- Speaker #0
Je suis Jean-François, incurieux, et je pose des questions de médecine.
- Speaker #1
Bonjour, je suis Ben de la Cargerie, je suis médecin, et le plus important pour moi, c'est de pouvoir aborder ici tous les sujets de santé sans aucun jeu de loup.
- Speaker #0
Bienvenue dans la seconde partie de l'épisode consacré à la maladie d'Alzheimer, en compagnie de la neurologue Elzamana. Dans la première partie, nous avons notamment abordé les symptômes de la maladie, les principaux facteurs de risque et ainsi que certaines pistes pour les prévenir. Nous vous conseillons fortement de l'écouter si ce n'est pas encore fait. Et en tous les cas, bonne écoute. Donc, un mot d'ordre pour nos auditeurs, soyez curieux.
- Speaker #2
Complètement. Et faites des jeux de société avec vos petits-enfants, ça aide beaucoup.
- Speaker #0
Et jouez.
- Speaker #1
Excellent. Alors maintenant, rentrons dans le vif du sujet, à savoir le traitement. de la maladie d'Alzheimer, il y a eu des avancées très récentes avec le lécanémab. Pour nos auditeurs, il s'agit d'un anticorps monoclonal antibétamiloïde. Ça va être une molécule qui va être produite en laboratoire, qui va mimer les anticorps que notre propre système immunitaire créé et qui va aller cibler une des protéines principalement impliquées dans le développement de la maladie d'Alzheimer. Donc ce lécanémab a été autorisé récemment en Europe pour des patients atteints d'une maladie d'Alzheimer à un stade précoce, malgré quand même quelques effets indésirables non négligeables, comme le risque hémorragique. Et j'aimerais savoir Elsa, du coup, ce que tu penses de l'arrivée de ce traitement en France, est-ce qu'il s'agit vraiment d'une belle avancée ?
- Speaker #2
C'est certainement une très belle avancée pour les patients. Comme vous le savez peut-être, c'est une maladie qui, jusqu'à aujourd'hui, est incurable. Donc tous les traitements qu'on a jusqu'à maintenant, ce sont des traitements symptomatiques qui vont aller cibler des symptômes précis pour améliorer la qualité de vie, pour essayer de réduire certains symptômes invalidants, qu'ils soient cognitifs ou comportementaux. Avec l'arrivée du lécanéma et des autres molécules qui ciblent, L'origine même de cette pathologie, on a vu avec l'étude du Lécanemab qu'il y avait sur la phase d'étude qui s'appelle Clarity, qui a été menée pour avancer sur le marché de ce traitement, qu'il y avait, lorsque l'on prenait ce traitement-là, 27% de ralentissement en comparaison avec les personnes qui n'ont pas eu le traitement sur les 18 mois de traitement. dans la maladie d'Alzheimer, ce qui est vraiment une avancée majeure. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, quand je parle de ralentissement de l'évolution de la maladie, je parle d'un ralentissement du déclin cognitif, je parle d'une meilleure qualité de vie, je parle d'un ralentissement aussi de la perte d'autonomie dans cette maladie. Donc, c'est une réelle avancée, c'est quelque chose qu'on va voir arriver, j'espère, en France. prochainement maintenant qu'on a l'autorisation de la mise sur le marché européen. Et bien évidemment, il va falloir cadrer cette mise sur le marché pour éviter justement les effets secondaires en sélectionnant très très bien les patients qui auront accès à ce traitement-là pour assurer une sécurité maximale de l'administration de ce traitement.
- Speaker #1
Merci Elsa pour ces explications. C'est vrai que c'est un bel espoir pour tous les patients et leurs proches. Et justement, est-ce que tu pourrais nous dire, toi dans ton cas particulier, est-ce que tu penses avoir beaucoup de patients qui pourraient être éligibles à ce traitement ?
