- Speaker #0
Certes, on a la tête dans les étoiles sur des projets d'avenir, mais très concrètement, on a l'idée sur Terre au quotidien. Très rapidement, on s'est dit qu'il faut expérimenter. Les belles théories sur le papier, c'est bien, mais concrètement, comment ça se passe ?
- Speaker #1
Inspire, explore, le podcast qui butine les initiatives et les inventions au cœur des territoires et qui en fait son miel. Saison 2 Aujourd'hui, Inspire, explore par butiner le pays des châteaux. La communauté d'agglomération de Blois-Aglopolis et les deux communautés de communes, celles du Grand Chambord et celles de Beauceval-le-Loire, regroupent 89 communes et comptent un peu plus de 150 000 habitants dans un territoire de châteaux et de vignobles internationalement connu. À partir de préoccupations touchant à la reconnaissance et au rayonnement du terroir et des paysages, les acteurs politiques de ce territoire sont vite entrés en sympathie avec les objectifs de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, du 13 octobre 2014. Ils en sont arrivés à penser une intervention publique complète, cristallisée autour d'un PAT, plan alimentaire territorial, et de son CLA, conseil local de l'alimentation. L'histoire a débuté en 2016, et tient pour beaucoup en la capacité d'impulsion, de mobilisation et d'animation des forces vives du territoire en matière d'alimentation. Pour qui ? Avec qui et bien sûr comment Camille, Christophe, Delphine et Jean-Luc vont vous en raconter l'histoire. Christophe Degruel, président du syndicat mixte du Pays des Châteaux, et Camille Chauvet, chargée de mission alimentation.
- Speaker #2
Alors il faut repartir en arrière et il faut prendre un cadre géographique un peu différent que celui du Pays des Châteaux. Le Pays des Châteaux regroupe trois intercommunalités, l'agglomération de lois que je préside, la communauté de communes de Grand-Chambord et la communauté de communes Beauce-Val-de-Loire. Et quand je suis devenu en 2008 président de la communauté d'agglomération, j'ai eu tout de suite deux priorités. Une première priorité, c'est mettre le paysage au cœur de nos politiques publiques. À l'époque, j'enseignais également à l'École nationale supérieure de la nature et du paysage. Donc le paysage dans un périmètre classé UNESCO, pour moi c'était fondamental. Et le paysage, c'était un agrégateur de politiques publiques. autour de, évidemment, le patrimoine historique et architectural, la beauté des paysages, la biodiversité, le rapport à la loi. Donc, premier pilier, le paysage. Et deuxième pilier, c'était l'agriculture et la viticulture. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans une région où, effectivement, l'agriculture et la viticulture, avec tout, j'allais dire, tout ce que charrie notamment la viticulture en termes d'images. Je voulais que ce soit reconnu. Vous savez que les agglomérations ont comme première compétence le développement économique. Mais je voulais qu'au sein de cette compétence développement économique, nous ayons une reconnaissance forte sur la question agricole et viticole. Et donc, j'allais dire, avec ces deux dossiers, paysage et agriculture-viticulture, on a cheminé, on a avancé. Donc en 2008, quand je deviens président... on organise un comice agricole. Et voilà, tout commence à prendre forme, paysage, agriculture, viticulture, agriculture périurbaine, comice agricole, lien avec les professions de l'alimentation, et j'emploie exprès un pluriel. Et puis, quand on avance dans l'élaboration de notre plan paysage, le paysagiste avec lequel nous travaillons nous propose sur un quartier de Blois, à cheval... sur deux autres communes, de mettre en place ce qu'il avait appelé un PANU, un parc agricole, naturel, urbain. Parce que sur cette partie de Blois, il y avait historiquement beaucoup de maraîchage. Donc ça, c'est la manière dont l'agglo, j'allais dire, initie cette réflexion. Et puis, au fil des ans, en discutant avec les élus des autres intercommunalités, et compte tenu de ce que sont les missions des pays, on se dit, il faut qu'on passe. à un stade supérieur. D'où l'idée de s'inscrire dans la démarche projet alimentaire. Mais ce projet alimentaire territorial, qui donnera le clas après, évidemment, il n'aurait pas pu exister s'il n'y avait pas eu au départ cette volonté politique paysage-agriculture. Et ça, c'est très très important, c'est un peu le message que j'aurais envie d'adresser aux collègues élus qui veulent se lancer dans un projet alimentaire territorial, donc dans un clas à terme, c'est s'il n'y a pas de volonté politique, s'il n'y a pas de réflexion sur la double question paysage, alimentation, ça ne marchera pas. Le grand message que j'adresse à tous les élus qui veulent s'engager dans ces démarches, on va dire, de justice alimentaire, de réflexion sur les circuits courts, sur une alimentation de qualité, c'est avez-vous un projet politique sur ces thématiques ?
