ruralité. Là, je pense que c'est constitutif d'une partie de mon identité. Et peut-être aujourd'hui, j'ai compris que la notion de ruralité, de parler aussi du monde paysan, c'était à l'intérieur de ma pratique, qui est la pratique de l'écriture et de la poésie, et qui elle-même est beaucoup plus définitoire de mon identité. Et qui donc... n'a pas forcément de lien avec le monde rural et dans son activité physique, au jour le jour. Moi, je suis plutôt en train de créer, de faire de la scène. Par contre, c'est ma matière. C'est quelque chose dont je peux parler, c'est quelque chose que je ressens, quelque chose que j'ai gardé depuis mon enfance. Il y a des choses qui sont restées. Je te parlais de la manière de bouger dans les lieux, peut-être que j'ai gardé ça. de l'utilisation des mots, peut-être quelques traces d'accent. Voilà, mais moi, je ne peux pas dire qu'aujourd'hui, moi j'habite un milieu rural, mais je n'habite pas du tout un milieu agricole, paysan. Donc ce n'est plus mon monde.

  • Speaker #2

    Mais c'est le cas de beaucoup d'habitants du monde rural aussi, puisque l'agriculture n'est plus au cœur de l'économie rurale, dans le sens où ça concerne... En avérant, je n'ai plus le chiffre en tête, mais c'est moins de 5% des actifs qui travaillent aujourd'hui dans l'agriculture.

  • Speaker #0

    Oui, c'est faux.

  • Speaker #2

    En réalité, donc, c'est plus que ça. Et comment on se définit ?

  • Speaker #0

    Oui, le XXe siècle, voilà, ça a été la grande traversée du XXe siècle vers ce fameux tentage.

  • Speaker #2

    tout à fait tu t'es aussi beaucoup exprimé sur le sentiment d'un système de reproduction sociale et aussi de violence qui va avec, d'une violence symbolique qui renvoie toujours aux origines ça, ça m'a marqué de toi est-ce que tu parles des origines sociales, des origines géographiques ?

  • Speaker #0

    alors ça c'est quand j'étais en études donc là maintenant Ça fait quand même 5 ans que j'ai fini. Donc, c'était vraiment un ressenti quand j'étais en études. Là, je le ressens moins, parce que j'ai la chance d'évoluer quand même là, au sein de... Je fais des résidences, je fais des dates dans les grandes institutions. Donc, je vois beaucoup moins l'espèce de plafond de verre qui serait dû au fait que je sois... issu de l'univers intellectuel du quartier latin parisien. Il y a un peu plus de diversité, je pense, qu'on croit en littérature. Peut-être un peu plus en poésie, encore plus que dans le roman. Donc c'est un sujet, un thème de réflexion qui est moins là dans mon... actuelle quoi. C'était vraiment quand j'étais en études.

  • Speaker #2

    Parce que tu l'as ressenti ?

  • Speaker #0

    Parce que j'étais vraiment au coeur du quartier latin parisien quoi. Maintenant là j'y vis plus et j'ai aligné un peu plus ma manière de vivre. Voilà, c'est ça.

  • Speaker #2

    Mais ça veut dire quoi ? On te renvoyait à quoi concrètement ?

  • Speaker #0

    L'accent, tout de suite. L'accent, c'était vraiment beaucoup... C'est une des principales remarques. C'est là que je me suis renseignée sur la notion de glottophobie, juste comme ça.

  • Speaker #2

    La discrimination par l'accent ?

  • Speaker #0

    Voilà, par l'accent, et souvent par l'accent intra-franco-français.

  • Speaker #2

    T'en es arrivé à quoi sur cette réflexion sur la glottophobie ?

  • Speaker #0

    J'ai compris que c'était un enjeu de pouvoir. Tu comprends mieux pourquoi tu le lisses un peu, tu le modifies quand t'es dans une situation un petit peu... Comme moi, j'ai fait des stages au monde, au monde des livres. J'ai fait des stages à France Culture quand j'étais en études. Ou quand tu passes des euros, tu te vois en train de faire un petit peu comme ça et tu fais Ah, en fait, voilà, c'est pour ça

  • Speaker #2

    C'est intéressant tout ce que tu dis, parce que moi j'ai relu tes trois bouquins là aujourd'hui. Donc en fait j'ai fait un tout de ces trois bouquins à l'instant T. Mais en fait ce que tu dis, c'est que tu as largement cheminé. Tu en es où aujourd'hui alors de tes réflexions ? Qu'est-ce qui t'occupe aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Donc là, le troisième livre est sorti en mars. Nous sommes en octobre, donc il a quelques mois.

  • Speaker #2

    Donc bouche fumée.

  • Speaker #0

    Bouche fumée. Et lui, c'est mon art poétique, c'est-à-dire la manière dont je perçois la poésie, pour moi. Un peu ma définition de la poésie. À force de lire plein de textes qui disent la poésie c'est ceci, la poésie c'est cela avoir envie d'ajouter. à cette mosaïque, ma définition. Et donc j'en suis là. Et j'en suis plutôt au stade où, comme je te disais, c'est beaucoup moins tiraillé. C'est comme si j'avais fabriqué mes outils d'écriture et là je m'en servais. Tout en continuant à en fabriquer d'autres qui vont être moins ancrées dans l'enfance.

  • Speaker #2

    Elle est peut-être un peu triviale, cette question, mais qu'est-ce qui t'inspire, toi, aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, maintenant, ce n'est pas trivial, puisque, justement, le premier livre, c'était beaucoup l'enfance, etc. Et aujourd'hui, effectivement, j'ai d'autres matières à inspiration. J'aime beaucoup, j'en parle beaucoup de ce mot. Ça sera dans d'autres entretiens. Mais le mot bizarre, j'aime beaucoup le mot bizarre. toujours pareil dans ce petit truc qui va appeler l'œil qui va décaler quelque chose qui va interpeller qui pourra être justement jugé comme bizarre mais qui en fait transpire toute l'humanité de quelque chose d'une situation, d'un être humain, d'un paysage quelque chose d'un peu qui dénote un peu incongru ça, ça me plaît beaucoup d'essayer d'écrire à partir de ça hum J'aime beaucoup, dans les poèmes, mettre des petites phrases, un peu de trucs qui vont de soi. Ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant. La poésie, c'est un peu son rôle, ça aussi. je sais, au pire, je sais même pas, par exemple, la bouche c'est fait pour parler, bon, voilà, ça pourrait très bien se retrouver dans un de mes poèmes, ça. L'air de dire, il faut rappeler un peu les choses. Et j'ai constaté en plus, en général, que quand je les lisais à voix haute, ça faisait un peu sourire les gens, ça leur faisait un petit peu le petit, comme ça, tu sais, le petit... Et le côté un peu rieur aussi, un petit peu... Et le bizarre crée ça, crée du rieur. Et... Et ça, ça me plaît beaucoup aussi. Ça, c'est un de mes endroits de travail aussi. Mettre un peu d'autodérision, de rire dans la poésie. C'est pas que l'azur, les oiseaux. Voilà. Des choses un peu concrètes aussi.

  • Speaker #2

    C'est intéressant ce que tu dis parce que tu évoques la réaction que ça crée chez le public aussi. On a beaucoup parlé de toi, ce que tu avais envie d'exprimer. Mais qu'est-ce que tu vas chercher chez ceux qui te lisent, t'écoutent, te voient ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est ça, je crois, aussi. L'humanité, quoi, tout simplement. L'humanité, le rire, l'amour de l'incongru, du loufoque, le truc... On est sur cette terre, c'est bien pour aller chercher les choses qui ont du relief, qui vont gratter un peu quelque part pour montrer l'humanité. Je crois que c'est ça.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu accepterais de lire toute ou partie d'un de tes poèmes ? En tout cas celui qui aujourd'hui résonne le plus en toi et que tu as envie de partager ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #2

    J'ai deux livres sur trois à la main.

  • Speaker #0

    Oui, très bien,

  • Speaker #2

    très bien. J'ai ruralité et bouche fumée.

