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INTERSTICES

La conférence

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05min |09/10/2023
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Description

Il est des solitudes où la seule arme à ne pas déposer est la légèreté de l'humour sur soi même, dans sa confrontation au génie opiniâtre et malicieux de la situation.

Bien avant la pandémie, je prenais souvent part à une soirée réseau sur mon territoire d'adoption qu'est le joli coin de Normandie où nous venions de nous établir, et que je connaissais encore assez mal.

De telles sessions me permettaient à la fois d'assister à une conférence pertinente sur un sujet humain et professionnel que j'affectionne, de rencontrer les acteurs locaux et de tisser des liens, ce qui m'aidait à m'implanter professionnellement dans mon nouveau secteur.


Ce jour-là, la conférence débutait à 18h précise dans un petit château cossu en pleine campagne. À une heure de route de mon lieu de travail, je n'étais pas parti suffisamment tôt, avais subi quelque embouteillage et pris, de surcroît, une mauvaise direction au milieu du parcours, ayant mal compris l'indication de l'assistant GPS à une bifurcation.

J'arrivais donc sur les lieux, alors que la conférence avait déjà commencé depuis une bonne vingtaine de minutes. J'ai malheureusement encore perdu du temps en allant me garer assez loin en limite de propriété puisque le parking était bondé, ce qui m'obligea à revenir longuement à pied jusqu'au bâtiment principal. Une fois à l'intérieur, il n'y avait plus personne pour m'accueillir et m'indiquer où se trouvait la réunion, et j'ai dû me hasarder seul au rez-de-chaussée puis dans l'escalier du château, pour trouver à l'étage une grande porte boisée derrière laquelle résonnait la voix du conférencier.


Plutôt contrarié de devoir ainsi peut-être gêner le cours de sa prestation, je me promettais de me faire tout petit pour me fondre sur la première chaise disponible. J'ouvris donc doucement la lourde porte en essayant d'éviter le moindre bruit. Peine perdue car j'acquittais immédiatement le prix d'un grincement retentissant qui instaura un silence bien douloureux.


Je me trouvais en haut d'un amphithéâtre plein comme un œuf. Des dizaines de visages s'étaient retournés vers moi, au moment où l'expert, sur la scène en bas, que l'assistance écoutait religieusement, avait interrompu son discours pour un « Bonsoir Monsieur » qui acheva mon dernier espoir de discrétion, juste avant de l'enterrer, alors que je cherchais fébrilement où prendre place pour disparaître, par cette invite aussi assassine que bienveillante : « Si vous voulez bien descendre jusqu'ici, il reste cette place au deuxième rang, qui vous attend ». Je n'ai pu que bredouiller quelques confus regrets avant de m'engager dans une procession très gênante dont le trop long silence s'étoffait de la complainte du vieux bois tapissé de chacune des marches. Loin de se finir là, mon calvaire fut encore d'obliger une petite dizaine de personnes à se lever pour libérer un passage étroit jusqu'au milieu de la rangée de sièges. Je m'assis, encombré de mon manteau plié sur mes genoux, que je n'avais pas pu laisser ailleurs.


Fin de l'épisode, croyais-je.


L'orateur repris son propos, là où il l'avait laissé, et je recommençais à respirer normalement, quand soudain fut claironnée depuis mon vêtement devant moi cette sentence à l'élocution numérisée, féminine et enjouée : « Signal GPS perdu ! ».


Ce qui déclencha le fou rire général du public qui, finalement, entraîna le mien de bon cœur, absorbant la dernière goutte de la lie de ce mémorable breuvage qu'avait voulu obstinément être ce soir-là mon hallali.

---

Texte déposé ©Renaud Soubise 

Musique : ©Bouzouk


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Description

Il est des solitudes où la seule arme à ne pas déposer est la légèreté de l'humour sur soi même, dans sa confrontation au génie opiniâtre et malicieux de la situation.

Bien avant la pandémie, je prenais souvent part à une soirée réseau sur mon territoire d'adoption qu'est le joli coin de Normandie où nous venions de nous établir, et que je connaissais encore assez mal.

De telles sessions me permettaient à la fois d'assister à une conférence pertinente sur un sujet humain et professionnel que j'affectionne, de rencontrer les acteurs locaux et de tisser des liens, ce qui m'aidait à m'implanter professionnellement dans mon nouveau secteur.


Ce jour-là, la conférence débutait à 18h précise dans un petit château cossu en pleine campagne. À une heure de route de mon lieu de travail, je n'étais pas parti suffisamment tôt, avais subi quelque embouteillage et pris, de surcroît, une mauvaise direction au milieu du parcours, ayant mal compris l'indication de l'assistant GPS à une bifurcation.

