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Créer le Web : À refaire, en mieux ? Entretien avec François Flückiger

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31min |13/11/2024
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Description

Avec François Flückiger, pionnier d'Internet et membre honorifique du CERN, nous revenons sur la grande aventure de la création du Web. Avec le recul, referait-on les choses différemment ? Et comment pourrait-on l’améliorer aujourd’hui ? Un échange riche en réflexions sur ce que l’histoire d’Internet nous enseigne pour l'avenir. Un entretien conduit par Julien Reynier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La démographie, les modes de développement mettent en danger notre planète et ses habitants. L'état vert, multivers, nous et les espaces. Peu importe le scénario, il faudra compter avec les forces les plus puissantes de notre époque. L'écologie, les technologies. Celles-ci doivent évoluer dans le sens d'un développement vertueux et attentif aux vivants et répondre aux besoins de nos peuples. Merci.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, pour ce nouvel épisode d'Interface, le podcast de la communauté impact sociétale du CEA, le podcast où la science et l'innovation rencontrent la société, j'ai le privilège d'accueillir François Flutiger, un des contributeurs initiaux du web, pour parler web, de sa jeunesse, de ses défis initiaux, de ce qu'il referait différemment avec le recul, mais surtout sur son évolution et son futur. Bonjour François.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Vous êtes informaticien de renommée internationale, un pionnier, un des deux seuls français avec Louis Pouzin à figurer dans l'Internet Hall of Fame, en reconnaissance de votre contribution décisive aux technologies de l'information et l'Internet. Diplômé de SUPELEC, titulaire d'AMBA, vous avez occupé une position centrale au CERN, où le web est né en 1989 grâce au travail de Tim Berners-Lee, à qui vous avez succédé. Vous y avez dirigé l'équipe responsable du développement et de la maintenance des standards techniques du web. contribuant ainsi à structurer et stabiliser cette innovation. En parallèle, vous avez dirigé l'Open Lab du CERN, une plateforme de collaboration avec des partenaires. La School of Computing, jusqu'en 2013, vous avez formé des générations d'informaticiens, partageant ainsi votre vision du futur des technos de l'information et les préparant aux défis à venir. Vous avez également été un acteur clé dans la création et le développement de structures comme le RIP, Réseau IP Européen, et l'E-Bone, European Backbone, des initiatives, des projets, qui sont encore aujourd'hui des piliers essentiels du web mondial. Vous avez également été enseignant à l'Université de Genève et joué un rôle influent au sein de l'Internet Society et du comité consultatif du World Free Sea. Depuis 2015, vous êtes un membre honoraire du CERN, poursuivant votre engagement pour l'évolution des technologies et des réseaux et être l'auteur de plusieurs ouvrages. Nous y reviendrons. Pour débuter, et comme avec chaque invité, pouvez-vous me donner votre définition personnelle de l'impact sociétal ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai l'impression que, comme on dit en anglais, c'est presque self-explained, c'est-à-dire que le titre donne pratiquement lui-même sa définition. Pour moi, c'est les conséquences sur la société en général, son fonctionnement, sa structure, les relations dans la société que peuvent avoir les technologies. Maintenant, les technologies, c'est un domaine... mais les technologies sont issues de la science. Donc parfois, on confond un peu l'impact social des systèmes de connaissances, qui sont la science, et puis des technologies, qui sont le produit de ces connaissances.

  • Speaker #1

    On parle définition Internet, World Wide Web. Pour beaucoup, c'est synonyme, alors que ça ne l'est pas. Est-ce que vous pouvez nous expliquer brièvement la différence ? Oui,

  • Speaker #0

    alors c'est assez simple. L'Internet, c'est l'infrastructure de base. L'Internet, c'est l'équivalent de réseau ferré de France. C'est un système constitué, comme le réseau routier, de nœuds comme on a des ronds-points et de liaisons entre ces nœuds comme on a des routes. Mais sans service dessus, ça ne sert à rien. Et donc, pour utiliser Internet, il faut avoir ce qu'on appelle des applications. Une des applications que vous utilisez tous les jours vous-même, c'est la messagerie électronique. Il y en a une autre qui s'appelle le web, qui est un mécanisme qui permet de visiter des pages, de les regarder, de visiter, de visualiser des images, de visualiser des films de manière directe. Et ça, c'est le web. Donc le web, c'est l'une des applications parmi d'autres, mais probablement l'application majeure, l'usage majeur de cette infrastructure qu'on appelle l'Internet.

  • Speaker #1

    Pouvez-vous nous raconter brièvement ? Comment tout a commencé en 89 avec Tim Berners-Lee ?

  • Speaker #0

    Tim Berners-Lee, il était déjà venu au CERN au début des années 80 avec une équipe pour participer de manière freelance à certains développements du CERN. Et puis, il était reparti et il a de nouveau postulé en 84. Quand il était venu la première fois, il avait déjà développé pour lui-même un système. de gestion d'informations, mais il avait gagné de l'expérience dessus. Mais finalement, on a perdu le système qu'il avait développé. Quand il est revenu en 1984, on lui a assigné des tâches, mais lui-même, de manière spontanée, il s'est rappelé du système qu'il avait fait au CERN plusieurs années avant. Et il a commencé à réfléchir, à concevoir un système pour lier entre elles des informations diverses et pour qu'on puisse y accéder de manière simple. sans avoir, par exemple, à se connecter spécifiquement à un ordinateur. Et il a écrit en 1989 une proposition dans ce sens, non sollicitée. Et ça, c'est intéressant parce que fréquemment, on présente le développement du web comme un besoin qui aurait été exprimé par les physiciens du CERN pour mieux communiquer. Ce besoin n'a jamais été exprimé. Tim a développé de lui-même. a fait une proposition de lui-même, sans qu'on la lui demande. En revanche, dès qu'il l'a mis en œuvre, dès que les physiciens ont commencé à l'utiliser, ils se sont dit « mais c'est exactement ce dont on avait besoin, comment on a pu vivre depuis 20 ans sans ce système qui nous permet d'échanger si facilement les informations ? » Nous sommes une communauté de 10 000 physiciens répartis dans le monde entier. Quand nous voulons échanger des informations, c'est la croix et la bannière. Il faut que chacun ait... Des comptes sur les ordinateurs distants, se connecter, les faire venir, là, c'est tellement simple. Et comme beaucoup d'inventions disruptives, le web est devenu une nécessité pour les physiciens. Ils en avaient besoin, mais ils ne le savaient pas.

  • Speaker #1

    Avec le recul, quand vous repensez à cette période, on se rappelle qu'en 93, il y avait 130 sites web. Aujourd'hui, on en recense près de 2 milliards. Y a-t-il des choix technologiques, des décisions stratégiques ? que vous feriez différemment ?

  • Speaker #0

    Non. La beauté du web, c'est qu'il est extrêmement simple. D'abord, il repose sur, pour simplifier, deux technologies distinctes, mais qui marchent parfaitement bien. L'une qui décrit les pages web. C'est un standard qui a été défini, inventé par Tim Berners-Lee, qui s'appelle HTML. Et puis, un autre standard qui permet d'échanger les pages web, qui s'appelle HTML. T, T, P, certains d'entre vous ont vu ces quatre lettres. Eh bien, les deux, ils fonctionnent magnifiquement bien l'un avec l'autre et probablement parce qu'ils viennent du même esprit, parce que Tim Berners-Lee était, ce qui n'est pas fréquent, qui arrive mais qui n'est pas fréquent dans nos domaines, c'est un expert mondial dans non pas un domaine, mais dans deux domaines. Un expert mondial des formats de documents et un expert mondial des réseaux informatiques. C'est pourquoi il a pu développer lui-même ces deux technologies. Donc, c'est extrêmement simple. Et l'une des raisons également du succès du web, c'est que j'expliquais que c'était une application, donc un service qui fonctionne sur une infrastructure qui s'appelle l'Internet. Et l'Internet a la particularité de fonctionner sur une technologie d'infrastructure qu'on appelle IP. Vous avez tous entendu parler IP, vous avez entendu parler des adresses IP, parce que tous les objets connectés ont un code numérique qu'on appelle une adresse. Cette technologie IP est extrêmement simple et extrêmement bien adaptée à ce que voulait faire Tim Berners-Lee avec le web. Son standard d'échange des pages qu'on appelle HTTP, qui permet de dire depuis votre ordinateur dans votre salon à un serveur qui est distant, donnez-moi la page X, etc. Ce mécanisme qui permet de faire cette demande et au serveur de répondre en disant, oui, voilà, j'ai bien compris, la voilà. Voilà sa taille, ça va mettre deux minutes pour arriver. Tous ces mécanismes-là, qu'on appelle HTTP, ils sont basés sur les mêmes principes que IP, qui est la technologie sous-jacente. Donc, on a eu un fit parfait entre la technologie de transfert de l'application, qui s'appelle HTTP, et la technologie d'infrastructure, qui s'appelle IP. Donc, je pense qu'on ne changerait rien. il y a une chose qu'on a conçue dès le départ, qui était très importante, qui s'est un peu diluée par la suite, mais qui était très importante et qu'il faudrait qu'on a bien fait de mettre en place. C'est le fait que, pour réclamer une page web, en utilisant ce mécanisme HTTP, qu'on appelle un protocole HTTP, il n'y a pas de contrôle qui est fait. N'importe qui qui connaît une adresse, non pas IP, mais une adresse web, les fameuses chaîne de caractère HTTP, quelque chose. Si vous connaissez cela, vous demandez la page correspondante et vous l'avez sans contrôle. Depuis le départ, on ne voulait pas que les gens aient besoin de s'enregistrer au départ. Et ça, ça a été le changement fondamental qui a complètement changé la vie des physiciens et la vie des usagers du web par la suite. C'est-à-dire que pas besoin de s'enregistrer, je connais cette fameuse... Cette adresse, on appelle ça un URL, c'est l'équivalent d'une adresse IP. Je la connais, je l'écris, je la tape, je la copie, collée et je la colle dans un navigateur et j'accède à la page. Alors vous me direz, mais ça ne marche pas comme ça l'Internet aujourd'hui. Pas du tout. Il faut s'enregistrer si je veux une page. Eh bien oui, dans certains cas, les serveurs, pour des raisons soit de sécurité, soit généralement des raisons économiques pour générer des gains, des revenus, on met en place des contrôles qui vous obligent de prendre un compte. Mais ce n'est pas... dans la technologie. La technologie est ouverte et dans certains cas, mais pas dans tous les cas, dans certains cas, eh bien, il faut effectivement prendre un compte.

  • Speaker #1

    En 94, vous avez écrit Understanding Network Multimedia Applications and Technology qui reste une référence mondiale éclairant les chercheurs et les professionnels sur les principes fondamentaux des technologies multimédia et des réseaux. Vous avez écrit un chapitre sur l'évolution et les tendances futures. Donc, il y a 30 ans aujourd'hui. Avec le retul, comment jugez-vous ces prévisions ? Où est-ce que vous êtes tombé peut-être juste ? Qu'est-ce que vous n'avez pas du tout anticipé ?

  • Speaker #0

    Oui, alors on a fait des prédictions. Donc, dans cet appendice d'un gros livre technique pour les universités, j'ai fait cet appendice après avoir discuté avec mes collègues pionniers de l'Internet. Qu'est-ce que vous pensez ? Qu'est-ce qui va arriver ? Qu'est-ce qu'on peut anticiper ? Alors, il se trouve qu'on en est assez fiers. Tout ce qu'on avait prédit s'est réalisé. Et je vais en parler. Mais par ailleurs, il y a des choses extrêmement importantes qui se sont réalisées, mais qu'on n'avait pas prédit. Alors, ce qu'on avait prédit, le commerce électronique, la finance, la banque en ligne, la vidéo conférence, les sites personnels, les encyclopédies, l'administration en ligne, tout ça était prévu. Et d'un point de vue sociétal alors, parce que cet appendice se concentrait sur les aspects sociétaux, au niveau négatif, on avait prévu effectivement que... l'Internet qui donne des moyens inclus de personnalisation, c'est-à-dire que, on dit en anglais « customization » , c'est-à-dire que un individu peut plus facilement spécifier ce qu'il veut, ce qui l'intéresse. Eh bien, ça, en soi-même, le fait d'avoir un choix de restreindre, en fait, soi-même les domaines que l'on recherche, eh bien, on avait prédit que ça allait réduire ce qui est le cas. Le spectre des intérêts en matière d'information. Je vais lire un peu le test qu'on avait écrit, parce que c'est un petit peu prémonitoire. Je le lis verbatim. Voilà ce qu'on a écrit, vraiment, mot à mot. Nous allons définir, nous, les utilisateurs, nous-mêmes, des filtres en fonction de nos centres d'intérêt ou de ce que nous croyons être nos centres d'intérêt. En d'autres termes, nous allons déterminer subjectivement notre profil. Par exemple, certains ne recevront peut-être que des nouvelles sportives ou seront confrontés qu'à des discours politiques de leurs politiciens préférés. En 94, à l'époque, il y a quelques centaines de serveurs. On ne peut échanger que du texte ou des images. Il y a déjà des images. Il n'y a pas de vidéo. Ça n'existe pas sur Internet. On sait que ça va venir, mais ça n'existe pas. Il n'y a pas de serveur vidéo. On pense à ça et ça nous fait penser qu'effectivement, quand on met trop de possibilités d'adaptation personnelle, finalement... On restreint la possibilité de découverte qu'on n'a pas prévu, ce que les anglais appellent « impromptu discovery » . Il y a un truc que je n'ai pas demandé, mais que je découvre. On avait également prévu que non seulement les gens feraient ça eux-mêmes, mais qu'il y aurait des systèmes, des serveurs qui feraient ça pour eux également. Ce qu'on a appelé à l'époque, de manière à peu près monitoire, le profilage des serveurs avait été prévu. Là encore, je le dis brièvement. le texte qu'on avait écrit, parce que c'est intéressant de voir même les mots. Des serveurs intelligents essaieront d'apprendre quels sont nos goûts à partir de nos requêtes. Je rappelle qu'il y a 200 serveurs à l'époque. De puissants filtres existeront pour accéder à des divertissements ou à des éléments culturels. On ne nous proposera peut-être que des films du type que nous aimons. Il n'y a pas de film à l'époque encore. La probabilité de découvertes impromptues ou de révélations culturelles pourrait... peut être alors considérablement réduite. Et je pense que c'est ce qu'on observe. Et alors ça, c'est un phénomène connu. Il y a une étude qui était assez intéressante, qui a été faite au Japon, où tout le monde sait que les Japonais sont très amateurs de musique classique. Et on s'est aperçu qu'il y avait une chute, on avait noté une chute de l'intérêt. Pour la musique classique, les concerts, l'assistance aux concerts, les achats de CD, quand la deuxième chaîne japonaise, ou la troisième, je ne sais plus, avait été mise en service. À partir du moment où on commence à avoir un choix trop large, on va customiser, on va choisir. Et donc, si on n'a qu'une seule chaîne de télévision, qu'une seule chaîne de radio, on n'a pas le choix. Mais tout d'un coup, on peut entendre quelque chose, on dit ça, c'est quoi ça ? Ah, c'est de la musique classique, mais finalement, c'est pas mal ce truc. Si on choisit soi-même ou si les serveurs choisissent pour vous, on réduit ce spectre. Ça, ça avait été analysé. Je pense que c'est quelque chose qui n'est peut-être pas bien perçu aujourd'hui, mais qui est, je pense, un problème réel. L'autre chose qu'on avait prévue négativement au niveau sociétal, c'est... que l'internet entraînerait une exacerbation de l'individualisme. Là encore, on avait écrit, là où la télévision se consomme en famille aujourd'hui, surfer sur internet sera une activité solitaire. On n'avait pas prévu les smartphones, ce qui aggrave encore la situation. On avait quand même prévu des choses positives, ça c'est du négatif, la création de contenus et la diffusion des connaissances, on ne l'appelait pas Wikipédia, mais ça c'était prévu. Le fait... plus généralement que tout consommateur puisse devenir un producteur de contenu. C'était prévu. Alors, ce qu'on n'avait pas prévu, l'énorme conséquence des réseaux sociaux. Personne, j'en ai encore parlé récemment à des collègues, personne n'avait vu venir les réseaux sociaux, d'une part. Et d'autre part, le fait que la jeunesse s'en emparerait, l'impact du web avec les réseaux sociaux sur les jeunes, personne n'y avait Personne ne pensait que ça prendrait cette dimension. Et ce qu'on n'avait pas prévu malheureusement, c'est que si effectivement un nombre infiniment plus important d'individus deviendrait producteur de contenu et pas uniquement consommateur de contenu, on n'avait pas vu que ce serait essentiellement, non pas pour produire de la connaissance ou même de l'information, si ce n'est pas de la connaissance, mais pour parler d'eux-mêmes. Moi, moi, moi, qui je suis, où je vais, qu'est-ce que je fais, voici mon selfie. Et donc on n'avait pas prévu, ou alors on y pensait, mais on n'avait pas voulu voir que l'Internet deviendrait un outil d'exacerbation du narcissisme et de l'égocentrisme.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, on parle beaucoup d'IA générative, d'ordinateurs quantiques. Comment pensez-vous que ces innovations vont influencer le web dans les années à venir ?