  • Speaker #0

    Je vais lire... Je regarde un peu. Bouche fumée, du coup, je pense. Allez, j'ai une là peut-être. Des fois, les livres, ça nous dépasse. Alors, est-ce que j'ai écrit une fois ? Est-ce que c'est moi qui l'ai écrit ? Non, mais vraiment. Allez, non, plutôt celui-là. Je l'ai lu moins souvent. Il mérite d'être lu. Tout part de l'envie de lier, de l'envie d'allier, de l'envie d'allier, d'aller hors de soi, de lier donc. Lier qui, comment, quoi ? Lier nos corps, nos esprits, la ronde, le collier. La poésie, ligament. La poésie est un ligament. Alors oui, tu te fais des entorses, t'as mal, mais ça délie, ça délie, ça délie les langues pour mieux relier les plexus. Après la poésie, plein de petits plexus, reliés entre eux comme ça. Et ton devoir, c'est de te mélanger, de te coller à tout le monde sans distinction, de te lier, grosse colle. La poétesse, la poétesse est une grosse colle, grosse glue la poétesse, où j'en étais. Ah oui, la glue, la glaise de la poétesse. Par mes mots, je me colle à vous, là, à votre oreille. C'est le même mot qui sort de ma bouche et qui rentre dans votre oreille. Ma bouche, elle est dans votre oreille, là. Elle se colle, toute liée, toute liante. Mes mots sont dans vos ligaments, dans vos trompes et vos tendons. Tout est lié, lié, lié, lié, là, là, là, là, là. T'as compris la lettre L, tu crois ? Pas sûr. Pas sûr, mais tes alliés sont là autour de toi. Ce sont les mots, alité près de toi, mon vieux, alitération près de toi, la poésie, un grand ligament qui ferait le tour du monde, le tour de toutes les bouches du monde. Surtout, ne ligature rien. articulation lien articulation lien la poésie articulation fragile parfois ouais attention doucement là prends soin de ton lien de ta glue et de ta glaise ma grande comme ça de la glaise à la glèbe ralentis et colle-toi à toi fibreuse de la poésie. Prends des fibres, t'as la fibre, tu le sais, étendue et sans fin, lignes courbes et longues qui collent sur tout. Il faut que tu cultives cette indéfinie, continue et immense fibre qui colle. L'immense fibre qui colle.

  • Speaker #1

    Pourquoi tu as choisi celui-ci ?

  • Speaker #0

    On a parlé de lien et de relation. Donc j'ai vu le mot lien. Et, j'avais pas prévu, parce que pareil, on écrit et puis les livres nous dépassent. J'avais un peu oublié que j'avais écrit... Ça marche très bien pour un podcast. Les mots que j'ai dans la bouche sont les mêmes qui sont dans vos oreilles, là. Et je crois que quand j'écris ça, c'était aussi une histoire de lien. Dans Nous sommes des marécages, je parle aussi pas mal de ça. On a les mêmes lieux, la même émotion source. Nos cartes se rencontrent, nos reliefs, nos mars, nos étangs. Nous sommes des marécages, nous sommes les mêmes. Enfin, comme un truc où ça se mélange un petit peu. Je pense que ça me plaît bien aussi. Ouais, c'est toujours pareil, c'est aller chercher le lien entre les gens, mais de manière différente. D'aller chercher les choses un peu... Oui, cette idée-là de dire qu'on a les mêmes mots dans la bouche que dans l'oreille, ce n'est pas un truc qu'on entend trop. La joie et la beauté de se dire qu'on peut être en lien de manière... infiniment diverses et variées. On peut être imaginatif sur ça, on peut être créatif. Quand vous rencontrez quelqu'un, vous n'êtes pas obligé de lui dire bonjour, comment tu t'appelles, tu fais quoi dans la vie et quel âge tu as. Ça peut être j'adore les chiens surtout, les coqueurs et toi, n'importe quoi. Ça, il n'y a rien de plus qui m'émeut beaucoup. D'ailleurs, je me souviens de cette image, j'avais vu une pièce de théâtre quand j'étais à Paris. Et c'était des... Au lieu de se faire des poignées de main ou des bises ou des câlins, ils se mettaient... C'était un peu de la danse. Ils se mettaient en lien par des parties du corps différentes. Et ça m'avait beaucoup émue de voir deux êtres humains faire ça, en fait. Peut-être que j'essaie de faire ça, moi, avec mon matériau, qui sont les mots.

  • Speaker #1

    Ça veut aussi dire sortir d'un mécanisme auquel on ne réfléchit plus, puisqu'on rentre en relation 99 fois sur 100, par le bonjour ça va. Donc c'est juste aussi reprendre conscience peut-être aussi du moment que l'on vit et de s'autoriser à faire un pas de côté.

  • Speaker #0

    Tout à fait, avoir une présence consciente, entière. Et en plus, ça peut aider aussi quand on n'est pas forcément à l'aise avec les normes sociales, justement. trouver d'autres chemins, un chemin de traverse. Et aussi, toujours ce fameux mot, accepter d'être bizarre, accepter le bizarre en soi, et être curieuse du bizarre des autres aussi.

  • Speaker #1

    Tu l'as abordé dans ton troisième livre, Nous sommes des marécages. C'est quoi l'idée qu'il y avait derrière ce livre, peut-être ? Est-ce que tu peux nous en reparler ? Il y avait cette idée de sortir du GPS, un peu ?

  • Speaker #0

    Tout à fait. Alors, nous sommes d'abord à cas, c'est le deuxième. C'est le deuxième, c'est entre les deux. Voilà, oui. Oui. Nous sommes des marécages, c'est un moment de ma vie où je n'ai pas de smartphone. J'ai un tout petit téléphone à 14,90€ acheté à Carrefour. Et donc voilà, déjà là, c'est un rapport au monde différent quand même à l'heure où l'on vit. Donc je pense que de fait, là aussi, j'étais dans des relations différentes aux gens, aux lieux et tout. Au temps aussi, ça change le rapport au temps énormément. Je me suis plus intéressée à la question du GPS, comment je peux me mouvoir sans pouvoir à chaque instant cartographier mon environnement, juste avec mes yeux et regarder les panneaux ou demander à des gens. Et voilà, j'ai eu envie de parler de ça, de raconter un peu ça. Le livre, à la fin, est dédié à tous ceux et à toutes celles qui se perdent. C'est pas grave. Ça me plaît bien. Ça me plaît assez de chuchoter c'est pas grave à l'oreille des gens dans ce livre. Bien. Parce qu'on est déjà assez sévère avec soi-même. Et parce que, justement, sans GPS, on rate, on se perd en fait. On ne va pas aussi vite qu'on voudrait. On ne va pas du point A au point B comme il faut. On peut éventuellement rater des trains, ne pas être à leur rendez-vous, décevoir des gens. Ça, c'était assez intéressant aussi. Ne pas être toujours dans l'hyper-performance, l'efficacité, la rapidité. Et du coup, faire d'autres rencontres et d'autres aventures. Au final, j'ai beaucoup... Je parlais à des gens avec qui je n'aurais jamais parlé. Et j'ai apprivoisé ce sentiment aussi de stress, de panique, de ne pas savoir. Je ne sais pas, on est dans une guerre inconnue, ça nous fait stresser et tout. Mais en fait, c'est un pli à prendre. Une fois que... Je pense qu'on stresse d'autant plus qu'on se déresponsabilise de sa propre capacité de savoir. Puisqu'on met tout dans le GPS, dans le téléphone. Et sous-entendu, moi, je suis capable de rien. C'est lui qui est capable de tout, le téléphone. Ça me rend triste, moi, d'imaginer qu'il y ait des vies qui n'ont plus du tout confiance dans le dehors, avec le confinement et le Covid, on a vu, ce rapport à l'extérieur qui a pu en prendre un sacré coup. Ce rapport aux gens aussi, d'avoir peur d'avoir un peu le moindre contact avec un inconnu dans la rue. Alors que bon, les chances, il arrive des malheurs, il en arrive, mais les probabilités sont quand même plutôt dans le bon sens. Donc ça, la réconciliation avec le dehors, peut-être. C'est ça, nous sommes des marécages. Parce qu'en fait, et ça c'est un ethnologue qui s'appelle Philippe Descola qui dit La nature n'existe pas, nous sommes la nature. Moi j'ai envie de dire aussi Le dehors n'existe pas, nous sommes le dehors. Je suis le dehors. Donc ouais. Ah, ça me donne envie de reprendre un petit bigot là. De rejeter mon smartphone.

