- Speaker #0
Flamme des années 80.
- Speaker #1
Le podcast qui allume la femme.
- Speaker #0
Bonjour, donc nous sommes au mois de décembre. Et comme on vous l'a dit, au mois de décembre, on va parler des hommes. Et on a la chance de recevoir aujourd'hui Stéphane Gaillard, qui est un ancien directeur de casting. Enfin, tu as travaillé 29 ans dans le cinéma, c'est ça ? Et tu as été fondateur de Larda. Donc Larda, c'est l'association des responsables de... Distribution artistique.
- Speaker #2
Un des membres fondateurs. Je n'étais pas le seul.
- Speaker #0
Oui, bien sûr. Un des membres fondateurs de l'ARDA. Et ancien membre du comité des révélations au César. Alors qu'aujourd'hui, par contre, tu n'as plus aucun rapport avec le cinéma, entre guillemets, dans tout ce qui est associatif.
- Speaker #2
Si, j'ai toujours un rapport avec le cinéma, mais je ne suis dans qu'une association. Voilà. Ça me permet de garder une indépendance Hum. Et une liberté totale de parole, en fait. Je le revendique, oui.
- Speaker #0
Mais ça, c'est bien. Et donc, du coup, on t'a invitée aujourd'hui parce que ta vie a un peu basculé l'année dernière. Que tu peux nous raconter un peu comment ça s'est passé ?
- Speaker #2
Oui, c'est-à-dire que le 22 février dernier, j'ai créé une adresse qui s'appelle metooacteur.gmail.com pour les comédiens qui ont été agressés. dans le cinéma. Je l'ai créé suite à une dizaine de témoignages que j'avais reçus dans les disques un jour avant. Donc je me suis dit qu'il fallait créer cet endroit pour recueillir ces témoignages. Et le hasard des choses a fait que le 23 février, le comédien Elien Wijk a annoncé sur son story Instagram avoir été agressé sexuellement ou plus précisément violé enfant par son... nageant. Et c'est lui qui a créé ça, je dois dire. Il faut dire les choses. Le hashtag MeTooGarçons, ça n'a pas à moi. C'est Aurélien Vic qui l'a écrit tout simplement dans ses stories. D'ailleurs, je crois qu'Aurélien, sans parler à sa place ou trahir sa parole, ne mesurait pas non plus. Il avait juste envie de témoigner et d'inviter des garçons à aller porter plainte, à parler, etc. Et suite à ça, la presse s'est intéressée à moi, au sujet que je portais, qui était nouveau.
- Speaker #0
Et du coup, ce qui est intéressant, ce qui est assez amusant dans cette histoire, c'est que vous avez tous les deux... Enfin, toi, tu as reçu des témoignages. Lui, il a décidé de parler et c'était quasiment le même jour. Alors que vous ne vous connaissez pas.
- Speaker #2
Et moi, c'était le 22 février à l'adresse mail et lui, il a dévoilé... ce qui lui est arrivé, enfant et adolescent, le 23 février, voilà.
- Speaker #0
C'est une synchronicité. Oui,
- Speaker #2
une synchronicité, le hasard, ou le non-hasard.
- Speaker #0
Quelque chose. Et toi, tu avais déjà reçu des témoignages qui étaient venus comment, en fait ? C'est-à-dire que, par hasard, les gens ont commencé à te parler ?
- Speaker #2
Non, c'est pas par hasard, je pense que j'avais déjà reçu des témoignages en 2017-2018, mais cette fois d'actrice, en fait, qui avait été agressée. sexuellement dans le cinéma, voire violée. Non, je pense que mes réseaux sociaux, notamment Facebook au départ en 2017, puis ensuite Instagram aussi, moi je ne suis pas militant, je respecte totalement le militantisme, c'est un sacerdoce pour moi, c'est un sacrifice d'une vie. Mais moi je ne suis pas militant, mais je suis engagé et concerné, oui ça c'est sûr, et donc j'ai toujours... afficher mes positions aussi notamment sur les violences faites aux femmes depuis très très longtemps, même bien avant MeToo donc finalement il me semble que je suis assez lisible et transparent et c'est ça qui fait que peut-être je dis bien peut-être parce que j'ai pas exactement la réponse mais peut-être que c'est ça qui permet à des actrices et des acteurs de... d'avoir confiance ? oui, c'est-à-dire que je sens bien qu'ils m'accordent leur... qui m'accordent leur confiance, donc je ne peux pas la trahir, mais c'est ça qui fait qu'ils passent à l'acte, c'est-à-dire de me contacter pour me dire, voilà, je voudrais te parler, j'ai quelque chose, quelque chose m'est arrivé.
- Speaker #0
Souvent, ils n'ont jamais dit à personne, c'est la première personne à qui...
- Speaker #2
La majorité, il n'y a pas de règle générale, les histoires se répètent, et souvent, c'est encore une fois... Les mêmes agresseurs, il n'y a pas d'agression, ça je l'ai dit, je le répète, les agressions uniques, isolées n'existent pas. On est là dans un mode opératoire de prédation, c'est-à-dire ces hommes prédatent, d'ailleurs ils multiplient à l'infini les agressions sexuelles ou les viols tant qu'ils ne sont pas arrêtés. Que ce soit pour les femmes ou les hommes, c'est la même chose, il n'y a pas vraiment de différence. mais les témoignages que je reçois, que j'ai reçus... Par mail des garçons, j'avais déjà reçu des témoignages aussi d'actrices, beaucoup d'actrices. Et c'est vrai que si on enlève le prénom, en fait, le témoignage, on peut le dégenrer. Il n'y a pas tellement de différence dans l'expérience des lectures, des récits que je lis, entre un homme et une femme qui se fait agresser.
- Speaker #0
C'est vachement intéressant de le dire, parce que la part des femmes a été libérée, enfin, est en train de se libérer de plus en plus. C'est vrai que les hommes, ça commence un petit peu. et euh Et surtout, les enfants sont extrêmement touchés. Les enfants, quand on dit les enfants, il n'y a pas de sexe, en fait. C'est les enfants, c'est autant les petites filles que les petits.
