- Speaker #0
Je suis Jean-François, incurieux, et je pose des questions de médecine.
- Speaker #1
Bonjour, je suis Dan de la Cargerie, je suis médecin, et le plus important pour moi, c'est de pouvoir aborder ici tous les sujets de santé sans aucun jeu de loup.
- Speaker #0
Découverte en 1906 par le médecin allemand Alois Alzheimer, la maladie d'Alzheimer est aujourd'hui la cause la plus fréquente de pathologies cognitives évolutives, anciennement appelées démences, dans le monde selon l'Organisation mondiale de la santé. En France, on estime à environ 900 000... personnes touchées par la maladie. Particulièrement invalidante pour le patient et touchant également son entourage, la maladie d'Alzheimer fait l'objet d'une recherche soutenue pour espérer trouver un jour un traitement curatif. Avec nous pour parler de ce sujet, le docteur Elsa Mana, neurologue à l'hôpital Léopold Beland et à l'hôpital Avicenne à Paris. Bonjour Elsa.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #0
Et le docteur Diane de la Clergerie que vous connaissez tous désormais. Bonjour Diane.
- Speaker #1
Bonjour Jean-François et bonjour Elsa.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #0
Elsa, est-ce que tu pourrais d'abord nous présenter ton parcours et comment tu as fini par te spécialiser dans les pathologies cognitives évolutives, entre parenthèses les démences, comme celle de la maladie d'Alzheimer ?
- Speaker #2
Tout d'abord, merci pour l'invitation, je suis ravie d'être là.
- Speaker #0
De rien, tu es bienvenue.
- Speaker #2
Je suis donc neurologue à Paris, comme tu le dis, et j'ai un parcours un peu atypique. J'ai commencé par me spécialiser en neurologie, initialement vouée à être spécialiste des mouvements anormaux. J'ai découvert en cours de formation les pathologies cognitives et c'est quelque chose que j'ai trouvé fascinant parce qu'il y a cette composante identitaire aux pathologies cognitives qui me passionne. Et donc j'ai décidé de m'orienter dans ce sens-là en y ajoutant une formation en neurosciences dans la recherche et une formation en éthique médicale et biomédicale parce que ce sont des sujets que je porte assez sincèrement. et de manière assez importante dans mon parcours. Et à tout ça, c'est rajouter un investissement dans tout ce qui est égalité de genre dans le monde de la santé.
- Speaker #0
Donc si on rentre un petit peu plus en détail sur la pathologie dont on va parler, est-ce que tu pourrais nous rappeler ce qu'est concrètement la maladie d'Alzheimer ? Comment est-ce qu'elle affecte nos fonctions cognitives ? En gros, comment ça fonctionne ?
- Speaker #2
La maladie d'Alzheimer est une maladie qui touche principalement les fonctions cognitives. Donc notre capacité à retenir des informations, notre capacité à raisonner et aussi parfois d'autres fonctions comme le langage, notre capacité à produire un langage, donc il y a plusieurs formes de cette maladie qui va progressivement évoluer, d'où le nom de maladie neuroévolutive et impacter parfois notre autonomie. C'est une maladie aujourd'hui qui est due à l'accumulation de protéines pathologiques. que ce soit en dehors des neurones, donc les cellules du cerveau, mais aussi à l'intérieur, et qui va donc détruire ces neurones progressivement.
- Speaker #0
Juste que je comprenne bien, c'est progressif dans le temps ? En gros, ça dure combien de temps ? Il y a un temps moyen ?
- Speaker #2
L'évolution est très variable. On parle de quelques années. Ça va de quelques années à une dizaine d'années. Et c'est très variable en fonction du moment où se déclare la maladie, de la forme de la maladie et des facteurs de risque liés à la personne elle-même. Donc c'est variable, mais c'est une évolution qui va se décliner sur quelques années.
- Speaker #0
Donc on l'a vu en introduction, c'est une maladie qui impacte quand on n'est pas touché nous-mêmes. Elle impacte nos proches, quand elle impacte nos proches c'est particulièrement marquant. Et justement quand on a une suspicion chez un proche, comment est-ce qu'on peut agir à notre niveau ? Comment est-ce qu'on peut, je ne sais pas moi, essayer de s'en rendre compte, travailler sur ça ?