J'arrivais donc sur les lieux, alors que la conférence avait déjà commencé depuis une bonne vingtaine de minutes. J'ai malheureusement encore perdu du temps en allant me garer assez loin en limite de propriété puisque le parking était bondé, ce qui m'obligea à revenir longuement à pied jusqu'au bâtiment principal. Une fois à l'intérieur, il n'y avait plus personne pour m'accueillir et m'indiquer où se trouvait la réunion, et j'ai dû me hasarder seul au rez-de-chaussée puis dans l'escalier du château, pour trouver à l'étage une grande porte boisée derrière laquelle résonnait la voix du conférencier.


Plutôt contrarié de devoir ainsi peut-être gêner le cours de sa prestation, je me promettais de me faire tout petit pour me fondre sur la première chaise disponible. J'ouvris donc doucement la lourde porte en essayant d'éviter le moindre bruit. Peine perdue car j'acquittais immédiatement le prix d'un grincement retentissant qui instaura un silence bien douloureux.


Je me trouvais en haut d'un amphithéâtre plein comme un œuf. Des dizaines de visages s'étaient retournés vers moi, au moment où l'expert, sur la scène en bas, que l'assistance écoutait religieusement, avait interrompu son discours pour un « Bonsoir Monsieur » qui acheva mon dernier espoir de discrétion, juste avant de l'enterrer, alors que je cherchais fébrilement où prendre place pour disparaître, par cette invite aussi assassine que bienveillante : « Si vous voulez bien descendre jusqu'ici, il reste cette place au deuxième rang, qui vous attend ». Je n'ai pu que bredouiller quelques confus regrets avant de m'engager dans une procession très gênante dont le trop long silence s'étoffait de la complainte du vieux bois tapissé de chacune des marches. Loin de se finir là, mon calvaire fut encore d'obliger une petite dizaine de personnes à se lever pour libérer un passage étroit jusqu'au milieu de la rangée de sièges. Je m'assis, encombré de mon manteau plié sur mes genoux, que je n'avais pas pu laisser ailleurs.


Fin de l'épisode, croyais-je.


L'orateur repris son propos, là où il l'avait laissé, et je recommençais à respirer normalement, quand soudain fut claironnée depuis mon vêtement devant moi cette sentence à l'élocution numérisée, féminine et enjouée : « Signal GPS perdu ! ».


Ce qui déclencha le fou rire général du public qui, finalement, entraîna le mien de bon cœur, absorbant la dernière goutte de la lie de ce mémorable breuvage qu'avait voulu obstinément être ce soir-là mon hallali.

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Texte déposé ©Renaud Soubise 

Musique : ©Bouzouk


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Bien avant la pandémie, je prenais souvent part à une soirée réseau sur mon territoire d'adoption qu'est le joli coin de Normandie où nous venions de nous établir, et que je connaissais encore assez mal.

De telles sessions me permettaient à la fois d'assister à une conférence pertinente sur un sujet humain et professionnel que j'affectionne, de rencontrer les acteurs locaux et de tisser des liens, ce qui m'aidait à m'implanter professionnellement dans mon nouveau secteur.


Ce jour-là, la conférence débutait à 18h précise dans un petit château cossu en pleine campagne. À une heure de route de mon lieu de travail, je n'étais pas parti suffisamment tôt, avais subi quelque embouteillage et pris, de surcroît, une mauvaise direction au milieu du parcours, ayant mal compris l'indication de l'assistant GPS à une bifurcation.

J'arrivais donc sur les lieux, alors que la conférence avait déjà commencé depuis une bonne vingtaine de minutes. J'ai malheureusement encore perdu du temps en allant me garer assez loin en limite de propriété puisque le parking était bondé, ce qui m'obligea à revenir longuement à pied jusqu'au bâtiment principal. Une fois à l'intérieur, il n'y avait plus personne pour m'accueillir et m'indiquer où se trouvait la réunion, et j'ai dû me hasarder seul au rez-de-chaussée puis dans l'escalier du château, pour trouver à l'étage une grande porte boisée derrière laquelle résonnait la voix du conférencier.


Plutôt contrarié de devoir ainsi peut-être gêner le cours de sa prestation, je me promettais de me faire tout petit pour me fondre sur la première chaise disponible. J'ouvris donc doucement la lourde porte en essayant d'éviter le moindre bruit. Peine perdue car j'acquittais immédiatement le prix d'un grincement retentissant qui instaura un silence bien douloureux.