- Speaker #2
Alors là, c'est un autre encore... Oui, absolument, c'est encore un autre sujet. Les enfants victimes de violences sexuelles, ça, c'est encore un autre sujet. Là, moi, j'ai que des adultes qui sont venus me parler des hommes et femmes. Donc, ce n'est vraiment pas des violences qu'ils ont vécues enfants. C'est des violences qu'ils ont vécues dans le milieu professionnel du cinéma, dans leur métier d'acteur et d'actrice, en fait.
- Speaker #0
Je le remercie là-dessus parce que comme Aurélien Witt, on parlait de son agent et que c'est quand il était jeune, je me suis peut-être, peut-être j'ai fait une assimilation. Oui,
- Speaker #2
oui, bien sûr.
- Speaker #0
Tu es arrivé aussi à des enfants sur des plateaux de tournage ou des adolescents qui sont un peu vulnérables. Alors,
- Speaker #2
j'ai eu quelques témoignages d'acteurs qui ont été agressés sexuellement ou violés lorsqu'ils étaient des enfants. Mais lorsqu'ils sont venus témoigner, ils étaient des adultes en fait. Donc, je n'ai pas eu un enfant, ça serait un peu difficile, etc. Mais j'ai eu un témoignage dont je me souviens très bien, le témoignage d'une maman. Et son enfant avait subi des choses par un acteur réalisateur un peu connu. Et aujourd'hui, il était acteur. Il a vraisemblablement aujourd'hui 24 ans, mais c'était quand il était un jeune adolescent. Mais elle voulait préserver son fils et elle avait besoin de me raconter ce qui lui est arrivé. Voilà, ça je m'en souviens très très bien.
- Speaker #0
Et après, avec tous ces témoignages, parce que tu n'as pas de préparation spéciale, toi tu as juste offert un territoire.
- Speaker #2
C'est-à-dire, cette adresse mail, j'en suis le propriétaire, mais le propriétaire, c'est-à-dire, j'en suis le garant de la sécurité. Mais à l'intérieur de ce territoire, il ne m'appartient pas. Il appartient aux personnes qui veulent témoigner. Donc, il est d'une liberté absolue. Je n'ai rien à dire. Je n'ai rien à... Souvent, quelquefois, assez régulièrement, avant de venir témoigner sur cette adresse mail, il et elle, et je dois dire elle, parce qu'aujourd'hui, il y a quelque chose de très nouveau. C'est qu'elle vient de me parler pratiquement le jour où ça s'est passé, immédiatement. Ça c'est assez exceptionnel et très nouveau. Notifier quand même le jour où ça s'est passé, elle me laisse un message. En me disant Stéphane, voilà il s'est passé quelque chose, est-ce que je pourrais te parler, etc. Souvent, les témoignages des hommes et des femmes qui sont faits agresser, ils ont un point commun, c'est qu'ils minimisent en fait ce qui leur est arrivé, constamment. c'est à dire il ne nomme pas à la juste au juste endroit ce qui leur est arrivé je me suis fait harceler et en se rendant compte non t'es pas fait harceler, il faut mettre le bon mot c'est une agression sexuelle caractérisée je me suis fait embêter non tu t'es pas fait embêter ça s'appelle un viol donc il y a toujours vous vous êtes justement à mettre des mots sur des choses non je suis très rigoureux sur la manière De pratiquer, ça dépend. Lorsque c'est un témoignage par écrit, généralement les témoignages par écrit sont très très longs, très constanciés. Il faut bien comprendre aussi que généralement, ils parlent assez peu de la personne qui a commis cet acte. Ce dont ils parlent, c'est d'abord qu'ils veulent être reconnus, c'est-à-dire que je les crois, parce que souvent c'est la première fois qu'ils en parlent, qu'ils n'ont pas rêvé ou qu'ils ne sont pas coupables. souvent ils se sentent coupables en disant « j'aurais pas dû aller, j'aurais pas dû faire ça, peut-être que j'ai pas à se dire non, etc. » Et en même temps, ils ne sont pas du tout dans une notion de vengeance. L'agresseur est très accessoire. Ce qui est important, c'est de se raconter à quelqu'un du cinéma. C'est pour ça que la parole, elle vient de manière aussi facilement vers moi, et pas vers une association, etc. Parce qu'ils veulent quelqu'un qui travaille dans le cinéma.
- Speaker #0
Il comprend le milieu en fait.
- Speaker #2
Même au-delà de ça, c'est-à-dire que généralement, enfin c'est pas généralement, c'est 100% des cas, ils me nomment leur agresseur. Je ne demande rien, rien. Je n'ai rien à demander. Je me nomme leur agresseur. Pourquoi ? Parce qu'ils savent qu'il y a 90% de chances que j'identifie tout de suite qui est la personne. Pour eux, c'est une reconnaissance énorme que s'ils vont parler dans notre endroit, on va dire ok, mais ça devient un agresseur parmi d'autres. Donc finalement, ça noie aussi. C'est pour ça que c'est important pour eux de me parler. Et ça, c'est moi, c'est pas mon analyse. C'est eux finalement, si j'écoute et j'entends bien, c'est toujours ça qui est important. De dire, je sais que Stéphane va connaître la personne, il ne va pas me dire mais c'est qui ? Et surtout, comme je l'expliquais, c'est un système de prédation, donc c'est une multiplication d'agressions. Ce témoignage, je l'ai déjà peut-être entendu 5, 6, 7, 10 fois avant. Donc je peux dire, tu n'es pas tout seul ou tu n'es pas toute seule.
- Speaker #0
Et c'est souvent les mêmes personnes qui reviennent ?
- Speaker #2
Tu parles des agresseurs ? Oui, bien sûr. Oui, évidemment.
