- Speaker #0
Je vois quelqu'un. Bienvenue dans Je vois quelqu'un, le podcast qui raconte des expériences de thérapie. Dans chaque épisode, une personne nous partagera son histoire thérapeutique. Pourquoi a-t-il ou elle fait ce choix ? Allez voir celui qu'on a l'habitude de ne pas nommer, ce quelqu'un, le psy. Et comment ça l'a fait avancer ou bousculer ? Comment ça l'a changé ou apaisé ? Les témoins sont des hommes, des femmes, que j'ai rencontrés dans ma vie, qui pour certains viennent de commencer leur thérapie, et pour d'autres retracent de nombreuses années sur le divan. Psychanalyse, thérapie brève, hypnose, gestalt-thérapie, leurs témoignages s'inscrivent dans de multiples courants d'accompagnement. L'idée de ce podcast, c'est de déconstruire les croyances autour de la thérapie, d'en percer quelques mystères, et de découvrir qu'il y a finalement autant de récits thérapeutiques que d'individus et de psy. Pour le premier épisode, je suis partie à la rencontre de Charlène. Alors, je cherche le numéro. Je n'ai pas mis mes lunettes d'ailleurs. Je ne vois rien. C'est un bâtiment. Il m'a sonné.
- Speaker #1
On va voir.
- Speaker #0
Il va.
- Speaker #1
Ouais.
- Speaker #0
Charlène a 40 ans, elle habite à Paris et dans sa vie elle explore les fonds marins. Elle explore aussi ce qu'il y a au fond d'elle grâce à la thérapie. D'ailleurs, elle a la particularité d'avoir testé plusieurs formes thérapeutiques à plusieurs étapes de sa vie et c'est pour ça que je l'ai choisie. Autour d'un thé, elle me partagera comment l'espace thérapeutique lui offre l'opportunité de prendre toute la place. Elle reviendra aussi sur sa première séance avec sa nouvelle psy, qu'elle nomme compagnonne de route.
- Speaker #1
enfin quelqu'un qui va venir et qui va venir me soutenir à ces endroits-là qui sont tellement obscurs, qui sont tellement douloureux, qui sont aussi des endroits où je me sens tellement perdue.
- Speaker #0
Dans cet épisode, elle nous livre comment la thérapie l'a aidée adolescente à traverser le traumatisme de l'abus. Elle reviendra enfin sur sa récente thérapie de couple grâce à laquelle elle a vécu une séparation sans claquer la porte. Merci d'être là pour ce premier épisode de Je vois quelqu'un. Ce que je voudrais te proposer en premier, c'est que tu nous décrives où on est.
- Speaker #1
Donc on est chez moi, petit appartement parisien. Ça me fait toujours bizarre à presque 40 ans de me retrouver dans un studio. Mais j'aime bien l'endroit. Je trouve que c'est un petit cocon. Je me sens bien. Je trouve qu'il y a du show pour moi. il y a du calme aussi.
- Speaker #0
C'est vrai qu'on n'entend rien.
- Speaker #1
Le quartier, c'est un peu fou, mais c'est hyper calme. On t'entendra peut-être, mes voisins sont gueulés à côté. Mais voilà. C'est donc un endroit où il y a plein de plantes, comme tu as pu voir. Ça aussi, je pense que ça fait partie un petit peu de la chaleur et du vivant que j'ai envie d'avoir autour de moi. Et un petit sens peut-être de l'esthétisme aussi, où j'aime bien poser mes yeux sur des trucs que je... qui me font du bien, qui apaisent ma vue.
- Speaker #0
Je te pose cette question sur l'espace. Parce que la première question que j'ai envie de te poser par rapport à la thérapie, c'est comment tu te sens dans l'espace de ton psy ?
- Speaker #1
C'est un espace où, à la fois, j'ai toujours envie d'aller. Enfin, quand ça se passe bien, bien sûr. Quand je suis en confiance avec ma psy. Je suis toujours vraiment très contente de la retrouver. Et en même temps, c'est un endroit où je sais que je vais me perdre. Je sais qu'il y a un moment donné où ça va bloquer. Je ne vais plus comprendre ce qui se passe. Et elle va être là, à côté, en soutien. Je sens qu'elle ne va pas me lâcher et qu'on va pouvoir y aller ensemble.
- Speaker #0
Je te questionne sur l'espace, et là tu me parles du lien avec elle, de ton rapport à comment t'as envie d'y aller ou pas. Est-ce que quand tu te sens bien, t'as conscience de l'espace, et quand tu te sens perdue, t'as plus conscience, il y a un rapport ? Ou pas du tout ?
