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Castoriadis, penser l'époque (2/2) avec Quentin Bérard cover
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Hérétiques

Castoriadis, penser l'époque (2/2) avec Quentin Bérard

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33min |15/06/2025
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Castoriadis, penser l'époque (2/2) avec Quentin Bérard

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33min |15/06/2025
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Description

Pour celui qui cherche à comprendre le chaos du monde et considère toujours que ce sont les humains qui font leur histoire, la rencontre avec Cornelius Castoriadis est inévitable. Tout aussi inévitables sont les obstacles, nombreux et proliférant au fil des années, qui en empêchent l’accès et, parmi eux, tous ces leurres idéologiques qui saturent l’air du temps.


Que, par extraordinaire, ceux-ci n’aient pas complètement pénétré son esprit, et le lecteur ira au-devant d’une des plus grandes aventures intellectuelles qu’il lui sera jamais donné de vivre.


Quentin Bérard, fondateur et animateur du site "Lieux Communs", s'inscrit dans la continuité de l'œuvre Cornelius Castoriadis, enseignant en biologie et éco-anthropologie, il est l'auteur du livre "Éléments d’écologie politique. Pour une refondation" (Libre&Solidaire, 2021).


heretiques.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Hérétique est un podcast politique mêlant entretien et débat. Hérétique pour questionner les dogmes et les mythes. Hérétique parce que la politique n'est pas la religion. Hérétique parce que vouloir penser est toujours le début de la dissidence. Castoriadis, Pensez l'époque, seconde partie. Tout à l'heure, vous avez parlé de comment Castoriadis serait opposé au wokisme. Il faut revenir un peu. Il est mort en 1997. Donc la notion de wokisme, voire le wokisme, n'existait pas. Qu'est-ce que vous entendez par là, en fait ?

  • Speaker #1

    Oui, j'étais un petit peu rapide dans ma formulation. Parce que ça fait écho au deuxième article de la brochure, où je parle de Castoriadis qui... qui anticipait en fait le wokisme. Je parle du wokisme à lecture de Castoriadis. Ça n'a pas effectivement un anachronisme, mais en réalité, le wokisme tel qu'on connaît aujourd'hui, n'est en fait que la résurgence, la ressuscée de postures militantes qui étaient là depuis au moins les années 60. Et c'est ça que Castoriadis a vu très tôt. La critique de Castoriadis de ces mouvements-là, elle est saignante, parce que Castoriadis est un révolutionnaire, pas un conservateur. La critique du hawkisme du point de vue de droite, conservateur, on connaît, elle peut être intéressante, elle est entendable en tout cas, mais elle a peu d'impact. Cette critique, par contre, de Castoriadis est dévastatrice de ce point de vue-là. D'autant plus qu'il a démonté les mystifications. de ces subversions ou pseudo-subversions in situ dans les années 60 et 70, et qu'aujourd'hui on voit une répétition dégradée de ça. On le voit par exemple avec les néo-féministes ou pseudo-féministes. Tous les excès que l'on a vus aujourd'hui, que l'on voit aujourd'hui, ce ne sont pas les excès, c'est même les catastrophes, parce qu'elles sont en train de tuer le féminisme, on l'a vu au moins en germe dans les années 70. C'est vraiment le scum manifesto. Je ne suis plus de candidate, mais c'est devenu une référence aujourd'hui. Ça ne date pas d'hier. Peut-être que l'élément nouveau est peut-être l'écologie radicale contemporaine. Mais même le mouvement des communautés, ça s'était connu depuis longtemps. Les mouvements gauchistes, alors là, encore pire. Et par contre, l'élément... On pourrait croire nouveau le décolonialisme, le communautarisme ou le racialisme, ce que j'appelle l'obscurantisme en réalité. C'est également finalement qu'une ressuscée, une radicalisation du tiers-mondisme, qui a apparu dans la lignée des mouvements de décolonisation, et qui est repris aujourd'hui à l'absurde parce que les décolonistes... Les décoloniaux, ce qu'ils se réclament être des décoloniaux, ne sont pas du tout des décoloniaux. C'est absurde. La décolonisation, c'est quand on chasse l'étranger de chez soi. Les décoloniaux sont des étrangers qui sont ici. On est dans la débilité la plus totale. Mais dans tous les cas, la question n'est pas d'en discuter, mais de voir qu'il n'y a pas du tout de nouveautés dans leur posture. Ils reprennent en les faussant des discours. de Fanon, ils reprennent les discours, en tout cas les postures de Kadhafi, les postures de tout ce qu'on a eu, d'Etché Guevara. Bon, là-dessus, il n'y a vraiment rien de nouveau, à part une radicalisation. On pousse un peu plus loin la bêtise et l'obscurantisme, notamment en se connectant à quelque chose de nouveau, là pour le coup, qui est l'islam. Ça, c'est effectivement nouveau, mais Castoriadis, très tôt, l'a senti.

  • Speaker #0

    Il y a aussi l'intersectionnalité, il y a des concepts assez nouveaux, le queer, le transactivisme,

  • Speaker #1

    etc. Oui, le transactivisme, c'est nouveau, tout à fait. Mais en fait, c'est une confusion qui s'approfondit. Mais cette confusion-là, au fond, n'a rien de nouveau. C'est pour ça que Castoridis réfute le wokisme a priori. Dès les années 70, il décrit ce qu'il appelle le n'importe quoi. Il dit la subversion, d'aujourd'hui c'est du n'importe quoi. Et en même temps c'est du n'importe quoi, et c'est dérisoire, parce que ce sont dans des milieux qui n'ont aucune prise réelle sur le cours des choses.

  • Speaker #0

    C'est plus la subversion du wokisme qu'il a vu venir.

  • Speaker #1

    La fausse subversion. Et le n'importe quoi. Le n'importe quoi, c'est-à-dire le fait que plus personne n'est tenu à aucune rigueur intellectuelle. Et ça, il bataille durant longtemps avec ce qu'il appelle divertisseurs, c'est-à-dire les intellectuels les plus en vue de l'époque. Les Sartres, les structuralistes, les altussers, les Barthes, les Deleuze, les Foucault, etc. qui laborent en réalité et auxquels ils reprochent de dire et de faire n'importe quoi et de pousser à jeunesse dans ce n'importe quoi.

  • Speaker #0

    Et pourtant, le mouvement wokisme, c'est aussi, parmi les nouveaux concepts, il y a le côté empowerment, ce qui est en fait une sorte d'émancipation, d'automobile. de l'autonomie. Ils se revendiquent encore un peu, comme on avait parlé des gauchistes, ils se revendiquent le être, ceux qui vont amener à l'autonomie de l'individu. Après, c'est plus l'individu, effectivement, c'est pas la société. Mais comment vous voyez ça ?

  • Speaker #1

    C'est comme d'habitude. La pierre des oppressions est celle que se réclame de l'émancipation. Ça, on l'a vu depuis le putsch bolchevik de 1917. qui arrive après la révolution de février, qui était populaire, qui était authentique, qui était modérée. Et on a eu, depuis durant 70 ans, un régime qui se réclamait du communisme, du socialisme, de l'horizon d'égalité, de justice sociale. On vit au fond, systématiquement, la même chose. C'est-à-dire qu'il suffit de se réclamer d'un horizon d'émancipation pour faire le contraire. Donc l'empowerment, ce qu'on entend là par empowerment, ça dépend à quoi on l'applique, mais c'est en réalité tenter de prendre le pouvoir pour contraindre les autres. Que ce soit les gens de votre clan qu'il faut en régimenter, les idiots utiles qu'il faut endormir, ou les ennemis résolus qu'il faut asservir. Voilà, c'est ce que l'on appelle l'empowerment, effectivement. Le cas le plus... Le plus poussé, le plus paradoxal, le plus quotidien, c'est celui de la femme voilée dans la rue. Le voile musulman, effectivement, ce sont des femmes qui s'affirment contre 80% de la population. C'est un empowerment. Ce sont des femmes qui militent pour leur propre asservissement. Là, on est dans le double bind. C'est vraiment une attitude qui rend fou et qui rend les choses difficiles à penser. Mais ça, ça a un siècle. Ça, c'est un héritage de la gauche, de retourner les choses, d'inverser systématiquement les concepts et les postures de manière à désarmer l'esprit.

  • Speaker #0

    Oui, d'être en contradiction aussi, parce que la convergence des luttes, l'intersectionnalité voudrait que la femme voilée soit alliée du trans, de l'écologiste, etc. De faire une espèce de convergence des luttes plus-plus. Et ça, dans un projet d'autonomie, c'est difficile.

  • Speaker #1

    C'est absurde. Et vous avez lâché le terme de convergence des luttes. Ça ne date pas d'hier, la convergence des luttes. Ça date du moment où les luttes ont éclaté, en gros, les années 60. Et l'idée, qui est très profonde, c'est d'essayer de les rassembler. Il n'y a rien de très extraordinaire. Aujourd'hui, c'est évidemment l'alliance de la carpe et du lapin, puisqu'on a des queers qui militent avec des islamistes. On a des poulets qui militent pour KFC. On est là, dans la plus grande débilité. Castoridis en a parlé également de la convergence des luttes en disant mais qu'est-ce que c'est que ces assemblages hétéroclites des années 80, des années 80 et 90 ? Ça ne veut rien dire. Il faut tenter de construire un horizon en commun, tenter de faire de la politique ensemble, tenter de faire de la politique tout simplement. Là, on ne fait pas de la politique. On fait ce qu'il appelle du révoltisme. C'est-à-dire qu'on se révolte en permanence contre le méchant, le méchant Occident, le méchant État, le méchant... le méchant racisme, etc., sans aucune volonté réelle de transformation sociale concrète et tangible. Donc pour lui, on est dans n'importe quoi, et c'est difficile de lui donner tort. Par contre, ce qui est intéressant dans la lecture qu'il fait de la subversion des années 50, et je crois que c'est une chose que j'ai trouvée personnellement et qui est originale, La seule chose. que je pense à avancer original dans cette brochure, c'est le fait que très tôt, dès les années 50, Castor Haddis lit La Contestation des gens. à leur retrait de la sphère publique. En réalité, ils constatent une bureaucratisation de la société en général. Il y a de plus en plus de postes de pouvoir qui sont occupés dans les associations, dans les syndicats. Il y a de moins en moins dans les partis, il y a de moins en moins d'activités là par des gens. Et plus les gens sont aliénés par des dirigeants qui ne les écoutent plus, plus ils se retirent. de la vie politique et puis évidemment les appareils de pouvoir se renforcent. Donc il y a une sorte de cercle vicieux qui fait que les gens désertent de plus en plus la vie publique. Cette désertion de la vie publique, elle ne se fait pas avec le sourire, elle s'accompagne d'un mouvement de contestation. On vote avec ses pieds, comme on dit, on se retire parce qu'on a marre, il y en a marre des manigances, il y en a marre du pouvoir, il y en a marre de ci, il y en a marre de ça. Donc en fait très rapidement dans ses analyses il lit la dépolitisation et l'hyperpolitisation. Et en fait, le mouvement woke, c'est ça en grande partie. Ce sont des gens qui sont dépolitisés tout en voulant être hyperpolitisés. C'est-à-dire qu'ils sont très critiques contre la société, mais ils refusent de participer à la vie sociale.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'en fait, on a été un peu rapide en comparant la convergence des luttes et l'intersectionnalité. La grande différence avec l'intersectionnalité, c'est quelque chose de personnel en fait. On accumule, c'est une espèce de point, comment on est blanc, comment homme, hétéro, etc. On perd des points par rapport à celui qui est handicapé, noir. C'est un petit peu, je résume un peu de manière caricaturale, mais c'est sur l'individu. Et alors que la convergence des luttes, il y avait quand même des mouvements, un mouvement d'ouvriers qui va se converger avec un mouvement, par exemple, de... comme victimes de l'homophobie et qui vont faire des manifestations en commun. Il y avait quand même une volonté collective. Là, on est quand même dans l'individualité, dans quelque chose d'assez négatif, et sur l'identité, sur sa propre identité.

  • Speaker #1

    Alors Castorlis, je ne vous dirais pas que quand on est dans l'individualité, on est plutôt dans l'atomisation, parce qu'on n'a pas des individus, puisque les gens vont tous vous raconter à peu près la même chose. Ils vont s'automistifier avec des tutos YouTube. Donc qu'on est plutôt dans un n'importe quoi, d'individus très peu socialisés, en même temps hyper peu socialisés, une grande contradiction et une insignifiance. C'est son terme, il part de la montée de l'insignifiance, un langage qui perd de plus en plus de son pouvoir, de plus en plus de son impact, des gens qui se mobilisent en utilisant des slogans qui ne veulent à peu près rien dire, sans horizon collectif ou... politiques et des mobilisations qui se confondent avec l'opportunisme des gens. C'est-à-dire que c'est vraiment dans leur petit intérêt propre, donc on est vraiment au niveau zéro. Et tout ça, pour Casteladis, est entretenu par l'intelligentsia pseudo-subversive, ce qu'on appelle la French Theory, c'est-à-dire que ce mouvement-là, qui reste minoritaire malgré tout au sein de la société. C'est un mouvement qui est apparu après l'échec de mai 68, parce que lui insiste sur l'échec de mai 68, qui a été rationalisé par les idéologues de l'époque, qui ont expliqué que finalement, ce que les insurgés ont fait, c'est très bien de s'insurger, mais qu'il fallait qu'ils s'arrêtent. Ils ont eu raison de ne pas prendre le pouvoir, ils ont eu raison de ne pas s'auto-organiser, ils ont eu raison de ne pas tenter de fonder derrière des organisations, etc. C'est-à-dire que le... La révolte vaut pour elle-même, en quelque sorte. Il n'y a plus d'horizon politique. Tout pouvoir est mauvais, comme dit Foucault. Ça ne sert à rien de se constituer en contre-pouvoir. Ça ne sert à rien de tenter de fonder une autre société. Et ça, c'est le rôle des intellectuels. C'est de maintenir les gens, le rôle de fait, ce ne sont pas des démons, mais de fait, ce sont des gens dont la fonction est de maintenir les gens. dans l'illusion, dans cette illusion-là. Et on en a évidemment pléthore aujourd'hui, il se multiplie. Ce que ça implique en réalité, cette analyse de Castoriadis, c'est qu'on ne va pas se débarrasser du wokisme avec des beaux discours. Et ça je pense que c'est très important, parce que la critique du wokisme et de l'obscurantisme, de l'islamisme, du racialisme, du communautarisme, vient de droite. de la droite conservatrice qui aimerait bien que tout ça n'existe pas et que la société continue à tourner comme elle fonctionne. Par exemple, on a des amis universitaires, c'est leur position en fait, ils sont très contents de l'université, ils voudraient juste enlever les hauts qui sont très pénibles. L'après-l'État-Soviet-Dix est fondamentalement importante parce qu'elle montre que le wokisme est lié intrinsèquement, émerge du fonctionnement de notre société. Et qu'en étant dépossédés du pouvoir, en étant dépossédés des significations importantes de nos vies, on a l'émergence de ce n'importe quoi. Et que si on veut contrer le wokisme, il faut impérativement réinstituer cette société. Ce qui n'a pas été fait notamment à l'occasion des Gilets jaunes.

  • Speaker #0

    Donc pour vous, les WOC seraient juste un symptôme, pour reprendre le terme de Castoriadis, de délabrement de la société occidentale ?