- Speaker #1
La volonté et l'orientation politique est une condition sine qua non. Mais ensuite, que faut-il pour donner l'impulsion et développer la démarche ? La réponse ? avec Camille Chauvet.
- Speaker #3
On a fait partie d'un projet qui s'appelait le projet Goûter, gouvernance alimentaire territoriale, et qui était porté par l'association IUFN.
- Speaker #1
IUFN pour International Urban Food Network.
- Speaker #3
Et financé par la Fondation Carasso. Et ce projet, c'était de la recherche d'action autour des outils pour mettre en place des gouvernances alimentaires comme on peut le retrouver dans les... pays anglo-saxons, les food policy council. Donc on fait partie des cinq territoires identifiés avec Bordeaux métropole et la ville de Lyon ainsi qu'un autre pays en région centre et la région centrale. Donc ça a commencé en 2016 et ça s'est terminé en 2019 et ça a permis plusieurs choses, déjà de mettre l'accent sur cet espace, cette gouvernance avant de réfléchir à un PAT et Ça a permis aussi de sensibiliser les acteurs locaux sur nos territoires à cette notion qui est assez nouvelle, surtout dans les politiques publiques. Donc en 2018, on a utilisé le comice agricole, qui est un peu le salon d'agriculture local, pour commencer à parler de gouvernance. Après avoir sensibilisé les élus, il y a eu tout un travail avec les élus pour identifier si c'était... pertinent ou non de mettre en place une gouvernance alimentaire et à quelle échelle du territoire. Est-ce que ça doit être à l'échelle des communautés de communes, à l'échelle du pays, à l'échelle de Blois, qui est quand même une ville assez centrale, avec qui composera ce conseil local de l'alimentation. Donc en parallèle, il y a eu un diagnostic de l'agriculture et de l'alimentation qui a été mis en place et qui a permis de voir à l'échelle du pays des châteaux plus pour la partie consommation. et à l'échelle du Loir-et-Cher pour la partie production. Ça nous a permis aussi ce diagnostic, de voir qu'il y avait énormément de choses qui étaient quand même faites par les acteurs locaux et d'identifier les enjeux du territoire. Et par la suite, on a demandé, en même temps que la rédaction des fiches actions, la rédaction d'une charte pour bien connaître exactement les missions et le rôle de ce Conseil local de la l'innovation. Une fois qu'on avait notre plan d'action et notre charte, identifier les actions prioritaires. On a proposé parfois des temps en plénière au début des réunions, mais le but c'est ensuite de faire des petits ateliers pour que les personnes puissent échanger plus facilement. Alors ça demande beaucoup d'animation. On a mobilisé toute l'équipe du pays des châteaux et ça a permis aussi de mobiliser les chargées de mission PCET des autres communautés de communes, la chargée de mission tourisme pour la partie plus sur le terroir, les personnes du CIAS. pour faire le lien aussi avec le projet social de territoire ou le contrat local de santé. Et puis, on est arrivé à un moment où on avait fini d'identifier les actions prioritaires, fini d'identifier les actions, et on était dans la mise en place de ces actions.