- Speaker #2
C'est une maladie effectivement qui ne touche pas à la personne elle-même seulement. Dans ces phases précoces, la personne va se rendre compte qu'il se passe quelque chose, va se rendre compte qu'il y a un changement, que ses capacités sont parfois diminuées par rapport à ce qu'elle connaît. Mais dans certaines situations, ce sont les proches qui vont se rendre compte qu'il y a des comportements qui ont changé, qu'il y a des oublis, qu'il y a des éléments de la personnalité qui ont changé. Et ce sont les proches qui vont parfois alerter. Lorsque la personne elle-même se rend compte, c'est simple, elle va aller consulter. Lorsqu'elle ne s'en rend pas compte et que les proches se doutent de quelque chose, il est important d'en parler avec la personne. Comme vous savez, je dis toujours, le symptôme principal le plus fréquent, ce sont les oublis. Et quand on oublie qu'on oublie, c'est difficile d'aller dire j'oublie. C'est un cercle. Et donc, il est important d'en discuter avec la personne, d'essayer d'amener des exemples concrets, sans vraiment faire de confrontation, parce qu'encore une fois, parfois, on ne s'en rend pas compte. C'est un symptôme de la maladie qui s'appelle l'anosognosie, et d'accompagner cette personne-là pour consulter.
- Speaker #0
En gros, par exemple, on parlait de symptômes. On parle d'oubli, genre, je ne sais pas moi, un truc qui alerte un peu, c'est j'oublie ce que j'ai à faire demain, j'oublie les prénoms des gens, je ne sais pas moi, j'oublie que je devais aller à tel rendez-vous. Est-ce qu'il y a un ou deux symptômes comme ça un peu alertants, surtout s'ils se répètent ?
- Speaker #2
Il n'y a pas de symptômes type alertants. Dans la maladie d'Alzheimer, la mémoire qui est atteinte, et encore une fois, je parle des cas les plus fréquents. C'est la mémoire dite épisodique, c'est-à-dire nos propres souvenirs. Parce qu'on a différents types de mémoire. Il y a la mémoire qui nous permet de fonctionner au quotidien, qu'on dit procédurale, les automatismes. Il y a la mémoire sémantique et notre encyclopédie, tout ce qu'on a accumulé en connaissances. Et il y a cette mémoire autobiographique, qui est la mémoire épisodique, qui, elle, va être touchée dans la maladie d'Alzheimer, et qui, à un moment donné, on va avoir du mal à l'utiliser, donc à stocker de nouvelles informations. Mais il ne faut pas... confondre la mémoire et la concentration.
- Speaker #0
Et du coup, est-ce qu'il existe des facteurs de risque de développer la maladie ? Et si oui, est-ce qu'il y en a sur lesquels on peut agir ? Est-ce qu'il y a des facteurs sur lesquels on peut intervenir ?
- Speaker #2
Oui, il y a des facteurs de risque modifiables et non modifiables. Les modifiables, leur nom l'indique, c'est ceux sur lesquels on va pouvoir agir. Ce sont principalement le niveau d'éducation faible. C'est un niveau d'éducation avant l'âge de 25 ans en général. C'est l'isolement social. Ne pas avoir d'interaction sociale est un facteur de risque. Ce sont les facteurs de risque cardiovasculaires. Donc... Le diabète, l'hypertension en milieu de vie, l'obésité, ne pas avoir un rythme de vie sédentaire, tous ces facteurs de risque cardiovasculaire sont aussi des facteurs de risque de la maladie d'Alzheimer. Le tabagisme et enfin les traumatismes crâniens qui peuvent aussi être un facteur de risque de la maladie d'Alzheimer. On voit ça aussi avec des sports actuellement mis en lumière sur les risques de trauma crânien qui peuvent donc être des facteurs de risque. modifiable de la maladie d'Alzheimer. Et bien évidemment, comme toute pathologie, la pollution est aussi un facteur qui peut entrer dans ce calcul de facteur de risque de la maladie d'Alzheimer.