- Speaker #1
Et quand toi, d'un seul coup, tu as quelqu'un qui est revenu, le nom revient plusieurs fois, parce que c'est un lourd secret apporté d'avoir ça. Oui,
- Speaker #2
je propose souvent, à la fin de témoignages souvent, c'est un peu comme les témoignages, c'est comme les témoignages des femmes. c'est toujours pour préserver les autres. Je parle pour que ça n'arrive pas à d'autres. Je parle pour que ça n'arrive plus à d'autres. Il y a toujours ça à la fin. Toujours, toujours. Et aussi, dans ces cas-là, moi, quand j'ai reçu d'autres témoignages, je dis, tu n'es pas seul. Tu n'es pas seul. J'ai reçu plusieurs témoignages. Et je propose, ou alors eux me disent, ah, est-ce que tu crois que je peux le changer ? J'ai dit, je vais poser la question. Je ne révèle jamais aucun nom. Donc, je reviens vers quelqu'un d'autre où je sais qu'il m'a dit, si il y a quelqu'un qui veut parler, je veux bien parler. Donc, voilà. Et ensuite, je reviens vers les personnes, mais aussi, je ne me mêle pas de les mettre en contact directement. Il faut aussi redonner de la dignité. La dignité, c'est aussi la responsabilité. responsabiliser la personne qui a été agressée pour retrouver sa dignité. Il n'y a rien de pire que l'accompagnement compatissant. C'est épouvantable pour tuer quelqu'un. Non, il faut être distancié. Et je leur dis voilà, voilà son Instagram, voilà ton Instagram. Déjà, commencez par échanger parce que peut-être que vous n'avez pas envie d'aller plus loin finalement dans l'échange, ça n'a pas arrivé.
- Speaker #1
Parce qu'on n'est pas tant que tu as un élan.
- Speaker #2
Ah ouais, tant que... On ne se sent pas à l'aise avec la personne. Ce n'est pas parce qu'on a été agressé par la même personne que le point commun, c'est l'agresseur. Mais après, peut-être, on ne se sent pas à l'aise. Donc, je lui dis, je leur dis, vous échangez. Puis après, à vous de décider si vous donnez votre 06. Mais ce n'est pas moi qui vais le donner, en tout cas.
- Speaker #0
Ça devient concret, surtout. Voilà. Ça devient très concret. C'est juste dans notre tête. Voilà.
- Speaker #2
Et en fait, à chaque fois, je sais qu'il s'appelle. Je sais que c'est important. Il s'appelle.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a eu des dénouements où tu as appris qu'en fait, ils se sont mis en relation à plusieurs et que du coup, ils sont allés ensemble porter plainte à plusieurs sur une même personne ?
- Speaker #2
Oui, bien sûr. C'est pour ça que je suis aussi en relation avec un cabinet d'avocates pénalistes, spécialistes dans les violences sexuelles.
- Speaker #0
On a invité justement une avocate spécialiste dans les violences sexuelles, donc si les gens n'ont pas écouté l'émission... C'était il y a deux semaines. Oui. L'oreille galopée. Voilà.
- Speaker #2
Parce qu'après, il y a le moment de la plainte, quand on est en possibilité de porter plainte. Porter plainte, je crois qu'on ne mesure pas encore ce que ça veut dire. Les gens ne se rendent pas compte de pousser la porte d'un commissariat et d'aller plaindre. Votre vie va changer. Votre vie ne sera plus la même. Ce qui est assez incroyable, c'est quand même un lieu d'endroit de justice et de protection. Allez porter plainte finalement si on a une bagnole et puis qu'un type vous a embouteillé dans le truc, vous allez vite porter plainte et réclamer votre dû et votre droit et votre justice. Mais quand il s'agit de votre corps, c'est très très compliqué. C'est très très compliqué. Donc il ne faut pas croire comme ça aussi tout ce qu'on entend, pourquoi elle n'a pas porté plainte ou elle porte trop plainte, etc. Non, non, j'ai envie d'amener des gens par la main et leur dire voilà. Voilà ce que c'est d'aller porter plein teint. Ta vie va changer. D'autant plus qu'on est dans un métier, là je parle des actrices et des acteurs, parce que c'est mon domaine. Mais évidemment, il y a un prix à payer quand on parle. Surtout quand on s'attaque à des gens, des hommes, on va préciser, des hommes de pouvoir.
- Speaker #1
Oui, c'est très médiatisé encore.
- Speaker #2
Voilà, donc je comprends très bien la peur, je comprends très bien. Et je ne pousse jamais. Quelqu'un qui s'est fait agresser a porté plainte. Si ma première réponse est de lui dire « portez plainte » , je trouve ça épouvantable. D'abord, on écoute. D'abord, on écoute. J'écoute. C'est la chose la plus importante. Et souvent, là, ça se passe dernièrement, je reçois moins de témoignages par mail et plus un désir. Les femmes, ça, par contre, c'est un tout petit peu différent. C'est qu'elles ont besoin de me parler, en fait. Plus que d'écrire, elles ont besoin de me parler. Dans ce cas-là, je donne toujours mon 06. Récemment, il y a eu une femme qui s'est fait agresser sexuellement, une agression sexuelle caractérisée avec violence. Le jour même, elle m'a mis un mot. Et c'est très intéressant dans le petit mot, mais je ne vais pas trop dévoiler parce que je n'aimerais pas qu'elle... Enfin, elle ne m'en voudrait pas, on est très proches, mais... Elle m'a mis que j'ai été harcelée. Non, en fait, voilà. de pouvoir raconter à quelqu'un, la corte la confère, elle sait que je ne répéterai pas, qu'il n'y a absolument aucun nom d'agresseur qui sortira de ma bouche, parce que je ne suis pas dans la délation et la diffamation, et ce n'est pas à moi que c'est arrivé. Je ne suis pas victime de ces hommes. Et ça ne serait pas protéger aussi les victimes. Il faut être extrêmement... Là-dessus, je suis extrêmement... Comment dire ? Prudent ? Oui, c'est-à-dire plus que prudent, j'ai une ligne droite et je ne m'en sors absolument jamais. Donc la presse a pu essayer d'obtenir des noms. Ils ont vite compris qu'avec moi ça ne marcherait pas comme ça. Parce que ça mettrait en danger. Et aussi, je ne peux pas être dans la délation, je me ferai attaquer en diffamation. Enfin, ça n'a aucun sens.