- Speaker #1
N'entrons pas ici dans les arcanes de la gouvernance de la politique alimentaire orchestrée par le pays des châteaux. Ses cinq axes, sa cinquantaine d'actions et sa belle centaine d'acteurs mobilisés au long cours. ni même dans les trésors d'animation et d'ingénierie territoriales. Soulignons ici simplement ceci. Au cœur de la politique alimentaire territoriale se trouve la notion de justice sociale. Mais bien sûr, pour qu'il y ait un impact réel dans les vies, cela ne doit pas rester un concept. Sur ce sujet particulier, au cœur du fonctionnement d'une épicerie sociale et solidaire, voilà comment des acteurs associatifs s'y sont attelés. Jean-Luc Tournebise bénévole, responsable de l'approvisionnement de l'épicerie La Passerelle à Blois.
- Speaker #0
Et très rapidement, on s'est dit, il faut expérimenter. c'est-à-dire les belles théories sur le papier c'est bien, mais concrètement comment ça se passe ? Donc on a réussi à fédérer au départ, il y a des producteurs qui avaient déjà eu une expérience de travailler en commun, notamment pour mettre en place un circuit de bio pour la restauration collective, donc ils se connaissaient, et puis dans les associations d'aide alimentaire, il y en a trois qui ont dit, ok on part, on va expérimenter. Au départ, on a donc décidé de mettre en place un approvisionnement de légumineuses. Pourquoi des légumineuses ? Parce que ce sont des produits qui se conservent et au départ, on ne savait pas forcément la réaction qu'il y allait y avoir dans nos épiceries sociales par rapport à ce produit. Donc on a expérimenté. Et puis ensuite est arrivée la période du printemps, donc avec des productions en produits frais. Par contre, quand on veut des produits au mois de mai, juin, juillet, il faut les prévoir six mois à l'avance parce qu'il y a des plans de production. Il faut que les producteurs puissent prévoir. les produits dont on a besoin. Donc on a fait tout un travail au départ de se dire voilà les volumes que l'on pourrait consommer. Premièrement, est-ce que les producteurs sont en capacité d'y répondre, oui ou non ? Oui apparemment puisque le volume n'était pas très important. Et puis donc on a commencé l'expérimentation. Quand je suis arrivé il y a deux ans dans l'épicerie sociale, les rayons de produits légumes et fruits étaient le résultat des ramasses que nous faisons tous les matins auprès des supermarchés. Donc c'était des produits qui étaient en fin de vie, pas très présentables, très disparates en termes de quantité. Un jour il y en avait, le lendemain il n'y en avait plus, donc c'était ingérable. Donc l'idée était de se dire qu'on va prévoir des quantités qui pourront être approvisionnées régulièrement, de saison et frais et de qualité auprès des producteurs. On a donc bâti un cahier d'approvisionnement. L'expérimentation a montré très rapidement que les bénéficiaires de l'aide, les personnes qui viennent dans nos épiceries, ont trouvé très intéressant d'avoir des tomates, d'avoir des courgettes, d'avoir des concombres, d'avoir des aubergines de très très belle qualité et qu'ils pouvaient donc commencer à cuisiner avec ces produits-là. Et puis, on a donc aussi mis en place une logistique, parce que c'est bien joli d'avoir des productions un peu partout réparties dans le département, mais il faut pouvoir les regrouper dans un seul endroit pour faciliter l'approvisionnement, limiter les coûts de transport. Et donc là, on s'est appuyé sur l'expertise des jardins de cocagne, qui déjà fédéraient un certain nombre de producteurs, qui avaient l'habitude de faire des préparations de commandes. Et donc, ça nous a vraiment facilité la tâche, et d'autant plus que nos associations caritatives, les différentes qui étaient dans le projet, sont dans un rayon de 5 km par rapport à ce lieu de logistique. Donc, dans un souci aussi d'économie d'énergie et de limitation des transports, c'était donc très intéressant. Et aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe ? Les ramasses dans les magasins diminuent de façon catastrophique. Si vous voulez, entre le mois de janvier et le mois de juillet, les volumes que je récupère auprès de la grande distribution ont été divisé par deux. Et les volumes qui sont censés être approvisionnés par la banque alimentaire, c'est-à-dire des produits qui sont les produits de base, l'appareil, le sucre, le riz, ces