- Pascale Lafitte
Bonjour, je suis Pascale Lafitte et je vous présente Interne en médecine, le podcast à suivre sans ordonnance ni modération. Une série de rencontres et de conversations avec des internes en médecine. Jusqu'au 2 novembre 2024, ils étaient 9484 internes à intégrer les hôpitaux français. Pour cette année 2024-2025, ils sont moins de 8000, une des conséquences de la mise en place de la nouvelle réforme des études de santé. À titre d'exemple... La Nestréa et la médecine d'urgence ont perdu 79 places chacune. La médecine générale a perdu 635 places. La médecine générale est le choix fait par notre invitée. Native du sud-est de la France, elle est arrivée à Paris il y a trois ans pour suivre son internat. Nous nous sommes rencontrés une fin d'après-midi du mois de juillet dans le 11e arrondissement de la capitale. Bonjour, je suis Pascale.
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Bonjour, enchantée.
- Pascale Lafitte
Vous allez bien ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Ça va et vous ?
- Pascale Lafitte
Ça va. Vous avez passé une bonne journée ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Ça va. Oui, oui, oui, je sors du travail là. Il y avait un petit peu de retard avec le métro, mais ça va, la journée était bien, c'est plus calme en ce moment, les pédés de la pédéatrie.
- Pascale Lafitte
C'est plus calme parce que c'est l'été ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Ouais. Ouais, ouais, ouais.
- Pascale Lafitte
Moins de pathologies ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Moins de viroses, moins de virus, puisque l'hiver commence à être loin, donc c'est plus calme et du coup on est aussi en effectif réduit. Donc pas moins de charges de travail.
- Pascale Lafitte
Le temps est donné. Un service pédiatrique certes moins engorgé, mais dans une France en vacances, donc de fait un rythme toujours aussi soutenu pour les internes de service. La première question posée est récurrente. Pourquoi avoir choisi cette voie ? Pourquoi médecine ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Alors j'ai choisi médecine parce que c'est depuis toujours en fait, quand j'étais même à l'école primeur, je disais que je voulais être médecin plus tard. Ça ne m'a pas pris l'année de la terminale au moment de faire mes choix sur le post-bac, mais voilà, depuis toujours je savais que je voulais un peu soigner des gens. Et moi-même, j'étais entourée de mes grands-parents qui étaient déjà un peu malades à l'époque. Et je me rendais compte que j'aimais bien les aider. J'avais un peu cette fibre-là où j'aimais bien aider les gens malades, en fait.
- Pascale Lafitte
Et pas parce qu'il y avait quelqu'un chez vous qui était dans le milieu médical ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Eh bien, pas du tout, parce que je suis la seule, je pense, dix générations à être en médecine. Et je n'ai ni cousin, ni tante, ni oncle, ni parent en médecine.
- Pascale Lafitte
Quand vous avez mis le nez dans les études, on entend parler de cette première année, puis après il y a les années qui suivent et puis arrive l'internat avec ce concours avant. Quand vous avez mis le nez dans les études, est-ce que vous saviez ce qui allait se passer ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Je m'attendais à une première année difficile. Par contre, je ne m'attendais pas à ce qui se passe après la première année. Donc on peut dire que je n'avais pas vraiment conscience à 100% du cursus qui m'attendait. dans sa globalité. Et d'ailleurs, la première année de médecine me faisait tellement peur en terminale que moi, mon souhait premier, c'était de le faire en Belgique initialement pour éviter le fameux numerus clausus qu'on a en France. Et j'ai fini par rester en France juste parce que ça, niveau logement, ça a arrangé ma mère. On avait un appartement vers Nice, un petit studio. Et donc, en fait, ça a évité de payer un loyer. Donc, l'une chose dans l'autre, j'ai fini par faire ma première année de médecine à Nice.
