- Olivier Adoveti
Ce qu'on a observé, c'est que les patients qui répondent immunologiquement au vaccin en tirent un bénéfice en termes de survie globale. On peut doubler leur survie et même on a eu des patients, un ou deux patients qui sont allés très loin dans le contrôle de la maladie avec un qui avait une réponse totalement complète.
- Journaliste
Bienvenue dans ce podcast proposé par l'Institut National du Cancer. Agence d'expertise sanitaire et scientifique de l'État, l'Institut National du Cancer fédère et coordonne les acteurs de la lutte contre les cancers en France autour d'un objectif, réduire le nombre de cancers et leur impact dans notre société. Il soutient financièrement chaque année des centaines de projets de recherche, autant de parcours de femmes et d'hommes que nous vous proposons de découvrir dans ce podcast. Pour ce nouveau numéro, nous prenons la direction du centre hospitalier universitaire de Besançon, dans le Doubs. Nous avons rendez-vous avec le professeur Olivier Adotevi, immunologiste et oncologue. C'est ici, dans ces laboratoires, que le professeur Adotevi et son équipe ont développé un vaccin thérapeutique destiné à stimuler l'immunité contre le cancer, et les premiers résultats sont très prometteurs. Son nom, UCPVax, il est le fruit de plus de dix ans de recherche.
- Olivier Adoveti
Je me nomme Olivier Adotevi, je suis professeur de médecine, spécialité immunologie et oncologie au CHU de Besançon. Je suis également directeur du laboratoire de recherche INSERM sur ces sites, dont le thème de recherche consiste à étudier les interactions, les anomalies immunitaires dans les maladies inflammatoires, l'automunité et les cancers, en vue de développer des nouvelles immunothérapies. J'ai été formé à Paris, à l'université Paris-Cité maintenant, c'était Paris-Descartes avant, jusqu'à rejoindre Besançno en 2010. J'ai initié ce programme de recherche pendant ma thèse, c'était mon sujet de thèse : développer des immunothérapies vaccinales contre le cancer.
Je vais aller voir ce qu'il y a dans l'incubateur pour essayer de vous montrer des cellules.
Ce vaccin est un vaccin thérapeutique, en opposition à ce que l'on connaît classiquement, le vaccin préventif. Cette fois-ci, le vaccin est injecté de façon thérapeutique comme un traitement chez le patient qui a déjà son cancer. L'objectif, c'est de stimuler cette défense immunitaire contre sa propre tumeur. Et nous la testons aujourd'hui, ce vaccin appelé UCPVax, qu'on a appelé vaccin universel pour une simple raison : qui dit vaccin dit antigène, contre lequel on vaccine le patient. Alors cet antigène est particulier. C'est un antigène qui est exprimé dans tout type de cancer et cet antigène, on l'appelle la télomérase, dont la fonction est primordiale pour la survie des cellules cancéreuses. En fait, la télomérase est une enzyme qui est exprimée par toutes les cellules cancéreuses, qui leur assure leur pouvoir d'immortalisation. Et vu sa fonction essentielle, tous les cancers l'expriment.
- Collaborateurs
Je ne comprends pas les résultats de ton dernier ELISPOT là. Oui, les mêmes plaques, les mêmes peptides que d'habitude. Je ne comprends pas non plus pourquoi on ne retrouve pas les résultats qu'on a. Mais par contre, il faut dire que c'est pas le même cancer.
- Olivier Adoveti
L'immunologie, c'est l'ensemble des mécanismes de défense de l'organisme. Défensse contre ce qu'on appelle les dangers extérieurs, par exemple les infections. Et défensee également contre les agressions ou les dangers intérieurs à l'organisme, directement les maladies auto-immunes, les cancers, et c'est dans cet ensemble qu'on appelle l'ensemble du système immunitaire. L'immunothérapie, c'est le traitement qui consiste à moduler les défenses immunitaires de l'individu dans un but, soit de freiner les défenses immunitaires qui sont exagérées dans certaines maladies, ou de l'augmenter, de l'amplifier dans d'autres pathologies où on a besoin d'avoir une défense immunitaire efficace comme les infections ou les cancers. Et notre hypothèse, c'est est-ce qu'en ciblant ce talent d'achille de la cellule tumorale, est-ce que ça peut permettre de contrôler la prolifération du tumorale et l'inhiber ? Bien entendu, je ne le fais pas seul ce vaccin. C'est toute une équipe qui travaille avec moi au quotidien. C'est une équipe pluridisciplinaire sur ce site, mais également à travers la France. On a deux grands pôles. Il y a une équipe du laboratoire de recherchôté hôpital, puisque l'hôpital est juste en face, on est sur le même site. Il y a mes collègues médecins de différentes spécialités, les biologistes, la pharmacie, les attachés de recherche clinique, les biologistes, microbiologistes et aussi, bien entendu, l'équipe de la direction de la recherche clinique de l'hôpital qui nous accompagne étroitement dans le montage de ces essais cliniques. On a aussi notre centre d'investigation clinique. Donc c'est une équipe pluridisciplinaire qui accompagne, qui est tout autour de moi pour conduire cet essai, et j'en suis très content.