volumes-là ont été divisé par trois sur l'espace de six mois. Donc aujourd'hui, je dois faire face d'une part à une augmentation des personnes. une augmentation de la fréquentation de 20%. Nous recevons chaque mois, nous enregistrons 1200 rendez-vous qui représentent à peu près 3200 personnes qui sont servies dans nos épicés avec une baisse de la production. Et heureusement, nous avons mis en place ce rayon de légumes parce qu'aujourd'hui, les personnes peuvent faire leur course non plus sur des boîtes de conserve et des produits qu'elles ne trouvent plus, mais ont réorienté leur consommation par rapport aux légumes frais. et aux fruits. Donc là, je dirais que c'est un véritable succès. Mais ça ne suffit pas. C'est-à-dire que d'avoir des beaux produits, c'est bien. Encore faut-il bien les présenter. Donc, on a investi dans du matériel de présentation. C'est là que c'est intéressant d'être dans le projet alimentaire territorial et d'être, je vous en parlerai après, dans le projet TETRA, au niveau national. C'est que là, nous avons pu bénéficier d'une subvention qui nous a financé la mise en place de ce rayon de présentation des fruits et légumes. Et puis avoir des beaux fruits, des beaux légumes bien présentés, c'est la condition nécessaire, mais pas suffisante. Encore faut-il que les personnes qui viennent les consommer les connaissent et les cuisinent. C'est-à-dire qu'au départ on a une idée généreuse, on pense que, mais on vérifie que c'est possible ou pas possible. On a cette souplesse de corriger le tir parce que nous sommes, en tant qu'épicerie sociale, nous sommes une association indépendante et on a pour ça beaucoup de réactivité. On fait du partage. mais aussi on réfléchit sur l'alimentation de demain, l'alimentation durable et notamment pour l'aide alimentaire. Parce que tous, on est convaincus que le système actuel de l'aide alimentaire... arrivent à bout de course, qu'il n'est pas satisfaisant, puisqu'ils reposent essentiellement sur des dons. Ces dons ne sont pas forcément qualitatifs et aujourd'hui, ces dons s'épuisent. Donc, il faut bien trouver des solutions alternatives et nous, on milie vraiment pour une alimentation de qualité, mais surtout de proximité. Et qui dit alimentation, c'est tout à fait lié aussi avec la production agricole. Donc, on s'appuie sur des nouveaux modèles de production agricole plus vertueux. plus respectueux de l'environnement et plus respectueux aussi de la vie et de la bonne santé des agriculteurs, mais aussi de leurs revenus financiers. Dans le cadre de notre projet, dès le départ, on s'est dit, nous paierons les produits au prix des producteurs. C'est-à-dire qu'il est hors de question que ces produits soient sous-payés. Et donc, c'est ça l'intérêt aussi des politiques, c'est qu'ils peuvent à un moment donné accompagner une démarche, favoriser son lancement pour qu'ensuite, qu'elle soit... elle-même pérenne et durable. Certes, on a la tête dans les étoiles sur des projets d'avenir, mais très concrètement, on a les pieds sur terre sur du concret, comment on fait au quotidien. Ce n'est pas simplement une idée philosophique, l'alimentation. C'est très concrètement pour qui et avec qui.
- Speaker #1
Pour qui ? La question est bien sûr centrale et ne doit pas rester une abstraction. Avec qui ? C'est une question tout aussi importante et qui fait référence à deux types de partenariats. Le partenariat de proximité, local, avec de nombreuses entités impliquées en réseau. Et le partenariat global, méta, qui environne, justifie et soutient l'idée même que des enjeux d'alimentation existent et qu'ils peuvent être pris en main à différentes échelles d'espace et de temps. Une fois encore, local et global sont indissociables et tout aussi nécessaires l'un que l'autre pour avancer sur l'objectif de durabilité et de résilience territoriale. pour s'atteler aux grands bouleversements qui nous font face. Le programme TETRA, avec deux A pour Territoires en Transition Agroécologique et Alimentaire, fait figure de pierre angulaire pour certains territoires qui en bénéficient. Il s'agit d'un programme en quatre ans, co-construit par une grande école d'ingénieurs et une fondation privée dans le giron de la Fondation de France. Delphine Ducœur-Joli, Agro-Paris Tech. Direction de la recherche, de l'innovation et du transfert technologique, coordinatrice du programme TETRA.
