- Speaker #0
Bonjour à toutes et à tous, bienvenue sur Heya, je suis ravie de vous retrouver pour un nouvel épisode, le dernier remonte à plusieurs mois. Je travaille sur un autre projet dont je vous parlerai très bientôt et ça me prend plus de temps que ce que je ne pensais. Aujourd'hui je vous reviens avec un super épisode avec Manel Labidi. Manel qui est scénariste et réalisatrice franco-tunisienne que vous avez peut-être connu avec son premier long-métrage qui l'a fait connaître, Un divan à Tunis. Elle revient avec un nouveau film qui sort mercredi, Reine-Mère, qui est une chronique familiale, douce, amère, avec un peu de fantastique et qui traite avec énormément de tendresse et surtout beaucoup de modernité, de thèmes qui sont très chers à mon cœur, l'exil, l'identité et le déclassement social. C'est un film qui est autant intime que politique et en plus il y a un super casting, Camélia Jordana, Sofiane Zermani pour ne citer qu'eux. Moi, ce que j'ai le plus aimé dans ce film, c'est la manière dont Manel a décidé de sortir des archétypes classiques et de l'arabe, de la femme arabe, du couple arabe. Et j'ai trouvé ça très rafraîchissant de voir une autre manière de raconter ces histoires-là. Dans cet épisode, on revient sur l'enfance de Manel, sur son parcours qui est très atypique. Manel a fait Sciences Po, elle a commencé à travailler dans la banque et dans la finance avant de se consacrer à sa passion, le cinéma. Et dans cet épisode, on a discuté de plein de choses, mais entre autres des raisons qui l'ont poussé à réaliser ce dernier film, de comment l'histoire, avec un grand H, modèle notre présent et les petites histoires, du rôle des représentations de l'arabe, des obstacles qu'elle a rencontrés dans sa carrière cinématographique, et de plein d'autres choses. Donc voilà, j'espère que vous allez apprécier cet épisode. Moi, j'ai pris beaucoup de plaisir à l'enregistrer, et je remercie infiniment Manel de m'avoir fait confiance, parce que je sais que c'est la première fois qu'elle fait... Une interview aussi intime et personnelle. Et je la remercie de m'avoir fait confiance et d'avoir fait confiance au podcast. Sans plus attendre, je laisse place à la réa du jour, Manel Labidi.
- Speaker #1
Manel, bienvenue sur réa. Je suis ravie de te recevoir.
- Speaker #2
Merci pour cette invitation.
- Speaker #1
Manel, la tradition sur réa, c'est de commencer par les origines. Est-ce que tu serais d'accord de nous parler de la petite Manel, de ton enfance, l'environnement dans lequel tu as grandi ?
- Speaker #2
Alors, moi je suis née en 82 à Saint-Mandé. J'ai grandi après à Vincennes, dans la banlieue Est de Paris. Je suis l'aînée d'une fratrie de quatre, deux garçons, deux filles, deux parents tunisiens. Mon père est arrivé à la fin des années 70, ma mère tout début des années 80. Un papa ouvrier, une maman mère au foyer. Voilà.
- Speaker #1
Et à quoi rêvait la petite Manel dans cet environnement ?
- Speaker #2
Je pense qu'elle rêvait avant tout de partir, voyager.
- Speaker #1
Très tôt, tu as eu ce désir-là ?
- Speaker #2
Assez tôt, oui. Vraiment, voilà. Voyager, découvrir d'autres endroits. Je voyageais déjà à l'époque en Tunisie. On allait tous les étés en Tunisie. Ça, je dirais, c'est mon premier rapport avec l'étranger. Ça a été des moments fondateurs. Mais après, très vite, je ne savais pas ce que je voulais faire, vraiment. Mais en tout cas, je savais que j'avais envie de partir voir d'autres pays. J'avais envie de parler plusieurs langues. Je parlais l'arabe déjà, parce qu'on parlait l'arabe à la maison. J'avais envie d'apprendre l'anglais. J'apprenais aussi l'allemand. J'adorais les langues. Et puis, je me suis dit, quoi qu'il arrive, j'ai envie de travailler. En tout cas... De faire des études supérieures, d'une part, pouvoir voyager et puis ensuite... Mais je n'avais pas de rêve concret, je n'avais pas de...
- Speaker #1
Un métier ? Non,
- Speaker #2
pas vraiment, non.
- Speaker #1
Et comme je l'ai mentionné, tu as commencé par la finance, c'est hyper intéressant de voir un peu ce grand écart, comment tu arrives ? à ces métiers-là et ces études-là ?
- Speaker #2
Alors, comment j'arrive ? Comme je te disais, moi, je... À l'école, plus jeune, j'étais intéressée par plein de choses. Vraiment, j'étais très attirée par les sciences sociales, les sciences humaines. Mais je n'ai pas de vocation particulière. J'ai fait d'abord Sciences Po à Bordeaux. Ensuite, dans ce cadre-là, j'ai fait des stages très différents. J'ai fait un stage aux Nations Unies. J'ai fait un stage aussi dans une agence de communication à New York. Je me suis arrangée pour me faire virer très vite parce que quand je suis arrivée, on m'a demandé de ranger des boîtes et de faire le ménage. En gros, c'était un peu ça la mission. Vu les sacrifices que j'avais faits pour pouvoir partir à New York, il était hors de question que je passe mon temps à faire ça. Après, j'ai rebondi en décrochant un stage, une ONG qui était rattachée aux Nations Unies, une ONG de désarmement. Quand j'ai fait ce stage-là, j'étais un petit peu déçue aussi. J'ai découvert aussi la partie bureaucratique du service public international. C'était intéressant, mais en même temps, je ne me voyais pas évoluer là-dedans. Donc, j'ai continué mon exploration. En dernière année de Sciences Po, on nous a demandé de faire un stage. De part, on va dire, les conditions matérielles dans lesquelles j'étais, c'est-à-dire que j'étais boursière, je travaillais en parallèle de mes études. Il était important pour moi de trouver un stage qui puisse être un minimum rémunéré. Donc là encore, je me suis retrouvée à travailler à l'époque pour la Société Générale en acquisition pour la zone Maghreb et Moyen-Orient. Donc c'était vraiment, là encore, purement opportuniste. C'était très intéressant, intellectuellement je trouvais ça intéressant. Pour autant, est-ce que je me voyais faire une carrière là-dedans ? Je ne pense pas. En tout cas, je savais que... J'avais pris ce stage aussi pour pouvoir vivre aussi et financer mes études. Dans le cadre de Sciences Po, j'ai eu la chance aussi de partir à l'étranger. J'ai fait un an en Angleterre, à Brighton. Et ça, ça a été vraiment pour moi l'expérience la plus heureuse dans mes études supérieures. Parce que c'est vrai que Sciences Po m'a un peu déçue. C'était moins bien que prévu, on va dire. Mais l'année en Angleterre a été particulière, parce que j'ai découvert un autre système.
- Speaker #1
Qui est très différent.