  • Speaker #1

    Absolument. C'est non seulement un symptôme, mais c'est même un élément essentiel, catalytique en quelque sorte. Le délabrement de la société crée les WOC. Et les Wokes rationalisent le délabrement. C'est-à-dire qu'en fait, Castordyce prend l'exemple de... Alors là, on est dans les années 70. Il prend l'exemple du rapport entre hommes et femmes, et il parle d'une confusion impressionnante et sans précédent. C'est-à-dire que le rôle des hommes et des femmes est devenu incernable. Alors, il dit, on ne va pas regretter ce qui s'est passé avant. On ne veut pas revenir au rôle figé des hommes, des femmes à la maison, etc. Mais il se trouve là que les mouvements féministes, qui impliquent les hommes aussi, ont abouti à une confusion. Et cette confusion, aujourd'hui, 50 ans après, on la voit rationalisée. Les woke nous expliquent que c'est très bien, cette confusion-là. Et en réalité, le rôle des woke, c'est d'expliquer que ce qui se passe est très bien. Il y a une islamisation de la France, c'est très bien. Au fond, c'était un progrès. Il y a un délabrement des savoirs à l'université. Il n'y a plus aucune rigueur intellectuelle, etc. Et bien, c'est très bien.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on peut le décliner sur à peu près tout. On est gros, c'est très bien. Oui,

  • Speaker #1

    absolument.

  • Speaker #0

    On est fou, il y a même la psychophobie. On est fou, mais c'est bien.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Donc, au fond, c'est très opératoire. Parce que ça permet de... De comprendre ce qui se passe, c'est en fait, notre société est en train, donc c'est une idée fondamentale de Casteladis, c'est en train de se délabrer très profondément, et je pense que plus personne ne le nie aujourd'hui. C'était une hérésie il y a 30 ans, là aujourd'hui c'est assez évident. C'est très dur à vivre, et pour le vivre, on se raconte des histoires, on se raconte que c'est très bien. D'où le succès des WOC aussi, il y a quelque chose de rassurant. Quand on se dit, finalement c'est désirable, ce que l'on vit on s'en plaint, mais c'est désirable. C'est juste une mutation, il suffit de muter. Évidemment, la surprise est que ça va être une catastrophe absolue et particulièrement douloureuse. Donc, à partir de là, évidemment, si on veut contrer les hauts, il ne suffit pas d'avoir un contre-discours.

  • Speaker #0

    C'est pareil si on peut revenir entre la collectivité où il fallait ingérer un mensonge commun. Là, chacun insère son propre mensonge. Oui,

  • Speaker #1

    oui, en quelque sorte, oui. Son soma pour reprendre le meilleur des mondes, qui permet d'aller mieux et de se raconter que finalement, ce n'est pas plus mal. Donc en fait, c'est un mécanisme social. Si on veut se débarrasser du wokisme, ce n'est pas un contre-discours qu'il faut reposer, c'est un changement de société. Parce que qu'est-ce que c'est que le wokisme ? C'est au fond la haine de la société, derrière la haine de l'Occident, il y a la haine de la société, la haine de la vie en société. Castel-Dix en parle très bien, il se demande est-ce que l'homme actuel veut vraiment vivre en société ? Ou est-ce qu'il vit la société comme une contrainte nécessaire pour manger ? Et c'est évident, c'est des dernières occurrences. On vit de plus en plus la société comme une contrainte. Et le wokisme émane de ça, rationalise cette posture. Si on veut balayer le wokisme, il faut réinstituer la société et recréer une envie d'y vivre en commun, des valeurs en commun, redonner un sens au travail, c'est une chose dont personne ne parle. Il faut absolument redonner un sens au savoir, à l'éducation, à l'existence d'une manière générale. Alors, ça ne va pas se faire du jour au lendemain, ça ne va pas se faire en claquant des doigts, mais encore une fois, les Gilets jaunes auraient pu être l'occasion, auraient pu être un levier d'une réinstitution ou en tout cas d'un mouvement qui aurait pu permettre à ce Té-Français de bouger un petit peu et de changer de l'intérieur. Sans parler de révolution, de grand soir, etc. Ça aurait pu être l'occasion. Malheureusement, les tactiques gauchistes et puis la haine de classe aussi, parce qu'on a eu un déferlement de l'âme de classe à empêcher... toute possibilité d'évoluer. Donc on est en fait aujourd'hui en train de vivre un délabrement à la société. Et Cassioladis disait qu'il était sans horizon.

  • Speaker #0

    Je propose justement, comme on parle d'horizon, de société, de passer à la partie, c'est la dernière partie de la brochure qui parle d'un autre penseur qui s'appelle Imno Kaldun, qui est un penseur d'une autre époque, assez différent, puisque c'est quel période d'ailleurs ? C'est Moyen-Âge ?

  • Speaker #1

    Le XIVe siècle.

  • Speaker #0

    Un penseur tunisien qui est très connu en Tunisie, qui est l'inventeur de la sociologie, et qui a pensé, ça fait l'objet d'une autre brochure, qui a pensé le concept de l'Empire, avec une définition bien précise aussi, et la fin des Empires, puisque c'est un penseur qui a connu plus ou moins la fin de l'Empire arabe, qui était à l'Andalouse, jusqu'en Espagne. et qui est revenu en Tunisie un peu à la fin de cet empire-là, et de la création d'un nouvel empire, l'Empire Ottoman.

  • Speaker #1

    Oui, absolument, c'est la fin, le dernier article de Kasser Hadis, Saïd Nouraldoun, et retour. Donc je tente un peu, après avoir montré que Kasser Hadis n'était pas politiquement correct, et après avoir montré qu'il était un penseur de notre époque, un penseur du wokisme notamment, du délabrement de la société. Je le confronte ou plutôt je le frotte à Ibn Khaldun, que j'ai connu par ailleurs, par intermédiaire de Guy Fargette notamment, que je dois citer. Un des penseurs contemporains et vivants importants qu'on a invité ici.

  • Speaker #0

    Il y a deux émissions qui sont en lien avec Ibn Khaldun sur Hérétique. Donc il y a effectivement Guy Fargette sur plutôt les stalinocochistes, mais qui parle aussi de ça. et il y a surtout...

  • Speaker #1

    Brielle Martinez-Gros La marche à l'Empire, où il expose qu'il y a un spécialiste, c'est un historien médiéviste islamologue, qui est un spécialiste d'Ibn Khaldun que j'ai découvert à travers lui je connaissais Ibn Khaldun j'avais lu, mais je n'avais pas retenu particulièrement, et Martinez-Gros montre que c'est un penseur euh... très importants et qui nous permettent de penser la situation contemporaine. Dans cet article, je tente de montrer en quoi Castoridis prépare aux idées d'Ibn Khaldun. En gros, mon parcours personnel, et je m'émancipe aussi, puisque je vais montrer l'exemple, de la pensée de Castoridis. Je ne suis pas prisonnier non plus, même si je n'ai pas besoin d'en faire la preuve. Là, je montre que Castoriadis m'a donné le goût de penser, que j'essaie maintenant de penser avec et sans lui. Alors, en quoi est-ce que Castoriadis et Mineraldou n'ont des choses à se dire ? Parce que Castoriadis nous décrit la fin d'un monde, en réalité. Il nous décrit la fin du projet d'autonomie dont je parlais au début, qui a traversé, qui a fondé l'Occident. Il dit, voilà, ce projet d'autonomie-là, qui fonde la visée de démocratie directe, la visée d'émancipation. la visée de justice sociale, est en train de disparaître. En tout cas, c'est une éclipse. On ne sait pas si c'est définitif ou pas. Il y a une philosophie antidéterministe. Mais en tout cas, ce que l'on voit, c'est que l'émancipation parle de moins en moins aux gens. Les gens sont en train de tendre à autre chose. Ils tendent au bonheur. Et le bonheur, ce n'est pas du tout la liberté. Il y a des esclaves heureux. Il y en a de plus en plus, d'ailleurs. Il nous décrit la fin de la modernité, en réalité. Et Ibn Haldoun ? Lui était un penseur du Moyen-Âge, du XIVe siècle, du Maghreb, effectivement. C'est très dépaysant, il vit dans un monde qui est très différent du nôtre d'aujourd'hui. Et pourtant, lui nous décrit un monde d'empire. Et il décrit une dynamique impériale qui est très parlante aujourd'hui et qui rentre en quelque sorte, qui s'imbrique avec le monde que décrit Castoriadis, ce monde finissant, crépusculaire, qui est le nôtre aujourd'hui. Alors en quoi ? Parce que Castoradis nous décrit un monde, une société où il y a de moins en moins de luttes sociales. Les sociétés européennes, occidentales, voient un déclin des luttes sociales depuis des décennies, depuis l'après-guerre en gros. Déclin de la contestation, de la subversion réelle, puisque ce dont on vient de parler, le wokisme, l'obscurantisme, c'est un simulacre de subversion. Il y a de moins en moins, en réalité, de conflits dans la société. C'est une société qui est en train de s'apaiser. en apparence, qui est en train en réalité de se résigner à vivre dans le monde dans lequel on vit. Cette société qui se résigne, c'est pour Ibn Khaldun la société des sédentaires, c'est-à-dire les populations productives du centre de l'Empire, qui vivent sans aucun horizon de transformation sociale. qui sont taxés par un impôt par l'État impérial surplombant. Et cet État, au fil du temps, il s'affaiblit, il devient vulnérable aux attaques des marges qui entourent l'Empire. Ces marges-là vont pénétrer l'Empire, le refonder, et ces tribus bédouines vont devenir un État qui, à son tour, va traire les sédentaires à travers l'impôt, se sédentariser et s'affaiblir, et le cycle va continuer. Alors c'est très dépaysant, ça ne nous parle pas du tout. Nous on vit dans un monde où on a vécu dans un monde de nations, un polycentrisme européen, et pas du tout un monde unifié de l'Empire. On a vécu dans un monde où les populations étaient en armes, elles se défendaient elles-mêmes, alors que les sédentaires se sont désarmés absolument, ils sont incapables de se battre. Et on habite encore plus ou moins dans un monde relativement démocratique, avec une souveraineté populaire, avec une population qui a des choses à dire, qui est acteur de l'histoire. Durant un millénaire en Occident, les populations étaient actrices de leur histoire. Et le peuple est en train de se retirer de la scène. Et Ibn Khaldun nous donne un petit peu la clé de ce qui est en train de se passer. Il n'est pas difficile de voir le bassin des sédentaires. de devenir décédentaires. Et de plus en plus, nous voyons des marches barbares, des marches bédouines, dont parle l'hymne au Khaldun, qui sont en train de pénétrer l'Empire, un peu comme à la fin de l'Empire romain. On peut lister, nous avons des islamistes, on a des gangs, on a des narcos maintenant, qui sont en train de prendre possession de territoires, de prendre souveraineté sur des portions. du territoire européen, et auquel l'État est incapable de répondre réellement. Donc une des solutions, ce sera notamment de les embaucher, de les recruter dans les forces de police, dans les forces de perception de l'impôt, dans les forces de coercition, pour contrôler ces dentaires. Très globalement, je résume assez rapidement le tableau, mais je tente de montrer dans cet article que... Que Castoridis ne nous montre pas ce que le monde est en train de devenir, il nous dit juste que la modernité est en train de s'affaisser. Et Ibn Khaldun nous dit, à plusieurs siècles de distance, que nous sommes en train de vivre un retour à la normalité, parce que l'humanité a fonctionné depuis 3000 ans sous un régime d'empire. qu'en réalité, l'Occident, cet Occident si cher à Castoridis, c'était en réalité une exception dans l'histoire de l'humanité. Alors, on pourrait me demander, mais est-ce que Castoridis est encore pertinent ? Est-ce qu'il faut lire Castoridis ? La réponse absolument est oui, parce que l'histoire n'est pas jouée, et que si on veut arriver à sauver quelque chose, c'est Castoridis qu'il faut lire. Parce que Castoridis nous parle de l'Occident. Mais dans cet Occident-là, il y a des choses à garder et des choses à jeter. C'est le penseur de l'Occident. Il nous décrit un horizon possible, un horizon d'autonomie, individuel et collectif, et qui est le propre de l'Occident. Cet héritage-là, on peut le communiquer à d'autres cultures. Les autres cultures sont capables de s'y approprier. Ça a été vu, ça se verra encore. C'est un horizon d'universalité, et c'est ça qu'il y a à sauver dans l'Occident. C'est certainement pas ce que la droite essaie d'en sauver, c'est-à-dire la recherche de puissance, l'emballement technique et au fond la déréliction que nous sommes en train de vivre.

  • Speaker #0

    En même temps, c'est un peu en contradiction avec ce qu'on avait dit avant, c'est-à-dire que si on se base que sur Castoriadis, on est un peu dans le culte de l'auteur.

  • Speaker #1

    Oui, oui, vous avez raison, je me suis un peu emporté. Par là, je voulais dire que c'était un penseur vraiment capital, que c'est difficile. Je n'ai pas la culture pour évaluer son importance, mais je pense que dans le XXe siècle, il fait partie des principaux penseurs. Et je pense qu'il n'y en a pas énormément, deux, trois peut-être, mais il a comme une amplitude et une profondeur que je n'ai retrouvées chez aucun auteur. Alors, ceci étant dit, évidemment, si on veut faire vivre...

  • Speaker #0

    Une vie intellectuelle et démocratique, ça ne peut pas dépendre d'une seule personne. Futile et génial. Et c'est pour ça que je participe notamment à Hérétique, et que nous invitons une multitude de personnes qui nous semblent avoir des choses à dire, avec lesquelles on n'est pas d'accord. C'est peut-être la première émission où je suis d'accord avec l'invité. Le reste du temps, c'est quand même assez difficile, mais l'idée est de faire vivre...

  • Speaker #1

    La deuxième émission.

  • Speaker #0

    La deuxième émission, je pense que c'était en janvier 2023, tentait de rassembler les gens qui sont des hérétiques, c'est-à-dire qui tentent de penser contre les dogmes, non pas comme principe, mais parce qu'aujourd'hui nous étouffons dans un certain nombre d'idéologies qui sont très pénibles. et que ça peut être... Une résurrection de la démocratie et de la vie intellectuelle, qui sont indissociables, ne pourra avoir lieu qu'à partir d'une confrontation d'idées et d'une vie intellectuelle vivante. Ça, c'est évident. Donc il y a de multitude d'auteurs qui vont aider. J'ai parlé de Guy Farget, j'en reparle. Claude Lefort, qui a été un... un compagnon de Castoridis durant longtemps, même s'ils ne sont pas d'accord, même si je trouve que sa pensée, qui est très forte, est beaucoup plus limitée que celle de Castoridis. Notamment parce que, entre parenthèses, Castoridis a une expérience de la psychanalyse qui donne aussi une profondeur que d'autres n'ont pas. Mais on peut parler d'Edgar Morin aussi, je sais qu'il est décrié. Moi je suis venu à Castoridis à travers Edgar Morin, et je pense que c'est... Tome de la méthode, c'est un chef-d'oeuvre. C'est une chose vraiment à lire. Absolument, ça concerne la science, là. On est dans un autre domaine, mais la science aussi est en train de se scléroser. Il y aurait nécessité de la faire revivre. On parle d'Anna Arendt, on peut parler de... d'Arwell. Il y a beaucoup d'autres penseurs qui sont contemporains ou qui ne sont plus là, qui aideraient à ça. Évidemment, ce n'est pas une entreprise qui est solitaire. Et tout ça est... et être connecté, si possible, avec une vie populaire. On revit des insurrections des peuples sous le signe du populisme, mouvement très ambigu, j'ai parlé un petit peu des Gilets jaunes, il y a le trumpisme aujourd'hui, évidemment, c'est très hétérogène, c'est très ambivalent, il y a un côté désespérant, et en même temps, il y a quelque chose, la société n'est pas morte, ce que disait Cassandre Haddis également, l'Occident n'est pas mort, la modernité n'a pas encore disparu, il est possible de faire quelque chose.

  • Speaker #1

    Vous venez d'entendre la seconde partie de l'entretien avec Quentin Bérard, Castoria 10, Pensez l'époque. Rendez-vous à la rentrée de septembre pour un nouvel entretien. En attendant, vous aurez droit à deux hors-série d'été, les premiers de juillet et de août, qui seront des compilations thématiques qui nous permettront de revisiter des émissions déjà réalisées. Vous pouvez aussi retrouver les documents évoqués lors de l'émission, ainsi que d'autres permettant de prolonger la réflexion, sur notre site. Heretic au pluriel.fr. Ce podcast est disponible sur toutes les plateformes d'écoute.