- Speaker #4
Le programme TETRA, c'est un programme qui a été lancé en 2020 et qui s'achèvera fin 2024. Un programme qui est porté par à la fois AgroParisTech et la fondation Daniel et Nina Carasso. C'est un programme qui vise à accompagner des territoires pilotes pour accélérer les démarches de transition agroécologique et alimentaire dans nos neuf territoires. C'est un programme qui comprend trois volets. D'une part, nous proposons un accompagnement financier pour soutenir les initiatives ambitieuses de nos neuf territoires en matière de transition. Ensuite, nous avons un volet qui vise à répondre à des besoins du quotidien de nos territoires. On organise des formations, on organise des groupes d'échange entre pairs pour nos territoires et tout un tas de dispositifs qui permettent véritablement de renforcer leur ingénierie pour mieux réussir leurs actions et surtout les pérenniser dans le temps. Et enfin, nous avons un troisième volet qui est plus un volet analytique et un peu de recherche aussi, recherche-action, qui vise à observer les mécanismes de la transition dans nos neuf territoires de façon à tirer des enseignements qui permettront à d'autres territoires qui souhaitent faire la même chose de progresser également. Donc, on a vraiment une vocation de rayonner au-delà de nos neuf territoires. Le financement, c'est 80 000 euros par an pour les territoires sur la durée du programme. Et en fait, c'était très ouvert, c'est-à-dire que... On a souhaité véritablement être au plus près des besoins des territoires. Donc, on n'a pas voulu fermer, donner trop de contraintes et un cadre trop strict en termes d'éligibilité des actions. Donc, on se retrouve avec des choses vraiment diverses et variées. Ça peut être financer une étude de faisabilité pour mettre en place une plateforme logistique. Ça peut être donner un coup de main à l'association qui va mettre en place l'approvisionnement en produits de qualité d'une épicerie solidaire. Ça peut être aider à la mise en place de jardins familiaux. Ça peut être vraiment, c'est très, très vaste. Ça peut être du fonctionnement comme ça peut être du temps de travail. Et justement, nous on insiste sur les 80 000 euros, il y en a forcément 30 000 qui sont dédiés à de l'animation. Parce qu'on considère que toutes ces actions, elles ont besoin d'être coordonnées. Il faut un chef d'orchestre et donc pour nous c'était important qu'une partie de la subvention aille directement pour financer des moyens humains qui manquent souvent à ces projets pour leur donner vraiment une envergure et changer d'échelle. Donc on finance des chargés de mission qui vont coordonner tous ces programmes. Et après, on peut très bien participer à la mise en place d'une banque de semences en maraîchage. C'est véritablement très vaste. Le Pays des Châteaux, c'est un des territoires très dynamiques chez nous. Ce qui nous intéresse, c'est notamment ce qu'ils mettent en place en termes de gouvernance autour des projets de transition, puisque au-delà des actions et au-delà des aspects très techniques qui sont liés à nos sujets, qui sont très vastes, puisqu'on travaille aussi bien sur l'agroécologie, on travaille sur la structuration de filières qui permettent de mettre en adéquation l'offre et la demande en produits de qualité sur des territoires, on travaille sur la consommation, on travaille aussi sur l'accessibilité des produits de qualité au plus grand nombre de citoyens. Donc vous imaginez que derrière tout ça, il y a des actions très techniques et très concrètes, mais... Il y a une question très importante qui ressort de nos territoires et sur lequel travaille notamment activement le Pays des Châteaux, c'est véritablement comment on organise tout ce travail, qui est le chef d'orchestre, comment autour d'une collectivité comme le Pays des Châteaux, on peut fédérer des acteurs pour les rendre véritablement acteurs aussi de ce qui se passe sur leur territoire et s'assurer que toutes ces actions, finalement, elles rencontrent un écho auprès des citoyens, des habitants. Donc ça suppose toute une petite logistique pas évidente du tout, de rencontrer tous ces acteurs, de les mettre autour d'une table et de faire en sorte que... au-delà de la vision, de l'ambition pour le territoire, on puisse véritablement mettre en place des programmes opérationnels qui mobilisent toutes les compétences, toutes les disciplines, tous les techniciens qui peuvent apporter leur pied à l'édifice. Donc ça, ça renvoie à la question du portage politique, ça renvoie à la question de la vision stratégique qu'on a pour le territoire. Ne serait-ce que la question de se dire quelle est l'ambition commune qu'on porte au niveau du territoire, déjà c'est une question complexe qui nécessite du dialogue territorial. Pour moi, Pays des Châteaux incarne bien ça. C'est vraiment quelque chose d'ambitieux, qui est intéressant. Il y a beaucoup d'autres choses dans ce qu'ils font, mais si je devais dire une chose, je pense que c'est ce qui me vient en tête en premier lieu.
