Speaker #0Bonjour et bienvenue dans Histoire et Gastronomie. On se retrouve deux fois par mois pour parler d'histoire de la gastronomie, influence, histoire vraie, mondialisation et dates clés sont les quatre séries développées dans ce podcast. Mon intention est de faire toute la lumière et de rétablir la vérité sur les thématiques abordées en m'appuyant sur des références historiques et non sur les anecdotes qui forgent les légendes. Je suis Yves Rouech, historien et auteur culinaire. Je vous souhaite une belle écoute. Dans ce premier épisode de la série Histoire Vraie, nous allons vous raconter la véritable histoire de la sauce béchamel. Pour commencer, nous allons faire un peu de technique culinaire et parler de roux et de béchamel. En effet, les roux, élaborées avec de la farine revenue dans le beurre, sont apparues avant la béchamel et entrent dans la confection de cette dernière. Mais la question qui nous anime aujourd'hui est la suivante. Qui a véritablement inventé la sauce béchamel ? ou a-t-on donné son nom à cette sauce pour lui rendre hommage ? Pour répondre à ces questions, nous devons avant tout comprendre les événements successifs qui se sont produits au fil du temps dans l'évolution des techniques culinaires afin d'aboutir à cette sauce béchamel. D'une part, d'autre part, nous tenterons de déterminer si lui, de béchamel, peut en être l'auteur. En guise d'introduction, intéressons-nous à ce que dit Auguste Escoffier, le plus grand cuisinier du XXe siècle, au sujet des roues et de la béchamel dans son Guide culinaire en 1903. Il explique que parmi les principaux fonds de cuisine figurent les consommés, les fonds, les fumets, les glaces de viande, les gelées, ainsi que les roues bruns, blonds et blancs, et les grandes sauces de base, comme l'espagnol, le velouté, la béchamel et la sauce tomate. Les roues prennent une teinte blanche, blonde ou brune. Selon la durée et l'intensité de la cuisson du mélange beurre et farine, il représente la base de liaison des grandes sauces. Ainsi le roux blanc entre de la confection de la béchamel par adjonction de lait alors que le roux blond intervient dans celle du velouté par ajout de fond de veau. Il ajoute que les roux avaient été introduits en France par les cuisiniers espagnols venus à la suite d'Anne d'Autriche lorsqu'elle est devenue reine de France par son mariage avec Louis XIII en 1615. Mais que ces roues passèrent presque inaperçues tellement leur rôle avait peu d'importance alors, les jus se suffisant à eux-mêmes. Ces bases étant posées, intéressons-nous maintenant au livre de cuisine paru entre le XVIIe et le XIXe siècle pour voir comment et quand sont apparus ces roues et cette béchamel. Tout commence en 1651 avec l'apparition de la liaison à la farine. Dans le Cuisinier François de François-Pierre de Lavaraine, publié en 1651, apparaît une recette de liaison à la farine, faite de farine, revenue dans du lard fondu, à laquelle il ajoute des oignons, des champignons et un bon bout de pomme. Après cuisson, il passe le tout à l'étamine et conseille d'utiliser cette préparation pour lier les sauces. Cette liaison à la farine ne remet pas en cause les affirmations d'Augustin Scoffier concernant l'introduction des roues par les cuisiniers d'Andautriche en 1615, puisque cette liaison à la farine n'est rien d'autre qu'un roue qui n'en porte pas encore le nom. Par ailleurs, cette liaison à la farine n'est pas apparue avant 1651, pour la bonne raison qu'aucun livre de cuisine n'avait été publié en France entre 1615 et 1651. L'histoire reprend un siècle plus tard. Cette liaison à la farine devient un roux à l'ordinaire, puis une béchamel. En 1739, dans les dons de Comus de François Marin, on retrouve la recette de liaison à la farine de la Varenne qu'ils baptisent aussi roux à l'ordinaire. Par ailleurs, dans une autre recette de rognon aux concombres, ils donnent même le choix d'ajouter les rognons émincés dans un ragoût de concombre au roux ou à la béchamel. Donc après le roux, voilà qu'arrive aussi la béchamel. de sa sauce à la béchamel. Il s'agit d'aromates revenus dans beaucoup de beurre, liés à la farine, mouillés à la crème et mis à cuire. Ainsi, la principale différence entre le roux ou la liaison à la farine et la béchamel réside dans le fait que le premier fait intervenir le bouillon alors que la seconde fait intervenir la crème. On comprend mieux pourquoi. Quand Menon explique ce qu'est la béchamel dans La cuisinière bourgeoise en 1746, il insiste sur la réduction de crème en ces mots. La béchamel n'est autre chose que