  • Speaker #1

    Et donc après, nous sommes... Nos marécages ?

  • Speaker #0

    Les marécages.

  • Speaker #1

    Mais ça marche.

  • Speaker #0

    On a comme des marécages.

  • Speaker #1

    Chacun se l'approprie. Et sur le coup, tu arrives à Bouches fumées, qui est ton dernier livre. Livre, libre aussi. C'est le moment où je mélange tout.

  • Speaker #0

    Des poèmes, toi aussi.

  • Speaker #1

    Bouches fumées, ça veut dire quoi ? Il m'intrigue encore ce livre, ce titre pourtant.

  • Speaker #0

    Ouais, On en parle aussi... Ben, en fait, le fumier, donc. Parlons-en. Tu vois, c'est là où je te parlais de la sève au tout début. Ça revient. Moi, j'ai ce souvenir. Là, si je réfléchis pas trop, le fumier, pour moi, c'est plutôt... Je suis en scooter, j'ai 14-15 ans, je vais rejoindre les copines au foirail et Je suis sur la route, je suis sur mon scooter, à priori je ne suis pas à la ferme, mais en fait je sens l'odeur du fumier en roulant. C'est un peu ce mélange-là. Ça c'est pour rappeler juste un souvenir. Mais sinon le fumier c'est ce qui s'épand sur les champs pour les fertiliser, pour favoriser en tout cas la fertilisation. Et donc la bouche fumier, ça serait la bouche fertile. Les mots, la bouche qui peut justement en épandant. sont fumiers qui seraient en fait des mots. Ces mots fumiers peuvent essayer de fertiliser un peu le monde, planter des petites graines, planter des petites pousses. Et d'ailleurs, des retours qu'on me fait après m'avoir entendu le lire, c'est... Un sentiment d'autorisation. Les gens viennent... Je retiens pas mal ça, voilà. Quand nous sommes des marécages, on parlait du c'est pas grave, ça rassure Et bouche fumière, on me dit que ça donne envie aux gens de s'autoriser des trucs. Et ben pour moi, voilà, la bouche fumière, si elle a favorisé ça, si elle a fertilisé des gens qui peuvent se dire bon ben moi aussi je vais créer des trucs, moi aussi j'ai envie de dire des trucs, dire mes trucs Et voilà. Fertiliser ça.

  • Speaker #1

    Pour le coup, tu parles de ce souvenir avec l'odeur du fumier qui te suit, mais toi, tes parents ne sont pas paysans.

  • Speaker #0

    Non. Ouais.

  • Speaker #1

    Tes grands-parents l'étaient ?

  • Speaker #0

    Et mes grands-parents l'étaient, mes quatre grands-parents. Mais donc la maison où l'on se trouve, où j'ai grandi, est vraiment à 300 mètres de la ferme de ma grand-mère. Et à... à 100 mètres de la maison de mon oncle qui était agriculteur aussi. Mon cousin qui a repris la ferme. Donc, avec les vaches dans les prés aux alentours, les poules, bon voilà. Il y a quand même cette notion-là qui est toute proche, quoi. Mais oui, non, moi, mes parents ne l'étaient pas.

  • Speaker #1

    Hortense, je voudrais t'amener vers la fin de notre échange. La dernière question, elle est rituelle avec tous les invités. C'est en quoi est-ce que tu crois ?

  • Speaker #0

    Wow. ça va peut-être répéter je crois en la capacité, je crois que j'aime bien ce mot aussi de créer de la beauté des gens voilà j'ai envie juste de dire ça merci

  • Speaker #1

    beaucoup de ton temps et de tout ce que tu nous as dit.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de Finta jusqu'au bout. J'espère qu'il vous a plu, inspiré, questionné et fait voyager peut-être. Si vous souhaitez continuer la discussion, je suis toujours curieuse de vous lire et d'échanger. Je vous propose que l'on se retrouve sur Facebook, sur Instagram ou sur le site fintapodcast.fr. Vous pouvez retrouver tous les précédents épisodes de Finta gratuitement sur les applications de podcast. Et pour recevoir chaque nouvel épisode directement dans votre boîte mail, vous pouvez aussi vous abonner à la newsletter. Et pour que Finta vive, si vous appréciez le podcast et que vous souhaitez soutenir ce travail indépendant, partagez-le autour de vous. Consphérez-le à vos amis, parlez-en, c'est le meilleur soutien que vous puissiez nous apporter. A très bientôt.

  • Speaker #0

    Moi je pourrais parler de poésie très longtemps, mais peut-être dire que l'écriture c'est aussi un... Je pense que je crois aussi dans l'écriture, ça me tient aussi dans la vie. C'est quelque chose que... L'autre jour, je pensais un peu avec vertige en me disant, tiens, si je n'écrivais pas, ce serait quoi ma vie ? Donc voilà, c'est quelque chose qui tient. Et voilà, et dire que mon prochain livre sort en mai 2025 aussi. Celui-ci va s'appeler Abandon, avec un S.

  • Speaker #1

    Comme Ruralité,

  • Speaker #0

    avec un S. Un petit peu, oui. Je l'ai écrit à peu près en même temps.

  • Speaker #1

    Ok. Et pourquoi il sort 5 ans après ?

  • Speaker #0

    Il avait besoin de maturer ou de rester encore. Ce n'était pas encore son moment. Ils ont une petite vie aussi, les livres. Je ne les maîtrise pas entièrement. Merci. Merci à toi, Lola.

Description

C’est l’histoire d’une rencontre de papier, à l’étage de la Maison du livre. Il y avait ce petit recueil d’un orange mandarine qui semblait m’attendre. Et ce titre, Ruralités, qui tenait sa promesse. Au dos, Hortense Raynal, née en 1993 à Rodez, en Aveyron. Comme moi. Notre rencontre, de chair et de voix haute, a eu lieu quelques mois plus tard au Château de Taurines pour une performance poétique qui résonne encore.


Depuis, la poétesse Hortense Raynal a publié deux livres : d’abord, Nous sommes des marécages, et plus récemment, Bouche-fumier. Il faut la lire pour sentir sa puissance, il faut la voir performer pour imprimer son énergie. Sa prose, elle la dit organique, elle la façonne à partir de sa matière, dans laquelle sa sève paysanne, son enracinement, jaillit.


Portée par la puissance des réseaux sociaux, l’attrait de la poésie contemporaine se vérifie en librairie, où les jeunes plumes ont largement dépoussiéré les rayons. Hortense Raynal s’inscrit dans cette génération qui écrit, qui dit, qui incarne, qui projette sa poésie pour trouver des oreilles nouvelles, pour que ses mots dépassent toutes les barrières et viennent nous percuter.


C’est dans la maison de ses parents, accrochée sur les hauteurs d’Estaing, là où elle a grandi, qu’Hortense Raynal a choisi que nous nous retrouvions.


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Transcription

  • Speaker #0

    Tout part de l'envie de lier, de l'envie d'allier, de l'envie d'allier, d'aller hors de soi, de lier donc. Lier qui, comment, quoi ? Lier nos corps, nos esprits, la ronde, le collier. La poésie, ligament. La poésie est un ligament. Alors oui, tu te fais des entorses, t'as mal, mais ça délie, ça délie, ça délie les langues pour mieux relier les plexus. Après la poésie, plein de petits plexus. Relier entre eux comme ça. Et ton devoir, c'est de te mélanger, de te coller à tout le monde sans distinction. De te lier, grosse colle. La poétesse, la poétesse est une grosse colle. Grosse glue, la poétesse.

  • Speaker #1

    Explorer les basculements d'une époque, sentir frémir des énergies, voir les ruralités se transformer avec celles et ceux qui les provoquent. les repense, les bouscule.