  • Speaker #0

    Alors, informatique quantique, je ne sais pas. Je ne sais pas, je pourrais donner des opinions vagues, mais elles ne sont pas substantielles. L'intelligence artificielle générative, et peut-être générale si elle existe un jour, J'utilise une définition de l'intelligence qui conduit à considérer que l'intelligence générative n'est pas réellement une intelligence. J'utilise comme définition de l'intelligence la possibilité de résoudre avec l'esprit des problèmes nouveaux. Alors l'intelligence artificielle générative à l'heure actuelle ne permet pas de résoudre des problèmes nouveaux, elle permet de résoudre des problèmes spécifiés, des problèmes dont les algorithmes existent. Le jour où l'intelligence artificielle... inventera un nouvel algorithme ? Parce qu'on me dit parfois mais non des problèmes nouveaux, regardez voici un nombre extrêmement compliqué et je veux en extraire sa racine quatrième personne, c'est un problème nouveau, personne n'a jamais donné, je suis sûr ce problème là, l'IA va le résoudre ce problème. On répond mais non, c'est pas un problème nouveau, l'algorithme est connu Les paramètres sont nouveaux, mais le problème est connu. L'intelligence artificielle reproduit un algorithme qui a été connu. Alors, je pense qu'il est probable que l'intelligence artificielle aura une incidence sociétale, peut-être négative, probablement négative. Et cette incidence, c'est que si effectivement l'intelligence est... La résolution de nouveaux problèmes, de problèmes nouveaux avec l'esprit, l'intelligence humaine. Et bien, en quoi faut-il pour maintenir ou pour développer cette intelligence humaine, avoir des problèmes nouveaux à résoudre ? Pratiquer le problem solving comme on dit en anglais. Et s'il se trouve que l'on a de moins en moins dans notre vie, parce qu'elle est assistée, elle est assistée par l'intelligence artificielle, on a de moins en moins de problèmes nouveaux à résoudre. Peut-être pas dans 10 ans, mais dans 20 ans, dans 50 ans, dans 100 ans. Alors, est-ce que nous continuerons à développer ou même maintenir l'intelligence ? J'ai, c'est pour moi le problème essentiel. Le jour, effectivement, nous vivrons dans un environnement super assisté. hyper assistés où les problèmes que habituellement on résout avec l'esprit, je parle pas des problèmes matériels, des problèmes qu'on joue avec la force, mais avec l'esprit, seront largement résolus pour nous avec l'IA, on peut craindre une régression de l'intelligence humaine.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous inspire la citation d'Elon Musk qui dit que l'IA est potentiellement plus dangereuse que les armes nucléaires ?

  • Speaker #0

    Oui, bon ben je... j'ai dû je n'ai pas beaucoup de commentaires je ne suis effectivement mais dans cent ans deux cents ans les hommes sont devenus des crétins mais qui continue à favoriser les systèmes de croyances par rapport aux systèmes de connaissances, et donc qui continue à se faire la guerre pour des systèmes de croyances, alors effectivement, ça peut être la fin de l'humanité, des imbéciles, des crétins qui se font la guerre, au nom des croyances, comme c'est le cas aujourd'hui. Ça peut être la fin de l'humanité. C'est peut-être dans ce sens qu'il parle de quelque chose d'équivalent à une morgue atomique.

  • Speaker #1

    Ça nous fait rebondir sur la gouvernance peut-être du web. En repensant justement cette gouvernance, pensez-vous qu'une régulation internationale aurait dû être mise en place dès le départ pour éviter certaines dérives ? Et est-ce qu'on peut faire quelque chose ? Est-ce que les États, les institutions peuvent avoir vraiment une influence ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr, elles auraient pu avoir une influence, mais elles n'auraient pas résolu. entièrement le problème, mais ils auraient pu l'atténuer. Le contrôle des fake news est très limité et ils se heurtent aux critiques d'atteinte aux libertés individuelles, d'atteinte à la liberté d'expression. Et c'est un domaine extrêmement difficile, c'est un domaine difficile. parce que là s'oppose d'une certaine manière, et on le voit dans d'autres domaines d'ailleurs, on le voit dans le domaine médical, dans le domaine des vaccins par exemple, l'opposition entre l'intérêt général... l'intérêt de la société et la protection de la liberté individuelle. C'est le cas typique des vaccins. Je favorise ou pas ma liberté individuelle par rapport à l'intérêt général. Je me fais vacciner ou pas. Et cette problématique... du contrôle du contenu dans Internet se heurtent à ces difficultés.

  • Speaker #1

    Tim Berners-Lee a dit que nous avons beaucoup à faire pour rendre le web un lieu sûr et ouvert à tous. J'espère que c'est une récitation, je l'ai trouvée sur Internet. Quelles sont les étapes cruciales pour faire un outil encore plus bénéfique pour l'humanité ? Quelle est votre vision idéale pour le web dans les prochaines années, décennies ?

  • Speaker #0

    Une chose importante, c'est que le web reste gratuit pour tout le monde. Alors vous me direz, mais il n'est pas gratuit pour l'instant. Oui, il y a du business sur l'Internet et il y a des informations qui sont payantes. Mais largement, il reste gratuit. Mais ça va dépendre également de l'évolution du monde face au monde du web ou de l'internet. Pour l'instant, on peut respirer sans payer. On peut se promener dans la rue sans payer. Si le monde évolue dans un sens plus mercantile pour les aspects non liés au web, le web suivra. Donc un web qui reste gratuit pour tout le monde. Un web ouvert, c'est-à-dire un web dont la technologie et ses principes sont connus de tous. Alors ça, c'est l'un des dangers futurs que je vois pour le web. C'est un peu une réponse technologique, mais c'est la fragmentation technologique. Pour l'instant, on a peu de fragmentation technologique. Je vous donne des exemples. D'abord, la technologie de support, de transport, IP, elle est généralisée. Il y a eu des tentatives pour la privatiser. Il y a eu des tentatives des grandes entreprises dans les années 90 pour créer des alternatives propriétaires à IP. Ça a échoué. Donc, au niveau sous-jacent... On a un standard. Au niveau des applications, aujourd'hui, quand vous envoyez un mail, c'est un système ouvert. Vous n'avez pas à vous préoccuper, mais quel système de mail, quel protocole il utilise à l'autre bout ? Non, tout le monde utilise les standards ouverts, connus de tous de l'Internet pour le mail. Et la même chose pour le web. Le web, vous regardez une page, vous n'avez pas à vous demander, mais est-ce que le système distant utilise... HTTP ou est-ce qu'ils utilisent XYZ ? Non, tout le monde utilise ces standards. En revanche, on commence à voir, on voit, on a déjà, depuis de longues années, dans certaines applications, une fragmentation. Quand vous faites une visioconférence, vous devez savoir quel système propriétaire utilise mon partenaire. Est-ce que c'est Zoom ? Est-ce que c'est un système Apple ? On a une fragmentation. Et c'est l'intérêt des industriels. Les industriels, les grands industriels, n'ont jamais aucun intérêt aux standards. Ils ont intérêt à avoir une fragmentation et à se mettre à dominer le marché avec leurs standards propriétaires. Donc, ils n'ont pas intérêt au standard. Ceux qui ont, en tant qu'industriels, intérêt au standard, ce sont les petits. Les industriels, qui, eux, n'ont pas la capacité de s'imposer en tant que standard majeur, donc ils ont intérêt, leur intérêt, est de suivre un standard général ouvert. Donc, il y a un risque de fréquentation dans le futur et il faut rester vigilant. La raison pour laquelle l'Internet et le Web et les autres applications fonctionnent, c'est parce qu'ils sont basés sur... des standards ouverts. Qu'est-ce que ça veut dire, standards ouverts ? On connaît comment ça marche. On sait comment ça marche. Et si moi, en tant que développeur, je suis un informaticien, je veux écrire un programme qui est capable de converser avec un serveur, je sais comment. Puisque HTTP, c'est connu. Les règles sont connues. Tout le monde connaît. Je veux écrire un programme qui va être magnifique, marcher mieux que les programmes que vous utilisez aujourd'hui pour regarder mes mails, je peux le faire. Parce que le standard de mail, il est connu. Tout le monde le connaît. C'est ça, la technologie ouverte. respectueux de la vie privée des individus un autre élément d'un web idéal et alors je sais pas comment faire mais ce serait idéal un web moins addictif et connaît tous les phénomènes d'addiction moi même et comment faire autre que l'autorégulation pour que le web soit moins addictif. Je ne sais pas mais on me pose la question qu'est ce qui serait idéal un web comme ça pour moi serait mieux que le web actuel.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça vous inspire, les GAFAM ? Ces gros groupes avec des milliardaires à leur tête, qui se sont concentrés, ils achètent dès qu'il y a des nouveaux sites, des nouvelles applis qui fonctionnent, ils achètent. Quel est votre regard avec votre expérience, avec votre recul sur cette évolution ?

  • Speaker #0

    Alors, ça dépend un petit peu de leur éthique, mais ça reste que des groupes dont la finalité est la maximisation du profit. Le danger, c'est un petit peu ce dont je viens de parler, le risque d'appropriation de standards et de technologies parce qu'ils réussissent à s'imposer avec une technologie propriétaire qu'eux seuls maîtrisent et connaissent, auxquelles les autres n'ont pas accès et à dominer. Si bien entendu, c'est dangereux. Maintenant, d'un point de vue plus... politique, je dirais. Je trouve extrêmement dangereux pour la démocratie que des organismes et des individus possèdent eux-mêmes des centaines de milliards, voire des milliers de milliards de dollars, parce qu'ils ont une possibilité de déstabilisation de la démocratie immense, bien plus importante que des États. Je ne comprends pas comment la société peut. tolérer ça après la grande dépression américaine c'était pas possible après la grande dépression américaine les impôts étaient dans l'intrême de 90% à partir de septembre on prenait 90% il restait 10% ça n'est pas possible ça n'est pas possible qu'on ait un monsieur et le masque c'est son nom puisqu'on l'a cité tout à l'heure avec son potentiel d'influence sur ma vie. Personne ne l'a élu, personne ne l'a choisi. Il peut décider des choses fondamentales pour ma vie. Il peut décider des choses fondamentales avec son système de satellite pour 40 millions d'Ukrainiens. Pourquoi un individu a le droit de faire ça ? Donc, il y a ce risque et on a laissé faire. On a laissé faire parce que, puisqu'ils sont milliardaires... Ils dominent la politique, donc ils dominent les décisions. C'est mon commentaire, le problème principal politique actuel dans le monde.

  • Speaker #1

    Pour conclure, quel rôle pensez-vous que des initiatives comme la communauté Impact Sociétal du CERA peuvent jouer dans l'innovation des prochaines décennies ?

  • Speaker #0

    La prise de conscience des problèmes éthiques en amont, par exemple, et l'alerte. sur les dérives technologiques. Sur la prise de conscience en amont, je tirais une ligne de démarcation entre le scepticisme nécessaire que l'on peut avoir par rapport à la technologie et le scepticisme qu'on peut avoir par rapport à la connaissance, donc à la science. La science, c'est des systèmes de connaissance, essayer de comprendre comment le monde matériel marche, comprendre comment le monde sociétal, les relations entre les gens. ça fonctionne. Essayer de comprendre, de créer des connaissances. Il vaut mieux savoir que ne pas savoir. Et si on se disait oui, finalement, on préfère ne pas savoir. Alors bien sûr, ça peut être déstabilisant de savoir. Imaginons qu'un savoir nouveau arrive. Je sais. Tout d'un coup, imaginons, en fait on le sait depuis longtemps, que notre galaxie va dans 4 milliards d'années ou 5 milliards d'années rentrer en collision avec la galaxie d'Andromède. Ça va être la fin du système solaire. C'est déstabilisant, peut-être que psychologiquement, des individus, des groupes d'individus, des groupes sociaux peuvent être déstabilisés par une connaissance comme ça. En plus, il aurait mieux fallu ne pas savoir. Le danger de mettre des restrictions éthiques en amont sur la création de connaissances, c'est qu'on laisse un vide. On laisse un vide de connaissances. Et la nature ayant horreur des vides, puisqu'on n'a pas créé de connaissances dans un domaine, les croyances vont s'y engouffrer. Et donc, on aura quand même des pensées sur le domaine, mais des pensées non rationnelles qui seront des croyances. Ce type de réflexion que je viens de faire, ça peut être effectivement un apport de cette initiative, réflexion en amont, mais peut-être réflexion sur le fait qu'il faut... On prend des précautions nécessaires sur l'impact que peuvent avoir les technologies. On doit faire attention de bien parler des technologies et de prendre des précautions si on parle des connaissances de la science.

