- Speaker #0
Humankind, créateur de dialogue. Le podcast qui donne la parole à ceux qui, à travers le monde, font la médiation. Je suis Faiza Alec d'Olivet, avocate au barreau de Paris et médiatrice certifiée. Chaque mois, je décortique les aspects concrets de cette pratique avec un expert. Bien plus qu'un simple outil de justice négocié, la médiation, c'est avant tout un processus de transformation des conflits par l'émergence du dialogue dans tous les terrains accidentés de nos vies, qu'ils soient économiques, sociaux, environnementaux ou juste humains. Humankind, c'est un lieu d'échange pour comprendre les mécanismes et les enseignements de la médiation avec celles et ceux qui la font vivre sur le terrain. Personnellement, je vois une démarche en mouvement. La médiation crée un espace sécurisé pour agir, réagir, interagir avec les parties et construire de meilleures solutions. Et pour ceux qui se posent encore la question, voici mon invitation. Soyez créatif, changez de perspective, explorez, soyez audacieux, soyez courageux, soyez vulnérable, définissez vos intentions. Projetez l'avenir. Apportez du changement. Soyez le changement. Maintenant, bienvenue à la table des négociations. Dans ce premier épisode de Humankind, je souhaitais revenir sur les fondamentaux, explorer les horizons de cette discipline. Et pour cela, je ne voyais personne d'autre que Birgit Zambet. Birgit, c'est une figure incontournable et emblématique de la médiation. Elle est pour la plupart d'entre nous un modèle d'engagement et de réussite. Convaincue, investie, tenace, Birgit n'a cessé de faire grandir la pratique et élargir nos horizons. Je suis ravie de te recevoir aujourd'hui pour ce premier épisode de Humankind, Birgit.
- Speaker #1
Merci Faïza.
- Speaker #0
Birgit, tu es avocate et médiatrice. Tu as exercé de nombreuses fonctions juridiques, notamment celle de juge du tribunal des enfants dans les débuts de ta carrière. Une étape qui t'a beaucoup marquée. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus ?
- Speaker #1
Oui, volontiers. D'abord, merci beaucoup pour cette interview. Je suis très honorée et aussi très émue parce qu'en définitive, cette médiation que nous partageons, toutes les deux, c'est plus qu'un métier. C'est une passion. C'est un investissement, je vais aller loin, mais c'est presque spirituel quelque part. En tout cas, c'est un chemin qu'on parcourt. Puis quand on commence à le parcourir, on y trouve aussi au bord du chemin des personnes qui sont sur la même voie, la même quête, et puis qui se posent aussi des questions. C'est ça qui est intéressant. C'est un chemin de découverte. Et en fait, on découvre en même temps un métier, on découvre en même temps une passion et on se découvre. Je pense que c'est ça qui rend cette médiation tellement « appealing » , comme on dit en anglais. C'est que c'est plus qu'un métier. Tu m'as parlé de mon métier d'avant, qui était vraiment une passion, et qui est toujours une passion. L'avocature m'a permis d'arriver là où je suis en médiation, parce que les débuts ont été très divers et variés. Tu as parlé de mon époque, qui a duré à peu près une douzaine d'années, de juge suppléante en fait. au tribunal qui s'appelle aujourd'hui Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant. Donc c'est plus que les enfants, c'est toute la famille. Et puis avant cela, j'ai un parcours qui est totalement commercial, bancaire, finance, ensuite de ça dans une big four. Donc on est dans quelque chose de carré, de clair. Et on part à un moment donné dans ma vie, après avoir eu mes deux enfants, dans quelque chose d'émotionnel, dans quelque chose qui est de l'engagement, puis qui est de la passion. Cet engagement pour la cause du droit des enfants et cette position de juge suppléante en Suisse, c'est quelqu'un qui a une position de juge et qui continue son activité d'avocate. Et donc je plaidais pour des enfants, notamment des enfants abusés sexuellement, des enfants maltraités au pénal, donc j'étais vraiment pénaliste, j'avais quitté le commerce. C'était vraiment du pur et dur avocat engagé. Et en même temps, avoir cette position de juge qui doit être neutre, indépendant, impartial, etc. Ça a été un challenge extraordinaire parce que ça m'a permis de comprendre que, oui, on peut faire les deux. Oui, on peut être là, investi, etc. Et on peut se dire maintenant, ici, j'ai une position de juge. C'est super difficile, la position de juge. Ça m'a permis de comprendre qu'en définitive, il n'y a pas plus difficile que de prendre une décision judiciaire. Et donc... Prendre ces décisions, ça a été vraiment une gageure qui fait que je me suis dirigée vers la médiation. Parce que finalement, je prenais dans mes audiences toutes les parties prenantes. Je prenais les enfants, les parents, le service social, les psys, les médecins, les profs, etc. Et on trouvait ensemble un accord pour faire en sorte qu'on puisse mettre en place un système qui permette à cette famille d'avancer. Pourquoi je raconte ça ? Je pense que c'est important de se rendre compte que, en définitive, la médiation c'est ça. C'est de faire en sorte d'examiner les intérêts des autres, lire les risques, les opportunités, d'examiner finalement quel est l'intérêt de l'enfant dans tout ça, et de faire en sorte de trouver une solution qui corresponde aux intérêts de tous et qui soit pérenne. Donc c'est pas uniquement... Vous vivez un accord, c'est vraiment trouver quelque chose qui permet aux gens de vivre. Donc on est dans quelque chose qui est complètement différent de mon métier de départ.
- Speaker #0
Oui, on dirait que la question de la posture dont tu parles, la posture du juge suppléant, la posture de l'avocat, finalement cette prise de conscience de pouvoir jongler ta nourrie dans la façon d'exercer ton métier et tes différents métiers, et puis d'aller progressivement vers... La médiation, mais comme une posture additionnelle finalement.