- Speaker #0
Du coup, j'ai noté qu'il y avait une forme héréditaire de la maladie. J'ai l'impression que ce sont des questions qui reviennent dans le grand public. Est-ce que tu peux nous en dire plus ? Par exemple, si quelqu'un de ma famille est touché ou a été touché par la maladie, est-ce que je risque à terme de développer la pathologie ? Comment ça marche un peu ?
- Speaker #2
Et là donc, tu abordes les facteurs de risque non modifiables. Dans les facteurs de risque non modifiables, avant d'aborder la question de l'hérédité, il y a ce qu'on connaît tous quelque part, l'âge. C'est un facteur de risque non modifiable. Plus on va avancer en... En âge, plus on va avoir de risques. Attention, ce n'est pas une cause de la maladie. On tend toujours à dire que c'est une cause de l'Alzheimer. Non, c'est un facteur de risque. Toute personne âgée ne développera pas une maladie d'Alzheimer. Il y a d'autres facteurs de risque non modifiables. Je vais faire la nuance entre deux éléments. Il y a la génétique. On porte parfois certains gènes et certains allèles de gènes, donc une version du gène qui va prédisposer. Si on a cette allèle-là en double copie, on va être à risque plus important de développer la maladie d'Alzheimer. Et ça, on peut l'avoir par hérédité par nos parents. Ça ne veut pas dire qu'on hérite de la maladie, on hérite du facteur de risque. Par contre, pour les maladies d'Alzheimer héréditaires à proprement dit, ce sont moins de 1% de ces maladies d'Alzheimer. Alzheimer, on connaît aujourd'hui les gènes qui développent ces maladies. Ce sont des maladies d'Alzheimer qu'on dit précoces, qui commencent à un âge plus jeune, donc moins de 65 ans, dans des familles bien identifiées. Et c'est quelque chose où... ce sont des familles plutôt qui sont connues. On va aller leur proposer des études génétiques. Dès qu'on voit ce gène-là chez un des membres de la famille, on va proposer une étude génétique au reste de la famille. Et donc, non, systématiquement, quand on a un parent qui a une maladie d'Alzheimer, ça ne veut pas dire qu'on va développer la maladie. Il y a un faisceau d'arguments à considérer avant d'aller au-delà dans tout ce qui est examen complémentaire.
- Speaker #0
Ouais. Alors juste avant de donner la parole à Diane, une question concernant ces facteurs de risque modifiables. Donc j'ai bien noté qu'il y avait une importance au niveau d'une sorte d'entraînement cognitif régulier, permanent. Est-ce que la lecture, est-ce que les jeux, est-ce que, outre les interactions sociales, avoir un travail intellectuel, pas forcément lié au monde professionnel, mais même dans la vie de tous les jours, est-ce que ça peut aider à ralentir l'apparition de pathologies de ce genre ?
- Speaker #2
Il y a effectivement des facteurs protecteurs. Ce que tu viens de dire s'inscrit dans la protection. Et entraîner son cerveau, créer des réseaux de neurones, permettre plus de connexion au niveau des neurones en apprenant. en stimulant le cerveau tout au long de la vie, c'est un des facteurs protecteurs. Et donc oui, tout ce qui est lecture, tout ce qui est jeux de société, parce qu'on sait aujourd'hui que les jeux de société, ça fait travailler beaucoup de fonctions cognitives. Les stratégies, le raisonnement, la planification, etc. Et tout ça, bien évidemment, est un facteur protecteur. Ça joue premièrement sur les réseaux neuronaux, deuxièmement sur réduire un isolement social. Quand vous faites des jeux de société, c'est qu'il y a des personnes avec vous. et donc ce sont des facteurs bien évidemment protégeants. protecteur et qu'on encourage même chez les patients parce que il faut aussi continuer à faire travailler le cerveau et donc stimuler.
- Speaker #0
Donc, un mot d'ordre pour nos auditeurs, soyez curieux.
- Speaker #2
Complètement. Et faites des jeux de société avec vos petits-enfants, ça aide beaucoup.
- Speaker #0
C'était la première partie de l'épisode sur la maladie d'Alzheimer. Nous vous donnons rendez-vous dans deux semaines pour écouter la suite, toujours en compagnie de notre invité. D'ici là, prenez soin de vous et bonne journée à tous.