- Pascale Lafitte
Le numerus clausus, vous en avez déjà entendu parler, a été instauré en 71, avec pour objectif une réduction des dépenses de santé grâce à une limitation du nombre de médecins et avec pour conséquence la pénurie actuelle de praticiens. Numerus clausus, soit numéro fermé ou nombre fermé, remplacé depuis 2020 par le numerus apertus, soit numéro ou nombre ouvert, censé... augmenter le nombre de places, puisque fixons par décret un nombre minimum plutôt qu'un nombre maximum d'étudiants en deuxième année de médecine. Si vous avez suivi l'actualité, vous voyez qu'aujourd'hui nous n'y sommes toujours pas, puisque le numerus apertus a été fixé début juillet 2024 par arrêté à 7 974 étudiants contre 9 484 l'année précédente. Oublions les statistiques, oublions les chiffres et revenons par gardette à Paris avec notre invité. Et ensuite, l'externat à Nice, puis le concours et puis le choix après le concours, au moment du classement. Ce choix, ça a été donc Paris, qui n'est pas du tout votre ville. Et puis, je suppose une spécialité. Donc, ce choix-là, il se fait de quelle manière ? C'est une longue réflexion ou pas ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Oui, honnêtement, on a les résultats de notre classement en juin et on fait nos choix en août, voire en septembre. Plutôt en septembre. Donc, en fait, ça nous laisse deux, trois mois de réflexion qui sont absolument nécessaires, je pense. Donc oui, c'est un choix qui met du temps et ce n'est pas évident. Ce n'est pas la première semaine des résultats où je me suis dit là, je veux tel spe dans telle ville Ça a vraiment mûri dans ma tête pendant plusieurs mois. Du coup, j'ai choisi médecine générale. J'avais fortement hésité avec la pneumo à Paris aussi parce que la pneumologie, ça m'attirait également. Ou gastro dans d'autres villes que Paris. Et au final, je ne me sentais pas de faire un cursus de spécialité parce que l'internat est plus long. Et la médecine générale, avec un internat plus court, ça m'a tiré un peu plus. Et le côté un peu plus flexible au niveau du mode de pratique plus tard. Mais j'ai beaucoup hésité. Avec ma maman qui me disait quand même, prends une spécialité, ça gagne mieux, tu gagneras plus ta vie. Donc, il y avait tout le côté financier. auquel je ne pensais pas initialement qu'il rentrait dans la balance. Mais voilà, j'ai quand même fini par prendre médecine générale.
- Pascale Lafitte
Sans regret, sans vous être dit en cours de route, et si je faisais autre chose ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Il y a eu une période, là, pendant mon deuxième semestre d'internat, où j'étais en cabinet et où, à un moment donné, je me suis même dit, est-ce que je ne ferais pas un droit au remords vers la pneumologie parce que j'ai ressenti un peu d'ennui en cabinet. Je sortais de six mois aux urgences de l'Arriboisière, où ça bougeait beaucoup, où on avait beaucoup de responsabilités avec des patients un peu graves sur le plan de vue clinique. Et là, du jour au lendemain, je me suis retrouvée en cabinet avec des pathologies beaucoup moins graves. Et j'avais un peu un vide qui s'est installé du jour au lendemain. Et que finalement, j'ai réussi à apprivoiser. Et à la fin, j'étais plus contente de la médecine générale. Mais j'avoue qu'il y a eu deux, trois mois d'hésitation. Je voulais revenir en arrière.
- Pascale Lafitte
La médecine générale, comment est-ce que vous la définiriez aujourd'hui, maintenant que vous vous êtes lancée là-dedans ? Comment est-ce que vous envisagez d'exercer ce métier ? Puisque là, du coup, ça va arriver assez vite.
