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Entretien avec un garçon à la voix douce, interne anesthésiste-réanimateur : défis, passions et résilience au quotidien. cover
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Interne en médecine

Entretien avec un garçon à la voix douce, interne anesthésiste-réanimateur : défis, passions et résilience au quotidien.

Entretien avec un garçon à la voix douce, interne anesthésiste-réanimateur : défis, passions et résilience au quotidien.

30min |14/10/2024|

420

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Interne en médecine

Entretien avec un garçon à la voix douce, interne anesthésiste-réanimateur : défis, passions et résilience au quotidien.

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30min |14/10/2024|

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Description

Dans cet épisode du podcast "Interne en médecine", je vous invite à plonger au cœur de la réalité des internes en médecine, un monde souvent méconnu mais essentiel au fonctionnement de notre système hospitalier.

Je suis Pascale Lafitte, et j'ai le plaisir de rencontrer un interne anesthésiste-réanimateur, qui partage avec nous son expérience poignante et révélatrice. "Le premier jour à l’hôpital, c’est comme plonger dans un océan sans savoir nager", confie-t-il, illustrant parfaitement les défis auxquels font face ces jeunes professionnels, déjà médecin mais pas encore Docteur.


Au fil de notre conversation, nous mettons en lumière le quotidien des internes, souvent confrontés à un manque de logement et de soutien, tout en portant une charge de travail immense. J'aborde avec lui les responsabilités croissantes qui accompagnent le statut d'interne, un chemin semé d'embûches où la passion pour la médecine doit constamment lutter contre la pression professionnelle et académique. "Chaque jour, je me réveille avec l'envie d'aider, mais je ressens aussi le poids de la vie et de la mort sur mes épaules", partage-t-il, révélant les défis émotionnels liés à la perte de patients.


Nous discutons également du mal-être qui peut en résulter, de l'importance de l'écoute de soi, et de la nécessité de prendre du recul pour préserver sa santé mentale. "Il est crucial de se rappeler que nous ne sommes pas seuls dans cette aventure", souligne-t-il, rappelant à tous les internes que le soutien mutuel est vital.


Cet épisode est une ode à la résilience et à la passion des internes en médecine, qui, malgré les difficultés, continuent d'avancer avec détermination. En fin de discussion, nous soulignons ensemble l'importance de reconnaître et de soutenir ces acteurs indispensables du système de santé.


Rejoignez-moi dans cet épisode captivant où nous explorons non seulement les défis, mais aussi la beauté du métier d'interne en médecine. Écoutez les réflexions de notre invité et découvrez comment, malgré les obstacles, la vocation médicale demeure un moteur puissant. Ne manquez pas cette occasion de mieux comprendre le quotidien des internes et de célébrer leur engagement envers la santé de tous.


Interne en médecine est un podcast de et avec Pascale Lafitte, produit par IMI productions & Creative.

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Et si ce podcast vous séduit, alors partagez-le avec vos proches, amis, collègues, voisins et votre médecin aussi qui a peut-être enfouit sous une montagne d’antibiotiques et de prescriptions ses années d’internat.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Pascale Lafitte

    Bonjour, je suis Pascale Lafitte, je vous présente le podcast "Interne en médecine" à suivre sans ordonnance ni modération. Une série de rencontres et de conversations avec des internes en médecine. Dans les couloirs de l'hôpital, on croise de jeunes médecins, femmes et hommes, badgés, arborant soit un prénom, soit un prénom et un nom, et un titre professionnel, celui qui nous intéresse ici, interne. Le terme est un emprunt au latin "internus", qui désigne un interne, c'est-à-dire un étudiant logé et nourri dans l'établissement qu'il fréquente. Dans le milieu médical, il fut un temps où l'interne des hôpitaux répondait bien à la définition. Il était à l'école de l'hosto, en pension complète, il étudiait, assistait son responsable de service, mangeait et dormait sur son lieu de travail. Mais ce temps est révolu, aujourd'hui l'interne travaille, et d'ailleurs tous les professionnels s'accordent à dire que sans interne, l'hôpital se casserait la gueule. L'interne travaille donc, mais ne bénéficie que peu ou pas de chambres à l'internat. Il n'y en a pas assez. Prenons l'exemple du CHU de Bordeaux. En 2024, il accueille 373 internes et est doté de 42 chambres individuelles d'internats, soit 11% des internes logés et nourris. Toulouse propose 40 chambres et 9 studios pour 350 internes, soit 14% d'entres eux logés et nourris. On oublie Paris et ses 4300 internes obligés de se loger dans le secteur privé parce que là, c'est la misère. Alors certes, me direz-vous, l'interne perçoit une compensation. D'après l'intersyndicale nationale des internes, la majoration pour les internes non logés, non nourris, soit la grande majorité, est de 1010,64 € par an. Je vous épargne le calcul, ça fait 84,22 € par mois. Alors, j'entends certains d'entre vous penser si fort que bon, le docteur ensuite il gagne bien sa vie et il ne connaît pas la crise de l'emploi. Et alors ? Est-ce une raison pour maltraiter nos jeunes soignants ? Qu'est-ce qui permet à qui que ce soit de mépriser leurs dix années d'études exigeantes ? D'heures de taf, de nuits blanches ? De déménagements incessants, tout ça pour vous, pour nous, pour nous soigner. Ce sont toutes ces réflexions et d'autres encore qui m'ont donné une furieuse envie de savoir qui étaient nos internes. Si souvent critiqués, méprisés par les politiques, punching ball de la faillite du système de santé et de leurs donner la parole. Et pour ça, je suis allée les rencontrer, ici et là, simplement pour qu'ils se racontent. "Interne en médecine", sans ordonnance ni modération, c'est juste une discussion. Nous allons aujourd'hui faire connaissance avec un garçon à la voix douce. Il est interne anesthésiste-réanimateur, en huitième année de médecine, soit en deuxième d'internat. Nous nous sommes donné rendez-vous à Bayonne, une fin d'après-midi du mois de mai, dans un bar sur les bords de la Nive, juste à l'heure de la sortie des classes. Salut ! Bonjour ! T'es pas trop fatigué de la journée ?

  • Interne, invité de cet entretien

    J'ai dormi un peu, donc ça va mieux.

  • Pascale Lafitte

    T'avais une garde, c'est ça ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est ça, exactement. J'ai dormi en fin de matinée et je me suis réveillé en début d'après-midi.

  • Pascale Lafitte

    Ça va, t'es venu à Scoot ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est ça, exactement.

  • Pascale Lafitte

    Y'avait de la circulation ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Non, c'était tranquille. Bon, ça va, on est dans l'après-midi, donc... Les gens travaillent.

  • Pascale Lafitte

    Ça ne t'ennuie pas si on se met au bar à côté ?

  • Interne, invité de cet entretien

    On fait comme ça.

  • Pascale Lafitte

    Il va y avoir un tout petit peu de bruit, mais on va faire avec.

  • Interne, invité de cet entretien

    Parfait, ça me va.

  • Pascale Lafitte

    Pourquoi est-ce que tu as choisi la médecine ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Un intérêt pour la physiologie. Donc tout d'abord, comprendre comment fonctionne notre corps, qui est quand même l'une des machines les plus formidables qu'on ait sur Terre. Et ensuite, un oncle. Un oncle qui est médecin, qui a été une figure pour moi de quelqu'un de bienveillant, d'aidant autour de lui et de respecter un peu tout ça. une volonté de découvrir tout ce milieu-là.

  • Pascale Lafitte

    Tes parents sont dans le milieu médical ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Mes parents travaillent dans la finance, donc un milieu qui n'a pas vraiment à voir, mais ils ont beaucoup de respect, justement, et de confiance, mais beaucoup de respect pour le milieu médical, qui est pour eux le plus beau métier que l'on puisse faire dans ce monde.

  • Pascale Lafitte

    C'est toujours un 2 novembre qu'un externe en médecine devient un interne. L'interne est un médecin ayant une carte d'étudiant, le quotidien d'un médecin, avec en plus quelques heures de cours et une thèse à préparer. Chaque année, un 2 novembre donc, après 6 années d'études et un concours, appelé jusqu'en 2023 ECN, épreuve classante nationale, est devenu en 2024 EDN, soit épreuve dématérialisée nationale. Après donc un de ces concours, après un classement qui pèse son poids, dans la suite de la carrière professionnelle de nos futurs Docteurs en médecine, après quelques mois de décompression, le choix d'une spécialité d'une ville de rattachement, après tout ça donc, chaque année, un 2 novembre, les externes deviennent des internes en médecine, soit des praticiens en formation spécialisée, c'est-à-dire sous la responsabilité d'un médecin senior, avec de fait, du jour au lendemain, une charge professionnelle écrasante. Un premier jour... Une première fois, un moment qui ne s'oublie pas.

  • Interne, invité de cet entretien

    Le premier jour, j'arrive dans une ville que je ne connais pas, un hôpital que je ne connais pas. On vous montre beaucoup de couloirs, beaucoup de pièces, on vous présente beaucoup de personnes, trop de noms. Vous ne retenez pas grand-chose. La balade dure peut-être deux heures. Et en fait, vous vous rendez compte que vous avez oublié ce qu'on vous a dit il y a dix minutes. Vous prenez un coup de massue, en fait. Vous ne comprenez pas tout de suite ce qui va se passer. Mais ouais, d'un coup, c'est les responsabilités, ça commence. Et c'est le vrai monde, la vraie vie. La vraie vie qui commence. Une fois qu'on devient interne... Là, pour le coup, on est acteurs, j'irais même quasiment principaux de la prise en charge du patient. C'est-à-dire que c'est nous qui sommes plus souvent, en tout cas dans le corps médical, au contact du patient, de la famille. On a des chefs, en tout cas des docteurs qui sont taisés parce qu'on est médecin quand on est interne, mais pas encore docteur parce qu'on n'est pas taisé. On a des docteurs derrière nous. Le gros du quotidien se fait en tout cas par les internes. Parce qu'il y a beaucoup trop de masse de travail, s'il n'y avait que les docteurs, ça serait largement insuffisant. Et donc il y a cette transition de je n'ai pas de responsabilité à même si j'agis sous couvert de quelqu'un, dans l'urgence, on ne peut pas se dédouaner, et puis on doit savoir, on doit agir dans l'urgence. Et là, on nous regarde, ça peut être la famille, le patient, le corps paramédical. Là, on ne peut pas dire, écoutez, moi, je suis juste médecin, je ne suis pas encore docteur, pas thésé, j'agis sous couvert de mon chef de service. Parfois, il faut agir. Il faut agir. Et là, on est tout seul au début, parfois. On est tout seul.

  • Pascale Lafitte

    Les gestes, on vous les apprend ?

  • Interne, invité de cet entretien

    On nous les apprend. mais on a quand même pas mal de simulations. On peut apprendre un geste sur un mannequin, on est dans une pièce où il y a quatre mannequins, on est dix en train de s'entraîner, on tourne, on rigole. Ce n'est pas la même chose qu'un geste sur un patient dont le pronostic vital est engagé, quand on est en train de faire ça. dans la nuit de samedi à dimanche à 3h30 du matin, alors qu'en fait, on est à l'hôpital depuis la veille à 8h du matin, sans avoir pu fermer l'œil, en ayant eu peut-être une demi-heure de pause déjeuner, parfois même déjeuner à 19h, je ne sais pas. On n'a peut-être pas eu le temps même de se poser pour ziner. Les conditions ne sont pas forcément les mêmes.

  • Pascale Lafitte

    Ce n'est pas une légende urbaine que de parler du surmenage des internes ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Ce n'est pas une légende urbaine. La seule chose, je pense qu'on a peut-être un peu trop la tête dans le guison. que nous, on ne se rend pas compte de certaines choses. Nous, on compare interne, entre nous. Ah, je compte mes heures, moi je fais 90 heures. Ah, moi je fais 60 heures par semaine. Ah, moi je fais 50, moi je fais 80. Ah bah toi ça va, moi ça va pas, je bosse beaucoup de week-end. Non, pas beaucoup. On compare entre nous. Donc parfois on se dit que, je me dis par exemple assez souvent, que je suis pas trop mal loti. par rapport à mes confrères chirurgiens qui ont des rythmes de vie qui sont parfois effrénés. Mais quand je compare à mes amis qui sont en dehors du milieu médical, là, pour le coup, on descend sur terre. On se dit que même si moi, j'ai l'impression de ne pas être trop mal outil, en fait, je fais deux fois plus qu'un français lambda. Il y a aussi quelque chose de plus global dans ce décalage qu'on a par rapport aux autres. Il n'y a pas que le temps de travail. J'ai bientôt 27 ans, là, à un âge où beaucoup de Français vont peut-être penser bientôt à se marier, je sais pas, sont en train d'acheter une maison, penser peut-être à avoir un enfant, des projets en tout cas d'adultes entre guillemets. On en rigole entre nous, on se dit qu'on a un peu l'impression d'être étudiant encore un peu plus tard. Et on a, c'est vrai, encore ce statut d'étudiant en tant qu'interne. On n'a pas la même vie, on va dire, que la plus... part des Français de 27 ans. C'est dans ce sens-là aussi. Pas que par rapport au temps de travail, pas que par rapport au fait qu'on soit décalé au niveau du rythme de vie, mais au niveau de tout simplement ce à quoi notre vie ressemble.

  • Pascale Lafitte

    Vous en parlez entre vous en vous disant, oh la la… si j'avais fait une école de commerce, ça serait chouette, je serais en train de buller, j'aurais fini mon taf, je regarderais une série à la télé et puis voilà, ça serait terminé en mangeant un plat de pâtes.

  • Interne, invité de cet entretien

    Ouais, il y a un côté humain, je ne sais pas, sadomaso peut-être, parce qu'on adore se dire ça, en discutant avec les collègues, qu'est-ce que je suis allé me foutre là-dedans ? J'étais complètement, enfin, j'étais trop bête. Je n'avais pas l'âge, de toute façon, pour comprendre qu'est-ce que je fais. Retrouver dans la détresse humaine et sociale, souvent aussi, avec des heures à rallonge. Il y en a beaucoup pour qui les conditions, on va dire, financières sont... donc pas forcément plus favorables. Je pense aux internes parisiens qui vivent avec quasiment les mêmes moyens, mais les prix ne sont pas les mêmes, notamment par rapport au loyer. Et on se dit, si j'avais fait du commerce, les choses auraient été plus tranquilles. Après, on revient à nous-mêmes, on se dit, est-ce que ça nous aurait stimulé ? Est-ce que c'est ce qu'on aurait voulu faire ? Si on est là, c'est qu'il y a une raison. On arrive à trouver quand même un intérêt dans ce boulot et je pense que c'est pour ça que la plupart des gens restent. Il n'y a pas que de la résilience.

  • Pascale Lafitte

    C'est une discussion que vous avez fréquemment, celle-là ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Oui, oui, oui.

  • Pascale Lafitte

    Parce que c'est un vrai sujet ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est un vrai sujet. Je ne suis pas capable de penser tout de suite à quelqu'un qui n'a jamais pensé au fait d'arrêter médecine. On est tous passés par là.

  • Pascale Lafitte

    Tu as pensé à arrêter médecine ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Oh que oui ! Je me suis même, dans mon externat, j'ai pris une pause pendant un an, je me suis un peu... Et puis là, ça m'arrive actuellement à peu près une fois par semaine. Mais bon, je suis trop long là-dedans. Ça a trop empiété sur la personne même que je suis. Je ne sais même pas ce que je pourrais faire d'autre au final maintenant.

  • Pascale Lafitte

    Les internes d'aujourd'hui appartiennent à la génération Z, caractérisée par la personnalisation et la flexibilité dans les différents aspects de leur vie, donc du travail.

  • Interne, invité de cet entretien

    Ma génération, quasiment tout le monde fera plusieurs métiers dans sa vie. Et je pense que la statistique sera peut-être plus basse chez les médecins, mais il y a plein de médecins qui feront autre chose dans leur vie que rester médecin toute leur carrière professionnelle. Moi, en tant qu'interne aujourd'hui, si je dis que je ne veux pas bosser plus tard comme un acharné, je pense que ça ne sera pas forcément mal vu. Là où ça aurait pu l'être il y a 15 ans, j'aurais pu passer comme quelqu'un de fainéant, en tout cas désintéressé.

  • Pascale Lafitte

    Sur une période de trois mois. Cette moyenne prend en compte toutes les heures de travail, y compris les gardes et les astreintes. Après chaque garde, les internes doivent bénéficier d'un repos de sécurité immédiat de 11 heures consécutives. Ce repos doit débuter dès la fin de la garde. Dans les faits, plusieurs études et témoignages d'internes révèlent que malgré les régulations en place, la réalité du terrain peut conduire à des horaires beaucoup plus longs. Il n'est pas rare que certains travaillent entre 60, 70, 80 heures hebdomadaires Et ce, en fonction évidemment des besoins du service, des urgences et des rotations. Il y a de plus du travail non comptabilisé, comme les études, la préparation des dossiers, les réunions cliniques et les recherches personnelles, qui s'ajoutent aux heures passées à l'hôpital.