  • Speaker #1

    Merci François.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

Description

Avec François Flückiger, pionnier d'Internet et membre honorifique du CERN, nous revenons sur la grande aventure de la création du Web. Avec le recul, referait-on les choses différemment ? Et comment pourrait-on l’améliorer aujourd’hui ? Un échange riche en réflexions sur ce que l’histoire d’Internet nous enseigne pour l'avenir. Un entretien conduit par Julien Reynier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La démographie, les modes de développement mettent en danger notre planète et ses habitants. L'état vert, multivers, nous et les espaces. Peu importe le scénario, il faudra compter avec les forces les plus puissantes de notre époque. L'écologie, les technologies. Celles-ci doivent évoluer dans le sens d'un développement vertueux et attentif aux vivants et répondre aux besoins de nos peuples. Merci.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, pour ce nouvel épisode d'Interface, le podcast de la communauté impact sociétale du CEA, le podcast où la science et l'innovation rencontrent la société, j'ai le privilège d'accueillir François Flutiger, un des contributeurs initiaux du web, pour parler web, de sa jeunesse, de ses défis initiaux, de ce qu'il referait différemment avec le recul, mais surtout sur son évolution et son futur. Bonjour François.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Vous êtes informaticien de renommée internationale, un pionnier, un des deux seuls français avec Louis Pouzin à figurer dans l'Internet Hall of Fame, en reconnaissance de votre contribution décisive aux technologies de l'information et l'Internet. Diplômé de SUPELEC, titulaire d'AMBA, vous avez occupé une position centrale au CERN, où le web est né en 1989 grâce au travail de Tim Berners-Lee, à qui vous avez succédé. Vous y avez dirigé l'équipe responsable du développement et de la maintenance des standards techniques du web. contribuant ainsi à structurer et stabiliser cette innovation. En parallèle, vous avez dirigé l'Open Lab du CERN, une plateforme de collaboration avec des partenaires. La School of Computing, jusqu'en 2013, vous avez formé des générations d'informaticiens, partageant ainsi votre vision du futur des technos de l'information et les préparant aux défis à venir. Vous avez également été un acteur clé dans la création et le développement de structures comme le RIP, Réseau IP Européen, et l'E-Bone, European Backbone, des initiatives, des projets, qui sont encore aujourd'hui des piliers essentiels du web mondial. Vous avez également été enseignant à l'Université de Genève et joué un rôle influent au sein de l'Internet Society et du comité consultatif du World Free Sea. Depuis 2015, vous êtes un membre honoraire du CERN, poursuivant votre engagement pour l'évolution des technologies et des réseaux et être l'auteur de plusieurs ouvrages. Nous y reviendrons. Pour débuter, et comme avec chaque invité, pouvez-vous me donner votre définition personnelle de l'impact sociétal ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai l'impression que, comme on dit en anglais, c'est presque self-explained, c'est-à-dire que le titre donne pratiquement lui-même sa définition. Pour moi, c'est les conséquences sur la société en général, son fonctionnement, sa structure, les relations dans la société que peuvent avoir les technologies. Maintenant, les technologies, c'est un domaine... mais les technologies sont issues de la science. Donc parfois, on confond un peu l'impact social des systèmes de connaissances, qui sont la science, et puis des technologies, qui sont le produit de ces connaissances.

  • Speaker #1

    On parle définition Internet, World Wide Web. Pour beaucoup, c'est synonyme, alors que ça ne l'est pas. Est-ce que vous pouvez nous expliquer brièvement la différence ? Oui,

  • Speaker #0

    alors c'est assez simple. L'Internet, c'est l'infrastructure de base. L'Internet, c'est l'équivalent de réseau ferré de France. C'est un système constitué, comme le réseau routier, de nœuds comme on a des ronds-points et de liaisons entre ces nœuds comme on a des routes. Mais sans service dessus, ça ne sert à rien. Et donc, pour utiliser Internet, il faut avoir ce qu'on appelle des applications. Une des applications que vous utilisez tous les jours vous-même, c'est la messagerie électronique. Il y en a une autre qui s'appelle le web, qui est un mécanisme qui permet de visiter des pages, de les regarder, de visiter, de visualiser des images, de visualiser des films de manière directe. Et ça, c'est le web. Donc le web, c'est l'une des applications parmi d'autres, mais probablement l'application majeure, l'usage majeur de cette infrastructure qu'on appelle l'Internet.

  • Speaker #1

    Pouvez-vous nous raconter brièvement ? Comment tout a commencé en 89 avec Tim Berners-Lee ?

  • Speaker #0

    Tim Berners-Lee, il était déjà venu au CERN au début des années 80 avec une équipe pour participer de manière freelance à certains développements du CERN. Et puis, il était reparti et il a de nouveau postulé en 84. Quand il était venu la première fois, il avait déjà développé pour lui-même un système. de gestion d'informations, mais il avait gagné de l'expérience dessus. Mais finalement, on a perdu le système qu'il avait développé. Quand il est revenu en 1984, on lui a assigné des tâches, mais lui-même, de manière spontanée, il s'est rappelé du système qu'il avait fait au CERN plusieurs années avant. Et il a commencé à réfléchir, à concevoir un système pour lier entre elles des informations diverses et pour qu'on puisse y accéder de manière simple. sans avoir, par exemple, à se connecter spécifiquement à un ordinateur. Et il a écrit en 1989 une proposition dans ce sens, non sollicitée. Et ça, c'est intéressant parce que fréquemment, on présente le développement du web comme un besoin qui aurait été exprimé par les physiciens du CERN pour mieux communiquer. Ce besoin n'a jamais été exprimé. Tim a développé de lui-même. a fait une proposition de lui-même, sans qu'on la lui demande. En revanche, dès qu'il l'a mis en œuvre, dès que les physiciens ont commencé à l'utiliser, ils se sont dit « mais c'est exactement ce dont on avait besoin, comment on a pu vivre depuis 20 ans sans ce système qui nous permet d'échanger si facilement les informations ? » Nous sommes une communauté de 10 000 physiciens répartis dans le monde entier. Quand nous voulons échanger des informations, c'est la croix et la bannière. Il faut que chacun ait... Des comptes sur les ordinateurs distants, se connecter, les faire venir, là, c'est tellement simple. Et comme beaucoup d'inventions disruptives, le web est devenu une nécessité pour les physiciens. Ils en avaient besoin, mais ils ne le savaient pas.

  • Speaker #1

    Avec le recul, quand vous repensez à cette période, on se rappelle qu'en 93, il y avait 130 sites web. Aujourd'hui, on en recense près de 2 milliards. Y a-t-il des choix technologiques, des décisions stratégiques ? que vous feriez différemment ?

  • Speaker #0

    Non. La beauté du web, c'est qu'il est extrêmement simple. D'abord, il repose sur, pour simplifier, deux technologies distinctes, mais qui marchent parfaitement bien. L'une qui décrit les pages web. C'est un standard qui a été défini, inventé par Tim Berners-Lee, qui s'appelle HTML. Et puis, un autre standard qui permet d'échanger les pages web, qui s'appelle HTML. T, T, P, certains d'entre vous ont vu ces quatre lettres. Eh bien, les deux, ils fonctionnent magnifiquement bien l'un avec l'autre et probablement parce qu'ils viennent du même esprit, parce que Tim Berners-Lee était, ce qui n'est pas fréquent, qui arrive mais qui n'est pas fréquent dans nos domaines, c'est un expert mondial dans non pas un domaine, mais dans deux domaines. Un expert mondial des formats de documents et un expert mondial des réseaux informatiques. C'est pourquoi il a pu développer lui-même ces deux technologies. Donc, c'est extrêmement simple. Et l'une des raisons également du succès du web, c'est que j'expliquais que c'était une application, donc un service qui fonctionne sur une infrastructure qui s'appelle l'Internet. Et l'Internet a la particularité de fonctionner sur une technologie d'infrastructure qu'on appelle IP. Vous avez tous entendu parler IP, vous avez entendu parler des adresses IP, parce que tous les objets connectés ont un code numérique qu'on appelle une adresse. Cette technologie IP est extrêmement simple et extrêmement bien adaptée à ce que voulait faire Tim Berners-Lee avec le web. Son standard d'échange des pages qu'on appelle HTTP, qui permet de dire depuis votre ordinateur dans votre salon à un serveur qui est distant, donnez-moi la page X, etc. Ce mécanisme qui permet de faire cette demande et au serveur de répondre en disant, oui, voilà, j'ai bien compris, la voilà. Voilà sa taille, ça va mettre deux minutes pour arriver. Tous ces mécanismes-là, qu'on appelle HTTP, ils sont basés sur les mêmes principes que IP, qui est la technologie sous-jacente. Donc, on a eu un fit parfait entre la technologie de transfert de l'application, qui s'appelle HTTP, et la technologie d'infrastructure, qui s'appelle IP. Donc, je pense qu'on ne changerait rien. il y a une chose qu'on a conçue dès le départ, qui était très importante, qui s'est un peu diluée par la suite, mais qui était très importante et qu'il faudrait qu'on a bien fait de mettre en place. C'est le fait que, pour réclamer une page web, en utilisant ce mécanisme HTTP, qu'on appelle un protocole HTTP, il n'y a pas de contrôle qui est fait. N'importe qui qui connaît une adresse, non pas IP, mais une adresse web, les fameuses chaîne de caractère HTTP, quelque chose. Si vous connaissez cela, vous demandez la page correspondante et vous l'avez sans contrôle. Depuis le départ, on ne voulait pas que les gens aient besoin de s'enregistrer au départ. Et ça, ça a été le changement fondamental qui a complètement changé la vie des physiciens et la vie des usagers du web par la suite. C'est-à-dire que pas besoin de s'enregistrer, je connais cette fameuse... Cette adresse, on appelle ça un URL, c'est l'équivalent d'une adresse IP. Je la connais, je l'écris, je la tape, je la copie, collée et je la colle dans un navigateur et j'accède à la page. Alors vous me direz, mais ça ne marche pas comme ça l'Internet aujourd'hui. Pas du tout. Il faut s'enregistrer si je veux une page. Eh bien oui, dans certains cas, les serveurs, pour des raisons soit de sécurité, soit généralement des raisons économiques pour générer des gains, des revenus, on met en place des contrôles qui vous obligent de prendre un compte. Mais ce n'est pas... dans la technologie. La technologie est ouverte et dans certains cas, mais pas dans tous les cas, dans certains cas, eh bien, il faut effectivement prendre un compte.

  • Speaker #1

    En 94, vous avez écrit Understanding Network Multimedia Applications and Technology qui reste une référence mondiale éclairant les chercheurs et les professionnels sur les principes fondamentaux des technologies multimédia et des réseaux. Vous avez écrit un chapitre sur l'évolution et les tendances futures. Donc, il y a 30 ans aujourd'hui. Avec le retul, comment jugez-vous ces prévisions ? Où est-ce que vous êtes tombé peut-être juste ? Qu'est-ce que vous n'avez pas du tout anticipé ?

  • Speaker #0

    Oui, alors on a fait des prédictions. Donc, dans cet appendice d'un gros livre technique pour les universités, j'ai fait cet appendice après avoir discuté avec mes collègues pionniers de l'Internet. Qu'est-ce que vous pensez ? Qu'est-ce qui va arriver ? Qu'est-ce qu'on peut anticiper ? Alors, il se trouve qu'on en est assez fiers. Tout ce qu'on avait prédit s'est réalisé. Et je vais en parler. Mais par ailleurs, il y a des choses extrêmement importantes qui se sont réalisées, mais qu'on n'avait pas prédit. Alors, ce qu'on avait prédit, le commerce électronique, la finance, la banque en ligne, la vidéo conférence, les sites personnels, les encyclopédies, l'administration en ligne, tout ça était prévu. Et d'un point de vue sociétal alors, parce que cet appendice se concentrait sur les aspects sociétaux, au niveau négatif, on avait prévu effectivement que... l'Internet qui donne des moyens inclus de personnalisation, c'est-à-dire que, on dit en anglais « customization » , c'est-à-dire que un individu peut plus facilement spécifier ce qu'il veut, ce qui l'intéresse. Eh bien, ça, en soi-même, le fait d'avoir un choix de restreindre, en fait, soi-même les domaines que l'on recherche, eh bien, on avait prédit que ça allait réduire ce qui est le cas. Le spectre des intérêts en matière d'information. Je vais lire un peu le test qu'on avait écrit, parce que c'est un petit peu prémonitoire. Je le lis verbatim. Voilà ce qu'on a écrit, vraiment, mot à mot. Nous allons définir, nous, les utilisateurs, nous-mêmes, des filtres en fonction de nos centres d'intérêt ou de ce que nous croyons être nos centres d'intérêt. En d'autres termes, nous allons déterminer subjectivement notre profil. Par exemple, certains ne recevront peut-être que des nouvelles sportives ou seront confrontés qu'à des discours politiques de leurs politiciens préférés. En 94, à l'époque, il y a quelques centaines de serveurs. On ne peut échanger que du texte ou des images. Il y a déjà des images. Il n'y a pas de vidéo. Ça n'existe pas sur Internet. On sait que ça va venir, mais ça n'existe pas. Il n'y a pas de serveur vidéo. On pense à ça et ça nous fait penser qu'effectivement, quand on met trop de possibilités d'adaptation personnelle, finalement... On restreint la possibilité de découverte qu'on n'a pas prévu, ce que les anglais appellent « impromptu discovery » . Il y a un truc que je n'ai pas demandé, mais que je découvre. On avait également prévu que non seulement les gens feraient ça eux-mêmes, mais qu'il y aurait des systèmes, des serveurs qui feraient ça pour eux également. Ce qu'on a appelé à l'époque, de manière à peu près monitoire, le profilage des serveurs avait été prévu. Là encore, je le dis brièvement. le texte qu'on avait écrit, parce que c'est intéressant de voir même les mots. Des serveurs intelligents essaieront d'apprendre quels sont nos goûts à partir de nos requêtes. Je rappelle qu'il y a 200 serveurs à l'époque. De puissants filtres existeront pour accéder à des divertissements ou à des éléments culturels. On ne nous proposera peut-être que des films du type que nous aimons. Il n'y a pas de film à l'époque encore. La probabilité de découvertes impromptues ou de révélations culturelles pourrait... peut être alors considérablement réduite. Et je pense que c'est ce qu'on observe. Et alors ça, c'est un phénomène connu. Il y a une étude qui était assez intéressante, qui a été faite au Japon, où tout le monde sait que les Japonais sont très amateurs de musique classique. Et on s'est aperçu qu'il y avait une chute, on avait noté une chute de l'intérêt. Pour la musique classique, les concerts, l'assistance aux concerts, les achats de CD, quand la deuxième chaîne japonaise, ou la troisième, je ne sais plus, avait été mise en service. À partir du moment où on commence à avoir un choix trop large, on va customiser, on va choisir. Et donc, si on n'a qu'une seule chaîne de télévision, qu'une seule chaîne de radio, on n'a pas le choix. Mais tout d'un coup, on peut entendre quelque chose, on dit ça, c'est quoi ça ? Ah, c'est de la musique classique, mais finalement, c'est pas mal ce truc. Si on choisit soi-même ou si les serveurs choisissent pour vous, on réduit ce spectre. Ça, ça avait été analysé. Je pense que c'est quelque chose qui n'est peut-être pas bien perçu aujourd'hui, mais qui est, je pense, un problème réel. L'autre chose qu'on avait prévue négativement au niveau sociétal, c'est... que l'internet entraînerait une exacerbation de l'individualisme. Là encore, on avait écrit, là où la télévision se consomme en famille aujourd'hui, surfer sur internet sera une activité solitaire. On n'avait pas prévu les smartphones, ce qui aggrave encore la situation. On avait quand même prévu des choses positives, ça c'est du négatif, la création de contenus et la diffusion des connaissances, on ne l'appelait pas Wikipédia, mais ça c'était prévu. Le fait... plus généralement que tout consommateur puisse devenir un producteur de contenu. C'était prévu. Alors, ce qu'on n'avait pas prévu, l'énorme conséquence des réseaux sociaux. Personne, j'en ai encore parlé récemment à des collègues, personne n'avait vu venir les réseaux sociaux, d'une part. Et d'autre part, le fait que la jeunesse s'en emparerait, l'impact du web avec les réseaux sociaux sur les jeunes, personne n'y avait Personne ne pensait que ça prendrait cette dimension. Et ce qu'on n'avait pas prévu malheureusement, c'est que si effectivement un nombre infiniment plus important d'individus deviendrait producteur de contenu et pas uniquement consommateur de contenu, on n'avait pas vu que ce serait essentiellement, non pas pour produire de la connaissance ou même de l'information, si ce n'est pas de la connaissance, mais pour parler d'eux-mêmes. Moi, moi, moi, qui je suis, où je vais, qu'est-ce que je fais, voici mon selfie. Et donc on n'avait pas prévu, ou alors on y pensait, mais on n'avait pas voulu voir que l'Internet deviendrait un outil d'exacerbation du narcissisme et de l'égocentrisme.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, on parle beaucoup d'IA générative, d'ordinateurs quantiques. Comment pensez-vous que ces innovations vont influencer le web dans les années à venir ?