Description

Pour celui qui cherche à comprendre le chaos du monde et considère toujours que ce sont les humains qui font leur histoire, la rencontre avec Cornelius Castoriadis est inévitable. Tout aussi inévitables sont les obstacles, nombreux et proliférant au fil des années, qui en empêchent l’accès et, parmi eux, tous ces leurres idéologiques qui saturent l’air du temps.


Que, par extraordinaire, ceux-ci n’aient pas complètement pénétré son esprit, et le lecteur ira au-devant d’une des plus grandes aventures intellectuelles qu’il lui sera jamais donné de vivre.


Quentin Bérard, fondateur et animateur du site "Lieux Communs", s'inscrit dans la continuité de l'œuvre Cornelius Castoriadis, enseignant en biologie et éco-anthropologie, il est l'auteur du livre "Éléments d’écologie politique. Pour une refondation" (Libre&Solidaire, 2021).


heretiques.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Hérétique est un podcast politique mêlant entretien et débat. Hérétique pour questionner les dogmes et les mythes. Hérétique parce que la politique n'est pas la religion. Hérétique parce que vouloir penser est toujours le début de la dissidence. Castoriadis, Pensez l'époque, seconde partie. Tout à l'heure, vous avez parlé de comment Castoriadis serait opposé au wokisme. Il faut revenir un peu. Il est mort en 1997. Donc la notion de wokisme, voire le wokisme, n'existait pas. Qu'est-ce que vous entendez par là, en fait ?

  • Speaker #1

    Oui, j'étais un petit peu rapide dans ma formulation. Parce que ça fait écho au deuxième article de la brochure, où je parle de Castoriadis qui... qui anticipait en fait le wokisme. Je parle du wokisme à lecture de Castoriadis. Ça n'a pas effectivement un anachronisme, mais en réalité, le wokisme tel qu'on connaît aujourd'hui, n'est en fait que la résurgence, la ressuscée de postures militantes qui étaient là depuis au moins les années 60. Et c'est ça que Castoriadis a vu très tôt. La critique de Castoriadis de ces mouvements-là, elle est saignante, parce que Castoriadis est un révolutionnaire, pas un conservateur. La critique du hawkisme du point de vue de droite, conservateur, on connaît, elle peut être intéressante, elle est entendable en tout cas, mais elle a peu d'impact. Cette critique, par contre, de Castoriadis est dévastatrice de ce point de vue-là. D'autant plus qu'il a démonté les mystifications. de ces subversions ou pseudo-subversions in situ dans les années 60 et 70, et qu'aujourd'hui on voit une répétition dégradée de ça. On le voit par exemple avec les néo-féministes ou pseudo-féministes. Tous les excès que l'on a vus aujourd'hui, que l'on voit aujourd'hui, ce ne sont pas les excès, c'est même les catastrophes, parce qu'elles sont en train de tuer le féminisme, on l'a vu au moins en germe dans les années 70. C'est vraiment le scum manifesto. Je ne suis plus de candidate, mais c'est devenu une référence aujourd'hui. Ça ne date pas d'hier. Peut-être que l'élément nouveau est peut-être l'écologie radicale contemporaine. Mais même le mouvement des communautés, ça s'était connu depuis longtemps. Les mouvements gauchistes, alors là, encore pire. Et par contre, l'élément... On pourrait croire nouveau le décolonialisme, le communautarisme ou le racialisme, ce que j'appelle l'obscurantisme en réalité. C'est également finalement qu'une ressuscée, une radicalisation du tiers-mondisme, qui a apparu dans la lignée des mouvements de décolonisation, et qui est repris aujourd'hui à l'absurde parce que les décolonistes... Les décoloniaux, ce qu'ils se réclament être des décoloniaux, ne sont pas du tout des décoloniaux. C'est absurde. La décolonisation, c'est quand on chasse l'étranger de chez soi. Les décoloniaux sont des étrangers qui sont ici. On est dans la débilité la plus totale. Mais dans tous les cas, la question n'est pas d'en discuter, mais de voir qu'il n'y a pas du tout de nouveautés dans leur posture. Ils reprennent en les faussant des discours. de Fanon, ils reprennent les discours, en tout cas les postures de Kadhafi, les postures de tout ce qu'on a eu, d'Etché Guevara. Bon, là-dessus, il n'y a vraiment rien de nouveau, à part une radicalisation. On pousse un peu plus loin la bêtise et l'obscurantisme, notamment en se connectant à quelque chose de nouveau, là pour le coup, qui est l'islam. Ça, c'est effectivement nouveau, mais Castoriadis, très tôt, l'a senti.

  • Speaker #0

    Il y a aussi l'intersectionnalité, il y a des concepts assez nouveaux, le queer, le transactivisme,

  • Speaker #1

    etc. Oui, le transactivisme, c'est nouveau, tout à fait. Mais en fait, c'est une confusion qui s'approfondit. Mais cette confusion-là, au fond, n'a rien de nouveau. C'est pour ça que Castoridis réfute le wokisme a priori. Dès les années 70, il décrit ce qu'il appelle le n'importe quoi. Il dit la subversion, d'aujourd'hui c'est du n'importe quoi. Et en même temps c'est du n'importe quoi, et c'est dérisoire, parce que ce sont dans des milieux qui n'ont aucune prise réelle sur le cours des choses.

  • Speaker #0

    C'est plus la subversion du wokisme qu'il a vu venir.

  • Speaker #1

    La fausse subversion. Et le n'importe quoi. Le n'importe quoi, c'est-à-dire le fait que plus personne n'est tenu à aucune rigueur intellectuelle. Et ça, il bataille durant longtemps avec ce qu'il appelle divertisseurs, c'est-à-dire les intellectuels les plus en vue de l'époque. Les Sartres, les structuralistes, les altussers, les Barthes, les Deleuze, les Foucault, etc. qui laborent en réalité et auxquels ils reprochent de dire et de faire n'importe quoi et de pousser à jeunesse dans ce n'importe quoi.

  • Speaker #0

    Et pourtant, le mouvement wokisme, c'est aussi, parmi les nouveaux concepts, il y a le côté empowerment, ce qui est en fait une sorte d'émancipation, d'automobile. de l'autonomie. Ils se revendiquent encore un peu, comme on avait parlé des gauchistes, ils se revendiquent le être, ceux qui vont amener à l'autonomie de l'individu. Après, c'est plus l'individu, effectivement, c'est pas la société. Mais comment vous voyez ça ?

  • Speaker #1

    C'est comme d'habitude. La pierre des oppressions est celle que se réclame de l'émancipation. Ça, on l'a vu depuis le putsch bolchevik de 1917. qui arrive après la révolution de février, qui était populaire, qui était authentique, qui était modérée. Et on a eu, depuis durant 70 ans, un régime qui se réclamait du communisme, du socialisme, de l'horizon d'égalité, de justice sociale. On vit au fond, systématiquement, la même chose. C'est-à-dire qu'il suffit de se réclamer d'un horizon d'émancipation pour faire le contraire. Donc l'empowerment, ce qu'on entend là par empowerment, ça dépend à quoi on l'applique, mais c'est en réalité tenter de prendre le pouvoir pour contraindre les autres. Que ce soit les gens de votre clan qu'il faut en régimenter, les idiots utiles qu'il faut endormir, ou les ennemis résolus qu'il faut asservir. Voilà, c'est ce que l'on appelle l'empowerment, effectivement. Le cas le plus... Le plus poussé, le plus paradoxal, le plus quotidien, c'est celui de la femme voilée dans la rue. Le voile musulman, effectivement, ce sont des femmes qui s'affirment contre 80% de la population. C'est un empowerment. Ce sont des femmes qui militent pour leur propre asservissement. Là, on est dans le double bind. C'est vraiment une attitude qui rend fou et qui rend les choses difficiles à penser. Mais ça, ça a un siècle. Ça, c'est un héritage de la gauche, de retourner les choses, d'inverser systématiquement les concepts et les postures de manière à désarmer l'esprit.

  • Speaker #0

    Oui, d'être en contradiction aussi, parce que la convergence des luttes, l'intersectionnalité voudrait que la femme voilée soit alliée du trans, de l'écologiste, etc. De faire une espèce de convergence des luttes plus-plus. Et ça, dans un projet d'autonomie, c'est difficile.

  • Speaker #1

    C'est absurde. Et vous avez lâché le terme de convergence des luttes. Ça ne date pas d'hier, la convergence des luttes. Ça date du moment où les luttes ont éclaté, en gros, les années 60. Et l'idée, qui est très profonde, c'est d'essayer de les rassembler. Il n'y a rien de très extraordinaire. Aujourd'hui, c'est évidemment l'alliance de la carpe et du lapin, puisqu'on a des queers qui militent avec des islamistes. On a des poulets qui militent pour KFC. On est là, dans la plus grande débilité. Castoridis en a parlé également de la convergence des luttes en disant mais qu'est-ce que c'est que ces assemblages hétéroclites des années 80, des années 80 et 90 ? Ça ne veut rien dire. Il faut tenter de construire un horizon en commun, tenter de faire de la politique ensemble, tenter de faire de la politique tout simplement. Là, on ne fait pas de la politique. On fait ce qu'il appelle du révoltisme. C'est-à-dire qu'on se révolte en permanence contre le méchant, le méchant Occident, le méchant État, le méchant... le méchant racisme, etc., sans aucune volonté réelle de transformation sociale concrète et tangible. Donc pour lui, on est dans n'importe quoi, et c'est difficile de lui donner tort. Par contre, ce qui est intéressant dans la lecture qu'il fait de la subversion des années 50, et je crois que c'est une chose que j'ai trouvée personnellement et qui est originale, La seule chose. que je pense à avancer original dans cette brochure, c'est le fait que très tôt, dès les années 50, Castor Haddis lit La Contestation des gens. à leur retrait de la sphère publique. En réalité, ils constatent une bureaucratisation de la société en général. Il y a de plus en plus de postes de pouvoir qui sont occupés dans les associations, dans les syndicats. Il y a de moins en moins dans les partis, il y a de moins en moins d'activités là par des gens. Et plus les gens sont aliénés par des dirigeants qui ne les écoutent plus, plus ils se retirent. de la vie politique et puis évidemment les appareils de pouvoir se renforcent. Donc il y a une sorte de cercle vicieux qui fait que les gens désertent de plus en plus la vie publique. Cette désertion de la vie publique, elle ne se fait pas avec le sourire, elle s'accompagne d'un mouvement de contestation. On vote avec ses pieds, comme on dit, on se retire parce qu'on a marre, il y en a marre des manigances, il y en a marre du pouvoir, il y en a marre de ci, il y en a marre de ça. Donc en fait très rapidement dans ses analyses il lit la dépolitisation et l'hyperpolitisation. Et en fait, le mouvement woke, c'est ça en grande partie. Ce sont des gens qui sont dépolitisés tout en voulant être hyperpolitisés. C'est-à-dire qu'ils sont très critiques contre la société, mais ils refusent de participer à la vie sociale.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'en fait, on a été un peu rapide en comparant la convergence des luttes et l'intersectionnalité. La grande différence avec l'intersectionnalité, c'est quelque chose de personnel en fait. On accumule, c'est une espèce de point, comment on est blanc, comment homme, hétéro, etc. On perd des points par rapport à celui qui est handicapé, noir. C'est un petit peu, je résume un peu de manière caricaturale, mais c'est sur l'individu. Et alors que la convergence des luttes, il y avait quand même des mouvements, un mouvement d'ouvriers qui va se converger avec un mouvement, par exemple, de... comme victimes de l'homophobie et qui vont faire des manifestations en commun. Il y avait quand même une volonté collective. Là, on est quand même dans l'individualité, dans quelque chose d'assez négatif, et sur l'identité, sur sa propre identité.

  • Speaker #1

    Alors Castorlis, je ne vous dirais pas que quand on est dans l'individualité, on est plutôt dans l'atomisation, parce qu'on n'a pas des individus, puisque les gens vont tous vous raconter à peu près la même chose. Ils vont s'automistifier avec des tutos YouTube. Donc qu'on est plutôt dans un n'importe quoi, d'individus très peu socialisés, en même temps hyper peu socialisés, une grande contradiction et une insignifiance. C'est son terme, il part de la montée de l'insignifiance, un langage qui perd de plus en plus de son pouvoir, de plus en plus de son impact, des gens qui se mobilisent en utilisant des slogans qui ne veulent à peu près rien dire, sans horizon collectif ou... politiques et des mobilisations qui se confondent avec l'opportunisme des gens. C'est-à-dire que c'est vraiment dans leur petit intérêt propre, donc on est vraiment au niveau zéro. Et tout ça, pour Casteladis, est entretenu par l'intelligentsia pseudo-subversive, ce qu'on appelle la French Theory, c'est-à-dire que ce mouvement-là, qui reste minoritaire malgré tout au sein de la société. C'est un mouvement qui est apparu après l'échec de mai 68, parce que lui insiste sur l'échec de mai 68, qui a été rationalisé par les idéologues de l'époque, qui ont expliqué que finalement, ce que les insurgés ont fait, c'est très bien de s'insurger, mais qu'il fallait qu'ils s'arrêtent. Ils ont eu raison de ne pas prendre le pouvoir, ils ont eu raison de ne pas s'auto-organiser, ils ont eu raison de ne pas tenter de fonder derrière des organisations, etc. C'est-à-dire que le... La révolte vaut pour elle-même, en quelque sorte. Il n'y a plus d'horizon politique. Tout pouvoir est mauvais, comme dit Foucault. Ça ne sert à rien de se constituer en contre-pouvoir. Ça ne sert à rien de tenter de fonder une autre société. Et ça, c'est le rôle des intellectuels. C'est de maintenir les gens, le rôle de fait, ce ne sont pas des démons, mais de fait, ce sont des gens dont la fonction est de maintenir les gens. dans l'illusion, dans cette illusion-là. Et on en a évidemment pléthore aujourd'hui, il se multiplie. Ce que ça implique en réalité, cette analyse de Castoriadis, c'est qu'on ne va pas se débarrasser du wokisme avec des beaux discours. Et ça je pense que c'est très important, parce que la critique du wokisme et de l'obscurantisme, de l'islamisme, du racialisme, du communautarisme, vient de droite. de la droite conservatrice qui aimerait bien que tout ça n'existe pas et que la société continue à tourner comme elle fonctionne. Par exemple, on a des amis universitaires, c'est leur position en fait, ils sont très contents de l'université, ils voudraient juste enlever les hauts qui sont très pénibles. L'après-l'État-Soviet-Dix est fondamentalement importante parce qu'elle montre que le wokisme est lié intrinsèquement, émerge du fonctionnement de notre société. Et qu'en étant dépossédés du pouvoir, en étant dépossédés des significations importantes de nos vies, on a l'émergence de ce n'importe quoi. Et que si on veut contrer le wokisme, il faut impérativement réinstituer cette société. Ce qui n'a pas été fait notamment à l'occasion des Gilets jaunes.

  • Speaker #0

    Donc pour vous, les WOC seraient juste un symptôme, pour reprendre le terme de Castoriadis, de délabrement de la société occidentale ?