  • Interne, invité de cet entretien

    Moi, si j'ai bossé une nuit, aucun de mes chefs n'acceptera qu'après 10h du matin, je ne sois pas parti de l'hôpital. Parce qu'il faut que je me repose, parce que je risque d'être dangereux si je reste, parce que... Mes collègues bosseront plus, mais en tout cas, je n'ai plus rien à faire ici. Pour moi et pour les autres, il faut que je rentre. Et donc forcément, c'est sûr qu'au début, on n'ose pas trop. Peut-être qu'on est intimidé. En fait, on commence à s'y faire et on ne voit pas le temps passer. Et on se retrouve pendant cinq années d'internat à trouver que c'est normal quand on vient de bosser toute une nuit et de dormir peut-être une heure ou deux, de sortir de l'hôpital le lendemain à 18h. C'est normal. Et en fait, chez les chirurgiens, ça se fait assez régulièrement. Après, je vois des collègues fatigués, je vois... Mais bon, c'est comme ça, tout le monde le fait autour d'eux, donc pourquoi pas eux ? C'est vrai qu'il y a un peu ça, ouais.

  • Pascale Lafitte

    Si on enlève les internes, qui sont des étudiants, ils sont médecins par délégation, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pratiquer que sous la responsabilité d'un médecin senior du centre hospitalier de rattachement dont ils dépendent. Si on enlève les internes de l'hôpital, qu'est-ce qui se passe ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Bah écoutez, chaque année arrive, on va dire, et partent, parce que bon, ça arrive dans un sens et dans l'autre, il y en a qui sont du coup taisés, entre, on va dire, 8 000 et 10 000 internes. Selon les spécialités, donc ça va de 3 à 5 ans, comme ça, j'estimerais, on va dire, à peu près à 40 000, à peu près, le nombre d'internes en France. Si on retire 40 000 internes... Je pense que je n'ose pas espérer ce que ça donnerait. Je ne veux même pas imaginer. Je pense que ce ne serait pas la guerre civile, mais ça serait bien d'imposer que 40 000 internes, ça fait beaucoup.

  • Pascale Lafitte

    Ce qui fait que l'hôpital en France est très jeune ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est sûr, les internes, forcément. C'est vrai qu'une bonne partie, mon âge, globalement, les internes ont entre 25 et 30 ans. Donc oui, c'est jeune. Et la plupart des médecins de l'hôpital, de tels publics ont en dessous de 45 ans. Donc oui, on est jeunes, on a pour la plupart entre 25 et 45 ans.

  • Pascale Lafitte

    Vous vous êtes confronté à la mort. Est-ce qu'on vous y prépare à ça ?

  • Interne, invité de cet entretien

    On nous en parle, mais je pense que ce n'est pas quelque chose à laquelle on peut être préparé tant qu'on ne l'a pas vécu. Là, on parle de la mort, on parle dans le domaine privé. Tout le monde sait un jour qu'il va perdre son père ou sa mère. Est-ce que pour autant, on peut dire le jour où ça arrive, Oh ben, tranquille, ça ne me fait pas grand-chose, je m'y attendais, on m'avait préparé. Même si on était préparé, en tout cas, c'est quelque chose qui touche toujours. Il y a juste les circonstances dans lesquelles ça arrive. arrivent qui sont un peu déterminantes, parce qu'il y a la mort et ce qu'elle incarne derrière. On peut penser spiritualité, on peut penser en tout cas métaphysique et tout ça. Et puis il y a la mort et un côté très pratique, le corps. Quelqu'un inanimé, corps de quelqu'un qui est froid, corps de quelqu'un qui est rigide. Il faut déjà dissocier ces deux choses. Moi, par exemple, en deuxième année de médecine, il y avait des séances de dissection. C'est-à-dire qu'on avait appris l'anatomie en disséquant des cadavres. Il y a ça. Donc oui, vous voyez ce corps qui est conservé, qui est rigide, qui est tout froid, qui est... La mort, oui. OK, vous l'avez vu. Apprendre qu'un patient que vous avez suivi en votre quatrième, cinquième, sixième année, vous avez suivi pendant, je ne sais pas, parfois un mois, un mois et demi, est décédé. Et... Tous les matins, vous rentriez dans la chambre, je vais prendre un exemple au pif, la chambre 112, et puis c'était M. D. qui était dedans. Et bien M. D. ne sera plus là. Ça, c'est une autre manière de vivre aussi, d'appréhender la mort. Ça, pas forcément préparé. C'est humain, c'est comme ça. Il y a des fois, on n'est plus touché que d'autres. C'est comme ça. Il faut savoir, pas que ça dépasse une certaine limite, mais en même temps, être humain, il faut trouver cet équilibre. Et puis il y a... Quand on est interne, je ne sais pas, je pense à collègues qui font des gardes d'étage, on appelle ça, qui sont appelés dans un service qui n'est pas le leur à 3h du matin pour une petite dame qui est en détresse respiratoire, un service de pneumologie au troisième étage d'un bâtiment de 10 étages, alors qu'on ne connaît pas vraiment bien l'hôpital, qu'on est dans cet hôpital depuis une semaine, dix jours. Et on a quelqu'un de peut-être allé presque 90 ans qui a vraisemblablement... Euh... Je ne sais pas. En tout cas, dans le pronostic vital est engagé. Et la question se pose, qu'est-ce que je fais face à cette personne devant moi ? Jusqu'où on va aller dans les thérapeutiques avant que ça soit déraisonnable ? En fonction de ses comorbidités, du tableau clinique. Cette personne, elle a sûrement une famille, des proches. Qu'est-ce que je fais ? Il est 3h30 du matin. Et c'est encore une autre manière d'appréhender la mort. Et ça, pour le coup, c'est trois. Je vous ai donné trois tableaux complètement différents. La mort, pour moi, ça veut rien dire. Il faut juste parler parfois un peu plus précisément, mais sans qu'on y soit prêt avant de l'agir pour de vrai.

  • Pascale Lafitte

    Bon nombre d'études ont été consacrées au mal-être des internes, une préoccupation majeure en raison de leurs conditions de travail éprouvantes. Charge de travail excessive, on l'a évoqué, manque de sommeil, stress et pression professionnelle, pression académique, manque de reconnaissance des pairs et du public, les raisons sont multiples. Et malgré les constats, la situation perdure. La question du mal-être mérite d'être posée, me semble-t-il, aux principaux concernés que sont les internes.

  • Interne, invité de cet entretien

    Parce que ce mal-être est là. Je ne pense pas qu'on soit les gens les plus heureux du monde. Après, j'ai quand même l'impression autour de moi, que même si c'est biaisé, je vais vous dire pourquoi, qu'on arrive à relativiser et à se rendre compte que globalement, parce que aussi les gens nous le rappellent, tu seras médecin, tu gagneras bien ta vie et puis tu seras quand même respecté. Donc ça va, tu n'es pas à plaindre. Alors il y a ça, oui. C'est vrai que je vais faire 11 ans d'études, c'est vrai qu'il est très probable que je vive plutôt confortablement, si on parle du côté matériel plus tard. Par ailleurs, on est pour beaucoup assez entourés, on a des amis, on part en vacances, on fait du sport, on fait plein de choses. Le souci, c'est que c'est un peu plus compliqué de dire quand ça ne va pas. Et donc du coup, j'ai l'impression, et je pense qu'à juste titre, comme pas mal de mes collègues pourront le dire, que ça va, au final, autour de nous, il n'y a pas tant de gens que ça qui vont mal. Même si, si vous posez la question, on a tous eu des périodes où ça se passait moins bien. Et est-ce qu'on en a vraiment parlé ? Pas forcément. Et donc, ça peut être juste un mal-être latent. Et ça peut malheureusement, parfois, avoir des conséquences plus graves. On va dire que oui, on a tendance à normaliser l'anxiété et oui, la dépression, des choses comme ça. Un mois, on discute, parfois en rigolant avec certains collègues, en se disant que j'ai pris une benzodiazépine il y a quelques temps parce que j'ai encore fait une énième crise d'angoisse, ça arrive. Enfin voilà, en en rigolant comme si c'était normal, alors qu'en fait, non, pas du tout. Ça va, heureusement, c'est pas si vrai comme ça. Mais le problème, c'est vrai que... Alors, je ne sais pas. Est-ce que parce qu'on voit des trucs qui sont quand même assez durs et graves, on se dit qu'en vrai, nous, ça va, ce n'est pas gravissime ? Est-ce qu'on laisse empirer certaines choses ? Et là, du coup, ça ne finit pas forcément tout le temps très bien. Je ne sais pas. Mais oui, je pense que je ne m'écoute pas assez. Si c'est la question que vous me posez là tout de suite, je ne m'écoute pas.

  • Pascale Lafitte

    Vous vivez beaucoup entre vous, les internes ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est vrai qu'on est beaucoup entre nous. J'ai la chance, parce que je m'y suis, pour moi c'était quand même très important, j'ai gardé pas mal d'amis en dehors de médecine pour garder justement un pied sur terre, entre guillemets. Mais on est beaucoup entre nous. Il est vrai que ça dépend des subdivisions, on ne va pas parler, mais dès que ce n'est pas... Paris, il y a plusieurs périphéries et lieux d'exercice. Des internes, il y en a. Par exemple, moi, je suis interne dans la subdivision de Bordeaux. Il va y avoir des internes à Bordeaux, à Arcachon, à Dax, à Mont-de-Marsan, à Bayonne. Donc bon, ça fait bonne partie, en tout cas, toute la région aquitaine, qui est nouvelle aquitaine, qui est couverte. Donc, quand on arrive, on n'est pas du coin à Bayonne. c'est plus facile de trouver un appartement, on va dire, avec trois chambres et de trouver deux copains qui vont être... Deux copains, deux personnes qui vont être internes. Comme nous, parfois, on ne les connaît pas avant de s'installer avec. Mais ça va être simple, on sait qu'on est là pour six mois, on sait qu'on va avoir plus ou moins le même quotidien, mais que le rythme qu'on aura sera compris des autres. Et donc, assez rapidement, c'est vrai qu'on se retrouve entre nous là-dedans.

  • Pascale Lafitte

    Anesthésiste réanimateur, l'internat dure 5 ans. Une thèse à présenter avant la fin de la quatrième année, avant d'aborder ensuite une année de docteur junior. Et puis ensuite, que va-t-il se passer ? Tout n'est pas écrit parce que oui, il y a un après, ce tunnel d'études et de travail.

  • Interne, invité de cet entretien

    Après, je ne m'interdis rien. Est-ce que je reviendrai de là où je viens ? Peut-être. Je ne pense pas là tout de suite. Est-ce que je resterai ici ? Peut-être. Je verrai en fonction de l'état d'esprit dans lequel je serai. Il y a plusieurs paramètres aussi. La personne qui partagera ma vie, si forcément ça a une incidence sur les choix qu'on fait, je verrai à ce moment-là. Je ne m'interdis rien.

  • Pascale Lafitte

    On oublie de dire, il y a une thèse à préparer. Ça rajoute une charge de travail importante ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Ça rajoute une charge de travail importante. Alors, bon. Un peu comme partout et comme tout le monde, il y en a qui s'organisent pour commencer suffisamment tôt et bien lisser les choses. Il y en a qui se retrouvent à faire ça de manière un peu plus accélérée vers la fin. Cette thèse, il faut la trouver. Généralement, on la trouve dans l'un des services. dans lesquels on passe pendant notre internat. Par contre, oui, tout le traitement se fait en dehors et sur le temps personnel. Il y a le temps de travail, soigner des patients. Il y a ma thèse. Ma thèse, c'est à propos de ça. Ah, tel patient rentrerait dedans, je vais l'inclure. Est-ce qu'il accepte ou pas ? Dans quelle branche il sera ? Recueillir les données. Donc, il y a une partie qui se fait à l'hôpital. Il y a une partie quand même assez importante qui est sur le temps personnel. Et je ne vous parle pas aussi de l'enseignement, parce qu'on apprend sur le terrain, mais on a quand même aussi des cours et des choses qu'on doit quand même continuer à apprendre. En tant que médecin, c'est ce qui est compliqué, c'est qu'on a un métier où... On m'avait donné la stat quand j'avais commencé mes études. La moitié des connaissances que j'apprends aujourd'hui seront obsolètes dans environ 7 ans, si je me rappelle bien. Quand j'ai commencé médecine, ce qui se disait, il y a la moitié qui n'est plus forcément dans les recommandations. Alors c'est beau, un métier où la formation continue est nécessaire et importante. C'est bien, ça a des bons côtés. On continue sans cesse d'évoluer, mais ça demande un effort quand même assez important. Et là, ça dépasse même le statut d'interne.

  • Pascale Lafitte

    Et un break, c'est quelque chose auquel tu penses faire une césure ?

  • Interne, invité de cet entretien

    J'y pense, j'y pense. Ça peut être nécessaire, ça peut me faire du bien. Prendre un peu de recul pour mieux revenir là-dedans. Il y en a qui le font justement pour aussi pouvoir prendre le temps de travailler leur thèse comme il faut. Il y en a qui le font pour travailler un peu, mettre de côté pour pouvoir voyager. Mieux revenir aussi après, parce que mentalement, ils en ont besoin. C'est quelque chose à laquelle je pense. Je ne sais pas décider, ce n'est pas clairement établi dans ma tête, mais oui, je l'ai dans un camp de ma tête.

  • Pascale Lafitte

    Pour boucler cette rencontre, je suis revenue à ce que nous avons évoqué au début de cet entretien. Souvenez-vous, nous avons parlé de ses parents et de son oncle médecin. Je me suis demandé ce que son oncle pensait du parcours, de l'état d'esprit, des questionnements de son neveu et s'il était fier de lui.

  • Interne, invité de cet entretien

    Mon oncle, il est heureux. Mon oncle n'est pas du tout comme moi. Mon oncle vient d'une génération où le travail, c'est la santé et on définit un homme... La valeur d'un homme par son travail.

  • Pascale Lafitte

    Il comprend ta génération ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Ça l'amuse un peu. Ça le fait sourire. Il comprend. Parce qu'il voit que... Il accepte que je ne veuille pas forcément être un acharné comme lui. Mais il comprend cela. Il comprend cela. Il est heureux.

  • Pascale Lafitte

    Tes parents ne te mettent pas de pression ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Non, mes parents me mettaient la pression pour que je sois bon à l'école. Ça n'a pas toujours été trop ça. Mais au final, aujourd'hui, ils sont fiers de moi. La pression, ils ne me la mettent pas. Ma mère, justement, m'exhorte à m'écouter. Là où mon père est dans cette mentalité, comme je parlais de mon oncle tout à l'heure, le travail, c'est la santé. Le travail... fait d'un homme la valeur qu'il a, entre guillemets. Quand parfois je me plains de trop travailler, j'ai un travail déjà, ça c'est pas mal. C'est vrai qu'aujourd'hui, ce n'est pas donné à tout le monde. Et puis, il faut que je sois fier de ce que je suis et de ce que ça fait de moi, même si ce n'est pas forcément toujours facile.

  • Pascale Lafitte

    Et si toi, tu décidais d'arrêter, de passer à autre chose, tu leur ferais de la peine, tu crois ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est sûr, il n'y a pas de débat. Il n'y a pas de débat.

  • Pascale Lafitte

    Donc, ça participe à ta réflexion ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Oui, même si j'aimerais dire que non, forcément, il y a une part. Forcément, alors aussi minime soit-elle, je ne peux pas l'estimer, forcément, ça rentre dans l'équation. C'est sûr qu'il y a dans leur tête quelque chose. En tout cas, c'est inhérent à ma personnalité, le fait d'être médecin. Je ne suis pas moi. Et médecin, le fait d'être médecin fait partie de ma personnalité et de mes caractéristiques, entre guillemets.

  • Pascale Lafitte

    Merci de nous avoir écoutés. En espérant que le jour où vous croiserez l'une ou l'un de ces tout jeunes médecins étiquetés, badges à l'appui "interne", vous porterez un regard bienveillant, car affranchis sur ces médecins, toujours étudiants, indispensables au bon fonctionnement de l'hôpital français. Merci de nous avoir écoutés. Si vous aimez ces entretiens, alors partagez-les. Et n'oubliez pas, "Interne en Médecine", le podcast, est à suivre sans ordonnance ni modération. A très vite.