- Speaker #1
En fait, additionnelle ou complémentaire, je dirais. Et puis, c'est la compréhension aussi de ce qu'attend un juge, la compréhension de ce que va faire un avocat, qui permet de se dire et de réfléchir avec les parties en médiation sur les risques et opportunités. Parce que, pour rappel, en médiation, on va parler bien évidemment des intérêts et des besoins, mais on va parler des alternatives. Si on ne trouve pas un accord négocié, Si on ne trouve pas quelque chose qui soit satisfaisant pour tout le monde, qui va prendre une décision ? Parce qu'à un moment donné, il va falloir avoir quelqu'un qui prenne un rôle évaluatif si on n'arrive pas, en termes facilitatifs, de faire en sorte qu'on trouve ensemble une solution.
- Speaker #0
Finalement, c'est ton expérience précédente, tu parles de la banque, du commercial, et en fait cette pluralité d'expériences, de découvertes, de domaines, d'activités qui ont nourri en une... pluridisciplinarité dans ton exercice et une capacité d'analyse sur les alternatives.
- Speaker #1
Oui et puis cette pluridisciplinarité en fait c'est exactement ce qui existe dans une médiation. Alors non seulement ça m'a nourrie, c'est intéressant ce que tu dis, non seulement ça nourrit pas que moi d'ailleurs je pense les personnes qui exercent ce métier mais ça le crédibilise parce que ça veut dire que quand quelqu'un vient voir un médiateur, une médiatrice qu'est-ce qu'il y a ? un background de multifacette, comme ça. Il sait, il comprend d'où je viens, il peut comprendre, il peut avoir ce lien, je peux avoir aussi confiance dans cette personne, parce que ça, c'est une des plus importantes composantes d'une médiation, c'est qu'on a besoin d'avoir confiance dans le neutre, facilitateur, d'accord ? On a confiance dans le juge parce qu'on considère qu'il a été placé par l'autorité. Le médiateur, il faut établir ce lien.
- Speaker #0
Alors, comment est-ce qu'on établit ce lien ?
- Speaker #1
Je pense qu'on l'établit justement en écoutant, et on va parler certainement des compétences du médiateur, mais une des plus grandes compétences du médiateur, c'est l'écoute. Mais pas n'importe quelle écoute, c'est vraiment une écoute attentive. En général, on dit, c'est quoi les besoins fondamentaux fondamentaux ? C'est la faculté d'être pris comme être humain, et puis de grandir. Les outils de la médiation, c'est exactement ça. Par l'écoute, on va d'une part faire en sorte que tu sois une personne qui m'intéresse, d'autre part, par le questionnement, je vais te permettre et je vais me permettre de grandir. Et donc, c'est pour ça que la médiation c'est tellement intéressant, c'est qu'on dépasse la résolution de conflits. On passe à quelque chose de totalement supérieur. Donc cette écoute, pour revenir à ta question, elle permet le lien et elle permet de faire en sorte que « Ok, je te fais confiance et si je te fais confiance, je vais être d'accord que tu m'emmènes, que tu me poses des questions, que tu me sortes de ma zone de confort, que tu me fasses réfléchir à des risques que peut-être avec quelqu'un d'autre je n'aurais pas été jusqu'à là. » Et c'est ça qui va être transformatif en fait. Et donc ce lien de confiance, pour moi, il est primordial.
- Speaker #0
En effet, c'est aussi rentrer dans l'intimité et la facette occulte du conflit. On utilise souvent l'image de l'iceberg. Et là, on va aller beaucoup plus loin, en profondeur.
- Speaker #1
Alors on va aller beaucoup plus loin et très souvent, les parties me disent d'ailleurs, que ce soit en matière familiale, en matière successorale, en matière commerciale pure et dure, me disent mais... Vous savez, ce que je vous raconte là, je ne l'ai jamais dit à personne. Je ne suis pas en train de me substituer aux psy, ce n'est pas du tout ça, mais c'est un peu ce que fait Gary Friedman. Quand on réfléchit à « Going to the V » , quand il parle de ça dans ses livres, c'est de se dire qu'on va beaucoup plus loin que la superficialité, que c'est le fait de se remettre en question, d'abord de réaliser que quelque chose fait naître une émotion. et ça peut être en commercial comme en familial, c'est les émotions. La parole c'est la fenêtre sur les émotions, d'accord ? Donc c'est l'émotion et si on arrive à se rendre compte de cette émotion, on va pouvoir se poser la question de savoir mais pourquoi est-ce que j'ai cette émotion ? Et qu'est-ce que ça suscite ? Et pourquoi est-ce que ça me blesse ? Et pourquoi ça suscite un sentiment de peur, d'insécurité ? Finalement ça va nous permettre d'aller dans cet iceberg dans les intérêts et les besoins, voire les besoins fondamentaux. Et on voit en médiation qu'un des besoins fondamentaux, la reconnaissance, il est présent pratiquement à chaque situation où on essaie effectivement de faciliter. Mais que ça ne soit pas nécessairement un conflit, ça peut aussi être une facilitation d'une structure à mettre en place, etc. C'est qu'on est vraiment dans quelque chose qui va très loin en bas.
- Speaker #0
Tout ce que tu expliques, il y a une notion de temps. Peut-être quand on parle d'aller doucement pour aller vite. Prendre ce temps nécessaire à cette exploration. C'est un petit peu antinomique avec l'urgence de tout, et particulièrement de notre monde actuel. Donc, est-ce que la médiation, c'est reprendre ce temps ?