  • Speaker #1

    Absolument. C'est non seulement un symptôme, mais c'est même un élément essentiel, catalytique en quelque sorte. Le délabrement de la société crée les WOC. Et les Wokes rationalisent le délabrement. C'est-à-dire qu'en fait, Castordyce prend l'exemple de... Alors là, on est dans les années 70. Il prend l'exemple du rapport entre hommes et femmes, et il parle d'une confusion impressionnante et sans précédent. C'est-à-dire que le rôle des hommes et des femmes est devenu incernable. Alors, il dit, on ne va pas regretter ce qui s'est passé avant. On ne veut pas revenir au rôle figé des hommes, des femmes à la maison, etc. Mais il se trouve là que les mouvements féministes, qui impliquent les hommes aussi, ont abouti à une confusion. Et cette confusion, aujourd'hui, 50 ans après, on la voit rationalisée. Les woke nous expliquent que c'est très bien, cette confusion-là. Et en réalité, le rôle des woke, c'est d'expliquer que ce qui se passe est très bien. Il y a une islamisation de la France, c'est très bien. Au fond, c'était un progrès. Il y a un délabrement des savoirs à l'université. Il n'y a plus aucune rigueur intellectuelle, etc. Et bien, c'est très bien.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on peut le décliner sur à peu près tout. On est gros, c'est très bien. Oui,

  • Speaker #1

    absolument.

  • Speaker #0

    On est fou, il y a même la psychophobie. On est fou, mais c'est bien.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Donc, au fond, c'est très opératoire. Parce que ça permet de... De comprendre ce qui se passe, c'est en fait, notre société est en train, donc c'est une idée fondamentale de Casteladis, c'est en train de se délabrer très profondément, et je pense que plus personne ne le nie aujourd'hui. C'était une hérésie il y a 30 ans, là aujourd'hui c'est assez évident. C'est très dur à vivre, et pour le vivre, on se raconte des histoires, on se raconte que c'est très bien. D'où le succès des WOC aussi, il y a quelque chose de rassurant. Quand on se dit, finalement c'est désirable, ce que l'on vit on s'en plaint, mais c'est désirable. C'est juste une mutation, il suffit de muter. Évidemment, la surprise est que ça va être une catastrophe absolue et particulièrement douloureuse. Donc, à partir de là, évidemment, si on veut contrer les hauts, il ne suffit pas d'avoir un contre-discours.

  • Speaker #0

    C'est pareil si on peut revenir entre la collectivité où il fallait ingérer un mensonge commun. Là, chacun insère son propre mensonge. Oui,

  • Speaker #1

    oui, en quelque sorte, oui. Son soma pour reprendre le meilleur des mondes, qui permet d'aller mieux et de se raconter que finalement, ce n'est pas plus mal. Donc en fait, c'est un mécanisme social. Si on veut se débarrasser du wokisme, ce n'est pas un contre-discours qu'il faut reposer, c'est un changement de société. Parce que qu'est-ce que c'est que le wokisme ? C'est au fond la haine de la société, derrière la haine de l'Occident, il y a la haine de la société, la haine de la vie en société. Castel-Dix en parle très bien, il se demande est-ce que l'homme actuel veut vraiment vivre en société ? Ou est-ce qu'il vit la société comme une contrainte nécessaire pour manger ? Et c'est évident, c'est des dernières occurrences. On vit de plus en plus la société comme une contrainte. Et le wokisme émane de ça, rationalise cette posture. Si on veut balayer le wokisme, il faut réinstituer la société et recréer une envie d'y vivre en commun, des valeurs en commun, redonner un sens au travail, c'est une chose dont personne ne parle. Il faut absolument redonner un sens au savoir, à l'éducation, à l'existence d'une manière générale. Alors, ça ne va pas se faire du jour au lendemain, ça ne va pas se faire en claquant des doigts, mais encore une fois, les Gilets jaunes auraient pu être l'occasion, auraient pu être un levier d'une réinstitution ou en tout cas d'un mouvement qui aurait pu permettre à ce Té-Français de bouger un petit peu et de changer de l'intérieur. Sans parler de révolution, de grand soir, etc. Ça aurait pu être l'occasion. Malheureusement, les tactiques gauchistes et puis la haine de classe aussi, parce qu'on a eu un déferlement de l'âme de classe à empêcher... toute possibilité d'évoluer. Donc on est en fait aujourd'hui en train de vivre un délabrement à la société. Et Cassioladis disait qu'il était sans horizon.

  • Speaker #0

    Je propose justement, comme on parle d'horizon, de société, de passer à la partie, c'est la dernière partie de la brochure qui parle d'un autre penseur qui s'appelle Imno Kaldun, qui est un penseur d'une autre époque, assez différent, puisque c'est quel période d'ailleurs ? C'est Moyen-Âge ?

  • Speaker #1

    Le XIVe siècle.

  • Speaker #0

    Un penseur tunisien qui est très connu en Tunisie, qui est l'inventeur de la sociologie, et qui a pensé, ça fait l'objet d'une autre brochure, qui a pensé le concept de l'Empire, avec une définition bien précise aussi, et la fin des Empires, puisque c'est un penseur qui a connu plus ou moins la fin de l'Empire arabe, qui était à l'Andalouse, jusqu'en Espagne. et qui est revenu en Tunisie un peu à la fin de cet empire-là, et de la création d'un nouvel empire, l'Empire Ottoman.

  • Speaker #1

    Oui, absolument, c'est la fin, le dernier article de Kasser Hadis, Saïd Nouraldoun, et retour. Donc je tente un peu, après avoir montré que Kasser Hadis n'était pas politiquement correct, et après avoir montré qu'il était un penseur de notre époque, un penseur du wokisme notamment, du délabrement de la société. Je le confronte ou plutôt je le frotte à Ibn Khaldun, que j'ai connu par ailleurs, par intermédiaire de Guy Fargette notamment, que je dois citer. Un des penseurs contemporains et vivants importants qu'on a invité ici.

  • Speaker #0

    Il y a deux émissions qui sont en lien avec Ibn Khaldun sur Hérétique. Donc il y a effectivement Guy Fargette sur plutôt les stalinocochistes, mais qui parle aussi de ça. et il y a surtout...

  • Speaker #1

    Brielle Martinez-Gros La marche à l'Empire, où il expose qu'il y a un spécialiste, c'est un historien médiéviste islamologue, qui est un spécialiste d'Ibn Khaldun que j'ai découvert à travers lui je connaissais Ibn Khaldun j'avais lu, mais je n'avais pas retenu particulièrement, et Martinez-Gros montre que c'est un penseur euh... très importants et qui nous permettent de penser la situation contemporaine. Dans cet article, je tente de montrer en quoi Castoridis prépare aux idées d'Ibn Khaldun. En gros, mon parcours personnel, et je m'émancipe aussi, puisque je vais montrer l'exemple, de la pensée de Castoridis. Je ne suis pas prisonnier non plus, même si je n'ai pas besoin d'en faire la preuve. Là, je montre que Castoriadis m'a donné le goût de penser, que j'essaie maintenant de penser avec et sans lui. Alors, en quoi est-ce que Castoriadis et Mineraldou n'ont des choses à se dire ? Parce que Castoriadis nous décrit la fin d'un monde, en réalité. Il nous décrit la fin du projet d'autonomie dont je parlais au début, qui a traversé, qui a fondé l'Occident. Il dit, voilà, ce projet d'autonomie-là, qui fonde la visée de démocratie directe, la visée d'émancipation. la visée de justice sociale, est en train de disparaître. En tout cas, c'est une éclipse. On ne sait pas si c'est définitif ou pas. Il y a une philosophie antidéterministe. Mais en tout cas, ce que l'on voit, c'est que l'émancipation parle de moins en moins aux gens. Les gens sont en train de tendre à autre chose. Ils tendent au bonheur. Et le bonheur, ce n'est pas du tout la liberté. Il y a des esclaves heureux. Il y en a de plus en plus, d'ailleurs. Il nous décrit la fin de la modernité, en réalité. Et Ibn Haldoun ? Lui était un penseur du Moyen-Âge, du XIVe siècle, du Maghreb, effectivement. C'est très dépaysant, il vit dans un monde qui est très différent du nôtre d'aujourd'hui. Et pourtant, lui nous décrit un monde d'empire. Et il décrit une dynamique impériale qui est très parlante aujourd'hui et qui rentre en quelque sorte, qui s'imbrique avec le monde que décrit Castoriadis, ce monde finissant, crépusculaire, qui est le nôtre aujourd'hui. Alors en quoi ? Parce que Castoradis nous décrit un monde, une société où il y a de moins en moins de luttes sociales. Les sociétés européennes, occidentales, voient un déclin des luttes sociales depuis des décennies, depuis l'après-guerre en gros. Déclin de la contestation, de la subversion réelle, puisque ce dont on vient de parler, le wokisme, l'obscurantisme, c'est un simulacre de subversion. Il y a de moins en moins, en réalité, de conflits dans la société. C'est une société qui est en train de s'apaiser. en apparence, qui est en train en réalité de se résigner à vivre dans le monde dans lequel on vit. Cette société qui se résigne, c'est pour Ibn Khaldun la société des sédentaires, c'est-à-dire les populations productives du centre de l'Empire, qui vivent sans aucun horizon de transformation sociale. qui sont taxés par un impôt par l'État impérial surplombant. Et cet État, au fil du temps, il s'affaiblit, il devient vulnérable aux attaques des marges qui entourent l'Empire. Ces marges-là vont pénétrer l'Empire, le refonder, et ces tribus bédouines vont devenir un État qui, à son tour, va traire les sédentaires à travers l'impôt, se sédentariser et s'affaiblir, et le cycle va continuer. Alors c'est très dépaysant, ça ne nous parle pas du tout. Nous on vit dans un monde où on a vécu dans un monde de nations, un polycentrisme européen, et pas du tout un monde unifié de l'Empire. On a vécu dans un monde où les populations étaient en armes, elles se défendaient elles-mêmes, alors que les sédentaires se sont désarmés absolument, ils sont incapables de se battre. Et on habite encore plus ou moins dans un monde relativement démocratique, avec une souveraineté populaire, avec une population qui a des choses à dire, qui est acteur de l'histoire. Durant un millénaire en Occident, les populations étaient actrices de leur histoire. Et le peuple est en train de se retirer de la scène. Et Ibn Khaldun nous donne un petit peu la clé de ce qui est en train de se passer. Il n'est pas difficile de voir le bassin des sédentaires. de devenir décédentaires. Et de plus en plus, nous voyons des marches barbares, des marches bédouines, dont parle l'hymne au Khaldun, qui sont en train de pénétrer l'Empire, un peu comme à la fin de l'Empire romain. On peut lister, nous avons des islamistes, on a des gangs, on a des narcos maintenant, qui sont en train de prendre possession de territoires, de prendre souveraineté sur des portions. du territoire européen, et auquel l'État est incapable de répondre réellement. Donc une des solutions, ce sera notamment de les embaucher, de les recruter dans les forces de police, dans les forces de perception de l'impôt, dans les forces de coercition, pour contrôler ces dentaires. Très globalement, je résume assez rapidement le tableau, mais je tente de montrer dans cet article que... Que Castoridis ne nous montre pas ce que le monde est en train de devenir, il nous dit juste que la modernité est en train de s'affaisser. Et Ibn Khaldun nous dit, à plusieurs siècles de distance, que nous sommes en train de vivre un retour à la normalité, parce que l'humanité a fonctionné depuis 3000 ans sous un régime d'empire. qu'en réalité, l'Occident, cet Occident si cher à Castoridis, c'était en réalité une exception dans l'histoire de l'humanité. Alors, on pourrait me demander, mais est-ce que Castoridis est encore pertinent ? Est-ce qu'il faut lire Castoridis ? La réponse absolument est oui, parce que l'histoire n'est pas jouée, et que si on veut arriver à sauver quelque chose, c'est Castoridis qu'il faut lire. Parce que Castoridis nous parle de l'Occident. Mais dans cet Occident-là, il y a des choses à garder et des choses à jeter. C'est le penseur de l'Occident. Il nous décrit un horizon possible, un horizon d'autonomie, individuel et collectif, et qui est le propre de l'Occident. Cet héritage-là, on peut le communiquer à d'autres cultures. Les autres cultures sont capables de s'y approprier. Ça a été vu, ça se verra encore. C'est un horizon d'universalité, et c'est ça qu'il y a à sauver dans l'Occident. C'est certainement pas ce que la droite essaie d'en sauver, c'est-à-dire la recherche de puissance, l'emballement technique et au fond la déréliction que nous sommes en train de vivre.

  • Speaker #0

    En même temps, c'est un peu en contradiction avec ce qu'on avait dit avant, c'est-à-dire que si on se base que sur Castoriadis, on est un peu dans le culte de l'auteur.

  • Speaker #1

    Oui, oui, vous avez raison, je me suis un peu emporté. Par là, je voulais dire que c'était un penseur vraiment capital, que c'est difficile. Je n'ai pas la culture pour évaluer son importance, mais je pense que dans le XXe siècle, il fait partie des principaux penseurs. Et je pense qu'il n'y en a pas énormément, deux, trois peut-être, mais il a comme une amplitude et une profondeur que je n'ai retrouvées chez aucun auteur. Alors, ceci étant dit, évidemment, si on veut faire vivre...

  • Speaker #0

    Une vie intellectuelle et démocratique, ça ne peut pas dépendre d'une seule personne. Futile et génial. Et c'est pour ça que je participe notamment à Hérétique, et que nous invitons une multitude de personnes qui nous semblent avoir des choses à dire, avec lesquelles on n'est pas d'accord. C'est peut-être la première émission où je suis d'accord avec l'invité. Le reste du temps, c'est quand même assez difficile, mais l'idée est de faire vivre...

  • Speaker #1

    La deuxième émission.

  • Speaker #0

    La deuxième émission, je pense que c'était en janvier 2023, tentait de rassembler les gens qui sont des hérétiques, c'est-à-dire qui tentent de penser contre les dogmes, non pas comme principe, mais parce qu'aujourd'hui nous étouffons dans un certain nombre d'idéologies qui sont très pénibles. et que ça peut être... Une résurrection de la démocratie et de la vie intellectuelle, qui sont indissociables, ne pourra avoir lieu qu'à partir d'une confrontation d'idées et d'une vie intellectuelle vivante. Ça, c'est évident. Donc il y a de multitude d'auteurs qui vont aider. J'ai parlé de Guy Farget, j'en reparle. Claude Lefort, qui a été un... un compagnon de Castoridis durant longtemps, même s'ils ne sont pas d'accord, même si je trouve que sa pensée, qui est très forte, est beaucoup plus limitée que celle de Castoridis. Notamment parce que, entre parenthèses, Castoridis a une expérience de la psychanalyse qui donne aussi une profondeur que d'autres n'ont pas. Mais on peut parler d'Edgar Morin aussi, je sais qu'il est décrié. Moi je suis venu à Castoridis à travers Edgar Morin, et je pense que c'est... Tome de la méthode, c'est un chef-d'oeuvre. C'est une chose vraiment à lire. Absolument, ça concerne la science, là. On est dans un autre domaine, mais la science aussi est en train de se scléroser. Il y aurait nécessité de la faire revivre. On parle d'Anna Arendt, on peut parler de... d'Arwell. Il y a beaucoup d'autres penseurs qui sont contemporains ou qui ne sont plus là, qui aideraient à ça. Évidemment, ce n'est pas une entreprise qui est solitaire. Et tout ça est... et être connecté, si possible, avec une vie populaire. On revit des insurrections des peuples sous le signe du populisme, mouvement très ambigu, j'ai parlé un petit peu des Gilets jaunes, il y a le trumpisme aujourd'hui, évidemment, c'est très hétérogène, c'est très ambivalent, il y a un côté désespérant, et en même temps, il y a quelque chose, la société n'est pas morte, ce que disait Cassandre Haddis également, l'Occident n'est pas mort, la modernité n'a pas encore disparu, il est possible de faire quelque chose.

  • Speaker #1

    Vous venez d'entendre la seconde partie de l'entretien avec Quentin Bérard, Castoria 10, Pensez l'époque. Rendez-vous à la rentrée de septembre pour un nouvel entretien. En attendant, vous aurez droit à deux hors-série d'été, les premiers de juillet et de août, qui seront des compilations thématiques qui nous permettront de revisiter des émissions déjà réalisées. Vous pouvez aussi retrouver les documents évoqués lors de l'émission, ainsi que d'autres permettant de prolonger la réflexion, sur notre site. Heretic au pluriel.fr. Ce podcast est disponible sur toutes les plateformes d'écoute.