  • Speaker #2

    Finta,

  • Speaker #1

    c'est le podcast qui nourrit des esprits, des envies d'agir et des espoirs très concrets à l'échelle locale. Finta donne à entendre l'Aveyron à travers celles et ceux qui ont choisi d'habiter ici et maintenant, de s'engager aujourd'hui pour demain. Je suis Lola Cross et j'arpente ce bout de campagne depuis dix ans comme journaliste. Avec Finta, je vous invite à croiser des regards,

  • Speaker #2

    à Finter de plus près.

  • Speaker #1

    Et ça commence tout de suite. C'est d'abord l'histoire d'une rencontre de papier à l'étage de la Maison du Livre. Il y avait ce petit recueil d'un orange mandarine qui semblait m'attendre, et ce titre, Ruralité, qui tenait déjà sa promesse. Odo, Hortense Renal, né en 1993 à Rodez, en Aveyron, comme moi. Notre rencontre de chair et de voix haute a eu lieu quelques mois plus tard, Ausha de Taurine, pour une performance poétique qui résonne encore. Depuis, La poétesse Hortense Reyna l'a publié deux livres. Il y a eu d'abord Nous sommes des marécages et plus récemment Bouches fumiles Il faut la lire pour sentir sa puissance. Il faut la voir performer pour imprimer son énergie. Sa prose, elle l'a dit organique. Elle la façonne à partir de sa matière dans laquelle sa sève paysanne, son enracinement, jaillit. Portée par la puissance des réseaux sociaux, l'attrait de la poésie contemporaine se vérifie en librairie. où les jeunes plumes ont largement dépoussiéré les rayons. Hortense Reynal s'inscrit dans cette génération qui écrit,

  • Speaker #0

    qui dit,

  • Speaker #1

    qui incarne, qui danse, qui projette sa poésie pour trouver des oreilles nouvelles, pour que ses mots dépassent toutes les barrières et viennent nous percuter. C'est dans la maison de ses parents, accrochée sur les hauteurs d'Estaing, là où elle a grandi, qu'Hortense Reynal a choisi que nous nous retrouvions.

  • Speaker #0

    Alors aujourd'hui, on se trouve dans la maison où j'ai grandi. Donc on est chez mes parents. Et là, on est dans la pièce qui s'appelle le petit salon, qui a été refaite quand j'avais à peu près 10 ans, et c'est l'ancien grenier. Donc voilà, et on est juste à côté de ma chambre d'enfance, du coup, et à la ponçarderie, à Estin. Maintenant, il y a eu une... des mises à jour des adresses. C'est marrant, ils nous ont dit Non, maintenant, vous habitez 15 routes du Pueche. Par contre, le Pueche, c'est le point le plus haut. Donc, on est assez en hauteur.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qu'il dit de toi, ce lieu ?

  • Speaker #0

    C'est là où j'ai grandi. C'est le décor... le décor de mon enfance. C'est là où j'ai évolué. Et pas loin, il y avait mes grands-parents, il y avait le reste de ma famille. Et gamine, c'était quand même un territoire où je pouvais gambader tranquillement. Il n'y avait pas de question de où tu vas, à quelle heure, qu'est-ce que tu fais. C'était vraiment quand même... C'était assez vaste, finalement. comme territoire où évoluer, enfin.

  • Speaker #2

    Et tu avais des amis, là, dans le hameau ?

  • Speaker #0

    Et j'avais mes cousins, en fait. J'avais mes cousins, et moi, j'ai deux grands frères. Donc on était une petite bande de sept à évoluer là-dedans.

  • Speaker #2

    Tu as cité dans une interview récemment une phrase de Marguerite Yourcenar, L'endroit d'où l'on vient n'est pas forcément celui où l'on est, mais celui que l'on questionne pour la première fois. Comment ça résonne avec ton histoire ?

  • Speaker #0

    Je pense que ça peut être en rapport avec la perte de ma grand-mère en 2018, qui n'habitait pas exactement dans cette maison-là. dans la sienne, un peu plus loin et je pense à partir de ce moment là que je me suis posé la question de la filiation la filiation féminine d'où je viens comment vivaient les femmes et les couples avant moi. Et peut-être c'est à partir de ce point-là, l'entrée a été plus ma grand-mère que ma propre enfance finalement, pour me poser la question d'où je viens.

  • Speaker #2

    Si tu suis en tout cas ce que dit Roussenard, en quoi tu l'as questionné toi ce lieu ? Qu'est-ce qui l'a éclairé chez toi peut-être alors qu'au décès de ta grand-mère ?

  • Speaker #0

    À ce moment-là, j'étais étudiante à Paris. Tu vois, et j'étais en études de lettres. Et comment dire ? J'avais déjà eu des petites remarques sur mon accent, puis je me rendais bien compte, je faisais une grande école après une classe préparatoire, je me rendais bien compte qu'au niveau d'où les gens venaient, les milieux ruraux étaient quand même relativement rares, et je me suis dit tiens, donc déjà. Et lorsque j'ai perdu ma grand-mère, Je me suis dit qu'elle était représentante de tout un monde qui disparaissait. Pas qu'un monde qui contient un langage, des langues, des gestes, une manière d'être, une manière d'habiter. Et c'est ça que j'ai questionné, je pense. Ce monde qui disparaissait, pour me demander à quel point il était constitutif de moi. Ou pas, d'ailleurs, puisque forcément, des choses ont évolué. Je ne vis pas comme ma grand-mère le vivait. Mais je m'en sentais proche.

  • Speaker #2

    Et quand tu dis que ça disparaît, ça veut dire que tu étais consciente à ce moment-là ? que ce sont des manières d'habiter qui n'avaient pas été transmises déjà à la génération de tes parents ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a une prise de conscience. Et puis, moi, j'avais déjà perdu mes grands-parents du côté de mon père. Et mon grand-père n'était pas dans un état... Il était en maison de retraite. Donc, très physiquement, la maison n'était plus habitée. Elle allait trouver un autre avenir de maison. Et donc, très physiquement, les lieux devenaient déserts aussi de quelque chose. donc il y a aussi ça qui est important je trouve, le côté physique

  • Speaker #2

    Tu dis aussi que le lien à tes racines aveyronnaises notamment tapisse le décor de ton imaginaire intérieur qu'est-ce que ça veut dire ça ?

  • Speaker #0

    Ça veut dire que même quand encore là aujourd'hui ça a un peu évolué mais que même quand j'essaye d'écrire autre chose je vais écrire un peu à partir de ça... J'appelle ça la sève. Il y a comme une sève qui est là, comme la sève est dans un arbre. Et que même si je tourne autour, elle est forcément là. Donc ça peut se traduire par, dans le cas de ma pratique à moi, qui est celle de l'écriture, ça peut se traduire par des choix de vocabulaire, des choix d'image, où tu te dis, ah tiens, là, il y a un peu de ça qui se joue, alors que j'écris sur autre chose, tu vois. C'est un peu dans ce sens-là, oui.

  • Speaker #2

    Et ça encore, tu l'observes depuis le décès de ta grand-mère ou c'est des prises de conscience que tu as eues plus jeune ?

  • Speaker #0

    Non, c'est depuis là.

  • Speaker #2

    Oui, il y a eu un nœud en 2018. Oui, c'est ça. Qui a été concomitant du coup avec le début de ma pratique d'écriture. Après, j'écrivais quand même. J'étais une adolescente qui écrivait. Je ne sais pas, je n'ai pas l'impression non plus d'avoir été une adolescente qui écrivait, écrivait à fond. Comme on a un peu discuté là à Orchans, je faisais du sport aussi. Ce n'était pas spécialement, comment dire, une enfant dans les livres. J'avais un peu une pratique d'écriture, je me dis comme je pense beaucoup d'ados. Et vraiment en 2018, voilà, là je me dis que oui, il y a... une fertilité quoi, un oeuf en fait. À quand remonte ta rencontre avec la poésie vraiment ? Quels sont tes premiers souvenirs ?