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Effectivement, c'est dans un an et demi que normalement mon cursus se finit. Pour moi, le rôle du médecin généraliste, il y en a plusieurs. Déjà, premièrement, je pense que c'est vraiment poser un diagnostic le plus précis possible et éviter... aussi au maximum nos patients, de les envoyer vers des spécialistes. Parce qu'il y a plein de choses que nous, on peut régler. Et ça permet aussi déjà de désengorger la liste d'attente des spécialistes et de faire gagner du temps aux patients. Donc au maximum, en fait, fluidifier le parcours du patient, le simplifier, je pense que c'est important. Et après, ça va de tous les âges de la vie, donc de la pédiatrie jusqu'à la gériatrie. On accompagne tous les âges de la vie. Donc c'est ça qui est beau aussi dans cette spécialité. Et voilà, ça va du diagnostic à la prévention aussi quand même. On fait pas mal de prévention. On fait de plus en plus de motivation au sport et à la forme physique aussi. Donc, c'est assez large. En vrai, le rôle, il est tellement large. Je pense que c'est la spécialité avec Réa ou ses déspés où ça touche vraiment le plus large de pathologies possible.
- Pascale Lafitte
Est-ce que vous pouvez me raconter votre premier jour d'interne ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Du coup, mon premier jour d'internat, c'était le 2 novembre 2022, aux urgences de la Rivoisière. J'avais fait le choix de commencer par urgence pour ne pas être toute seule en cabinet. Il s'est fait de manière assez progressive, puisque le premier jour, on nous présente l'hôpital, on nous présente un peu les lieux, les équipes. Donc le premier jour, finalement, ça allait. J'ai rencontré mes co-internes, on était dans le même bateau, on était une dizaine. C'était plus la première garde et le premier lendemain qui était plus compliqué avec la découverte de la pression du flux. Parce qu'il y a beaucoup d'attentes, beaucoup de gens. Donc déjà, dès le début, on avait quand même pas mal de pression au niveau du flux de patients, en fait. Et s'adapter aux infirmières qu'on ne connaissait pas la veille, s'adapter aux équipes qui varient tous les jours. Donc ça, c'était compliqué aussi.
- Pascale Lafitte
Qu'est-ce que vous entendez par s'adapter aux infirmières ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
En fait, chaque service a un fonctionnement quand même assez spécifique, mine de rien. Ce n'est pas tout le temps codifié. Ça dépend aussi des personnalités de chacun. Il y a des infirmières qui ne veulent pas faire ça, d'autres qui veulent. Donc, il faut savoir un peu à qui on s'adresse et qu'est-ce qu'on peut demander à cette personne.
- Pascale Lafitte
Ça vous demande un effort pour vous adapter, pour que les choses se passent bien ? C'est pour ces raisons-là que vous devez vous adapter ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Oui, pour moi, l'adaptabilité, j'ai l'impression que c'est le critère numéro. un pour un peu survivre à l'internat. C'est si on ne s'adapte pas aux gens, si on ne s'adapte pas aux services, les gens ne s'adapteront pas à nous. Ce n'est pas le service qui s'adaptera à l'interne, ce ne sont pas les infirmières qui s'adapteront à l'interne. C'est clairement à nous de nous adapter. Ça, c'est vraiment le critère numéro un pour moi pour arriver à bien survivre dans l'internat. Donc oui, oui, oui.
- Pascale Lafitte
Et comment, tout en arrivant à garder sa personnalité et puis ses opinions ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Des fois, j'ai même l'impression que ça doit un peu s'effacer quand même. On doit un peu rentrer dans un moule de l'interne un peu compliant, qui ne va pas trop faire de friction avec l'équipe paramédicale, ni médicale d'ailleurs. On doit être quand même un peu dans ce truc codifié de l'interne multitâche, qui n'arrive pas en retard, qui ne rate aucune garde, qui n'est jamais trop malade, puisque le concept d'arrêt de travail pour un rhume, ça n'existe pas trop chez nous. Donc c'est quand même nous qui devons nous adapter sur. plein de points différents et la fatigue, on n'a pas non plus trop le droit de s'en plaindre en garde. Si à 3h du matin, on est fatigué, là aussi, on a juste à s'adapter. On n'a pas à aller se reposer. C'est difficile ? La fatigue ?