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Description

Pour celui qui cherche à comprendre le chaos du monde et considère toujours que ce sont les humains qui font leur histoire, la rencontre avec Cornelius Castoriadis est inévitable. Tout aussi inévitables sont les obstacles, nombreux et proliférant au fil des années, qui en empêchent l’accès et, parmi eux, tous ces leurres idéologiques qui saturent l’air du temps.


Que, par extraordinaire, ceux-ci n’aient pas complètement pénétré son esprit, et le lecteur ira au-devant d’une des plus grandes aventures intellectuelles qu’il lui sera jamais donné de vivre.


Quentin Bérard, fondateur et animateur du site "Lieux Communs", s'inscrit dans la continuité de l'œuvre Cornelius Castoriadis, enseignant en biologie et éco-anthropologie, il est l'auteur du livre "Éléments d’écologie politique. Pour une refondation" (Libre&Solidaire, 2021).


heretiques.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Hérétique est un podcast politique mêlant entretien et débat. Hérétique pour questionner les dogmes et les mythes. Hérétique parce que la politique n'est pas la religion. Hérétique parce que vouloir penser est toujours le début de la dissidence. Castoriadis, Pensez l'époque, seconde partie. Tout à l'heure, vous avez parlé de comment Castoriadis serait opposé au wokisme. Il faut revenir un peu. Il est mort en 1997. Donc la notion de wokisme, voire le wokisme, n'existait pas. Qu'est-ce que vous entendez par là, en fait ?

  • Speaker #1

    Oui, j'étais un petit peu rapide dans ma formulation. Parce que ça fait écho au deuxième article de la brochure, où je parle de Castoriadis qui... qui anticipait en fait le wokisme. Je parle du wokisme à lecture de Castoriadis. Ça n'a pas effectivement un anachronisme, mais en réalité, le wokisme tel qu'on connaît aujourd'hui, n'est en fait que la résurgence, la ressuscée de postures militantes qui étaient là depuis au moins les années 60. Et c'est ça que Castoriadis a vu très tôt. La critique de Castoriadis de ces mouvements-là, elle est saignante, parce que Castoriadis est un révolutionnaire, pas un conservateur. La critique du hawkisme du point de vue de droite, conservateur, on connaît, elle peut être intéressante, elle est entendable en tout cas, mais elle a peu d'impact. Cette critique, par contre, de Castoriadis est dévastatrice de ce point de vue-là. D'autant plus qu'il a démonté les mystifications. de ces subversions ou pseudo-subversions in situ dans les années 60 et 70, et qu'aujourd'hui on voit une répétition dégradée de ça. On le voit par exemple avec les néo-féministes ou pseudo-féministes. Tous les excès que l'on a vus aujourd'hui, que l'on voit aujourd'hui, ce ne sont pas les excès, c'est même les catastrophes, parce qu'elles sont en train de tuer le féminisme, on l'a vu au moins en germe dans les années 70. C'est vraiment le scum manifesto. Je ne suis plus de candidate, mais c'est devenu une référence aujourd'hui. Ça ne date pas d'hier. Peut-être que l'élément nouveau est peut-être l'écologie radicale contemporaine. Mais même le mouvement des communautés, ça s'était connu depuis longtemps. Les mouvements gauchistes, alors là, encore pire. Et par contre, l'élément... On pourrait croire nouveau le décolonialisme, le communautarisme ou le racialisme, ce que j'appelle l'obscurantisme en réalité. C'est également finalement qu'une ressuscée, une radicalisation du tiers-mondisme, qui a apparu dans la lignée des mouvements de décolonisation, et qui est repris aujourd'hui à l'absurde parce que les décolonistes... Les décoloniaux, ce qu'ils se réclament être des décoloniaux, ne sont pas du tout des décoloniaux. C'est absurde. La décolonisation, c'est quand on chasse l'étranger de chez soi. Les décoloniaux sont des étrangers qui sont ici. On est dans la débilité la plus totale. Mais dans tous les cas, la question n'est pas d'en discuter, mais de voir qu'il n'y a pas du tout de nouveautés dans leur posture. Ils reprennent en les faussant des discours. de Fanon, ils reprennent les discours, en tout cas les postures de Kadhafi, les postures de tout ce qu'on a eu, d'Etché Guevara. Bon, là-dessus, il n'y a vraiment rien de nouveau, à part une radicalisation. On pousse un peu plus loin la bêtise et l'obscurantisme, notamment en se connectant à quelque chose de nouveau, là pour le coup, qui est l'islam. Ça, c'est effectivement nouveau, mais Castoriadis, très tôt, l'a senti.

  • Speaker #0

    Il y a aussi l'intersectionnalité, il y a des concepts assez nouveaux, le queer, le transactivisme,

  • Speaker #1

    etc. Oui, le transactivisme, c'est nouveau, tout à fait. Mais en fait, c'est une confusion qui s'approfondit. Mais cette confusion-là, au fond, n'a rien de nouveau. C'est pour ça que Castoridis réfute le wokisme a priori. Dès les années 70, il décrit ce qu'il appelle le n'importe quoi. Il dit la subversion, d'aujourd'hui c'est du n'importe quoi. Et en même temps c'est du n'importe quoi, et c'est dérisoire, parce que ce sont dans des milieux qui n'ont aucune prise réelle sur le cours des choses.

  • Speaker #0

    C'est plus la subversion du wokisme qu'il a vu venir.

  • Speaker #1

    La fausse subversion. Et le n'importe quoi. Le n'importe quoi, c'est-à-dire le fait que plus personne n'est tenu à aucune rigueur intellectuelle. Et ça, il bataille durant longtemps avec ce qu'il appelle divertisseurs, c'est-à-dire les intellectuels les plus en vue de l'époque. Les Sartres, les structuralistes, les altussers, les Barthes, les Deleuze, les Foucault, etc. qui laborent en réalité et auxquels ils reprochent de dire et de faire n'importe quoi et de pousser à jeunesse dans ce n'importe quoi.

  • Speaker #0

    Et pourtant, le mouvement wokisme, c'est aussi, parmi les nouveaux concepts, il y a le côté empowerment, ce qui est en fait une sorte d'émancipation, d'automobile. de l'autonomie. Ils se revendiquent encore un peu, comme on avait parlé des gauchistes, ils se revendiquent le être, ceux qui vont amener à l'autonomie de l'individu. Après, c'est plus l'individu, effectivement, c'est pas la société. Mais comment vous voyez ça ?

  • Speaker #1

    C'est comme d'habitude. La pierre des oppressions est celle que se réclame de l'émancipation. Ça, on l'a vu depuis le putsch bolchevik de 1917. qui arrive après la révolution de février, qui était populaire, qui était authentique, qui était modérée. Et on a eu, depuis durant 70 ans, un régime qui se réclamait du communisme, du socialisme, de l'horizon d'égalité, de justice sociale. On vit au fond, systématiquement, la même chose. C'est-à-dire qu'il suffit de se réclamer d'un horizon d'émancipation pour faire le contraire. Donc l'empowerment, ce qu'on entend là par empowerment, ça dépend à quoi on l'applique, mais c'est en réalité tenter de prendre le pouvoir pour contraindre les autres. Que ce soit les gens de votre clan qu'il faut en régimenter, les idiots utiles qu'il faut endormir, ou les ennemis résolus qu'il faut asservir. Voilà, c'est ce que l'on appelle l'empowerment, effectivement. Le cas le plus... Le plus poussé, le plus paradoxal, le plus quotidien, c'est celui de la femme voilée dans la rue. Le voile musulman, effectivement, ce sont des femmes qui s'affirment contre 80% de la population. C'est un empowerment. Ce sont des femmes qui militent pour leur propre asservissement. Là, on est dans le double bind. C'est vraiment une attitude qui rend fou et qui rend les choses difficiles à penser. Mais ça, ça a un siècle. Ça, c'est un héritage de la gauche, de retourner les choses, d'inverser systématiquement les concepts et les postures de manière à désarmer l'esprit.

  • Speaker #0

    Oui, d'être en contradiction aussi, parce que la convergence des luttes, l'intersectionnalité voudrait que la femme voilée soit alliée du trans, de l'écologiste, etc. De faire une espèce de convergence des luttes plus-plus. Et ça, dans un projet d'autonomie, c'est difficile.

  • Speaker #1

    C'est absurde. Et vous avez lâché le terme de convergence des luttes. Ça ne date pas d'hier, la convergence des luttes. Ça date du moment où les luttes ont éclaté, en gros, les années 60. Et l'idée, qui est très profonde, c'est d'essayer de les rassembler. Il n'y a rien de très extraordinaire. Aujourd'hui, c'est évidemment l'alliance de la carpe et du lapin, puisqu'on a des queers qui militent avec des islamistes. On a des poulets qui militent pour KFC. On est là, dans la plus grande débilité. Castoridis en a parlé également de la convergence des luttes en disant mais qu'est-ce que c'est que ces assemblages hétéroclites des années 80, des années 80 et 90 ? Ça ne veut rien dire. Il faut tenter de construire un horizon en commun, tenter de faire de la politique ensemble, tenter de faire de la politique tout simplement. Là, on ne fait pas de la politique. On fait ce qu'il appelle du révoltisme. C'est-à-dire qu'on se révolte en permanence contre le méchant, le méchant Occident, le méchant État, le méchant... le méchant racisme, etc., sans aucune volonté réelle de transformation sociale concrète et tangible. Donc pour lui, on est dans n'importe quoi, et c'est difficile de lui donner tort. Par contre, ce qui est intéressant dans la lecture qu'il fait de la subversion des années 50, et je crois que c'est une chose que j'ai trouvée personnellement et qui est originale, La seule chose. que je pense à avancer original dans cette brochure, c'est le fait que très tôt, dès les années 50, Castor Haddis lit La Contestation des gens. à leur retrait de la sphère publique. En réalité, ils constatent une bureaucratisation de la société en général. Il y a de plus en plus de postes de pouvoir qui sont occupés dans les associations, dans les syndicats. Il y a de moins en moins dans les partis, il y a de moins en moins d'activités là par des gens. Et plus les gens sont aliénés par des dirigeants qui ne les écoutent plus, plus ils se retirent. de la vie politique et puis évidemment les appareils de pouvoir se renforcent. Donc il y a une sorte de cercle vicieux qui fait que les gens désertent de plus en plus la vie publique. Cette désertion de la vie publique, elle ne se fait pas avec le sourire, elle s'accompagne d'un mouvement de contestation. On vote avec ses pieds, comme on dit, on se retire parce qu'on a marre, il y en a marre des manigances, il y en a marre du pouvoir, il y en a marre de ci, il y en a marre de ça. Donc en fait très rapidement dans ses analyses il lit la dépolitisation et l'hyperpolitisation. Et en fait, le mouvement woke, c'est ça en grande partie. Ce sont des gens qui sont dépolitisés tout en voulant être hyperpolitisés. C'est-à-dire qu'ils sont très critiques contre la société, mais ils refusent de participer à la vie sociale.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'en fait, on a été un peu rapide en comparant la convergence des luttes et l'intersectionnalité. La grande différence avec l'intersectionnalité, c'est quelque chose de personnel en fait. On accumule, c'est une espèce de point, comment on est blanc, comment homme, hétéro, etc. On perd des points par rapport à celui qui est handicapé, noir. C'est un petit peu, je résume un peu de manière caricaturale, mais c'est sur l'individu. Et alors que la convergence des luttes, il y avait quand même des mouvements, un mouvement d'ouvriers qui va se converger avec un mouvement, par exemple, de... comme victimes de l'homophobie et qui vont faire des manifestations en commun. Il y avait quand même une volonté collective. Là, on est quand même dans l'individualité, dans quelque chose d'assez négatif, et sur l'identité, sur sa propre identité.

  • Speaker #1

    Alors Castorlis, je ne vous dirais pas que quand on est dans l'individualité, on est plutôt dans l'atomisation, parce qu'on n'a pas des individus, puisque les gens vont tous vous raconter à peu près la même chose. Ils vont s'automistifier avec des tutos YouTube. Donc qu'on est plutôt dans un n'importe quoi, d'individus très peu socialisés, en même temps hyper peu socialisés, une grande contradiction et une insignifiance. C'est son terme, il part de la montée de l'insignifiance, un langage qui perd de plus en plus de son pouvoir, de plus en plus de son impact, des gens qui se mobilisent en utilisant des slogans qui ne veulent à peu près rien dire, sans horizon collectif ou... politiques et des mobilisations qui se confondent avec l'opportunisme des gens. C'est-à-dire que c'est vraiment dans leur petit intérêt propre, donc on est vraiment au niveau zéro. Et tout ça, pour Casteladis, est entretenu par l'intelligentsia pseudo-subversive, ce qu'on appelle la French Theory, c'est-à-dire que ce mouvement-là, qui reste minoritaire malgré tout au sein de la société. C'est un mouvement qui est apparu après l'échec de mai 68, parce que lui insiste sur l'échec de mai 68, qui a été rationalisé par les idéologues de l'époque, qui ont expliqué que finalement, ce que les insurgés ont fait, c'est très bien de s'insurger, mais qu'il fallait qu'ils s'arrêtent. Ils ont eu raison de ne pas prendre le pouvoir, ils ont eu raison de ne pas s'auto-organiser, ils ont eu raison de ne pas tenter de fonder derrière des organisations, etc. C'est-à-dire que le... La révolte vaut pour elle-même, en quelque sorte. Il n'y a plus d'horizon politique. Tout pouvoir est mauvais, comme dit Foucault. Ça ne sert à rien de se constituer en contre-pouvoir. Ça ne sert à rien de tenter de fonder une autre société. Et ça, c'est le rôle des intellectuels. C'est de maintenir les gens, le rôle de fait, ce ne sont pas des démons, mais de fait, ce sont des gens dont la fonction est de maintenir les gens. dans l'illusion, dans cette illusion-là. Et on en a évidemment pléthore aujourd'hui, il se multiplie. Ce que ça implique en réalité, cette analyse de Castoriadis, c'est qu'on ne va pas se débarrasser du wokisme avec des beaux discours. Et ça je pense que c'est très important, parce que la critique du wokisme et de l'obscurantisme, de l'islamisme, du racialisme, du communautarisme, vient de droite. de la droite conservatrice qui aimerait bien que tout ça n'existe pas et que la société continue à tourner comme elle fonctionne. Par exemple, on a des amis universitaires, c'est leur position en fait, ils sont très contents de l'université, ils voudraient juste enlever les hauts qui sont très pénibles. L'après-l'État-Soviet-Dix est fondamentalement importante parce qu'elle montre que le wokisme est lié intrinsèquement, émerge du fonctionnement de notre société. Et qu'en étant dépossédés du pouvoir, en étant dépossédés des significations importantes de nos vies, on a l'émergence de ce n'importe quoi. Et que si on veut contrer le wokisme, il faut impérativement réinstituer cette société. Ce qui n'a pas été fait notamment à l'occasion des Gilets jaunes.

  • Speaker #0

    Donc pour vous, les WOC seraient juste un symptôme, pour reprendre le terme de Castoriadis, de délabrement de la société occidentale ?