  • Speaker #0

    J'ai souvent la classe de CE2 où on doit réciter pour faire le portrait d'un oiseau de Prévert, peindre le portrait de l'oiseau, quelque chose comme ça. C'est dans Paroles, et c'est un poème où Prévert s'amuse à mélanger un peu fiction et réalité. Il parle d'un tableau, et à la fois l'oiseau devient réel. En fait, comme il dit, il suffit de peindre l'oiseau pour qu'il existe, il suffit de peindre la porte ouverte de la cage pour qu'il s'envole. À la fin du poème, le... Le peintre a ouvert la cage et l'oiseau n'est plus dans le tableau. Il y a une espèce de mélange. Si j'écris un mot, il devient réel. Je pense que ça a joué, ça. Et aussi, je sais qu'on était à l'école primaire Jean Monnet, à Espalion, dans la salle centrale, là, qui était une salle d'expression toute ronde au centre de l'école. Avec le recul, je trouve que c'est super bien d'avoir une salle un peu vide où tout est possible au centre d'une école. Et on était là, et on devait... On avait chacun, chacune, un vers à réciter. Et on était en groupe, comme ça, et dès qu'il fallait réciter, il fallait s'avancer, pour le dire, voilà. Et il fallait revenir ensuite dans le groupe. Et peut-être que, à ce moment-là aussi, j'ai enregistré le côté corps et poésie en même temps. Parce que c'était pas du théâtre, exactement, en fait. C'était pas ça. Du coup, je pense que je vais se souvenir qu'il est pas mal ancré.

  • Speaker #2

    Tu en parles de la place du corps, parce que tes poèmes, aujourd'hui, ils prennent corps. Tu les incarnes dans des performances. Donc là, si tu te replaces dans ton souvenir, il y a le fait juste de s'avancer d'abord pour réciter ton vers. Mais qu'est-ce qu'il permet d'autre, le corps ? En quoi il a sa place dans la poésie ? Qu'est-ce qu'il dit de plus ou différemment ?

  • Speaker #0

    Parler ? c'est pas que prendre une place sonore c'est aussi prendre sa place très physique dans le monde et aujourd'hui ça se vérifie dans plein d'autres domaines, prendre la parole ne pas se taire, c'est exister c'est avoir une existence et le faire si en plus on peut le faire aussi se mettre en mouvement je pense aussi que se mettre en mouvement et être actif, active être Dans sa pleine capacité de mouvement de corps, c'est pareil, ça existait aussi. Et les deux ensemble, alors là...

  • Speaker #2

    Oui, ça rejoint aussi la place que tu donnes à la voix haute. Tu les as aussi enregistrées, certains de tes poèmes, qui sont devenus des podcasts. C'est cette même idée-là, en fait, que la poésie, pour toi, la tienne en tout cas, elle ne reste pas que dans tes bouquins et dans tes recueils. Elle prend vie sous toutes ses formes. C'est ça que tu l'as tout de suite conscientisé dans ton travail ?

  • Speaker #0

    Conscientisé ? Pas vraiment. Je crois que j'ai quand même beaucoup cherché, beaucoup pas forcément, entre guillemets, compris ce que je faisais tout de suite, non. Mais en tout cas, maintenant, à l'aune des quatre ans qui viennent s'écouler depuis le début de ma première résidence de poésie, et trois ans depuis mon premier livre, je peux dire que je crois que ce qui est aussi important pour moi, c'est justement de... Ne pas venir d'un milieu de l'écrit, de la poésie, de la littérature. Beaucoup de gens viennent me voir en me disant Ah ben, en fait, la poésie, quand elle est dite, je la reçois beaucoup mieux, voire je la reçois tout court, que si je devais ouvrir un livre. Et aussi, il y a de l'aveu de Oh, j'aurais pas ouvert, moi, les livres. Je préfère vous écouter, je préfère écouter. Et je crois qu'il y a... Maintenant, plus consciemment et inconsciemment, ce truc de... Vu que je ne viens pas de là, j'ai envie que les gens, ça soit accessible aussi. Chose qui ne serait pas le cas si je me contentais d'écrire mes bouquins et de faire des lectures très... Comment dire ?

  • Speaker #2

    Académique ?

  • Speaker #0

    Académique, merci. Oui, c'est ça.

  • Speaker #2

    Comment tu... Ta prose, on la décrit comme organique, macérée. Il y a plusieurs mots comme ça qui reviennent de critiques, notamment. Toi, quels sont les mots que tu mets dessus ?

  • Speaker #0

    Moi, je dis toujours que j'écris avec de la matière et pas sur un sujet. Je pense que c'est ça pour moi, le langage. J'en fais tellement un peu ce que je veux que... Le langage, c'est comme une matière dans laquelle se plonger et aller le pétrir, le bouger. Voilà, les mots peuvent prendre des formes différentes. Moi, j'utilise beaucoup ce mot de matière. Comme une artisane, comme une ébéniste, qui irait prendre sa matière, le bois ou l'angère, son pain, et donner la forme qu'on veut. Parce qu'en plus, finalement, très... Si on observe les poèmes, c'est pareil, de loin on peut voir que ça a des formes complètement différentes. de la prose classique ou le roman.

  • Speaker #2

    Tu t'amuses aussi avec la mise en page ?

  • Speaker #0

    Oui, voilà. C'est ça que tu veux dire ? Oui, c'est ça. Faire correspondre le rythme des mots avec l'émotion, ce qui veut être dit, que ça corresponde le plus possible. Donc, couper, aller à la ligne, quand il faut, quand on le ressent. Donc, voilà, matière. Organique, ça me va très bien aussi, avec ce côté de... Il n'y a pas que le cerveau et la bouche qui parlent, il y a un peu tout, tous les organes, tout peut parler dans un corps.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que tu as envie de dire, toi ? Qu'est-ce que tu as envie d'exprimer ? Pourquoi tu as choisi la poésie comme médium d'expression, peut-être ? Mais ce serait quoi le message, si tu arrivais à le définir ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'au fond, c'est arriver à dire que putain, merde, l'être humain, il est capable d'une grande palette d'émotions. Et être vivant et vivante, c'est grandiose en fait. Il y a peut-être parfois une sorte de petite... colère de rétrécir l'expérience humaine que se dire c'est comme ça que se font les choses ça s'assied alors qu'en fait si on est à l'écouté du sensible dont on est capable c'est et je crois que peut-être j'ai envie d'essayer de dire de le dire ça c'est énorme c'est vraiment une montagne mais ouais ça serait ça arriver à exprimer la la la grande capacité vivante de l'être et de l'expérience du monde. Voilà. Avoir conscience, essayer de dire aux gens, ayez conscience de ce grandiose de nos capacités.

  • Speaker #2

    Je sais qu'on te pose souvent la question, qu'est-ce qu'elle peut, la poésie ? Et j'aime bien cette réponse que tu avais déjà apportée. Tu dis, la poésie apporte une réponse collective à la détérioration du tissu relationnel entre les individus, mais aussi entre les individus et les autres espèces, entre les individus avec leur environnement, et entre les individus et les forces qui les dépassent. Qu'est-ce que tu entends par cette grande définition de ce que peut la poésie ?

  • Speaker #0

    Là, c'était... Beaucoup quand j'étais concentrée sur le côté de la relation, du lien qu'on peut avoir avec... Donc là, je fais la différence entre les humains, l'environnement et le grand mystère. Et c'est une notion aussi qui m'intéresse énormément dans le dialogue, la conversation. Tu vois là aussi ce qu'on est en train de faire. Toujours pareil, je crois, ce souci de dire qu'on a une grande diversité dans la palette, de se mettre en relation avec les choses. Il n'y a pas juste une seule manière de se mettre en relation avec un être humain. Il y en a une infinité. Pareil pour l'environnement. Et aussi parler de ces grandes choses qui nous dépassent. Et moi, je crois que dans ma poésie, il y a aussi ça qui m'intéresse. Le côté, le grand, l'infiniment grand, le cosmos. C'est comme si je n'oubliais jamais que j'étais juste un être humain sur une Terre, dans la galaxie, dans une conscience du vaste. J'aime bien dire ça aussi à Poésie, c'est une conscience du vaste. Conscience qu'on se situe dans un énorme microcosme et que la vie n'est pas toute petite. Que la poésie, elle peut... à chaque instant, rappeler aux individus qu'ils la lisent, ou l'écrivent, ou s'y intéressent. Ouais, voilà, cette conscience du vaste, qui permet du coup de se sentir peut-être... plus serein avec les autres. À chaque instant, ne pas oublier qu'on est dans tout ce grand système. Et je trouve que ça relativise énormément les petits soucis, les choses pratico-pratiques.