- Pascale Lafitte
Non. L'adaptabilité ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Je pense que ça dépend des gens. Je pense que ça dépend des gens. Moi, c'est quelque chose que j'aime. Moi, je vois ça comme un défi. J'aime bien m'adapter aux gens et tout, mais je pense qu'à terme, c'est épuisant. Et d'ailleurs, je me dis, heureusement que moi, mon internat est court. Parce que me réadapter tous les six mois à une nouvelle équipe, à la fin, je pense qu'au bout de cinq ans, je serai épuisée.
- Pascale Lafitte
La fatigue, c'est difficile ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
La fatigue, c'est difficile. Je pense qu'on s'y fait. Les premiers regards, on ressent vraiment une fatigue physiologique. À 5-6 heures du matin, on n'en fait plus. Et au final, il y a toujours un petit moment où notre corps s'habitue. Et là, je pense qu'une nuit blanche maintenant me fait moins mal qu'une nuit blanche il y a deux ans. quand je n'étais pas encore adaptée. Là, mon corps, il s'adapte un peu plus, même si ça reste dur. On finit par s'y faire un peu et quand on sait qu'on ne dormira pas, on est fixé d'avance, on n'espère pas dormir.
- Pascale Lafitte
Parlons-en de cette surcharge, parce qu'il y a une surcharge. Est-ce que vous êtes d'accord si je dis qu'il y a parfois une surcharge de travail sur les internes ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Oui, globalement, on peut dire qu'il n'y a pas beaucoup de stages qui sont tranquilles, vraiment, où il n'y a pas de surcharge de travail. C'est très rare. Je ne me souviens pas avoir pris 36 000 pauses café dans mes journées, voire pas du tout. Même le pause repas, elle ne va jamais excéder trois quarts d'heure, une demi-heure, trois quarts d'heure. En tout cas, je parle des urgences parce que je fais beaucoup d'urgences dans mon cursus. Clairement, le rythme est freiné et je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a de la surcharge. En tout cas, au niveau du temps de pause, on n'a pas beaucoup de pauses. Et au niveau du flux de patients à voir, on a beaucoup de patients à voir. Donc en ça, oui, il y a de la surcharge de travail.
- Pascale Lafitte
Quand il y a une surcharge de travail et qu'il y a donc une fatigue, est-ce qu'on apprend à garder les idées claires et à avoir toujours le bon réflexe au bon moment ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Clairement, oui, je pense qu'il y a un moment donné où à un moment donné de la garde, la fatigue, elle peut prendre le dessus. Et même si on va arriver à voir le patient de A à Z et à le prendre en charge, on le prendra moins bien en charge que si on l'avait vu le matin à 10h du matin, frais, après une bonne nuit de sommeil. Et je pense qu'à un moment donné, oui, on peut être dangereux avec la fatigue. On a le cerveau moins frais, clairement, que quand on rentre de vacances. Là, moi, je l'ai vu. Je sors de quelques jours de vacances où j'avais le cerveau un peu plus frais. Je réfléchissais mieux sur mes dossiers. J'étais d'ailleurs aussi plus courtoise avec les patients. Alors qu'en fin de garde à 6h du matin, on n'a pas forcément envie d'être courtois. Et on n'est pas forcément efficace. Voir même, je pense, à un moment donné, si on est très fatigué, on peut être... plus dangereux qu'en journée.
- Pascale Lafitte
Tiens, il y a des rats qui se promènent dans le parc. Ils ne sont pas sauvages.
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Ils n'ont pas peur de nous, en tout cas.
- Pascale Lafitte
Est-ce que vous pensez que cet état participe à cette mauvaise image qu'on peut avoir quand on est patient ? Je me mets à la place du patient, de l'interne, du médecin, parce que quand on est patient, on met tout le monde dans le même sac, donc du personnel soignant.
