Speaker #1On va parler d'un film que j'ai eu la chance de voir récemment au cinéma et qui s'appelle En Fanfare. Et c'est un film qui m'a vraiment touchée, à la fois par son histoire, par son propos, et aussi par le jeu de ses acteurs, notamment Pierre Lautin, que j'aime énormément. et Benjamin Lavergne, qui porte le film avec beaucoup de finesse. Alors, En Fanfare, c'est l'histoire de deux frères, séparés très jeunes et placés dans des familles d'accueil très différentes. L'un a grandi dans une petite ville du nord de la France, dans un environnement modeste, populaire, et l'autre, lui, a été élevé dans une famille aisée. Éduqué à la musique classique, il est devenu chef d'orchestre de renommée internationale. Deux trajectoires de vie radicalement opposées, mais une même origine, et surtout... Un même don pour la musique. Lorsque ce jeune chef d'orchestre interprété par Benjamin Lavergne découvre qu'il est atteint d'une leucémie, on lui annonce que pour survivre, il a besoin d'une grève de moelle osseuse. Il fait alors des tests génétiques et découvre qu'en fait, il a été adopté, que sa sœur n'est pas sa sœur biologique et qu'il a un frère quelque part dans le nord de la France. Après ce premier choc, il décide de partir à sa rencontre pour lui demander de l'aide. Et bien sûr, ce n'est pas si facile. Des sentiments contradictoires arrivent, et puis ces retrouvailles, elles vont un peu chambouler. La vie de ces deux frères, chacun à leur manière. Ce que j'ai aimé dans ce film, c'est cette réflexion, bien sûr, sur les inégalités sociales, sur la force des déterminismes, et sur la question presque philosophique, dans quelle mesure notre lieu de naissance, notre famille, détermine notre avenir. Les deux frères ont un don commun, une sensibilité musicale presque identique, mais ils n'ont pas eu les mêmes chances, pas les mêmes codes, et pas les mêmes opportunités. Et c'est de cette injustice silencieuse que parle ce film. La musique joue ici un rôle central. On y propose la musique noble, celle des salles de concert, des conservatoires, des partitions, et la musique populaire, celle des fanfares, des carnavals, des balles du nord de la France. Mais ce que j'ai trouvé très beau, c'est que le film ne hiérarchise pas ces deux mondes, il les confronte, il les fait dialoguer, il les fait se répondre. Il y a une scène que je ne vous raconterai pas en détail puisque c'est la scène finale, mais je peux vous dire une chose, après ce film, vous n'écouterez plus jamais le boléro de Ravel de la même façon. Le personnage de Jimmy, interprété par Pierre Lautin, est extrêmement touchant. C'est un rôle qui au début semble presque caricatural, un jeune bad boy au franc-parler, un peu brut, un peu cabossé par la vie, divorcé. Mais très vite, on découvre une richesse intérieure, une finesse, une grande pudeur aussi. Il joue du trombone dans la fanfare de son village et on comprend que la musique, chez lui, c'est un don. Il possède ce qu'on appelle l'oreille absolue. Et il va peu à peu accepter de croire en lui, de se dire que lui aussi, peut-être, il a le droit à plus. Il y a une scène que j'ai trouvée particulièrement forte, dans laquelle Jimmy décide, en cachette, de passer une audition au conservatoire. Il se dit qu'il a du talent, qu'il peut, peut-être, lui aussi, faire quelque chose de plus grand avec cette passion. Mais il se retrouve face à un jury qui parle un langage qu'il ne connaît pas. dans un environnement pour lequel il n'a pas les codes. Et l'injustice qui ressort de cette scène, c'est celle d'un homme qui comprend que le système ne lui laisse pas le choix. Ce sont des règles du jeu auxquelles il n'a jamais été préparé, en fait. Dans ce film, il y a de la tendresse, de l'humour, de la musique, beaucoup, des combats sociaux, en toile de fond, et une vraie sincérité. On y parle aussi de ces usines qui ferment dans les petites villes, laissant les ouvriers sur le carreau, de la précarité, des gens qu'on oublie. Et le personnage du chef d'orchestre, lui, va se confronter à tout un monde qu'il ne connaissait pas. Il va lui aussi apprendre, comprendre, écouter. En fanfare, c'est donc un film que je vous recommande vraiment, que vous appreniez le français ou que vous soyez curieux, de mieux comprendre la culture française. Il parle des différences sociales à travers le langage, à travers la musique, à travers les personnages. C'est un film sensible, profondément humain et porté par des acteurs formidables. Et puis il y a cette dernière note, cette dernière scène, je vous en dis pas plus. Allez le voir et dites-moi si vous aussi vous êtes ressorti avec la larme à l'œil.