  • Speaker #0

    Alors, informatique quantique, je ne sais pas. Je ne sais pas, je pourrais donner des opinions vagues, mais elles ne sont pas substantielles. L'intelligence artificielle générative, et peut-être générale si elle existe un jour, J'utilise une définition de l'intelligence qui conduit à considérer que l'intelligence générative n'est pas réellement une intelligence. J'utilise comme définition de l'intelligence la possibilité de résoudre avec l'esprit des problèmes nouveaux. Alors l'intelligence artificielle générative à l'heure actuelle ne permet pas de résoudre des problèmes nouveaux, elle permet de résoudre des problèmes spécifiés, des problèmes dont les algorithmes existent. Le jour où l'intelligence artificielle... inventera un nouvel algorithme ? Parce qu'on me dit parfois mais non des problèmes nouveaux, regardez voici un nombre extrêmement compliqué et je veux en extraire sa racine quatrième personne, c'est un problème nouveau, personne n'a jamais donné, je suis sûr ce problème là, l'IA va le résoudre ce problème. On répond mais non, c'est pas un problème nouveau, l'algorithme est connu Les paramètres sont nouveaux, mais le problème est connu. L'intelligence artificielle reproduit un algorithme qui a été connu. Alors, je pense qu'il est probable que l'intelligence artificielle aura une incidence sociétale, peut-être négative, probablement négative. Et cette incidence, c'est que si effectivement l'intelligence est... La résolution de nouveaux problèmes, de problèmes nouveaux avec l'esprit, l'intelligence humaine. Et bien, en quoi faut-il pour maintenir ou pour développer cette intelligence humaine, avoir des problèmes nouveaux à résoudre ? Pratiquer le problem solving comme on dit en anglais. Et s'il se trouve que l'on a de moins en moins dans notre vie, parce qu'elle est assistée, elle est assistée par l'intelligence artificielle, on a de moins en moins de problèmes nouveaux à résoudre. Peut-être pas dans 10 ans, mais dans 20 ans, dans 50 ans, dans 100 ans. Alors, est-ce que nous continuerons à développer ou même maintenir l'intelligence ? J'ai, c'est pour moi le problème essentiel. Le jour, effectivement, nous vivrons dans un environnement super assisté. hyper assistés où les problèmes que habituellement on résout avec l'esprit, je parle pas des problèmes matériels, des problèmes qu'on joue avec la force, mais avec l'esprit, seront largement résolus pour nous avec l'IA, on peut craindre une régression de l'intelligence humaine.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous inspire la citation d'Elon Musk qui dit que l'IA est potentiellement plus dangereuse que les armes nucléaires ?

  • Speaker #0

    Oui, bon ben je... j'ai dû je n'ai pas beaucoup de commentaires je ne suis effectivement mais dans cent ans deux cents ans les hommes sont devenus des crétins mais qui continue à favoriser les systèmes de croyances par rapport aux systèmes de connaissances, et donc qui continue à se faire la guerre pour des systèmes de croyances, alors effectivement, ça peut être la fin de l'humanité, des imbéciles, des crétins qui se font la guerre, au nom des croyances, comme c'est le cas aujourd'hui. Ça peut être la fin de l'humanité. C'est peut-être dans ce sens qu'il parle de quelque chose d'équivalent à une morgue atomique.

  • Speaker #1

    Ça nous fait rebondir sur la gouvernance peut-être du web. En repensant justement cette gouvernance, pensez-vous qu'une régulation internationale aurait dû être mise en place dès le départ pour éviter certaines dérives ? Et est-ce qu'on peut faire quelque chose ? Est-ce que les États, les institutions peuvent avoir vraiment une influence ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr, elles auraient pu avoir une influence, mais elles n'auraient pas résolu. entièrement le problème, mais ils auraient pu l'atténuer. Le contrôle des fake news est très limité et ils se heurtent aux critiques d'atteinte aux libertés individuelles, d'atteinte à la liberté d'expression. Et c'est un domaine extrêmement difficile, c'est un domaine difficile. parce que là s'oppose d'une certaine manière, et on le voit dans d'autres domaines d'ailleurs, on le voit dans le domaine médical, dans le domaine des vaccins par exemple, l'opposition entre l'intérêt général... l'intérêt de la société et la protection de la liberté individuelle. C'est le cas typique des vaccins. Je favorise ou pas ma liberté individuelle par rapport à l'intérêt général. Je me fais vacciner ou pas. Et cette problématique... du contrôle du contenu dans Internet se heurtent à ces difficultés.

  • Speaker #1

    Tim Berners-Lee a dit que nous avons beaucoup à faire pour rendre le web un lieu sûr et ouvert à tous. J'espère que c'est une récitation, je l'ai trouvée sur Internet. Quelles sont les étapes cruciales pour faire un outil encore plus bénéfique pour l'humanité ? Quelle est votre vision idéale pour le web dans les prochaines années, décennies ?

  • Speaker #0

    Une chose importante, c'est que le web reste gratuit pour tout le monde. Alors vous me direz, mais il n'est pas gratuit pour l'instant. Oui, il y a du business sur l'Internet et il y a des informations qui sont payantes. Mais largement, il reste gratuit. Mais ça va dépendre également de l'évolution du monde face au monde du web ou de l'internet. Pour l'instant, on peut respirer sans payer. On peut se promener dans la rue sans payer. Si le monde évolue dans un sens plus mercantile pour les aspects non liés au web, le web suivra. Donc un web qui reste gratuit pour tout le monde. Un web ouvert, c'est-à-dire un web dont la technologie et ses principes sont connus de tous. Alors ça, c'est l'un des dangers futurs que je vois pour le web. C'est un peu une réponse technologique, mais c'est la fragmentation technologique. Pour l'instant, on a peu de fragmentation technologique. Je vous donne des exemples. D'abord, la technologie de support, de transport, IP, elle est généralisée. Il y a eu des tentatives pour la privatiser. Il y a eu des tentatives des grandes entreprises dans les années 90 pour créer des alternatives propriétaires à IP. Ça a échoué. Donc, au niveau sous-jacent... On a un standard. Au niveau des applications, aujourd'hui, quand vous envoyez un mail, c'est un système ouvert. Vous n'avez pas à vous préoccuper, mais quel système de mail, quel protocole il utilise à l'autre bout ? Non, tout le monde utilise les standards ouverts, connus de tous de l'Internet pour le mail. Et la même chose pour le web. Le web, vous regardez une page, vous n'avez pas à vous demander, mais est-ce que le système distant utilise... HTTP ou est-ce qu'ils utilisent XYZ ? Non, tout le monde utilise ces standards. En revanche, on commence à voir, on voit, on a déjà, depuis de longues années, dans certaines applications, une fragmentation. Quand vous faites une visioconférence, vous devez savoir quel système propriétaire utilise mon partenaire. Est-ce que c'est Zoom ? Est-ce que c'est un système Apple ? On a une fragmentation. Et c'est l'intérêt des industriels. Les industriels, les grands industriels, n'ont jamais aucun intérêt aux standards. Ils ont intérêt à avoir une fragmentation et à se mettre à dominer le marché avec leurs standards propriétaires. Donc, ils n'ont pas intérêt au standard. Ceux qui ont, en tant qu'industriels, intérêt au standard, ce sont les petits. Les industriels, qui, eux, n'ont pas la capacité de s'imposer en tant que standard majeur, donc ils ont intérêt, leur intérêt, est de suivre un standard général ouvert. Donc, il y a un risque de fréquentation dans le futur et il faut rester vigilant. La raison pour laquelle l'Internet et le Web et les autres applications fonctionnent, c'est parce qu'ils sont basés sur... des standards ouverts. Qu'est-ce que ça veut dire, standards ouverts ? On connaît comment ça marche. On sait comment ça marche. Et si moi, en tant que développeur, je suis un informaticien, je veux écrire un programme qui est capable de converser avec un serveur, je sais comment. Puisque HTTP, c'est connu. Les règles sont connues. Tout le monde connaît. Je veux écrire un programme qui va être magnifique, marcher mieux que les programmes que vous utilisez aujourd'hui pour regarder mes mails, je peux le faire. Parce que le standard de mail, il est connu. Tout le monde le connaît. C'est ça, la technologie ouverte. respectueux de la vie privée des individus un autre élément d'un web idéal et alors je sais pas comment faire mais ce serait idéal un web moins addictif et connaît tous les phénomènes d'addiction moi même et comment faire autre que l'autorégulation pour que le web soit moins addictif. Je ne sais pas mais on me pose la question qu'est ce qui serait idéal un web comme ça pour moi serait mieux que le web actuel.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça vous inspire, les GAFAM ? Ces gros groupes avec des milliardaires à leur tête, qui se sont concentrés, ils achètent dès qu'il y a des nouveaux sites, des nouvelles applis qui fonctionnent, ils achètent. Quel est votre regard avec votre expérience, avec votre recul sur cette évolution ?

  • Speaker #0

    Alors, ça dépend un petit peu de leur éthique, mais ça reste que des groupes dont la finalité est la maximisation du profit. Le danger, c'est un petit peu ce dont je viens de parler, le risque d'appropriation de standards et de technologies parce qu'ils réussissent à s'imposer avec une technologie propriétaire qu'eux seuls maîtrisent et connaissent, auxquelles les autres n'ont pas accès et à dominer. Si bien entendu, c'est dangereux. Maintenant, d'un point de vue plus... politique, je dirais. Je trouve extrêmement dangereux pour la démocratie que des organismes et des individus possèdent eux-mêmes des centaines de milliards, voire des milliers de milliards de dollars, parce qu'ils ont une possibilité de déstabilisation de la démocratie immense, bien plus importante que des États. Je ne comprends pas comment la société peut. tolérer ça après la grande dépression américaine c'était pas possible après la grande dépression américaine les impôts étaient dans l'intrême de 90% à partir de septembre on prenait 90% il restait 10% ça n'est pas possible ça n'est pas possible qu'on ait un monsieur et le masque c'est son nom puisqu'on l'a cité tout à l'heure avec son potentiel d'influence sur ma vie. Personne ne l'a élu, personne ne l'a choisi. Il peut décider des choses fondamentales pour ma vie. Il peut décider des choses fondamentales avec son système de satellite pour 40 millions d'Ukrainiens. Pourquoi un individu a le droit de faire ça ? Donc, il y a ce risque et on a laissé faire. On a laissé faire parce que, puisqu'ils sont milliardaires... Ils dominent la politique, donc ils dominent les décisions. C'est mon commentaire, le problème principal politique actuel dans le monde.

  • Speaker #1

    Pour conclure, quel rôle pensez-vous que des initiatives comme la communauté Impact Sociétal du CERA peuvent jouer dans l'innovation des prochaines décennies ?

  • Speaker #0

    La prise de conscience des problèmes éthiques en amont, par exemple, et l'alerte. sur les dérives technologiques. Sur la prise de conscience en amont, je tirais une ligne de démarcation entre le scepticisme nécessaire que l'on peut avoir par rapport à la technologie et le scepticisme qu'on peut avoir par rapport à la connaissance, donc à la science. La science, c'est des systèmes de connaissance, essayer de comprendre comment le monde matériel marche, comprendre comment le monde sociétal, les relations entre les gens. ça fonctionne. Essayer de comprendre, de créer des connaissances. Il vaut mieux savoir que ne pas savoir. Et si on se disait oui, finalement, on préfère ne pas savoir. Alors bien sûr, ça peut être déstabilisant de savoir. Imaginons qu'un savoir nouveau arrive. Je sais. Tout d'un coup, imaginons, en fait on le sait depuis longtemps, que notre galaxie va dans 4 milliards d'années ou 5 milliards d'années rentrer en collision avec la galaxie d'Andromède. Ça va être la fin du système solaire. C'est déstabilisant, peut-être que psychologiquement, des individus, des groupes d'individus, des groupes sociaux peuvent être déstabilisés par une connaissance comme ça. En plus, il aurait mieux fallu ne pas savoir. Le danger de mettre des restrictions éthiques en amont sur la création de connaissances, c'est qu'on laisse un vide. On laisse un vide de connaissances. Et la nature ayant horreur des vides, puisqu'on n'a pas créé de connaissances dans un domaine, les croyances vont s'y engouffrer. Et donc, on aura quand même des pensées sur le domaine, mais des pensées non rationnelles qui seront des croyances. Ce type de réflexion que je viens de faire, ça peut être effectivement un apport de cette initiative, réflexion en amont, mais peut-être réflexion sur le fait qu'il faut... On prend des précautions nécessaires sur l'impact que peuvent avoir les technologies. On doit faire attention de bien parler des technologies et de prendre des précautions si on parle des connaissances de la science.