- Speaker #1
Par rapport aux trois dimensions du programme TETRA que vous indiquiez, financière, appui et puis évidemment votre mission de chercheur, d'observation et de montée en généralité, comment est-ce que vous pourriez caractériser là aussi le partenariat avec Pays des Châteaux ?
- Speaker #4
Pays des Châteaux est investi. Alors ça, nous, ce qu'on organise, les sollicite beaucoup. Après, dans ce qu'on propose, bien évidemment, ils ne sont pas obligés de participer à tous les temps. L'idée, c'est qu'on a vraiment plein de propositions un peu à la carte. En fonction des disponibilités des agents, des techniciens, des élus dans les territoires, bien évidemment, ils participent ou pas à nos temps. Mais j'allais dire qu'encore une fois, Pays des Châteaux est très actif et participe sur beaucoup de nos temps. Et j'ai envie de souligner, par exemple, comme appui, on propose des groupes d'échange qui réunissent nos neuf territoires. Et eux-mêmes, on choisit des thématiques d'intérêt pour eux. Donc, on a un premier groupe qui traite justement de ces questions de gouvernance. Comment on travaille avec les élus ? Comment on travaille avec la population ? Comment on travaille avec les acteurs de l'écosystème qui est très vaste ? Donc, ça, c'est un premier groupe de travail auquel participent Pays des Châteaux. On a un deuxième groupe d'échange qui porte sur la structuration des filières et l'implication des opérateurs économiques, puisque, évidemment, dans cette chaîne alimentaire, on a... des entreprises comme des coopératives, des abattoirs, des ateliers de découpe. On a tout un tas de logisticiens et autres qui interviennent. Et là encore, on a un groupe qui vise à mieux impliquer cette sphère de l'économie. Et ça fait écho notamment à des activités du Pays des Châteaux, qui s'intéressent par exemple à la mise en place de plateformes de distribution pour ces produits. On a un troisième groupe qui porte sur la justice et la cohésion sociale, où là on essaye véritablement d'avoir une approche très ouverte, de faire en sorte que cette transition profite au plus grand nombre, y compris aux personnes précaires. Et là encore, Pays des Châteaux est actif sur ce groupe, avec des dynamiques très fortes chez eux, d'accessibilité à tous, avec des épiceries qui sont présentes sur le territoire et qui permettent de distribuer des produits de qualité à des personnes qui sont plus vulnérables, on va dire, en termes de pouvoir d'achat. Et enfin, on a un quatrième groupe qui vise à traiter la question de l'adaptation et de l'atténuation face au changement climatique. La participation active de Pays des Châteaux dans ces temps d'échange est vraiment à souligner. Mais après, ils s'impliquent partout. Par exemple, on a eu un grand séminaire qui réunissait l'ensemble de nos territoires et leurs partenaires qui a eu lieu à Blois. Donc là encore, le Pays des Châteaux aussi a permis l'organisation de ce temps, ses conséquences. Ça dure sur deux jours et demi. Et là, ça nous a permis d'être vraiment en prise avec un territoire et de pouvoir aussi... visiter par exemple le jardin de cocagne de Blois. Et voilà, donc là, c'est encore grâce au Pays des Châteaux qu'on a pu organiser ce temps, puisque nous, on est au niveau national et on a véritablement besoin de l'appui de nos territoires pour organiser tous ces temps. Donc voilà, à titre d'exemple. Et puis après, le Pays des Châteaux accueille aussi des stagiaires qui sont envoyés par le programme TETRA, par AgroParisTech notamment, justement pour faire cette analyse un peu fine des mécanismes de la transition. Et donc, on a eu un diagnostic agraire qui vise à repérer un petit peu les dynamiques à l'œuvre au niveau des agriculteurs et des entreprises