de faire réduire de la crème juste à ce qu'elle soit asséliée pour faire une sauce. La clarification entre le roux et la béchamel s'opère au cours du XIXe siècle. En 1806, dans le Cuisinier impérial, Jean Viard donne clairement et successivement la recette du roux blanc, utilisé pour lier velouté et autres sauces, et de la béchamel, constitué de velouté et consommé réduit, auquel il ajoute de la crème avant de faire réduire le tout trois quarts d'heure et de le passer à l'étamine. Sa petite béchamel, quant à elle, était mouillée au lait. Selon Jean Viard, il y a donc le roux, La béchamel à la crème et la petite béchamel au lait. Vous me suivez ? C'est Joseph Favre dans son dictionnaire universel de cuisine pratique en 1905 qui nous propose une synthèse. Il définit le roux comme un appareil transitoire. Il perd son nom aussitôt mouillé et prend celui de la sauce bouillie ou soupe selon le liquide, écrit-il. Ainsi le roux blond, additionné de fond de veau, devient velouté qui lui-même, par ajout de crème, devient béchamel. Enfin, au XIXe siècle, la béchamel devient l'une des quatre grandes sauces. C'est dans l'art de la cuisine française au XIXe siècle, publié en 1833 par Antonin Carême, le premier des chefs qui apparaît une classification des sauces françaises dans laquelle figuraient les quatre grandes sauces. L'espagnol, le velouté, l'allemande et la béchamel. Dans son guide culinaire, en 1903, Auguste Escoffier maintient la béchamel parmi les grandes sauces de base. En tant que grande sauce, la béchamel sert de base à de nombreuses sauces dérivées. C'est ce qu'on appelle une sauce mère. Elle permet de réaliser la sauce à la crème, la sauce mornay, la sauce cardinale, la sauce nantois, la sauce bohémienne, la sauce vin blanc, la sauce bretonne, la sauce suprême, la sauce chaud-froid, la sauce estragon, la sauce allemande, la sauce soubise et bien d'autres. Maintenant que nous avons compris comment nous sommes passés de la liaison à la farine de 1651 au roux de 1739, puis à la béchamel d'Escoffier en 1903, tentons de démêler le vrai du faux concernant le nom de la béchamel, véritable objectif de notre podcast. La sauce béchamel, aujourd'hui constituée de roux blanc mouillée au lait, n'est plus la même que celle des origines. Tout d'abord simple crème réduite, puis élaborée à partir d'un roux blanc mouillé à la crème, et puis encore d'un velouté mouillé à la crème. Quand est-ce que le terme de béchamel apparaît pour la première fois ? Le terme de béchamel apparaît dans les livres de cuisine de plusieurs auteurs dans les années 1730 et 1740, parmi lesquels Vincent Lachapelle, François Marin ou Menon, sourds des orthographes diverses, mais sans qu'aucun d'eux ne nous en donne l'origine. On découvre la béchamel, M-E-I-2-L-E, la béchameille, M-E-I-L, la béchamel, M-E-2-L-E et la béchamel-M-E-L. cela étant dit louis béchamel est-il vraiment l'inventeur de la sauce béchamel il faut attendre pour que maurice cousin de courchamps auteur présumé des souvenirs de la marquise de crequy de rapportant les écrits de la marquise ne nous donne quelques éclaircissements La marquise de Crécy était une femme d'esprit que tenait Salon au temps de Louis XV. Ses salons étaient le rendez-vous de la bonne société. On y voyait défiler des personnages de grande et petite noblesse, comme Madame de Maintenon ou Madame d'Urfay, des personnalités comme Voltaire ou Jean-Jacques Rousseau, mais aussi bien d'autres personnages parfois qualifiés d'aventuriers. Parmi les nombreuses anecdotes rapportées dans cet ouvrage, l'une d'elles concernait le commandeur de Froulet, oncle de la marquise, qui, disait-elle, avait eu un cuisinier très distingué surnommé Roticet. Celui-ci avait inventé des gourmandises admirables, parmi lesquelles figuraient les saumons à la régence et les brochets à la chambord. Roticet se serait vanté d'avoir aussi inventé le potage à la jambe de bois. C'est ce potage à la jambe de bois, une sorte de poteau-feu dans lequel trône un jarret de bœuf présenté haut sans l'air façon jambe de bois, qui va nous permettre d'avancer sur l'appellation de la béchamel. Le vicomte de béchamel de Nointel démentit catégoriquement le fait que Roticet ait pu inventer la soupe à la jambe de bois, au titre que c'était lui-même qui l'avait inventée. Lui qui avait aussi, je le cite, eu l'honneur de donner son nom à la sauce blanche que vous savez. Ainsi, le vicomte de Béchamel se serait autoproclamé inventeur de la Béchamel. Quelques lignes plus loin, on peut lire que la déclaration du vicomte déclencha une remarque