- Speaker #2
Très différent, beaucoup plus libre, où les étudiants sont autonomes. On nous demande de préparer les cours. On avait une bibliographie chaque semaine. Et puis, on pouvait choisir nos cours aussi. On pouvait choisir nos cours. Donc, je me suis retrouvée à choisir des cours en lien avec la science politique, mais aussi la littérature. J'ai découvert plein de choses là-bas que j'ignorais jusqu'à présent. Des auteurs... comme Baldwin, Toni Morrison, Franz Fanon, que j'ai découvert en Angleterre. C'est quand même assez fou. Donc, il y avait cette ouverture aussi que l'Angleterre m'a donnée. Et puis là, à ce moment-là, je me suis dit, j'aimerais bien évoluer dans le monde anglo-saxon. Il y avait quelque chose qui me plaisait bien, même si j'étais consciente des limites de ce système. Il y avait quelque chose qui me rassurait. Et puis après, je termine Sciences Po, j'ai encore un peu... temps, je ne sais toujours pas ce que je veux faire. Je veux gagner du temps et puis surtout, je veux continuer à voyager. Donc, je vois qu'il y a ce master qui est délivré par une école de commerce parisienne, le SCP, qui permet de faire un cursus dans deux pays différents. Donc, je choisis l'Angleterre et le Mexique. Sauf que bon, pour faire ce master, évidemment, il faut beaucoup d'argent parce que c'est un master qui coûte très cher. Donc, je décide d'emprunter. Donc, j'emprunte à la banque. tout en continuant de travailler à côté, parce que moi, je travaille en fait depuis le lycée, grosso modo. À ce moment-là, je me dis que c'est compliqué pour moi de travailler. Je ne pouvais pas, en tout cas, me financer cette formation, donc j'emprunte. Et je fais cette année en Angleterre, donc je repars à Londres. Et après, je pars au Mexique pendant neuf mois. Et là, évidemment, la question se pose de trouver un boulot, parce qu'il faut rembourser. Comme j'ai un cursus assez général, je postule un peu partout. Vraiment partout. Vraiment, je voulais juste un boulot. Et après, je voulais... Comment dire ? J'avais coché la caisse des études supérieures. Je savais que j'avais ce filet de sécurité. Mais maintenant, il me fallait un boulot pour gagner cette autonomie. M'installer. M'installer. Il n'y avait pas cette idée de la vocation. Qu'est-ce que je veux vraiment faire ? C'était... Ouais, c'était... J'avais une vision presque, j'ai envie de dire, pratique.
- Speaker #1
Oui, pragmatique et pratique.
- Speaker #2
Assez pragmatique. La question du sens ne se posait pas encore. Tout à fait. Le sens, je le trouvais là-dedans, dans l'idée de gagner en autonomie, de pouvoir avoir le choix ensuite.
- Speaker #1
C'est un luxe de chercher sa vocation. Il faut aussi s'assurer ses besoins primaires avant de se poser la question.
- Speaker #2
Ah, mais complètement. Oui, ce n'est pas un luxe, mais complètement. Même si... Moi, j'estime que j'ai eu aussi beaucoup de chance et j'ai eu la chance de grandir dans de bonnes conditions. Même si je n'ai pas eu un capital culturel, un capital économique fort, j'ai eu des parents qui ont tout misé sur l'éducation, qui ont décidé de rester à Vincennes, qui est une ville bourgeoise, qui était inaccessible pour eux. Donc l'environnement dans lequel j'ai vécu m'a permis aussi d'accéder à certaines écoles, à pouvoir me mélanger avec d'autres profils. J'ai grandi dans un environnement très privilégié en fait, même si sur le papier, on pourrait croire que c'était compliqué. En même temps, j'ai eu beaucoup de facilité. Mais malgré tout, pouvoir s'autoriser à 18 ans... pour dire, tiens, je ferais bien une école d'art parce que j'adore l'art ou je ferais bien une école de cinéma parce que j'adore le cinéma. Non, ce n'était même pas envisageable. Moi, ces carrières-là n'étaient même pas à ma portée. Je savais que j'avais envie de faire des études supérieures parce que j'aimais l'école, j'ai eu la chance de rentrer dans ce moule-là. C'est un moule qui est certes imparfait, mais qui me correspondait. Et après, j'avais juste envie de gagner une forme de liberté. d'avoir le choix de pouvoir voyager, de pouvoir m'installer. C'était aussi simple que ça. Et donc, quand je postule dans ces différents jobs, mon expérience en stage à la Société Générale a fait que j'ai attiré, on va dire, des recruteurs dans le monde de la banque d'investissement. Et avant de partir au Mexique, j'ai un entretien dans une banque d'affaires américaine qui avait un bureau à Paris. et qui cherchait un stagiaire. Et là, je rencontre le responsable de l'équipe. C'était sur le produit qu'on appelle Equities, le marché des actions. Je n'y connaissais rien. Vraiment, quand je dis que je n'y connaissais rien, je ne savais même pas. Je savais que c'était la salle des marchés. Pour moi, la salle des marchés, c'est... J'avais en tête Brett Eston-Ellis, j'avais en tête Wall Street et Michael Douglas. Mais vraiment, je ne savais pas où je mettais les pieds. Vraiment. Mais j'ai rencontré ce... ce garçon, parce qu'il avait 30 ans à l'époque quand il a repris l'équipe, c'était un peu un petit génie qui avait un parcours aussi très atypique, qui était censé être avocat, qui était partenaire de carrière, qui avait atterri là, qui avait une personnalité très particulière, et il y a eu comme un coup de foot professionnel. Je ne savais pas ce que j'allais faire, mais je me suis dit, tiens, je bosserais bien avec un gars comme ça. Vraiment. Et donc, j'ai été prise en stage. Quand je suis revenue du Mexique, j'avais donc ce stage qui me... qui m'attendait et au bout de quelques mois, j'ai été embauchée. C'était un an avant la faillite de Lehman Brothers, avant la crise du stockpile. Et donc, j'ai commencé à travailler dans ce milieu et c'était très étrange parce que c'était le grand écart. Le grand écart, même si j'avais commencé, étant passée par Sciences Po, par une école de commerce, j'avais déjà un pied, on va dire, dans ce monde, cet univers bourgeois, dirons-nous. Mais là, c'était un autre step, c'était autre chose. Et même si je garde un souvenir un peu mitigé de mes expériences en grande école, parce que quand même une violence symbolique, il s'exerce qu'on le veuille ou non, paradoxalement, dans ce monde-là, j'ai ressenti une violence beaucoup moindre. Ah oui ? Oui. C'est intéressant. Parce qu'il y avait, je ne sais pas si c'est lié au caractère anglo-saxon de la boîte, mais il y avait une diversité que je n'avais pas vue ailleurs. C'est-à-dire qu'il y avait beaucoup de nationalités. Il y avait des gens comme moi qui me ressemblaient. Il y avait pas mal d'Arabes, aussi bien au bureau de Paris qu'à Londres. Et il n'y avait pas beaucoup de femmes. À Paris, on était une ou deux. Ça a été aussi un truc un peu bizarre au départ. Mais étant dans une banque américaine, avec l'avance qu'ils avaient par rapport aux questions d'inclusion, de genre, de harcèlement, j'étais assez protégée. Donc, je n'ai jamais vraiment souffert de ça. Et puis, il y avait aussi... l'élitisme que j'avais ressenti, que j'ai toujours ressenti, que ce soit dans les écoles que j'ai fréquentées plus jeunes et plus tard. Là, je