  • Speaker #1

    Merci François.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

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Description

Avec François Flückiger, pionnier d'Internet et membre honorifique du CERN, nous revenons sur la grande aventure de la création du Web. Avec le recul, referait-on les choses différemment ? Et comment pourrait-on l’améliorer aujourd’hui ? Un échange riche en réflexions sur ce que l’histoire d’Internet nous enseigne pour l'avenir. Un entretien conduit par Julien Reynier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La démographie, les modes de développement mettent en danger notre planète et ses habitants. L'état vert, multivers, nous et les espaces. Peu importe le scénario, il faudra compter avec les forces les plus puissantes de notre époque. L'écologie, les technologies. Celles-ci doivent évoluer dans le sens d'un développement vertueux et attentif aux vivants et répondre aux besoins de nos peuples. Merci.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, pour ce nouvel épisode d'Interface, le podcast de la communauté impact sociétale du CEA, le podcast où la science et l'innovation rencontrent la société, j'ai le privilège d'accueillir François Flutiger, un des contributeurs initiaux du web, pour parler web, de sa jeunesse, de ses défis initiaux, de ce qu'il referait différemment avec le recul, mais surtout sur son évolution et son futur. Bonjour François.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Vous êtes informaticien de renommée internationale, un pionnier, un des deux seuls français avec Louis Pouzin à figurer dans l'Internet Hall of Fame, en reconnaissance de votre contribution décisive aux technologies de l'information et l'Internet. Diplômé de SUPELEC, titulaire d'AMBA, vous avez occupé une position centrale au CERN, où le web est né en 1989 grâce au travail de Tim Berners-Lee, à qui vous avez succédé. Vous y avez dirigé l'équipe responsable du développement et de la maintenance des standards techniques du web. contribuant ainsi à structurer et stabiliser cette innovation. En parallèle, vous avez dirigé l'Open Lab du CERN, une plateforme de collaboration avec des partenaires. La School of Computing, jusqu'en 2013, vous avez formé des générations d'informaticiens, partageant ainsi votre vision du futur des technos de l'information et les préparant aux défis à venir. Vous avez également été un acteur clé dans la création et le développement de structures comme le RIP, Réseau IP Européen, et l'E-Bone, European Backbone, des initiatives, des projets, qui sont encore aujourd'hui des piliers essentiels du web mondial. Vous avez également été enseignant à l'Université de Genève et joué un rôle influent au sein de l'Internet Society et du comité consultatif du World Free Sea. Depuis 2015, vous êtes un membre honoraire du CERN, poursuivant votre engagement pour l'évolution des technologies et des réseaux et être l'auteur de plusieurs ouvrages. Nous y reviendrons. Pour débuter, et comme avec chaque invité, pouvez-vous me donner votre définition personnelle de l'impact sociétal ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai l'impression que, comme on dit en anglais, c'est presque self-explained, c'est-à-dire que le titre donne pratiquement lui-même sa définition. Pour moi, c'est les conséquences sur la société en général, son fonctionnement, sa structure, les relations dans la société que peuvent avoir les technologies. Maintenant, les technologies, c'est un domaine... mais les technologies sont issues de la science. Donc parfois, on confond un peu l'impact social des systèmes de connaissances, qui sont la science, et puis des technologies, qui sont le produit de ces connaissances.

  • Speaker #1

    On parle définition Internet, World Wide Web. Pour beaucoup, c'est synonyme, alors que ça ne l'est pas. Est-ce que vous pouvez nous expliquer brièvement la différence ? Oui,

  • Speaker #0

    alors c'est assez simple. L'Internet, c'est l'infrastructure de base. L'Internet, c'est l'équivalent de réseau ferré de France. C'est un système constitué, comme le réseau routier, de nœuds comme on a des ronds-points et de liaisons entre ces nœuds comme on a des routes. Mais sans service dessus, ça ne sert à rien. Et donc, pour utiliser Internet, il faut avoir ce qu'on appelle des applications. Une des applications que vous utilisez tous les jours vous-même, c'est la messagerie électronique. Il y en a une autre qui s'appelle le web, qui est un mécanisme qui permet de visiter des pages, de les regarder, de visiter, de visualiser des images, de visualiser des films de manière directe. Et ça, c'est le web. Donc le web, c'est l'une des applications parmi d'autres, mais probablement l'application majeure, l'usage majeur de cette infrastructure qu'on appelle l'Internet.

  • Speaker #1

    Pouvez-vous nous raconter brièvement ? Comment tout a commencé en 89 avec Tim Berners-Lee ?

  • Speaker #0

    Tim Berners-Lee, il était déjà venu au CERN au début des années 80 avec une équipe pour participer de manière freelance à certains développements du CERN. Et puis, il était reparti et il a de nouveau postulé en 84. Quand il était venu la première fois, il avait déjà développé pour lui-même un système. de gestion d'informations, mais il avait gagné de l'expérience dessus. Mais finalement, on a perdu le système qu'il avait développé. Quand il est revenu en 1984, on lui a assigné des tâches, mais lui-même, de manière spontanée, il s'est rappelé du système qu'il avait fait au CERN plusieurs années avant. Et il a commencé à réfléchir, à concevoir un système pour lier entre elles des informations diverses et pour qu'on puisse y accéder de manière simple. sans avoir, par exemple, à se connecter spécifiquement à un ordinateur. Et il a écrit en 1989 une proposition dans ce sens, non sollicitée. Et ça, c'est intéressant parce que fréquemment, on présente le développement du web comme un besoin qui aurait été exprimé par les physiciens du CERN pour mieux communiquer. Ce besoin n'a jamais été exprimé. Tim a développé de lui-même. a fait une proposition de lui-même, sans qu'on la lui demande. En revanche, dès qu'il l'a mis en œuvre, dès que les physiciens ont commencé à l'utiliser, ils se sont dit « mais c'est exactement ce dont on avait besoin, comment on a pu vivre depuis 20 ans sans ce système qui nous permet d'échanger si facilement les informations ? » Nous sommes une communauté de 10 000 physiciens répartis dans le monde entier. Quand nous voulons échanger des informations, c'est la croix et la bannière. Il faut que chacun ait... Des comptes sur les ordinateurs distants, se connecter, les faire venir, là, c'est tellement simple. Et comme beaucoup d'inventions disruptives, le web est devenu une nécessité pour les physiciens. Ils en avaient besoin, mais ils ne le savaient pas.

  • Speaker #1

    Avec le recul, quand vous repensez à cette période, on se rappelle qu'en 93, il y avait 130 sites web. Aujourd'hui, on en recense près de 2 milliards. Y a-t-il des choix technologiques, des décisions stratégiques ? que vous feriez différemment ?

  • Speaker #0

    Non. La beauté du web, c'est qu'il est extrêmement simple. D'abord, il repose sur, pour simplifier, deux technologies distinctes, mais qui marchent parfaitement bien. L'une qui décrit les pages web. C'est un standard qui a été défini, inventé par Tim Berners-Lee, qui s'appelle HTML. Et puis, un autre standard qui permet d'échanger les pages web, qui s'appelle HTML. T, T, P, certains d'entre vous ont vu ces quatre lettres. Eh bien, les deux, ils fonctionnent magnifiquement bien l'un avec l'autre et probablement parce qu'ils viennent du même esprit, parce que Tim Berners-Lee était, ce qui n'est pas fréquent, qui arrive mais qui n'est pas fréquent dans nos domaines, c'est un expert mondial dans non pas un domaine, mais dans deux domaines. Un expert mondial des formats de documents et un expert mondial des réseaux informatiques. C'est pourquoi il a pu développer lui-même ces deux technologies. Donc, c'est extrêmement simple. Et l'une des raisons également du succès du web, c'est que j'expliquais que c'était une application, donc un service qui fonctionne sur une infrastructure qui s'appelle l'Internet. Et l'Internet a la particularité de fonctionner sur une technologie d'infrastructure qu'on appelle IP. Vous avez tous entendu parler IP, vous avez entendu parler des adresses IP, parce que tous les objets connectés ont un code numérique qu'on appelle une adresse. Cette technologie IP est extrêmement simple et extrêmement bien adaptée à ce que voulait faire Tim Berners-Lee avec le web. Son standard d'échange des pages qu'on appelle HTTP, qui permet de dire depuis votre ordinateur dans votre salon à un serveur qui est distant, donnez-moi la page X, etc. Ce mécanisme qui permet de faire cette demande et au serveur de répondre en disant, oui, voilà, j'ai bien compris, la voilà. Voilà sa taille, ça va mettre deux minutes pour arriver. Tous ces mécanismes-là, qu'on appelle HTTP, ils sont basés sur les mêmes principes que IP, qui est la technologie sous-jacente. Donc, on a eu un fit parfait entre la technologie de transfert de l'application, qui s'appelle HTTP, et la technologie d'infrastructure, qui s'appelle IP. Donc, je pense qu'on ne changerait rien. il y a une chose qu'on a conçue dès le départ, qui était très importante, qui s'est un peu diluée par la suite, mais qui était très importante et qu'il faudrait qu'on a bien fait de mettre en place. C'est le fait que, pour réclamer une page web, en utilisant ce mécanisme HTTP, qu'on appelle un protocole HTTP, il n'y a pas de contrôle qui est fait. N'importe qui qui connaît une adresse, non pas IP, mais une adresse web, les fameuses chaîne de caractère HTTP, quelque chose. Si vous connaissez cela, vous demandez la page correspondante et vous l'avez sans contrôle. Depuis le départ, on ne voulait pas que les gens aient besoin de s'enregistrer au départ. Et ça, ça a été le changement fondamental qui a complètement changé la vie des physiciens et la vie des usagers du web par la suite. C'est-à-dire que pas besoin de s'enregistrer, je connais cette fameuse... Cette adresse, on appelle ça un URL, c'est l'équivalent d'une adresse IP. Je la connais, je l'écris, je la tape, je la copie, collée et je la colle dans un navigateur et j'accède à la page. Alors vous me direz, mais ça ne marche pas comme ça l'Internet aujourd'hui. Pas du tout. Il faut s'enregistrer si je veux une page. Eh bien oui, dans certains cas, les serveurs, pour des raisons soit de sécurité, soit généralement des raisons économiques pour générer des gains, des revenus, on met en place des contrôles qui vous obligent de prendre un compte. Mais ce n'est pas... dans la technologie. La technologie est ouverte et dans certains cas, mais pas dans tous les cas, dans certains cas, eh bien, il faut effectivement prendre un compte.

  • Speaker #1

    En 94, vous avez écrit Understanding Network Multimedia Applications and Technology qui reste une référence mondiale éclairant les chercheurs et les professionnels sur les principes fondamentaux des technologies multimédia et des réseaux. Vous avez écrit un chapitre sur l'évolution et les tendances futures. Donc, il y a 30 ans aujourd'hui. Avec le retul, comment jugez-vous ces prévisions ? Où est-ce que vous êtes tombé peut-être juste ? Qu'est-ce que vous n'avez pas du tout anticipé ?

  • Speaker #0

    Oui, alors on a fait des prédictions. Donc, dans cet appendice d'un gros livre technique pour les universités, j'ai fait cet appendice après avoir discuté avec mes collègues pionniers de l'Internet. Qu'est-ce que vous pensez ? Qu'est-ce qui va arriver ? Qu'est-ce qu'on peut anticiper ? Alors, il se trouve qu'on en est assez fiers. Tout ce qu'on avait prédit s'est réalisé. Et je vais en parler. Mais par ailleurs, il y a des choses extrêmement importantes qui se sont réalisées, mais qu'on n'avait pas prédit. Alors, ce qu'on avait prédit, le commerce électronique, la finance, la banque en ligne, la vidéo conférence, les sites personnels, les encyclopédies, l'administration en ligne, tout ça était prévu. Et d'un point de vue sociétal alors, parce que cet appendice se concentrait sur les aspects sociétaux, au niveau négatif, on avait prévu effectivement que... l'Internet qui donne des moyens inclus de personnalisation, c'est-à-dire que, on dit en anglais « customization » , c'est-à-dire que un individu peut plus facilement spécifier ce qu'il veut, ce qui l'intéresse. Eh bien, ça, en soi-même, le fait d'avoir un choix de restreindre, en fait, soi-même les domaines que l'on recherche, eh bien, on avait prédit que ça allait réduire ce qui est le cas. Le spectre des intérêts en matière d'information. Je vais lire un peu le test qu'on avait écrit, parce que c'est un petit peu prémonitoire. Je le lis verbatim. Voilà ce qu'on a écrit, vraiment, mot à mot. Nous allons définir, nous, les utilisateurs, nous-mêmes, des filtres en fonction de nos centres d'intérêt ou de ce que nous croyons être nos centres d'intérêt. En d'autres termes, nous allons déterminer subjectivement notre profil. Par exemple, certains ne recevront peut-être que des nouvelles sportives ou seront confrontés qu'à des discours politiques de leurs politiciens préférés. En 94, à l'époque, il y a quelques centaines de serveurs. On ne peut échanger que du texte ou des images. Il y a déjà des images. Il n'y a pas de vidéo. Ça n'existe pas sur Internet. On sait que ça va venir, mais ça n'existe pas. Il n'y a pas de serveur vidéo. On pense à ça et ça nous fait penser qu'effectivement, quand on met trop de possibilités d'adaptation personnelle, finalement... On restreint la possibilité de découverte qu'on n'a pas prévu, ce que les anglais appellent « impromptu discovery » . Il y a un truc que je n'ai pas demandé, mais que je découvre. On avait également prévu que non seulement les gens feraient ça eux-mêmes, mais qu'il y aurait des systèmes, des serveurs qui feraient ça pour eux également. Ce qu'on a appelé à l'époque, de manière à peu près monitoire, le profilage des serveurs avait été prévu. Là encore, je le dis brièvement. le texte qu'on avait écrit, parce que c'est intéressant de voir même les mots. Des serveurs intelligents essaieront d'apprendre quels sont nos goûts à partir de nos requêtes. Je rappelle qu'il y a 200 serveurs à l'époque. De puissants filtres existeront pour accéder à des divertissements ou à des éléments culturels. On ne nous proposera peut-être que des films du type que nous aimons. Il n'y a pas de film à l'époque encore. La probabilité de découvertes impromptues ou de révélations culturelles pourrait... peut être alors considérablement réduite. Et je pense que c'est ce qu'on observe. Et alors ça, c'est un phénomène connu. Il y a une étude qui était assez intéressante, qui a été faite au Japon, où tout le monde sait que les Japonais sont très amateurs de musique classique. Et on s'est aperçu qu'il y avait une chute, on avait noté une chute de l'intérêt. Pour la musique classique, les concerts, l'assistance aux concerts, les achats de CD, quand la deuxième chaîne japonaise, ou la troisième, je ne sais plus, avait été mise en service. À partir du moment où on commence à avoir un choix trop large, on va customiser, on va choisir. Et donc, si on n'a qu'une seule chaîne de télévision, qu'une seule chaîne de radio, on n'a pas le choix. Mais tout d'un coup, on peut entendre quelque chose, on dit ça, c'est quoi ça ? Ah, c'est de la musique classique, mais finalement, c'est pas mal ce truc. Si on choisit soi-même ou si les serveurs choisissent pour vous, on réduit ce spectre. Ça, ça avait été analysé. Je pense que c'est quelque chose qui n'est peut-être pas bien perçu aujourd'hui, mais qui est, je pense, un problème réel. L'autre chose qu'on avait prévue négativement au niveau sociétal, c'est... que l'internet entraînerait une exacerbation de l'individualisme. Là encore, on avait écrit, là où la télévision se consomme en famille aujourd'hui, surfer sur internet sera une activité solitaire. On n'avait pas prévu les smartphones, ce qui aggrave encore la situation. On avait quand même prévu des choses positives, ça c'est du négatif, la création de contenus et la diffusion des connaissances, on ne l'appelait pas Wikipédia, mais ça c'était prévu. Le fait... plus généralement que tout consommateur puisse devenir un producteur de contenu. C'était prévu. Alors, ce qu'on n'avait pas prévu, l'énorme conséquence des réseaux sociaux. Personne, j'en ai encore parlé récemment à des collègues, personne n'avait vu venir les réseaux sociaux, d'une part. Et d'autre part, le fait que la jeunesse s'en emparerait, l'impact du web avec les réseaux sociaux sur les jeunes, personne n'y avait Personne ne pensait que ça prendrait cette dimension. Et ce qu'on n'avait pas prévu malheureusement, c'est que si effectivement un nombre infiniment plus important d'individus deviendrait producteur de contenu et pas uniquement consommateur de contenu, on n'avait pas vu que ce serait essentiellement, non pas pour produire de la connaissance ou même de l'information, si ce n'est pas de la connaissance, mais pour parler d'eux-mêmes. Moi, moi, moi, qui je suis, où je vais, qu'est-ce que je fais, voici mon selfie. Et donc on n'avait pas prévu, ou alors on y pensait, mais on n'avait pas voulu voir que l'Internet deviendrait un outil d'exacerbation du narcissisme et de l'égocentrisme.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, on parle beaucoup d'IA générative, d'ordinateurs quantiques. Comment pensez-vous que ces innovations vont influencer le web dans les années à venir ?