  • Speaker #1

    Absolument. C'est non seulement un symptôme, mais c'est même un élément essentiel, catalytique en quelque sorte. Le délabrement de la société crée les WOC. Et les Wokes rationalisent le délabrement. C'est-à-dire qu'en fait, Castordyce prend l'exemple de... Alors là, on est dans les années 70. Il prend l'exemple du rapport entre hommes et femmes, et il parle d'une confusion impressionnante et sans précédent. C'est-à-dire que le rôle des hommes et des femmes est devenu incernable. Alors, il dit, on ne va pas regretter ce qui s'est passé avant. On ne veut pas revenir au rôle figé des hommes, des femmes à la maison, etc. Mais il se trouve là que les mouvements féministes, qui impliquent les hommes aussi, ont abouti à une confusion. Et cette confusion, aujourd'hui, 50 ans après, on la voit rationalisée. Les woke nous expliquent que c'est très bien, cette confusion-là. Et en réalité, le rôle des woke, c'est d'expliquer que ce qui se passe est très bien. Il y a une islamisation de la France, c'est très bien. Au fond, c'était un progrès. Il y a un délabrement des savoirs à l'université. Il n'y a plus aucune rigueur intellectuelle, etc. Et bien, c'est très bien.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on peut le décliner sur à peu près tout. On est gros, c'est très bien. Oui,

  • Speaker #1

    absolument.

  • Speaker #0

    On est fou, il y a même la psychophobie. On est fou, mais c'est bien.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Donc, au fond, c'est très opératoire. Parce que ça permet de... De comprendre ce qui se passe, c'est en fait, notre société est en train, donc c'est une idée fondamentale de Casteladis, c'est en train de se délabrer très profondément, et je pense que plus personne ne le nie aujourd'hui. C'était une hérésie il y a 30 ans, là aujourd'hui c'est assez évident. C'est très dur à vivre, et pour le vivre, on se raconte des histoires, on se raconte que c'est très bien. D'où le succès des WOC aussi, il y a quelque chose de rassurant. Quand on se dit, finalement c'est désirable, ce que l'on vit on s'en plaint, mais c'est désirable. C'est juste une mutation, il suffit de muter. Évidemment, la surprise est que ça va être une catastrophe absolue et particulièrement douloureuse. Donc, à partir de là, évidemment, si on veut contrer les hauts, il ne suffit pas d'avoir un contre-discours.

  • Speaker #0

    C'est pareil si on peut revenir entre la collectivité où il fallait ingérer un mensonge commun. Là, chacun insère son propre mensonge. Oui,

  • Speaker #1

    oui, en quelque sorte, oui. Son soma pour reprendre le meilleur des mondes, qui permet d'aller mieux et de se raconter que finalement, ce n'est pas plus mal. Donc en fait, c'est un mécanisme social. Si on veut se débarrasser du wokisme, ce n'est pas un contre-discours qu'il faut reposer, c'est un changement de société. Parce que qu'est-ce que c'est que le wokisme ? C'est au fond la haine de la société, derrière la haine de l'Occident, il y a la haine de la société, la haine de la vie en société. Castel-Dix en parle très bien, il se demande est-ce que l'homme actuel veut vraiment vivre en société ? Ou est-ce qu'il vit la société comme une contrainte nécessaire pour manger ? Et c'est évident, c'est des dernières occurrences. On vit de plus en plus la société comme une contrainte. Et le wokisme émane de ça, rationalise cette posture. Si on veut balayer le wokisme, il faut réinstituer la société et recréer une envie d'y vivre en commun, des valeurs en commun, redonner un sens au travail, c'est une chose dont personne ne parle. Il faut absolument redonner un sens au savoir, à l'éducation, à l'existence d'une manière générale. Alors, ça ne va pas se faire du jour au lendemain, ça ne va pas se faire en claquant des doigts, mais encore une fois, les Gilets jaunes auraient pu être l'occasion, auraient pu être un levier d'une réinstitution ou en tout cas d'un mouvement qui aurait pu permettre à ce Té-Français de bouger un petit peu et de changer de l'intérieur. Sans parler de révolution, de grand soir, etc. Ça aurait pu être l'occasion. Malheureusement, les tactiques gauchistes et puis la haine de classe aussi, parce qu'on a eu un déferlement de l'âme de classe à empêcher... toute possibilité d'évoluer. Donc on est en fait aujourd'hui en train de vivre un délabrement à la société. Et Cassioladis disait qu'il était sans horizon.

  • Speaker #0

    Je propose justement, comme on parle d'horizon, de société, de passer à la partie, c'est la dernière partie de la brochure qui parle d'un autre penseur qui s'appelle Imno Kaldun, qui est un penseur d'une autre époque, assez différent, puisque c'est quel période d'ailleurs ? C'est Moyen-Âge ?

  • Speaker #1

    Le XIVe siècle.

  • Speaker #0

    Un penseur tunisien qui est très connu en Tunisie, qui est l'inventeur de la sociologie, et qui a pensé, ça fait l'objet d'une autre brochure, qui a pensé le concept de l'Empire, avec une définition bien précise aussi, et la fin des Empires, puisque c'est un penseur qui a connu plus ou moins la fin de l'Empire arabe, qui était à l'Andalouse, jusqu'en Espagne. et qui est revenu en Tunisie un peu à la fin de cet empire-là, et de la création d'un nouvel empire, l'Empire Ottoman.

  • Speaker #1

    Oui, absolument, c'est la fin, le dernier article de Kasser Hadis, Saïd Nouraldoun, et retour. Donc je tente un peu, après avoir montré que Kasser Hadis n'était pas politiquement correct, et après avoir montré qu'il était un penseur de notre époque, un penseur du wokisme notamment, du délabrement de la société. Je le confronte ou plutôt je le frotte à Ibn Khaldun, que j'ai connu par ailleurs, par intermédiaire de Guy Fargette notamment, que je dois citer. Un des penseurs contemporains et vivants importants qu'on a invité ici.

  • Speaker #0

    Il y a deux émissions qui sont en lien avec Ibn Khaldun sur Hérétique. Donc il y a effectivement Guy Fargette sur plutôt les stalinocochistes, mais qui parle aussi de ça. et il y a surtout...

  • Speaker #1

    Brielle Martinez-Gros La marche à l'Empire, où il expose qu'il y a un spécialiste, c'est un historien médiéviste islamologue, qui est un spécialiste d'Ibn Khaldun que j'ai découvert à travers lui je connaissais Ibn Khaldun j'avais lu, mais je n'avais pas retenu particulièrement, et Martinez-Gros montre que c'est un penseur euh... très importants et qui nous permettent de penser la situation contemporaine. Dans cet article, je tente de montrer en quoi Castoridis prépare aux idées d'Ibn Khaldun. En gros, mon parcours personnel, et je m'émancipe aussi, puisque je vais montrer l'exemple, de la pensée de Castoridis. Je ne suis pas prisonnier non plus, même si je n'ai pas besoin d'en faire la preuve. Là, je montre que Castoriadis m'a donné le goût de penser, que j'essaie maintenant de penser avec et sans lui. Alors, en quoi est-ce que Castoriadis et Mineraldou n'ont des choses à se dire ? Parce que Castoriadis nous décrit la fin d'un monde, en réalité. Il nous décrit la fin du projet d'autonomie dont je parlais au début, qui a traversé, qui a fondé l'Occident. Il dit, voilà, ce projet d'autonomie-là, qui fonde la visée de démocratie directe, la visée d'émancipation. la visée de justice sociale, est en train de disparaître. En tout cas, c'est une éclipse. On ne sait pas si c'est définitif ou pas. Il y a une philosophie antidéterministe. Mais en tout cas, ce que l'on voit, c'est que l'émancipation parle de moins en moins aux gens. Les gens sont en train de tendre à autre chose. Ils tendent au bonheur. Et le bonheur, ce n'est pas du tout la liberté. Il y a des esclaves heureux. Il y en a de plus en plus, d'ailleurs. Il nous décrit la fin de la modernité, en réalité. Et Ibn Haldoun ? Lui était un penseur du Moyen-Âge, du XIVe siècle, du Maghreb, effectivement. C'est très dépaysant, il vit dans un monde qui est très différent du nôtre d'aujourd'hui. Et pourtant, lui nous décrit un monde d'empire. Et il décrit une dynamique impériale qui est très parlante aujourd'hui et qui rentre en quelque sorte, qui s'imbrique avec le monde que décrit Castoriadis, ce monde finissant, crépusculaire, qui est le nôtre aujourd'hui. Alors en quoi ? Parce que Castoradis nous décrit un monde, une société où il y a de moins en moins de luttes sociales. Les sociétés européennes, occidentales, voient un déclin des luttes sociales depuis des décennies, depuis l'après-guerre en gros. Déclin de la contestation, de la subversion réelle, puisque ce dont on vient de parler, le wokisme, l'obscurantisme, c'est un simulacre de subversion. Il y a de moins en moins, en réalité, de conflits dans la société. C'est une société qui est en train de s'apaiser. en apparence, qui est en train en réalité de se résigner à vivre dans le monde dans lequel on vit. Cette société qui se résigne, c'est pour Ibn Khaldun la société des sédentaires, c'est-à-dire les populations productives du centre de l'Empire, qui vivent sans aucun horizon de transformation sociale. qui sont taxés par un impôt par l'État impérial surplombant. Et cet État, au fil du temps, il s'affaiblit, il devient vulnérable aux attaques des marges qui entourent l'Empire. Ces marges-là vont pénétrer l'Empire, le refonder, et ces tribus bédouines vont devenir un État qui, à son tour, va traire les sédentaires à travers l'impôt, se sédentariser et s'affaiblir, et le cycle va continuer. Alors c'est très dépaysant, ça ne nous parle pas du tout. Nous on vit dans un monde où on a vécu dans un monde de nations, un polycentrisme européen, et pas du tout un monde unifié de l'Empire. On a vécu dans un monde où les populations étaient en armes, elles se défendaient elles-mêmes, alors que les sédentaires se sont désarmés absolument, ils sont incapables de se battre. Et on habite encore plus ou moins dans un monde relativement démocratique, avec une souveraineté populaire, avec une population qui a des choses à dire, qui est acteur de l'histoire. Durant un millénaire en Occident, les populations étaient actrices de leur histoire. Et le peuple est en train de se retirer de la scène. Et Ibn Khaldun nous donne un petit peu la clé de ce qui est en train de se passer. Il n'est pas difficile de voir le bassin des sédentaires. de devenir décédentaires. Et de plus en plus, nous voyons des marches barbares, des marches bédouines, dont parle l'hymne au Khaldun, qui sont en train de pénétrer l'Empire, un peu comme à la fin de l'Empire romain. On peut lister, nous avons des islamistes, on a des gangs, on a des narcos maintenant, qui sont en train de prendre possession de territoires, de prendre souveraineté sur des portions. du territoire européen, et auquel l'État est incapable de répondre réellement. Donc une des solutions, ce sera notamment de les embaucher, de les recruter dans les forces de police, dans les forces de perception de l'impôt, dans les forces de coercition, pour contrôler ces dentaires. Très globalement, je résume assez rapidement le tableau, mais je tente de montrer dans cet article que... Que Castoridis ne nous montre pas ce que le monde est en train de devenir, il nous dit juste que la modernité est en train de s'affaisser. Et Ibn Khaldun nous dit, à plusieurs siècles de distance, que nous sommes en train de vivre un retour à la normalité, parce que l'humanité a fonctionné depuis 3000 ans sous un régime d'empire. qu'en réalité, l'Occident, cet Occident si cher à Castoridis, c'était en réalité une exception dans l'histoire de l'humanité. Alors, on pourrait me demander, mais est-ce que Castoridis est encore pertinent ? Est-ce qu'il faut lire Castoridis ? La réponse absolument est oui, parce que l'histoire n'est pas jouée, et que si on veut arriver à sauver quelque chose, c'est Castoridis qu'il faut lire. Parce que Castoridis nous parle de l'Occident. Mais dans cet Occident-là, il y a des choses à garder et des choses à jeter. C'est le penseur de l'Occident. Il nous décrit un horizon possible, un horizon d'autonomie, individuel et collectif, et qui est le propre de l'Occident. Cet héritage-là, on peut le communiquer à d'autres cultures. Les autres cultures sont capables de s'y approprier. Ça a été vu, ça se verra encore. C'est un horizon d'universalité, et c'est ça qu'il y a à sauver dans l'Occident. C'est certainement pas ce que la droite essaie d'en sauver, c'est-à-dire la recherche de puissance, l'emballement technique et au fond la déréliction que nous sommes en train de vivre.

  • Speaker #0

    En même temps, c'est un peu en contradiction avec ce qu'on avait dit avant, c'est-à-dire que si on se base que sur Castoriadis, on est un peu dans le culte de l'auteur.

  • Speaker #1

    Oui, oui, vous avez raison, je me suis un peu emporté. Par là, je voulais dire que c'était un penseur vraiment capital, que c'est difficile. Je n'ai pas la culture pour évaluer son importance, mais je pense que dans le XXe siècle, il fait partie des principaux penseurs. Et je pense qu'il n'y en a pas énormément, deux, trois peut-être, mais il a comme une amplitude et une profondeur que je n'ai retrouvées chez aucun auteur. Alors, ceci étant dit, évidemment, si on veut faire vivre...

  • Speaker #0

    Une vie intellectuelle et démocratique, ça ne peut pas dépendre d'une seule personne. Futile et génial. Et c'est pour ça que je participe notamment à Hérétique, et que nous invitons une multitude de personnes qui nous semblent avoir des choses à dire, avec lesquelles on n'est pas d'accord. C'est peut-être la première émission où je suis d'accord avec l'invité. Le reste du temps, c'est quand même assez difficile, mais l'idée est de faire vivre...

  • Speaker #1

    La deuxième émission.

  • Speaker #0

    La deuxième émission, je pense que c'était en janvier 2023, tentait de rassembler les gens qui sont des hérétiques, c'est-à-dire qui tentent de penser contre les dogmes, non pas comme principe, mais parce qu'aujourd'hui nous étouffons dans un certain nombre d'idéologies qui sont très pénibles. et que ça peut être... Une résurrection de la démocratie et de la vie intellectuelle, qui sont indissociables, ne pourra avoir lieu qu'à partir d'une confrontation d'idées et d'une vie intellectuelle vivante. Ça, c'est évident. Donc il y a de multitude d'auteurs qui vont aider. J'ai parlé de Guy Farget, j'en reparle. Claude Lefort, qui a été un... un compagnon de Castoridis durant longtemps, même s'ils ne sont pas d'accord, même si je trouve que sa pensée, qui est très forte, est beaucoup plus limitée que celle de Castoridis. Notamment parce que, entre parenthèses, Castoridis a une expérience de la psychanalyse qui donne aussi une profondeur que d'autres n'ont pas. Mais on peut parler d'Edgar Morin aussi, je sais qu'il est décrié. Moi je suis venu à Castoridis à travers Edgar Morin, et je pense que c'est... Tome de la méthode, c'est un chef-d'oeuvre. C'est une chose vraiment à lire. Absolument, ça concerne la science, là. On est dans un autre domaine, mais la science aussi est en train de se scléroser. Il y aurait nécessité de la faire revivre. On parle d'Anna Arendt, on peut parler de... d'Arwell. Il y a beaucoup d'autres penseurs qui sont contemporains ou qui ne sont plus là, qui aideraient à ça. Évidemment, ce n'est pas une entreprise qui est solitaire. Et tout ça est... et être connecté, si possible, avec une vie populaire. On revit des insurrections des peuples sous le signe du populisme, mouvement très ambigu, j'ai parlé un petit peu des Gilets jaunes, il y a le trumpisme aujourd'hui, évidemment, c'est très hétérogène, c'est très ambivalent, il y a un côté désespérant, et en même temps, il y a quelque chose, la société n'est pas morte, ce que disait Cassandre Haddis également, l'Occident n'est pas mort, la modernité n'a pas encore disparu, il est possible de faire quelque chose.

  • Speaker #1

    Vous venez d'entendre la seconde partie de l'entretien avec Quentin Bérard, Castoria 10, Pensez l'époque. Rendez-vous à la rentrée de septembre pour un nouvel entretien. En attendant, vous aurez droit à deux hors-série d'été, les premiers de juillet et de août, qui seront des compilations thématiques qui nous permettront de revisiter des émissions déjà réalisées. Vous pouvez aussi retrouver les documents évoqués lors de l'émission, ainsi que d'autres permettant de prolonger la réflexion, sur notre site. Heretic au pluriel.fr. Ce podcast est disponible sur toutes les plateformes d'écoute.