Chapters

  • Introduction au rôle des internes en médecine

    00:09

  • Rencontre avec un interne anesthésiste-réanimateur

    02:47

  • Le parcours d'un interne et ses premiers jours

    04:43

  • Les responsabilités croissantes des internes

    06:28

  • Le surmenage et les conditions de travail difficiles

    08:13

  • Réflexions sur le mal-être des internes

    11:51

  • Les horaires de travail et la charge mentale

    13:00

  • Confrontation à la mort et préparation émotionnelle

    15:55

  • Les défis du quotidien et gestion du stress

    19:13

  • La thèse et l'équilibre entre études et travail

    24:20

  • Conclusion et appel à la bienveillance envers les internes

    29:16

Description

Dans cet épisode du podcast "Interne en médecine", je vous invite à plonger au cœur de la réalité des internes en médecine, un monde souvent méconnu mais essentiel au fonctionnement de notre système hospitalier.

Je suis Pascale Lafitte, et j'ai le plaisir de rencontrer un interne anesthésiste-réanimateur, qui partage avec nous son expérience poignante et révélatrice. "Le premier jour à l’hôpital, c’est comme plonger dans un océan sans savoir nager", confie-t-il, illustrant parfaitement les défis auxquels font face ces jeunes professionnels, déjà médecin mais pas encore Docteur.


Au fil de notre conversation, nous mettons en lumière le quotidien des internes, souvent confrontés à un manque de logement et de soutien, tout en portant une charge de travail immense. J'aborde avec lui les responsabilités croissantes qui accompagnent le statut d'interne, un chemin semé d'embûches où la passion pour la médecine doit constamment lutter contre la pression professionnelle et académique. "Chaque jour, je me réveille avec l'envie d'aider, mais je ressens aussi le poids de la vie et de la mort sur mes épaules", partage-t-il, révélant les défis émotionnels liés à la perte de patients.


Nous discutons également du mal-être qui peut en résulter, de l'importance de l'écoute de soi, et de la nécessité de prendre du recul pour préserver sa santé mentale. "Il est crucial de se rappeler que nous ne sommes pas seuls dans cette aventure", souligne-t-il, rappelant à tous les internes que le soutien mutuel est vital.


Cet épisode est une ode à la résilience et à la passion des internes en médecine, qui, malgré les difficultés, continuent d'avancer avec détermination. En fin de discussion, nous soulignons ensemble l'importance de reconnaître et de soutenir ces acteurs indispensables du système de santé.


Rejoignez-moi dans cet épisode captivant où nous explorons non seulement les défis, mais aussi la beauté du métier d'interne en médecine. Écoutez les réflexions de notre invité et découvrez comment, malgré les obstacles, la vocation médicale demeure un moteur puissant. Ne manquez pas cette occasion de mieux comprendre le quotidien des internes et de célébrer leur engagement envers la santé de tous.


Interne en médecine est un podcast de et avec Pascale Lafitte, produit par IMI productions & Creative.

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Transcription

  • Pascale Lafitte

    Bonjour, je suis Pascale Lafitte, je vous présente le podcast "Interne en médecine" à suivre sans ordonnance ni modération. Une série de rencontres et de conversations avec des internes en médecine. Dans les couloirs de l'hôpital, on croise de jeunes médecins, femmes et hommes, badgés, arborant soit un prénom, soit un prénom et un nom, et un titre professionnel, celui qui nous intéresse ici, interne. Le terme est un emprunt au latin "internus", qui désigne un interne, c'est-à-dire un étudiant logé et nourri dans l'établissement qu'il fréquente. Dans le milieu médical, il fut un temps où l'interne des hôpitaux répondait bien à la définition. Il était à l'école de l'hosto, en pension complète, il étudiait, assistait son responsable de service, mangeait et dormait sur son lieu de travail. Mais ce temps est révolu, aujourd'hui l'interne travaille, et d'ailleurs tous les professionnels s'accordent à dire que sans interne, l'hôpital se casserait la gueule. L'interne travaille donc, mais ne bénéficie que peu ou pas de chambres à l'internat. Il n'y en a pas assez. Prenons l'exemple du CHU de Bordeaux. En 2024, il accueille 373 internes et est doté de 42 chambres individuelles d'internats, soit 11% des internes logés et nourris. Toulouse propose 40 chambres et 9 studios pour 350 internes, soit 14% d'entres eux logés et nourris. On oublie Paris et ses 4300 internes obligés de se loger dans le secteur privé parce que là, c'est la misère. Alors certes, me direz-vous, l'interne perçoit une compensation. D'après l'intersyndicale nationale des internes, la majoration pour les internes non logés, non nourris, soit la grande majorité, est de 1010,64 € par an. Je vous épargne le calcul, ça fait 84,22 € par mois. Alors, j'entends certains d'entre vous penser si fort que bon, le docteur ensuite il gagne bien sa vie et il ne connaît pas la crise de l'emploi. Et alors ? Est-ce une raison pour maltraiter nos jeunes soignants ? Qu'est-ce qui permet à qui que ce soit de mépriser leurs dix années d'études exigeantes ? D'heures de taf, de nuits blanches ? De déménagements incessants, tout ça pour vous, pour nous, pour nous soigner. Ce sont toutes ces réflexions et d'autres encore qui m'ont donné une furieuse envie de savoir qui étaient nos internes. Si souvent critiqués, méprisés par les politiques, punching ball de la faillite du système de santé et de leurs donner la parole. Et pour ça, je suis allée les rencontrer, ici et là, simplement pour qu'ils se racontent. "Interne en médecine", sans ordonnance ni modération, c'est juste une discussion. Nous allons aujourd'hui faire connaissance avec un garçon à la voix douce. Il est interne anesthésiste-réanimateur, en huitième année de médecine, soit en deuxième d'internat. Nous nous sommes donné rendez-vous à Bayonne, une fin d'après-midi du mois de mai, dans un bar sur les bords de la Nive, juste à l'heure de la sortie des classes. Salut ! Bonjour ! T'es pas trop fatigué de la journée ?

  • Interne, invité de cet entretien

    J'ai dormi un peu, donc ça va mieux.

  • Pascale Lafitte

    T'avais une garde, c'est ça ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est ça, exactement. J'ai dormi en fin de matinée et je me suis réveillé en début d'après-midi.

  • Pascale Lafitte

    Ça va, t'es venu à Scoot ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est ça, exactement.

  • Pascale Lafitte

    Y'avait de la circulation ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Non, c'était tranquille. Bon, ça va, on est dans l'après-midi, donc... Les gens travaillent.

  • Pascale Lafitte

    Ça ne t'ennuie pas si on se met au bar à côté ?

  • Interne, invité de cet entretien

    On fait comme ça.

  • Pascale Lafitte

    Il va y avoir un tout petit peu de bruit, mais on va faire avec.

  • Interne, invité de cet entretien

    Parfait, ça me va.

  • Pascale Lafitte

    Pourquoi est-ce que tu as choisi la médecine ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Un intérêt pour la physiologie. Donc tout d'abord, comprendre comment fonctionne notre corps, qui est quand même l'une des machines les plus formidables qu'on ait sur Terre. Et ensuite, un oncle. Un oncle qui est médecin, qui a été une figure pour moi de quelqu'un de bienveillant, d'aidant autour de lui et de respecter un peu tout ça. une volonté de découvrir tout ce milieu-là.

  • Pascale Lafitte

    Tes parents sont dans le milieu médical ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Mes parents travaillent dans la finance, donc un milieu qui n'a pas vraiment à voir, mais ils ont beaucoup de respect, justement, et de confiance, mais beaucoup de respect pour le milieu médical, qui est pour eux le plus beau métier que l'on puisse faire dans ce monde.

  • Pascale Lafitte

    C'est toujours un 2 novembre qu'un externe en médecine devient un interne. L'interne est un médecin ayant une carte d'étudiant, le quotidien d'un médecin, avec en plus quelques heures de cours et une thèse à préparer. Chaque année, un 2 novembre donc, après 6 années d'études et un concours, appelé jusqu'en 2023 ECN, épreuve classante nationale, est devenu en 2024 EDN, soit épreuve dématérialisée nationale. Après donc un de ces concours, après un classement qui pèse son poids, dans la suite de la carrière professionnelle de nos futurs Docteurs en médecine, après quelques mois de décompression, le choix d'une spécialité d'une ville de rattachement, après tout ça donc, chaque année, un 2 novembre, les externes deviennent des internes en médecine, soit des praticiens en formation spécialisée, c'est-à-dire sous la responsabilité d'un médecin senior, avec de fait, du jour au lendemain, une charge professionnelle écrasante. Un premier jour... Une première fois, un moment qui ne s'oublie pas.

  • Interne, invité de cet entretien

    Le premier jour, j'arrive dans une ville que je ne connais pas, un hôpital que je ne connais pas. On vous montre beaucoup de couloirs, beaucoup de pièces, on vous présente beaucoup de personnes, trop de noms. Vous ne retenez pas grand-chose. La balade dure peut-être deux heures. Et en fait, vous vous rendez compte que vous avez oublié ce qu'on vous a dit il y a dix minutes. Vous prenez un coup de massue, en fait. Vous ne comprenez pas tout de suite ce qui va se passer. Mais ouais, d'un coup, c'est les responsabilités, ça commence. Et c'est le vrai monde, la vraie vie. La vraie vie qui commence. Une fois qu'on devient interne... Là, pour le coup, on est acteurs, j'irais même quasiment principaux de la prise en charge du patient. C'est-à-dire que c'est nous qui sommes plus souvent, en tout cas dans le corps médical, au contact du patient, de la famille. On a des chefs, en tout cas des docteurs qui sont taisés parce qu'on est médecin quand on est interne, mais pas encore docteur parce qu'on n'est pas taisé. On a des docteurs derrière nous. Le gros du quotidien se fait en tout cas par les internes. Parce qu'il y a beaucoup trop de masse de travail, s'il n'y avait que les docteurs, ça serait largement insuffisant. Et donc il y a cette transition de je n'ai pas de responsabilité à même si j'agis sous couvert de quelqu'un, dans l'urgence, on ne peut pas se dédouaner, et puis on doit savoir, on doit agir dans l'urgence. Et là, on nous regarde, ça peut être la famille, le patient, le corps paramédical. Là, on ne peut pas dire, écoutez, moi, je suis juste médecin, je ne suis pas encore docteur, pas thésé, j'agis sous couvert de mon chef de service. Parfois, il faut agir. Il faut agir. Et là, on est tout seul au début, parfois. On est tout seul.

  • Pascale Lafitte

    Les gestes, on vous les apprend ?

  • Interne, invité de cet entretien

    On nous les apprend. mais on a quand même pas mal de simulations. On peut apprendre un geste sur un mannequin, on est dans une pièce où il y a quatre mannequins, on est dix en train de s'entraîner, on tourne, on rigole. Ce n'est pas la même chose qu'un geste sur un patient dont le pronostic vital est engagé, quand on est en train de faire ça. dans la nuit de samedi à dimanche à 3h30 du matin, alors qu'en fait, on est à l'hôpital depuis la veille à 8h du matin, sans avoir pu fermer l'œil, en ayant eu peut-être une demi-heure de pause déjeuner, parfois même déjeuner à 19h, je ne sais pas. On n'a peut-être pas eu le temps même de se poser pour ziner. Les conditions ne sont pas forcément les mêmes.

  • Pascale Lafitte

    Ce n'est pas une légende urbaine que de parler du surmenage des internes ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Ce n'est pas une légende urbaine. La seule chose, je pense qu'on a peut-être un peu trop la tête dans le guison. que nous, on ne se rend pas compte de certaines choses. Nous, on compare interne, entre nous. Ah, je compte mes heures, moi je fais 90 heures. Ah, moi je fais 60 heures par semaine. Ah, moi je fais 50, moi je fais 80. Ah bah toi ça va, moi ça va pas, je bosse beaucoup de week-end. Non, pas beaucoup. On compare entre nous. Donc parfois on se dit que, je me dis par exemple assez souvent, que je suis pas trop mal loti. par rapport à mes confrères chirurgiens qui ont des rythmes de vie qui sont parfois effrénés. Mais quand je compare à mes amis qui sont en dehors du milieu médical, là, pour le coup, on descend sur terre. On se dit que même si moi, j'ai l'impression de ne pas être trop mal outil, en fait, je fais deux fois plus qu'un français lambda. Il y a aussi quelque chose de plus global dans ce décalage qu'on a par rapport aux autres. Il n'y a pas que le temps de travail. J'ai bientôt 27 ans, là, à un âge où beaucoup de Français vont peut-être penser bientôt à se marier, je sais pas, sont en train d'acheter une maison, penser peut-être à avoir un enfant, des projets en tout cas d'adultes entre guillemets. On en rigole entre nous, on se dit qu'on a un peu l'impression d'être étudiant encore un peu plus tard. Et on a, c'est vrai, encore ce statut d'étudiant en tant qu'interne. On n'a pas la même vie, on va dire, que la plus... part des Français de 27 ans. C'est dans ce sens-là aussi. Pas que par rapport au temps de travail, pas que par rapport au fait qu'on soit décalé au niveau du rythme de vie, mais au niveau de tout simplement ce à quoi notre vie ressemble.

  • Pascale Lafitte

    Vous en parlez entre vous en vous disant, oh la la… si j'avais fait une école de commerce, ça serait chouette, je serais en train de buller, j'aurais fini mon taf, je regarderais une série à la télé et puis voilà, ça serait terminé en mangeant un plat de pâtes.

  • Interne, invité de cet entretien

    Ouais, il y a un côté humain, je ne sais pas, sadomaso peut-être, parce qu'on adore se dire ça, en discutant avec les collègues, qu'est-ce que je suis allé me foutre là-dedans ? J'étais complètement, enfin, j'étais trop bête. Je n'avais pas l'âge, de toute façon, pour comprendre qu'est-ce que je fais. Retrouver dans la détresse humaine et sociale, souvent aussi, avec des heures à rallonge. Il y en a beaucoup pour qui les conditions, on va dire, financières sont... donc pas forcément plus favorables. Je pense aux internes parisiens qui vivent avec quasiment les mêmes moyens, mais les prix ne sont pas les mêmes, notamment par rapport au loyer. Et on se dit, si j'avais fait du commerce, les choses auraient été plus tranquilles. Après, on revient à nous-mêmes, on se dit, est-ce que ça nous aurait stimulé ? Est-ce que c'est ce qu'on aurait voulu faire ? Si on est là, c'est qu'il y a une raison. On arrive à trouver quand même un intérêt dans ce boulot et je pense que c'est pour ça que la plupart des gens restent. Il n'y a pas que de la résilience.

  • Pascale Lafitte

    C'est une discussion que vous avez fréquemment, celle-là ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Oui, oui, oui.

  • Pascale Lafitte

    Parce que c'est un vrai sujet ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est un vrai sujet. Je ne suis pas capable de penser tout de suite à quelqu'un qui n'a jamais pensé au fait d'arrêter médecine. On est tous passés par là.

  • Pascale Lafitte

    Tu as pensé à arrêter médecine ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Oh que oui ! Je me suis même, dans mon externat, j'ai pris une pause pendant un an, je me suis un peu... Et puis là, ça m'arrive actuellement à peu près une fois par semaine. Mais bon, je suis trop long là-dedans. Ça a trop empiété sur la personne même que je suis. Je ne sais même pas ce que je pourrais faire d'autre au final maintenant.

  • Pascale Lafitte

    Les internes d'aujourd'hui appartiennent à la génération Z, caractérisée par la personnalisation et la flexibilité dans les différents aspects de leur vie, donc du travail.

  • Interne, invité de cet entretien

    Ma génération, quasiment tout le monde fera plusieurs métiers dans sa vie. Et je pense que la statistique sera peut-être plus basse chez les médecins, mais il y a plein de médecins qui feront autre chose dans leur vie que rester médecin toute leur carrière professionnelle. Moi, en tant qu'interne aujourd'hui, si je dis que je ne veux pas bosser plus tard comme un acharné, je pense que ça ne sera pas forcément mal vu. Là où ça aurait pu l'être il y a 15 ans, j'aurais pu passer comme quelqu'un de fainéant, en tout cas désintéressé.

  • Pascale Lafitte

    Sur une période de trois mois. Cette moyenne prend en compte toutes les heures de travail, y compris les gardes et les astreintes. Après chaque garde, les internes doivent bénéficier d'un repos de sécurité immédiat de 11 heures consécutives. Ce repos doit débuter dès la fin de la garde. Dans les faits, plusieurs études et témoignages d'internes révèlent que malgré les régulations en place, la réalité du terrain peut conduire à des horaires beaucoup plus longs. Il n'est pas rare que certains travaillent entre 60, 70, 80 heures hebdomadaires Et ce, en fonction évidemment des besoins du service, des urgences et des rotations. Il y a de plus du travail non comptabilisé, comme les études, la préparation des dossiers, les réunions cliniques et les recherches personnelles, qui s'ajoutent aux heures passées à l'hôpital.