- Speaker #1
Alors, j'ai envie de dire, oui, c'est reprendre le temps, mais ça va très vite. Parce que lorsque le lien de confiance est établi, et puis qu'il est possible au médiateur, à la médiatrice, de poser des questions qui vont généralement être assez topiques, on va très vite. Ça ne veut pas dire prendre des mois. Ça ne veut pas du tout dire ça. Ça veut dire simplement prendre le temps de se dire qu'on ne va pas tout de suite discuter des options. Et avant que vous me parliez de vos options. De quoi est-ce que vous avez besoin ? Et si on ne fait pas ce temps, moi je dis toujours en fait la médiation c'est on va faire une promenade, on va faire un détour entre le problème et la solution, ou bien la position et la solution, d'accord ? On va faire une petite promenade, et puis cette promenade va nous amener d'abord à l'examen des intérêts, des besoins, des opportunités, des risques, l'examen des alternatives. Ensuite de ça on va réfléchir options, pas solutions, mais options. Qu'est-ce qui est possible ? Réaliste ? Pas réaliste ? On va analyser ces options, et une fois qu'on a analysé l'option, on va découvrir quelle est l'option qui correspond aux intérêts de tous, et on va pouvoir la finaliser par une solution, une résolution, un contrat. Donc, c'est ce petit détour-là, et ce petit détour, souvent les gens disent « j'ai pas le temps, je suis déjà en procédure depuis trois ans et demi » . Et mon grand motto, comme je dis, c'est de dire « Can you afford not to try to mediate ? » Parce que ce petit détour dont moi je parle, c'est trois semaines, c'est dix jours, c'est trois heures, c'est pas du tout trois ans. Donc est-ce que vous avez la possibilité de ne pas le faire ? Et si vous ne le faites pas, quel est le risque ? Je pose toujours la question en médiation, ou bien les questions en médiation, sur Quel est le risque de faire ? Ça, c'est la question usuelle. Mais surtout, quel est le risque de ne pas faire ? Et là, je pense que le risque, il est vraiment trop important, donc ça vaut la peine d'essayer. Et généralement, en tout cas, c'est ce qu'on entend, quel que soit d'ailleurs le résultat de la médiation, ça valait la peine d'être là.
- Speaker #0
Donc c'est un cheminement où le médiateur va amener les parties vers autre chose. Spontanément, elle n'avait pas envisagé toutes ses voies. et tu construis cet espace qui permet de changer de regard.
- Speaker #1
C'est exactement ça et je crois que c'est ce que j'enseigne aussi. C'est vraiment de se dire que ce processus est un cheminement. On parle souvent de conversation apprenante, on peut avoir d'autres images, mais oui, c'est exactement ça.
- Speaker #0
Cette complémentarité d'expertise, de compétences, et puis d'avoir été confrontée à la sphère pénale aussi. Tout ce spectrum de regards croisés, aujourd'hui, où ça se situe dans ton exercice ? Comment tu utilises tout ça ?
- Speaker #1
Tout, je vais toujours tout utiliser, puis je ne le fais pas du tout en faisant exprès, c'est vraiment totalement spontané. Et puis, comme j'exerce dans une très large palette d'activités, je fais de la médiation qu'on appelle « investor states » , donc vraiment des investisseurs et des États. de la médiation commerciale avec des billions de dollars, de la médiation commerciale entre des entrepreneurs, de la médiation de construction, de la médiation familiale. Et puis mon dada, je reviens à mes premiers amours, c'est la médiation pénale mineure, dans des affaires qui sont extrêmement touchantes. Donc bien sûr que je ne vais pas toujours utiliser les mêmes fibres. mais je vais pratiquement toujours utiliser le même processus.
- Speaker #0
Ça c'est intéressant, parce que c'est vrai que quand on parle de médiation, déjà il y a plusieurs approches en fonction des pays, et puis on peut ajouter la dimension restaurative, on peut envisager différentes postures. Donc pour toi, il y a vraiment quelque chose d'assez uniforme dans la façon dont tu travailles dans ces différents contextes.
- Speaker #1
Alors, je dirais la façon uniforme, c'est en fait de faire ce détour. Après, c'est clair qu'en médiation pénale mineure, c'est très restaurateur. C'est un processus éducatif, mais il peut être restaurateur aussi avec une affaire commerciale. On va utiliser peut-être pas tout à fait la même terminologie, mais en fait le processus est le même. Et ça va vraiment dépendre des besoins en présence.
- Speaker #0
Finalement, un médiateur c'est un artisan des émotions. Et de te voir exercer dans tous ces domaines, tout à fait varié. Et finalement, on se dit, ah ben non, mais en commercial, c'est complètement dénué d'émotion.
- Speaker #1
Mais ce n'est pas possible que ce soit dénué d'émotion, parce que tout ce qu'on fait, il y a une émotion derrière. Ça, c'est la première chose. Deuxième chose, dans une affaire commerciale, tu as un CEO qui est dépendant financièrement, en termes de reconnaissance, en termes de titres, en termes d'élections dans son poste, etc., de la marge de l'entreprise. Donc, c'est forcément... Le résultat de la médiation qu'on va avoir ensemble, avec un fournisseur, avec un concurrent, avec son board, peu importe où se situent les différents, on va susciter une émotion. Et puis, personne ne vient en médiation sans émotion. Jamais. Et c'est très drôle. Alors, petite histoire, j'avais une affaire successorale aux deux demi-frères dont un m'avait dit, vous comprenez Birgitte, ici, il n'y a pas d'émotion, it's just about money. Et puis arrivé à la table de la médiation, ce monsieur regarde son demi-frère, donc ce monsieur qui a une soixantaine d'années regarde son demi-frère quand il a une cinquantaine, et lui dit « Mom loved you more than she loved me » . Et là j'ai éclaté de riffs en disant « Wow, no emotions here » . Et ça a permis d'en parler et de se dire « il n'y a pas d'émotions » . Bien sûr qu'il y a des émotions derrière tout, il y a des émotions.