- Speaker #0
Ce n'est pas du tout le but.
- Speaker #2
Ce n'est pas non plus le but. Mais en tout cas, ça se fait par étapes. de porter plainte. C'est un cheminement, quelquefois, qui peut être très rapide, très spontané. Quelquefois, ça peut être très long. Quelquefois, on peut décider d'y aller, finalement, on recule. Je veux dire, à chaque fois, je dis toujours aux hommes et aux femmes qui viennent témoigner que tu ne portes pas plainte ou que tu portes plainte, la considération que j'ai pour toi ne changera pas. Je te suis dans ta décision, en fait. C'est l'idée. Je n'ai pas à juger. Et je n'ai pas non plus à pousser et à convaincre. Parce que ça, je trouve ça épouvantable parce que tu culpabilises la personne agressée. Ils se sentent immédiatement coupables. Non, il y a un temps pour écouter. Souvent, je dis, là aujourd'hui, ce soir, tu m'as raconté ça, il y a la nuit, et puis demain, c'est un autre temps. Et dans cet autre temps, peut-être qu'on pourra parler d'autres choses. Voilà. Et peut-être que je pourrais amener doucement en disant, est-ce que tu as pensé à l'éventualité de porter plainte ? Mais il faut être extrêmement délicat parce que le mot porter plainte, ça peut créer une panique énorme. Donc voilà, il faut expliquer aussi, parce qu'on ne connaît pas très bien le droit, aussi les manières de porter plainte parce que ce que l'on voit dans la presse, c'est des buzz, c'est très médiatisé, etc. On voit aussi beaucoup d'avocats et d'avocates profiter, je dois dire, des victimes pour se faire une nouvelle clientèle et passer à la télévision, etc. Moi, ce n'est pas mon créneau. Le cabinet des avocates et les femmes avocates, les femmes de droit avec lesquelles je suis en lien, on a la même direction. C'est protéger les victimes. Donc voilà, on ne parle pas si on n'a pas porté plainte. Et il y a différentes manières de porter plainte. On peut aussi porter plainte sans que la personne sur qui on porte plainte soit au courant. Ça laisse le temps de l'enquête. Le problème de nommer tout de suite, c'est que l'agresseur... Le sait. Ben oui. Donc il va fermer tous les verrous. Donc il faut laisser le temps de l'enquête faire.
- Speaker #1
On peut porter plainte contre X en fait,
- Speaker #2
c'est ça ? Oui, mais c'est ce moment d'enquête accompagné par un avocat et une avocate. Parce que seul c'est très difficile de porter plainte si on n'a pas d'avocate. Parce que ça tombe un peu comme ça votre plainte. Il y a tellement de plaintes tous les jours, ils sont débordés. Mais au-delà même des violences sexuelles, des plaintes pour tout.
- Speaker #1
Et puis on ne sait pas par qui on est reçu aussi. Parce que je pense qu'on entend souvent des gens qui ont essayé d'aller porter plainte. Et la plainte a été reçue, enfin des fois il y a des indélicatesses de la face du client, quand tu es bien accompagné au moins tu as un avocat.
- Speaker #2
Alors déjà il faut savoir, oui déjà où porter plainte, souvent on ne sait pas, souvent on se dit mais est-ce que c'est à l'endroit où j'ai été agressé, alors qu'on ne peut porter plainte dans n'importe quel commissariat.
- Speaker #0
Même si ce n'est pas la même ville. Oui,
- Speaker #2
absolument, ils ne connaissent pas aussi les délais de prescription pour la plainte, la main courante, etc. Donc j'explique, dans un premier temps, toujours. Mais après, je lui dis ma parole ne peut être validée que par une femme de droit. Donc maintenant, est-ce que tu es d'accord ? Si tu veux, voilà le numéro de cette avocate. Ce n'est pas pour ça qu'elle va devenir ton avocate, mais elle va pouvoir répondre à tes questions. Et elle est totalement légitime parce qu'elle connaît le droit. Donc elle va te reconfirmer ce que je t'ai dit. Mais je trouve que sa parole a plus de valeur que la mienne parce qu'elle, c'est une femme de droit pénaliste. Donc ça permet aussi d'expliquer, de comprendre. Et aussi, je m'intéresse beaucoup, elle connaît aussi les endroits, les commissariats où on est. extrêmement bien reçues, il y en a.
- Speaker #1
Oui,
- Speaker #2
c'est ça qui est important. Et moi, ça me permet aussi de lister la liste des commissariats où si un homme ou une femme agressée me dirait Stéphane, je voudrais porter plainte, mais je ne sais pas où, je pourrais lui dire à tel commissariat, tu seras extrêmement bien reçu et écouté. Donc j'ai une liste. Ça grandit, mais ça, c'est le retour des personnes qui portent plainte. Donc c'est un échange permanent. Parce que je lui dis comment ça s'est passé. Est-ce que tu as été bien reçu, mal reçu ? pourquoi ça s'est bien passé, pourquoi ça s'est bien passé, qu'est-ce qui fait que ça s'est bien passé, etc. Du coup, j'élimine ceux où il y a encore du travail à faire, mais il y a aussi des endroits de la police où vraiment c'est absolument bienveillant, respectueux. formés sans doute, mais il y a aussi de l'intelligence humaine, parce que toutes les formations du monde, s'il n'y a pas d'intelligence humaine, on a beau avoir fait une formation, les questions sont toujours aussi violentes, donc c'est un mélange de formation et d'intelligence humaine, de recevoir ces femmes et ces hommes et de les écouter, de ne pas remettre en question, rester factuel aussi, impartial, mais au moins déjà c'est un point de départ en tout cas.
- Speaker #1
En tout cas, c'est vraiment super important ce que tu fais. Je ne sais pas si tu as conscience, mais tu es certainement en train de changer le courant de l'histoire.