  • Interne, invité de cet entretien

    Moi, si j'ai bossé une nuit, aucun de mes chefs n'acceptera qu'après 10h du matin, je ne sois pas parti de l'hôpital. Parce qu'il faut que je me repose, parce que je risque d'être dangereux si je reste, parce que... Mes collègues bosseront plus, mais en tout cas, je n'ai plus rien à faire ici. Pour moi et pour les autres, il faut que je rentre. Et donc forcément, c'est sûr qu'au début, on n'ose pas trop. Peut-être qu'on est intimidé. En fait, on commence à s'y faire et on ne voit pas le temps passer. Et on se retrouve pendant cinq années d'internat à trouver que c'est normal quand on vient de bosser toute une nuit et de dormir peut-être une heure ou deux, de sortir de l'hôpital le lendemain à 18h. C'est normal. Et en fait, chez les chirurgiens, ça se fait assez régulièrement. Après, je vois des collègues fatigués, je vois... Mais bon, c'est comme ça, tout le monde le fait autour d'eux, donc pourquoi pas eux ? C'est vrai qu'il y a un peu ça, ouais.

  • Pascale Lafitte

    Si on enlève les internes, qui sont des étudiants, ils sont médecins par délégation, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pratiquer que sous la responsabilité d'un médecin senior du centre hospitalier de rattachement dont ils dépendent. Si on enlève les internes de l'hôpital, qu'est-ce qui se passe ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Bah écoutez, chaque année arrive, on va dire, et partent, parce que bon, ça arrive dans un sens et dans l'autre, il y en a qui sont du coup taisés, entre, on va dire, 8 000 et 10 000 internes. Selon les spécialités, donc ça va de 3 à 5 ans, comme ça, j'estimerais, on va dire, à peu près à 40 000, à peu près, le nombre d'internes en France. Si on retire 40 000 internes... Je pense que je n'ose pas espérer ce que ça donnerait. Je ne veux même pas imaginer. Je pense que ce ne serait pas la guerre civile, mais ça serait bien d'imposer que 40 000 internes, ça fait beaucoup.

  • Pascale Lafitte

    Ce qui fait que l'hôpital en France est très jeune ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est sûr, les internes, forcément. C'est vrai qu'une bonne partie, mon âge, globalement, les internes ont entre 25 et 30 ans. Donc oui, c'est jeune. Et la plupart des médecins de l'hôpital, de tels publics ont en dessous de 45 ans. Donc oui, on est jeunes, on a pour la plupart entre 25 et 45 ans.

  • Pascale Lafitte

    Vous vous êtes confronté à la mort. Est-ce qu'on vous y prépare à ça ?

  • Interne, invité de cet entretien

    On nous en parle, mais je pense que ce n'est pas quelque chose à laquelle on peut être préparé tant qu'on ne l'a pas vécu. Là, on parle de la mort, on parle dans le domaine privé. Tout le monde sait un jour qu'il va perdre son père ou sa mère. Est-ce que pour autant, on peut dire le jour où ça arrive, Oh ben, tranquille, ça ne me fait pas grand-chose, je m'y attendais, on m'avait préparé. Même si on était préparé, en tout cas, c'est quelque chose qui touche toujours. Il y a juste les circonstances dans lesquelles ça arrive. arrivent qui sont un peu déterminantes, parce qu'il y a la mort et ce qu'elle incarne derrière. On peut penser spiritualité, on peut penser en tout cas métaphysique et tout ça. Et puis il y a la mort et un côté très pratique, le corps. Quelqu'un inanimé, corps de quelqu'un qui est froid, corps de quelqu'un qui est rigide. Il faut déjà dissocier ces deux choses. Moi, par exemple, en deuxième année de médecine, il y avait des séances de dissection. C'est-à-dire qu'on avait appris l'anatomie en disséquant des cadavres. Il y a ça. Donc oui, vous voyez ce corps qui est conservé, qui est rigide, qui est tout froid, qui est... La mort, oui. OK, vous l'avez vu. Apprendre qu'un patient que vous avez suivi en votre quatrième, cinquième, sixième année, vous avez suivi pendant, je ne sais pas, parfois un mois, un mois et demi, est décédé. Et... Tous les matins, vous rentriez dans la chambre, je vais prendre un exemple au pif, la chambre 112, et puis c'était M. D. qui était dedans. Et bien M. D. ne sera plus là. Ça, c'est une autre manière de vivre aussi, d'appréhender la mort. Ça, pas forcément préparé. C'est humain, c'est comme ça. Il y a des fois, on n'est plus touché que d'autres. C'est comme ça. Il faut savoir, pas que ça dépasse une certaine limite, mais en même temps, être humain, il faut trouver cet équilibre. Et puis il y a... Quand on est interne, je ne sais pas, je pense à collègues qui font des gardes d'étage, on appelle ça, qui sont appelés dans un service qui n'est pas le leur à 3h du matin pour une petite dame qui est en détresse respiratoire, un service de pneumologie au troisième étage d'un bâtiment de 10 étages, alors qu'on ne connaît pas vraiment bien l'hôpital, qu'on est dans cet hôpital depuis une semaine, dix jours. Et on a quelqu'un de peut-être allé presque 90 ans qui a vraisemblablement... Euh... Je ne sais pas. En tout cas, dans le pronostic vital est engagé. Et la question se pose, qu'est-ce que je fais face à cette personne devant moi ? Jusqu'où on va aller dans les thérapeutiques avant que ça soit déraisonnable ? En fonction de ses comorbidités, du tableau clinique. Cette personne, elle a sûrement une famille, des proches. Qu'est-ce que je fais ? Il est 3h30 du matin. Et c'est encore une autre manière d'appréhender la mort. Et ça, pour le coup, c'est trois. Je vous ai donné trois tableaux complètement différents. La mort, pour moi, ça veut rien dire. Il faut juste parler parfois un peu plus précisément, mais sans qu'on y soit prêt avant de l'agir pour de vrai.

  • Pascale Lafitte

    Bon nombre d'études ont été consacrées au mal-être des internes, une préoccupation majeure en raison de leurs conditions de travail éprouvantes. Charge de travail excessive, on l'a évoqué, manque de sommeil, stress et pression professionnelle, pression académique, manque de reconnaissance des pairs et du public, les raisons sont multiples. Et malgré les constats, la situation perdure. La question du mal-être mérite d'être posée, me semble-t-il, aux principaux concernés que sont les internes.

  • Interne, invité de cet entretien

    Parce que ce mal-être est là. Je ne pense pas qu'on soit les gens les plus heureux du monde. Après, j'ai quand même l'impression autour de moi, que même si c'est biaisé, je vais vous dire pourquoi, qu'on arrive à relativiser et à se rendre compte que globalement, parce que aussi les gens nous le rappellent, tu seras médecin, tu gagneras bien ta vie et puis tu seras quand même respecté. Donc ça va, tu n'es pas à plaindre. Alors il y a ça, oui. C'est vrai que je vais faire 11 ans d'études, c'est vrai qu'il est très probable que je vive plutôt confortablement, si on parle du côté matériel plus tard. Par ailleurs, on est pour beaucoup assez entourés, on a des amis, on part en vacances, on fait du sport, on fait plein de choses. Le souci, c'est que c'est un peu plus compliqué de dire quand ça ne va pas. Et donc du coup, j'ai l'impression, et je pense qu'à juste titre, comme pas mal de mes collègues pourront le dire, que ça va, au final, autour de nous, il n'y a pas tant de gens que ça qui vont mal. Même si, si vous posez la question, on a tous eu des périodes où ça se passait moins bien. Et est-ce qu'on en a vraiment parlé ? Pas forcément. Et donc, ça peut être juste un mal-être latent. Et ça peut malheureusement, parfois, avoir des conséquences plus graves. On va dire que oui, on a tendance à normaliser l'anxiété et oui, la dépression, des choses comme ça. Un mois, on discute, parfois en rigolant avec certains collègues, en se disant que j'ai pris une benzodiazépine il y a quelques temps parce que j'ai encore fait une énième crise d'angoisse, ça arrive. Enfin voilà, en en rigolant comme si c'était normal, alors qu'en fait, non, pas du tout. Ça va, heureusement, c'est pas si vrai comme ça. Mais le problème, c'est vrai que... Alors, je ne sais pas. Est-ce que parce qu'on voit des trucs qui sont quand même assez durs et graves, on se dit qu'en vrai, nous, ça va, ce n'est pas gravissime ? Est-ce qu'on laisse empirer certaines choses ? Et là, du coup, ça ne finit pas forcément tout le temps très bien. Je ne sais pas. Mais oui, je pense que je ne m'écoute pas assez. Si c'est la question que vous me posez là tout de suite, je ne m'écoute pas.

  • Pascale Lafitte

    Vous vivez beaucoup entre vous, les internes ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est vrai qu'on est beaucoup entre nous. J'ai la chance, parce que je m'y suis, pour moi c'était quand même très important, j'ai gardé pas mal d'amis en dehors de médecine pour garder justement un pied sur terre, entre guillemets. Mais on est beaucoup entre nous. Il est vrai que ça dépend des subdivisions, on ne va pas parler, mais dès que ce n'est pas... Paris, il y a plusieurs périphéries et lieux d'exercice. Des internes, il y en a. Par exemple, moi, je suis interne dans la subdivision de Bordeaux. Il va y avoir des internes à Bordeaux, à Arcachon, à Dax, à Mont-de-Marsan, à Bayonne. Donc bon, ça fait bonne partie, en tout cas, toute la région aquitaine, qui est nouvelle aquitaine, qui est couverte. Donc, quand on arrive, on n'est pas du coin à Bayonne. c'est plus facile de trouver un appartement, on va dire, avec trois chambres et de trouver deux copains qui vont être... Deux copains, deux personnes qui vont être internes. Comme nous, parfois, on ne les connaît pas avant de s'installer avec. Mais ça va être simple, on sait qu'on est là pour six mois, on sait qu'on va avoir plus ou moins le même quotidien, mais que le rythme qu'on aura sera compris des autres. Et donc, assez rapidement, c'est vrai qu'on se retrouve entre nous là-dedans.

  • Pascale Lafitte

    Anesthésiste réanimateur, l'internat dure 5 ans. Une thèse à présenter avant la fin de la quatrième année, avant d'aborder ensuite une année de docteur junior. Et puis ensuite, que va-t-il se passer ? Tout n'est pas écrit parce que oui, il y a un après, ce tunnel d'études et de travail.

  • Interne, invité de cet entretien

    Après, je ne m'interdis rien. Est-ce que je reviendrai de là où je viens ? Peut-être. Je ne pense pas là tout de suite. Est-ce que je resterai ici ? Peut-être. Je verrai en fonction de l'état d'esprit dans lequel je serai. Il y a plusieurs paramètres aussi. La personne qui partagera ma vie, si forcément ça a une incidence sur les choix qu'on fait, je verrai à ce moment-là. Je ne m'interdis rien.

  • Pascale Lafitte

    On oublie de dire, il y a une thèse à préparer. Ça rajoute une charge de travail importante ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Ça rajoute une charge de travail importante. Alors, bon. Un peu comme partout et comme tout le monde, il y en a qui s'organisent pour commencer suffisamment tôt et bien lisser les choses. Il y en a qui se retrouvent à faire ça de manière un peu plus accélérée vers la fin. Cette thèse, il faut la trouver. Généralement, on la trouve dans l'un des services. dans lesquels on passe pendant notre internat. Par contre, oui, tout le traitement se fait en dehors et sur le temps personnel. Il y a le temps de travail, soigner des patients. Il y a ma thèse. Ma thèse, c'est à propos de ça. Ah, tel patient rentrerait dedans, je vais l'inclure. Est-ce qu'il accepte ou pas ? Dans quelle branche il sera ? Recueillir les données. Donc, il y a une partie qui se fait à l'hôpital. Il y a une partie quand même assez importante qui est sur le temps personnel. Et je ne vous parle pas aussi de l'enseignement, parce qu'on apprend sur le terrain, mais on a quand même aussi des cours et des choses qu'on doit quand même continuer à apprendre. En tant que médecin, c'est ce qui est compliqué, c'est qu'on a un métier où... On m'avait donné la stat quand j'avais commencé mes études. La moitié des connaissances que j'apprends aujourd'hui seront obsolètes dans environ 7 ans, si je me rappelle bien. Quand j'ai commencé médecine, ce qui se disait, il y a la moitié qui n'est plus forcément dans les recommandations. Alors c'est beau, un métier où la formation continue est nécessaire et importante. C'est bien, ça a des bons côtés. On continue sans cesse d'évoluer, mais ça demande un effort quand même assez important. Et là, ça dépasse même le statut d'interne.

  • Pascale Lafitte

    Et un break, c'est quelque chose auquel tu penses faire une césure ?

  • Interne, invité de cet entretien

    J'y pense, j'y pense. Ça peut être nécessaire, ça peut me faire du bien. Prendre un peu de recul pour mieux revenir là-dedans. Il y en a qui le font justement pour aussi pouvoir prendre le temps de travailler leur thèse comme il faut. Il y en a qui le font pour travailler un peu, mettre de côté pour pouvoir voyager. Mieux revenir aussi après, parce que mentalement, ils en ont besoin. C'est quelque chose à laquelle je pense. Je ne sais pas décider, ce n'est pas clairement établi dans ma tête, mais oui, je l'ai dans un camp de ma tête.

  • Pascale Lafitte

    Pour boucler cette rencontre, je suis revenue à ce que nous avons évoqué au début de cet entretien. Souvenez-vous, nous avons parlé de ses parents et de son oncle médecin. Je me suis demandé ce que son oncle pensait du parcours, de l'état d'esprit, des questionnements de son neveu et s'il était fier de lui.

  • Interne, invité de cet entretien

    Mon oncle, il est heureux. Mon oncle n'est pas du tout comme moi. Mon oncle vient d'une génération où le travail, c'est la santé et on définit un homme... La valeur d'un homme par son travail.

  • Pascale Lafitte

    Il comprend ta génération ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Ça l'amuse un peu. Ça le fait sourire. Il comprend. Parce qu'il voit que... Il accepte que je ne veuille pas forcément être un acharné comme lui. Mais il comprend cela. Il comprend cela. Il est heureux.

  • Pascale Lafitte

    Tes parents ne te mettent pas de pression ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Non, mes parents me mettaient la pression pour que je sois bon à l'école. Ça n'a pas toujours été trop ça. Mais au final, aujourd'hui, ils sont fiers de moi. La pression, ils ne me la mettent pas. Ma mère, justement, m'exhorte à m'écouter. Là où mon père est dans cette mentalité, comme je parlais de mon oncle tout à l'heure, le travail, c'est la santé. Le travail... fait d'un homme la valeur qu'il a, entre guillemets. Quand parfois je me plains de trop travailler, j'ai un travail déjà, ça c'est pas mal. C'est vrai qu'aujourd'hui, ce n'est pas donné à tout le monde. Et puis, il faut que je sois fier de ce que je suis et de ce que ça fait de moi, même si ce n'est pas forcément toujours facile.

  • Pascale Lafitte

    Et si toi, tu décidais d'arrêter, de passer à autre chose, tu leur ferais de la peine, tu crois ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est sûr, il n'y a pas de débat. Il n'y a pas de débat.

  • Pascale Lafitte

    Donc, ça participe à ta réflexion ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Oui, même si j'aimerais dire que non, forcément, il y a une part. Forcément, alors aussi minime soit-elle, je ne peux pas l'estimer, forcément, ça rentre dans l'équation. C'est sûr qu'il y a dans leur tête quelque chose. En tout cas, c'est inhérent à ma personnalité, le fait d'être médecin. Je ne suis pas moi. Et médecin, le fait d'être médecin fait partie de ma personnalité et de mes caractéristiques, entre guillemets.

  • Pascale Lafitte

    Merci de nous avoir écoutés. En espérant que le jour où vous croiserez l'une ou l'un de ces tout jeunes médecins étiquetés, badges à l'appui "interne", vous porterez un regard bienveillant, car affranchis sur ces médecins, toujours étudiants, indispensables au bon fonctionnement de l'hôpital français. Merci de nous avoir écoutés. Si vous aimez ces entretiens, alors partagez-les. Et n'oubliez pas, "Interne en Médecine", le podcast, est à suivre sans ordonnance ni modération. A très vite.