  • Speaker #2

    Et si elle est un acte de résistance alors, elle l'est contre quoi la poésie ?

  • Speaker #0

    Oh ben contre l'utilisation efficace du langage, d'avoir... Voilà, si j'ai envie de lire un poème, au lieu d'avoir une parole qui va être complètement efficace avec quelqu'un, ben voilà, le faire. C'est comme danser, quoi. Moi, je n'utilise pas mon corps pour aller de un point A à un point B ou pour faire des choses absolument nécessaires, on est bien d'accord, comme dormir et manger. Je l'utilise pour faire quelque chose qui, a priori, ne va pas donner un résultat, mais qui, en fait, va chercher la beauté. Chercher la beauté, c'est un acte de résistance aussi, je pense, parce que c'est quand même un effort. Ça peut être un effort. C'est déjà pas mal, je crois.

  • Speaker #2

    Je voudrais t'amener peut-être sur une autre chambre de ta vie. Celui qui a trait à la jeunesse, le rapport entre la jeunesse et la ruralité. Tu en parlais tout à l'heure quand tu es partie pour tes études, notamment. Il y a ce premier arrachement à la terre, en un sens. Et il est paru des portraits de toi qui disaient que tu étais... tiraillé peut-être entre des sentiments d'une néo-urbaine et ceux de souvenirs d'enfance. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que tu te reconnais dans ce tiraillement ? Et est-ce qu'il est toujours d'actualité ?

  • Speaker #0

    Alors non, il est moins d'actualité maintenant. Je pense que c'était quelque chose, surtout en rapport avec mon premier livre, Ruralité. Là, je pense que c'est constitutif d'une partie de mon identité. Et peut-être aujourd'hui, j'ai compris que la notion de ruralité, de parler aussi du monde paysan, c'était à l'intérieur de ma pratique, qui est la pratique de l'écriture et de la poésie, et qui elle-même est beaucoup plus définitoire de mon identité. Et qui donc... n'a pas forcément de lien avec le monde rural et dans son activité physique, au jour le jour. Moi, je suis plutôt en train de créer, de faire de la scène. Par contre, c'est ma matière. C'est quelque chose dont je peux parler, c'est quelque chose que je ressens, quelque chose que j'ai gardé depuis mon enfance. Il y a des choses qui sont restées. Je te parlais de la manière de bouger dans les lieux, peut-être que j'ai gardé ça. de l'utilisation des mots, peut-être quelques traces d'accent. Voilà, mais moi, je ne peux pas dire qu'aujourd'hui, moi j'habite un milieu rural, mais je n'habite pas du tout un milieu agricole, paysan. Donc ce n'est plus mon monde.

  • Speaker #2

    Mais c'est le cas de beaucoup d'habitants du monde rural aussi, puisque l'agriculture n'est plus au cœur de l'économie rurale, dans le sens où ça concerne... En avérant, je n'ai plus le chiffre en tête, mais c'est moins de 5% des actifs qui travaillent aujourd'hui dans l'agriculture.

  • Speaker #0

    Oui, c'est faux.

  • Speaker #2

    En réalité, donc, c'est plus que ça. Et comment on se définit ?

  • Speaker #0

    Oui, le XXe siècle, voilà, ça a été la grande traversée du XXe siècle vers ce fameux tentage.

  • Speaker #2

    tout à fait tu t'es aussi beaucoup exprimé sur le sentiment d'un système de reproduction sociale et aussi de violence qui va avec, d'une violence symbolique qui renvoie toujours aux origines ça, ça m'a marqué de toi est-ce que tu parles des origines sociales, des origines géographiques ?

  • Speaker #0

    alors ça c'est quand j'étais en études donc là maintenant Ça fait quand même 5 ans que j'ai fini. Donc, c'était vraiment un ressenti quand j'étais en études. Là, je le ressens moins, parce que j'ai la chance d'évoluer quand même là, au sein de... Je fais des résidences, je fais des dates dans les grandes institutions. Donc, je vois beaucoup moins l'espèce de plafond de verre qui serait dû au fait que je sois... issu de l'univers intellectuel du quartier latin parisien. Il y a un peu plus de diversité, je pense, qu'on croit en littérature. Peut-être un peu plus en poésie, encore plus que dans le roman. Donc c'est un sujet, un thème de réflexion qui est moins là dans mon... actuelle quoi. C'était vraiment quand j'étais en études.

  • Speaker #2

    Parce que tu l'as ressenti ?

  • Speaker #0

    Parce que j'étais vraiment au coeur du quartier latin parisien quoi. Maintenant là j'y vis plus et j'ai aligné un peu plus ma manière de vivre. Voilà, c'est ça.

  • Speaker #2

    Mais ça veut dire quoi ? On te renvoyait à quoi concrètement ?

  • Speaker #0

    L'accent, tout de suite. L'accent, c'était vraiment beaucoup... C'est une des principales remarques. C'est là que je me suis renseignée sur la notion de glottophobie, juste comme ça.

  • Speaker #2

    La discrimination par l'accent ?

  • Speaker #0

    Voilà, par l'accent, et souvent par l'accent intra-franco-français.

  • Speaker #2

    T'en es arrivé à quoi sur cette réflexion sur la glottophobie ?

  • Speaker #0

    J'ai compris que c'était un enjeu de pouvoir. Tu comprends mieux pourquoi tu le lisses un peu, tu le modifies quand t'es dans une situation un petit peu... Comme moi, j'ai fait des stages au monde, au monde des livres. J'ai fait des stages à France Culture quand j'étais en études. Ou quand tu passes des euros, tu te vois en train de faire un petit peu comme ça et tu fais Ah, en fait, voilà, c'est pour ça

  • Speaker #2

    C'est intéressant tout ce que tu dis, parce que moi j'ai relu tes trois bouquins là aujourd'hui. Donc en fait j'ai fait un tout de ces trois bouquins à l'instant T. Mais en fait ce que tu dis, c'est que tu as largement cheminé. Tu en es où aujourd'hui alors de tes réflexions ? Qu'est-ce qui t'occupe aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Donc là, le troisième livre est sorti en mars. Nous sommes en octobre, donc il a quelques mois.

  • Speaker #2

    Donc bouche fumée.

  • Speaker #0

    Bouche fumée. Et lui, c'est mon art poétique, c'est-à-dire la manière dont je perçois la poésie, pour moi. Un peu ma définition de la poésie. À force de lire plein de textes qui disent la poésie c'est ceci, la poésie c'est cela avoir envie d'ajouter. à cette mosaïque, ma définition. Et donc j'en suis là. Et j'en suis plutôt au stade où, comme je te disais, c'est beaucoup moins tiraillé. C'est comme si j'avais fabriqué mes outils d'écriture et là je m'en servais. Tout en continuant à en fabriquer d'autres qui vont être moins ancrées dans l'enfance.

