- Vahid Asnafi
La particularité de cette maladie, c'est que le développement, la transformation cancéreuse se fait aux dépens de cellules encore très jeunes. Et ceci... donne à cette maladie un caractère extrêmement agressif, fatal dans son évolution naturelle quasiment en quelques jours.
- Journaliste
Bienvenue dans ce podcast proposé par l'Institut National du Cancer. Agence d'expertise sanitaire et scientifique de l'État, l'Institut National du Cancer fédère et coordonne les acteurs de la lutte contre les cancers en France autour d'un objectif : réduire le nombre des cancers et leur impact dans notre société. Il soutient financièrement chaque année des centaines de projets de recherche. Autant de parcours de femmes et d'hommes que nous vous proposons de découvrir dans ce podcast. Dans cet épisode, nous vous emmenons à la rencontre des équipes du professeur Vahid Asnafi, hématologue à l'hôpital Necker-Enfants Malades de Paris. Nous allons plonger dans le quotidien de chercheurs qui travaillent sur les leucémies aigus lymphoblastiques de type T, aussi appelées LAL-T. Ces cancers du sang sont rares, mais graves. Ils touchent les jeunes adultes, mais aussi et surtout les enfants.
- Vahid Asnafi
"C'est toujours lundi prochain ? C'est à quelle heure ?"
- Journaliste
Pour mener à bien ses travaux, le professeur Asnafi est notamment accompagné de la pédiatre Manon Delafoy.
- Vahid Asnafi
"Donc on va pouvoir faire le point sur à la fois les annotations génomiques, sur le modèle Murat aussi ?
- Manon Delafoy
Tout à fait..."
- Vahid Asnafi
Je suis Vahid Asnafi, praticien hospitalier à l'hôpital Necker-Enfants Malades et professeur des universités en médecine à l'université Paris Cité. J'ai commencé mes études de médecine à Necker et j'y ai été diplômé en 1999.
- Manon Delafoy
Je m'appelle Manon Delafoy, je suis médecin pédiatre, spécialisée en oncohématologie. Je viens d'arriver dans le laboratoire du professeur Asnafi pour faire une thèse de science.
- Vahid Asnafi
Initialement, je voulais être pédiatre. Il se trouve qu'au cours de mes études, le premier certificat qui nous a été présenté et à valider a été l'hématologie. Et comme on dit, je suis tombé dedans. Finalement, je me suis spécialisé dans ce domaine. Évidemment, plus tard, j'ai réussi à réconcilier les deux, puisque je fais de l'hématologie essentiellement dans une pathologie qui atteint les enfants.
- Manon Delafoy
Je me suis orientée vers la médecine après le bac, j'ai effectué mes études à Tours, et puis je suis montée, comme on dit à Paris, effectuer l'internat de médecine. Donc moi j'ai fait un peu l'inverse, j'ai d'abord choisi la discipline pédiatrie, probablement par intérêt personnel, et derrière j'ai choisi d'orienter cette spécialité vers l'onco-hématologie.
- Collaborateurs Labo
C'est ça ? C'est le PDX pour quel projet ? Pour la SNS. Ok. Et on a dit qu'on en voudrait combien ? [Vahid Asnafi] : "C'est une pathologie maligne, c'est un cancer développé à partir de cellules du sang. La particularité de cette maladie, c'est que le développement, la transformation cancéreuse se fait aux dépens de cellules encore très jeunes, très immatures, qui ont un fort potentiel de prolifération. Et ceci donne à cette maladie un caractère extrêmement agressif, fatal dans son évolution naturelle quasiment en quelques jours. Si on compare les LAL-T au cancer du côlon, évidemment c'est une maladie rare. On a plusieurs dizaines de milliers de nouveaux cas de cancer du côlon par an, mais seulement 200 à 250 LAL-T annuellement en France. Il n'empêche que comme le cancer n'est pas fréquent chez l'enfant, et heureusement, ça en fait une maladie qui n'est pas rare chez l'enfant en termes de pathologie cancéreuse."
- Manon Delafoy
Il y a quelques très rares cas qui sont expliqués par la génétique, qui font partie des cancers qu'on dit héréditaires, mais qui expliquent qu'une très petite minorité des cancers pédiatriques à l'heure actuelle. Donc il reste beaucoup à faire pour mieux comprendre l'origine de ces maladies.
- Vahid Asnafi
Dans les LAL-T, pour des raisons qui nous échappent complètement, cette maladie garde encore un pronostic assez défavorable puisque plus d'un tiers des patients rechutent, et dans les situations de rechute, la survie est très très limitée. Donc on a des taux de survie globaux sur les LAL-T de l'adolescent et de l'adulte jeune, qui ne dépassent pas 60-70%. Donc il y a un contraste là assez saisissant entre ce sous-type de la leucémie aiguë qui résiste encore au traitement et à la guérison, malgré les progrès de la chimiothérapie, de l'antibiothérapie et de la prise en charge en soins intensifs, par rapport à d'autres hémopathies d'agressivité équivalente au diagnostic, mais qui elles vont très bien répondre à la chimiothérapie.