sarcastique du vieux Descartes. que l'auteur relata en ces termes est-il heureux ce petit béchamel j'avais fait servir des émincés de blanc de volaille à la crème cuite plus de vingt ans avant qu'il ne fût au monde et voyez pourtant je n'ai jamais eu le bonheur de pouvoir donner mon nom à la plus petite sauce ainsi selon le vieux descartes cette crème cuite existait déjà vingt ans avant la naissance du vicomte de béchamel soit vers au moment même où les cuisiniers espagnols de la reine anne d'autriche aurait introduit le roux en France. Malheureusement, aucune trace écrite n'atteste ces propos. Ce n'est que deux siècles après les faits que l'histoire de la béchamel prit forme sous la plume de Maurice Cousin de Courchamp. D'une part, il faut donc être prudent sur la véracité de ses dires. D'autre part, ce sont les seuls que nous avons à notre disposition et il faut bien faire avec. Pour avancer, supposons donc, comme nous le rapporte Maurice Cousin de Courchamp, que cette crème cuite, tout comme la liaison à la farine, existait déjà sous lui XIII, dans les années 1610, sans qu'on lui ait attribué une appellation quelconque. Après tout, il suffisait d'ajouter de la crème à cette liaison à la farine pour en faire une crème cuite. Un siècle plus tard, en 1739, cette crème cuite prend alors le nom de sauce béchamel. Cette domination tire son nom du financier Louis Béchamel, vicomte, puis marquis de nointel, né en 1630, mort en 1703, qui fut surintendant de la maison de M. Frère du Roi Louis XIV, puis titulaire de la charge de maître d'hôtel de Louis XIV, un titre honorifique qu'il avait acheté. Au-delà de ses compétences dans le monde de la finance, Louis Béchamel était en effet également réputé pour ses connaissances dans l'art culinaire et ses qualités de gourmet. Qualité confirmée par un de ses contemporains, le duc de Saint-Simon, qui écrivit dans ses mémoires que lui de Béchamel était un homme d'esprit et fort à sa place, qui faisait une chair délicate et choisie en mai et en compagnie. Cependant, lui Béchamel n'étant pas cuisinier, il est donc peu probable qu'il ait inventé la sauce Béchamel. Il est plus vraisemblable que ce nom ait été donné à cette recette de crème cuite dans le 1er tiers du 18e siècle et avant 1739. pour lui rendre hommage, comme cela se faisait déjà à cette époque. C'est pourquoi François Marin, dans les dons de Comus en 1742, met un B majuscule à Béchamel dans sa sauce à la Béchamel, pour bien signifier que celle-ci avait été baptisée ainsi à l'honneur du vicomte de Béchamel de Nointel. En revanche, pourquoi et par qui cet hommage fut-il rendu ? L'histoire ne nous le dit pas encore. Alors résumons cette véritable histoire de l'abbé Chamel. La liaison à la farine, encore appelée roux, aurait été introduite par les cuisiniers espagnols arrivés en France à compter de 1615, quand Anne d'Autriche est devenue reine de France par son mariage avec lui XIII. peu après en naquit lui de bechamel un financier averti qui était aussi un gourmet reconnu introduit à la cour de en soit trente-six ans après sa mort on découvre dans plusieurs ouvrages une sauce qui porte son nom la sauce bechamel il s'agit tout simplement de ce roux bouilli à la crème puis réduit les seuls témoignages que nous ayons à notre disposition sur l'origine du nom de cette sauce sont ceux de la marquise de Crécy, nés juste après la mort de Louis Béchamel, mais qui ont été rapportés et probablement complètement enjolivés par Maurice Cousin de Courchamp, 30 ans après le décès de la marquise et 130 ans après celui de Louis de Béchamel. Alors quand on dit dans cet ouvrage que Louis de Béchamel affirme que c'est lui qui a inventé cette sauce qui porte son nom, on peut raisonnablement supposer que c'est seulement une interprétation de l'auteur et non un fait intesté. conséquent il est plus que probable qu'un cuisinier reconnaissant au service de m ou de lui et donner le nom de béchamel à cette sauce à l'honneur de celui qui était alors surintendant de m puis titulaire de la charge de maître d'hôtel de malheureusement l'état des recherches historiques actuelles ne nous a pas encore livré le nom de ce cuisinier émérite c'est donc une affaire à suivre Je vous remercie de m'avoir écouté et j'espère que cet épisode vous a été profitable. Si c'est le cas, n'hésitez pas à soutenir mon initiative sur Apple Podcasts en faisant défiler la page de mon podcast Histoire et Gastronomie jusqu'à la section Notes et avis et en laissant une note 5 étoiles et un commentaire. 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