le sentais moins. Dans la banque d'affaires, cet éditisme, je pouvais le voir dans les parties fusion-acquisition, mais en salle des marchés, il y avait un côté un peu plus « méritocratique » . Le réseau, le nom n'avait pas tellement d'importance. Il y avait quelque chose comme ça, pour ceux qui connaissent ce milieu, on parle souvent de PNL. Il y a des trajectoires, on va dire. trajectoire un peu particulière dans ces métiers-là. Il y a des gens qui ont grandi dans des cités, qui avaient leur place sans aucun complexe. Et c'est là où je me suis dit, tiens, c'est marrant, évidemment, c'est un monde qui est on ne peut plus critiquable. Et j'avais ce recul-là, parce que moi, j'avais personne autour de moi qui travaillait dans ce monde-là. Quand j'ai commencé en plus à travailler dans cette salle des marchés, j'étais encore chez mes parents. Donc, Le matin, je me levais à la même heure que mon père. Mon père allait sur ses chantiers. Moi, j'allais Place Vendôme. On prenait le même RER. Moi, je m'arrêtais là. Lui, il s'arrêtait ailleurs. Et puis le soir, je revenais chez mes parents dans un HLM. Alors que le midi, j'avais vu, je ne sais pas quel CEO du CAC 40. Il y avait un truc un peu bizarre. Mais en même temps, c'était... Pour moi, je le voyais comme toutes les expériences que j'ai pu avoir dans ma vie. Les petits boulots, ce boulot. J'avais l'impression presque d'être une voyageuse, en fait. J'allais dans des mondes comme ça, un peu comme une infiltrée, tu vois. J'observais, j'ai toujours beaucoup observé. Puis j'accumulais comme ça de l'expérience. Je pense qu'aujourd'hui, c'est ça mon capital. C'est vraiment toutes ces expériences que j'ai accumulées dans des boulots vraiment dégradants, entre guillemets. J'ai fait des boulots, j'ai fait des trucs où vraiment on traitait mal les gens. Du télémarketing dans des sous-sols où tu te fais insulter. J'ai été caissière, j'ai été vendeuse, j'ai donné des cours. J'ai fait plein de choses. Et puis aussi, j'ai travaillé dans cette salle des marchés à un niveau qui fait que tu as un statut. Tout d'un coup, tu gagnes beaucoup d'argent. Et tout d'un coup, il y a... Et puis dans un monde très stimulant intellectuellement, mine de rien. Et voilà, quand j'embarque là-dedans, je me dis bon, c'est le temps d'embourser mon prêt. Voilà, c'était un peu ça ma mission. C'est ça, je rembourse mon prêt. Puis après, je verrai ce que je fais. Et puis voilà, j'ai été prise comme ça dans une espèce de... Ouais, de mécanique où je me débrouillais pas trop mal, ça se passait bien. Je voyageais aussi, ça c'était chouette.
- Speaker #1
Tu tiquais pas mal de l'eau.
- Speaker #2
Ouais, vraiment, j'allais à Londres très souvent.
- Speaker #1
Et t'avais ce désir de voyage.
- Speaker #2
J'avais ce désir de voyage et j'ai pu aller aussi à New York, j'ai passé quelques temps là-bas. Et puis il y avait comme ça, voilà, cette ouverture. L'ambiance était bien aussi, me convenait. mais je savais très bien que je ne ferais pas ma vie là-bas.
- Speaker #1
Et pourquoi ? Parce que ça a l'air sympa. Et qu'est-ce qui te fait aller vers le cinéma, pour le coup ? C'était un amour un peu... C'était quelque chose que tu chérissais un peu dans le secret et que tu disais, j'irai vers là ? Ou c'est une coïncidence de la vie ?
- Speaker #2
C'est venu plus tard, parce que, comme je te disais, je ne le voyais pas comme un métier. J'ai toujours aimé la culture au sens large. Je dévore les bouquins depuis toujours. J'adore le cinéma, j'adore les films, j'adore l'art. Mais pour moi, il n'y avait pas de métier associé à ça. Je réalise ça aujourd'hui. Mais pourquoi ? Parce que, déjà, peut-être pas de modèle autour de moi, dans la famille, etc. Et pas de modèle tout court. Enfin, je veux dire, même des gens qui peuvent nous ressembler. En tout cas, à l'époque, aujourd'hui, ça change, heureusement. Et puis, voilà. J'ai mis du temps, en fait, à comprendre que ce que j'avais envie de faire dans la vie, c'est m'exprimer. mais à travers l'écrit, à travers l'image, ça, ça a mis du temps. Je ne pensais pas que je pourrais. Et à un moment donné, c'est bizarre ce qui s'est passé dans cette prise de conscience. C'est que j'ai commencé, comme je dis, avant la crise du subprime. Donc, toute cette période-là, après, pendant la crise, c'est un milieu qui s'est vraiment remis en question à plein d'endroits. Donc, moi, j'ai vraiment, comment dire, connu ce monde-là dans la crise. Et tout en étant dans ce milieu, tout en étant, on va dire, plutôt épanoui, je me sentais quand même en décalage, complètement. C'est-à-dire que... Voilà, comme je disais, j'avais encore un pied dans mon ancien monde. Enfin, je n'ai pas du tout rompu, je n'étais pas du tout en rejet. Enfin, je veux dire, j'avais un pied dans ces deux mondes. Et donc, je voyais aussi ce monde-là avec un regard un peu plus critique. Je savais que je ne finirais pas là. Dans ce domaine-là, j'en étais sûre. Parce que déjà, c'est quand même des rythmes particuliers. On est à 7h devant son ordinateur, c'est 12h ou plus parfois, avec une omniprésence de l'argent. Et moi, ce n'est pas une valeur particulièrement importante pour moi. Elle est importante dans le sens où elle a été importante pour me donner ce filet de sécurité, pour me permettre ensuite de faire des choix plus libres, sans contraintes. Mais dans l'absolu, je n'étais pas dans une logique d'accumulation. Je n'avais pas le projet d'avoir une piscine, d'avoir une baraque secondaire, de m'acheter une voiture. Je m'en foutais de tout ça, ça ne m'intéressait pas. Je savais que je devais rembourser mes dettes étudiantes, mettre un peu d'argent de côté pour pouvoir investir dans un appartement, me mettre à l'abri, entre guillemets. Je pense qu'on a tous un peu cette peur, cette insécurité de finir à la rue quand tu as grandi dans des conditions... Un peu précaire. Voilà, c'est toujours cette peur-là. Mais après, une fois que ça s'était fait, je veux dire...
- Speaker #1
Tout le reste, c'était du bonheur, ce soir.
- Speaker #2
Oui, et donc j'ai eu... Pardon, pour la prise de conscience, c'est un peu bizarre. Et je suis désolée, ça va un peu dans tous les sens, parce que je n'ai pas l'habitude, en fait, de raconter mon parcours. Parce que je me rends compte que mon parcours, il est... Enfin, c'est... C'est dur, en fait, d'expliquer comment, pourquoi, comment... Il y a... Enfin, genre, c'est... Il y a tellement de gens qui... qui sont impliqués dans ce parcours aussi. Je pourrais... Tellement de rencontres majeures, tellement de... Comme je disais, mes parents, ma famille, ils m'ont donné tellement, en termes de confiance, de moyens. C'est pas que je... Comment dire ? Je ne mérite pas, mais oui, je n'ai pas vraiment de mérite, entre guillemets. J'ai travaillé, mais le travail, c'est presque accessoire par rapport à tout le reste. Donc, je suis un peu dans un truc où je me dis, mais comment parler de moi tout en rendant hommage à toutes les personnes qui ont été là, sans oublier, évidemment, la Baraka, la Bonnettoie, le Mec Toum, appelle ça comme tu veux. C'est un peu bizarre.