- Speaker #0
Évidemment c'est le... Le pivot, mais pourquoi est-ce que c'est si difficile de reconnaître cette place ? Pourquoi est-ce qu'on a tendance à spontanément prendre d'abord une approche de position ?
- Speaker #1
Parce que c'est la démarche, je dirais la démarche judiciaire en particulier, qui veut ça. Parce que la démarche judiciaire, elle parle d'un principe qui est le principe du syllogisme juridique. D'accord ? C'est les faits auxquels on va appliquer le droit. Et puis, soit... Si on est avocat, on va prendre des positions, puis on va les plaider. Soit, si on est juge, on va, sur ces faits et ce droit, on va appliquer le droit et on va rendre un jugement, une sentence arbitraire. Donc, on ne parle que de position. On ne parle absolument pas d'émotion. Ça n'a aucune valeur dans le système juridique actuel. Donc, ce n'est pas possible d'en parler. Alors, on peut le faire, mais généralement, on va vous dire « Oui, madame... » J'ai entendu que c'est tout. Alors que finalement, la médiation, elle va prendre les deux. Parce que je ne pense pas qu'on puisse dire qu'on va ne prendre que le dessous de l'iceberg. On va prendre les deux. On va prendre les positions et dire, expliquez-moi vos positions, mais expliquez-moi quels sont les intérêts derrière ces positions. Quels sont les besoins derrière ces intérêts ? Quelles sont les peurs ? Quelles sont les opportunités ? Donc on va faire ce travail-là. Et c'est pour ça qu'on voit les limites de la justice. comme ancienne juge suppléante, j'ai vu ses limites et puis je suis beaucoup plus heureuse dans ma manière de travailler là où je suis aujourd'hui.
- Speaker #0
Je rebondis sur cette notion-là parce qu'on dit de toi que tu es une médiatrice phénoménale et je cite « une spécialiste avant-gardiste avec une approche holistique et stratégique de la résolution du conflit » et je crois que c'est exactement ce que tu viens de démontrer, c'est de dire « les problèmes ne sont pas que juridiques » et la seule réponse juridique ou l'approche traditionnelle judiciaire ne suffit pas pour résoudre, comprendre et puis permettre aux parties d'avancer en fait.
- Speaker #1
Alors d'abord merci pour les qualificatifs, je suis très honorée mais je crois surtout que ma grande qualité c'est d'avoir été parmi les premiers quoi, en fait les premiers en Suisse je dirais et puis c'est assez facile d'être parmi les premiers donc c'est assez facile. C'est très chouette aussi parce que ça porte. On est dans un système où on se sent engagé avec d'autres, etc. Et donc, oui, bien sûr, on a des concepts, on a des idéaux. Donc, on parle de concept holistique parce qu'on a compris que la résolution de conflit, c'était plus qu'uniquement, on vient de le voir, quelque chose de ciblé sur les positions. Et puis que finalement, il faut prendre la personne, l'entreprise, le pays, dans son ensemble, la culture, les langues, etc.
- Speaker #0
Pour revenir sur ce dont on parlait brièvement, c'était les « invest estate » , donc les conflits entre État et investisseur. C'est quelque chose sur lequel tu as beaucoup travaillé ? Est-ce que c'est une dimension particulière de la résolution des litiges ou la médiation à sa place ?
- Speaker #1
En fait, c'est un cas dont je voulais te parler aujourd'hui. C'est un peu une spécificité, et tout le monde en parle aujourd'hui, d'accord ? Parce que les conflits entre investisseur et État, c'est un conflit commercial. C'est-à-dire que c'est un investisseur... comme n'importe quel investisseur, qui va se dire, plutôt que d'investir dans la société X, ou bien dans la structure Y, ou bien investir dans une construction, etc., il va se dire, je vais investir dans l'infrastructure de l'État. Parce qu'on n'investit pas dans l'État, d'accord ? On va investir en disant, je vais investir pour faire en sorte que le système bancaire fonctionne. Je vais investir pour faire en sorte que le système de télécommunication fonctionne. Donc c'est vraiment du commercial, simplement d'un côté on a un investisseur lambda, qui peut être soit une entreprise, soit un particulier, et de l'autre côté on a un État, par opposition à une structure commerciale. Mais ça change beaucoup les choses. Pourquoi ? Parce que l'État est lui-même le souverain dans la résolution de conflits. Donc si j'ai un conflit avec le souverain, quelles sont les dispositions mises en place ? pour faire en sorte qu'on soit sur un pied d'égalité. Alors que, bien évidemment, on ne l'est pas. On est dans une imbalance, très clair. Et donc, c'est ça qu'on a appelé « investor-state relationships » . Et puis, les questions qui se sont posées, on a commencé à les poser en se disant qu'est-ce qu'on met en place comme système juridique pour résoudre les potentiels conflits ? Parce que le système juridique mis en place, donc, usuellement, le judiciaire, ben... C'est compliqué qu'un juge vise lui-même un pays à fauter. Donc il y a un problème d'indépendance, il y a un problème des trois pouvoirs, exécutif, judiciaire et législatif. Donc pour pouvoir pallier à ça, on a commencé à parler d'arbitrage d'investissement. Et on a mis en place des systèmes d'arbitrage où l'arbitre est totalement externe et les parties se plient à cet arbitrage avec ce qu'on appelle les arbitrages XIT. Donc une organisation mise en place pour ça. Et on s'est rendu compte au fur et à mesure, et les règles de médiation viennent de voir le jour, notamment au CIRDI, le Centre International de Résolution de Conflits, on s'est rendu compte que la médiation pouvait être une réponse à ça. Pourquoi j'avais envie de