- Speaker #2
Alors ça, c'est un grand mot.
- Speaker #1
Non, mais de l'histoire française, tu vois, la parole des garçons. En fait, tu as acté quelque chose, et sûrement malgré toi, et ça d'ailleurs, on va en parler, mais qui doit te dépasser, mais en même temps qui est tellement important, je pense, dans notre société, dans cet instant T.
- Speaker #2
Ouais ouais Mais ça, c'est très gentil, mais si tu veux, moi je ne me pose pas la question comme ça parce que je n'ai pas le temps et que moi je suis dans le faire en fait.
- Speaker #1
Oui, bien sûr.
- Speaker #2
Écoutez, ce n'est pas être passif, moi je suis dans le faire. Moi j'aime la réflexion, l'analyse, mais elle doit être traduite par des actes pragmatiques, sinon ça ne sert à rien du tout. Donc je suis vraiment dans le faire. Et puis aussi, il faut être, répondre présent au moment. où la personne, elle va, elle a besoin de vous. Ce n'est pas demain. J'ai senti que c'était là tout de suite, qu'elle avait besoin de me parler. Quand elle m'a mis un mot, elle me dit, je me suis fait harceler. Aujourd'hui. Si j'avais dit, on se parle demain, c'est trop tard.
- Speaker #1
Et ça, justement, comment tu gères ton temps ? Parce qu'il faut être présent quand tu sens, mais je pense que tu as ta vie à côté. Il y a des demandes. Toi, Stéphane, comment est-ce que tu gères tes prises de temps ?
- Speaker #2
Eh bien, je me démerde. Voilà. Je fais comme je peux et j'y arrive. On y arrive toujours quand on veut. Et puis il y a des priorités, donc je hiérarchise. Donc là c'est une priorité. Donc voilà, on s'appelle, on se parle. Et l'avocate, c'est pas trois semaines après, l'avocate c'est le numéro tout de suite, je l'appelle, même si c'était un week-end, je l'ai appelé. Ce sont des pénalistes, ils sont extraordinaires. Une femme en particulier, dont je suis très proche, avocate. Elle me dit, le pénaliste, on n'a pas de vie privée. Donc, c'est tout le temps. Si elle a besoin tout de suite, à 23h dimanche, de parler, je suis là. Donc, moi, c'est la réponse, elle doit être immédiate. Voilà le numéro de l'avocat. Appelle-la tout de suite. Elle est à rendez-vous, téléphonique, à 16h. On est dimanche. Voilà. Et après, ce qui se dit entre l'avocate et la victime, ou la femme, ou l'homme qui s'est fait agresser, ça, ça ne me regarde pas.
- Speaker #1
Bien sûr.
- Speaker #2
Ça doit rester strictement confidentiel. Voilà. Si la personne veut m'en parler, elle m'en parle. Je me demande juste, est-ce que ça s'est bien passé ? Voilà, c'est tout.
- Speaker #0
Mais ta vie a complètement basculé le 22 février 2024.
- Speaker #2
Mais ma vie, oui, je ne retrouverai pas ma vie du 22 février. C'est difficile à raconter, même à expliquer. C'est pas uniquement ça. C'est à partir du moment où j'ai... D'abord, j'ai créé cette adresse mail. Ça a créé une panique dans le milieu du cinéma. parce que c'était nouveau pour les hommes, mais il y a aussi quelque chose de nouveau, c'était que c'était un homme qui recevait la parole. Mais pas n'importe quel homme, je ne parle pas de moi personnellement, ça n'a pas grand intérêt, un directeur de casting. Un homme directeur de casting, donc un métier de pouvoir. Donc là, il y a eu une espèce aussi de panique, en disant à l'intérieur même du cœur du système, il y a quelqu'un qui va parler. Et aussi, il y a un homme qui trahit les autres hommes. C'est ça ce qu'on m'a fait payer. Il y a aussi, tu nous trahis, puisque tu vas nous balancer.
- Speaker #1
C'est dingue. Et puis en plus, c'est vrai qu'on a...
- Speaker #2
Ce qui est incroyable, j'ai ressenti même une trahison des hommes, enfin qui est ressentie comme une trahison même d'hommes qui ne sont pas du tout des agresseurs. Il y a quelque chose qui a... toucher le noyau dur des hommes. Je devenais l'homme qui allait balancer les hommes. Et puis après, à partir du moment où j'ai commencé à être invité à parler dans la presse, chez Brisa Lomerta, là on paye un prix. Je ne suis plus directeur de casting depuis le 22 février.
- Speaker #1
Mais parce que les gens ne veulent plus, ne t'appellent plus. Parce qu'il n'y a pas des femmes qui se sont dit « Ah, justement, moi je veux travailler avec lui parce qu'il a une cause qui nous en cause. »
- Speaker #2
Non, ça serait merveilleux, mais ça ne se passe pas comme ça. La réalité est beaucoup plus simple. C'est un silence absolu. Voilà, on parle, on vous éjecte. Vous n'existez pas. La seule réponse que le cinéma vous donne, c'est le silence. Le silence, c'est la réponse la plus écrasante qu'on puisse donner à un être humain. Comment on se bat pour l'heure avec le silence ? Comment on contre le silence ? Comment on existe face au silence ? Ça vous nie votre existence, vous n'existez plus. Et ensuite, il y a eu évidemment cette audition à l'Assemblée nationale pour la commission que Julie Cotterèche a demandé sur les violences sexuelles commises dans le cinéma. Entre autres, mais en tout cas dans le cinéma, où j'ai été auditionné, et je savais très bien, si à 52 ans, je ne sais pas, le prix à payer, j'aurais été un peu niais. Donc je savais très bien que ça mettrait un point final définitif. Définitif. Mais c'est un choix ça par contre, donc je l'assume.
- Speaker #1
Parce que le fait d'être passé en commission, vraiment, là, ça a acté quelque chose pour tout le monde, tu crois, du cinéma, qui s'est dit...