- Speaker #1
Mais ça n'enlève en rien.
- Speaker #2
Ouais, non, non, mais je...
- Speaker #1
Et c'est la beauté de l'histoire et c'est pour ça que c'est important de...
- Speaker #2
Ouais, mais c'est vrai que c'est pas évident de dire, voilà, qu'est-ce qui a fait que... Mais là, tu vois, quand tu me dis le déclic... J'ai eu un problème de dos qui a été assez grave quand j'étais jeune, qui a commencé à 20 ans à peu près. J'ai un problème de disque qui m'a empêché de... qui a été compliqué. Et donc à un moment donné, au point que parfois je ne pouvais plus m'asseoir pendant des semaines, je ne pouvais plus monter dans une voiture. Enfin voilà, ça a été assez compliqué. Et il a été question que je me fasse opérer. Mais avant ça, parce que je savais qu'en plus l'opération n'était pas forcément efficace. Les résultats n'étaient pas très probants, donc on m'a conseillé d'aller faire une espèce de thérapie avec un kiné, une thérapie spéciale corporelle. Et donc j'ai rencontré cette femme que j'ai vue deux fois par semaine pendant un an et une heure à chaque fois. Et c'était une thérapie à la fois physique, où en fait elle m'a réparé le corps littéralement, et aussi ça a été une thérapie presque psychanalytique. C'est-à-dire que pendant qu'elle me manipulait, on se parlait. Et cette femme-là, elle a fait en sorte que le corps et l'esprit se connectent. Même pas se reconnectent, parce que ça n'a jamais été connecté. Je pense que jusqu'à ce moment-là, j'étais dans un truc assez mécanique, comme je te le disais. Je n'étais pas dans une écoute. Il fallait faire des choses, peut-être pour rassurer les parents, pour me rassurer moi. Il y avait beaucoup de peur, beaucoup d'angoisse aussi. Il fallait cocher les cases de ce que je faisais. qu'on attendait de moi. Et là, tout d'un coup, cette année où je me suis réparée au sens physique, ça a été un déclic. Parce que tout d'un coup, je me suis rendue compte qu'au quotidien, je ne manipulais pas ce que je voulais manipuler. Et en même temps, je n'ai pas de regrets en me disant « Mais de toute façon, c'est mon chemin, c'est comme ça que ça s'est fait. » Et puis, j'ai un... Un vivier d'histoires, d'observations, de notes. J'écrivais beaucoup, j'ai toujours tout noté. Même dans mes petits boulots à la compte. Chaque fois, je notais, je tenais un peu des journaux, avec les anecdotes, avec les trucs. C'était très important pour moi de garder en mémoire tout ça. Parce que j'avais conscience quand même que j'avais une chance de pouvoir naviguer dans ces mondes-là. Je savais que c'était peut-être ma richesse. Et donc, un jour, je décide de prendre des vacances. Et je m'inscris à une formation de scénariste. à l'école Louis Lumière, dans le cadre d'une formation continue. Donc, je dis à personne, évidemment, dans ma salle des marchés que...
- Speaker #1
Donc, tu faisais ça en parallèle de ton bloc ?
- Speaker #2
Oui, j'ai pris les vacances. J'ai pris trois semaines, trois semaines, un mois. Donc,
- Speaker #1
c'était ça tes vacances ?
- Speaker #2
Voilà. Et je suis partie. Donc, c'était à Saint-Denis. Et donc, j'ai fait cette formation de scénariste, enfin, de scénario pour le cinéma pendant trois semaines. Et en me disant, bon, allons voir. Ça m'a beaucoup plu.
- Speaker #1
Une révélation ?
- Speaker #2
Oui, ça a été vraiment une révélation. Et je me suis dit, bon, je ne sais pas ce que ça va donner. Mais si je n'essaye pas, je vais avoir des regrets. Et là, j'ai senti que c'était le moment de partir. Je veux vraiment, mais c'était vraiment déjà quitter ce monde-là et puis aller vers quelque chose de plus créatif, de plus personnel, quelque chose qui allait brasser ce que j'aime, à savoir l'écrit, l'image, la photo, le son, la peinture. Et après, j'ai décidé de partir, donc je suis partie. J'ai annoncé à l'époque à mon fameux patron, qui était devenu un ami, qui était aussi une forme de mentor, parce que c'était quelqu'un qui a été très important aussi dans ma vie pendant ces six années et demie que j'ai passées dans cette banque. Et puis je me disais, c'est le moment ou jamais, je vais avoir 30 ans, j'ai pas d'enfant, j'ai réussi à me créer cette sécurité. qui fait qu'aujourd'hui, j'ai une chance incroyable de pouvoir peut-être choisir, prendre des risques, même si pour moi, à l'époque, ce n'était pas un risque. Il n'y a pas de risque. J'ai mes diplômes, j'ai pu me mettre de côté, j'ai cette expérience. Je savais que je n'allais pas revenir dans ce métier-là parce que c'était fini. Et voilà, je suis partie. Personne n'a compris, évidemment, mais vraiment. Les gens me disaient, mais c'est complètement taré. Qu'est-ce que tu vas faire ? Comment tu vas y arriver ? Tu ne connais personne, tu n'as pas de réseau. Tu n'es pas sur les réseaux sociaux. Oui, j'avais rien pour moi. J'avais aucun argument pour me dire si je vais y arriver. Tout ce que je savais, c'est que j'avais envie de tenter. J'avais envie de raconter des choses. Et que je n'avais pas peur de me planter parce que, de toute façon, il n'y avait rien à perdre.
- Speaker #1
Et tes parents ?
- Speaker #2
Bizarrement, ce n'est pas eux qui m'ont fait chier. Eux, c'est ça qui est amarrant. Mes parents, il y a quelque chose qu'ils m'ont transmis. Ils m'ont transmis un peu leur naïveté. C'est qu'ils m'ont toujours dit, de toute façon, ne t'inquiète pas. Tu pourras faire ce que tu veux. Mais c'était vraiment, mais ça venait du cœur. Toujours avec le truc, bon, quand même, il faudra peut-être que tu bosses un peu plus que les autres. Mais tu vas y arriver, on te fait confiance. Cette confiance-là que tu m'as donnée depuis toujours, ça, ça a été ma force. Parce que, en fait, je ne me suis rien interdit. C'est vraiment ma naïveté qui a fait que, dans ma vie, j'ai osé, que j'ai eu le culot de croire. Si j'avais conscience, on va dire, des coulisses,
- Speaker #1
je n'aurais rien fait.
- Speaker #2
Je n'aurais rien fait. Et il y a plein de choses comme ça que j'ai fait par naïveté, mais vraiment.
- Speaker #1
Super intéressant. Tu parles beaucoup d'identité dans tes films. Et j'aimerais savoir à quel moment, toi, dans ton histoire personnelle, on t'a fait te sentir venir d'ailleurs, où tu as senti que tu étais arabe. Est-ce que ça remonte à l'enfance ou est-ce que c'est venu plus tard ?