parler de ça ? C'est qu'en définitive, ce qui est intéressant, c'est qu'on rajoute une composante qui est celle de l'imbalance et qui est surtout celle de l'exécutabilité de l'accord trouvé. Je voulais partager deux expériences que j'ai faites, où j'ai eu... Plein de choses qui sont arrivées qui m'ont interpellée. La première, donc une médiation avec un investisseur et un État, en l'occurrence un État africain, un investisseur pour tout le système de télécommunication. À un moment donné, l'investisseur européen, en l'occurrence, veut mettre un terme à la collaboration. Et là, les Africains en fait disent « Vous êtes venus, vous nous avez tout pris. » Et les européens disent « on est venu, on vous a tout donné, vous n'avez rien pris » . Et on est un peu dans ces systèmes, là en l'occurrence c'était le cas, presque de la guerre coloniale. En termes culturels, c'est très intéressant. Et donc, on a mis en place une médiation et j'ai eu la chance d'être désignée comme médiatrice dans cette affaire. Et j'ai été confrontée à deux choses que je trouvais intéressantes de partager aujourd'hui. D'abord, de bien réfléchir qui on met autour de la table. Parce que l'investisseur, ok, c'est généralement les représentants de l'investisseur, ça va être le directeur général, l'opérationnel, le juridique, et pas accompagné d'avocats. Mais du côté de l'État, qui est-ce qui vient ? Et puis, travailler avec l'État pour faire en sorte que les bonnes personnes soient autour de la table, c'est extrêmement difficile. Là, en l'occurrence, on a eu par exemple le ministre de la Justice. Un ministre de la Justice, il voit le droit, comme on l'a expliqué tout à l'heure. Donc c'est le syllogisme juridique. Il y a des positions et il y a du droit. Il n'y a rien d'autre. Donc c'est très compliqué de pouvoir expliciter ça sans qu'il se déjuge, sans qu'il perde la face. Très compliqué ça. Donc ça c'était très intéressant. Et ensuite de ça, une autre chose que j'ai trouvé intéressante dans cette médiation, on a finalement trouvé un accord. Et cet accord, quand il aurait fallu le signer, est arrivé ce... responsable chef des négociations du côté africain un type éminemment sympathique vraiment très bien formé dans la négociation et m'a dit L'accord est génial, mais je ne vais pas pouvoir le signer, nous n'allons pas pouvoir le signer. Et je l'ai regardé, je dis « et pourquoi ? » Il me dit « parce que j'aimerais pouvoir voir grandir mes enfants. » Et donc, ce que je vais essayer d'expliquer ici, c'est qu'on est dans des systèmes où la médiation fonctionne dans un système démocratique. Et la question, et c'est une vraie question, savoir est-ce qu'on peut médier dans des systèmes peut-être moins démocratiques, où il y a un risque sur sa propre personne d'avoir conclu quelque chose qui pourrait être considéré par les successeurs de l'État actuel comme quelque chose qui n'est pas dans l'intérêt du pays. Et donc il a continué en me disant, je préfère qu'on aille en arbitrage, nous allons. perdre en arbitrage, mais au moins ce sera comme d'habitude et puis on va pouvoir vivre avec ça. Donc pour expliquer qu'on peut avoir cette vision extraordinaire, holistique, motivante, etc. de la médiation, après la réalité, la réalité du terrain, la réalité culturelle, etc. elle est complètement différente. Un autre exemple, j'ai eu la chance de faire la première médiation CIRDI, de cet institut Investor States Dispute Resolution. Et il y a deux choses que j'ai trouvées très intéressantes. D'abord, on était deux co-médiateurs. Moi, j'étais la médiatrice, la spécialiste de la résolution de conflits. Et à côté de moi, il y avait un homme absolument extraordinaire qui connaissait la culture du pays duquel on parlait. Et non seulement la culture, mais aussi la manière d'élaborer les lois, la manière avec laquelle on parle avec l'État, la manière avec laquelle on structure une communication, comment est-ce qu'on fait pour faire passer des messages, etc. Et donc l'apprentissage pour moi, il était extraordinaire, mais ça a été un vrai plus. Donc ce n'est pas uniquement la résolution, mais c'est tous ces aspects autour qu'on oublie parfois dans d'autres médiations, qui sont aussi des médiations avec des composantes culturelles. Et ce qui était très intéressant aussi, c'est le dernier point que je voulais mentionner par rapport à ça, cette deuxième médiation s'est passée en plein Covid. Donc on a eu toutes les difficultés avec les visioconférences, mais qui finalement ont été parfois aussi des plus. Parce que par visioconférence, on a pu faire passer des messages qu'on n'aurait pas pu faire passer à des personnes autour de la table. Je m'explique. En fait, lors d'une visioconférence notamment en préparation avec cet État, on avait les deux négociateurs en chef sur la visio, mais on savait très bien que dans la salle, il y avait beaucoup d'autres personnes. Il y avait vraisemblablement le ministre de la Justice, peut-être même le chef d'État. Et donc, on a pu dire des choses du style, s'il vous est possible d'une manière ou d'une autre de parler avec votre chef d'État, ou avec votre ministre, est-ce que ça vaudrait la peine de lui parler de ça, ça et ça ? Qu'est-ce que vous en pensez ? Alors, il disait simplement les Ausha et la tête en disant, on va y penser, mais le but c'était de dire, on essaie de faire passer des messages. Donc, c'est aussi ça, la médiation c'est aussi comment faire en sorte que les gens ne parlent pas uniquement d'opportunités pour eux, mais aussi de risques, et puis qu'ils le fassent sans perdre la face.