- Collaborateurs
En fait, Marion, je viens de voir pour le Medval, si on doit déployer l'essai dans le mélanome bientôt là, il faut que l'essai démarre à la rentrée parce que sinon... On en est encore dans l'écriture. Et là pareil, on avait validé les...
- Marion Jacquin
Je suis Marion Jacquin, je suis ingénieure de recherche clinique au CHU de Besançon, au sein du Centre d'investigation clinique. Je travaille au développement et à la coordination des essais cliniques du vaccin UCPVax. J'interviens dès la conception des études cliniques, en amont, lors de la recherche des financements, la rédaction des documents de l'étude. Je suis à l'interface avec une équipe pluridisciplinaire, avec des médecins, le méthodologiste, les data managers, les pharmaciens, la cellule de pharmacovigilance et également les ingénieurs de laboratoire et les chercheurs. Je prépare également les dossiers pour les soumissions aux autorités réglementaires en collaboration avec la DRCI, qui est la Délégation à la Recherche Clinique et à l'Innovation.
- Collaborateurs
Prochaine campagne de production. Les prochains essais ? On est bon sur quoi ? Mélanome ça c'est sûr. Guillot lui on va le prendre. Oui, avec ... on va reprendre des corps.
- Marion Jacquin
Une fois que le vaccin a été fabriqué, on le réceptionne à la pharmacie, on le stocke dans les bonnes conditions de stockage et après on le dispense soit à des patients qui sont traités au CHU de Besançon, soit ensuite on envoie le vaccin à des pharmacies extérieures au CHU de Besançon, dans d'autres centres, soit de centres hospitaliers, soit de centres de lutte contre le cancer, pour que les essais cliniques soient menés dans d'autres établissements en France. Puis après, on a une partie "service après-vente". Quand les centres ont reçu le vaccin, ils font appel à nous lorsqu'ils ont des problèmes de prélèvement, des casses de flacons, des problèmes de conditions de stockage, etc. Donc vraiment, on assure le bon usage du vaccin dans les autres établissements en France.
- Olivier Adoveti
Nos travaux précliniques, avant d'arriver aujourd'hui aux essais cliniques, avaient validé cette hypothèse. où on avait montré dans les années 2011 et 2012 que lorsqu'on cible par ce vaccin la télomérase, on pouvait contrôler, on active les cellules immunitaires, notamment les fameux lymphocytes CD4, et ces cellules, le fait de les activer chez l'animal, chez la souris, permet de protéger ces souris au développement de la croissance tumorale. Et c'est à partir de là qu'on a émis l'hypothèse : est-ce qu'on pourrait aller plus loin ? C'est-à-dire aller le tester chez les patients. Et aujourd'hui, on a la possibilité, la chance, l'opportunité de le tester dans plusieurs cancers. Les cancers du poumon, les cancers du col, les cancers du canal anal, les cancers ORL, les cancers du foie, les tumeurs cérébraux, les glioblastomes, et bientôt dans le mélanome.
Et échéance, si on se met là, là, là, d'ici une ou deux semaines, c'est quoi ?