- Speaker #2
Ça remonte plutôt à l'enfance parce que, comme je te disais, moi j'ai grandi dans un environnement très blanc, blanc et bourgeois. J'étais tout de suite, on va dire, différente. Déjà, ça commençait par des remarques sur la couleur de ma peau, sur mon nom, qu'on ne prononçait jamais correctement. Et puis, voilà, il y avait cette difficulté aussi à communiquer parce que quand tu n'as pas des gens qui te ressemblent, c'est dur, en fait, de partager des ressentis. Moi, c'est des ressentis que j'avais sur le plan physique avant tout. Je ne pouvais pas les exprimer. Je ne maniais pas les concepts de racisme. Je ne connaissais pas, je savais juste qu'il y avait quelque chose qui clochait. Non seulement, je n'étais pas du bon milieu social, mais ça, à la limite, ce n'est pas une question de race. Mais il y avait aussi cette dimension qui, en plus, était... Je suis née en 82, j'ai grandi dans les années 90, et c'était une époque un peu particulière. Ce que je voyais à la télé, par exemple, ne me rassurait pas, ne me valorisait pas dans mon identité. Ce que je voyais et ce que je ne voyais pas aussi, parce qu'il y avait aussi beaucoup de choses qu'on ne voyait pas, de toute manière, qui n'existaient pas. Mais le peu qu'on avait de nous-mêmes, pas très glorieux. Et ça, ça n'a pas été simple. Ça n'a pas été simple, même si, là encore, j'ai une mère et un père qui nous ont toujours... Ils vivent dans une forme de fierté. Vraiment, fierté de qui on est. Voilà, ils nous ont transmis la langue, ils nous ont transmis les traditions. Le lien avec la Tunisie n'a jamais été rompu. Ça, c'était très solide. Mais malgré tout, quand on est enfant, on a envie d'être comme les autres. On a envie d'appartenir. Et ça, ça a été un peu plus compliqué.
- Speaker #1
En restant sur ce thème-là, je regardais certaines interviews que tu avais faites et il y en a une où tu disais « Pour moi, le cinéma est un instrument qui me permet de produire mon propre récit, de produire des images qui m'ont manqué, qui me manquent toujours. » Qu'est-ce que tu aurais aimé voir ?
- Speaker #2
Je voudrais aimer voir plusieurs histoires, plusieurs représentations. Moi, ce qui me rendait dingue, c'était… D'imaginer qu'on puisse croire qu'on était un seul bloc, qu'il y avait l'arabe, la femme arabe, l'homme arabe. Ça, c'était insupportable.
- Speaker #0
Parce que je voyais bien autour de moi, dans ma famille et ailleurs, qu'il y avait des milliers d'histoires, des parcours très, très complexes, des parcours très différents, des femmes très différentes, des hommes très différents, des relations hommes-femmes très différentes. Tout ça, en fait, était complètement mis sous le tapis au profit de représentations qui étaient soit misérabilistes, où on faisait pitié. Ou alors on fait peur. Soit très diabolique. Il y avait comme ça ces deux trucs. Soit on était vraiment le bon arabe qui courbe les chines et qui accepte de se faire fouetter et qui dit merci. Soit on était vraiment les méchants. Et tu dis, mais où sont les autres ? C'est ça, moi, qui m'a... Et puis surtout, il n'y avait pas d'image de... L'homme arabe aussi était décrit de manière terrible. La femme arabe, moins terrible, mais pas très humaine non plus. Je veux dire, la sainte, la mama, qui oublie que c'est une femme presque, sans aspérité. Et ça, c'était quelque chose qui m'a manqué. Et puis aussi... Ce qui a manqué, au-delà même, c'est une chose, la représentation. C'est une chose de voir, on va dire, des Noirs, des Arabes à l'image. Mais il y a aussi une chose qui est importante, c'est qui produit la représentation. C'est le regard, c'est la manière dont c'est traité, c'est la forme. Ça aussi, c'est encore. Alors justement, on n'en est qu'au début. Moi, j'essuie les plâtres avec d'autres. C'est en tâtonne. C'est pas évident d'arriver à... à imposer ça. C'est pas évident du tout, mais... Ouais, pour moi, voilà, le cinéma, en tout cas là où je me place aujourd'hui, c'est une façon d'amener un autre récit, un autre regard. Il en faudrait des milliers d'autres, voilà.
- Speaker #1
C'est hyper intéressant ce que tu dis, parce que ça me fait penser à Rennes-Mer. Et ce qui m'a beaucoup touchée, moi personnellement, et je te disais en off, c'est que tu es vraiment sortie des archétypes de ce qu'on attend entre le personnage d'Amel qui challenge le statu quo, qui ne court pas les chines et accepte tout ce qu'on lui donne, qui a une personnalité et qui sait dire non comme on dit tous non. Le couple Manel et Amor, tellement attendrissant et humain. Et je me suis rendue compte en voyant le film qu'en fait, tous les autres couples, qu'on nous montrait de couple arabe manquait tellement d'humanité et sont dans ce truc très rigide où il n'y a que le travail, la parentalité, c'est carré et ça manque d'humanité. Est-ce que c'était un peu pour combler ce que tu viens de dire et est-ce que c'était quelque chose d'important pour toi quand tu t'es mis à écrire ce livre ? Ce film, pardon.
- Speaker #0
Oui, c'était important pour moi parce que, là encore, je... Je ne prétends pas représenter une population. C'est juste que je me suis dit, tiens, il y a un personnage que j'ai envie de voir. C'est cette femme, cette mère de famille qui est imparfaite, qui est touchante et en même temps, parfois, casse-pieds, qui subit aussi quelque chose qu'on appelle le déclassement. Donc, la dimension de classe dans le film, elle est hyper importante. Et ce couple-là, il est aussi atypique dans le sens où elle, elle vient d'un milieu... plutôt aisés, lui non. Donc là encore, on ramène un peu de complexité dans ces histoires d'immigration. Je veux dire, il y a des gens qui sont arrivés de leur pays qui ont beaucoup perdu, d'autres ont beaucoup gagné. Donc, c'est un couple mixte aussi sur le... Il est algérien, elle est tunisienne, là encore, on voit bien qu'il y a aussi quelque chose qui n'est pas évident. Même au sein des couples maghrébins, il y a aussi du racisme, des préjugés. Elle est une mère suffisamment bonne, on va dire. Mais en même temps, elle a aussi une forme de toxicité, même vis-à-vis de sa fille. Il y a quelque chose comme ça. Ce n'est pas une mère parfaite. Parfois, on se demande qui est la mère, qui est la fille. C'est une femme qui est restée presque coincée dans son paradis perdu, dans son enfance. Et sa fille, ici, de par son statut, de par là où elle est, à la fois ici, ailleurs, entre un milieu blanc bourgeois et un milieu plus prolétaire et un milieu aisé tunisien. Une espèce de confusion qui fait que cette gamine, en termes de maturité, fait un bond et elle devient presque la mère de sa mère. Toutes ces dynamiques familiales sont hyper complexes. Et ce couple, c'est un couple qui se définit aussi par autre chose que par, comme tu dis, la parentalité, le travail. Et cet homme, c'est une autre représentation de la masculinité arabe. Je veux dire, moi en plus, pour le coup, j'ai eu la chance de grandir avec un père. hyper féministe, qui n'a jamais prononcé ce mot d'ailleurs, il ne va jamais dire je suis féministe, mais dans les faits, dans la manière dont il a éduqué, c'est un féministe. Et ce n'est pas le seul, ce n'est pas le seul. Et je trouve toujours ça très bizarre et dommage de dépeindre l'homme maghrébin comme étant un mâle toxique. Ça fait beaucoup, beaucoup de dégâts. Ça fait qu'aujourd'hui, moi je sais qu'en tant que femme, j'ai plus de facilité à évoluer dans ce monde-là parce que la perception qu'on a de nos corps, en tout cas de qui on est, est beaucoup plus favorable. Alors elle n'est pas glorieuse, attention, mais en tout cas on fait moins peur, entre guillemets. Et c'est pour ça que j'avais envie de casser un peu tout ça, de casser un peu ces représentations. Non pas pour dire que c'est comme ça, mais pour dire que c'est aussi comme ça. Et j'espère qu'il y en aura d'autres.