  • Speaker #2

    Elle est peut-être un peu triviale, cette question, mais qu'est-ce qui t'inspire, toi, aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, maintenant, ce n'est pas trivial, puisque, justement, le premier livre, c'était beaucoup l'enfance, etc. Et aujourd'hui, effectivement, j'ai d'autres matières à inspiration. J'aime beaucoup, j'en parle beaucoup de ce mot. Ça sera dans d'autres entretiens. Mais le mot bizarre, j'aime beaucoup le mot bizarre. toujours pareil dans ce petit truc qui va appeler l'œil qui va décaler quelque chose qui va interpeller qui pourra être justement jugé comme bizarre mais qui en fait transpire toute l'humanité de quelque chose d'une situation, d'un être humain, d'un paysage quelque chose d'un peu qui dénote un peu incongru ça, ça me plaît beaucoup d'essayer d'écrire à partir de ça hum J'aime beaucoup, dans les poèmes, mettre des petites phrases, un peu de trucs qui vont de soi. Ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant. La poésie, c'est un peu son rôle, ça aussi. je sais, au pire, je sais même pas, par exemple, la bouche c'est fait pour parler, bon, voilà, ça pourrait très bien se retrouver dans un de mes poèmes, ça. L'air de dire, il faut rappeler un peu les choses. Et j'ai constaté en plus, en général, que quand je les lisais à voix haute, ça faisait un peu sourire les gens, ça leur faisait un petit peu le petit, comme ça, tu sais, le petit... Et le côté un peu rieur aussi, un petit peu... Et le bizarre crée ça, crée du rieur. Et... Et ça, ça me plaît beaucoup aussi. Ça, c'est un de mes endroits de travail aussi. Mettre un peu d'autodérision, de rire dans la poésie. C'est pas que l'azur, les oiseaux. Voilà. Des choses un peu concrètes aussi.

  • Speaker #2

    C'est intéressant ce que tu dis parce que tu évoques la réaction que ça crée chez le public aussi. On a beaucoup parlé de toi, ce que tu avais envie d'exprimer. Mais qu'est-ce que tu vas chercher chez ceux qui te lisent, t'écoutent, te voient ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est ça, je crois, aussi. L'humanité, quoi, tout simplement. L'humanité, le rire, l'amour de l'incongru, du loufoque, le truc... On est sur cette terre, c'est bien pour aller chercher les choses qui ont du relief, qui vont gratter un peu quelque part pour montrer l'humanité. Je crois que c'est ça.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu accepterais de lire toute ou partie d'un de tes poèmes ? En tout cas celui qui aujourd'hui résonne le plus en toi et que tu as envie de partager ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #2

    J'ai deux livres sur trois à la main.

  • Speaker #0

    Oui, très bien,

  • Speaker #2

    très bien. J'ai ruralité et bouche fumée.

  • Speaker #0

    Je vais lire... Je regarde un peu. Bouche fumée, du coup, je pense. Allez, j'ai une là peut-être. Des fois, les livres, ça nous dépasse. Alors, est-ce que j'ai écrit une fois ? Est-ce que c'est moi qui l'ai écrit ? Non, mais vraiment. Allez, non, plutôt celui-là. Je l'ai lu moins souvent. Il mérite d'être lu. Tout part de l'envie de lier, de l'envie d'allier, de l'envie d'allier, d'aller hors de soi, de lier donc. Lier qui, comment, quoi ? Lier nos corps, nos esprits, la ronde, le collier. La poésie, ligament. La poésie est un ligament. Alors oui, tu te fais des entorses, t'as mal, mais ça délie, ça délie, ça délie les langues pour mieux relier les plexus. Après la poésie, plein de petits plexus, reliés entre eux comme ça. Et ton devoir, c'est de te mélanger, de te coller à tout le monde sans distinction, de te lier, grosse colle. La poétesse, la poétesse est une grosse colle, grosse glue la poétesse, où j'en étais. Ah oui, la glue, la glaise de la poétesse. Par mes mots, je me colle à vous, là, à votre oreille. C'est le même mot qui sort de ma bouche et qui rentre dans votre oreille. Ma bouche, elle est dans votre oreille, là. Elle se colle, toute liée, toute liante. Mes mots sont dans vos ligaments, dans vos trompes et vos tendons. Tout est lié, lié, lié, lié, là, là, là, là, là. T'as compris la lettre L, tu crois ? Pas sûr. Pas sûr, mais tes alliés sont là autour de toi. Ce sont les mots, alité près de toi, mon vieux, alitération près de toi, la poésie, un grand ligament qui ferait le tour du monde, le tour de toutes les bouches du monde. Surtout, ne ligature rien. articulation lien articulation lien la poésie articulation fragile parfois ouais attention doucement là prends soin de ton lien de ta glue et de ta glaise ma grande comme ça de la glaise à la glèbe ralentis et colle-toi à toi fibreuse de la poésie. Prends des fibres, t'as la fibre, tu le sais, étendue et sans fin, lignes courbes et longues qui collent sur tout. Il faut que tu cultives cette indéfinie, continue et immense fibre qui colle. L'immense fibre qui colle.

  • Speaker #1

    Pourquoi tu as choisi celui-ci ?

  • Speaker #0

    On a parlé de lien et de relation. Donc j'ai vu le mot lien. Et, j'avais pas prévu, parce que pareil, on écrit et puis les livres nous dépassent. J'avais un peu oublié que j'avais écrit... Ça marche très bien pour un podcast. Les mots que j'ai dans la bouche sont les mêmes qui sont dans vos oreilles, là. Et je crois que quand j'écris ça, c'était aussi une histoire de lien. Dans Nous sommes des marécages, je parle aussi pas mal de ça. On a les mêmes lieux, la même émotion source. Nos cartes se rencontrent, nos reliefs, nos mars, nos étangs. Nous sommes des marécages, nous sommes les mêmes. Enfin, comme un truc où ça se mélange un petit peu. Je pense que ça me plaît bien aussi. Ouais, c'est toujours pareil, c'est aller chercher le lien entre les gens, mais de manière différente. D'aller chercher les choses un peu... Oui, cette idée-là de dire qu'on a les mêmes mots dans la bouche que dans l'oreille, ce n'est pas un truc qu'on entend trop. La joie et la beauté de se dire qu'on peut être en lien de manière... infiniment diverses et variées. On peut être imaginatif sur ça, on peut être créatif. Quand vous rencontrez quelqu'un, vous n'êtes pas obligé de lui dire bonjour, comment tu t'appelles, tu fais quoi dans la vie et quel âge tu as. Ça peut être j'adore les chiens surtout, les coqueurs et toi, n'importe quoi. Ça, il n'y a rien de plus qui m'émeut beaucoup. D'ailleurs, je me souviens de cette image, j'avais vu une pièce de théâtre quand j'étais à Paris. Et c'était des... Au lieu de se faire des poignées de main ou des bises ou des câlins, ils se mettaient... C'était un peu de la danse. Ils se mettaient en lien par des parties du corps différentes. Et ça m'avait beaucoup émue de voir deux êtres humains faire ça, en fait. Peut-être que j'essaie de faire ça, moi, avec mon matériau, qui sont les mots.

  • Speaker #1

    Ça veut aussi dire sortir d'un mécanisme auquel on ne réfléchit plus, puisqu'on rentre en relation 99 fois sur 100, par le bonjour ça va. Donc c'est juste aussi reprendre conscience peut-être aussi du moment que l'on vit et de s'autoriser à faire un pas de côté.

  • Speaker #0

    Tout à fait, avoir une présence consciente, entière. Et en plus, ça peut aider aussi quand on n'est pas forcément à l'aise avec les normes sociales, justement. trouver d'autres chemins, un chemin de traverse. Et aussi, toujours ce fameux mot, accepter d'être bizarre, accepter le bizarre en soi, et être curieuse du bizarre des autres aussi.

  • Speaker #1

    Tu l'as abordé dans ton troisième livre, Nous sommes des marécages. C'est quoi l'idée qu'il y avait derrière ce livre, peut-être ? Est-ce que tu peux nous en reparler ? Il y avait cette idée de sortir du GPS, un peu ?