  • Speaker #0

    Alors, informatique quantique, je ne sais pas. Je ne sais pas, je pourrais donner des opinions vagues, mais elles ne sont pas substantielles. L'intelligence artificielle générative, et peut-être générale si elle existe un jour, J'utilise une définition de l'intelligence qui conduit à considérer que l'intelligence générative n'est pas réellement une intelligence. J'utilise comme définition de l'intelligence la possibilité de résoudre avec l'esprit des problèmes nouveaux. Alors l'intelligence artificielle générative à l'heure actuelle ne permet pas de résoudre des problèmes nouveaux, elle permet de résoudre des problèmes spécifiés, des problèmes dont les algorithmes existent. Le jour où l'intelligence artificielle... inventera un nouvel algorithme ? Parce qu'on me dit parfois mais non des problèmes nouveaux, regardez voici un nombre extrêmement compliqué et je veux en extraire sa racine quatrième personne, c'est un problème nouveau, personne n'a jamais donné, je suis sûr ce problème là, l'IA va le résoudre ce problème. On répond mais non, c'est pas un problème nouveau, l'algorithme est connu Les paramètres sont nouveaux, mais le problème est connu. L'intelligence artificielle reproduit un algorithme qui a été connu. Alors, je pense qu'il est probable que l'intelligence artificielle aura une incidence sociétale, peut-être négative, probablement négative. Et cette incidence, c'est que si effectivement l'intelligence est... La résolution de nouveaux problèmes, de problèmes nouveaux avec l'esprit, l'intelligence humaine. Et bien, en quoi faut-il pour maintenir ou pour développer cette intelligence humaine, avoir des problèmes nouveaux à résoudre ? Pratiquer le problem solving comme on dit en anglais. Et s'il se trouve que l'on a de moins en moins dans notre vie, parce qu'elle est assistée, elle est assistée par l'intelligence artificielle, on a de moins en moins de problèmes nouveaux à résoudre. Peut-être pas dans 10 ans, mais dans 20 ans, dans 50 ans, dans 100 ans. Alors, est-ce que nous continuerons à développer ou même maintenir l'intelligence ? J'ai, c'est pour moi le problème essentiel. Le jour, effectivement, nous vivrons dans un environnement super assisté. hyper assistés où les problèmes que habituellement on résout avec l'esprit, je parle pas des problèmes matériels, des problèmes qu'on joue avec la force, mais avec l'esprit, seront largement résolus pour nous avec l'IA, on peut craindre une régression de l'intelligence humaine.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous inspire la citation d'Elon Musk qui dit que l'IA est potentiellement plus dangereuse que les armes nucléaires ?

  • Speaker #0

    Oui, bon ben je... j'ai dû je n'ai pas beaucoup de commentaires je ne suis effectivement mais dans cent ans deux cents ans les hommes sont devenus des crétins mais qui continue à favoriser les systèmes de croyances par rapport aux systèmes de connaissances, et donc qui continue à se faire la guerre pour des systèmes de croyances, alors effectivement, ça peut être la fin de l'humanité, des imbéciles, des crétins qui se font la guerre, au nom des croyances, comme c'est le cas aujourd'hui. Ça peut être la fin de l'humanité. C'est peut-être dans ce sens qu'il parle de quelque chose d'équivalent à une morgue atomique.

  • Speaker #1

    Ça nous fait rebondir sur la gouvernance peut-être du web. En repensant justement cette gouvernance, pensez-vous qu'une régulation internationale aurait dû être mise en place dès le départ pour éviter certaines dérives ? Et est-ce qu'on peut faire quelque chose ? Est-ce que les États, les institutions peuvent avoir vraiment une influence ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr, elles auraient pu avoir une influence, mais elles n'auraient pas résolu. entièrement le problème, mais ils auraient pu l'atténuer. Le contrôle des fake news est très limité et ils se heurtent aux critiques d'atteinte aux libertés individuelles, d'atteinte à la liberté d'expression. Et c'est un domaine extrêmement difficile, c'est un domaine difficile. parce que là s'oppose d'une certaine manière, et on le voit dans d'autres domaines d'ailleurs, on le voit dans le domaine médical, dans le domaine des vaccins par exemple, l'opposition entre l'intérêt général... l'intérêt de la société et la protection de la liberté individuelle. C'est le cas typique des vaccins. Je favorise ou pas ma liberté individuelle par rapport à l'intérêt général. Je me fais vacciner ou pas. Et cette problématique... du contrôle du contenu dans Internet se heurtent à ces difficultés.

  • Speaker #1

    Tim Berners-Lee a dit que nous avons beaucoup à faire pour rendre le web un lieu sûr et ouvert à tous. J'espère que c'est une récitation, je l'ai trouvée sur Internet. Quelles sont les étapes cruciales pour faire un outil encore plus bénéfique pour l'humanité ? Quelle est votre vision idéale pour le web dans les prochaines années, décennies ?

  • Speaker #0

    Une chose importante, c'est que le web reste gratuit pour tout le monde. Alors vous me direz, mais il n'est pas gratuit pour l'instant. Oui, il y a du business sur l'Internet et il y a des informations qui sont payantes. Mais largement, il reste gratuit. Mais ça va dépendre également de l'évolution du monde face au monde du web ou de l'internet. Pour l'instant, on peut respirer sans payer. On peut se promener dans la rue sans payer. Si le monde évolue dans un sens plus mercantile pour les aspects non liés au web, le web suivra. Donc un web qui reste gratuit pour tout le monde. Un web ouvert, c'est-à-dire un web dont la technologie et ses principes sont connus de tous. Alors ça, c'est l'un des dangers futurs que je vois pour le web. C'est un peu une réponse technologique, mais c'est la fragmentation technologique. Pour l'instant, on a peu de fragmentation technologique. Je vous donne des exemples. D'abord, la technologie de support, de transport, IP, elle est généralisée. Il y a eu des tentatives pour la privatiser. Il y a eu des tentatives des grandes entreprises dans les années 90 pour créer des alternatives propriétaires à IP. Ça a échoué. Donc, au niveau sous-jacent... On a un standard. Au niveau des applications, aujourd'hui, quand vous envoyez un mail, c'est un système ouvert. Vous n'avez pas à vous préoccuper, mais quel système de mail, quel protocole il utilise à l'autre bout ? Non, tout le monde utilise les standards ouverts, connus de tous de l'Internet pour le mail. Et la même chose pour le web. Le web, vous regardez une page, vous n'avez pas à vous demander, mais est-ce que le système distant utilise... HTTP ou est-ce qu'ils utilisent XYZ ? Non, tout le monde utilise ces standards. En revanche, on commence à voir, on voit, on a déjà, depuis de longues années, dans certaines applications, une fragmentation. Quand vous faites une visioconférence, vous devez savoir quel système propriétaire utilise mon partenaire. Est-ce que c'est Zoom ? Est-ce que c'est un système Apple ? On a une fragmentation. Et c'est l'intérêt des industriels. Les industriels, les grands industriels, n'ont jamais aucun intérêt aux standards. Ils ont intérêt à avoir une fragmentation et à se mettre à dominer le marché avec leurs standards propriétaires. Donc, ils n'ont pas intérêt au standard. Ceux qui ont, en tant qu'industriels, intérêt au standard, ce sont les petits. Les industriels, qui, eux, n'ont pas la capacité de s'imposer en tant que standard majeur, donc ils ont intérêt, leur intérêt, est de suivre un standard général ouvert. Donc, il y a un risque de fréquentation dans le futur et il faut rester vigilant. La raison pour laquelle l'Internet et le Web et les autres applications fonctionnent, c'est parce qu'ils sont basés sur... des standards ouverts. Qu'est-ce que ça veut dire, standards ouverts ? On connaît comment ça marche. On sait comment ça marche. Et si moi, en tant que développeur, je suis un informaticien, je veux écrire un programme qui est capable de converser avec un serveur, je sais comment. Puisque HTTP, c'est connu. Les règles sont connues. Tout le monde connaît. Je veux écrire un programme qui va être magnifique, marcher mieux que les programmes que vous utilisez aujourd'hui pour regarder mes mails, je peux le faire. Parce que le standard de mail, il est connu. Tout le monde le connaît. C'est ça, la technologie ouverte. respectueux de la vie privée des individus un autre élément d'un web idéal et alors je sais pas comment faire mais ce serait idéal un web moins addictif et connaît tous les phénomènes d'addiction moi même et comment faire autre que l'autorégulation pour que le web soit moins addictif. Je ne sais pas mais on me pose la question qu'est ce qui serait idéal un web comme ça pour moi serait mieux que le web actuel.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça vous inspire, les GAFAM ? Ces gros groupes avec des milliardaires à leur tête, qui se sont concentrés, ils achètent dès qu'il y a des nouveaux sites, des nouvelles applis qui fonctionnent, ils achètent. Quel est votre regard avec votre expérience, avec votre recul sur cette évolution ?

  • Speaker #0

    Alors, ça dépend un petit peu de leur éthique, mais ça reste que des groupes dont la finalité est la maximisation du profit. Le danger, c'est un petit peu ce dont je viens de parler, le risque d'appropriation de standards et de technologies parce qu'ils réussissent à s'imposer avec une technologie propriétaire qu'eux seuls maîtrisent et connaissent, auxquelles les autres n'ont pas accès et à dominer. Si bien entendu, c'est dangereux. Maintenant, d'un point de vue plus... politique, je dirais. Je trouve extrêmement dangereux pour la démocratie que des organismes et des individus possèdent eux-mêmes des centaines de milliards, voire des milliers de milliards de dollars, parce qu'ils ont une possibilité de déstabilisation de la démocratie immense, bien plus importante que des États. Je ne comprends pas comment la société peut. tolérer ça après la grande dépression américaine c'était pas possible après la grande dépression américaine les impôts étaient dans l'intrême de 90% à partir de septembre on prenait 90% il restait 10% ça n'est pas possible ça n'est pas possible qu'on ait un monsieur et le masque c'est son nom puisqu'on l'a cité tout à l'heure avec son potentiel d'influence sur ma vie. Personne ne l'a élu, personne ne l'a choisi. Il peut décider des choses fondamentales pour ma vie. Il peut décider des choses fondamentales avec son système de satellite pour 40 millions d'Ukrainiens. Pourquoi un individu a le droit de faire ça ? Donc, il y a ce risque et on a laissé faire. On a laissé faire parce que, puisqu'ils sont milliardaires... Ils dominent la politique, donc ils dominent les décisions. C'est mon commentaire, le problème principal politique actuel dans le monde.

  • Speaker #1

    Pour conclure, quel rôle pensez-vous que des initiatives comme la communauté Impact Sociétal du CERA peuvent jouer dans l'innovation des prochaines décennies ?

  • Speaker #0

    La prise de conscience des problèmes éthiques en amont, par exemple, et l'alerte. sur les dérives technologiques. Sur la prise de conscience en amont, je tirais une ligne de démarcation entre le scepticisme nécessaire que l'on peut avoir par rapport à la technologie et le scepticisme qu'on peut avoir par rapport à la connaissance, donc à la science. La science, c'est des systèmes de connaissance, essayer de comprendre comment le monde matériel marche, comprendre comment le monde sociétal, les relations entre les gens. ça fonctionne. Essayer de comprendre, de créer des connaissances. Il vaut mieux savoir que ne pas savoir. Et si on se disait oui, finalement, on préfère ne pas savoir. Alors bien sûr, ça peut être déstabilisant de savoir. Imaginons qu'un savoir nouveau arrive. Je sais. Tout d'un coup, imaginons, en fait on le sait depuis longtemps, que notre galaxie va dans 4 milliards d'années ou 5 milliards d'années rentrer en collision avec la galaxie d'Andromède. Ça va être la fin du système solaire. C'est déstabilisant, peut-être que psychologiquement, des individus, des groupes d'individus, des groupes sociaux peuvent être déstabilisés par une connaissance comme ça. En plus, il aurait mieux fallu ne pas savoir. Le danger de mettre des restrictions éthiques en amont sur la création de connaissances, c'est qu'on laisse un vide. On laisse un vide de connaissances. Et la nature ayant horreur des vides, puisqu'on n'a pas créé de connaissances dans un domaine, les croyances vont s'y engouffrer. Et donc, on aura quand même des pensées sur le domaine, mais des pensées non rationnelles qui seront des croyances. Ce type de réflexion que je viens de faire, ça peut être effectivement un apport de cette initiative, réflexion en amont, mais peut-être réflexion sur le fait qu'il faut... On prend des précautions nécessaires sur l'impact que peuvent avoir les technologies. On doit faire attention de bien parler des technologies et de prendre des précautions si on parle des connaissances de la science.