- Speaker #1
Est-ce que tu te sens une responsabilité, en tant que réalisatrice franco-tunisienne, avec ton histoire, de porter cette voie-là ? Est-ce que c'est quelque chose qui te pèse ou qui te drive aussi, probablement ?
- Speaker #0
Je ne veux pas dire que je me sens investie dans une mission, ou que je ne suis pas porte-parole. Je n'ai pas vocation à l'être, je ne crois pas. En tout cas, je me dis, j'ai la chance, j'ai ce privilège aujourd'hui de pouvoir faire des films dans un certain circuit, des films qui peuvent être vus, des films qui sont produits. J'ai ce pouvoir de pouvoir produire des représentations. Mine de rien, j'ai quand même une pression, je n'ai pas envie de me rater. Parce que ce micro-là, il n'est pas tendu à tout le monde. Donc, d'un côté, je me dis, il y a quand même une autre forme de responsabilité. En même temps, c'est trop, parce que j'ai le droit de me planter. Je ne suis pas parfaite, je ne vais pas plaire à tout le monde. Mais en tout cas, ça vient d'un endroit de sincérité, qu'on ne peut pas m'enlever de toute manière. Et je ne me présente pas comme un exemple ou un modèle à suivre, loin de là. Mais j'espère juste que ça peut, en tout cas, ça pourrait... donner envie à d'autres d'aller justement creuser, d'aller s'approprier ces histoires, de malaxer ces représentations, de créer des grammaires, de créer des langages et vraiment d'avoir une vraie réflexion sur comment on peut prendre part à la vie publique avec quelque chose qui s'appelle un livre, un film, une peinture. Comment on peut à la fois changer les représentations et en même temps, comment on peut essayer aussi de changer presque le système de l'intérieur ? C'est une vraie question de se dire comment tu fais pour changer ? Est-ce que tu restes à la marge ? Est-ce que tu fais des choses en mode guérilla et puis au risque de ne pas être vue ? Ou est-ce qu'à un moment donné, tu essaies de mettre un pied dans le château ? De jouer aussi avec les... les outils du maître, comme dirait Audrey Lorde. Et puis pour essayer de les... Déjà, d'une part, de laisser la porte du château un peu ouverte, permettre à d'autres de rentrer, et puis de questionner, tu vois. Et c'est ça la vraie question, c'est de se dire ce qui est important aujourd'hui, pour les artistes de manière générale, c'est d'être invité à la table. Comme je dis, ce n'est pas une question juste d'être là, présent en tête de gondole. Moi, je vais me dire, oui... Il y a des Noirs, des Arabes comme ça. Ok, super, ça ne m'intéresse pas ça. Ce qui compte, c'est de dire, en fait, qui a les clés du camion ? C'est aussi ça qui est important. Parce que si tu as les clés du camion, c'est là où tu peux faire bouger les choses de manière beaucoup plus concrète et beaucoup plus pérenne. Mais je suis optimiste, tu vois, parce qu'on est plein. On est plein à essayer de faire ça. Alors évidemment, avec des ratés, des déceptions, mais... En tout cas, ce qui est sûr, c'est que quoi qu'il arrive, l'histoire montrera qu'on aura été un peu les pionniers et que certes, on n'aura pas été parfaits. mais qu'on aura peut-être contribué à. C'est pour ça que, même quand je regarde les anciens, les anciens, je ne sais pas moi, des gars comme Smaïn par exemple, qui est un humoriste, beaucoup se sont foutus de lui. Mais je me dis, mais il a ouvert la voie. Tout le monde a ouvert la voie à un moment donné. Quoi qu'il arrive, on a ouvert la voie. Certains se sont pris les pieds dans le tapis, ont été récupérés. Je ne peux pas juger, en fait. On ne peut pas juger. C'est tellement dur. Mais en tout cas, il faut se dire que... Voilà, chacun, à un moment donné, est un maillon de cette histoire. Et un jour, peut-être, on n'aura plus cette discussion. Et ce sera très bien.
- Speaker #1
J'espère qu'on y sera. L'irruption de Charles Martel dans le film montre comment l'histoire, avec un grand H, conditionne le présent et les histoires. Chose qu'on a tendance à oublier, je trouve. Et si on sort du cinéma, etc., je pense qu'il y a beaucoup de parallèles qu'on peut faire ici. Est-ce que c'était important pour toi de rappeler ce point-là ?
- Speaker #0
C'était important, déjà, de mixer la grande histoire et la petite histoire. Moi, j'adore l'histoire. De manière générale, j'ai toujours aimé l'histoire. Aussi, je pense parce qu'on est en déficit. À titre individuel, on a des gros manquements, même dans l'histoire de nos familles. Il y a des choses que j'aimerais savoir, auxquelles je n'ai pas accès, malheureusement. Et puis, dans ce flou, on s'invente des choses, on essaye de comprendre, de faire des hypothèses. Comme ça, à relier des fils. Et puis l'histoire, la grande histoire, elle est importante. Et puis particulièrement le roman national, le récit national, parce que ça nous structure, ça structure plein plein de choses dans la société. Et Charles Martel, mine de rien, quand j'ai commencé à parler de ce truc, j'ai dit pourquoi Charles Martel ? C'est quoi l'intérêt ? Et l'intérêt, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de dates dans l'histoire qu'on retient. Il y a 732 martels, il y a 1515 marignans, 1789, prise de la bestie, tout ça. Et puis souvent, ce sont des dates comme ça qu'on retient, mais derrière, on n'a rien du contexte. Demande à 1515 marignans, c'est quoi le contexte ? Tu ne sais pas. Mais quand même, ce sont des dates comme ça, des moments qui structurent un peu l'imaginaire collectif. Et dans le cas de martel, moi je sais que, première fois que j'entends ce... Cette fameuse phrase sortie du contexte qui arrive dans un cours d'histoire en primaire, je me prends un peu un choc. Parce que peut-être que si j'étais dans une classe entourée d'enfants issus de l'immigration, je ne sais pas, on aurait rigolé. Là, j'étais, je me souviens, et puis ma sœur peut raconter la même histoire, mes frères peuvent raconter la même histoire. Je connais plein de gens qui ont un peu vécu la même histoire, des gens qui ont grandi à la campagne, dans des endroits où ils étaient un peu les seuls. en minorité, on va dire. Quand j'entends ça...