  • Speaker #0

    Tout à fait. Alors, nous sommes d'abord à cas, c'est le deuxième. C'est le deuxième, c'est entre les deux. Voilà, oui. Oui. Nous sommes des marécages, c'est un moment de ma vie où je n'ai pas de smartphone. J'ai un tout petit téléphone à 14,90€ acheté à Carrefour. Et donc voilà, déjà là, c'est un rapport au monde différent quand même à l'heure où l'on vit. Donc je pense que de fait, là aussi, j'étais dans des relations différentes aux gens, aux lieux et tout. Au temps aussi, ça change le rapport au temps énormément. Je me suis plus intéressée à la question du GPS, comment je peux me mouvoir sans pouvoir à chaque instant cartographier mon environnement, juste avec mes yeux et regarder les panneaux ou demander à des gens. Et voilà, j'ai eu envie de parler de ça, de raconter un peu ça. Le livre, à la fin, est dédié à tous ceux et à toutes celles qui se perdent. C'est pas grave. Ça me plaît bien. Ça me plaît assez de chuchoter c'est pas grave à l'oreille des gens dans ce livre. Bien. Parce qu'on est déjà assez sévère avec soi-même. Et parce que, justement, sans GPS, on rate, on se perd en fait. On ne va pas aussi vite qu'on voudrait. On ne va pas du point A au point B comme il faut. On peut éventuellement rater des trains, ne pas être à leur rendez-vous, décevoir des gens. Ça, c'était assez intéressant aussi. Ne pas être toujours dans l'hyper-performance, l'efficacité, la rapidité. Et du coup, faire d'autres rencontres et d'autres aventures. Au final, j'ai beaucoup... Je parlais à des gens avec qui je n'aurais jamais parlé. Et j'ai apprivoisé ce sentiment aussi de stress, de panique, de ne pas savoir. Je ne sais pas, on est dans une guerre inconnue, ça nous fait stresser et tout. Mais en fait, c'est un pli à prendre. Une fois que... Je pense qu'on stresse d'autant plus qu'on se déresponsabilise de sa propre capacité de savoir. Puisqu'on met tout dans le GPS, dans le téléphone. Et sous-entendu, moi, je suis capable de rien. C'est lui qui est capable de tout, le téléphone. Ça me rend triste, moi, d'imaginer qu'il y ait des vies qui n'ont plus du tout confiance dans le dehors, avec le confinement et le Covid, on a vu, ce rapport à l'extérieur qui a pu en prendre un sacré coup. Ce rapport aux gens aussi, d'avoir peur d'avoir un peu le moindre contact avec un inconnu dans la rue. Alors que bon, les chances, il arrive des malheurs, il en arrive, mais les probabilités sont quand même plutôt dans le bon sens. Donc ça, la réconciliation avec le dehors, peut-être. C'est ça, nous sommes des marécages. Parce qu'en fait, et ça c'est un ethnologue qui s'appelle Philippe Descola qui dit La nature n'existe pas, nous sommes la nature. Moi j'ai envie de dire aussi Le dehors n'existe pas, nous sommes le dehors. Je suis le dehors. Donc ouais. Ah, ça me donne envie de reprendre un petit bigot là. De rejeter mon smartphone.

  • Speaker #1

    Et donc après, nous sommes... Nos marécages ?

  • Speaker #0

    Les marécages.

  • Speaker #1

    Mais ça marche.

  • Speaker #0

    On a comme des marécages.

  • Speaker #1

    Chacun se l'approprie. Et sur le coup, tu arrives à Bouches fumées, qui est ton dernier livre. Livre, libre aussi. C'est le moment où je mélange tout.

  • Speaker #0

    Des poèmes, toi aussi.

  • Speaker #1

    Bouches fumées, ça veut dire quoi ? Il m'intrigue encore ce livre, ce titre pourtant.

  • Speaker #0

    Ouais, On en parle aussi... Ben, en fait, le fumier, donc. Parlons-en. Tu vois, c'est là où je te parlais de la sève au tout début. Ça revient. Moi, j'ai ce souvenir. Là, si je réfléchis pas trop, le fumier, pour moi, c'est plutôt... Je suis en scooter, j'ai 14-15 ans, je vais rejoindre les copines au foirail et Je suis sur la route, je suis sur mon scooter, à priori je ne suis pas à la ferme, mais en fait je sens l'odeur du fumier en roulant. C'est un peu ce mélange-là. Ça c'est pour rappeler juste un souvenir. Mais sinon le fumier c'est ce qui s'épand sur les champs pour les fertiliser, pour favoriser en tout cas la fertilisation. Et donc la bouche fumier, ça serait la bouche fertile. Les mots, la bouche qui peut justement en épandant. sont fumiers qui seraient en fait des mots. Ces mots fumiers peuvent essayer de fertiliser un peu le monde, planter des petites graines, planter des petites pousses. Et d'ailleurs, des retours qu'on me fait après m'avoir entendu le lire, c'est... Un sentiment d'autorisation. Les gens viennent... Je retiens pas mal ça, voilà. Quand nous sommes des marécages, on parlait du c'est pas grave, ça rassure Et bouche fumière, on me dit que ça donne envie aux gens de s'autoriser des trucs. Et ben pour moi, voilà, la bouche fumière, si elle a favorisé ça, si elle a fertilisé des gens qui peuvent se dire bon ben moi aussi je vais créer des trucs, moi aussi j'ai envie de dire des trucs, dire mes trucs Et voilà. Fertiliser ça.

  • Speaker #1

    Pour le coup, tu parles de ce souvenir avec l'odeur du fumier qui te suit, mais toi, tes parents ne sont pas paysans.

  • Speaker #0

    Non. Ouais.

  • Speaker #1

    Tes grands-parents l'étaient ?

  • Speaker #0

    Et mes grands-parents l'étaient, mes quatre grands-parents. Mais donc la maison où l'on se trouve, où j'ai grandi, est vraiment à 300 mètres de la ferme de ma grand-mère. Et à... à 100 mètres de la maison de mon oncle qui était agriculteur aussi. Mon cousin qui a repris la ferme. Donc, avec les vaches dans les prés aux alentours, les poules, bon voilà. Il y a quand même cette notion-là qui est toute proche, quoi. Mais oui, non, moi, mes parents ne l'étaient pas.

  • Speaker #1

    Hortense, je voudrais t'amener vers la fin de notre échange. La dernière question, elle est rituelle avec tous les invités. C'est en quoi est-ce que tu crois ?

  • Speaker #0

    Wow. ça va peut-être répéter je crois en la capacité, je crois que j'aime bien ce mot aussi de créer de la beauté des gens voilà j'ai envie juste de dire ça merci

  • Speaker #1

    beaucoup de ton temps et de tout ce que tu nous as dit.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de Finta jusqu'au bout. J'espère qu'il vous a plu, inspiré, questionné et fait voyager peut-être. Si vous souhaitez continuer la discussion, je suis toujours curieuse de vous lire et d'échanger. Je vous propose que l'on se retrouve sur Facebook, sur Instagram ou sur le site fintapodcast.fr. Vous pouvez retrouver tous les précédents épisodes de Finta gratuitement sur les applications de podcast. Et pour recevoir chaque nouvel épisode directement dans votre boîte mail, vous pouvez aussi vous abonner à la newsletter. Et pour que Finta vive, si vous appréciez le podcast et que vous souhaitez soutenir ce travail indépendant, partagez-le autour de vous. Consphérez-le à vos amis, parlez-en, c'est le meilleur soutien que vous puissiez nous apporter. A très bientôt.

  • Speaker #0

    Moi je pourrais parler de poésie très longtemps, mais peut-être dire que l'écriture c'est aussi un... Je pense que je crois aussi dans l'écriture, ça me tient aussi dans la vie. C'est quelque chose que... L'autre jour, je pensais un peu avec vertige en me disant, tiens, si je n'écrivais pas, ce serait quoi ma vie ? Donc voilà, c'est quelque chose qui tient. Et voilà, et dire que mon prochain livre sort en mai 2025 aussi. Celui-ci va s'appeler Abandon, avec un S.

  • Speaker #1

    Comme Ruralité,

  • Speaker #0

    avec un S. Un petit peu, oui. Je l'ai écrit à peu près en même temps.

  • Speaker #1

    Ok. Et pourquoi il sort 5 ans après ?

  • Speaker #0

    Il avait besoin de maturer ou de rester encore. Ce n'était pas encore son moment. Ils ont une petite vie aussi, les livres. Je ne les maîtrise pas entièrement. Merci. Merci à toi, Lola.

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