- Speaker #0
La démographie, les boîtes de développement mettent en danger notre planète et ses habitants. L'état vert, multivers, numérisateur.
- Speaker #1
Peu importe le scénario, il faudra compter avec les forces les plus puissantes de notre époque.
- Speaker #0
L'économie, l'économie, l'économie. Celles-ci doivent évoluer dans le sens d'un développement vertueux et attentif aux vivants et répondre aux besoins de nos peuples. Merci.
- Speaker #1
Bienvenue dans Interface, le podcast de la communauté impact sociétale du CEA, le podcast où les sciences et l'innovation rencontrent la société. Aujourd'hui, pour lancer ce podcast, nous avons le plaisir d'accueillir Michel Hida, à l'origine de la création de cette communauté en 2021. Bonjour Michel.
- Speaker #0
Bonjour Julien.
- Speaker #1
Comment allez-vous ?
- Speaker #0
Écoutez, ça va bien. Aujourd'hui, je suis très heureux d'être ici.
- Speaker #1
Alors, où sommes-nous ?
- Speaker #0
Ici, nous sommes dans le grand centre d'innovation ouverte du CEA, qui s'appelle Y-Spot. Et pour moi, c'est un véritable aboutissement parce que, quelque part, ça marque une étape à 25 ans de carrière.
- Speaker #1
Donc, Michel, vous êtes ingénieur en microélectronique. Vous avez commencé votre carrière au CEA Letty et dirigé de nombreux programmes de recherche en micro, nano, optique, biotechnologie et objets communicants. Vous êtes également pionnier des Open Labs en France et fait chevalier de l'Ordre national du mérite en 2014 pour vos travaux et ceux de vos équipes sur l'innovation ouverte multidisciplinaire. Vous êtes notamment... à l'initiative des créations des Open Labs du CEA en 2021, AIDIS Laboratory, l'atelier Art et Science et Light Design Lab, entre autres, carrefour entre science, technologie, design industriel et art. C'est quelque chose, c'est des questions qui vous intéressent depuis très longtemps.
- Speaker #0
Tout à fait, et c'est ce qui va me donner le temps de vous expliquer un peu plus là où nous sommes et pourquoi ce grand centre d'innovation ouverte. Il faut remonter pour ça quasiment à la Deuxième Guerre mondiale. L'innovation à l'époque en France et jusque dans les années 80, elle était très technocentrée, très technopouche comme certains le disent. Une innovation qui part de la technologie et de la science pour aller vers ses applications. Et en même temps, pendant la Deuxième Guerre mondiale, vous vous rappelez peut-être, il y avait une école en Allemagne qui s'appelait l'école du Baos. Et les Allemands à l'époque avaient imaginé faire travailler ensemble tout un tas de métiers pour recréer l'intérieur de la maison, pour faire du design finalement d'intérieur. en partant à la fois de l'ingénierie, de la science, de la sociologie, des sciences humaines, des designers industriels, etc. Et puis les nazis ont finalement fermé cette école. Les professeurs se sont exilés pour une bonne partie aux États-Unis, qu'aux Est et qu'aux Ouest. Et on a vu ressurgir ensuite ces idées-là, ces idées de multidisciplinarité et d'innovation ouverte, à la fois au MIT, au Media Lab, qui a été créé par René Groponté. et en même temps sur la côte ouest, à Stanford par exemple, à la Design School de Stanford et bien d'autres endroits. Et nous, au CEA, nous avons repris cette idée de repartir finalement de l'utilisateur des usages et donc dans une perspective d'innovation ouverte et partagée, multidisciplinaire, à partir de la fin des années 90. Et vous avez tout à fait raison, c'est ça qui nous a poussés et qui m'a poussés. a créé IDIS Lab, l'Atelier Arts Science, Alps Design Lab et d'autres Open Labs. Et c'est pour cela que nous sommes les pionniers des Open Labs en France. Et aujourd'hui, ce grand centre d'innovation ouverte, Y-Spot, Y pour l'Y dauphinois, les trois vallées qui conduisent à Grenoble, c'est l'idée de rassemblement, il incarne tout cela. Et c'est l'équivalent d'un grand centre d'innovation ouverte que l'on trouve, les autres grands centres d'innovation ouverte que l'on trouve sur la planète.
- Speaker #1
En 2021, vous avez créé la Communauté Impact Sociétal des Technologies du CEA. qui se consacre à mieux comprendre l'impact des innovations du C.A. sur la société. Donc pour vous, c'était quelque part une suite logique ?