- Speaker #0
Il y a énormément de créativité dans tout ce que tu décris, de possibilités d'ajouter des moyens de communication, d'utiliser des leviers qui ne seraient pas possibles devant une cour traditionnelle. Ce qui est intéressant sur cette notion de pouvoir, le rapport de pouvoir en médiation, c'est un sujet qu'on aborde beaucoup et le médiateur peut être un catalyseur et aider finalement à rééquilibrer un peu dans la mesure où ça n'affecte. pas la personne dans son intégrité future et comme ton premier exemple le décrivait très bien, quelle est la responsabilité de la décision que je vais prendre ? On entend bien que dans les conflits d'investissement, il y a une dimension politique, géopolitique, c'est ça qui différencie les enjeux et pouvoir les appréhender va permettre de mettre en place le meilleur process possible.
- Speaker #1
Oui, puis c'est le check de réalité. Bonjour ! Moi je suis une fan de check de réalité, c'est vraiment, c'est un peu ma marque de fabrique, mais c'est un moment de dire, tout est très beau, mais dans la réalité, on fait comment maintenant ? Et puis, mais que ça soit un investe-sté, ou bien une médiation pénale mineure, ou bien une médiation du divorce, c'est de dire, ok, mais maintenant on fait quoi ? Comment vous allez vous retrouver dans la rue ? Comment vous allez faire avec votre bande de copains ? Qu'est-ce que vous vous êtes imaginé ? Etc. Donc c'est vraiment aussi de se dire... On vous accompagne, non seulement dans la réflexion, puis dans l'idéal de solution, d'accord, de résolution, mais après, on fait comment ? Et puis, comment, quand, qui, où, etc. Donc vraiment quelque chose qui soit possible. Sinon, c'est juste du rêve.
- Speaker #0
Ça c'est intéressant parce que c'est vrai que c'est vraiment ta marque de fabrique, le Reality Check. Est-ce que tu veux explorer un tout petit peu plus cette notion ? Comment tu la conçois ? Qu'est-ce que tu veux dire quand tu dis aux partis, faites votre Reality Check ? Venez confronter la réalité. C'est quoi ?
- Speaker #1
Je suis quelqu'un qui travaille beaucoup avec le réalisme. On a parlé de l'holistique, mais le réalisme à tous les niveaux. Qu'est-ce que vous pouvez faire ? Comment vous vous sentez ? Ce n'est pas uniquement le « ou, quoi, comment, qui » , mais c'est aussi « est-ce que c'est quelque chose avec lequel vous pouvez vraiment vivre ? » Comment est-ce que je l'amène ? Je crois par des questionnements, je crois aussi par oser poser des questions. On va très loin dans cet accompagnement-là. Donc le check de réalité n'est pas toujours uniquement tac, pur et dur, mais c'est à tous les niveaux. Je veux dire, la réalité, c'est quoi la réalité ? Et comme on le sait, je veux dire, un autre de mes dada, c'est de dire, on est ici autour de la table parce qu'on a tous une perception de la réalité qui est différente. Aussi, vous pouvez percevoir la réalité de l'accord que vous avez trouvé maintenant complètement différente. Est-ce que c'est OK ? Et c'est ça la question.
- Speaker #0
Après, dans ce questionnement dont tu parles, il y a aussi beaucoup d'instincts du médiateur.
- Speaker #1
Je pense que le plus difficile avec l'instinct, c'est de se rendre compte qu'on en a un, et puis de l'accepter, de lui faire confiance. Et parfois aussi, quand on a fait confiance à son instinct, puis qu'on voit la personne en face, puis qu'on réalise que les ondes ne sont pas tout à fait aussi positives que ça, d'oser pouvoir dire « je suis désolée » . En fait, je pense que j'ai été un pas trop loin là. Ou bien je me suis maliné quelque chose, et en fait, je réalise maintenant à vous entendant que en fait, ce n'est pas du tout ça. Et je vous remercie d'avoir, peu importe, de pouvoir ensuite dire « it's my bad » . Parce que bien sûr, on utilise l'instinct, et puis il y a... On est aussi dans ces médiations, on est seul. Donc on est juste nous. Et puis ne prétendez pas être quelqu'un d'autre, quoi. Parce que ça ne marche pas. Donc il y a juste moi, il y a juste Birgit, il y a juste Faïsa. Je vais travailler avec ça. Et puis bon, je veux dire, l'instinct c'est quand même une partie de ce qu'on développe dans nos activités, que ça soit personnel, professionnel, etc. Donc à un moment donné, il faut aussi se faire confiance.
- Speaker #0
C'est un vrai apprentissage.
- Speaker #1
C'est l'apprentissage d'une vie, je pense. C'est très litché, devient qui tu es.
- Speaker #0
Après, je rebondis sur tout le travail que tu fais autour de la formation, l'enseignement de la médiation et un vrai engagement vers la transmission.
- Speaker #1
Qu'est-ce qu'il a dit Mahatma Gandhi ? Il a dit « Be sure you are sharing your knowledge. It's a way to reach immortality. » Soyez sûr de transmettre vos compétences, vos connaissances, de partager en fait, parce que c'est vraiment ce qui permet finalement à quelque chose d'exister, et puis d'exister sans vous. En plus de ça, j'adore transmettre, j'adore le partage, mais en médiation aussi, en fait on transmet aussi une partie de soi. C'est ça qui fait qu'on est très coachant. Moi ce qui m'intéresse dans ce monde, c'est de, je vais utiliser un terme anglais, mais to empower, donc de donner la puissance, de donner la connaissance, de... permettre et ça on peut le faire que si on est très sincère dans ce qu'on fait et puis qu'on soit vraiment ouvert Et puis, maintenant je vais revenir à quelque chose de complètement différent, mais c'est un marché la médiation. Et donc, la transmission, ça permet de créer ce marché. Et on va certainement parler de la Fédération Suisse des Avocats tout à l'heure, mais la transmission permet la création d'un marché, ça permet la création d'un groupe, ça permet la création d'un groupe d'intérêt, ça permet la construction d'un système, ça permet une structuration de quelque chose. Et sans transmission... C'était une phrase que j'ai entendue, que j'ai lue, qui a dit la maman de Kamala Harris à sa fille, « You may be the first one, but be sure you're not the only one. » Donc c'est vraiment ça, c'est-à-dire, on peut être pionnier, mais ça veut dire qu'on a une responsabilité sociale, universelle, à mon avis, de transmettre. Donc voilà un petit peu la raison pour laquelle la formation m'intéresse. Et puis aussi parce qu'il y a un changement sociétal qui est permis comme ça.