- Speaker #2
Oui, ça a commencé bien avant. Mais disons que là, c'était le point final. C'était le point final, votre téléphone, mais c'est concret. Vous savez, quand même, je travaille dans le cinéma depuis que j'ai 18 ans, j'ai fait d'autres choses, j'étais assistant de Michel Serrault, quand j'ai commencé, etc., etc. Assistant aussi de Margot Capelier, de François Scombalière, des femmes très importantes. Voilà, il n'y a personne qui ne vous appelle. personne ne vous appelle. Hommes et femmes, c'est le même comportement. C'est-à-dire que vraiment, tout le monde participe. Tout le monde participe. C'est de l'auditrice. Oui, on devient l'élément qui pourrait contaminer tout un corps. Donc, il faut absolument l'éjecter.
- Speaker #0
Et tu as eu des messages de félicitations ou de merci de certaines personnes du milieu ?
- Speaker #2
Je vais les prendre sur les doigts d'une main. En 30 ans, sur les doigts d'une main.
- Speaker #0
Et les acteurs, par contre ?
- Speaker #2
Les acteurs ? Les hommes acteurs ?
- Speaker #0
Ou les actrices, les deux ?
- Speaker #2
Non, je ne peux pas dire que les hommes ou les acteurs même. Non, non. Les acteurs à qui ce n'est pas arrivé, c'est tellement épouvantable, ce n'est pas possible que ça m'arrive à moi, ça ne me concerne pas. Donc non, non, non, non. Il n'y avait aucune solidarité. Les seuls soutiens que j'ai eus sont venus de femmes. Les femmes. Mais pas des femmes du métier. Des femmes qui ont été violées, agressées sexuellement, de la vie civile. Des femmes qui ne font pas partie du cinéma. C'est elles qui m'ont porté et soutenu depuis le 22 février. Qui m'ont mis des mots. Ce sont elles, mais pas les gens du cinéma. Non, Il n'y a aucun réalisateur avec qui j'ai travaillé que je vois régulièrement. Un seul, en 30 ans de métier. Les sauts ont disparu, totalement. Mais vous recevez de la violence aussi. Quelquefois vous recevez un élève sous prétexte de bienveillance. Je vais donner un exemple très concret. Mais, alors, pardon, je vais peut-être aller à un sujet, puisque... J'ai révélé moi-même avoir vécu des choses enfant, quand j'étais un petit garçon de 9 ans, etc. Et tout à coup, finalement là, je me retrouve à subir une double peine. C'est-à-dire, je suis celui qui a balancé dans le cinéma, dont je suis devenu infréquentable, dangereux, celui qui a dédossié sur tout le monde, et en même temps je révèle...
- Speaker #0
que l'enfant que j'ai été, le petit garçon de 9 ans, a été violé par un membre de ma famille. Je ne rentrerai pas dans les détails de qui, je n'ai pas envie d'en parler, mais par un membre de ma famille. Et là, je remarque une chose, j'ai la double peine. Parce que je fais fuir. Parce que beaucoup de gens, pour eux, c'est, pour la majorité de la population, c'est très, ça reste inaudible, l'inceste. Ça reste inaudible, quelqu'un qui a vécu ça, enfant, etc. Donc ça fait tellement peur. Ils ne savent pas comment se comporter avec moi, donc ils fuient. Ils fuient, parce que tout d'un coup, pour eux, c'est une horreur absolue. Mais c'est là où la victime, elle devient malheureuse. Elle en paie le prix toute sa vie, c'est que je deviens porteur de l'horreur. Donc on me fuit. Voilà. Donc j'ai eu, par exemple, je vais vous donner un exemple, très concret, une productrice. avec qui j'ai travaillé peut-être pendant 12 ans, j'ai fait presque tout son catalogue de films, sa réponse bienveillante a été de m'envoyer le numéro d'une psychiatre. Il faut bien comprendre la violence de ce que ça raconte, en disant « elle pourra t'aider, elle pourra te soigner, te faire du bien » , de quoi je me mêle. Il faut se rendre compte de la violence que ça fait. Je reçois, voilà. Mais c'est un exemple parmi d'autres. Je ne veux pas venir chouiner chez vous, etc. Ce n'est pas l'idée. Non, mais c'est important. Mais il y a tellement de violences reçues où, évidemment, mon audition a été reprise par Brut. Je ne me suis pas bien rendu compte de l'audience que Brut... Moi, je regarde moi-même Brut. Mais ce sont mes amis qui m'ont dit, Stéphane, attention, enfin, me préparer en me disant, c'est beaucoup de vues brutes, moi je ne me rends pas rien compte. Et puis un ami m'envoie 2 700 000 vues sur mon audition. Et là, dans la rue, pendant 10-15 jours, j'ai des gens qui sont venus vers moi, me parler, spontanément, dans le métro, dans ma boulangerie, etc. Mais c'était des gens très gentils. de la vie civile qui avaient été très touchés, où ils étaient concernés eux-mêmes. Ils me disaient, mais moi aussi, des hommes et des femmes de tous les âges, là, il y avait des hommes. Mais il faut aussi le recevoir, ça, parce que moi, pour ma propre histoire, j'ai vu des gens aussi très émus en venant me parler, en disant, ça m'a permis ceci-dit, ça m'a réjoui de dire, ben en fait, j'ai été regardé. la commission et j'ai écouté pendant 1h11 et c'est la première fois que j'écoute une audition du commission d'enquête, je me dis ça ça me réjouit ça c'est bien d'aller découvrir des choses qu'on connait pas mais je me souviens d'un homme Ça devient une anecdote, il faut en rire, mais sur le moment, je vous assure, je n'en ai pas beaucoup ri, mais je suis vraiment dans un état difficile. On est dimanche matin et je vais à mon supermarché acheter deux, trois courses. On n'est pas lavé, on prend le premier sweatshirt, etc. On n'est pas bien. Je suis à la caisse et il y a un homme qui me tape sur l'épaule et qui me dit « Vous êtes Stéphane Gaillard ? » Je lui dis oui et ça commence très gentiment. et me dire Voilà, je suis très touché, je voulais vous dire que c'était très courageux, je le remercie très poliment. Il me regarde droit dans les yeux et il me dit « mais ça va ? » Et j'ai dit « oui, merci » . Il me fait « non mais, ça va ? » Deuxième fois, je lui dis « oui, merci » . « Non mais, ça va ? » C'est-à-dire que là, tout d'un coup, ça ne correspondait pas à l'idée, à l'attente qu'il avait de moi. Il aurait fallu que je lui dise « non, ça va pas, je vais me prendre en train chez moi » . Mais c'est une violence inouïe. C'est-à-dire que la troisième fois, je lui ai dit « Monsieur, vous m'avez posé la question trois fois. Trois fois, je vous ai dit oui et même que ça serait non, qu'on ne se connaît pas et vous n'avez pas à rentrer dans mon intimité. Je suis désolé de ne pas correspondre à la réponse que vous voulez attendre de moi encore une fois. » Et voilà, ça peut paraître anecdotique ou tout petit, mais quand c'est multiplié par 100 dans une journée, il faut être sacrément fort. C'est rajouter de la violence sur la violence. Oui, et surtout, on fait aussi comme si la violence n'était pas violente. La violence, elle est violente. Elle me violente. Mon corps est violenté tout le temps. Violenté, violenté, violenté, violenté.