- Speaker #2
Oui, de tête je dirais oui. La Fédération des centres mémoire en France a sorti un article assez exhaustif sur qui pourrait bénéficier de ce traitement en prenant en compte les risques et les facteurs de risque aussi d'aggravation. et les stades de la maladie. Et peut-être j'ai tendance à dire qu'il y a beaucoup de patients que je suis et que mes collègues suivent qui seraient éligibles. Et surtout, aujourd'hui, on voit une sorte, si je peux le dire, une sorte de levée d'omerta sur les troubles cognitifs aussi en France. C'est-à-dire qu'on a moins compte, on est plus enclin à aller consulter lorsqu'on a... des troubles cognitifs parce qu'il y a dans l'inconscient collectif, dans le conscient collectif justement, cette idée d'avoir des traitements que les gens se disent, bon, on va y aller pour espérer obtenir des traitements pour améliorer. Donc, on a aussi moins peur d'aller consulter. Et donc, on consulte souvent, parfois, enfin, parfois aussi, à des phases plutôt précoces. Et donc, on serait éligible si la maladie était diagnostiquée pour ce genre de traitement.
- Speaker #1
Alors justement, là, on parlait encore une fois des stades précoces de la maladie. Mais j'imagine que pour tous les stades, tu as d'autres conseils de prise en charge. Traitements à mettre en place ?
- Speaker #2
Effectivement, la prise en charge de la maladie d'Alzheimer est une prise en charge globale. On prend en charge le patient dans sa globalité, que ce soit sur le plan des symptômes, mais aussi sur le plan social. Et c'est un accompagnement, comme je le dis toujours. Sur le plan des symptômes, on a des traitements qui sont médicamenteux et des traitements qui sont non médicamenteux. Sur les traitements médicamenteux, on va aller jouer sur les symptômes qui soient... de la dépression, de l'anxiété, parfois aussi des symptômes cognitifs pour lesquels on va avoir des traitements aussi pour améliorer certains symptômes comme la planification, le raisonnement, ce qu'on appelle les fonctions exécutives. Et sur le plan non médicamenteux, on va avoir de la stimulation cognitive, des ateliers avec des neuropsychologues, avec des orthophonistes, l'activité physique adaptée, parfois même des techniques de relaxation dans les cas d'anxiété. ou autre. Donc on va avoir la musicothérapie, l'art-thérapie, je peux en nommer plusieurs. Et donc c'est une prise en charge qui est adaptée au stade de la maladie, ça peut être au stade les plus précoces, jusqu'au stade sévère, bien évidemment adaptée, comme je le disais, qui est une prise en charge globale et qui nécessite plusieurs intervenants.
- Speaker #1
Oui, donc c'est quand même toujours bon à savoir que, peu importe où on en est dans la maladie, il y a toujours des actions à mettre en place. avec une équipe pluridisciplinaire et qu'on peut être accompagné quoi qu'il arrive. Maintenant, je vais passer quand même à une question un petit peu plus délicate, puisque pour revenir au stade précoce, on peut diagnostiquer vraiment très tôt la maladie aujourd'hui, chez des sujets en plus relativement jeunes, de moins de 60 ans, 65 ans. Et ça va se faire notamment grâce à la ponction lombaire, mais aussi grâce à un examen qu'on appelle la tape cérébrale. qui est un examen d'imagerie de médecine nucléaire où on étudie le métabolisme du cerveau pour essayer de détecter des signes qui vont être plus ou moins évocateurs de pathologies neuroévolutives. Et étant donné l'efficacité encore relativement modérée des traitements qu'on a actuellement pour la maladie d'Alzheimer, notamment en France, j'aimerais avoir ton avis en tant qu'experte en éthique médicale pour te demander ce que tu penses. de cette détection précoce, notamment chez les plus jeunes, alors qu'on ne peut pas forcément, pour l'instant, leur proposer de traitements réellement efficaces ?