- Speaker #1
On peut rappeler la phrase.
- Speaker #0
C'est donc Charles Martel arrêta les Arabes en 732. Derrière, il y a une histoire d'invasion. Il serait arrivé, les Sarazins, c'est une terminologie complètement hallucinante, seraient arrivés, femmes et enfants, pour conquérir le royaume franc, pour imposer l'islam et la culture. La culture musulmane, déjà, la théorie du grand remplacement, elle est là. La guerre des civilisations, la guerre des religions, tout est finalement déjà là dans cet événement presque fondateur de l'histoire occidentale et l'histoire de France. Et donc moi, quand j'entends ça, je ne comprends pas. Je me dis juste, oh, on est en pleine guerre du golf. On se fout de notre gueule du matin au soir. C'est l'époque, évidemment, où... Il y a la sortie de route de Chirac avec le bruit et l'odeur. Il y a l'affaire Omar Haddad. J'ai regardé beaucoup la télé à l'époque. On regardait énormément la télé. Donc, on était vraiment baignés là-dedans. Il y a cette pop culture qui est un peu parfois teintée de racisme qui s'ignore. C'est vrai. Mais en tout cas, il y a un truc où cette phrase-là, je me dis, ah merde, on a encore fait une connerie. C'est presque que tu es envahie par la honte. Et surtout, je n'avais rien en face. Je n'avais pas du tout de contexte. Et puis, on passe à autre chose. Et puis souvent, c'est revenu, ce truc-là. Avec mes cousines, avec des amis, parfois, on en reparle. Et puis, on se dit, c'est marrant, on a tous la même histoire. On a tous ressenti le même truc. C'est trop marrant. Et après, je ne sais pas, je me suis dit, tiens, c'est drôle. Et si j'en faisais un fantôme ? C'est qui, ce gars ? Et quand je commence à m'intéresser à la question, Au départ, je me dis que ça va être le méchant de l'histoire. Comment tu fais pour... Et en fait, quand j'ai commencé à m'intéresser aux personnages, j'ai commencé à lire et puis surtout j'ai contacté un historien qui s'est spécialisé sur la question. Et en fait, il me raconte un récit. autre, quoi. Et je me dis, mais c'est fou. C'est fou parce que le mythe de Martel, derrière, il a été récupéré. Il a été récupéré à plein de moments de l'histoire pour justifier justement ce spectre, cette menace qui est une construction purement politique, en fait, pour diviser notre société. Il a été récupéré, même à un moment donné, il a été même récupéré par les théoriciens du clash des civilisations de Huntington, tu sais, après le 11 septembre. Même les Américains se sont mis à parler de Martel. Tu te dis, waouh, c'est génial, quoi. Martel Poitiers, tout ça. Et ouais, donc l'idée, c'est de se dire, bah tiens, c'est marrant, lui aussi, il a un problème d'identité. Parce que je me suis commencé à fantasmer, je me suis dit, Martel, s'il est en enfer, en ce moment, il va se dire, mais putain, je suis réduite à ça, quoi, à une date. Et en plus, on parle d'arabe, d'islam et tout, mais je ne sais pas vous parler, les gars, je ne sais même pas ce que c'est. Tu vois, c'est aussi ça. La dimension même religieuse, à l'époque, elle était presque secondaire, les croisades, c'est le XIIe, XIIIe siècle. Et on a comme ça, on a collé des thématiques. sur un événement qui est en fait un événement beaucoup plus anodin que ce qu'il est. Donc c'est l'envie de se réapproprier quelque chose qui fait aussi partie de mon histoire, de notre histoire, et puis amener une autre perspective. Je sais que ça ne va pas plaire, je le vois bien, déjà ça commence à taper. Il y a des amis qui ne sont pas très contents qu'on pioche dans le patrimoine, mais bon c'est... C'est comme ça, je n'ai aucun problème de légitimité à l'idée de m'en emparer.
- Speaker #1
On parlait du milieu du cinéma tout à l'heure. Évidemment, même si les choses avancent, ce n'est pas forcément le modèle parfait de la diversité et de l'inclusion. Est-ce que toi, en tant que femme, en tant que femme d'origine tunisienne, tu as rencontré des gros challenges ? Est-ce qu'il y a eu des moments où ça a été un frein et quelque chose qui t'a bloqué ou beaucoup ralenti ?
- Speaker #0
Le fait d'être tunisienne, tu veux dire ? À des endroits différents. Disons que, je dirais que dans le milieu du cinéma, au-delà même de la dimension de race, il y a aussi la dimension de classe qui est très importante. C'est un milieu quand même très très bourgeois, avec beaucoup d'entre-soi. Il faut... Tout le monde ne peut pas travailler dans le cinéma. Quand tu décides de travailler dans le cinéma... C'est un secteur qui est tellement dur qu'il faut pouvoir survivre. Donc les barrières à l'entrée sont très, très élevées. Donc c'est un milieu quand même qui est très particulier. C'est un milieu qui est très codifié. Donc je dirais que ne venant pas du Serail, n'ayant pas forcément les codes de ce monde-là, ça peut être compliqué à des moments. Après, par rapport à... à mon gelant, en tant que femme, comme toutes les femmes qui sont dans ce métier, oui, forcément, il y a des obstacles. Il y a des obstacles. On ne va pas forcément vous donner le même montant que d'autres. Mais venant des hommes et des femmes, attention. Je veux dire, moi, beaucoup de femmes ont mis des bâtons dans les roues dans ce métier. Des hommes aussi, évidemment, mais ce n'est pas binaire. Et après, par rapport à mon art habité, Je dirais que c'est à double tranchant. D'un côté, vous êtes la bienvenue,
- Speaker #1
à condition que vous racontez la bonne histoire. Ouais,
- Speaker #0
qu'il faut arriver avec la bonne histoire. Et ça, c'est compliqué. Et ça, là, en revanche, sur « Reine-Mère » , je l'ai vu. Je l'avais vu aussi sur un divan à Tunis, quand le film est sorti. Il y a eu beaucoup, beaucoup de malentendus. Mais avec « Reine-Mère » , je l'ai vu. Je l'ai vu dans tout le processus, c'est-à-dire au niveau de l'écriture, dans la phase de financement, les commissions, et puis après la sortie. C'est très intéressant de voir le décalage qu'il y a entre les attentes et ce que toi tu as envie de proposer. Ces traites, moi j'ai appris beaucoup. J'ai appris beaucoup et effectivement, le fait d'être tunisienne ou arabe n'est pas un frein en soi. Ce n'est pas un problème. Ce qui peut poser problème, c'est d'arriver avec une proposition qui ne rentre pas tout à fait dans le cadre. Là, il faut se battre. Là, il faut convaincre parce qu'on n'est soit pas pris au sérieux, soit ignoré. Et là, il faut trouver, on va dire, les alliés. C'est très important d'être bien entouré, de trouver ses alliés. Les obstacles dans ce milieu, ils sont multiples. Mais d'être une femme issue d'un milieu populaire arabe, oui, ça ne facilite pas la tâche. Ça ne fait pas la tâche. Après, je me bats, mais c'est sûr que c'est compliqué. C'est compliqué. Ce n'est pas facile. Et ça peut faire du mal aussi. Comme je te disais, c'est marrant parce que j'ai voyagé dans plein de mondes, j'ai fait plein de choses avant de faire ce travail, de faire ce métier. La violence symbolique, je ne l'ai jamais autant ressentie qu'aujourd'hui. Mais à côté de ça, il y a une contrepartie. La chance de pouvoir faire ce métier, la chance de pouvoir partager son travail, de partir de quelque chose d'individuel et de se rendre compte que ça parle à d'autres. La chance de pouvoir montrer son film en salle, de pouvoir échanger avec le public. La chance que la chose existe, de laisser quelque chose et de pouvoir en parler. Ça compense toute... Voilà, toutes les petites mésaventures à côté.