Nous avons choisi de cibler une population de cellules immunitaires particulières. Je donne l'exemple souvent que le système de défense immunitaire, c'est comme dans l'armée. Il y a les soldats et puis il y a les officiers qui les contrôlent, qui les envoient au front. Quand on stimule que ces soldats sans leur donner des guides, qui consistent à stimuler les officiers, ça ne marchait pas bien. Et bien c'est ce que nous on a fait, on a choisi ce vaccin pour ne pas stimuler les soldats, mais pour contrôler les officiers de la réponse immunitaire, les familles lymphocytes CD4. Donc ce vaccin ne stimule que cette population CD4 et une fois qu'on donne l'ordre aux officiers qui sont activés, ils donnent l'ordre à tous les soldats, les effecteurs du système immunitaire, les autres acteurs du système immunitaire, les CD8, les anticorps, les cellulaires NK, d'aller attaquer la tumeur. Ce qu'on a observé, c'est que les patients qui répondent immunologiquement au vaccin en tirent un bénéfice en termes de survie globale. On peut doubler leur survie. Et même, on a eu des patients, un ou deux patients qui sont allés très loin dans le contrôle de la maladie, avec un qui avait une réponse totalement complète. Il a été traité par le vaccin pendant un an, et depuis quatre ans, ce patient n'est plus traité, n'a plus aucun traitement aujourd'hui. Dans les cancers du col, le vaccin a été testé, pas seul, mais en association avec ce qu'on appelle les anti-PD1 ou anti-PDL1. Et là, les résultats sont encore plus spectaculaires, puisqu'on arrive à des réponses complètes chez 8 patients sur les 45 patients traités. Vous savez, la mise en place des essais cliniques est très très bien cadrée par les autorités sanitaires. Et la première phase de développement, c'est ce qu'on appelle les essais de phase 1, où on va tester sur un petit nombre de patients pour déterminer la dose non toxique du médicament, évaluer sa tolérance. Et ce premier essai, nous l'avons réalisé dans le cancer du poumon, chez des patients atteints de cancer avancé, en échec thérapeutique, et on pouvait leur proposer, puisqu'ils avaient déjà reçu le traitement conventionnel, ce vaccin. Et ce premier essai a été réalisé chez une quinzaine de patients au début. Une fois qu'on a validé cette étape, on a testé le vaccin, la tolérance, et les premiers signaux sur un grand nombre de patients, on est arrivé à 50 patients. Et les premiers résultats de ces 50 patients ont été publiés l'année dernière. On a montré que le vaccin était de bonne tolérance chez les patients, mais surtout, il a une bonne immunogénicité, puisque environ 80% des patients traités, vaccinés, pouvaient développer des réponses immunitaires contre le vaccin.
- Collaborateurs
C'est un peu différent. Il y a aussi le fait que le prélèvement là, il vient d'un centre extérieur. Le patient a été traité à Paris. Il faut qu'on dise peut-être à Marion de remettre le circuit de transport à froid. Ici, on est dans le laboratoire de la plateforme de biomonitoring où arrivent les prélèvements sanguins des patients et où dessus on va réaliser des analyses. Notre principale mission est d'évaluer et caractériser les réponses immunitaires chez des patients atteints de cancer, vaccinés ou traités par immunothérapie. Également identifier des biomarqueurs qui permettraient de prédire la réponse au traitement ou au contraire aux récidives pour essayer d'améliorer les stratégies thérapeutiques proposées aux patients.
- Olivier Adoveti
Aujourd'hui, il n'y a pas de semaine où on n'a pas un essai qui est positif en combinaison de tel ou tel cancer et qui, j'espère, amènera que les premiers vaccins soient autorisés bientôt dans les deux ans qui viennent en prescription clinique. Ça, j'en suis persuadé.
Il faut qu'on voit aussi pour l'approvisionnement de la poudre de peptides. Il va falloir retrouver quelques milligrammes de produits parce que je n'en ai plus beaucoup. On ne synthétise pas encore la molécule.
L'Institut National du Cancer met sur la table les appels d'offres. Donc, il nous soutient parce que le projet est évalué positivement, par des experts. Et ils disent, ben voilà, ce projet-là vous pouvez le financer. Et ce soutien a été très bénéfique pour le démarrage du premier essai. Vous imaginez en 2014, il y a les premiers anti-PD1 qui sont arrivés. C'est le boom de l'immunothérapie. C'est la révolution des traitements. Et il y avait des articles qui sortaient dans tous les grands journaux du monde etc. Et puis il y a des gens de Besançon, des équipes de Besançon qui arrivent avec un vaccin. Je pense qu'on a été très bien évalués. Ils ont dit "non, c'est pertinent, laissons-leur leur chance". Et le premier essai a été financé à l'auteur de 440 000 euros. Et ce n'était pas fini, on a reconduit d'autres essais, l'essai VolATIL dans le cancer du col, qui est positif aujourd'hui. Il y a un troisième essai récent, l'année dernière, dans le cancer du foie, et qui est mené sur le plan international. L'INSERM avait identifié, avait sélectionné le vaccin UCPVax comme l'avancée médicale majeure de l'année. Il y avait cinq avancées majeures en 2022, UCPVax en faisait partie, donc c'est une petite récompense qui nous encourage à poursuivre dans cette voie.
- Journaliste
Potentiellement applicable à la majorité des cancers, le vaccin thérapeutique UCPVax est considéré comme une avancée majeure de la recherche contre les cancers. C'est un véritable espoir pour améliorer la qualité de vie des patients et lutter durablement contre les risques de rechute. Et c'est pourquoi l'Institut National du Cancer soutient des projets comme celui du professeur Olivier Adotevi. Nous voici au terme de cet épisode. N'hésitez pas à le partager et à le commenter. Retrouvez tous les numéros de ce podcast sur le site de l'Institut National du Cancer et sur les plateformes d'écoute.