- Speaker #2
C'est effectivement un sujet très vaste. La maladie d'Alzheimer et la définition de la maladie d'Alzheimer évoluent. Il y a un groupe de travail international, il y a des experts qui se penchent sur le sujet plus en avance avec les technologies médicales. Et aujourd'hui... On a convenu, il y a deux courants, mais le dernier qui s'est prononcé sur le sujet a convenu qu'on ne peut pas définir une maladie d'Alzheimer uniquement sur des biomarqueurs. Le TEP scanner et la ponction lombaire, ce sont tous les deux des outils pour retrouver ces biomarqueurs. Donc, dépister systématiquement pour dire... En fonction des résultats qu'on va trouver, c'est une maladie d'Alzheimer. Ce n'est pas précis. Et surtout, comme tu le dis très bien... On ne va pas aller faire systématiquement des examens en disant « Voilà, on va essayer de voir si vous avez les protéines pathologiques ou si vous avez un hypométabolisme au niveau cérébral » pour dire « Voilà, vous êtes malade » . Non, c'est un faisceau d'arguments très large, donc il faut les symptômes. Il faut aussi que le patient lui-même parle de ces symptômes et qu'on fasse des tests psychométriques qui vont quantifier cette atteinte s'il y en a. Et ensuite... aller au biomarqueur pour définir si oui ou non, avec tous ces faisceaux d'arguments, il y a maladie. Mais aujourd'hui, dépister systématiquement pour juste savoir le statut de biomarqueur biologique d'une personne est quelque chose qu'on ne recommande pas. Donc, pour résumer mon propos, aujourd'hui, un statut biologique ne définit pas une maladie. Il faut tout un faisceau d'arguments comme je le disais et donc dépister pour dépister. surtout dans une maladie incurable, à mon sens, doit être réservée vraiment aux formes héréditaires connues où on sait que la personne va développer cette pathologie, pour faire avancer la recherche, bien évidemment, le consentement de ces personnes et de ces familles, mais ne pas être généralisé à tous les individus de la société. Ce serait premièrement coûteux, deuxièmement très délétère pour ces personnes.
- Speaker #1
Tout à fait. Comme toujours en médecine, finalement, c'est au cas par cas. Il faut toujours rester prudent et effectivement aussi, comme tu l'as très bien rappelé, Demandez aussi le consentement de la personne et des personnes intéressées.
- Speaker #2
Toujours.
- Speaker #1
Alors maintenant, pour ouvrir un petit peu le sujet et revenir à ce que tu nous disais en introduction, à savoir que tu étais également engagée pour une santé plus égalitaire et également aussi chez les soignants. On sait avec les données épidémiologiques maintenant que les femmes sont plus touchées par la maladie d'Alzheimer que les hommes. C'est un fait. Maintenant, est-ce que tu peux nous dire si elles vont quand même plus consulter que les hommes ou pas ? Ou si ce n'est pas le cas, est-ce qu'il y aurait des progrès à faire ? Qu'est-ce que tu en penses ?
- Speaker #2
Effectivement. Alors ça, c'est la casquette « Donner des ailes, E2L, ES, à la santé que je porte et à laquelle je suis très attachée. » Parce que pour moi, l'égalité dans le monde de la santé... se répercute sur la santé de tout le monde, les femmes étant la moitié de l'humanité et un peu plus. Donc oui, dans la maladie d'Alzheimer, c'est une pathologie qu'on retrouvera plus chez les femmes. Et il y a plusieurs hypothèses et plusieurs explications à cela. Une de ces explications, c'est que les femmes vivent plus longtemps, donc le risque est plus important de développer la maladie parce que plus vous avancez en âge, plus le risque augmente. Deuxième cause qui est les facteurs cardiovasculaires et les facteurs hormonaux qui sont liées tous les deux et donc augmenter le risque de développer la maladie. Bon, il y en a d'autres. Et donc, c'est une pathologie qui est plus féminine que masculine. Mais on a une atteinte chez les deux genres. Alors, il y a des particularités sociales, je dirais, sociologiques chez les femmes. C'est qu'elles iront consulter beaucoup plus tard pour parler de leurs symptômes. parce que Historiquement, les femmes ont tendance à consulter beaucoup plus