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Mais bien sûr, et moi je peux même comprendre les patients quand ils attendent 6 heures aux urgences, qu'ils sont vus à 4 heures du matin. qui voit un interne qui n'est pas très souriant ou qui va un peu vite dans l'interrogatoire, qui va à l'essentiel parce qu'à 4h du matin, on n'a pas envie d'entendre des choses superflues. Donc forcément, on n'a pas un interrogatoire très étoffé avec le patient qui peut-être ne se sent pas très écouté. Nous, à côté, on est un peu expéditifs. Donc forcément, je pense que les patients, ils ont des fois le sentiment de ne pas être bien écoutés, voire ne pas bien être pris en charge. Et en vrai, on peut les comprendre. Eux, ils ne s'imaginent pas derrière que nous, on en est à notre 20e patient, qu'on n'a pas mangé, qu'il est 4h du matin, qu'on n'a pas dormi. Eux non plus ne s'imaginent pas, je pense. Donc je pense qu'il y a une grosse fracture entre ce que les patients subissent, parce que je comprends l'attente, elle est hyper anxiogène, elle est hyper fatigante pour eux, et nous, ce qu'on vit. Donc il y a une fracture qui joue dans la relation de soins, je pense.
- Pascale Lafitte
C'est frustrant pour vous ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Oui, c'est un peu frustrant des fois de voir des gens qui sont... agacé avant même de t'avoir vu.
- Pascale Lafitte
Internant médecine, le podcast à suivre sans ordonnance ni modération. Je suis curieuse de savoir si lorsqu'on travaille tant, qu'on fait des études aussi longues, on échappote des projets comme on dessine bien des jeunes gens du même âge qui s'installent en couple. Un appart ou en maison, qu'on soive des enfants, si on échafaute donc de simples projets de famille.
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Forcément, en fait, on a des projets de famille qui apparaissent beaucoup plus tard que les gens qui ne sont pas en médecine. Et c'est clair, je pense vraiment que la plupart des femmes internes en médecine, des femmes médecins, sont mamans beaucoup plus tard que leurs copines du lycée. C'est vraiment quelque chose qu'on ne s'autorise presque pas à penser. avant nos 28-30 ans, avant notre fin d'un internat. Donc au plus tôt, à 28 ans. Au plus tôt. Et pour une interne de Chir, je pense qu'elle ne s'autorisera pas à être maman avant 30-31, 32-33 ans. Parce que le cursus d'internat est encore plus long. Puis en plus derrière, il y a le poste de chef de clinique après l'internat. Donc c'est clairement un puissant fond. On n'en voit pas le bout du tunnel. Je pense que pour les projets de vie, en tout cas de... De fonder un foyer, on est clairement en décalage avec les copines du lycée et les copains du lycée.
- Pascale Lafitte
La rémunération brute annuelle des internes en médecine est fixée par arrêté interministériel. Elle est actuellement de 1617,20 euros en première année d'internat pour atteindre 2370,48 euros en cinquième année. 2374,68 euros en année de docteur junior. Le docteur junior, nous reviendrons un autre jour plus précisément sur ce statut, le docteur junior donc est celui qui a validé sa thèse d'exercice.
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Heureusement que se grèvent les gardes, qui finalement ne sont pas non plus très bien payées à l'heure, quand on rapporte, je crois qu'on est payé 140 euros une garde, quelque chose comme ça, 150, je ne sais jamais entre le net et le brut.
- Pascale Lafitte
Ça fait combien d'heures une garde ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Une garde, en fait, on est sur du beaucoup plus que du 10 heures de travail. On est sur du 18 heures le soir à minimum 9h30 le lendemain, le temps qu'on finisse les transmissions. Donc, rapporté au taux horaire, une garde n'est même pas payée au SMIC. Et heureusement, je crois que ça fait deux ans, voire trois, il y a eu une histoire de Ségur de la Santé où les gardes ont été revalorisées et sont payées à 150%. Parce que de base, elles étaient payées à 100 euros tout court. Donc là, elles ont un peu augmenté, elles sont un peu valorisées. Et heureusement, parce que je pense qu'on est un des seuls corps de métier où le salaire n'a pas été indexé sur l'inflation. Notre salaire, notre grille de base, elle n'a pas non plus beaucoup augmenté par rapport au prix de la vie qui lui a augmenté. Donc heureusement qu'il y a cette petite valorisation des gardes ces dernières années. Je pense que les gens, quand ils nous voient arriver avec notre stéthoscope dans la chambre de l'hôpital, ils doivent se dire Oh ben voilà, quelqu'un qui gagne bien sa vie ! de se dire le médecin il doit gagner des 5000 euros par mois et bien en fait non en tout cas l'interne il gagne pas vraiment bien sa vie et les gens n'en ont pas conscience c'est sûr à moins d'avoir un interne dans son entourage. Voilà, là on est sensibilisés, là on le sait.