agroalimentaires. pour repérer finalement ceux qui ont fait ce choix de la transition, pourquoi, comment ils s'inscrivent dans un paysage qui peut être plus ou moins facile pour amorcer ces changements de direction. Donc un stage de diagnostic agraire et puis également un stage plus sociopolitique qui vise à mettre en évidence un peu les jeux d'acteurs sur le territoire, qui vise à identifier un peu comment on inscrit à l'agenda politique ces actions en faveur de la transition agroécologique et alimentaire. Et donc là, c'est la discipline sciences politiques qui est convoquée. Et donc là encore, le Pays des Châteaux s'est livré à l'exercice en accueillant ces stages et qui feront l'objet d'une analyse au niveau du Pays des Châteaux, mais aussi au niveau du programme. Donc ça va alimenter, disons, des enseignements, comme vous disiez, pour monter un peu en généricité. Voilà, donc on a un territoire très dynamique, mais c'est vrai qu'on a choisi ces territoires comme étant assez dynamiques. Alors après, on ne les connaissait pas forcément. Et c'est vrai que c'est plutôt une bonne surprise. On a des personnes qui sont très moteurs, mais qui peuvent parfois manquer de ressources humaines, financières. Et donc le programme vise à renforcer ça. On a des gens très motivés, mais nous, on essaie d'apporter un soutien, un renfort. Sachant que l'originalité, c'est d'être pas uniquement sur de l'accompagnement financier, mais visiblement sur du renforcement de l'ingénierie de projet, de transition, et ce petit volet recherche aussi, enfin ce gros volet. Donc ça, c'est l'originalité du programme, et c'est ce qui fait que c'est assez apprécié par nos territoires, c'est-à-dire qu'on n'est pas juste là à distribuer de l'argent. Il y a véritablement un échange qui se crée, et surtout une dynamique collective. Le Pays des Châteaux a interagi avec d'autres territoires, et véritablement, ils ont besoin de pouvoir échanger sur leurs projets au quotidien. Nos territoires Tétras, c'est en fait des consortiums, des collectifs d'acteurs locaux qui se sont réunis pour candidater à notre programme. Donc on leur a demandé de nommer un chef de file. Donc là, le chef de file est très souvent une collectivité. Donc en l'occurrence, Pays des Châteaux est chef de file, mais conduit son programme avec tout un tas de partenaires. Donc nous, en fait, on soutient certes le Pays des Châteaux, mais également les partenaires de Pays des Châteaux, puisqu'il y a eu des conventions ensuite de reversement, etc. Donc Pays des Châteaux n'est pas isolé. Il y a aussi des poussées, on va dire, du côté des acteurs qui sont autour de cette collectivité. Et j'allais dire, c'est véritablement la rencontre de ces acteurs, des points de convergence qui les réunissent, qui font qu'une dynamique va pouvoir s'enclencher. Je pense que c'est rarement une collectivité toute seule qui peut faire le travail. Il faut que les organisations professionnelles autour soient présentes, il faut qu'il y ait une mobilisation citoyenne via des associations, comme c'est le cas pour Pays des Châteaux, il y a tout un tas de structures qui gravitent et qui sont elles aussi... invité au temps qu'on propose dans le programme TETRA. Donc c'est vrai que je suis un peu réductrice en disant le territoire TETRA, c'est le pays des châteaux, c'est le pays des châteaux et ses partenaires. Et voilà, donc il faut réussir à fédérer ces acteurs et c'est ça qui fait qu'on peut avancer dans la bonne direction. Ce qui est certain, c'est qu'à l'échelle locale, il y a beaucoup, beaucoup à faire. Il ne faut pas se décourager et il faut se dire qu'il y a des résultats très concrets, très tangibles pour les populations qui peuvent intervenir à ce niveau-là.