  • Speaker #1

    Merci François.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

Description

Avec François Flückiger, pionnier d'Internet et membre honorifique du CERN, nous revenons sur la grande aventure de la création du Web. Avec le recul, referait-on les choses différemment ? Et comment pourrait-on l’améliorer aujourd’hui ? Un échange riche en réflexions sur ce que l’histoire d’Internet nous enseigne pour l'avenir. Un entretien conduit par Julien Reynier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La démographie, les modes de développement mettent en danger notre planète et ses habitants. L'état vert, multivers, nous et les espaces. Peu importe le scénario, il faudra compter avec les forces les plus puissantes de notre époque. L'écologie, les technologies. Celles-ci doivent évoluer dans le sens d'un développement vertueux et attentif aux vivants et répondre aux besoins de nos peuples. Merci.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, pour ce nouvel épisode d'Interface, le podcast de la communauté impact sociétale du CEA, le podcast où la science et l'innovation rencontrent la société, j'ai le privilège d'accueillir François Flutiger, un des contributeurs initiaux du web, pour parler web, de sa jeunesse, de ses défis initiaux, de ce qu'il referait différemment avec le recul, mais surtout sur son évolution et son futur. Bonjour François.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Vous êtes informaticien de renommée internationale, un pionnier, un des deux seuls français avec Louis Pouzin à figurer dans l'Internet Hall of Fame, en reconnaissance de votre contribution décisive aux technologies de l'information et l'Internet. Diplômé de SUPELEC, titulaire d'AMBA, vous avez occupé une position centrale au CERN, où le web est né en 1989 grâce au travail de Tim Berners-Lee, à qui vous avez succédé. Vous y avez dirigé l'équipe responsable du développement et de la maintenance des standards techniques du web. contribuant ainsi à structurer et stabiliser cette innovation. En parallèle, vous avez dirigé l'Open Lab du CERN, une plateforme de collaboration avec des partenaires. La School of Computing, jusqu'en 2013, vous avez formé des générations d'informaticiens, partageant ainsi votre vision du futur des technos de l'information et les préparant aux défis à venir. Vous avez également été un acteur clé dans la création et le développement de structures comme le RIP, Réseau IP Européen, et l'E-Bone, European Backbone, des initiatives, des projets, qui sont encore aujourd'hui des piliers essentiels du web mondial. Vous avez également été enseignant à l'Université de Genève et joué un rôle influent au sein de l'Internet Society et du comité consultatif du World Free Sea. Depuis 2015, vous êtes un membre honoraire du CERN, poursuivant votre engagement pour l'évolution des technologies et des réseaux et être l'auteur de plusieurs ouvrages. Nous y reviendrons. Pour débuter, et comme avec chaque invité, pouvez-vous me donner votre définition personnelle de l'impact sociétal ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai l'impression que, comme on dit en anglais, c'est presque self-explained, c'est-à-dire que le titre donne pratiquement lui-même sa définition. Pour moi, c'est les conséquences sur la société en général, son fonctionnement, sa structure, les relations dans la société que peuvent avoir les technologies. Maintenant, les technologies, c'est un domaine... mais les technologies sont issues de la science. Donc parfois, on confond un peu l'impact social des systèmes de connaissances, qui sont la science, et puis des technologies, qui sont le produit de ces connaissances.

  • Speaker #1

    On parle définition Internet, World Wide Web. Pour beaucoup, c'est synonyme, alors que ça ne l'est pas. Est-ce que vous pouvez nous expliquer brièvement la différence ? Oui,

  • Speaker #0

    alors c'est assez simple. L'Internet, c'est l'infrastructure de base. L'Internet, c'est l'équivalent de réseau ferré de France. C'est un système constitué, comme le réseau routier, de nœuds comme on a des ronds-points et de liaisons entre ces nœuds comme on a des routes. Mais sans service dessus, ça ne sert à rien. Et donc, pour utiliser Internet, il faut avoir ce qu'on appelle des applications. Une des applications que vous utilisez tous les jours vous-même, c'est la messagerie électronique. Il y en a une autre qui s'appelle le web, qui est un mécanisme qui permet de visiter des pages, de les regarder, de visiter, de visualiser des images, de visualiser des films de manière directe. Et ça, c'est le web. Donc le web, c'est l'une des applications parmi d'autres, mais probablement l'application majeure, l'usage majeur de cette infrastructure qu'on appelle l'Internet.

  • Speaker #1

    Pouvez-vous nous raconter brièvement ? Comment tout a commencé en 89 avec Tim Berners-Lee ?

  • Speaker #0

    Tim Berners-Lee, il était déjà venu au CERN au début des années 80 avec une équipe pour participer de manière freelance à certains développements du CERN. Et puis, il était reparti et il a de nouveau postulé en 84. Quand il était venu la première fois, il avait déjà développé pour lui-même un système. de gestion d'informations, mais il avait gagné de l'expérience dessus. Mais finalement, on a perdu le système qu'il avait développé. Quand il est revenu en 1984, on lui a assigné des tâches, mais lui-même, de manière spontanée, il s'est rappelé du système qu'il avait fait au CERN plusieurs années avant. Et il a commencé à réfléchir, à concevoir un système pour lier entre elles des informations diverses et pour qu'on puisse y accéder de manière simple. sans avoir, par exemple, à se connecter spécifiquement à un ordinateur. Et il a écrit en 1989 une proposition dans ce sens, non sollicitée. Et ça, c'est intéressant parce que fréquemment, on présente le développement du web comme un besoin qui aurait été exprimé par les physiciens du CERN pour mieux communiquer. Ce besoin n'a jamais été exprimé. Tim a développé de lui-même. a fait une proposition de lui-même, sans qu'on la lui demande. En revanche, dès qu'il l'a mis en œuvre, dès que les physiciens ont commencé à l'utiliser, ils se sont dit « mais c'est exactement ce dont on avait besoin, comment on a pu vivre depuis 20 ans sans ce système qui nous permet d'échanger si facilement les informations ? » Nous sommes une communauté de 10 000 physiciens répartis dans le monde entier. Quand nous voulons échanger des informations, c'est la croix et la bannière. Il faut que chacun ait... Des comptes sur les ordinateurs distants, se connecter, les faire venir, là, c'est tellement simple. Et comme beaucoup d'inventions disruptives, le web est devenu une nécessité pour les physiciens. Ils en avaient besoin, mais ils ne le savaient pas.

  • Speaker #1

    Avec le recul, quand vous repensez à cette période, on se rappelle qu'en 93, il y avait 130 sites web. Aujourd'hui, on en recense près de 2 milliards. Y a-t-il des choix technologiques, des décisions stratégiques ? que vous feriez différemment ?

  • Speaker #0

    Non. La beauté du web, c'est qu'il est extrêmement simple. D'abord, il repose sur, pour simplifier, deux technologies distinctes, mais qui marchent parfaitement bien. L'une qui décrit les pages web. C'est un standard qui a été défini, inventé par Tim Berners-Lee, qui s'appelle HTML. Et puis, un autre standard qui permet d'échanger les pages web, qui s'appelle HTML. T, T, P, certains d'entre vous ont vu ces quatre lettres. Eh bien, les deux, ils fonctionnent magnifiquement bien l'un avec l'autre et probablement parce qu'ils viennent du même esprit, parce que Tim Berners-Lee était, ce qui n'est pas fréquent, qui arrive mais qui n'est pas fréquent dans nos domaines, c'est un expert mondial dans non pas un domaine, mais dans deux domaines. Un expert mondial des formats de documents et un expert mondial des réseaux informatiques. C'est pourquoi il a pu développer lui-même ces deux technologies. Donc, c'est extrêmement simple. Et l'une des raisons également du succès du web, c'est que j'expliquais que c'était une application, donc un service qui fonctionne sur une infrastructure qui s'appelle l'Internet. Et l'Internet a la particularité de fonctionner sur une technologie d'infrastructure qu'on appelle IP. Vous avez tous entendu parler IP, vous avez entendu parler des adresses IP, parce que tous les objets connectés ont un code numérique qu'on appelle une adresse. Cette technologie IP est extrêmement simple et extrêmement bien adaptée à ce que voulait faire Tim Berners-Lee avec le web. Son standard d'échange des pages qu'on appelle HTTP, qui permet de dire depuis votre ordinateur dans votre salon à un serveur qui est distant, donnez-moi la page X, etc. Ce mécanisme qui permet de faire cette demande et au serveur de répondre en disant, oui, voilà, j'ai bien compris, la voilà. Voilà sa taille, ça va mettre deux minutes pour arriver. Tous ces mécanismes-là, qu'on appelle HTTP, ils sont basés sur les mêmes principes que IP, qui est la technologie sous-jacente. Donc, on a eu un fit parfait entre la technologie de transfert de l'application, qui s'appelle HTTP, et la technologie d'infrastructure, qui s'appelle IP. Donc, je pense qu'on ne changerait rien. il y a une chose qu'on a conçue dès le départ, qui était très importante, qui s'est un peu diluée par la suite, mais qui était très importante et qu'il faudrait qu'on a bien fait de mettre en place. C'est le fait que, pour réclamer une page web, en utilisant ce mécanisme HTTP, qu'on appelle un protocole HTTP, il n'y a pas de contrôle qui est fait. N'importe qui qui connaît une adresse, non pas IP, mais une adresse web, les fameuses chaîne de caractère HTTP, quelque chose. Si vous connaissez cela, vous demandez la page correspondante et vous l'avez sans contrôle. Depuis le départ, on ne voulait pas que les gens aient besoin de s'enregistrer au départ. Et ça, ça a été le changement fondamental qui a complètement changé la vie des physiciens et la vie des usagers du web par la suite. C'est-à-dire que pas besoin de s'enregistrer, je connais cette fameuse... Cette adresse, on appelle ça un URL, c'est l'équivalent d'une adresse IP. Je la connais, je l'écris, je la tape, je la copie, collée et je la colle dans un navigateur et j'accède à la page. Alors vous me direz, mais ça ne marche pas comme ça l'Internet aujourd'hui. Pas du tout. Il faut s'enregistrer si je veux une page. Eh bien oui, dans certains cas, les serveurs, pour des raisons soit de sécurité, soit généralement des raisons économiques pour générer des gains, des revenus, on met en place des contrôles qui vous obligent de prendre un compte. Mais ce n'est pas... dans la technologie. La technologie est ouverte et dans certains cas, mais pas dans tous les cas, dans certains cas, eh bien, il faut effectivement prendre un compte.

  • Speaker #1

    En 94, vous avez écrit Understanding Network Multimedia Applications and Technology qui reste une référence mondiale éclairant les chercheurs et les professionnels sur les principes fondamentaux des technologies multimédia et des réseaux. Vous avez écrit un chapitre sur l'évolution et les tendances futures. Donc, il y a 30 ans aujourd'hui. Avec le retul, comment jugez-vous ces prévisions ? Où est-ce que vous êtes tombé peut-être juste ? Qu'est-ce que vous n'avez pas du tout anticipé ?

  • Speaker #0

    Oui, alors on a fait des prédictions. Donc, dans cet appendice d'un gros livre technique pour les universités, j'ai fait cet appendice après avoir discuté avec mes collègues pionniers de l'Internet. Qu'est-ce que vous pensez ? Qu'est-ce qui va arriver ? Qu'est-ce qu'on peut anticiper ? Alors, il se trouve qu'on en est assez fiers. Tout ce qu'on avait prédit s'est réalisé. Et je vais en parler. Mais par ailleurs, il y a des choses extrêmement importantes qui se sont réalisées, mais qu'on n'avait pas prédit. Alors, ce qu'on avait prédit, le commerce électronique, la finance, la banque en ligne, la vidéo conférence, les sites personnels, les encyclopédies, l'administration en ligne, tout ça était prévu. Et d'un point de vue sociétal alors, parce que cet appendice se concentrait sur les aspects sociétaux, au niveau négatif, on avait prévu effectivement que... l'Internet qui donne des moyens inclus de personnalisation, c'est-à-dire que, on dit en anglais « customization » , c'est-à-dire que un individu peut plus facilement spécifier ce qu'il veut, ce qui l'intéresse. Eh bien, ça, en soi-même, le fait d'avoir un choix de restreindre, en fait, soi-même les domaines que l'on recherche, eh bien, on avait prédit que ça allait réduire ce qui est le cas. Le spectre des intérêts en matière d'information. Je vais lire un peu le test qu'on avait écrit, parce que c'est un petit peu prémonitoire. Je le lis verbatim. Voilà ce qu'on a écrit, vraiment, mot à mot. Nous allons définir, nous, les utilisateurs, nous-mêmes, des filtres en fonction de nos centres d'intérêt ou de ce que nous croyons être nos centres d'intérêt. En d'autres termes, nous allons déterminer subjectivement notre profil. Par exemple, certains ne recevront peut-être que des nouvelles sportives ou seront confrontés qu'à des discours politiques de leurs politiciens préférés. En 94, à l'époque, il y a quelques centaines de serveurs. On ne peut échanger que du texte ou des images. Il y a déjà des images. Il n'y a pas de vidéo. Ça n'existe pas sur Internet. On sait que ça va venir, mais ça n'existe pas. Il n'y a pas de serveur vidéo. On pense à ça et ça nous fait penser qu'effectivement, quand on met trop de possibilités d'adaptation personnelle, finalement... On restreint la possibilité de découverte qu'on n'a pas prévu, ce que les anglais appellent « impromptu discovery » . Il y a un truc que je n'ai pas demandé, mais que je découvre. On avait également prévu que non seulement les gens feraient ça eux-mêmes, mais qu'il y aurait des systèmes, des serveurs qui feraient ça pour eux également. Ce qu'on a appelé à l'époque, de manière à peu près monitoire, le profilage des serveurs avait été prévu. Là encore, je le dis brièvement. le texte qu'on avait écrit, parce que c'est intéressant de voir même les mots. Des serveurs intelligents essaieront d'apprendre quels sont nos goûts à partir de nos requêtes. Je rappelle qu'il y a 200 serveurs à l'époque. De puissants filtres existeront pour accéder à des divertissements ou à des éléments culturels. On ne nous proposera peut-être que des films du type que nous aimons. Il n'y a pas de film à l'époque encore. La probabilité de découvertes impromptues ou de révélations culturelles pourrait... peut être alors considérablement réduite. Et je pense que c'est ce qu'on observe. Et alors ça, c'est un phénomène connu. Il y a une étude qui était assez intéressante, qui a été faite au Japon, où tout le monde sait que les Japonais sont très amateurs de musique classique. Et on s'est aperçu qu'il y avait une chute, on avait noté une chute de l'intérêt. Pour la musique classique, les concerts, l'assistance aux concerts, les achats de CD, quand la deuxième chaîne japonaise, ou la troisième, je ne sais plus, avait été mise en service. À partir du moment où on commence à avoir un choix trop large, on va customiser, on va choisir. Et donc, si on n'a qu'une seule chaîne de télévision, qu'une seule chaîne de radio, on n'a pas le choix. Mais tout d'un coup, on peut entendre quelque chose, on dit ça, c'est quoi ça ? Ah, c'est de la musique classique, mais finalement, c'est pas mal ce truc. Si on choisit soi-même ou si les serveurs choisissent pour vous, on réduit ce spectre. Ça, ça avait été analysé. Je pense que c'est quelque chose qui n'est peut-être pas bien perçu aujourd'hui, mais qui est, je pense, un problème réel. L'autre chose qu'on avait prévue négativement au niveau sociétal, c'est... que l'internet entraînerait une exacerbation de l'individualisme. Là encore, on avait écrit, là où la télévision se consomme en famille aujourd'hui, surfer sur internet sera une activité solitaire. On n'avait pas prévu les smartphones, ce qui aggrave encore la situation. On avait quand même prévu des choses positives, ça c'est du négatif, la création de contenus et la diffusion des connaissances, on ne l'appelait pas Wikipédia, mais ça c'était prévu. Le fait... plus généralement que tout consommateur puisse devenir un producteur de contenu. C'était prévu. Alors, ce qu'on n'avait pas prévu, l'énorme conséquence des réseaux sociaux. Personne, j'en ai encore parlé récemment à des collègues, personne n'avait vu venir les réseaux sociaux, d'une part. Et d'autre part, le fait que la jeunesse s'en emparerait, l'impact du web avec les réseaux sociaux sur les jeunes, personne n'y avait Personne ne pensait que ça prendrait cette dimension. Et ce qu'on n'avait pas prévu malheureusement, c'est que si effectivement un nombre infiniment plus important d'individus deviendrait producteur de contenu et pas uniquement consommateur de contenu, on n'avait pas vu que ce serait essentiellement, non pas pour produire de la connaissance ou même de l'information, si ce n'est pas de la connaissance, mais pour parler d'eux-mêmes. Moi, moi, moi, qui je suis, où je vais, qu'est-ce que je fais, voici mon selfie. Et donc on n'avait pas prévu, ou alors on y pensait, mais on n'avait pas voulu voir que l'Internet deviendrait un outil d'exacerbation du narcissisme et de l'égocentrisme.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, on parle beaucoup d'IA générative, d'ordinateurs quantiques. Comment pensez-vous que ces innovations vont influencer le web dans les années à venir ?