- Pascale Lafitte
Avec le Ségur de la Santé, le montant des gardes a été revalorisé depuis le 1er novembre 2020 de 25%. Désormais, une garde de 12 heures en semaine est payée 234,35 euros brut. Le week-end et les jours fériés, la garde est payée 256,86 euros. D'après l'ISNI, l'intersyndicale nationale des internes, deux tiers des étudiants en médecine, soit 67%, déclarent avoir des syndromes de burn-out.
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Moi, je pense que ça peut être effectivement facile de tomber dans une sorte de burn-out, puisqu'on est confronté à des gens malades tous les jours, on a le facteur fatigue qui joue, on a du temps libre, mais pas énormément non plus. Donc, en fait, il y a plusieurs facteurs qui font qu'on peut être en burn-out. Donc moi, dans ma sphère à moi, j'en connais pas. Et moi, pour l'instant, je survis.
- Pascale Lafitte
Vous survivez, c'est le terme. Le terme est intéressant, je survis.
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Je survis, c'est-à-dire que je ne suis pas en burn-out. Voilà, on va dire ça.
- Pascale Lafitte
Il y a des psys aussi à l'hôpital et je suppose que vous pouvez vous confier à un psychologue ou à un psychiatre. Est-ce que c'est facile entre confrères et entre internes de consulter si on se sent... plus en survivance, mais en détresse ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Oui, après, ça dépend. Déjà, l'accès au psychologue, il est quand même assez difficile. Je pense qu'à un moment donné, s'il y a un point de non-retour où on ne se sent vraiment pas bien, ça va être spontané. Oui, il faut vider son sac. Ça peut être vécu personnellement, pour les gens, ça peut être vécu parfois comme un constat d'échec, de se dire mince, je n'y arrive pas à avancer dans ce truc Mais… Je pense qu'à un moment donné, quand la personne n'est pas bien, il faut le dire.
- Pascale Lafitte
Vous m'avez dit en début d'entretien que vous aviez pensé à faire un droit au remords lorsque vous avez fait votre stage en cabinet. Est-ce que vous avez déjà pensé à arrêter ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Arrêter complètement, non. Parce que je trouve ça presque encore plus courageux de tout arrêter que de continuer. Je trouve ça hyper courageux à nos âges d'arrêter. J'ai deux amis qui ont arrêté dans un stade hyper avancé de la médecine, en sixième année et quatrième année de médecine, donc largement après avoir passé la première année. Et j'ai trouvé ça super courageux parce qu'en fait, tu repars de zéro. Tu as déjà l'épuisement de la première année qui t'a quand même bien touché. Moi, je n'ai jamais pensé à arrêter. Déjà parce que quand même, j'aime ce que je fais. Mais surtout parce que je pense que je n'aurais pas le courage de repartir de zéro, dans un autre cursus. Moi, ça me dépasserait. En fait, là, de me lancer dans de nouvelles études, je pense que je n'aurais plus l'énergie mentale de me lancer dans de nouvelles études.
- Pascale Lafitte
Après cette question... J'ai continué mon entretien, mais pendant la nuit, une phrase m'est revenue. Je trouve plus courageux de tout arrêter que de tout continuer. Pourquoi plus courageux ? Je me suis dit que j'aurais dû poser la question. Je me pose la question et ça me trotte dans la tête. Pourquoi est-ce que tu trouves plus courageux d'arrêter que de continuer ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Parce que j'ai l'impression d'avoir tellement déjà avancé dans le cursus.