Chapters

  • Introduction au rôle des internes en médecine

    00:09

  • Rencontre avec un interne anesthésiste-réanimateur

    02:47

  • Le parcours d'un interne et ses premiers jours

    04:43

  • Les responsabilités croissantes des internes

    06:28

  • Le surmenage et les conditions de travail difficiles

    08:13

  • Réflexions sur le mal-être des internes

    11:51

  • Les horaires de travail et la charge mentale

    13:00

  • Confrontation à la mort et préparation émotionnelle

    15:55

  • Les défis du quotidien et gestion du stress

    19:13

  • La thèse et l'équilibre entre études et travail

    24:20

  • Conclusion et appel à la bienveillance envers les internes

    29:16

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Description

Dans cet épisode du podcast "Interne en médecine", je vous invite à plonger au cœur de la réalité des internes en médecine, un monde souvent méconnu mais essentiel au fonctionnement de notre système hospitalier.

Je suis Pascale Lafitte, et j'ai le plaisir de rencontrer un interne anesthésiste-réanimateur, qui partage avec nous son expérience poignante et révélatrice. "Le premier jour à l’hôpital, c’est comme plonger dans un océan sans savoir nager", confie-t-il, illustrant parfaitement les défis auxquels font face ces jeunes professionnels, déjà médecin mais pas encore Docteur.


Au fil de notre conversation, nous mettons en lumière le quotidien des internes, souvent confrontés à un manque de logement et de soutien, tout en portant une charge de travail immense. J'aborde avec lui les responsabilités croissantes qui accompagnent le statut d'interne, un chemin semé d'embûches où la passion pour la médecine doit constamment lutter contre la pression professionnelle et académique. "Chaque jour, je me réveille avec l'envie d'aider, mais je ressens aussi le poids de la vie et de la mort sur mes épaules", partage-t-il, révélant les défis émotionnels liés à la perte de patients.


Nous discutons également du mal-être qui peut en résulter, de l'importance de l'écoute de soi, et de la nécessité de prendre du recul pour préserver sa santé mentale. "Il est crucial de se rappeler que nous ne sommes pas seuls dans cette aventure", souligne-t-il, rappelant à tous les internes que le soutien mutuel est vital.


Cet épisode est une ode à la résilience et à la passion des internes en médecine, qui, malgré les difficultés, continuent d'avancer avec détermination. En fin de discussion, nous soulignons ensemble l'importance de reconnaître et de soutenir ces acteurs indispensables du système de santé.


Rejoignez-moi dans cet épisode captivant où nous explorons non seulement les défis, mais aussi la beauté du métier d'interne en médecine. Écoutez les réflexions de notre invité et découvrez comment, malgré les obstacles, la vocation médicale demeure un moteur puissant. Ne manquez pas cette occasion de mieux comprendre le quotidien des internes et de célébrer leur engagement envers la santé de tous.


Interne en médecine est un podcast de et avec Pascale Lafitte, produit par IMI productions & Creative.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Pascale Lafitte

    Bonjour, je suis Pascale Lafitte, je vous présente le podcast "Interne en médecine" à suivre sans ordonnance ni modération. Une série de rencontres et de conversations avec des internes en médecine. Dans les couloirs de l'hôpital, on croise de jeunes médecins, femmes et hommes, badgés, arborant soit un prénom, soit un prénom et un nom, et un titre professionnel, celui qui nous intéresse ici, interne. Le terme est un emprunt au latin "internus", qui désigne un interne, c'est-à-dire un étudiant logé et nourri dans l'établissement qu'il fréquente. Dans le milieu médical, il fut un temps où l'interne des hôpitaux répondait bien à la définition. Il était à l'école de l'hosto, en pension complète, il étudiait, assistait son responsable de service, mangeait et dormait sur son lieu de travail. Mais ce temps est révolu, aujourd'hui l'interne travaille, et d'ailleurs tous les professionnels s'accordent à dire que sans interne, l'hôpital se casserait la gueule. L'interne travaille donc, mais ne bénéficie que peu ou pas de chambres à l'internat. Il n'y en a pas assez. Prenons l'exemple du CHU de Bordeaux. En 2024, il accueille 373 internes et est doté de 42 chambres individuelles d'internats, soit 11% des internes logés et nourris. Toulouse propose 40 chambres et 9 studios pour 350 internes, soit 14% d'entres eux logés et nourris. On oublie Paris et ses 4300 internes obligés de se loger dans le secteur privé parce que là, c'est la misère. Alors certes, me direz-vous, l'interne perçoit une compensation. D'après l'intersyndicale nationale des internes, la majoration pour les internes non logés, non nourris, soit la grande majorité, est de 1010,64 € par an. Je vous épargne le calcul, ça fait 84,22 € par mois. Alors, j'entends certains d'entre vous penser si fort que bon, le docteur ensuite il gagne bien sa vie et il ne connaît pas la crise de l'emploi. Et alors ? Est-ce une raison pour maltraiter nos jeunes soignants ? Qu'est-ce qui permet à qui que ce soit de mépriser leurs dix années d'études exigeantes ? D'heures de taf, de nuits blanches ? De déménagements incessants, tout ça pour vous, pour nous, pour nous soigner. Ce sont toutes ces réflexions et d'autres encore qui m'ont donné une furieuse envie de savoir qui étaient nos internes. Si souvent critiqués, méprisés par les politiques, punching ball de la faillite du système de santé et de leurs donner la parole. Et pour ça, je suis allée les rencontrer, ici et là, simplement pour qu'ils se racontent. "Interne en médecine", sans ordonnance ni modération, c'est juste une discussion. Nous allons aujourd'hui faire connaissance avec un garçon à la voix douce. Il est interne anesthésiste-réanimateur, en huitième année de médecine, soit en deuxième d'internat. Nous nous sommes donné rendez-vous à Bayonne, une fin d'après-midi du mois de mai, dans un bar sur les bords de la Nive, juste à l'heure de la sortie des classes. Salut ! Bonjour ! T'es pas trop fatigué de la journée ?

  • Interne, invité de cet entretien

    J'ai dormi un peu, donc ça va mieux.

  • Pascale Lafitte

    T'avais une garde, c'est ça ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est ça, exactement. J'ai dormi en fin de matinée et je me suis réveillé en début d'après-midi.

  • Pascale Lafitte

    Ça va, t'es venu à Scoot ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est ça, exactement.

  • Pascale Lafitte

    Y'avait de la circulation ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Non, c'était tranquille. Bon, ça va, on est dans l'après-midi, donc... Les gens travaillent.

  • Pascale Lafitte

    Ça ne t'ennuie pas si on se met au bar à côté ?

  • Interne, invité de cet entretien

    On fait comme ça.

  • Pascale Lafitte

    Il va y avoir un tout petit peu de bruit, mais on va faire avec.

  • Interne, invité de cet entretien

    Parfait, ça me va.

  • Pascale Lafitte

    Pourquoi est-ce que tu as choisi la médecine ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Un intérêt pour la physiologie. Donc tout d'abord, comprendre comment fonctionne notre corps, qui est quand même l'une des machines les plus formidables qu'on ait sur Terre. Et ensuite, un oncle. Un oncle qui est médecin, qui a été une figure pour moi de quelqu'un de bienveillant, d'aidant autour de lui et de respecter un peu tout ça. une volonté de découvrir tout ce milieu-là.

  • Pascale Lafitte

    Tes parents sont dans le milieu médical ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Mes parents travaillent dans la finance, donc un milieu qui n'a pas vraiment à voir, mais ils ont beaucoup de respect, justement, et de confiance, mais beaucoup de respect pour le milieu médical, qui est pour eux le plus beau métier que l'on puisse faire dans ce monde.

  • Pascale Lafitte

    C'est toujours un 2 novembre qu'un externe en médecine devient un interne. L'interne est un médecin ayant une carte d'étudiant, le quotidien d'un médecin, avec en plus quelques heures de cours et une thèse à préparer. Chaque année, un 2 novembre donc, après 6 années d'études et un concours, appelé jusqu'en 2023 ECN, épreuve classante nationale, est devenu en 2024 EDN, soit épreuve dématérialisée nationale. Après donc un de ces concours, après un classement qui pèse son poids, dans la suite de la carrière professionnelle de nos futurs Docteurs en médecine, après quelques mois de décompression, le choix d'une spécialité d'une ville de rattachement, après tout ça donc, chaque année, un 2 novembre, les externes deviennent des internes en médecine, soit des praticiens en formation spécialisée, c'est-à-dire sous la responsabilité d'un médecin senior, avec de fait, du jour au lendemain, une charge professionnelle écrasante. Un premier jour... Une première fois, un moment qui ne s'oublie pas.

  • Interne, invité de cet entretien

    Le premier jour, j'arrive dans une ville que je ne connais pas, un hôpital que je ne connais pas. On vous montre beaucoup de couloirs, beaucoup de pièces, on vous présente beaucoup de personnes, trop de noms. Vous ne retenez pas grand-chose. La balade dure peut-être deux heures. Et en fait, vous vous rendez compte que vous avez oublié ce qu'on vous a dit il y a dix minutes. Vous prenez un coup de massue, en fait. Vous ne comprenez pas tout de suite ce qui va se passer. Mais ouais, d'un coup, c'est les responsabilités, ça commence. Et c'est le vrai monde, la vraie vie. La vraie vie qui commence. Une fois qu'on devient interne... Là, pour le coup, on est acteurs, j'irais même quasiment principaux de la prise en charge du patient. C'est-à-dire que c'est nous qui sommes plus souvent, en tout cas dans le corps médical, au contact du patient, de la famille. On a des chefs, en tout cas des docteurs qui sont taisés parce qu'on est médecin quand on est interne, mais pas encore docteur parce qu'on n'est pas taisé. On a des docteurs derrière nous. Le gros du quotidien se fait en tout cas par les internes. Parce qu'il y a beaucoup trop de masse de travail, s'il n'y avait que les docteurs, ça serait largement insuffisant. Et donc il y a cette transition de je n'ai pas de responsabilité à même si j'agis sous couvert de quelqu'un, dans l'urgence, on ne peut pas se dédouaner, et puis on doit savoir, on doit agir dans l'urgence. Et là, on nous regarde, ça peut être la famille, le patient, le corps paramédical. Là, on ne peut pas dire, écoutez, moi, je suis juste médecin, je ne suis pas encore docteur, pas thésé, j'agis sous couvert de mon chef de service. Parfois, il faut agir. Il faut agir. Et là, on est tout seul au début, parfois. On est tout seul.

  • Pascale Lafitte

    Les gestes, on vous les apprend ?

  • Interne, invité de cet entretien

    On nous les apprend. mais on a quand même pas mal de simulations. On peut apprendre un geste sur un mannequin, on est dans une pièce où il y a quatre mannequins, on est dix en train de s'entraîner, on tourne, on rigole. Ce n'est pas la même chose qu'un geste sur un patient dont le pronostic vital est engagé, quand on est en train de faire ça. dans la nuit de samedi à dimanche à 3h30 du matin, alors qu'en fait, on est à l'hôpital depuis la veille à 8h du matin, sans avoir pu fermer l'œil, en ayant eu peut-être une demi-heure de pause déjeuner, parfois même déjeuner à 19h, je ne sais pas. On n'a peut-être pas eu le temps même de se poser pour ziner. Les conditions ne sont pas forcément les mêmes.

  • Pascale Lafitte

    Ce n'est pas une légende urbaine que de parler du surmenage des internes ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Ce n'est pas une légende urbaine. La seule chose, je pense qu'on a peut-être un peu trop la tête dans le guison. que nous, on ne se rend pas compte de certaines choses. Nous, on compare interne, entre nous. Ah, je compte mes heures, moi je fais 90 heures. Ah, moi je fais 60 heures par semaine. Ah, moi je fais 50, moi je fais 80. Ah bah toi ça va, moi ça va pas, je bosse beaucoup de week-end. Non, pas beaucoup. On compare entre nous. Donc parfois on se dit que, je me dis par exemple assez souvent, que je suis pas trop mal loti. par rapport à mes confrères chirurgiens qui ont des rythmes de vie qui sont parfois effrénés. Mais quand je compare à mes amis qui sont en dehors du milieu médical, là, pour le coup, on descend sur terre. On se dit que même si moi, j'ai l'impression de ne pas être trop mal outil, en fait, je fais deux fois plus qu'un français lambda. Il y a aussi quelque chose de plus global dans ce décalage qu'on a par rapport aux autres. Il n'y a pas que le temps de travail. J'ai bientôt 27 ans, là, à un âge où beaucoup de Français vont peut-être penser bientôt à se marier, je sais pas, sont en train d'acheter une maison, penser peut-être à avoir un enfant, des projets en tout cas d'adultes entre guillemets. On en rigole entre nous, on se dit qu'on a un peu l'impression d'être étudiant encore un peu plus tard. Et on a, c'est vrai, encore ce statut d'étudiant en tant qu'interne. On n'a pas la même vie, on va dire, que la plus... part des Français de 27 ans. C'est dans ce sens-là aussi. Pas que par rapport au temps de travail, pas que par rapport au fait qu'on soit décalé au niveau du rythme de vie, mais au niveau de tout simplement ce à quoi notre vie ressemble.

  • Pascale Lafitte

    Vous en parlez entre vous en vous disant, oh la la… si j'avais fait une école de commerce, ça serait chouette, je serais en train de buller, j'aurais fini mon taf, je regarderais une série à la télé et puis voilà, ça serait terminé en mangeant un plat de pâtes.

  • Interne, invité de cet entretien

    Ouais, il y a un côté humain, je ne sais pas, sadomaso peut-être, parce qu'on adore se dire ça, en discutant avec les collègues, qu'est-ce que je suis allé me foutre là-dedans ? J'étais complètement, enfin, j'étais trop bête. Je n'avais pas l'âge, de toute façon, pour comprendre qu'est-ce que je fais. Retrouver dans la détresse humaine et sociale, souvent aussi, avec des heures à rallonge. Il y en a beaucoup pour qui les conditions, on va dire, financières sont... donc pas forcément plus favorables. Je pense aux internes parisiens qui vivent avec quasiment les mêmes moyens, mais les prix ne sont pas les mêmes, notamment par rapport au loyer. Et on se dit, si j'avais fait du commerce, les choses auraient été plus tranquilles. Après, on revient à nous-mêmes, on se dit, est-ce que ça nous aurait stimulé ? Est-ce que c'est ce qu'on aurait voulu faire ? Si on est là, c'est qu'il y a une raison. On arrive à trouver quand même un intérêt dans ce boulot et je pense que c'est pour ça que la plupart des gens restent. Il n'y a pas que de la résilience.

  • Pascale Lafitte

    C'est une discussion que vous avez fréquemment, celle-là ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Oui, oui, oui.

  • Pascale Lafitte

    Parce que c'est un vrai sujet ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est un vrai sujet. Je ne suis pas capable de penser tout de suite à quelqu'un qui n'a jamais pensé au fait d'arrêter médecine. On est tous passés par là.

  • Pascale Lafitte

    Tu as pensé à arrêter médecine ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Oh que oui ! Je me suis même, dans mon externat, j'ai pris une pause pendant un an, je me suis un peu... Et puis là, ça m'arrive actuellement à peu près une fois par semaine. Mais bon, je suis trop long là-dedans. Ça a trop empiété sur la personne même que je suis. Je ne sais même pas ce que je pourrais faire d'autre au final maintenant.

  • Pascale Lafitte

    Les internes d'aujourd'hui appartiennent à la génération Z, caractérisée par la personnalisation et la flexibilité dans les différents aspects de leur vie, donc du travail.

  • Interne, invité de cet entretien

    Ma génération, quasiment tout le monde fera plusieurs métiers dans sa vie. Et je pense que la statistique sera peut-être plus basse chez les médecins, mais il y a plein de médecins qui feront autre chose dans leur vie que rester médecin toute leur carrière professionnelle. Moi, en tant qu'interne aujourd'hui, si je dis que je ne veux pas bosser plus tard comme un acharné, je pense que ça ne sera pas forcément mal vu. Là où ça aurait pu l'être il y a 15 ans, j'aurais pu passer comme quelqu'un de fainéant, en tout cas désintéressé.

  • Pascale Lafitte

    Sur une période de trois mois. Cette moyenne prend en compte toutes les heures de travail, y compris les gardes et les astreintes. Après chaque garde, les internes doivent bénéficier d'un repos de sécurité immédiat de 11 heures consécutives. Ce repos doit débuter dès la fin de la garde. Dans les faits, plusieurs études et témoignages d'internes révèlent que malgré les régulations en place, la réalité du terrain peut conduire à des horaires beaucoup plus longs. Il n'est pas rare que certains travaillent entre 60, 70, 80 heures hebdomadaires Et ce, en fonction évidemment des besoins du service, des urgences et des rotations. Il y a de plus du travail non comptabilisé, comme les études, la préparation des dossiers, les réunions cliniques et les recherches personnelles, qui s'ajoutent aux heures passées à l'hôpital.

