- Speaker #0
Bienvenue dans H comme Handicapé.e.s, le podcast qui donne la parole aux personnes handicapées parce qu'on ne les entend pas assez. Pour ce nouvel épisode témoignage, vous allez entendre trois témoignages de personnes handicapées et asexuelles qui parlent de leur expérience, apportent des réflexions sur les liens entre asexualité et handicap et rappellent l'invisibilisation des personnes asexuelles, notamment dans les milieux antivalidistes. Je vous laisse avec leurs témoignages.
- Speaker #1
Bonjour, bonsoir, je m'appelle Séraphine, j'ai 30 ans, je suis autiste handicapée et je suis sur le spectre asexuel. Je suis grey asexuel plus précisément, ça veut dire que je ne ressens de l'attirance sexuelle que très rarement. A cause de cela, je me sens plus ou moins mise de côté des milieux, on va dire, anti-validiste, qui pour une bonne raison, militent pour le droit des personnes handicapées à avoir une sexualité. Parce que certains ont tendance à dire que toutes les personnes handicapées sans aucune exception veulent avoir des rapports et une vie sexuelle. Ce qui n'est pas forcément le cas. Et c'est quelque chose que je comprends très bien parce que nous avons été, excusez-moi trigger warning, stérilisation, nous avons été dans le passé stérilisés dans les institutions et tout ça. Je comprends tout à fait à ce qu'il y a derrière. Le problème c'est qu'il ne faut pas insinuer que toutes sans exception ont envie de ça. Et je trouve qu'il y en a certains qui en voulant défendre le droit des personnes handicapées, à avoir des relations affectives, mettent complètement les personnes asexuelles et aromantiques sur les bas côtés. Et c'est assez dommage. Comme beaucoup de personnes handicapées et ou neuroA, je suis très infantilisé. Et une des manières dont je remédie à ça, c'est de faire semblant d'etre intéréssée par le sexe. Donc faire des blagues de cul, revendiquer une sexualité dont je ne veux pas, dire "regarde cette personne et qu'elle est canon, je me la ferai bien", ce genre de trucs. Pour avoir l'air, pour ne pas avoir l'air d'une enfant. Et je trouve que en tant que personne asexualisée, asexuelle pardon, on est doublement infantilisés en fait, et ça craint. A côté de ça, l'asexualité c'est vaste. Par exemple, moi je suis plutôt en on va dire répulsée par ce qui est sexuel, mais ça ne m'empêche absolument pas de, je sais pas moi de lire de l'érotisme, de dessiner des choses érotiques, de m'intéresser aux BDSM, etc. Je veux dire, tant que ce n'est pas moi qui ai fait l'acte, ça me gene pas plus que ça en fait. Et je suis très très très sex-positive pour les autres d'ailleurs, je pense que les personnes qui veulent avoir une vie sexuelle, et ben c'est bien qu'iels la vive, dans le consentement,et dans le respect, puis voilà quoi. Donc c'est juste que pour moi, j'ai pas envie de sexualité du tout. C'est tout. Si la plupart d'entre vous sont intéressé.es, je peux vous recommander un article en anglais du site everydayfeminism sur une personne asexuelle et handicapée qui est très intéressant et rentrace un peu les ressentis que j'ai eu en tant que personne concernée par les deux. Voilà !
- Speaker #2
Bonjour, je m'appelle Jo, je suis handi-queer. Ca prend en compte à la fois le fait d'être handicapé et queer. Tout d'abord, être handicapé et queer sont indissociables pour moi. Ma neurodivergence influe sur mon genre, mon orientation sexuelle et romantique, et sur plein d'aspects. Le point le plus important que je veux aborder, c'est le fait que de par mon handicap, j'ai beaucoup de mal avec les relations sociales. Je suis isolée. Pour éviter de finir seule et isolée, on peut accepter des choses qu'on ne veut pas forcément. Avoir du mal à imposer ses limites, que ce soit par le handicap par exemple, que je n'ai pas envie de sortir, que je n'ai pas envie de faire des activités, parce que je suis en surcharge sensorielle ou simplement que je n'ai pas envie, que je finis par accepter pour faire plaisir à la personne. On retrouve la même chose sur l'asexualité, et c'est quelque chose qui arrive très souvent, donc c'est important de discuter avec les personnes pour être sûr que c'est bien consenti. Et ça finit par le fait que je suis obligé de faire un coming out forcé pour éviter de subir diverses violences, que ce soit de part à mon handicap ou le fait d'être asexuel. Mais c'est jamais facile de mettre des limites pour les raisons que j'ai indiquées. Aussi, il y a quelque chose à dire au fait que le handicap, au même titre que l'asexualité ou le queer de manière générale, est considéré comme quelque chose à guérir. D'ailleurs, même aujourd'hui, on peut encore retrouver l'asexualité comme critère de diagnostic dans le DSM-5, par exemple pour le trouble de la personnalité schizoïde. Il y a aussi deux livres que j'ai beaucoup aimés sur le thème de l'asexualité et du handicap, les livres de Mélanie Fazy, Nous qui n'existons pas et L'année suspendue. Le premier traite de son expérience en tant qu'aromantique et asexuelle. Et c'est un livre qui est très proche de mon expérience de vie personnelle. Et le second, L'année suspendue, il traite du fait de se découvrir autiste et se faire diagnostiquer bien plus tard. Et pour l'autrice, l'autisme et le fait d'être queer est aussi en lien. Et c'est suite à son livre Nous qui n'existons pas qu'elle a justement commencé des démarches de diagnostic.