- Pascale Lafitte
de repartir de zéro, tout arrêter pour aller trouver autre chose ailleurs. Moi, je vois du courage dans ça. Dans les gens qui abandonnent le médecine en quatrième, cinquième ou sixième année, je trouve que la démarche, elle est courageuse, elle est même honorable parce qu'on ne sait pas ce qui nous attend derrière. Il y a plein de choses qu'on ne fait pas et donc en ça, je trouve ça assez courageux d'arrêter. Et parfois, c'est bête, mais le simpleté de juste continuer dans la voie dans laquelle on est, Juste continuer de t'être baissée, ça te manque moins de courage au final.
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Et puis après,
- Pascale Lafitte
moi, j'ai mon ami en tête qui a arrêté. Il n'a pas non plus retrouvé une situation professionnelle idéale pour l'instant. Et donc, ça pose plein de questions sur qu'est-ce qu'on perd et qu'est-ce qu'on retrouve derrière.
- Speaker #2
Il n'y a pas aussi un problème peut-être de regard qu'on peut poser sur toi qui va dire en sixième année, j'ai arrêté le médecin.
- Pascale Lafitte
Après
- Speaker #2
cet aparté téléphonique, retour Square Gardette à Paris, sur notre banc, à côté des rats. Vous, aujourd'hui, on a compris que vous aimez votre métier. Vous pensez que vous allez le faire toute votre vie ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Ça, je ne sais pas. J'adore ce que je fais. Je me vois continuer encore pendant plusieurs années, voire des dizaines d'années. Est-ce que je tiendrai jusqu'à 65 ans ? Peut-être qu'il y a un moment donné où, à 50 ans, j'aurais envie d'autre chose. Je ne sais pas. Mais après, la médecine est tellement large que je pense qu'on peut... passer d'un mode de pratique à un autre assez facilement. Si demain, j'ai envie de travailler en cabinet, je peux. Si je veux travailler dans un service hospitalier, je peux. Si je veux faire du mi-temps, je peux. Si je veux faire de l'humanitaire, je peux. Donc peut-être que je vais changer de mode de pratique, mais que je resterai tout le temps en médecine. Peut-être que clairement, à 50 ans, j'en aurai marre et je voudrais découvrir autre chose. Je ne sais pas. Pour l'instant, je ne sais pas.
- Speaker #2
Vous approchez, vous, de la fin. Il vous reste une année et demie, c'est ça ? Vous savez ce que vous allez faire après, comment ça va se passer ? Vous commencez à dessiner votre après ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
J'y pense bizarrement pas encore beaucoup. Je crois que je me focalise encore beaucoup sur l'objectif qui est de finir l'internat, les stages, tout valider, passer ma thèse. Et une fois que ça, ce sera derrière moi, j'y penserai. Là, je ne me vois surtout pas tout de suite ouvrir mon cabinet. Avoir ma patientèle, avoir mon cabinet, là, comme ça m'a installée, ça me semble trop précoce dans un an et demi. J'ai peut-être besoin de faire un peu des remplacements à droite à gauche. Souvent, c'est ce que les internes en médecine générale font. À la fin de leur cursus, ils vont faire ce qu'on appelle des remplacements dans des cabinets où ça leur permet d'être encore flexibles à la fois sur les horaires et de ne pas avoir un pied dans l'installation et toutes les charges que ça engendre.
- Speaker #2
La blouse blanche, le stéthoscope, c'est un truc important.
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Au début, c'est vrai que quand on reçoit notre premier stéthoscope en deuxième année, moi, on me l'avait offert à la fac de Nice-Côte d'Azur. Ils avaient offert le stétho avec une petite gravure facultée de la Côte d'Azur. Je l'ai encore d'ailleurs, je ne l'ai pas perdu. Donc oui, il y a un côté, c'est hyper glorifique. C'est glorifique, on a ce côté un peu symbolique. Ça récompense nos efforts.