  • Interne, invité de cet entretien

    Moi, si j'ai bossé une nuit, aucun de mes chefs n'acceptera qu'après 10h du matin, je ne sois pas parti de l'hôpital. Parce qu'il faut que je me repose, parce que je risque d'être dangereux si je reste, parce que... Mes collègues bosseront plus, mais en tout cas, je n'ai plus rien à faire ici. Pour moi et pour les autres, il faut que je rentre. Et donc forcément, c'est sûr qu'au début, on n'ose pas trop. Peut-être qu'on est intimidé. En fait, on commence à s'y faire et on ne voit pas le temps passer. Et on se retrouve pendant cinq années d'internat à trouver que c'est normal quand on vient de bosser toute une nuit et de dormir peut-être une heure ou deux, de sortir de l'hôpital le lendemain à 18h. C'est normal. Et en fait, chez les chirurgiens, ça se fait assez régulièrement. Après, je vois des collègues fatigués, je vois... Mais bon, c'est comme ça, tout le monde le fait autour d'eux, donc pourquoi pas eux ? C'est vrai qu'il y a un peu ça, ouais.

  • Pascale Lafitte

    Si on enlève les internes, qui sont des étudiants, ils sont médecins par délégation, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pratiquer que sous la responsabilité d'un médecin senior du centre hospitalier de rattachement dont ils dépendent. Si on enlève les internes de l'hôpital, qu'est-ce qui se passe ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Bah écoutez, chaque année arrive, on va dire, et partent, parce que bon, ça arrive dans un sens et dans l'autre, il y en a qui sont du coup taisés, entre, on va dire, 8 000 et 10 000 internes. Selon les spécialités, donc ça va de 3 à 5 ans, comme ça, j'estimerais, on va dire, à peu près à 40 000, à peu près, le nombre d'internes en France. Si on retire 40 000 internes... Je pense que je n'ose pas espérer ce que ça donnerait. Je ne veux même pas imaginer. Je pense que ce ne serait pas la guerre civile, mais ça serait bien d'imposer que 40 000 internes, ça fait beaucoup.

  • Pascale Lafitte

    Ce qui fait que l'hôpital en France est très jeune ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est sûr, les internes, forcément. C'est vrai qu'une bonne partie, mon âge, globalement, les internes ont entre 25 et 30 ans. Donc oui, c'est jeune. Et la plupart des médecins de l'hôpital, de tels publics ont en dessous de 45 ans. Donc oui, on est jeunes, on a pour la plupart entre 25 et 45 ans.

  • Pascale Lafitte

    Vous vous êtes confronté à la mort. Est-ce qu'on vous y prépare à ça ?

  • Interne, invité de cet entretien

    On nous en parle, mais je pense que ce n'est pas quelque chose à laquelle on peut être préparé tant qu'on ne l'a pas vécu. Là, on parle de la mort, on parle dans le domaine privé. Tout le monde sait un jour qu'il va perdre son père ou sa mère. Est-ce que pour autant, on peut dire le jour où ça arrive, Oh ben, tranquille, ça ne me fait pas grand-chose, je m'y attendais, on m'avait préparé. Même si on était préparé, en tout cas, c'est quelque chose qui touche toujours. Il y a juste les circonstances dans lesquelles ça arrive. arrivent qui sont un peu déterminantes, parce qu'il y a la mort et ce qu'elle incarne derrière. On peut penser spiritualité, on peut penser en tout cas métaphysique et tout ça. Et puis il y a la mort et un côté très pratique, le corps. Quelqu'un inanimé, corps de quelqu'un qui est froid, corps de quelqu'un qui est rigide. Il faut déjà dissocier ces deux choses. Moi, par exemple, en deuxième année de médecine, il y avait des séances de dissection. C'est-à-dire qu'on avait appris l'anatomie en disséquant des cadavres. Il y a ça. Donc oui, vous voyez ce corps qui est conservé, qui est rigide, qui est tout froid, qui est... La mort, oui. OK, vous l'avez vu. Apprendre qu'un patient que vous avez suivi en votre quatrième, cinquième, sixième année, vous avez suivi pendant, je ne sais pas, parfois un mois, un mois et demi, est décédé. Et... Tous les matins, vous rentriez dans la chambre, je vais prendre un exemple au pif, la chambre 112, et puis c'était M. D. qui était dedans. Et bien M. D. ne sera plus là. Ça, c'est une autre manière de vivre aussi, d'appréhender la mort. Ça, pas forcément préparé. C'est humain, c'est comme ça. Il y a des fois, on n'est plus touché que d'autres. C'est comme ça. Il faut savoir, pas que ça dépasse une certaine limite, mais en même temps, être humain, il faut trouver cet équilibre. Et puis il y a... Quand on est interne, je ne sais pas, je pense à collègues qui font des gardes d'étage, on appelle ça, qui sont appelés dans un service qui n'est pas le leur à 3h du matin pour une petite dame qui est en détresse respiratoire, un service de pneumologie au troisième étage d'un bâtiment de 10 étages, alors qu'on ne connaît pas vraiment bien l'hôpital, qu'on est dans cet hôpital depuis une semaine, dix jours. Et on a quelqu'un de peut-être allé presque 90 ans qui a vraisemblablement... Euh... Je ne sais pas. En tout cas, dans le pronostic vital est engagé. Et la question se pose, qu'est-ce que je fais face à cette personne devant moi ? Jusqu'où on va aller dans les thérapeutiques avant que ça soit déraisonnable ? En fonction de ses comorbidités, du tableau clinique. Cette personne, elle a sûrement une famille, des proches. Qu'est-ce que je fais ? Il est 3h30 du matin. Et c'est encore une autre manière d'appréhender la mort. Et ça, pour le coup, c'est trois. Je vous ai donné trois tableaux complètement différents. La mort, pour moi, ça veut rien dire. Il faut juste parler parfois un peu plus précisément, mais sans qu'on y soit prêt avant de l'agir pour de vrai.

  • Pascale Lafitte

    Bon nombre d'études ont été consacrées au mal-être des internes, une préoccupation majeure en raison de leurs conditions de travail éprouvantes. Charge de travail excessive, on l'a évoqué, manque de sommeil, stress et pression professionnelle, pression académique, manque de reconnaissance des pairs et du public, les raisons sont multiples. Et malgré les constats, la situation perdure. La question du mal-être mérite d'être posée, me semble-t-il, aux principaux concernés que sont les internes.

  • Interne, invité de cet entretien

    Parce que ce mal-être est là. Je ne pense pas qu'on soit les gens les plus heureux du monde. Après, j'ai quand même l'impression autour de moi, que même si c'est biaisé, je vais vous dire pourquoi, qu'on arrive à relativiser et à se rendre compte que globalement, parce que aussi les gens nous le rappellent, tu seras médecin, tu gagneras bien ta vie et puis tu seras quand même respecté. Donc ça va, tu n'es pas à plaindre. Alors il y a ça, oui. C'est vrai que je vais faire 11 ans d'études, c'est vrai qu'il est très probable que je vive plutôt confortablement, si on parle du côté matériel plus tard. Par ailleurs, on est pour beaucoup assez entourés, on a des amis, on part en vacances, on fait du sport, on fait plein de choses. Le souci, c'est que c'est un peu plus compliqué de dire quand ça ne va pas. Et donc du coup, j'ai l'impression, et je pense qu'à juste titre, comme pas mal de mes collègues pourront le dire, que ça va, au final, autour de nous, il n'y a pas tant de gens que ça qui vont mal. Même si, si vous posez la question, on a tous eu des périodes où ça se passait moins bien. Et est-ce qu'on en a vraiment parlé ? Pas forcément. Et donc, ça peut être juste un mal-être latent. Et ça peut malheureusement, parfois, avoir des conséquences plus graves. On va dire que oui, on a tendance à normaliser l'anxiété et oui, la dépression, des choses comme ça. Un mois, on discute, parfois en rigolant avec certains collègues, en se disant que j'ai pris une benzodiazépine il y a quelques temps parce que j'ai encore fait une énième crise d'angoisse, ça arrive. Enfin voilà, en en rigolant comme si c'était normal, alors qu'en fait, non, pas du tout. Ça va, heureusement, c'est pas si vrai comme ça. Mais le problème, c'est vrai que... Alors, je ne sais pas. Est-ce que parce qu'on voit des trucs qui sont quand même assez durs et graves, on se dit qu'en vrai, nous, ça va, ce n'est pas gravissime ? Est-ce qu'on laisse empirer certaines choses ? Et là, du coup, ça ne finit pas forcément tout le temps très bien. Je ne sais pas. Mais oui, je pense que je ne m'écoute pas assez. Si c'est la question que vous me posez là tout de suite, je ne m'écoute pas.

  • Pascale Lafitte

    Vous vivez beaucoup entre vous, les internes ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est vrai qu'on est beaucoup entre nous. J'ai la chance, parce que je m'y suis, pour moi c'était quand même très important, j'ai gardé pas mal d'amis en dehors de médecine pour garder justement un pied sur terre, entre guillemets. Mais on est beaucoup entre nous. Il est vrai que ça dépend des subdivisions, on ne va pas parler, mais dès que ce n'est pas... Paris, il y a plusieurs périphéries et lieux d'exercice. Des internes, il y en a. Par exemple, moi, je suis interne dans la subdivision de Bordeaux. Il va y avoir des internes à Bordeaux, à Arcachon, à Dax, à Mont-de-Marsan, à Bayonne. Donc bon, ça fait bonne partie, en tout cas, toute la région aquitaine, qui est nouvelle aquitaine, qui est couverte. Donc, quand on arrive, on n'est pas du coin à Bayonne. c'est plus facile de trouver un appartement, on va dire, avec trois chambres et de trouver deux copains qui vont être... Deux copains, deux personnes qui vont être internes. Comme nous, parfois, on ne les connaît pas avant de s'installer avec. Mais ça va être simple, on sait qu'on est là pour six mois, on sait qu'on va avoir plus ou moins le même quotidien, mais que le rythme qu'on aura sera compris des autres. Et donc, assez rapidement, c'est vrai qu'on se retrouve entre nous là-dedans.

  • Pascale Lafitte

    Anesthésiste réanimateur, l'internat dure 5 ans. Une thèse à présenter avant la fin de la quatrième année, avant d'aborder ensuite une année de docteur junior. Et puis ensuite, que va-t-il se passer ? Tout n'est pas écrit parce que oui, il y a un après, ce tunnel d'études et de travail.

  • Interne, invité de cet entretien

    Après, je ne m'interdis rien. Est-ce que je reviendrai de là où je viens ? Peut-être. Je ne pense pas là tout de suite. Est-ce que je resterai ici ? Peut-être. Je verrai en fonction de l'état d'esprit dans lequel je serai. Il y a plusieurs paramètres aussi. La personne qui partagera ma vie, si forcément ça a une incidence sur les choix qu'on fait, je verrai à ce moment-là. Je ne m'interdis rien.

  • Pascale Lafitte

    On oublie de dire, il y a une thèse à préparer. Ça rajoute une charge de travail importante ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Ça rajoute une charge de travail importante. Alors, bon. Un peu comme partout et comme tout le monde, il y en a qui s'organisent pour commencer suffisamment tôt et bien lisser les choses. Il y en a qui se retrouvent à faire ça de manière un peu plus accélérée vers la fin. Cette thèse, il faut la trouver. Généralement, on la trouve dans l'un des services. dans lesquels on passe pendant notre internat. Par contre, oui, tout le traitement se fait en dehors et sur le temps personnel. Il y a le temps de travail, soigner des patients. Il y a ma thèse. Ma thèse, c'est à propos de ça. Ah, tel patient rentrerait dedans, je vais l'inclure. Est-ce qu'il accepte ou pas ? Dans quelle branche il sera ? Recueillir les données. Donc, il y a une partie qui se fait à l'hôpital. Il y a une partie quand même assez importante qui est sur le temps personnel. Et je ne vous parle pas aussi de l'enseignement, parce qu'on apprend sur le terrain, mais on a quand même aussi des cours et des choses qu'on doit quand même continuer à apprendre. En tant que médecin, c'est ce qui est compliqué, c'est qu'on a un métier où... On m'avait donné la stat quand j'avais commencé mes études. La moitié des connaissances que j'apprends aujourd'hui seront obsolètes dans environ 7 ans, si je me rappelle bien. Quand j'ai commencé médecine, ce qui se disait, il y a la moitié qui n'est plus forcément dans les recommandations. Alors c'est beau, un métier où la formation continue est nécessaire et importante. C'est bien, ça a des bons côtés. On continue sans cesse d'évoluer, mais ça demande un effort quand même assez important. Et là, ça dépasse même le statut d'interne.

  • Pascale Lafitte

    Et un break, c'est quelque chose auquel tu penses faire une césure ?

  • Interne, invité de cet entretien

    J'y pense, j'y pense. Ça peut être nécessaire, ça peut me faire du bien. Prendre un peu de recul pour mieux revenir là-dedans. Il y en a qui le font justement pour aussi pouvoir prendre le temps de travailler leur thèse comme il faut. Il y en a qui le font pour travailler un peu, mettre de côté pour pouvoir voyager. Mieux revenir aussi après, parce que mentalement, ils en ont besoin. C'est quelque chose à laquelle je pense. Je ne sais pas décider, ce n'est pas clairement établi dans ma tête, mais oui, je l'ai dans un camp de ma tête.

  • Pascale Lafitte

    Pour boucler cette rencontre, je suis revenue à ce que nous avons évoqué au début de cet entretien. Souvenez-vous, nous avons parlé de ses parents et de son oncle médecin. Je me suis demandé ce que son oncle pensait du parcours, de l'état d'esprit, des questionnements de son neveu et s'il était fier de lui.

  • Interne, invité de cet entretien

    Mon oncle, il est heureux. Mon oncle n'est pas du tout comme moi. Mon oncle vient d'une génération où le travail, c'est la santé et on définit un homme... La valeur d'un homme par son travail.

  • Pascale Lafitte

    Il comprend ta génération ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Ça l'amuse un peu. Ça le fait sourire. Il comprend. Parce qu'il voit que... Il accepte que je ne veuille pas forcément être un acharné comme lui. Mais il comprend cela. Il comprend cela. Il est heureux.

  • Pascale Lafitte

    Tes parents ne te mettent pas de pression ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Non, mes parents me mettaient la pression pour que je sois bon à l'école. Ça n'a pas toujours été trop ça. Mais au final, aujourd'hui, ils sont fiers de moi. La pression, ils ne me la mettent pas. Ma mère, justement, m'exhorte à m'écouter. Là où mon père est dans cette mentalité, comme je parlais de mon oncle tout à l'heure, le travail, c'est la santé. Le travail... fait d'un homme la valeur qu'il a, entre guillemets. Quand parfois je me plains de trop travailler, j'ai un travail déjà, ça c'est pas mal. C'est vrai qu'aujourd'hui, ce n'est pas donné à tout le monde. Et puis, il faut que je sois fier de ce que je suis et de ce que ça fait de moi, même si ce n'est pas forcément toujours facile.

  • Pascale Lafitte

    Et si toi, tu décidais d'arrêter, de passer à autre chose, tu leur ferais de la peine, tu crois ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est sûr, il n'y a pas de débat. Il n'y a pas de débat.

  • Pascale Lafitte

    Donc, ça participe à ta réflexion ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Oui, même si j'aimerais dire que non, forcément, il y a une part. Forcément, alors aussi minime soit-elle, je ne peux pas l'estimer, forcément, ça rentre dans l'équation. C'est sûr qu'il y a dans leur tête quelque chose. En tout cas, c'est inhérent à ma personnalité, le fait d'être médecin. Je ne suis pas moi. Et médecin, le fait d'être médecin fait partie de ma personnalité et de mes caractéristiques, entre guillemets.

  • Pascale Lafitte

    Merci de nous avoir écoutés. En espérant que le jour où vous croiserez l'une ou l'un de ces tout jeunes médecins étiquetés, badges à l'appui "interne", vous porterez un regard bienveillant, car affranchis sur ces médecins, toujours étudiants, indispensables au bon fonctionnement de l'hôpital français. Merci de nous avoir écoutés. Si vous aimez ces entretiens, alors partagez-les. Et n'oubliez pas, "Interne en Médecine", le podcast, est à suivre sans ordonnance ni modération. A très vite.

Chapters

  • Introduction au rôle des internes en médecine

    00:09

  • Rencontre avec un interne anesthésiste-réanimateur

    02:47

  • Le parcours d'un interne et ses premiers jours

    04:43

  • Les responsabilités croissantes des internes

    06:28

  • Le surmenage et les conditions de travail difficiles

    08:13

  • Réflexions sur le mal-être des internes

    11:51

  • Les horaires de travail et la charge mentale

    13:00

  • Confrontation à la mort et préparation émotionnelle

    15:55

  • Les défis du quotidien et gestion du stress

    19:13

  • La thèse et l'équilibre entre études et travail

    24:20

  • Conclusion et appel à la bienveillance envers les internes

    29:16

Description

Dans cet épisode du podcast "Interne en médecine", je vous invite à plonger au cœur de la réalité des internes en médecine, un monde souvent méconnu mais essentiel au fonctionnement de notre système hospitalier.