Description

Pour celui qui cherche à comprendre le chaos du monde et considère toujours que ce sont les humains qui font leur histoire, la rencontre avec Cornelius Castoriadis est inévitable. Tout aussi inévitables sont les obstacles, nombreux et proliférant au fil des années, qui en empêchent l’accès et, parmi eux, tous ces leurres idéologiques qui saturent l’air du temps.


Que, par extraordinaire, ceux-ci n’aient pas complètement pénétré son esprit, et le lecteur ira au-devant d’une des plus grandes aventures intellectuelles qu’il lui sera jamais donné de vivre.


Quentin Bérard, fondateur et animateur du site "Lieux Communs", s'inscrit dans la continuité de l'œuvre Cornelius Castoriadis, enseignant en biologie et éco-anthropologie, il est l'auteur du livre "Éléments d’écologie politique. Pour une refondation" (Libre&Solidaire, 2021).


heretiques.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Hérétique est un podcast politique mêlant entretien et débat. Hérétique pour questionner les dogmes et les mythes. Hérétique parce que la politique n'est pas la religion. Hérétique parce que vouloir penser est toujours le début de la dissidence. Castoriadis, Pensez l'époque, seconde partie. Tout à l'heure, vous avez parlé de comment Castoriadis serait opposé au wokisme. Il faut revenir un peu. Il est mort en 1997. Donc la notion de wokisme, voire le wokisme, n'existait pas. Qu'est-ce que vous entendez par là, en fait ?

  • Speaker #1

    Oui, j'étais un petit peu rapide dans ma formulation. Parce que ça fait écho au deuxième article de la brochure, où je parle de Castoriadis qui... qui anticipait en fait le wokisme. Je parle du wokisme à lecture de Castoriadis. Ça n'a pas effectivement un anachronisme, mais en réalité, le wokisme tel qu'on connaît aujourd'hui, n'est en fait que la résurgence, la ressuscée de postures militantes qui étaient là depuis au moins les années 60. Et c'est ça que Castoriadis a vu très tôt. La critique de Castoriadis de ces mouvements-là, elle est saignante, parce que Castoriadis est un révolutionnaire, pas un conservateur. La critique du hawkisme du point de vue de droite, conservateur, on connaît, elle peut être intéressante, elle est entendable en tout cas, mais elle a peu d'impact. Cette critique, par contre, de Castoriadis est dévastatrice de ce point de vue-là. D'autant plus qu'il a démonté les mystifications. de ces subversions ou pseudo-subversions in situ dans les années 60 et 70, et qu'aujourd'hui on voit une répétition dégradée de ça. On le voit par exemple avec les néo-féministes ou pseudo-féministes. Tous les excès que l'on a vus aujourd'hui, que l'on voit aujourd'hui, ce ne sont pas les excès, c'est même les catastrophes, parce qu'elles sont en train de tuer le féminisme, on l'a vu au moins en germe dans les années 70. C'est vraiment le scum manifesto. Je ne suis plus de candidate, mais c'est devenu une référence aujourd'hui. Ça ne date pas d'hier. Peut-être que l'élément nouveau est peut-être l'écologie radicale contemporaine. Mais même le mouvement des communautés, ça s'était connu depuis longtemps. Les mouvements gauchistes, alors là, encore pire. Et par contre, l'élément... On pourrait croire nouveau le décolonialisme, le communautarisme ou le racialisme, ce que j'appelle l'obscurantisme en réalité. C'est également finalement qu'une ressuscée, une radicalisation du tiers-mondisme, qui a apparu dans la lignée des mouvements de décolonisation, et qui est repris aujourd'hui à l'absurde parce que les décolonistes... Les décoloniaux, ce qu'ils se réclament être des décoloniaux, ne sont pas du tout des décoloniaux. C'est absurde. La décolonisation, c'est quand on chasse l'étranger de chez soi. Les décoloniaux sont des étrangers qui sont ici. On est dans la débilité la plus totale. Mais dans tous les cas, la question n'est pas d'en discuter, mais de voir qu'il n'y a pas du tout de nouveautés dans leur posture. Ils reprennent en les faussant des discours. de Fanon, ils reprennent les discours, en tout cas les postures de Kadhafi, les postures de tout ce qu'on a eu, d'Etché Guevara. Bon, là-dessus, il n'y a vraiment rien de nouveau, à part une radicalisation. On pousse un peu plus loin la bêtise et l'obscurantisme, notamment en se connectant à quelque chose de nouveau, là pour le coup, qui est l'islam. Ça, c'est effectivement nouveau, mais Castoriadis, très tôt, l'a senti.

  • Speaker #0

    Il y a aussi l'intersectionnalité, il y a des concepts assez nouveaux, le queer, le transactivisme,

  • Speaker #1

    etc. Oui, le transactivisme, c'est nouveau, tout à fait. Mais en fait, c'est une confusion qui s'approfondit. Mais cette confusion-là, au fond, n'a rien de nouveau. C'est pour ça que Castoridis réfute le wokisme a priori. Dès les années 70, il décrit ce qu'il appelle le n'importe quoi. Il dit la subversion, d'aujourd'hui c'est du n'importe quoi. Et en même temps c'est du n'importe quoi, et c'est dérisoire, parce que ce sont dans des milieux qui n'ont aucune prise réelle sur le cours des choses.

  • Speaker #0

    C'est plus la subversion du wokisme qu'il a vu venir.

  • Speaker #1

    La fausse subversion. Et le n'importe quoi. Le n'importe quoi, c'est-à-dire le fait que plus personne n'est tenu à aucune rigueur intellectuelle. Et ça, il bataille durant longtemps avec ce qu'il appelle divertisseurs, c'est-à-dire les intellectuels les plus en vue de l'époque. Les Sartres, les structuralistes, les altussers, les Barthes, les Deleuze, les Foucault, etc. qui laborent en réalité et auxquels ils reprochent de dire et de faire n'importe quoi et de pousser à jeunesse dans ce n'importe quoi.

  • Speaker #0

    Et pourtant, le mouvement wokisme, c'est aussi, parmi les nouveaux concepts, il y a le côté empowerment, ce qui est en fait une sorte d'émancipation, d'automobile. de l'autonomie. Ils se revendiquent encore un peu, comme on avait parlé des gauchistes, ils se revendiquent le être, ceux qui vont amener à l'autonomie de l'individu. Après, c'est plus l'individu, effectivement, c'est pas la société. Mais comment vous voyez ça ?

  • Speaker #1

    C'est comme d'habitude. La pierre des oppressions est celle que se réclame de l'émancipation. Ça, on l'a vu depuis le putsch bolchevik de 1917. qui arrive après la révolution de février, qui était populaire, qui était authentique, qui était modérée. Et on a eu, depuis durant 70 ans, un régime qui se réclamait du communisme, du socialisme, de l'horizon d'égalité, de justice sociale. On vit au fond, systématiquement, la même chose. C'est-à-dire qu'il suffit de se réclamer d'un horizon d'émancipation pour faire le contraire. Donc l'empowerment, ce qu'on entend là par empowerment, ça dépend à quoi on l'applique, mais c'est en réalité tenter de prendre le pouvoir pour contraindre les autres. Que ce soit les gens de votre clan qu'il faut en régimenter, les idiots utiles qu'il faut endormir, ou les ennemis résolus qu'il faut asservir. Voilà, c'est ce que l'on appelle l'empowerment, effectivement. Le cas le plus... Le plus poussé, le plus paradoxal, le plus quotidien, c'est celui de la femme voilée dans la rue. Le voile musulman, effectivement, ce sont des femmes qui s'affirment contre 80% de la population. C'est un empowerment. Ce sont des femmes qui militent pour leur propre asservissement. Là, on est dans le double bind. C'est vraiment une attitude qui rend fou et qui rend les choses difficiles à penser. Mais ça, ça a un siècle. Ça, c'est un héritage de la gauche, de retourner les choses, d'inverser systématiquement les concepts et les postures de manière à désarmer l'esprit.

  • Speaker #0

    Oui, d'être en contradiction aussi, parce que la convergence des luttes, l'intersectionnalité voudrait que la femme voilée soit alliée du trans, de l'écologiste, etc. De faire une espèce de convergence des luttes plus-plus. Et ça, dans un projet d'autonomie, c'est difficile.

  • Speaker #1

    C'est absurde. Et vous avez lâché le terme de convergence des luttes. Ça ne date pas d'hier, la convergence des luttes. Ça date du moment où les luttes ont éclaté, en gros, les années 60. Et l'idée, qui est très profonde, c'est d'essayer de les rassembler. Il n'y a rien de très extraordinaire. Aujourd'hui, c'est évidemment l'alliance de la carpe et du lapin, puisqu'on a des queers qui militent avec des islamistes. On a des poulets qui militent pour KFC. On est là, dans la plus grande débilité. Castoridis en a parlé également de la convergence des luttes en disant mais qu'est-ce que c'est que ces assemblages hétéroclites des années 80, des années 80 et 90 ? Ça ne veut rien dire. Il faut tenter de construire un horizon en commun, tenter de faire de la politique ensemble, tenter de faire de la politique tout simplement. Là, on ne fait pas de la politique. On fait ce qu'il appelle du révoltisme. C'est-à-dire qu'on se révolte en permanence contre le méchant, le méchant Occident, le méchant État, le méchant... le méchant racisme, etc., sans aucune volonté réelle de transformation sociale concrète et tangible. Donc pour lui, on est dans n'importe quoi, et c'est difficile de lui donner tort. Par contre, ce qui est intéressant dans la lecture qu'il fait de la subversion des années 50, et je crois que c'est une chose que j'ai trouvée personnellement et qui est originale, La seule chose. que je pense à avancer original dans cette brochure, c'est le fait que très tôt, dès les années 50, Castor Haddis lit La Contestation des gens. à leur retrait de la sphère publique. En réalité, ils constatent une bureaucratisation de la société en général. Il y a de plus en plus de postes de pouvoir qui sont occupés dans les associations, dans les syndicats. Il y a de moins en moins dans les partis, il y a de moins en moins d'activités là par des gens. Et plus les gens sont aliénés par des dirigeants qui ne les écoutent plus, plus ils se retirent. de la vie politique et puis évidemment les appareils de pouvoir se renforcent. Donc il y a une sorte de cercle vicieux qui fait que les gens désertent de plus en plus la vie publique. Cette désertion de la vie publique, elle ne se fait pas avec le sourire, elle s'accompagne d'un mouvement de contestation. On vote avec ses pieds, comme on dit, on se retire parce qu'on a marre, il y en a marre des manigances, il y en a marre du pouvoir, il y en a marre de ci, il y en a marre de ça. Donc en fait très rapidement dans ses analyses il lit la dépolitisation et l'hyperpolitisation. Et en fait, le mouvement woke, c'est ça en grande partie. Ce sont des gens qui sont dépolitisés tout en voulant être hyperpolitisés. C'est-à-dire qu'ils sont très critiques contre la société, mais ils refusent de participer à la vie sociale.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'en fait, on a été un peu rapide en comparant la convergence des luttes et l'intersectionnalité. La grande différence avec l'intersectionnalité, c'est quelque chose de personnel en fait. On accumule, c'est une espèce de point, comment on est blanc, comment homme, hétéro, etc. On perd des points par rapport à celui qui est handicapé, noir. C'est un petit peu, je résume un peu de manière caricaturale, mais c'est sur l'individu. Et alors que la convergence des luttes, il y avait quand même des mouvements, un mouvement d'ouvriers qui va se converger avec un mouvement, par exemple, de... comme victimes de l'homophobie et qui vont faire des manifestations en commun. Il y avait quand même une volonté collective. Là, on est quand même dans l'individualité, dans quelque chose d'assez négatif, et sur l'identité, sur sa propre identité.

  • Speaker #1

    Alors Castorlis, je ne vous dirais pas que quand on est dans l'individualité, on est plutôt dans l'atomisation, parce qu'on n'a pas des individus, puisque les gens vont tous vous raconter à peu près la même chose. Ils vont s'automistifier avec des tutos YouTube. Donc qu'on est plutôt dans un n'importe quoi, d'individus très peu socialisés, en même temps hyper peu socialisés, une grande contradiction et une insignifiance. C'est son terme, il part de la montée de l'insignifiance, un langage qui perd de plus en plus de son pouvoir, de plus en plus de son impact, des gens qui se mobilisent en utilisant des slogans qui ne veulent à peu près rien dire, sans horizon collectif ou... politiques et des mobilisations qui se confondent avec l'opportunisme des gens. C'est-à-dire que c'est vraiment dans leur petit intérêt propre, donc on est vraiment au niveau zéro. Et tout ça, pour Casteladis, est entretenu par l'intelligentsia pseudo-subversive, ce qu'on appelle la French Theory, c'est-à-dire que ce mouvement-là, qui reste minoritaire malgré tout au sein de la société. C'est un mouvement qui est apparu après l'échec de mai 68, parce que lui insiste sur l'échec de mai 68, qui a été rationalisé par les idéologues de l'époque, qui ont expliqué que finalement, ce que les insurgés ont fait, c'est très bien de s'insurger, mais qu'il fallait qu'ils s'arrêtent. Ils ont eu raison de ne pas prendre le pouvoir, ils ont eu raison de ne pas s'auto-organiser, ils ont eu raison de ne pas tenter de fonder derrière des organisations, etc. C'est-à-dire que le... La révolte vaut pour elle-même, en quelque sorte. Il n'y a plus d'horizon politique. Tout pouvoir est mauvais, comme dit Foucault. Ça ne sert à rien de se constituer en contre-pouvoir. Ça ne sert à rien de tenter de fonder une autre société. Et ça, c'est le rôle des intellectuels. C'est de maintenir les gens, le rôle de fait, ce ne sont pas des démons, mais de fait, ce sont des gens dont la fonction est de maintenir les gens. dans l'illusion, dans cette illusion-là. Et on en a évidemment pléthore aujourd'hui, il se multiplie. Ce que ça implique en réalité, cette analyse de Castoriadis, c'est qu'on ne va pas se débarrasser du wokisme avec des beaux discours. Et ça je pense que c'est très important, parce que la critique du wokisme et de l'obscurantisme, de l'islamisme, du racialisme, du communautarisme, vient de droite. de la droite conservatrice qui aimerait bien que tout ça n'existe pas et que la société continue à tourner comme elle fonctionne. Par exemple, on a des amis universitaires, c'est leur position en fait, ils sont très contents de l'université, ils voudraient juste enlever les hauts qui sont très pénibles. L'après-l'État-Soviet-Dix est fondamentalement importante parce qu'elle montre que le wokisme est lié intrinsèquement, émerge du fonctionnement de notre société. Et qu'en étant dépossédés du pouvoir, en étant dépossédés des significations importantes de nos vies, on a l'émergence de ce n'importe quoi. Et que si on veut contrer le wokisme, il faut impérativement réinstituer cette société. Ce qui n'a pas été fait notamment à l'occasion des Gilets jaunes.

  • Speaker #0

    Donc pour vous, les WOC seraient juste un symptôme, pour reprendre le terme de Castoriadis, de délabrement de la société occidentale ?

  • Speaker #1

    Absolument. C'est non seulement un symptôme, mais c'est même un élément essentiel, catalytique en quelque sorte. Le délabrement de la société crée les WOC. Et les Wokes rationalisent le délabrement. C'est-à-dire qu'en fait, Castordyce prend l'exemple de... Alors là, on est dans les années 70. Il prend l'exemple du rapport entre hommes et femmes, et il parle d'une confusion impressionnante et sans précédent. C'est-à-dire que le rôle des hommes et des femmes est devenu incernable. Alors, il dit, on ne va pas regretter ce qui s'est passé avant. On ne veut pas revenir au rôle figé des hommes, des femmes à la maison, etc. Mais il se trouve là que les mouvements féministes, qui impliquent les hommes aussi, ont abouti à une confusion. Et cette confusion, aujourd'hui, 50 ans après, on la voit rationalisée. Les woke nous expliquent que c'est très bien, cette confusion-là. Et en réalité, le rôle des woke, c'est d'expliquer que ce qui se passe est très bien. Il y a une islamisation de la France, c'est très bien. Au fond, c'était un progrès. Il y a un délabrement des savoirs à l'université. Il n'y a plus aucune rigueur intellectuelle, etc. Et bien, c'est très bien.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on peut le décliner sur à peu près tout. On est gros, c'est très bien. Oui,

  • Speaker #1

    absolument.