- Speaker #0
C'est une suite logique parce que, ou plutôt c'est une suite nécessaire. Il y a 20 ans, au début des années 2000, comme je l'ai dit, on est passé du technopouche à un recentrage sur les usages et sur l'humain. Aujourd'hui, 20 ou 25 ans après, on doit se recentrer sur la planète, l'environnement et la cohésion sociétale. C'est une étape de plus, donc elle est effectivement absolument nécessaire et voilà pourquoi j'avais envie de m'intéresser aujourd'hui à la question des impacts sociétaux et des impacts de ces technologies sur notre société et sur sa cohésion.
- Speaker #1
C'est une question que je pose à chaque invité. C'est quoi l'impact sociétal ?
- Speaker #0
Alors pour moi, l'impact ou les impacts sociétaux, ça englobe les impacts environnementaux, c'est-à-dire que c'est tout ce qui va impacter positivement ou négativement. les applications des technologies sur notre monde, sur notre société. À la fois l'environnement dans lequel on évolue, donc notre planète, ses ressources, et la pollution, etc. Comment améliorer les choses et en même temps, comment être conscient que certaines technologies vont nous faire douter ? Est-ce qu'elles peuvent générer de nouveaux problèmes ou pas ? Et anticiper finalement ces questions-là pour pallier ces problèmes et essayer d'éviter de nuire à l'environnement ou de nuire à la cohésion sociétale.
- Speaker #1
On est dans un environnement de plus en plus peut-être stressant où il se passe beaucoup de choses. La guerre sur le sol européen, on voit tout ce qui se passe. se passe au niveau géopolitique, au niveau environnemental ? Est-ce que vous pensez que c'était vraiment la période pour créer cette communauté ? C'était vraiment le bon moment ?
- Speaker #0
Oui, tout à fait, parce qu'il y a eu un phénomène d'accélération dans les cinq dernières années. On avait anticipé ces choses-là dans les open labs, dans IDIS Lab en particulier, IDIS Laboratory, où on voyait depuis déjà une bonne dizaine d'années arriver le risque d'une guerre en Europe. Elle se profilait plutôt à horizon 2045. Il se trouve que ça a été beaucoup plus tôt et que l'on a aujourd'hui une guerre qui a démarré sur le sol européen entre l'Ukraine et la Russie. La deuxième raison, on peut la citer, c'est qu'on avait aussi la prévision d'une pandémie mondiale. Des gens comme Bill Gates, par exemple, l'ont annoncé il y a déjà bien longtemps. Donc les prospectivistes envisageaient cette idée de pandémie mondiale. Et on l'a vu arriver beaucoup plus tôt. avec la pandémie Covid-19. Et puis, on constate aussi quelque chose d'encore plus terrible, à mon sens, c'est qu'on voit une montée très forte du relativisme, du populisme, des complotismes qui déstabilisent encore plus notre société et notre façon de vivre. Et face à tout ça, on se doit d'être responsable et de se poser la question est-ce que finalement des technologies comme l'Internet, les réseaux sociaux, n'ont pas facilité ces choses-là ? Est-ce que ça a posé question ? Est-ce qu'aujourd'hui, la diffusion de thèses complotistes ou relativistes ne se fait pas encore plus facilement grâce à ces technologies ? Donc finalement, l'Internet, qui nous a apporté énormément de choses dans notre vie quotidienne, de choses très positives, nous amène aussi la possibilité de véhiculer des thèses anti-sciences et qui viennent contrecarrer la vie des experts et fragiliser la science d'une certaine manière.
- Speaker #1
Ça sera le sujet d'une prochaine journée Impact Sociétal, mais nous en reparlerons.
- Speaker #0
Ça fait, oui.
- Speaker #1
Aujourd'hui, vous pilotez la communauté Impact Sociétal. Pouvez-vous nous la présenter ? Quelques chiffres, quelques actions ? Également, nous expliquer les principaux enjeux que cette communauté cherche à adresser.
- Speaker #0
Oui, alors c'est une communauté qui a démarré sur la base du volontariat à l'intérieur du CEA et qui rassemble aujourd'hui quelques centaines de collègues volontaires. On a associé quelques dizaines. je crois 50 ou 60 experts externes dans des domaines très variés aujourd'hui, du militaire au médical, aux médias, au journalisme, à l'art, à la création artistique, au design, etc. Et donc, on vient comme ça continuer dans l'esprit de ce lieu où nous sommes, ce centre d'innovation ouvert et partagé, travailler ensemble, en croisant nos avis, en... profitant de nos différences de point de vue finalement pour enrichir notre pensée commune. Il me semble qu'on ne pouvait pas adresser un problème aussi complexe que les impacts environnementaux et sociétaux de la science et de la technologie en restant seulement entre nous avec un regard de chercheur ou d'ingénieur ou de technicien. Il fallait absolument qu'on s'ouvre au monde et qu'on confronte ce regard à celui des autres disciplines et c'est ce que nous faisons dans cette communauté impacte sociétale. Alors après, ces projets aujourd'hui sont encore naissants. C'est quelque chose qui démarre, qu'on va voir aboutir. Mais dans les premiers sujets que l'on a abordés, on regarde évidemment l'impact des technologies actuelles, donc à la fois l'intelligence artificielle, les technologies quantiques et bien d'autres.