Je suis Pascale Lafitte, et j'ai le plaisir de rencontrer un interne anesthésiste-réanimateur, qui partage avec nous son expérience poignante et révélatrice. "Le premier jour à l’hôpital, c’est comme plonger dans un océan sans savoir nager", confie-t-il, illustrant parfaitement les défis auxquels font face ces jeunes professionnels, déjà médecin mais pas encore Docteur.


Au fil de notre conversation, nous mettons en lumière le quotidien des internes, souvent confrontés à un manque de logement et de soutien, tout en portant une charge de travail immense. J'aborde avec lui les responsabilités croissantes qui accompagnent le statut d'interne, un chemin semé d'embûches où la passion pour la médecine doit constamment lutter contre la pression professionnelle et académique. "Chaque jour, je me réveille avec l'envie d'aider, mais je ressens aussi le poids de la vie et de la mort sur mes épaules", partage-t-il, révélant les défis émotionnels liés à la perte de patients.


Nous discutons également du mal-être qui peut en résulter, de l'importance de l'écoute de soi, et de la nécessité de prendre du recul pour préserver sa santé mentale. "Il est crucial de se rappeler que nous ne sommes pas seuls dans cette aventure", souligne-t-il, rappelant à tous les internes que le soutien mutuel est vital.


Cet épisode est une ode à la résilience et à la passion des internes en médecine, qui, malgré les difficultés, continuent d'avancer avec détermination. En fin de discussion, nous soulignons ensemble l'importance de reconnaître et de soutenir ces acteurs indispensables du système de santé.


Rejoignez-moi dans cet épisode captivant où nous explorons non seulement les défis, mais aussi la beauté du métier d'interne en médecine. Écoutez les réflexions de notre invité et découvrez comment, malgré les obstacles, la vocation médicale demeure un moteur puissant. Ne manquez pas cette occasion de mieux comprendre le quotidien des internes et de célébrer leur engagement envers la santé de tous.


Interne en médecine est un podcast de et avec Pascale Lafitte, produit par IMI productions & Creative.

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Transcription

  • Pascale Lafitte

    Bonjour, je suis Pascale Lafitte, je vous présente le podcast "Interne en médecine" à suivre sans ordonnance ni modération. Une série de rencontres et de conversations avec des internes en médecine. Dans les couloirs de l'hôpital, on croise de jeunes médecins, femmes et hommes, badgés, arborant soit un prénom, soit un prénom et un nom, et un titre professionnel, celui qui nous intéresse ici, interne. Le terme est un emprunt au latin "internus", qui désigne un interne, c'est-à-dire un étudiant logé et nourri dans l'établissement qu'il fréquente. Dans le milieu médical, il fut un temps où l'interne des hôpitaux répondait bien à la définition. Il était à l'école de l'hosto, en pension complète, il étudiait, assistait son responsable de service, mangeait et dormait sur son lieu de travail. Mais ce temps est révolu, aujourd'hui l'interne travaille, et d'ailleurs tous les professionnels s'accordent à dire que sans interne, l'hôpital se casserait la gueule. L'interne travaille donc, mais ne bénéficie que peu ou pas de chambres à l'internat. Il n'y en a pas assez. Prenons l'exemple du CHU de Bordeaux. En 2024, il accueille 373 internes et est doté de 42 chambres individuelles d'internats, soit 11% des internes logés et nourris. Toulouse propose 40 chambres et 9 studios pour 350 internes, soit 14% d'entres eux logés et nourris. On oublie Paris et ses 4300 internes obligés de se loger dans le secteur privé parce que là, c'est la misère. Alors certes, me direz-vous, l'interne perçoit une compensation. D'après l'intersyndicale nationale des internes, la majoration pour les internes non logés, non nourris, soit la grande majorité, est de 1010,64 € par an. Je vous épargne le calcul, ça fait 84,22 € par mois. Alors, j'entends certains d'entre vous penser si fort que bon, le docteur ensuite il gagne bien sa vie et il ne connaît pas la crise de l'emploi. Et alors ? Est-ce une raison pour maltraiter nos jeunes soignants ? Qu'est-ce qui permet à qui que ce soit de mépriser leurs dix années d'études exigeantes ? D'heures de taf, de nuits blanches ? De déménagements incessants, tout ça pour vous, pour nous, pour nous soigner. Ce sont toutes ces réflexions et d'autres encore qui m'ont donné une furieuse envie de savoir qui étaient nos internes. Si souvent critiqués, méprisés par les politiques, punching ball de la faillite du système de santé et de leurs donner la parole. Et pour ça, je suis allée les rencontrer, ici et là, simplement pour qu'ils se racontent. "Interne en médecine", sans ordonnance ni modération, c'est juste une discussion. Nous allons aujourd'hui faire connaissance avec un garçon à la voix douce. Il est interne anesthésiste-réanimateur, en huitième année de médecine, soit en deuxième d'internat. Nous nous sommes donné rendez-vous à Bayonne, une fin d'après-midi du mois de mai, dans un bar sur les bords de la Nive, juste à l'heure de la sortie des classes. Salut ! Bonjour ! T'es pas trop fatigué de la journée ?

  • Interne, invité de cet entretien

    J'ai dormi un peu, donc ça va mieux.

  • Pascale Lafitte

    T'avais une garde, c'est ça ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est ça, exactement. J'ai dormi en fin de matinée et je me suis réveillé en début d'après-midi.

  • Pascale Lafitte

    Ça va, t'es venu à Scoot ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est ça, exactement.

  • Pascale Lafitte

    Y'avait de la circulation ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Non, c'était tranquille. Bon, ça va, on est dans l'après-midi, donc... Les gens travaillent.

  • Pascale Lafitte

    Ça ne t'ennuie pas si on se met au bar à côté ?

  • Interne, invité de cet entretien

    On fait comme ça.

  • Pascale Lafitte

    Il va y avoir un tout petit peu de bruit, mais on va faire avec.

  • Interne, invité de cet entretien

    Parfait, ça me va.

  • Pascale Lafitte

    Pourquoi est-ce que tu as choisi la médecine ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Un intérêt pour la physiologie. Donc tout d'abord, comprendre comment fonctionne notre corps, qui est quand même l'une des machines les plus formidables qu'on ait sur Terre. Et ensuite, un oncle. Un oncle qui est médecin, qui a été une figure pour moi de quelqu'un de bienveillant, d'aidant autour de lui et de respecter un peu tout ça. une volonté de découvrir tout ce milieu-là.

  • Pascale Lafitte

    Tes parents sont dans le milieu médical ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Mes parents travaillent dans la finance, donc un milieu qui n'a pas vraiment à voir, mais ils ont beaucoup de respect, justement, et de confiance, mais beaucoup de respect pour le milieu médical, qui est pour eux le plus beau métier que l'on puisse faire dans ce monde.

  • Pascale Lafitte

    C'est toujours un 2 novembre qu'un externe en médecine devient un interne. L'interne est un médecin ayant une carte d'étudiant, le quotidien d'un médecin, avec en plus quelques heures de cours et une thèse à préparer. Chaque année, un 2 novembre donc, après 6 années d'études et un concours, appelé jusqu'en 2023 ECN, épreuve classante nationale, est devenu en 2024 EDN, soit épreuve dématérialisée nationale. Après donc un de ces concours, après un classement qui pèse son poids, dans la suite de la carrière professionnelle de nos futurs Docteurs en médecine, après quelques mois de décompression, le choix d'une spécialité d'une ville de rattachement, après tout ça donc, chaque année, un 2 novembre, les externes deviennent des internes en médecine, soit des praticiens en formation spécialisée, c'est-à-dire sous la responsabilité d'un médecin senior, avec de fait, du jour au lendemain, une charge professionnelle écrasante. Un premier jour... Une première fois, un moment qui ne s'oublie pas.

  • Interne, invité de cet entretien

    Le premier jour, j'arrive dans une ville que je ne connais pas, un hôpital que je ne connais pas. On vous montre beaucoup de couloirs, beaucoup de pièces, on vous présente beaucoup de personnes, trop de noms. Vous ne retenez pas grand-chose. La balade dure peut-être deux heures. Et en fait, vous vous rendez compte que vous avez oublié ce qu'on vous a dit il y a dix minutes. Vous prenez un coup de massue, en fait. Vous ne comprenez pas tout de suite ce qui va se passer. Mais ouais, d'un coup, c'est les responsabilités, ça commence. Et c'est le vrai monde, la vraie vie. La vraie vie qui commence. Une fois qu'on devient interne... Là, pour le coup, on est acteurs, j'irais même quasiment principaux de la prise en charge du patient. C'est-à-dire que c'est nous qui sommes plus souvent, en tout cas dans le corps médical, au contact du patient, de la famille. On a des chefs, en tout cas des docteurs qui sont taisés parce qu'on est médecin quand on est interne, mais pas encore docteur parce qu'on n'est pas taisé. On a des docteurs derrière nous. Le gros du quotidien se fait en tout cas par les internes. Parce qu'il y a beaucoup trop de masse de travail, s'il n'y avait que les docteurs, ça serait largement insuffisant. Et donc il y a cette transition de je n'ai pas de responsabilité à même si j'agis sous couvert de quelqu'un, dans l'urgence, on ne peut pas se dédouaner, et puis on doit savoir, on doit agir dans l'urgence. Et là, on nous regarde, ça peut être la famille, le patient, le corps paramédical. Là, on ne peut pas dire, écoutez, moi, je suis juste médecin, je ne suis pas encore docteur, pas thésé, j'agis sous couvert de mon chef de service. Parfois, il faut agir. Il faut agir. Et là, on est tout seul au début, parfois. On est tout seul.

  • Pascale Lafitte

    Les gestes, on vous les apprend ?

  • Interne, invité de cet entretien

    On nous les apprend. mais on a quand même pas mal de simulations. On peut apprendre un geste sur un mannequin, on est dans une pièce où il y a quatre mannequins, on est dix en train de s'entraîner, on tourne, on rigole. Ce n'est pas la même chose qu'un geste sur un patient dont le pronostic vital est engagé, quand on est en train de faire ça. dans la nuit de samedi à dimanche à 3h30 du matin, alors qu'en fait, on est à l'hôpital depuis la veille à 8h du matin, sans avoir pu fermer l'œil, en ayant eu peut-être une demi-heure de pause déjeuner, parfois même déjeuner à 19h, je ne sais pas. On n'a peut-être pas eu le temps même de se poser pour ziner. Les conditions ne sont pas forcément les mêmes.

  • Pascale Lafitte

    Ce n'est pas une légende urbaine que de parler du surmenage des internes ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Ce n'est pas une légende urbaine. La seule chose, je pense qu'on a peut-être un peu trop la tête dans le guison. que nous, on ne se rend pas compte de certaines choses. Nous, on compare interne, entre nous. Ah, je compte mes heures, moi je fais 90 heures. Ah, moi je fais 60 heures par semaine. Ah, moi je fais 50, moi je fais 80. Ah bah toi ça va, moi ça va pas, je bosse beaucoup de week-end. Non, pas beaucoup. On compare entre nous. Donc parfois on se dit que, je me dis par exemple assez souvent, que je suis pas trop mal loti. par rapport à mes confrères chirurgiens qui ont des rythmes de vie qui sont parfois effrénés. Mais quand je compare à mes amis qui sont en dehors du milieu médical, là, pour le coup, on descend sur terre. On se dit que même si moi, j'ai l'impression de ne pas être trop mal outil, en fait, je fais deux fois plus qu'un français lambda. Il y a aussi quelque chose de plus global dans ce décalage qu'on a par rapport aux autres. Il n'y a pas que le temps de travail. J'ai bientôt 27 ans, là, à un âge où beaucoup de Français vont peut-être penser bientôt à se marier, je sais pas, sont en train d'acheter une maison, penser peut-être à avoir un enfant, des projets en tout cas d'adultes entre guillemets. On en rigole entre nous, on se dit qu'on a un peu l'impression d'être étudiant encore un peu plus tard. Et on a, c'est vrai, encore ce statut d'étudiant en tant qu'interne. On n'a pas la même vie, on va dire, que la plus... part des Français de 27 ans. C'est dans ce sens-là aussi. Pas que par rapport au temps de travail, pas que par rapport au fait qu'on soit décalé au niveau du rythme de vie, mais au niveau de tout simplement ce à quoi notre vie ressemble.

  • Pascale Lafitte

    Vous en parlez entre vous en vous disant, oh la la… si j'avais fait une école de commerce, ça serait chouette, je serais en train de buller, j'aurais fini mon taf, je regarderais une série à la télé et puis voilà, ça serait terminé en mangeant un plat de pâtes.

  • Interne, invité de cet entretien

    Ouais, il y a un côté humain, je ne sais pas, sadomaso peut-être, parce qu'on adore se dire ça, en discutant avec les collègues, qu'est-ce que je suis allé me foutre là-dedans ? J'étais complètement, enfin, j'étais trop bête. Je n'avais pas l'âge, de toute façon, pour comprendre qu'est-ce que je fais. Retrouver dans la détresse humaine et sociale, souvent aussi, avec des heures à rallonge. Il y en a beaucoup pour qui les conditions, on va dire, financières sont... donc pas forcément plus favorables. Je pense aux internes parisiens qui vivent avec quasiment les mêmes moyens, mais les prix ne sont pas les mêmes, notamment par rapport au loyer. Et on se dit, si j'avais fait du commerce, les choses auraient été plus tranquilles. Après, on revient à nous-mêmes, on se dit, est-ce que ça nous aurait stimulé ? Est-ce que c'est ce qu'on aurait voulu faire ? Si on est là, c'est qu'il y a une raison. On arrive à trouver quand même un intérêt dans ce boulot et je pense que c'est pour ça que la plupart des gens restent. Il n'y a pas que de la résilience.

  • Pascale Lafitte

    C'est une discussion que vous avez fréquemment, celle-là ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Oui, oui, oui.

  • Pascale Lafitte

    Parce que c'est un vrai sujet ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est un vrai sujet. Je ne suis pas capable de penser tout de suite à quelqu'un qui n'a jamais pensé au fait d'arrêter médecine. On est tous passés par là.

  • Pascale Lafitte

    Tu as pensé à arrêter médecine ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Oh que oui ! Je me suis même, dans mon externat, j'ai pris une pause pendant un an, je me suis un peu... Et puis là, ça m'arrive actuellement à peu près une fois par semaine. Mais bon, je suis trop long là-dedans. Ça a trop empiété sur la personne même que je suis. Je ne sais même pas ce que je pourrais faire d'autre au final maintenant.

  • Pascale Lafitte

    Les internes d'aujourd'hui appartiennent à la génération Z, caractérisée par la personnalisation et la flexibilité dans les différents aspects de leur vie, donc du travail.

  • Interne, invité de cet entretien

    Ma génération, quasiment tout le monde fera plusieurs métiers dans sa vie. Et je pense que la statistique sera peut-être plus basse chez les médecins, mais il y a plein de médecins qui feront autre chose dans leur vie que rester médecin toute leur carrière professionnelle. Moi, en tant qu'interne aujourd'hui, si je dis que je ne veux pas bosser plus tard comme un acharné, je pense que ça ne sera pas forcément mal vu. Là où ça aurait pu l'être il y a 15 ans, j'aurais pu passer comme quelqu'un de fainéant, en tout cas désintéressé.

  • Pascale Lafitte

    Sur une période de trois mois. Cette moyenne prend en compte toutes les heures de travail, y compris les gardes et les astreintes. Après chaque garde, les internes doivent bénéficier d'un repos de sécurité immédiat de 11 heures consécutives. Ce repos doit débuter dès la fin de la garde. Dans les faits, plusieurs études et témoignages d'internes révèlent que malgré les régulations en place, la réalité du terrain peut conduire à des horaires beaucoup plus longs. Il n'est pas rare que certains travaillent entre 60, 70, 80 heures hebdomadaires Et ce, en fonction évidemment des besoins du service, des urgences et des rotations. Il y a de plus du travail non comptabilisé, comme les études, la préparation des dossiers, les réunions cliniques et les recherches personnelles, qui s'ajoutent aux heures passées à l'hôpital.