- Collaborateurs Labo
Salut Vahid. [Vahid Asnafi] : "Salut, salut, ça va ? Vous préparez la RCP pour tout à l'heure là ?" Il y a combien de patients qui sont inscrits à la RCP ? D'inscrits, il y en avait 3-4, mais en fait, il y a ...
- Vahid Asnafi
Nous sommes une équipe d'hospitalo-universitaires essentiellement, des médecins-chercheurs, donc avec une triple étiquette, médecins-praticiens à l'hôpital, enseignants et puis chercheurs. Et on a en parallèle, La chance d'avoir aussi une équipe de recherche au sein de laquelle travaillent de jeunes scientifiques essentiellement cette fois-ci et qui nous amènent cette façon finalement différente de regarder les choses qui est extrêmement complémentaire de la formation médicale. Donc notre force c'est d'avoir dans un lieu unique au sein d'une équipe thématisée la convergence de visions parfois très différentes. [Collaborateurs] : "C'est un cas... qui répond au critère de ce que prédisait l'expression phénotypique de ce biomarqueur à ce qu'on a testé in vitro sur les cellules du patient qui nous sont parvenues. Pour ce cas, on a une très belle positivité de l'IL-7 récepteur et de BCL-2. C'est un bon candidat à l'association Tophavene. C'est ce qu'on va proposer à l'RCP." On a eu deux étapes finalement : Une première étape qui était comprendre la maladie. On a maintenant une idée de quels sont les sous-types qui sont les plus propices. pour résister à la chimiothérapie, être à l'origine des rechutes. Et donc on entre dans une ère extrêmement prometteuse, qui est de tester des hypothèses thérapeutiques, qui vont cibler de manière spécifique ces connaissances qu'on a accumulées, pour essayer de développer ce qu'on appelle de la médecine personnalisée, de la médecine ciblée, de thérapies ciblées, qui vont permettre... oncogène par oncogène, individuellement pour chaque patient, proposer des alternatives thérapeutiques qui aujourd'hui n'existent pas.
- Collaborateurs Labo
Oui, là, tu vas prendre celui-là d'autres blottes. Tu es en train de charger des nanopères. Tu en passes très bien, là. Il y en a huit, on est base deux partout. On ne se rend pas compte, mais c'est vrai qu'on l'a vu en tour.
- Vahid Asnafi
Un des développements les plus récents et les plus importants, c'est la mise en place de notre plateforme de drug testing. Un peu comme quand vous avez une maladie infectieuse, on a identifié la bactérie, on fait un antibiogramme dessus pour savoir quels sont les meilleurs antibiotiques qui pourraient cibler cette bactérie. Notre espoir, c'est de proposer une sorte d'antibiogramme pour essayer de proposer au patient la meilleure combinaison de traitements qui va cibler de manière personnalisée la tumeur de ce patient et donc avec le moins d'effets secondaires possibles et le moins de toxicité possible.
- Manon Delafoy
Tout est basé sur les échantillons qu'on dit primaires du patient, qu'on va recueillir au moment de diagnostic et à des time points très précis du protocole. C'est sur ces cellules que tout le reste de la recherche va pouvoir s'effectuer. Tout est vraiment basé sur le malade pour appliquer au mieux les meilleurs traitements.
- Collaborateurs Labo
Sur une petite variante de petite taille, à un moment on filtre... Parce qu'il reste, à la fin de l'analyse, des variants et on doit trancher. Donc il y a quanjd même une analyse qu'on prévoit de faire avec Diamus pour qu'il mette en évidence peut-être des récurrences sur... Peut-être des variants qu'on aurait manqué parce qu'ils ne sont pas dans la liste des 500 gènes?
- Vahid Asnafi
Donc ça sous-entend de réaliser une ponction à l'intérieur de l'os pour aspirer la moelle osseuse, parce que la moelle osseuse qui est malade, qui porte la maladie, ce prélèvement est recueilli sur un anticoagulant pour empêcher qu'il se détériore. Il est acheminé le plus rapidement possible à un laboratoire qui est spécialisé dans le domaine. Et dans ce laboratoire, ces cellules vont subir une succession de modifications, d'une part pour les isoler, les purifier, et d'autre part pour extraire les acides nucléiques ARN, ADN. Ces échantillons sont ensuite stockés à long terme et vont subir une série d'analyses. Et l'ensemble de ces informations est ensuite intégré dans un dossier de compte-rendu biologique qui va d'une part affirmer le diagnostic, et tout ceci en quelques heures. Puisque la maladie est agressive, la prise en charge thérapeutique est urgente. Et dans un second temps, ceci va prendre plutôt 2, 3 à 4 semaines, on va réaliser les caractérisations génétiques.