  • Speaker #0

    On est fou, il y a même la psychophobie. On est fou, mais c'est bien.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Donc, au fond, c'est très opératoire. Parce que ça permet de... De comprendre ce qui se passe, c'est en fait, notre société est en train, donc c'est une idée fondamentale de Casteladis, c'est en train de se délabrer très profondément, et je pense que plus personne ne le nie aujourd'hui. C'était une hérésie il y a 30 ans, là aujourd'hui c'est assez évident. C'est très dur à vivre, et pour le vivre, on se raconte des histoires, on se raconte que c'est très bien. D'où le succès des WOC aussi, il y a quelque chose de rassurant. Quand on se dit, finalement c'est désirable, ce que l'on vit on s'en plaint, mais c'est désirable. C'est juste une mutation, il suffit de muter. Évidemment, la surprise est que ça va être une catastrophe absolue et particulièrement douloureuse. Donc, à partir de là, évidemment, si on veut contrer les hauts, il ne suffit pas d'avoir un contre-discours.

  • Speaker #0

    C'est pareil si on peut revenir entre la collectivité où il fallait ingérer un mensonge commun. Là, chacun insère son propre mensonge. Oui,

  • Speaker #1

    oui, en quelque sorte, oui. Son soma pour reprendre le meilleur des mondes, qui permet d'aller mieux et de se raconter que finalement, ce n'est pas plus mal. Donc en fait, c'est un mécanisme social. Si on veut se débarrasser du wokisme, ce n'est pas un contre-discours qu'il faut reposer, c'est un changement de société. Parce que qu'est-ce que c'est que le wokisme ? C'est au fond la haine de la société, derrière la haine de l'Occident, il y a la haine de la société, la haine de la vie en société. Castel-Dix en parle très bien, il se demande est-ce que l'homme actuel veut vraiment vivre en société ? Ou est-ce qu'il vit la société comme une contrainte nécessaire pour manger ? Et c'est évident, c'est des dernières occurrences. On vit de plus en plus la société comme une contrainte. Et le wokisme émane de ça, rationalise cette posture. Si on veut balayer le wokisme, il faut réinstituer la société et recréer une envie d'y vivre en commun, des valeurs en commun, redonner un sens au travail, c'est une chose dont personne ne parle. Il faut absolument redonner un sens au savoir, à l'éducation, à l'existence d'une manière générale. Alors, ça ne va pas se faire du jour au lendemain, ça ne va pas se faire en claquant des doigts, mais encore une fois, les Gilets jaunes auraient pu être l'occasion, auraient pu être un levier d'une réinstitution ou en tout cas d'un mouvement qui aurait pu permettre à ce Té-Français de bouger un petit peu et de changer de l'intérieur. Sans parler de révolution, de grand soir, etc. Ça aurait pu être l'occasion. Malheureusement, les tactiques gauchistes et puis la haine de classe aussi, parce qu'on a eu un déferlement de l'âme de classe à empêcher... toute possibilité d'évoluer. Donc on est en fait aujourd'hui en train de vivre un délabrement à la société. Et Cassioladis disait qu'il était sans horizon.

  • Speaker #0

    Je propose justement, comme on parle d'horizon, de société, de passer à la partie, c'est la dernière partie de la brochure qui parle d'un autre penseur qui s'appelle Imno Kaldun, qui est un penseur d'une autre époque, assez différent, puisque c'est quel période d'ailleurs ? C'est Moyen-Âge ?

  • Speaker #1

    Le XIVe siècle.

  • Speaker #0

    Un penseur tunisien qui est très connu en Tunisie, qui est l'inventeur de la sociologie, et qui a pensé, ça fait l'objet d'une autre brochure, qui a pensé le concept de l'Empire, avec une définition bien précise aussi, et la fin des Empires, puisque c'est un penseur qui a connu plus ou moins la fin de l'Empire arabe, qui était à l'Andalouse, jusqu'en Espagne. et qui est revenu en Tunisie un peu à la fin de cet empire-là, et de la création d'un nouvel empire, l'Empire Ottoman.

  • Speaker #1

    Oui, absolument, c'est la fin, le dernier article de Kasser Hadis, Saïd Nouraldoun, et retour. Donc je tente un peu, après avoir montré que Kasser Hadis n'était pas politiquement correct, et après avoir montré qu'il était un penseur de notre époque, un penseur du wokisme notamment, du délabrement de la société. Je le confronte ou plutôt je le frotte à Ibn Khaldun, que j'ai connu par ailleurs, par intermédiaire de Guy Fargette notamment, que je dois citer. Un des penseurs contemporains et vivants importants qu'on a invité ici.

  • Speaker #0

    Il y a deux émissions qui sont en lien avec Ibn Khaldun sur Hérétique. Donc il y a effectivement Guy Fargette sur plutôt les stalinocochistes, mais qui parle aussi de ça. et il y a surtout...

  • Speaker #1

    Brielle Martinez-Gros La marche à l'Empire, où il expose qu'il y a un spécialiste, c'est un historien médiéviste islamologue, qui est un spécialiste d'Ibn Khaldun que j'ai découvert à travers lui je connaissais Ibn Khaldun j'avais lu, mais je n'avais pas retenu particulièrement, et Martinez-Gros montre que c'est un penseur euh... très importants et qui nous permettent de penser la situation contemporaine. Dans cet article, je tente de montrer en quoi Castoridis prépare aux idées d'Ibn Khaldun. En gros, mon parcours personnel, et je m'émancipe aussi, puisque je vais montrer l'exemple, de la pensée de Castoridis. Je ne suis pas prisonnier non plus, même si je n'ai pas besoin d'en faire la preuve. Là, je montre que Castoriadis m'a donné le goût de penser, que j'essaie maintenant de penser avec et sans lui. Alors, en quoi est-ce que Castoriadis et Mineraldou n'ont des choses à se dire ? Parce que Castoriadis nous décrit la fin d'un monde, en réalité. Il nous décrit la fin du projet d'autonomie dont je parlais au début, qui a traversé, qui a fondé l'Occident. Il dit, voilà, ce projet d'autonomie-là, qui fonde la visée de démocratie directe, la visée d'émancipation. la visée de justice sociale, est en train de disparaître. En tout cas, c'est une éclipse. On ne sait pas si c'est définitif ou pas. Il y a une philosophie antidéterministe. Mais en tout cas, ce que l'on voit, c'est que l'émancipation parle de moins en moins aux gens. Les gens sont en train de tendre à autre chose. Ils tendent au bonheur. Et le bonheur, ce n'est pas du tout la liberté. Il y a des esclaves heureux. Il y en a de plus en plus, d'ailleurs. Il nous décrit la fin de la modernité, en réalité. Et Ibn Haldoun ? Lui était un penseur du Moyen-Âge, du XIVe siècle, du Maghreb, effectivement. C'est très dépaysant, il vit dans un monde qui est très différent du nôtre d'aujourd'hui. Et pourtant, lui nous décrit un monde d'empire. Et il décrit une dynamique impériale qui est très parlante aujourd'hui et qui rentre en quelque sorte, qui s'imbrique avec le monde que décrit Castoriadis, ce monde finissant, crépusculaire, qui est le nôtre aujourd'hui. Alors en quoi ? Parce que Castoradis nous décrit un monde, une société où il y a de moins en moins de luttes sociales. Les sociétés européennes, occidentales, voient un déclin des luttes sociales depuis des décennies, depuis l'après-guerre en gros. Déclin de la contestation, de la subversion réelle, puisque ce dont on vient de parler, le wokisme, l'obscurantisme, c'est un simulacre de subversion. Il y a de moins en moins, en réalité, de conflits dans la société. C'est une société qui est en train de s'apaiser. en apparence, qui est en train en réalité de se résigner à vivre dans le monde dans lequel on vit. Cette société qui se résigne, c'est pour Ibn Khaldun la société des sédentaires, c'est-à-dire les populations productives du centre de l'Empire, qui vivent sans aucun horizon de transformation sociale. qui sont taxés par un impôt par l'État impérial surplombant. Et cet État, au fil du temps, il s'affaiblit, il devient vulnérable aux attaques des marges qui entourent l'Empire. Ces marges-là vont pénétrer l'Empire, le refonder, et ces tribus bédouines vont devenir un État qui, à son tour, va traire les sédentaires à travers l'impôt, se sédentariser et s'affaiblir, et le cycle va continuer. Alors c'est très dépaysant, ça ne nous parle pas du tout. Nous on vit dans un monde où on a vécu dans un monde de nations, un polycentrisme européen, et pas du tout un monde unifié de l'Empire. On a vécu dans un monde où les populations étaient en armes, elles se défendaient elles-mêmes, alors que les sédentaires se sont désarmés absolument, ils sont incapables de se battre. Et on habite encore plus ou moins dans un monde relativement démocratique, avec une souveraineté populaire, avec une population qui a des choses à dire, qui est acteur de l'histoire. Durant un millénaire en Occident, les populations étaient actrices de leur histoire. Et le peuple est en train de se retirer de la scène. Et Ibn Khaldun nous donne un petit peu la clé de ce qui est en train de se passer. Il n'est pas difficile de voir le bassin des sédentaires. de devenir décédentaires. Et de plus en plus, nous voyons des marches barbares, des marches bédouines, dont parle l'hymne au Khaldun, qui sont en train de pénétrer l'Empire, un peu comme à la fin de l'Empire romain. On peut lister, nous avons des islamistes, on a des gangs, on a des narcos maintenant, qui sont en train de prendre possession de territoires, de prendre souveraineté sur des portions. du territoire européen, et auquel l'État est incapable de répondre réellement. Donc une des solutions, ce sera notamment de les embaucher, de les recruter dans les forces de police, dans les forces de perception de l'impôt, dans les forces de coercition, pour contrôler ces dentaires. Très globalement, je résume assez rapidement le tableau, mais je tente de montrer dans cet article que... Que Castoridis ne nous montre pas ce que le monde est en train de devenir, il nous dit juste que la modernité est en train de s'affaisser. Et Ibn Khaldun nous dit, à plusieurs siècles de distance, que nous sommes en train de vivre un retour à la normalité, parce que l'humanité a fonctionné depuis 3000 ans sous un régime d'empire. qu'en réalité, l'Occident, cet Occident si cher à Castoridis, c'était en réalité une exception dans l'histoire de l'humanité. Alors, on pourrait me demander, mais est-ce que Castoridis est encore pertinent ? Est-ce qu'il faut lire Castoridis ? La réponse absolument est oui, parce que l'histoire n'est pas jouée, et que si on veut arriver à sauver quelque chose, c'est Castoridis qu'il faut lire. Parce que Castoridis nous parle de l'Occident. Mais dans cet Occident-là, il y a des choses à garder et des choses à jeter. C'est le penseur de l'Occident. Il nous décrit un horizon possible, un horizon d'autonomie, individuel et collectif, et qui est le propre de l'Occident. Cet héritage-là, on peut le communiquer à d'autres cultures. Les autres cultures sont capables de s'y approprier. Ça a été vu, ça se verra encore. C'est un horizon d'universalité, et c'est ça qu'il y a à sauver dans l'Occident. C'est certainement pas ce que la droite essaie d'en sauver, c'est-à-dire la recherche de puissance, l'emballement technique et au fond la déréliction que nous sommes en train de vivre.

  • Speaker #0

    En même temps, c'est un peu en contradiction avec ce qu'on avait dit avant, c'est-à-dire que si on se base que sur Castoriadis, on est un peu dans le culte de l'auteur.

  • Speaker #1

    Oui, oui, vous avez raison, je me suis un peu emporté. Par là, je voulais dire que c'était un penseur vraiment capital, que c'est difficile. Je n'ai pas la culture pour évaluer son importance, mais je pense que dans le XXe siècle, il fait partie des principaux penseurs. Et je pense qu'il n'y en a pas énormément, deux, trois peut-être, mais il a comme une amplitude et une profondeur que je n'ai retrouvées chez aucun auteur. Alors, ceci étant dit, évidemment, si on veut faire vivre...

  • Speaker #0

    Une vie intellectuelle et démocratique, ça ne peut pas dépendre d'une seule personne. Futile et génial. Et c'est pour ça que je participe notamment à Hérétique, et que nous invitons une multitude de personnes qui nous semblent avoir des choses à dire, avec lesquelles on n'est pas d'accord. C'est peut-être la première émission où je suis d'accord avec l'invité. Le reste du temps, c'est quand même assez difficile, mais l'idée est de faire vivre...

  • Speaker #1

    La deuxième émission.

  • Speaker #0

    La deuxième émission, je pense que c'était en janvier 2023, tentait de rassembler les gens qui sont des hérétiques, c'est-à-dire qui tentent de penser contre les dogmes, non pas comme principe, mais parce qu'aujourd'hui nous étouffons dans un certain nombre d'idéologies qui sont très pénibles. et que ça peut être... Une résurrection de la démocratie et de la vie intellectuelle, qui sont indissociables, ne pourra avoir lieu qu'à partir d'une confrontation d'idées et d'une vie intellectuelle vivante. Ça, c'est évident. Donc il y a de multitude d'auteurs qui vont aider. J'ai parlé de Guy Farget, j'en reparle. Claude Lefort, qui a été un... un compagnon de Castoridis durant longtemps, même s'ils ne sont pas d'accord, même si je trouve que sa pensée, qui est très forte, est beaucoup plus limitée que celle de Castoridis. Notamment parce que, entre parenthèses, Castoridis a une expérience de la psychanalyse qui donne aussi une profondeur que d'autres n'ont pas. Mais on peut parler d'Edgar Morin aussi, je sais qu'il est décrié. Moi je suis venu à Castoridis à travers Edgar Morin, et je pense que c'est... Tome de la méthode, c'est un chef-d'oeuvre. C'est une chose vraiment à lire. Absolument, ça concerne la science, là. On est dans un autre domaine, mais la science aussi est en train de se scléroser. Il y aurait nécessité de la faire revivre. On parle d'Anna Arendt, on peut parler de... d'Arwell. Il y a beaucoup d'autres penseurs qui sont contemporains ou qui ne sont plus là, qui aideraient à ça. Évidemment, ce n'est pas une entreprise qui est solitaire. Et tout ça est... et être connecté, si possible, avec une vie populaire. On revit des insurrections des peuples sous le signe du populisme, mouvement très ambigu, j'ai parlé un petit peu des Gilets jaunes, il y a le trumpisme aujourd'hui, évidemment, c'est très hétérogène, c'est très ambivalent, il y a un côté désespérant, et en même temps, il y a quelque chose, la société n'est pas morte, ce que disait Cassandre Haddis également, l'Occident n'est pas mort, la modernité n'a pas encore disparu, il est possible de faire quelque chose.

  • Speaker #1

    Vous venez d'entendre la seconde partie de l'entretien avec Quentin Bérard, Castoria 10, Pensez l'époque. Rendez-vous à la rentrée de septembre pour un nouvel entretien. En attendant, vous aurez droit à deux hors-série d'été, les premiers de juillet et de août, qui seront des compilations thématiques qui nous permettront de revisiter des émissions déjà réalisées. Vous pouvez aussi retrouver les documents évoqués lors de l'émission, ainsi que d'autres permettant de prolonger la réflexion, sur notre site. Heretic au pluriel.fr. Ce podcast est disponible sur toutes les plateformes d'écoute.

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