  • Interne, invité de cet entretien

    Moi, si j'ai bossé une nuit, aucun de mes chefs n'acceptera qu'après 10h du matin, je ne sois pas parti de l'hôpital. Parce qu'il faut que je me repose, parce que je risque d'être dangereux si je reste, parce que... Mes collègues bosseront plus, mais en tout cas, je n'ai plus rien à faire ici. Pour moi et pour les autres, il faut que je rentre. Et donc forcément, c'est sûr qu'au début, on n'ose pas trop. Peut-être qu'on est intimidé. En fait, on commence à s'y faire et on ne voit pas le temps passer. Et on se retrouve pendant cinq années d'internat à trouver que c'est normal quand on vient de bosser toute une nuit et de dormir peut-être une heure ou deux, de sortir de l'hôpital le lendemain à 18h. C'est normal. Et en fait, chez les chirurgiens, ça se fait assez régulièrement. Après, je vois des collègues fatigués, je vois... Mais bon, c'est comme ça, tout le monde le fait autour d'eux, donc pourquoi pas eux ? C'est vrai qu'il y a un peu ça, ouais.

  • Pascale Lafitte

    Si on enlève les internes, qui sont des étudiants, ils sont médecins par délégation, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pratiquer que sous la responsabilité d'un médecin senior du centre hospitalier de rattachement dont ils dépendent. Si on enlève les internes de l'hôpital, qu'est-ce qui se passe ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Bah écoutez, chaque année arrive, on va dire, et partent, parce que bon, ça arrive dans un sens et dans l'autre, il y en a qui sont du coup taisés, entre, on va dire, 8 000 et 10 000 internes. Selon les spécialités, donc ça va de 3 à 5 ans, comme ça, j'estimerais, on va dire, à peu près à 40 000, à peu près, le nombre d'internes en France. Si on retire 40 000 internes... Je pense que je n'ose pas espérer ce que ça donnerait. Je ne veux même pas imaginer. Je pense que ce ne serait pas la guerre civile, mais ça serait bien d'imposer que 40 000 internes, ça fait beaucoup.

  • Pascale Lafitte

    Ce qui fait que l'hôpital en France est très jeune ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est sûr, les internes, forcément. C'est vrai qu'une bonne partie, mon âge, globalement, les internes ont entre 25 et 30 ans. Donc oui, c'est jeune. Et la plupart des médecins de l'hôpital, de tels publics ont en dessous de 45 ans. Donc oui, on est jeunes, on a pour la plupart entre 25 et 45 ans.

  • Pascale Lafitte

    Vous vous êtes confronté à la mort. Est-ce qu'on vous y prépare à ça ?

  • Interne, invité de cet entretien

    On nous en parle, mais je pense que ce n'est pas quelque chose à laquelle on peut être préparé tant qu'on ne l'a pas vécu. Là, on parle de la mort, on parle dans le domaine privé. Tout le monde sait un jour qu'il va perdre son père ou sa mère. Est-ce que pour autant, on peut dire le jour où ça arrive, Oh ben, tranquille, ça ne me fait pas grand-chose, je m'y attendais, on m'avait préparé. Même si on était préparé, en tout cas, c'est quelque chose qui touche toujours. Il y a juste les circonstances dans lesquelles ça arrive. arrivent qui sont un peu déterminantes, parce qu'il y a la mort et ce qu'elle incarne derrière. On peut penser spiritualité, on peut penser en tout cas métaphysique et tout ça. Et puis il y a la mort et un côté très pratique, le corps. Quelqu'un inanimé, corps de quelqu'un qui est froid, corps de quelqu'un qui est rigide. Il faut déjà dissocier ces deux choses. Moi, par exemple, en deuxième année de médecine, il y avait des séances de dissection. C'est-à-dire qu'on avait appris l'anatomie en disséquant des cadavres. Il y a ça. Donc oui, vous voyez ce corps qui est conservé, qui est rigide, qui est tout froid, qui est... La mort, oui. OK, vous l'avez vu. Apprendre qu'un patient que vous avez suivi en votre quatrième, cinquième, sixième année, vous avez suivi pendant, je ne sais pas, parfois un mois, un mois et demi, est décédé. Et... Tous les matins, vous rentriez dans la chambre, je vais prendre un exemple au pif, la chambre 112, et puis c'était M. D. qui était dedans. Et bien M. D. ne sera plus là. Ça, c'est une autre manière de vivre aussi, d'appréhender la mort. Ça, pas forcément préparé. C'est humain, c'est comme ça. Il y a des fois, on n'est plus touché que d'autres. C'est comme ça. Il faut savoir, pas que ça dépasse une certaine limite, mais en même temps, être humain, il faut trouver cet équilibre. Et puis il y a... Quand on est interne, je ne sais pas, je pense à collègues qui font des gardes d'étage, on appelle ça, qui sont appelés dans un service qui n'est pas le leur à 3h du matin pour une petite dame qui est en détresse respiratoire, un service de pneumologie au troisième étage d'un bâtiment de 10 étages, alors qu'on ne connaît pas vraiment bien l'hôpital, qu'on est dans cet hôpital depuis une semaine, dix jours. Et on a quelqu'un de peut-être allé presque 90 ans qui a vraisemblablement... Euh... Je ne sais pas. En tout cas, dans le pronostic vital est engagé. Et la question se pose, qu'est-ce que je fais face à cette personne devant moi ? Jusqu'où on va aller dans les thérapeutiques avant que ça soit déraisonnable ? En fonction de ses comorbidités, du tableau clinique. Cette personne, elle a sûrement une famille, des proches. Qu'est-ce que je fais ? Il est 3h30 du matin. Et c'est encore une autre manière d'appréhender la mort. Et ça, pour le coup, c'est trois. Je vous ai donné trois tableaux complètement différents. La mort, pour moi, ça veut rien dire. Il faut juste parler parfois un peu plus précisément, mais sans qu'on y soit prêt avant de l'agir pour de vrai.

  • Pascale Lafitte

    Bon nombre d'études ont été consacrées au mal-être des internes, une préoccupation majeure en raison de leurs conditions de travail éprouvantes. Charge de travail excessive, on l'a évoqué, manque de sommeil, stress et pression professionnelle, pression académique, manque de reconnaissance des pairs et du public, les raisons sont multiples. Et malgré les constats, la situation perdure. La question du mal-être mérite d'être posée, me semble-t-il, aux principaux concernés que sont les internes.

  • Interne, invité de cet entretien

    Parce que ce mal-être est là. Je ne pense pas qu'on soit les gens les plus heureux du monde. Après, j'ai quand même l'impression autour de moi, que même si c'est biaisé, je vais vous dire pourquoi, qu'on arrive à relativiser et à se rendre compte que globalement, parce que aussi les gens nous le rappellent, tu seras médecin, tu gagneras bien ta vie et puis tu seras quand même respecté. Donc ça va, tu n'es pas à plaindre. Alors il y a ça, oui. C'est vrai que je vais faire 11 ans d'études, c'est vrai qu'il est très probable que je vive plutôt confortablement, si on parle du côté matériel plus tard. Par ailleurs, on est pour beaucoup assez entourés, on a des amis, on part en vacances, on fait du sport, on fait plein de choses. Le souci, c'est que c'est un peu plus compliqué de dire quand ça ne va pas. Et donc du coup, j'ai l'impression, et je pense qu'à juste titre, comme pas mal de mes collègues pourront le dire, que ça va, au final, autour de nous, il n'y a pas tant de gens que ça qui vont mal. Même si, si vous posez la question, on a tous eu des périodes où ça se passait moins bien. Et est-ce qu'on en a vraiment parlé ? Pas forcément. Et donc, ça peut être juste un mal-être latent. Et ça peut malheureusement, parfois, avoir des conséquences plus graves. On va dire que oui, on a tendance à normaliser l'anxiété et oui, la dépression, des choses comme ça. Un mois, on discute, parfois en rigolant avec certains collègues, en se disant que j'ai pris une benzodiazépine il y a quelques temps parce que j'ai encore fait une énième crise d'angoisse, ça arrive. Enfin voilà, en en rigolant comme si c'était normal, alors qu'en fait, non, pas du tout. Ça va, heureusement, c'est pas si vrai comme ça. Mais le problème, c'est vrai que... Alors, je ne sais pas. Est-ce que parce qu'on voit des trucs qui sont quand même assez durs et graves, on se dit qu'en vrai, nous, ça va, ce n'est pas gravissime ? Est-ce qu'on laisse empirer certaines choses ? Et là, du coup, ça ne finit pas forcément tout le temps très bien. Je ne sais pas. Mais oui, je pense que je ne m'écoute pas assez. Si c'est la question que vous me posez là tout de suite, je ne m'écoute pas.

  • Pascale Lafitte

    Vous vivez beaucoup entre vous, les internes ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est vrai qu'on est beaucoup entre nous. J'ai la chance, parce que je m'y suis, pour moi c'était quand même très important, j'ai gardé pas mal d'amis en dehors de médecine pour garder justement un pied sur terre, entre guillemets. Mais on est beaucoup entre nous. Il est vrai que ça dépend des subdivisions, on ne va pas parler, mais dès que ce n'est pas... Paris, il y a plusieurs périphéries et lieux d'exercice. Des internes, il y en a. Par exemple, moi, je suis interne dans la subdivision de Bordeaux. Il va y avoir des internes à Bordeaux, à Arcachon, à Dax, à Mont-de-Marsan, à Bayonne. Donc bon, ça fait bonne partie, en tout cas, toute la région aquitaine, qui est nouvelle aquitaine, qui est couverte. Donc, quand on arrive, on n'est pas du coin à Bayonne. c'est plus facile de trouver un appartement, on va dire, avec trois chambres et de trouver deux copains qui vont être... Deux copains, deux personnes qui vont être internes. Comme nous, parfois, on ne les connaît pas avant de s'installer avec. Mais ça va être simple, on sait qu'on est là pour six mois, on sait qu'on va avoir plus ou moins le même quotidien, mais que le rythme qu'on aura sera compris des autres. Et donc, assez rapidement, c'est vrai qu'on se retrouve entre nous là-dedans.

  • Pascale Lafitte

    Anesthésiste réanimateur, l'internat dure 5 ans. Une thèse à présenter avant la fin de la quatrième année, avant d'aborder ensuite une année de docteur junior. Et puis ensuite, que va-t-il se passer ? Tout n'est pas écrit parce que oui, il y a un après, ce tunnel d'études et de travail.

  • Interne, invité de cet entretien

    Après, je ne m'interdis rien. Est-ce que je reviendrai de là où je viens ? Peut-être. Je ne pense pas là tout de suite. Est-ce que je resterai ici ? Peut-être. Je verrai en fonction de l'état d'esprit dans lequel je serai. Il y a plusieurs paramètres aussi. La personne qui partagera ma vie, si forcément ça a une incidence sur les choix qu'on fait, je verrai à ce moment-là. Je ne m'interdis rien.

  • Pascale Lafitte

    On oublie de dire, il y a une thèse à préparer. Ça rajoute une charge de travail importante ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Ça rajoute une charge de travail importante. Alors, bon. Un peu comme partout et comme tout le monde, il y en a qui s'organisent pour commencer suffisamment tôt et bien lisser les choses. Il y en a qui se retrouvent à faire ça de manière un peu plus accélérée vers la fin. Cette thèse, il faut la trouver. Généralement, on la trouve dans l'un des services. dans lesquels on passe pendant notre internat. Par contre, oui, tout le traitement se fait en dehors et sur le temps personnel. Il y a le temps de travail, soigner des patients. Il y a ma thèse. Ma thèse, c'est à propos de ça. Ah, tel patient rentrerait dedans, je vais l'inclure. Est-ce qu'il accepte ou pas ? Dans quelle branche il sera ? Recueillir les données. Donc, il y a une partie qui se fait à l'hôpital. Il y a une partie quand même assez importante qui est sur le temps personnel. Et je ne vous parle pas aussi de l'enseignement, parce qu'on apprend sur le terrain, mais on a quand même aussi des cours et des choses qu'on doit quand même continuer à apprendre. En tant que médecin, c'est ce qui est compliqué, c'est qu'on a un métier où... On m'avait donné la stat quand j'avais commencé mes études. La moitié des connaissances que j'apprends aujourd'hui seront obsolètes dans environ 7 ans, si je me rappelle bien. Quand j'ai commencé médecine, ce qui se disait, il y a la moitié qui n'est plus forcément dans les recommandations. Alors c'est beau, un métier où la formation continue est nécessaire et importante. C'est bien, ça a des bons côtés. On continue sans cesse d'évoluer, mais ça demande un effort quand même assez important. Et là, ça dépasse même le statut d'interne.

  • Pascale Lafitte

    Et un break, c'est quelque chose auquel tu penses faire une césure ?

  • Interne, invité de cet entretien

    J'y pense, j'y pense. Ça peut être nécessaire, ça peut me faire du bien. Prendre un peu de recul pour mieux revenir là-dedans. Il y en a qui le font justement pour aussi pouvoir prendre le temps de travailler leur thèse comme il faut. Il y en a qui le font pour travailler un peu, mettre de côté pour pouvoir voyager. Mieux revenir aussi après, parce que mentalement, ils en ont besoin. C'est quelque chose à laquelle je pense. Je ne sais pas décider, ce n'est pas clairement établi dans ma tête, mais oui, je l'ai dans un camp de ma tête.

  • Pascale Lafitte

    Pour boucler cette rencontre, je suis revenue à ce que nous avons évoqué au début de cet entretien. Souvenez-vous, nous avons parlé de ses parents et de son oncle médecin. Je me suis demandé ce que son oncle pensait du parcours, de l'état d'esprit, des questionnements de son neveu et s'il était fier de lui.

  • Interne, invité de cet entretien

    Mon oncle, il est heureux. Mon oncle n'est pas du tout comme moi. Mon oncle vient d'une génération où le travail, c'est la santé et on définit un homme... La valeur d'un homme par son travail.

  • Pascale Lafitte

    Il comprend ta génération ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Ça l'amuse un peu. Ça le fait sourire. Il comprend. Parce qu'il voit que... Il accepte que je ne veuille pas forcément être un acharné comme lui. Mais il comprend cela. Il comprend cela. Il est heureux.

  • Pascale Lafitte

    Tes parents ne te mettent pas de pression ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Non, mes parents me mettaient la pression pour que je sois bon à l'école. Ça n'a pas toujours été trop ça. Mais au final, aujourd'hui, ils sont fiers de moi. La pression, ils ne me la mettent pas. Ma mère, justement, m'exhorte à m'écouter. Là où mon père est dans cette mentalité, comme je parlais de mon oncle tout à l'heure, le travail, c'est la santé. Le travail... fait d'un homme la valeur qu'il a, entre guillemets. Quand parfois je me plains de trop travailler, j'ai un travail déjà, ça c'est pas mal. C'est vrai qu'aujourd'hui, ce n'est pas donné à tout le monde. Et puis, il faut que je sois fier de ce que je suis et de ce que ça fait de moi, même si ce n'est pas forcément toujours facile.

  • Pascale Lafitte

    Et si toi, tu décidais d'arrêter, de passer à autre chose, tu leur ferais de la peine, tu crois ?

  • Interne, invité de cet entretien

    C'est sûr, il n'y a pas de débat. Il n'y a pas de débat.

  • Pascale Lafitte

    Donc, ça participe à ta réflexion ?

  • Interne, invité de cet entretien

    Oui, même si j'aimerais dire que non, forcément, il y a une part. Forcément, alors aussi minime soit-elle, je ne peux pas l'estimer, forcément, ça rentre dans l'équation. C'est sûr qu'il y a dans leur tête quelque chose. En tout cas, c'est inhérent à ma personnalité, le fait d'être médecin. Je ne suis pas moi. Et médecin, le fait d'être médecin fait partie de ma personnalité et de mes caractéristiques, entre guillemets.

  • Pascale Lafitte

    Merci de nous avoir écoutés. En espérant que le jour où vous croiserez l'une ou l'un de ces tout jeunes médecins étiquetés, badges à l'appui "interne", vous porterez un regard bienveillant, car affranchis sur ces médecins, toujours étudiants, indispensables au bon fonctionnement de l'hôpital français. Merci de nous avoir écoutés. Si vous aimez ces entretiens, alors partagez-les. Et n'oubliez pas, "Interne en Médecine", le podcast, est à suivre sans ordonnance ni modération. A très vite.

Chapters

  • Introduction au rôle des internes en médecine

    00:09

  • Rencontre avec un interne anesthésiste-réanimateur

    02:47

  • Le parcours d'un interne et ses premiers jours

    04:43

  • Les responsabilités croissantes des internes

    06:28

  • Le surmenage et les conditions de travail difficiles

    08:13

  • Réflexions sur le mal-être des internes

    11:51

  • Les horaires de travail et la charge mentale

    13:00

  • Confrontation à la mort et préparation émotionnelle

    15:55

  • Les défis du quotidien et gestion du stress

    19:13

  • La thèse et l'équilibre entre études et travail

    24:20

  • Conclusion et appel à la bienveillance envers les internes

    29:16

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