- Speaker #1
Du coup, de toute cette violence dans cette année, il y a quelque chose qui en est sorti quand même ? Quelque chose de positif qui est en train de se créer avec le film que vous êtes en train de faire ? Alors,
- Speaker #0
oui, il y a... En fait, j'ai reçu tellement de violence, double peine, je dis bien. J'ai brisé l'omerta et en même temps, j'ai révélé le pire, j'ai été à neuf ans violée. C'est une double peine. J'ai reçu tellement de violence et que j'ai été tellement à genoux, à quatre pattes sur mon parquet. En me disant, je ne me relèverai jamais. Et je ne me suis toujours relevé. Et à chaque fois que je tombe, je dis, je ne me relèverai jamais cette fois. Et je me relève toujours. Et cette force que j'ai en moi, et que j'ai depuis longtemps en moi, parce que je survis avec l'histoire du petit garçon qui s'est passé à 9 ans, survit. Je l'ai longtemps refusé. Je ne comprenais pas d'où elle venait. Je me dis que ce n'est pas possible. Le travail que j'ai fait sur moi me prouvait que j'avais une force en moi. Mais c'est dans cette période-là, finalement, depuis le 22 février, que j'ai commencé à être en acceptation de cette force. Parce que pour moi, elle m'était très étrangère. Très étrangère. Mais j'ai découvert, parce que j'ai cherché pendant longtemps où est-ce qu'elle pouvait se situer, avec toute mon histoire aussi personnelle, etc. Et finalement, elle se trouve dans le même puits aussi profond que l'horreur que l'enfant a vécu et que toutes les violences que j'ai reçues. Et finalement, cette force, c'est de la violence transformée. Aujourd'hui, je le sais. Alors, plus je tombe, plus je suis fort. Mais plus je suis fort, plus je deviens fragile. C'est la complexité de... Ça, ça vient de très très loin. Lorsqu'on touche le corps d'un enfant... On le met dans une posture impossible toute sa vie. Alors je suis dans l'ambivalence tout le temps. Je suis aussi fort que je suis la personne la plus fragile du monde. Je suis les deux et je passe de l'un à l'autre. C'est épuisant, je passe de l'un à l'autre. Mais je suis toujours debout. C'est pas mal.
- Speaker #1
Mais surtout tu es en train de le transformer en faisant... Le film, il y a des choses en création.
- Speaker #0
Alors, en fait, s'il s'est passé quelque chose, c'est que oui, c'est-à-dire que là, pour moi, c'était trop, en ce qui concerne ma personne, en tout cas ce que j'ai révélé sur le petit garçon de 9 ans, tout ça était trop brut pour moi, trop direct, trop impactant. J'avais besoin de le transformer. Et cette transformation, elle est d'abord passée par l'écriture. Je suis en train, je vais reprendre l'écriture de ma première pièce de théâtre qui s'appelle « Me Too Garçon » , qui est une pièce à un personnage ennemi, c'est l'enfant devenu adulte et l'enfant, mais c'est la même personne, qu'un personnage. Et en fait, Grégory Cyr, le réalisateur du film, à perpétuité, dont on a fait 90% du tournage, il nous reste quelques séquences à tourner quand on aura en décembre, m'a appelé, il avait écrit quelque chose, et il me dit, voilà, j'aimerais... vous proposez le rôle principal. Et en fait, il m'a dévoyé de mon écriture, que je vais devoir reprendre, parce que c'est très important. Et quand on s'est rencontré, que j'ai lu, tout d'un coup, l'endroit où il me mettait, sans déflorer l'histoire, dévoiler l'histoire, mais l'endroit où il me mettait, tout d'un coup, ça m'intéressait. Non pas que j'ai très envie de faire l'acteur, ça c'est pas tellement la question, mais c'est plutôt ce que j'incarne et représente, c'était un bon endroit. C'est un endroit très juste. Et après, je lui ai dit, ok, à une condition, c'est si on fait tout à deux, la main dans la main. On réécrit tout, on a quatre mois d'écriture ensemble, on travaille la structure de scénario, on travaille la dramaturgie, on travaille le décor, on travaille les couleurs, etc. Je lui ai dit, ok, surtout, mais c'est notre film. Il a accepté. Et on a tourné ce film. On a commencé à tourner ce film. Alors c'est très curieux d'être à la fois devant, je suis de tous les plans, et aussi derrière. Mais je dois dire une chose aussi assez extraordinaire, puisque le tournage, je pourrais poser des adjectifs qualificatifs extrêmement contradictoires. Je pourrais dire que c'était merveilleux et d'une violence inouïe. C'est très complexe en fait. Mais il s'est passé quelque chose quand même d'extraordinaire pour moi. C'est que pour la première fois de ma vie, c'était le premier jour de tournage, je suis arrivé sur le décor. Et tout d'un coup, j'ai senti qu'il y avait quelque chose de très différent en moi. J'ai eu du mal à l'analyser, il m'a fallu quelques minutes. Je me suis rendu compte que je ne souffrais plus. C'était assez extraordinaire. C'est-à-dire, je ne souffrais plus dans mon corps. Pour la première fois de ma vie, je ne souffrais plus. Et ça s'est vérifié tous les jours de tournage. La première fois, j'arrivais sur le plateau. J'arrivais en même temps que les techniciens. Et je me mettais à l'endroit où je