- Manon Delafoy
Ça va permettre de définir comme une carte d'identité de la maladie qui est différente évidemment d'un patient à un autre et qui permet in fine aux cliniciens de guider au mieux le choix thérapeutique parmi tout un arsenal dont on dispose qui est plus ou moins restreint selon la pathologie et qu'on va choisir ensemble, on n'est jamais tout seul à définir un traitement, c'est discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire avec plusieurs médecins spécialisés dans le domaine et ça permet tout ça de guider au mieux le choix de la thérapeutique et de le réaxer, de le modifier en fonction de l'évolution de la maladie et comment le patient répond au traitement qui lui est proposé et est-ce qu'il a fait face ou non à des toxicités liées au traitement. On sait que des cellules sont capables d'échapper au traitement parce qu'elles restent en dormance, elles restent quiescentes et elles ne vont pas être visées, éliminées par les protocoles de chimiothérapie qui sont des protocoles longs, on parle de 6 à 9 mois de traitement intensif mais pour une durée totale de 2 ans de traitement et qui vont en fait réémerger une fois qu'on lève la pression de la chimiothérapie et faire le lit de la rechute plus tard. Donc l'idée c'est vraiment de comprendre ces étapes précoces qui fait que la cellule reste en dormance pour essayer de les viser aussi et faire en sorte qu'elle ne réémerge jamais.
- Vahid Asnafi
Donc vous avez lancé la nouvelle série de Bionano aujourd'hui, c'est ça ? [Collaborateurs] : 'Oui, j'en ai lancé les patients qui étaient à mon pouvoir.' C'est que des LALT ou il y a d'autres maladies ? [Collaborateurs] : "Principalement des LALT, mais après il y a d'autres maladies, des ..." L'Institut National du Cancer est un acteur évidemment majeur en cancérologie. Obtenir un grant de l'Institut National du Cancer, c'est la promesse. de pouvoir faire aboutir un projet de recherche. Le premier que j'ai réussi à décrocher, c'était un projet qu'on appelle PL Bio en 2015. Et ce projet-là nous a permis de fonder vraiment un axe d'immunothérapie dans les dossiers miégueux de l'infoblastique T. Derrière, nous avons, quatre ans après, en 2019, obtenu un PRTK de recherche translationnelle. Cette fois-ci. Et puis, y compris pour l'avenir, parce que les perspectives de développement de ça, avec une voie de signalisation qu'on a identifiée, qui implique, pour être un peu technique, la voie TNF Alpha, et qui nous a permis d'obtenir un troisième financement en 10 ans, en 2021.
- Manon Delafoy
Pour mon cas personnel, quand on décide de faire une thèse de science, on met complètement entre parenthèses notre carrière médical et clinicien. On fait une pause sur le financement qu'on pourrait avoir en étant médecin. On est obligé de faire appel à des appels d'offres dont fait partie l'Institut National du Cancer. C'est d'ailleurs celle que j'ai obtenue et qui me permet d'effectuer ces trois années de recherche de façon plutôt confiante.
- Vahid Asnafi
Ce sont les patients d'aujourd'hui. [Collaborateurs] : "Là, c'est une série d'extractions d'ARN. Qui datent d'hier. Du jour. que je vais faire aujourd'hui." Et c'est essentiellement des moelleux seuls ou tu as du sang aussi ? [Collaborateurs] : "Il y a les deux." Je pense que ma mission, c'est de former des esprits pour demain. Et pour ça, il est indispensable effectivement d'être entouré de jeunes parce que les jeunes sont capables aussi de remettre en cause parfois des idées qui sont sclérosées. Donc, avoir le bénéfice. de pouvoir encadrer, côtoyer, discuter, échanger avec de jeunes esprits récréatifs, c'est quelque chose qui est absolument primordial.
- Manon Delafoy
La recherche fondamentale, c'est évidemment essentiel pour mieux comprendre les maladies, mais c'est toujours plus joli de recontextualiser ça et de pouvoir apporter le bénéfice de ces recherches au lit du patient. Et le fait d'arriver à échanger, d'avoir dans l'équipe des scientifiques purs et des médecins cliniciens permet de gagner en efficacité et en translationalité. C'est absolument essentiel de travailler main dans la main, toujours avec l'objectif de mieux guérir et de mieux soigner les patients. Dans l'imaginaire collectif, un enfant n'a pas le droit de mourir. C'est assez trivial de le dire, mais on ne s'attend pas à ce que des personnes si jeunes soient touchées par des maladies si graves et évidemment, ça paraît impensable et il faut mettre absolument tous les moyens en œuvre pour les guérir et obtenir ce 100% de guérison qu'on espère tous atteindre un jour.
- Journaliste
La lutte contre les cancers de l'enfant et de l'adolescent est une préoccupation majeure de l'Institut National du Cancer. Pour cela, il continue de mobiliser fortement la recherche multidisciplinaire afin d'améliorer la connaissance de ces cancers et de développer des traitements toujours plus adaptés. Voilà pour cet épisode consacré à la recherche sur les LALT. N'hésitez pas à le partager et à le commenter. Retrouvez tous les épisodes de ce podcast sur le site de l'Institut National du Cancer et sur les plateformes d'écoute.