pour les aidants, pour leurs conjoints, pour leurs enfants à d'autres étapes de la vie, pour leurs parents, que pour elles-mêmes. Donc la femme viendra consulter plus tard que l'homme, et donc à un stade plus avancé. La question se posera lorsqu'on aura des traitements en France pour les stades précoces. Il faudra donc essayer d'aller faire des campagnes de santé publique. pour sensibiliser les femmes, pour leur dire consultez aussi pour vous. Un deuxième point, c'est que les femmes vont moins se plaindre, verbaliser une plainte cognitive que les hommes. C'est en train de changer dans la société, mais ça c'est aussi quelque chose à aller chercher, à faire des campagnes ciblées sur ces aspects-là. Et enfin... il y a aussi très globalement encore des inégalités d'accès aux soins alors ça varie en fonction de là où on est dans le monde bien évidemment mais il y a toujours ces inégalités d'accès aux soins pour les femmes par rapport aux hommes toutes pathologiques confondues donc tous ces aspects là font qu'il faut faire des campagnes ciblées pour sensibiliser les femmes pour leur dire qu'il faut aussi penser à vous et à faire avancer la recherche aussi dans ce sens-là. Et je tiens à souligner encore un petit point qui va en amont de la santé publique et sur la recherche pour développer des traitements et des examens plus ciblés, c'est qu'aujourd'hui, la recherche médicale du XXe siècle, vous le savez, sur la recherche, ça commence par une recherche biologique fondamentale. Ensuite, qu'on va essayer de voir sur des animaux dont les organismes ressemblent à ceux de l'homme. Et ensuite, passer à la phase de test sur l'humain. La majorité des études et des protocoles scientifiques du XXe siècle ont été faits sur des organismes mâles et sur des corps masculins. Aujourd'hui, pour réduire ces inégalités de recherche et donc au niveau du traitement de la prise en charge, il faut que la recherche clinique fondamentale... soit aussi égalitaire en matière de genre. Donc c'est vraiment très global et il faut adresser chaque point en fonction de l'étape où on est dans la prise en charge.
- Speaker #1
C'est un message très important à faire passer autant aux femmes qu'aux hommes. On doit tendre et on est en train d'évoluer vers une prise en charge plus égalitaire, que ce soit à partir du moment du diagnostic. de l'accompagnement et aussi en amont dans la recherche clinique. Merci beaucoup Elsa en tout cas pour ces explications.
- Speaker #0
Il est désormais temps de conclure notre épisode de J'ai une question docteur. Elsa, une question, est-ce qu'on peut conclure avec le mot la maladie d'Alzheimer et la maladie du siècle ?
- Speaker #2
Je suis très biaisée, mais chaque spécialité va vous dire que la maladie qu'ils traitent le plus, c'est une maladie du siècle. Je pense que oui, nous sommes dans une population qui vit de plus en plus tard, donc une population vieillissante. C'est une maladie dont le facteur de risque principal est l'âge. C'est une maladie aussi très sociale. C'est une maladie qui fait peur. Donc oui, c'est une maladie que je dirais du siècle, parce qu'aujourd'hui, même les évolutions scientifiques vont très vite dans ce domaine-là. C'est une maladie qui touche toute la société. Et aujourd'hui, le XXIe siècle doit voir les traitements curatifs arriver, la prise en charge sociale et l'insertion dans la vie des personnes atteintes pour qu'elles continuent à vivre parce que... C'est encore une fois une maladie qui touche certainement certaines fonctions cognitives, mais qui n'empêche pas de continuer à vivre dans une société adaptée.
- Speaker #0
Merci beaucoup Elsa pour ces éléments de conclusion. Heureusement, il existe des moyens simples pour prévenir et ralentir l'évolution de la maladie. Mesdames, je vous remercie. Nous clôturons aujourd'hui avec cet épisode la saison 1 de J'ai une question docteur. Nous nous retrouverons à partir du mercredi 3 septembre. avec Diane pour une deuxième saison de Gine question docteur qui promet d'être incroyable avec une utilité exceptionnelle. Nous vous souhaitons une bonne journée à tous. D'ici là, prenez soin de vous.