- Speaker #1
Avec le programme TETRA et sous l'impulsion du Programme National de l'Alimentation, lancé par le ministère, Le local n'a donc plus à prouver sa légitimité sur les questions alimentaires. Reste à savoir si les territoires vont massivement s'en saisir ou pas. Nous sommes là, ni plus ni moins, sur la question de la mise sur agenda politique, c'est-à-dire sur la question de savoir si la sphère des politiques publiques a vocation ou non à se saisir de telle ou telle question. C'est d'une certaine manière la question de l'innovation territoriale qui se pose et celle de la capacité à embarquer les habitants et les acteurs d'un territoire sur le temps long. Concluons cet épisode comme nous l'avons ouvert, avec la parole de l'élu, Christophe Degruel.
- Speaker #2
En matière de politique publique, il faut être évidemment innovant, mais il faut être aussi dans le bon tempo. C'est-à-dire que, attention, moi j'adore les romans d'anticipation, les dystopies, les science-fiction, mais quelquefois, si on est trop en avance, on passe à côté. Parce que, j'allais dire, pour parler... comme les gens de l'économie, la loi de l'offre et de la demande, c'est une réalité. Et si votre offre est beaucoup trop en avance par rapport à la demande sociale, vous êtes à côté de la plaque. Et en même temps, de l'autre côté, si la demande sociale, ou j'allais dire la demande sociétale même, est forte et que vous, vous n'êtes pas capable d'ouvrir, il ne se passe rien. Tout le travail, en tout cas, moi c'est comme ça que je conçois mon mandat de président, c'est d'être ce point d'équilibre entre l'innovation, donc plutôt l'offre, et d'être attentif à la demande, ou on pourrait dire, pour parler un peu plus sérieusement, à la dimension anthropologique des choses. Donc, il faut toujours trouver ce point d'équilibre, être innovant, et aller chercher, j'allais dire, cette demande sociétale, cette acceptabilité sociale. On a un CLAS, un Conseil local de l'alimentation, qui fonctionne bien, qui prend des initiatives, qui associe des personnes sans responsabilité particulière, donc des citoyens engagés. Donc moi, je les pousse beaucoup. Il y a un travail d'animation. Et en même temps, je dis aux membres du CLAC et aux équipes du pays, attention. C'est-à-dire que les gens à qui on s'adresse, ce sont les plus motivés. Et donc, c'est toujours le danger du biais de confirmation ou des biais statistiques. Quand on a eu un rendu très intéressant sur les nouvelles pratiques alimentaires, quand on regardait la sociologie par CSP de ceux qui avaient répondu et la réalité socio-économique de notre territoire, il y avait un décalage. Donc je leur dis, soyez une avant-garde, mais n'oubliez jamais qu'il y a des gens derrière.
- Speaker #0
En lançant son programme national pour l'alimentation, le ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a institutionnalisé une thématique, jusqu'il y a peu plus tôt étrangère, à l'agenda politique local. Pourtant, lorsqu'il s'agit de, et je cite, assurer à la population l'accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, produite dans des conditions économiquement et socialement acceptables par tous, favorisant l'emploi, la protection de l'environnement et des paysages et contribuant à l'atténuation et à l'adaptation aux effets du changement climatique, on voit bien à quel point les territoires sont directement concernés. Le pays des châteaux s'est précocement impliqué dans ce nouveau fonds de politique publique et a bénéficié de soutiens publics comme privés, parmi lesquels l'ADEME, la DRAF, AgroParisTech, le groupe Danone via la Fondation Carasso, et une myriade de producteurs transformateurs, de professionnels de l'hospitalité et de l'attractivité, et d'associations du champ caritatif. Le plan alimentaire territorial du Pays des Châteaux fait partie de la première poignée de PAT entièrement validée par le ministère. Les questions de diversité agricole, de paysage, de création de filières pourvoyeuses d'emplois, de transition vers un modèle de production durable, d'accessibilité à une alimentation saine à tout moment, tous les publics et de mise en valeur du terroir sont désormais portés par un Conseil local de l'alimentation solide à la gouvernance étendue. Pour toutes ces raisons, le Trophée de l'innovation territoriale 2022 de la NPP catégorie Alimentation a été décerné au Pays des Châteaux. Bravo à eux, merci à vous et à bientôt.