- Speaker #3
Je voudrais parler du lien entre l'asexualité et le handicap. Quand j'ai été diagnostiquée de ma maladie rare, petit à petit, les examens se sont faits plus fréquents où je devais me déshabiller pour montrer mon corps si particulier au vu des scientifiques. Et si intéressant, évidemment, dans ce milieu. Et je me suis rendu compte petit à petit que je n'attribuais à mon propre corps aucune signification sexuelle. C'est-à-dire que je ne me suis jamais sentie moi-même comme un être sexuel. Je ne me suis jamais vue ou lue comme... un individu potentiellement sexualisé. Ce qui fait que, de fait, je ne me vois pas avec les yeux sexualisants qui peuvent être ceux d'autres personnes ou de la société de manière générale, et donc du corps médical en particulier dans ce cas-là. Et je me suis posé la question, je me fais toujours cette réflexion à l'heure actuelle, des années après, à savoir, est-ce qu'il y a un lien entre le fait que je ne ressente pas d'attraction sexuelle pour d'autres individus et le fait que je ne me conçoive pas comme un être... pouvant générer ce même désir aux yeux d'autrui. Est-ce qu'il s'agit là d'une vision générale des individus, y compris moi-même, donc mon propre corps, ou bien s'agit-il de deux choses qui peuvent exister séparément ? Je me pose toujours la question et je pense que j'aimerais avoir des réponses d'autres personnes asexuelles vis-à-vis de leur propre corps. Comment le ressentent-ils ? Ont-ils une pudeur vis-à-vis d'eux-mêmes dans ce sens-là ? Puisque Je ressens mon corps comme neutre, c'est-à-dire sans possibilité d'être un objet de désir. Peut-être simplement ma perception de la vie et du monde fait que je ne peux pas comprendre ce qu'est le désir, en fait, le désir sexuel. Je laisse là la réflexion.
- Speaker #0
Pour terminer cet épisode, je voulais rappeler encore une fois l'importance d'une convergence des luttes entre les communautés handi et les communautés queer. Ça fait maintenant trois ans qu'on répète ça régulièrement dans le podcast, depuis l'épisode 6 avec Morgane, trois ans qu'on répète que les personnes handicapées ont toujours fait partie de la communauté queer et inversement, et je pense que cet épisode en est encore un exemple parfait. Comme l'a dit Jo dans son témoignage, l'asexualité est trop souvent vue comme quelque chose à guérir, comme une maladie. Les personnes asexuelles sont les personnes de la communauté LGBTQIA+, qui subissent le plus de thérapie de conversion. Thérapie de conversion qui, je le rappelle, est un bien joli mot pour parler de torture. thérapies de conversion qui sont interdites en France officiellement depuis 2022, mais qui sont officieusement encore pratiquées par des associations plus ou moins douteuses. En faisant des recherches pour cet épisode, j'ai aussi appris que les personnes asexuelles pouvaient se voir proposer des traitements hormonaux pour augmenter leur libido, et c'est là qu'on voit le double standard autour des traitements hormonaux, qui sont proposés. voire même forcés pour des personnes asexuelles ou des personnes intersexes pour correspondre à une norme de sexualité et une norme corporelle binaire et capitaliste, mais qui par contre sont refusées aux personnes trans qui souhaitent transitionner. Je pense que vous voyez où je veux en venir, mais vraiment c'est toujours le même. schéma de faire rentrer les corps hors normes et les individus hors normes dans justement cette norme sociale capitaliste, valide et raciste. Puisque absolument tout est lié ! Et je commence à en avoir un peu marre de répéter tout le temps la même chose dans chaque épisode. Mais je pense qu'aujourd'hui, au vu du climat politique, c'est d'autant plus... important de le rappeler, absolument tout est lié, les dynamiques d'oppression sont toujours les mêmes, et donc la convergence des luttes et les convergences des luttes sont absolument indispensables, et l'individualisme capitaliste ne nous mènera nulle part. sur ces belles paroles je vais m'arrêter là je vais clôturer cet épisode et remercier encore une fois les personnes qui ont participé à cet épisode et je vais vous remercier vous de l'avoir écouté et je vous dis à dans deux semaines pour un nouvel épisode recommandation culturelle