  • Speaker #0

    Alors, informatique quantique, je ne sais pas. Je ne sais pas, je pourrais donner des opinions vagues, mais elles ne sont pas substantielles. L'intelligence artificielle générative, et peut-être générale si elle existe un jour, J'utilise une définition de l'intelligence qui conduit à considérer que l'intelligence générative n'est pas réellement une intelligence. J'utilise comme définition de l'intelligence la possibilité de résoudre avec l'esprit des problèmes nouveaux. Alors l'intelligence artificielle générative à l'heure actuelle ne permet pas de résoudre des problèmes nouveaux, elle permet de résoudre des problèmes spécifiés, des problèmes dont les algorithmes existent. Le jour où l'intelligence artificielle... inventera un nouvel algorithme ? Parce qu'on me dit parfois mais non des problèmes nouveaux, regardez voici un nombre extrêmement compliqué et je veux en extraire sa racine quatrième personne, c'est un problème nouveau, personne n'a jamais donné, je suis sûr ce problème là, l'IA va le résoudre ce problème. On répond mais non, c'est pas un problème nouveau, l'algorithme est connu Les paramètres sont nouveaux, mais le problème est connu. L'intelligence artificielle reproduit un algorithme qui a été connu. Alors, je pense qu'il est probable que l'intelligence artificielle aura une incidence sociétale, peut-être négative, probablement négative. Et cette incidence, c'est que si effectivement l'intelligence est... La résolution de nouveaux problèmes, de problèmes nouveaux avec l'esprit, l'intelligence humaine. Et bien, en quoi faut-il pour maintenir ou pour développer cette intelligence humaine, avoir des problèmes nouveaux à résoudre ? Pratiquer le problem solving comme on dit en anglais. Et s'il se trouve que l'on a de moins en moins dans notre vie, parce qu'elle est assistée, elle est assistée par l'intelligence artificielle, on a de moins en moins de problèmes nouveaux à résoudre. Peut-être pas dans 10 ans, mais dans 20 ans, dans 50 ans, dans 100 ans. Alors, est-ce que nous continuerons à développer ou même maintenir l'intelligence ? J'ai, c'est pour moi le problème essentiel. Le jour, effectivement, nous vivrons dans un environnement super assisté. hyper assistés où les problèmes que habituellement on résout avec l'esprit, je parle pas des problèmes matériels, des problèmes qu'on joue avec la force, mais avec l'esprit, seront largement résolus pour nous avec l'IA, on peut craindre une régression de l'intelligence humaine.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous inspire la citation d'Elon Musk qui dit que l'IA est potentiellement plus dangereuse que les armes nucléaires ?

  • Speaker #0

    Oui, bon ben je... j'ai dû je n'ai pas beaucoup de commentaires je ne suis effectivement mais dans cent ans deux cents ans les hommes sont devenus des crétins mais qui continue à favoriser les systèmes de croyances par rapport aux systèmes de connaissances, et donc qui continue à se faire la guerre pour des systèmes de croyances, alors effectivement, ça peut être la fin de l'humanité, des imbéciles, des crétins qui se font la guerre, au nom des croyances, comme c'est le cas aujourd'hui. Ça peut être la fin de l'humanité. C'est peut-être dans ce sens qu'il parle de quelque chose d'équivalent à une morgue atomique.

  • Speaker #1

    Ça nous fait rebondir sur la gouvernance peut-être du web. En repensant justement cette gouvernance, pensez-vous qu'une régulation internationale aurait dû être mise en place dès le départ pour éviter certaines dérives ? Et est-ce qu'on peut faire quelque chose ? Est-ce que les États, les institutions peuvent avoir vraiment une influence ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr, elles auraient pu avoir une influence, mais elles n'auraient pas résolu. entièrement le problème, mais ils auraient pu l'atténuer. Le contrôle des fake news est très limité et ils se heurtent aux critiques d'atteinte aux libertés individuelles, d'atteinte à la liberté d'expression. Et c'est un domaine extrêmement difficile, c'est un domaine difficile. parce que là s'oppose d'une certaine manière, et on le voit dans d'autres domaines d'ailleurs, on le voit dans le domaine médical, dans le domaine des vaccins par exemple, l'opposition entre l'intérêt général... l'intérêt de la société et la protection de la liberté individuelle. C'est le cas typique des vaccins. Je favorise ou pas ma liberté individuelle par rapport à l'intérêt général. Je me fais vacciner ou pas. Et cette problématique... du contrôle du contenu dans Internet se heurtent à ces difficultés.

  • Speaker #1

    Tim Berners-Lee a dit que nous avons beaucoup à faire pour rendre le web un lieu sûr et ouvert à tous. J'espère que c'est une récitation, je l'ai trouvée sur Internet. Quelles sont les étapes cruciales pour faire un outil encore plus bénéfique pour l'humanité ? Quelle est votre vision idéale pour le web dans les prochaines années, décennies ?

  • Speaker #0

    Une chose importante, c'est que le web reste gratuit pour tout le monde. Alors vous me direz, mais il n'est pas gratuit pour l'instant. Oui, il y a du business sur l'Internet et il y a des informations qui sont payantes. Mais largement, il reste gratuit. Mais ça va dépendre également de l'évolution du monde face au monde du web ou de l'internet. Pour l'instant, on peut respirer sans payer. On peut se promener dans la rue sans payer. Si le monde évolue dans un sens plus mercantile pour les aspects non liés au web, le web suivra. Donc un web qui reste gratuit pour tout le monde. Un web ouvert, c'est-à-dire un web dont la technologie et ses principes sont connus de tous. Alors ça, c'est l'un des dangers futurs que je vois pour le web. C'est un peu une réponse technologique, mais c'est la fragmentation technologique. Pour l'instant, on a peu de fragmentation technologique. Je vous donne des exemples. D'abord, la technologie de support, de transport, IP, elle est généralisée. Il y a eu des tentatives pour la privatiser. Il y a eu des tentatives des grandes entreprises dans les années 90 pour créer des alternatives propriétaires à IP. Ça a échoué. Donc, au niveau sous-jacent... On a un standard. Au niveau des applications, aujourd'hui, quand vous envoyez un mail, c'est un système ouvert. Vous n'avez pas à vous préoccuper, mais quel système de mail, quel protocole il utilise à l'autre bout ? Non, tout le monde utilise les standards ouverts, connus de tous de l'Internet pour le mail. Et la même chose pour le web. Le web, vous regardez une page, vous n'avez pas à vous demander, mais est-ce que le système distant utilise... HTTP ou est-ce qu'ils utilisent XYZ ? Non, tout le monde utilise ces standards. En revanche, on commence à voir, on voit, on a déjà, depuis de longues années, dans certaines applications, une fragmentation. Quand vous faites une visioconférence, vous devez savoir quel système propriétaire utilise mon partenaire. Est-ce que c'est Zoom ? Est-ce que c'est un système Apple ? On a une fragmentation. Et c'est l'intérêt des industriels. Les industriels, les grands industriels, n'ont jamais aucun intérêt aux standards. Ils ont intérêt à avoir une fragmentation et à se mettre à dominer le marché avec leurs standards propriétaires. Donc, ils n'ont pas intérêt au standard. Ceux qui ont, en tant qu'industriels, intérêt au standard, ce sont les petits. Les industriels, qui, eux, n'ont pas la capacité de s'imposer en tant que standard majeur, donc ils ont intérêt, leur intérêt, est de suivre un standard général ouvert. Donc, il y a un risque de fréquentation dans le futur et il faut rester vigilant. La raison pour laquelle l'Internet et le Web et les autres applications fonctionnent, c'est parce qu'ils sont basés sur... des standards ouverts. Qu'est-ce que ça veut dire, standards ouverts ? On connaît comment ça marche. On sait comment ça marche. Et si moi, en tant que développeur, je suis un informaticien, je veux écrire un programme qui est capable de converser avec un serveur, je sais comment. Puisque HTTP, c'est connu. Les règles sont connues. Tout le monde connaît. Je veux écrire un programme qui va être magnifique, marcher mieux que les programmes que vous utilisez aujourd'hui pour regarder mes mails, je peux le faire. Parce que le standard de mail, il est connu. Tout le monde le connaît. C'est ça, la technologie ouverte. respectueux de la vie privée des individus un autre élément d'un web idéal et alors je sais pas comment faire mais ce serait idéal un web moins addictif et connaît tous les phénomènes d'addiction moi même et comment faire autre que l'autorégulation pour que le web soit moins addictif. Je ne sais pas mais on me pose la question qu'est ce qui serait idéal un web comme ça pour moi serait mieux que le web actuel.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça vous inspire, les GAFAM ? Ces gros groupes avec des milliardaires à leur tête, qui se sont concentrés, ils achètent dès qu'il y a des nouveaux sites, des nouvelles applis qui fonctionnent, ils achètent. Quel est votre regard avec votre expérience, avec votre recul sur cette évolution ?

  • Speaker #0

    Alors, ça dépend un petit peu de leur éthique, mais ça reste que des groupes dont la finalité est la maximisation du profit. Le danger, c'est un petit peu ce dont je viens de parler, le risque d'appropriation de standards et de technologies parce qu'ils réussissent à s'imposer avec une technologie propriétaire qu'eux seuls maîtrisent et connaissent, auxquelles les autres n'ont pas accès et à dominer. Si bien entendu, c'est dangereux. Maintenant, d'un point de vue plus... politique, je dirais. Je trouve extrêmement dangereux pour la démocratie que des organismes et des individus possèdent eux-mêmes des centaines de milliards, voire des milliers de milliards de dollars, parce qu'ils ont une possibilité de déstabilisation de la démocratie immense, bien plus importante que des États. Je ne comprends pas comment la société peut. tolérer ça après la grande dépression américaine c'était pas possible après la grande dépression américaine les impôts étaient dans l'intrême de 90% à partir de septembre on prenait 90% il restait 10% ça n'est pas possible ça n'est pas possible qu'on ait un monsieur et le masque c'est son nom puisqu'on l'a cité tout à l'heure avec son potentiel d'influence sur ma vie. Personne ne l'a élu, personne ne l'a choisi. Il peut décider des choses fondamentales pour ma vie. Il peut décider des choses fondamentales avec son système de satellite pour 40 millions d'Ukrainiens. Pourquoi un individu a le droit de faire ça ? Donc, il y a ce risque et on a laissé faire. On a laissé faire parce que, puisqu'ils sont milliardaires... Ils dominent la politique, donc ils dominent les décisions. C'est mon commentaire, le problème principal politique actuel dans le monde.

  • Speaker #1

    Pour conclure, quel rôle pensez-vous que des initiatives comme la communauté Impact Sociétal du CERA peuvent jouer dans l'innovation des prochaines décennies ?

  • Speaker #0

    La prise de conscience des problèmes éthiques en amont, par exemple, et l'alerte. sur les dérives technologiques. Sur la prise de conscience en amont, je tirais une ligne de démarcation entre le scepticisme nécessaire que l'on peut avoir par rapport à la technologie et le scepticisme qu'on peut avoir par rapport à la connaissance, donc à la science. La science, c'est des systèmes de connaissance, essayer de comprendre comment le monde matériel marche, comprendre comment le monde sociétal, les relations entre les gens. ça fonctionne. Essayer de comprendre, de créer des connaissances. Il vaut mieux savoir que ne pas savoir. Et si on se disait oui, finalement, on préfère ne pas savoir. Alors bien sûr, ça peut être déstabilisant de savoir. Imaginons qu'un savoir nouveau arrive. Je sais. Tout d'un coup, imaginons, en fait on le sait depuis longtemps, que notre galaxie va dans 4 milliards d'années ou 5 milliards d'années rentrer en collision avec la galaxie d'Andromède. Ça va être la fin du système solaire. C'est déstabilisant, peut-être que psychologiquement, des individus, des groupes d'individus, des groupes sociaux peuvent être déstabilisés par une connaissance comme ça. En plus, il aurait mieux fallu ne pas savoir. Le danger de mettre des restrictions éthiques en amont sur la création de connaissances, c'est qu'on laisse un vide. On laisse un vide de connaissances. Et la nature ayant horreur des vides, puisqu'on n'a pas créé de connaissances dans un domaine, les croyances vont s'y engouffrer. Et donc, on aura quand même des pensées sur le domaine, mais des pensées non rationnelles qui seront des croyances. Ce type de réflexion que je viens de faire, ça peut être effectivement un apport de cette initiative, réflexion en amont, mais peut-être réflexion sur le fait qu'il faut... On prend des précautions nécessaires sur l'impact que peuvent avoir les technologies. On doit faire attention de bien parler des technologies et de prendre des précautions si on parle des connaissances de la science.

  • Speaker #1

    Merci François.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

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