- Speaker #0
Dans ton mandat de présidente de la Fédération suisse des avocats, qui a été un mandat de deux ans, tu t'es engagée pour la médiation auprès de la communauté des avocats suisse. Est-ce que tu peux revenir sur ce que tu as accompli pendant ce mandat ?
- Speaker #1
J'ai eu la grande chance et l'honneur d'être désignée comme présidente, deuxième présidente dans 125 ans d'histoire, donc deuxième femme présidente de la Fédération suisse des avocats. Et puis... Et à l'évidence, je n'ai pas très bien compris pourquoi on m'a désignée, parce qu'en fait, je ne faisais déjà plus de l'avocature pure et due, parce que ça fait depuis 1997 que je travaille en médiation. Mais je pense que ce n'est pas pour rien. Et puis, je pense que la Fédération, les avocats sont aussi mûrs pour ce changement de paradigme. On réalise qu'il y a autre chose que justement le syllogisme juridique, qu'il existe, qu'il faut en tenir compte, mais qu'il y a aussi une autre chose à faire et qu'il nous appartient comme avocats de travailler d'une autre manière. également en parallèle. Donc oui, j'ai eu la chance d'être à ce poste et ce poste m'a permis, avec ma crédibilité de médiatrice, d'être incontournable avec cette médiation. Puis j'ai pris mon bâton de pèlerin, j'ai fait le tour de tous les cantons suisses, tous les barreaux suisses, j'ai fait le tour de toutes les organisations internationales dans lesquelles la Fédération Suisse des Avocats est impliquée. que ce soit au niveau européen, au niveau international. J'ai vraiment pris ce bâton de pèlerin pour ce, il y avait d'autres domaines, mais ce domaine en particulier, en disant, il y a un marché à prendre. Mais il y a un marché à prendre, pas dans le sens uniquement commercial, mais il y a un marché aussi à prendre dans l'humanisme que l'avocat se promet d'être et qu'il a fait en tout cas le vœu de démontrer lorsqu'il devient avocat et qu'il prête serment. Et puis cet humanisme fait qu'on doit proposer... autre chose que uniquement le syllogisme juridique. On doit proposer des alternatives et on doit en tout cas respecter la proposition d'alternative si quelqu'un d'autre la propose. Et donc d'ancrer cela, et c'était une des premières choses à faire, d'ancrer cela vraiment dans nos règles déontologiques. Donc ancrer la médiation dans nos règles déontologiques. Et puis ensuite de ça, il ne suffit pas d'en parler, il faut que les gens sachent de quoi ils parlent. Pour pouvoir faire en sorte que les gens sachent de quoi ils parlent, il faut les former. Il faut proposer des formations, donc on a monté une formation extraordinaire. Moi j'étais juste à l'instigation, puis j'ai un petit peu encadré le tout, mais la formation en tant que telle, elle a été montée par deux personnes, une en Suisse alémanique, une en Suisse romande, qui sont les directrices en fait des formations, et qui ont fait venir et qui font venir des intervenants un peu de partout, etc. Donc formation, pas uniquement pour devenir médiateur comme avocat, et aussi pour être très bon avocat dans une médiation, quel que soit d'ailleurs le genre de médiation.
- Speaker #0
Je crois que ça c'est très important de le rappeler, c'est que les avocats ont vraiment leur place en médiation, en tant qu'avocats accompagnant des partis. Et dans la stratégie, dans le travail qui va être fait conjointement avec le médiateur, les avocats ont vraiment de la valeur à apporter sur ce travail-là, et peut-être pas toujours conscience de cette valeur.
- Speaker #1
Alors je pense qu'ils en prennent de plus en plus conscience, et je pense que le public en prend de plus en plus conscience aussi. Parce qu'au départ on disait ADR, Alternative Dispute Resolution, c'était... « alarming drop in revenue » . Donc les avocats disant, j'étais bien placée pour le voir, comme présidente de la FSA, « Ah non, mon Dieu, on ne va pas pouvoir avoir le même genre de chiffre d'affaires en médiation. » On n'a pas le même chiffre d'affaires pour une affaire en particulier. Mais comme les affaires vont se succéder, parce qu'on va être connu pour ça, on va effectivement avoir le même chiffre d'affaires. Et je peux en parler parce que je pense que j'en suis la preuve. Et en plus de ça, on va travailler différemment. C'est-à-dire que toute la préparation de la médiation, elle va se faire avec les avocats et les partis. Et puis l'avocat va participer comme coach, mais il va garder son rôle d'assistance pour les partis, mais il va travailler avec les mêmes outils dont on vient de parler tout à l'heure. Il va réfléchir aussi en termes d'alternatives, en termes d'options, en termes de risques, etc.
- Speaker #0
En effet, il y a une vraie complémentarité. qui est très importante dans ce contexte-là. Si on revient un petit peu plus sur Birgit, est-ce qu'il y a quelque chose que les gens ne connaissent pas de toi, que tu voudrais partager ?