- Speaker #2
À la tenue aussi, alors, comme les pompiers ? Eh oui,
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
puis il y a un petit côté sexy comme dans Grey's Anatomy, où la petite blouse, le petit truc, oui. Oui, oui, oui, je pense que... Puis même, on est à l'aise. Moi, quand je fais mes gardes aux urgences, je suis très contente d'avoir ma tenue de travail.
- Speaker #2
Désormais, les internes ayant choisi la médecine générale devront faire une année supplémentaire sous le statut de docteur junior évoqué précédemment. Voici un extrait du communiqué... presse du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les internes concernés seront incités à réaliser ces stages dans les zones sous-denses.
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Je n'ai pas bien cerné le rôle de la quatrième année de médecine générale qui a été rajoutée par le gouvernement. Je n'ai pas bien cerné.
- Speaker #2
Et d'envoyer des gens dans les déserts médicaux ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Ah ben ça c'est le pompon de tous les facteurs. compliqué de notre cursus. Là, je pense que ça vient... C'est un peu la goutte d'eau qui fait déborder le vase, je pense. Nous forcer à nous mettre dans un désert médical, c'est, encore une fois, pas trop penser à notre santé mentale.
- Speaker #2
Vous forcez à aller vivre là où vous n'avez pas décidé de vivre ?
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
Ben ouais. Surtout que... C'est bizarre à expliquer, mais en fait, c'est l'inverse au début. C'est-à-dire que moi, de base, je venais d'un petit village avec 5000 habitants, qui est un désert médical dans le Var. On m'a presque un peu forcée pour faire mes études à aller dans une grande ville parce qu'il n'y avait pas de fac à la ronde à moins de 120 kilomètres. C'était soit Marseille, soit Nice. Déjà, la fac, la première fac la plus proche, elle était à plus de 100 kilomètres. Forcément, j'arrive à 19 ans, 20 ans, je m'habitue à la ville. Je prends goût, et oui. à 27 ans, j'ai plus envie de retourner dans mon désert dans lequel j'étais il y a 7 ans. Donc là, on me demande de faire un schéma arrière, alors que je pense aussi que ce qui faciliterait à ce que les gens restent dans leur pied de ville, restent dans leur village et restent dans leurs déserts médicaux, c'est d'avoir peut-être un peu plus de fac de médecine à proximité. Moi, ça ne m'aurait pas choqué d'avoir une fac de médecine à Toulon, qui est quand même une grande ville, Toulon, à Draguignan, avoir des facs de médecine plus proches et qui, déjà, nous éloignerait moins de base des déserts médicaux. Et du coup, ce serait moins violent aussi de revenir à un désert médical.
- Speaker #2
Faciliter, en fait, le travail des études pour garder les gens dans des endroits qu'ils connaissent et dans lesquels ils ont grandi.
- Notre invitée du jour, interne en médecine générale
C'est clair. Moi, si on ne m'avait pas éloignée autant de mon petit village, peut-être que j'aurais plus envie d'y retourner aujourd'hui. Déjà, là, j'ai moins d'attachements, j'ai moins d'amis, je n'ai plus fait ma vie là-bas pendant sept ans. Et là, y retourner comme ça demain de but en blanc, je trouve ça un peu dur, même si c'est peut-être... une chose que j'aurais envie à 40 ans, dans une autre phase de ma vie, mais là, retourner dans un désert médical, alors que justement, on fait toute notre médecine dans des grandes villes, je pense qu'il faudrait plus avoir déjà plus de facs de médecine, en fait, dans des villes pas à très grande échelle, à moyenne échelle, et on serait déjà plus proche des déserts médicaux, quoi.
- Speaker #2
Un parcours d'interne, futur médecin généraliste, un récit tout en franchise. Générosité, merci. Et merci à vous de nous avoir écoutés. Si vous aimez ces entretiens, alors partagez-les. Et n'oubliez pas, internant médecine, le podcast est à suivre sans ordonnance ni modération. Merci de nous avoir écouté.