devais, voilà, j'incarnais ce personnage, entre guillemets. Et là, je voyais que je ne souffrais pas. Et en fait, ça m'a reposé. C'est ça qui part. À la fois, le film m'a épuisé, parce que le sujet est très lourd, et en même temps, ça m'a totalement reposé. C'est-à-dire que c'est la première fois que je trouve un endroit où je ne souffre pas. C'est assez merveilleux, parce que c'est la souffrance qu'on inflige, enfin, la souffrance que l'enfant va subir toute sa vie, elle n'est pas psychologique, ce n'est pas intellectuel, c'est dans le corps. J'ai mal dans mon corps tout le temps. temps tout le temps tout le temps tout le temps tout le temps tout j'ai peur tout le temps tout le temps tout le temps tout mais là j'ai découvert un endroit où j'étais bien surtout avec les techniciens et les techniciennes j'adore la technique et j'aime la caméra j'adore cette cet objet me fascine donc il n'est pas du tout intrusive très près de moi je n'ai aucune peur je ne connais pas le trac je suis tellement en repos en fait à ce moment là Ça, c'était assez extraordinaire à vivre. Je crois que le réalisateur, il ne le sait pas, ça. Je ne lui ai pas dit, je crois. Il va essayer de l'entendre. Ouais, je crois que je ne lui ai pas dit que je n'ai pas souffert. Mais je pense que c'est... Tout d'un coup, j'ai trouvé un endroit où je ne souffre pas. Alors, je suis seul parce que... Autant de devant et derrière la caméra, autant en tant qu'acteur et à la co-réalisation. Oui, alors... Je dirais plutôt, la réalisation, je l'ai vraiment laissée à Grégory Cyr, même si toutes les décisions sont communes, toutes, mais malgré tout, pour que les choses soient bien claires aussi pour tout le monde. Donc, ça serait plutôt, j'avais une position de directeur artistique, on avait une direction artistique commune. Voilà, donc on validait tout, mais pour que ça soit bien clair, je restais aussi à ma place, ce qui ne m'empêchait pas d'intervenir. ou de... voilà. mais comme j'étais au centre de toute façon du décor la manière dont le décor était fait j'étais assise sur un fauteuil j'étais au centre donc je voyais à 360° tous ces gens extraordinaires qui sont des techniciennes et des techniciens travailler mais c'était assez c'est encore tellement nouveau, enfin récent que j'ai du mal un peu à poser des mots, parce que ça m'a beaucoup remué quand même. C'est pas rien. J'ai émis beaucoup de moi. Il y a beaucoup de choses secrètes dans le film de moi, mais que j'ai voulu émettre. Donc voilà, et puis on n'a pas fini le tournage aussi. Mais en tout cas... Je me suis sentie à ma place pour la première fois à 52 ans, après avoir travaillé 29 ans dans le cinéma, je me rends compte que ma place, elle était là et que je n'avais pas de sentiment d'illégitimité. Voilà, et surtout, vraiment, je ne souffrais plus. Voilà, c'est ça qui était le plus incroyable. Je ne souffrais plus.
- Speaker #1
Merci Stéphane. Et du coup, le titre, donc, c'est A Perpétuité. Ça raconte, est-ce que tu peux nous faire un pitch de l'histoire ? Oui,
- Speaker #0
c'est A Perpétuité. Le titre, c'est A Perpétuité avec un point d'interrogation. Ça, j'y tiens. Ça traite des violences sexuelles sur les enfants. Alors... Ça sera les enfants devenus adultes qui parlent et qui se racontent. Et c'est l'une semaine dans la vie de Jérémy, qui est un psychologue spécialiste des violences sexuelles, qui reçoit sept patients et patientes qui ont chacun leur histoire. Peut-être que lui aussi, il a une histoire aussi. Mais ça, il faudra voir le film. Ah, je ne sais pas. Là, on n'en est pas du tout là. Non, après, il y a le montage, l'éthanolage, le mixage, etc. Voilà.
- Speaker #1
En tout cas, tiens-nous au courant.
- Speaker #0
Oui, bien sûr.
- Speaker #1
On pourra vous partager aussi la date, s'il y a des projections, on viendra avec plaisir et on le partagera justement sur...
- Speaker #0
Et aussi, on a lancé une campagne participative. C'est super important parce qu'on peut retrouver sur mon Instagram, pardon, ça fait un peu de pub, mais pour moi, c'était très important d'écrire aussi que ça soit absolument bénévole. Absolument bénévole, c'est-à-dire tous les professionnels qui se sont engagés, qui nous ont rejoints sur le projet, ils ont aussi un engagement. personnel. Il y a aussi... Mais le hasard a fait que ça réunit aussi des gens qui ont vécu des choses. Alors ça n'a pas été voulu, on n'a pas été cherché, mais forcément, dans l'équipe technique et artistique, il y a aussi des hommes et des femmes qui ont vécu des choses. Et c'était très très important pour nous que ça soit bénévole. L'argent, il viendra après. Dans une production, etc. On rentrera dans les clous après.
- Speaker #1
En tout cas, on souhaite une longue fielle.
- Speaker #0
une longue vie on lui souhaite de vivre à perte oui exactement oui c'est joli ça oui en tout cas merci merci à vous pour cette invitée merci
- Speaker #1
d'être venu et puis on se retrouve la semaine prochaine pour une nouvelle émission. Flamme des années 80.
- Speaker #0
Le podcast qui allume la femme.