- Speaker #1
Alors, je ne suis pas sûre que les gens ne connaissent pas ma passion pour la montagne, parce que je pense que je l'ai pas mal affichée. Je suis quelqu'un qui est assez sportif, je me ressource dans le sport, je me ressource beaucoup en montagne. Et je pense que c'est peut-être aussi un message à faire passer, c'est de se dire qu'on a besoin de ressourcement. Que ce soit aussi la lecture, les voyages, j'adore les autres cultures, etc. Voilà. J'adore les soirées entre amis. Donc je ne fais pas que de la médiation. Parfois ça me barbe aussi. Mais je crois vraiment qu'on a besoin de se ressourcer pour être ensuite stable, et puis équilibré et se sentir dans une médiation. Parce que c'est ce qu'on attend du médiateur à mon avis. Et bien sûr, toutes ces médiations nous bousculent. On a parlé d'émotion des parties tout à l'heure, mais il y a l'émotion du médiateur. Donc chaque situation... me bouscule, m'interpelle, me met hors de ma zone de confort, me met à réfléchir à des choses. Et donc c'est absolument nécessaire d'avoir une soupape, c'est absolument nécessaire d'avoir d'autres endroits. Il y a une chose dont j'aimerais parler par rapport à ça, c'est que je suis vraiment en train de favoriser en Suisse le fait que les médiateurs soient supervisés. Et supervisés dans le sens... Non pas d'avoir quelqu'un qui dit c'est bien, c'est pas bien ce que tu fais, mais c'est d'avoir un espace ou un exutoire où on peut parler. Et ça je l'ai appris de ma formation, de mon activité comme avocate d'enfants abusés. C'est terrible ce que j'ai vu. Si je n'avais pas pu en parler avec d'autres, comme d'ailleurs dans tous les métiers humanistes, tels que les professions médicales, psy, les urgentistes. Ils ont des endroits de supervision. Chez nous, chez les avocats, d'ailleurs ça aussi ça m'interpelle, chez les médiateurs, il n'y a pas nécessairement cette obligation de supervision ou pas assez de ça. Et il ne faut pas le voir comme une obligation, il faut le voir comme une opportunité pour pouvoir revenir sereinement dans une médiation, puis d'avoir fait le tour de la situation, puis de recommencer avec quelqu'un d'autre et de ne pas être infecté.
- Speaker #0
Birgit, on approche tranquillement de la fin de notre épisode de YouMindkind. Pour clôturer cet échange, j'aimerais t'inviter au rituel de clôture pour nos auditeurs en répondant à ces trois dernières questions. La première, quelle serait la qualité essentielle du médiateur, s'il y en a vécu ? Ensuite, quel serait le livre, le film ou l'événement incontournable qui aurait inspiré ta pratique de médiateur ? Et enfin, quel serait ton conseil pour bien vivre ce métier ?
- Speaker #1
tout un programme. La qualité à mon avis c'est le courage dans toutes ses facettes. Le courage de vouloir, le courage et l'envie de vouloir, le courage de participer, le courage d'être. L'inspiration alors il y a un moment dans ma vie de médiatrice qui m'a vraiment inspirée c'est j'ai participé à un congrès à un moment donné à Edimbourg où William Uric, l'auteur notamment avec George Fisher de Getting to Yes, a fait un master class et puis Il a parlé d'une part d'un concept qui est « go to the balcony » , donc prenez du recul, allez sur le balcon. Allez, hein, allez prendre de la distance. Et puis la deuxième phrase qu'il a dite, que je répète très souvent, c'est « keep expectations low and aspirations high » . Gardez les expectatives de manière très minime. Et voyez les aspirations de manière très élevée. Et ça m'a inspirée pour finir sa phrase en disant And be inspiring and get inspired. Donc tout ce qu'on fait, c'est ça. C'est de se dire, il faut aspirer plutôt qu'expecter. Et puis il faut, si possible, se laisser inspirer et inspirer. Donc ça, c'était vraiment pour moi un eye-opener comme ça. Un livre, il y en a plein. Bien évidemment celui de Gareth Whitman, Inside Out, qui parle de ce que j'ai dit tout à l'heure, le going to the V. Parce qu'il y a plein de bouquins sur les techniques, etc. Mais moi, ce qui m'a vraiment, indépendamment de tous ces excellents livres, il y a quelque chose qui va au-delà de ça, parce qu'on est seul, donc notre instrument, c'est nous. Donc si on veut aider les gens à aller là, dans cet espace qui est dans soi, il faut avoir fait soi-même le travail. Et puis, peut-être en guise de dernière phrase et de conclusion, William Urey a toujours écrit un dernier bouquin qui s'appelle Possible. Et il finit avec ce questionnement, et j'ai envie de vous le partager, où il dit « If not you, who ? If not now, when ? » . Donc dans l'idée de dire à ceux qui ont envie d'embrasser ce métier, d'embrasser cette passion, go for it !
- Speaker #0
Merci Birgit pour ta participation à Humankind. C'était un moment de voyage fabuleux dans toute cette vie et ce parcours très inspirant autour de la médiation, mais pas que. Grâce à toi, évidemment, ça se déploie encore un peu plus dans nos têtes et dans nos cœurs. Merci.
- Speaker #1
Merci Faiza et merci beaucoup pour cette initiative parce qu'on a parlé d'inspiration tout à l'heure. Tu m'as beaucoup inspirée et j'espère que d'autres le seront tout autant.
- Speaker #0
Cette édite de Humankind, créateur de dialogues, est terminée. Si ce podcast vous a plu, n'oubliez pas de lui donner des étoiles ou encore de le partager sur vos réseaux. Pour ne rien rater des prochains podcasts, abonnez-vous. Et si vous souhaitez poursuivre la conversation, retrouvez-moi sur LinkedIn. Un grand merci à l'espace F360 de nous avoir accueillis pour ce podcast. Cette librairie indépendante à Paris incarne des valeurs en phase avec celles de Humankind pour contribuer à travers les arts, la littérature. et la culture à un monde plus humain.