- Speaker #1
Pouvez-vous nous donner un exemple d'action au sein de la communauté Impact Sociétal qui vous a particulièrement marqué ou qui illustre bien la mission du groupe ?
- Speaker #0
Alors moi, ce qui me marque... Vraiment très fortement, au-delà d'un projet de la communauté, c'est l'immédiateté du rayonnement international. C'est-à-dire qu'au croisement de cette communauté et du High Level Forum, des écosystèmes d'innovation que le CEA pilote depuis déjà une douzaine ou une quinzaine d'années, on a vu naître un intérêt extrêmement fort pour traiter de la question des impacts sociétaux un peu partout. sur la planète. Et ça, on le voit de Taïwan au Canada, aux États-Unis, à bien d'autres endroits. Et pour moi, c'est quelque chose de très fort, ça signale très fort. En fait, peu importe l'écosystème d'innovation que l'on adresse aujourd'hui sur la planète, Tous s'intéressent au premier plan à cette question des impacts sociétaux qui englobent les impacts environnementaux des technologies que l'on développe. Et ça, c'est un bon signe de mon point de vue. Et c'est pour ça, et ça, ça m'a vraiment marqué. C'est vraiment quelque chose, je pense, sur lequel il faut capitaliser. Il faut profiter de cet enthousiasme aujourd'hui pour étendre cette réflexion à l'international grâce à cette communauté impact sociétale et à ces croisements avec le High Level Forum du CEA. Un groupe a été construit cette année. Il se réunit maintenant tous les mois ou tous les deux mois à l'international, piloté par SoScience. SoScience, vous savez, cet organisme parisien qui traite de ces questions-là et qui pilote notre groupe de travail à l'international sur, en premier lieu, la définition, comme vous l'évoquiez tout à l'heure, de ce que sont ces impacts sociétaux pour les uns et pour les autres. Parce qu'évidemment, cette définition n'est pas la même que l'on soit au Japon, au Canada, aux États-Unis. à Taïwan ou ici en Europe, en France, en Allemagne, en Italie.
- Speaker #1
Pouvez-vous nous donner un exemple de définition, par exemple, qui vous aurait surpris lors d'une précédente édition du Hachette ?
- Speaker #0
Une des définitions qui me surprend, en revanche, effectivement, c'est de résumer ces impacts sociétaux à ce que l'on connaissait avant, c'est-à-dire les impacts économiques. Je pense qu'on ne peut absolument pas rester... Seulement sur la question des impacts économiques. Aujourd'hui, on voit bien qu'il y a une espèce d'équilibre qui doit se créer entre les impacts économiques, bien évidemment, qui sous-tendent aussi notre fonctionnement sociétal, mais réellement, les impacts environnementaux, bien entendu, le changement climatique et bien d'autres, et puis ces impacts sociétaux, c'est-à-dire, est-ce qu'on a envie, finalement, de rester dans un système démocratique, de rentrer dans un système autocratique, d'aller plus vers un système populiste ou un autre ? Et donc ces questions-là doivent être posées.
- Speaker #1
Le CEA est... et vu à juste titre comme un moteur d'innovation technologique, comment conjuguer cette vocation high-tech avec la prise en compte des impacts sociétaux et environnementaux ? N'est-ce pas contradictoire, incompatible ?
- Speaker #0
Alors non, pas du tout. Justement, comme je viens de le dire, si on croit à notre système démocratique, et personnellement, j'y crois très fort, il me semble salutaire pour notre démocratie et pour nos démocraties de penser d'abord à la planète et à la cohésion sociétale. avant de partir dans des développements à tout va, sans se préoccuper de là où ça irait. Ça serait l'inverse qui serait regrettable, bien évidemment. Et puis, rappelez-vous Rabelais au XVIe siècle, « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme » . Il faut le traduire aujourd'hui au XXIe siècle, on ne peut pas rester seulement sur cette citation. Et je dirais que ça pourrait être « Technologie sans conscience n'est que ruine de l'humanité et de notre société et de notre planète » .
- Speaker #1
Quel programme ! On a vu que le lien entre les sciences humaines et sociales, le design des sciences dures, était au cœur de votre parcours. Quelle synergie, nouvelles perspectives ces disciplines apportent-elles aux réflexions sur l'impact sociétal des technologies ?