Je me trouvais en haut d'un amphithéâtre plein comme un œuf. Des dizaines de visages s'étaient retournés vers moi, au moment où l'expert, sur la scène en bas, que l'assistance écoutait religieusement, avait interrompu son discours pour un « Bonsoir Monsieur » qui acheva mon dernier espoir de discrétion, juste avant de l'enterrer, alors que je cherchais fébrilement où prendre place pour disparaître, par cette invite aussi assassine que bienveillante : « Si vous voulez bien descendre jusqu'ici, il reste cette place au deuxième rang, qui vous attend ». Je n'ai pu que bredouiller quelques confus regrets avant de m'engager dans une procession très gênante dont le trop long silence s'étoffait de la complainte du vieux bois tapissé de chacune des marches. Loin de se finir là, mon calvaire fut encore d'obliger une petite dizaine de personnes à se lever pour libérer un passage étroit jusqu'au milieu de la rangée de sièges. Je m'assis, encombré de mon manteau plié sur mes genoux, que je n'avais pas pu laisser ailleurs.


Fin de l'épisode, croyais-je.


L'orateur repris son propos, là où il l'avait laissé, et je recommençais à respirer normalement, quand soudain fut claironnée depuis mon vêtement devant moi cette sentence à l'élocution numérisée, féminine et enjouée : « Signal GPS perdu ! ».


Ce qui déclencha le fou rire général du public qui, finalement, entraîna le mien de bon cœur, absorbant la dernière goutte de la lie de ce mémorable breuvage qu'avait voulu obstinément être ce soir-là mon hallali.

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Il est des solitudes où la seule arme à ne pas déposer est la légèreté de l'humour sur soi même, dans sa confrontation au génie opiniâtre et malicieux de la situation.

Bien avant la pandémie, je prenais souvent part à une soirée réseau sur mon territoire d'adoption qu'est le joli coin de Normandie où nous venions de nous établir, et que je connaissais encore assez mal.

De telles sessions me permettaient à la fois d'assister à une conférence pertinente sur un sujet humain et professionnel que j'affectionne, de rencontrer les acteurs locaux et de tisser des liens, ce qui m'aidait à m'implanter professionnellement dans mon nouveau secteur.


Ce jour-là, la conférence débutait à 18h précise dans un petit château cossu en pleine campagne. À une heure de route de mon lieu de travail, je n'étais pas parti suffisamment tôt, avais subi quelque embouteillage et pris, de surcroît, une mauvaise direction au milieu du parcours, ayant mal compris l'indication de l'assistant GPS à une bifurcation.

J'arrivais donc sur les lieux, alors que la conférence avait déjà commencé depuis une bonne vingtaine de minutes. J'ai malheureusement encore perdu du temps en allant me garer assez loin en limite de propriété puisque le parking était bondé, ce qui m'obligea à revenir longuement à pied jusqu'au bâtiment principal. Une fois à l'intérieur, il n'y avait plus personne pour m'accueillir et m'indiquer où se trouvait la réunion, et j'ai dû me hasarder seul au rez-de-chaussée puis dans l'escalier du château, pour trouver à l'étage une grande porte boisée derrière laquelle résonnait la voix du conférencier.


Plutôt contrarié de devoir ainsi peut-être gêner le cours de sa prestation, je me promettais de me faire tout petit pour me fondre sur la première chaise disponible. J'ouvris donc doucement la lourde porte en essayant d'éviter le moindre bruit. Peine perdue car j'acquittais immédiatement le prix d'un grincement retentissant qui instaura un silence bien douloureux.


Je me trouvais en haut d'un amphithéâtre plein comme un œuf. Des dizaines de visages s'étaient retournés vers moi, au moment où l'expert, sur la scène en bas, que l'assistance écoutait religieusement, avait interrompu son discours pour un « Bonsoir Monsieur » qui acheva mon dernier espoir de discrétion, juste avant de l'enterrer, alors que je cherchais fébrilement où prendre place pour disparaître, par cette invite aussi assassine que bienveillante : « Si vous voulez bien descendre jusqu'ici, il reste cette place au deuxième rang, qui vous attend ». Je n'ai pu que bredouiller quelques confus regrets avant de m'engager dans une procession très gênante dont le trop long silence s'étoffait de la complainte du vieux bois tapissé de chacune des marches. Loin de se finir là, mon calvaire fut encore d'obliger une petite dizaine de personnes à se lever pour libérer un passage étroit jusqu'au milieu de la rangée de sièges. Je m'assis, encombré de mon manteau plié sur mes genoux, que je n'avais pas pu laisser ailleurs.


Fin de l'épisode, croyais-je.


L'orateur repris son propos, là où il l'avait laissé, et je recommençais à respirer normalement, quand soudain fut claironnée depuis mon vêtement devant moi cette sentence à l'élocution numérisée, féminine et enjouée : « Signal GPS perdu ! ».


Ce qui déclencha le fou rire général du public qui, finalement, entraîna le mien de bon cœur, absorbant la dernière goutte de la lie de ce mémorable breuvage qu'avait voulu obstinément être ce soir-là mon hallali.

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