- Speaker #1
Quelle est ta définition de la réussite ? Ta réussite personnelle, si tu devais, dans quelques années, te dire, faire un point sur ta vie ?
- Speaker #0
La réussite ? Je ne vais pas dire mes enfants parce que ça ferait trop cliché, mais quand même, c'est ma grande réussite. Non, je ne sais pas, la réussite, c'est peut-être... plus avoir peur du dimanche soir tu vois quand tu dis on a c'est cool la semaine commence ou est ce que j'aime ouais ça je pensais c'est un bon indicateur ne pas compter son nombre de jours de vacances ne pas attendre le week-end avec impatience tu vois celui le matin en disant bon je me lève et puis ça va être cool ce que je fais a du sens C'est en phase avec qui je suis, avec mes valeurs. Quand on arrive à se dire ça, c'est incroyable. Parce que là encore, tout le monde n'a pas cette chance. C'est vrai. Tout le monde n'a pas cette chance. Et avoir justement cette possibilité de dire non, de dire ça ne me va pas, je ne fais pas. Ça, c'est le luxe ultime. Et c'est tout le sens, on va dire, du parcours de mes parents. C'est pas comme on parlait de l'argent tout à l'heure. C'est juste de pouvoir se dire qu'on est libre. Jamais totalement libre, évidemment. Mais quand même, pouvoir décider de l'endroit où on vit. du travail que l'on fait, de pouvoir dire non, pouvoir dire merde. Ça, c'est un sacré pouvoir.
- Speaker #1
Qu'est-ce que tu dirais à la Manel enfant ?
- Speaker #0
Respire.
- Speaker #1
Tu étais un peu en apnée.
- Speaker #0
Oui, j'étais en apnée. C'est marrant, j'ai l'impression d'avoir eu peut-être deux enfants. Chez moi, j'étais... Très extravertie, très vivante. Il y avait une super ambiance à la maison. Mes frères et sœurs, on s'entend super bien. Ma sœur, c'est ma meilleure amie, vraiment. Et puis à l'extérieur, j'avais presque une forme de phobie sociale.
- Speaker #1
C'était hostile.
- Speaker #0
Oui, j'avais peur. Oui, c'était hostile, mais sans qu'il y ait d'ennemis. Oui, oui, oui. Tu vois, c'était une atmosphère. C'était quelque chose, en fait, qui te... qui t'obligeait presque à être sur tes gardes. C'est ça. Et j'avais hâte de grandir aussi pour me débarrasser de ça. J'avais hâte, en fait, que l'enfance passe. J'avais hâte de partir, mais aussi pour pouvoir respirer, souffler. Vraiment.
- Speaker #1
Manel, on va passer à la dernière partie de l'interview. Et c'est des petites questions. Le but, c'est de répondre du tac au tac. Est-ce que tu as une devise ?
- Speaker #0
Une devise ? Une citation ? Oui, ça me montre. Alors, il y a le... J'adore Oscar Wilde. Il y a plein de choses très intéressantes que je pourrais me faire tatouer, si je pouvais. Il y en a une qui est chouette, je ne sais pas si je la retranscris comme il faut. Soyez vous-même, les autres sont déjà pris. Ça, c'est important.
- Speaker #1
Ça pourrait résumer notre épisode, ça pourrait être le titre de cet épisode. Un film ?
- Speaker #0
Un film ? Alors, je ne vais pas te donner un classique. Je vais plutôt te donner un film que je veux que tout le monde voit, qui est sorti en France il y a quelques années, je crois il y a cinq ans, qui est sorti vraiment un peu en catimini. C'est un film qui s'appelle Sorry to Bother You. C'est un film indépendant américain d'un réalisateur qui s'appelle Boots Riley. Et c'est un film, c'est un ovni. C'est un grand film politique. Un film qui... parle de racisme, de capitalisme, de collectif. C'est une satire incroyable de la Silicon Valley, ça parle du monde du travail, de l'aliénation du monde du travail. C'est complètement inattendu, c'est improbable, c'est drôle, c'est violent, c'est un bijou. Vraiment, c'est un film que je recommande parce que... Un film avec cette dimension politique-là aux États-Unis, c'est assez rare.
- Speaker #1
C'est un film récent ?
- Speaker #0
Il est sorti, je crois, en 2019, il me semble.
- Speaker #1
Pas très bien.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Tu donnes très envie de le voir.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Ton plat préféré ?
- Speaker #0
Un plat tunisien ?
- Speaker #1
Ou pas, comme tu veux.
- Speaker #0
Moi, j'irais à Melchia.
- Speaker #1
Un lieu ?
- Speaker #0
Chez moi.
- Speaker #1
Mais c'est où, chez toi ? C'est au Quérounda, je ne demande pas l'adresse.
- Speaker #0
En fait ? Qu'importe, en fait, c'est chez moi. Comme je te disais, j'aurais pu te dire oui, quelque part, à l'étranger. Non, en fait, aujourd'hui, je me rends compte que l'endroit où je me ressource, l'endroit où je me sens le mieux, c'est l'endroit où j'habite, là où il y a mes enfants, là où il y a mes photos, mes quelques objets, mes livres et mon chez-moi. ils voyagent j'ai un peu roulé ma bosse peut-être que c'est pas fini mais aujourd'hui ces voyages dans le monde les mondes physiques et sociaux tout ça fait que je suis pas attachée à je peux être bien partout c'est plus un lieu ouais Je peux être bien partout et toutes ces expériences de ma culture d'origine, de ma culture française, européenne, de toutes mes influences.
- Speaker #1
Une femme que tu me recommanderais d'inviter sur le podcast ?
- Speaker #0
Alors, j'ai pensé à une productrice qui s'appelle Naïma. Abed, qui est une productrice de films très talentueuse, qui est française, qui est installée à Londres, et qui est une femme incroyable.
- Speaker #1
Génial. Tu l'as rajouté à ma liste.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Je te remercie infiniment,
- Speaker #0
Manette. Merci à toi.
- Speaker #1
J'ai passé un très, très beau moment.
- Speaker #0
Merci beaucoup.
- Speaker #1
Ça fait un plaisir. avec des amis ou sur les réseaux sociaux. C'est ce qui permet au podcast de grandir. Vous pouvez aussi le noter 5 étoiles et me laisser un petit commentaire. C'est un vrai plaisir de les lire. Si vous avez des questions ou voulez me suggérer une invitée, n'hésitez pas à me contacter sur la page Instagram Hiya underscore podcast. A très bientôt.