- Speaker #0
Indéniablement, la multidisciplinarité est un atout, voire un enjeu majeur pour ces réflexions. Et ce sont nos différences entre points de vue, entre métiers. qui enrichissent notre réflexion commune et nous en sortons grandis. On ne peut pas adresser, comme je l'ai dit tout à l'heure, des sujets aussi complexes que les impacts environnementaux et les impacts sociétaux en nous limitant à un seul avis d'un seul métier qui serait le métier de chercheur, de scientifique ou de technologue. Ça serait complètement stupide de partir dans cette voie-là. Donc nous avons besoin... absolument besoin aujourd'hui de cette multidisciplinarité et de sortir de la tendance qui avait été développée dans les années 70-80, vous savez, de la monodisciplinarité qui nous permet d'augmenter la performance dans une direction, même si nous en avons évidemment encore besoin.
- Speaker #1
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes ingénieurs, chercheurs qui souhaitent intégrer cette dimension sociétale dans leurs travaux de recherche et d'innovation ?
- Speaker #0
Alors, je leur conseillerais surtout de ne pas éluder cette question-là. Et au contraire, de s'y engouffrer parce que c'est eux qui vont construire notre futur. Et j'espère que cette communauté ne sera qu'un début parce que la prise en compte de ces impacts ne doit pas être releguée à un second plan ou être envisagée comme quelque chose qui viendrait arrondir les angles. Non, nous faisons face à une vraie... « Déstabilisation, déstabilisation du climat, déstabilisation de certaines de nos sociétés, déstabilisation du monde, des conflits naissent un peu partout entre démocratie, autocratie, populisme. Voilà, on ne peut pas faire autrement que s'en préoccuper. Et ce n'est pas parce que nous sommes seulement des scientifiques, des ingénieurs, des techniciens ou des technologues que nous devons nous abriter derrière cette position. Au contraire, nous sommes au cœur de la... » de la cité au cœur de la vie, au cœur de la société, et la philosophie en fait partie, bien évidemment, la réflexion aussi. Donc nous devons nous en préoccuper.
- Speaker #1
Justement, quel impact souhaiteriez-vous que cette communauté ait à l'avenir ? Quel rôle, quel impact ?
- Speaker #0
Je ne peux pas prédire le futur. Je ne suis pas devin, je n'ai pas de boule de cristal. Mais en revanche, je pense que nous avons au CEA en particulier, et tous ensemble, encore plus besoin aujourd'hui de travailler avec des experts externes, de nous ouvrir au monde, d'aborder ces problèmes complexes avec tous ces regards multiples. Et c'est à nous, au CEA, bien évidemment, d'imaginer... la suite, d'imaginer des actions complémentaires qui associent encore plus non seulement les sciences humaines, mais comme je l'ai dit aussi, les médecins, les militaires, les journalistes, les designers, les artistes, bien évidemment. Les artistes ont probablement une capacité de prédiction, de prévision, en tout cas de tester des tests pour le futur qui sont très importantes pour nous. Donnons leur carte blanche pour nous dire ce qu'ils feront ou ce qu'ils ont envie de faire de ces technologies. Quels sont les avantages qu'ils y voient ? Quels sont, au contraire, les risques qu'ils peuvent déceler avant nous ?
- Speaker #1
Le 17 octobre prochain, la communauté Impact Sociétal du CERN organise une journée, un de ses gros événements annuels. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
- Speaker #0
Oui, tout à fait. On connaît l'Internet depuis plusieurs décennies, et le web en particulier. On sait que les origines du web proviennent du CERN à Genève. Donc évidemment, un des co-inventeurs de... Du web sera présent François Flueckiger. Et puis, nous essaierons de retracer toute cette histoire, justement, du web, de ses impacts, les questions du droit, les questions de sécurité, jusqu'à l'ordinateur quantique et ce qui se profile aujourd'hui pour le quantique avec Maud Vinet, la PDG de Coblie.
- Speaker #1
Donc, c'est une journée ouverte aux membres de la communauté, également aux membres du CEA, qui se passera à la Maison Minatech, avec une matinée dédiée à des keynotes. Vous avez parlé de François Flueckiger. Je crois qu'il y a également le docteur Isabelle Tisserand qui viendra nous apporter son éclairage. Puis une table ronde.
- Speaker #0
Qui sera animée par Alban Guyomarche.
- Speaker #1
Alban Guyomarche avec Maud Vinet, avec d'autres intervenants. Et un après-midi qui sera dédié à des ateliers, c'est ça, de travail.
- Speaker #0
Voilà, nous irons creuser, travailler quelques questions particulières qui auraient été évoquées dans la matinée. Et donc en petits groupes, évidemment, avec des membres de la communauté, donc à la fois les collègues volontaires du CEA et ceux qui souhaitent aussi rejoindre notre communauté, et puis à nouveau des experts externes dans les quelques dizaines qui aujourd'hui acceptent de partager leur chemin de pensée avec nous.
- Speaker #1
Merci Michel Hida.
- Speaker #0
Merci à vous.