- Speaker #1
Disons, je dirais plutôt qu'elle me reçoit dans un espace partagé où c'est jamais le même cabinet. Ça change à chaque fois. et en fait ça n'a aucune importance quand j'arrive dans le lieu je vois qu'on est dans un endroit je regarde un petit peu autour et à partir du moment où ça commence ça n'existe plus autour du tout il n'y a que la relation avec elle ouais je crois
- Speaker #0
Donc tu changes d'espace, tu n'as pas de repère dans l'espace où tu retrouves une unité de lieu ?
- Speaker #1
Alors ce n'est pas complètement vrai. Ce que je retrouve, c'est que dans tous les espaces que j'ai fait, j'ai dû en faire 4 ou 5 déjà. Et en fait, c'est toujours le même canapé sur lequel je suis, avec des coussins qui sont à peu près identiques. Il y a toujours une table basse avec un paquet de mouchoirs. Et elle est toujours assise dans un fauteuil en face de moi. Donc vraiment, l'environnement très proche est similaire. Et donc je retrouve mes appuis, je retrouve quand même quelque chose.
- Speaker #0
Ça fait combien de temps que tu vois ta psy ? C'est une femme ?
- Speaker #1
C'est une femme et elle, c'est très récent. Je crois que j'ai commencé en début octobre avec elle. À raison d'une fois par semaine, donc ça va faire deux mois, deux mois et demi.
- Speaker #0
Et là, après deux mois, tu dis que ça se passe bien. Ouais. Qu'est-ce qui fait que tu sens ça ?
- Speaker #1
C'est pas facile à décrire. peut-être que c'est toujours la joie que je vais aller la retrouver ou du coup ça fait pas trop de doute pour moi que c'est un bon endroit peut-être parce que je me sens très en confiance et qu'elle soutient en fait dès que j'ai une émotion qui vient elle soutient à fond et elle est présente et il n'y a pas quelque chose qui vient recouvrir il y a beaucoup d'espace pour moi peut-être ça en fait il y a énormément d'espace pour moi tu vois c'est rigolo je fais le lien entre comment est l'espace et je te dis que ça n'a pas d'importance et en fait je sens qu'il y a énormément d'espace pour moi quand je fais ces séances avec elle tu peux la décrire comment elle est cette femme elle est jeune je pourrais imaginer qu'on a à peu près même âge voire même qu'elle est plus jeune que moi je pense que oui je sais que c'est une jeune thérapeute qui qui a un visage assez fermé quand elle est très concentrée, mais par contre facile à rentrer en lien pour autant et à créer beaucoup d'animation sur son visage, du rire, de la triste... Enfin voilà, elle est assez expressive. Et c'est une personne qui, du coup, me paraît assez mystérieuse dans le sens où, comme on fait vraiment juste avec ce qui est présent, ce que j'apporte, comme elle n'amène rien d'extérieur ou quoi que ce soit, du coup... je peux projeter mille choses de sa vie. J'en ai vraiment aucune idée.
- Speaker #0
Tu n'as jamais été amenée à lui poser des questions ?
- Speaker #1
C'est très récent. Et en fait, je crois que je n'en ai pas du tout envie. Ça ne m'intéresse pas. Il y a un truc de... En fait, on est là pour moi. Il y a vraiment un truc d'on est là pour moi. Et je sens que ça pourrait un peu parrainagiter cet espace-là qui me fait tellement du bien. et j'ai eu un petit la première séance quand je lui ai demandé un petit peu quel était son parcours etc où elle a un petit peu déplié et où j'ai posé quelques questions ça n'a pas duré longtemps et pourtant elle a très rapidement posé le fait qu'elle sentait que ça s'était déporté sur elle et qu'elle avait envie de remettre sur moi et ça m'avait fait du bien en fait il y a un truc hyper égoïste dans le c'est mon espace je suis là pour parler de moi et pas d'elle Mon thérapeute précédent avec qui je suis restée 7 ans, il avait commencé à beaucoup trop parler de lui. En début de séance, en fin de séance, je voyais que c'était à mon initiative d'aller lui poser des questions, de commencer à aller, de capter le projet, etc. Et en fait, je voyais comment ça parasitait la séance en elle-même. Donc peut-être que j'ai une vigilance aussi à cet endroit-là de ne plus rien savoir de mon thérapeute.
- Speaker #0
Tu peux me raconter cette première séance ? Parce que c'était il n'y a pas si longtemps.
- Speaker #1
Elle m'a été recommandée. Je voulais quelqu'un qui travaillait en posture de chant, c'est-à-dire qui vraiment va regarder... ce qui est présent dans la situation entre nous et qui ne va rien ramener de faire de lien de l'extérieur. Pas rien, j'exagère, mais l'idée vraiment, c'est de faire avec le matériau présent. J'avais envie de ça, parce que la thérapeute avant, avec qui j'avais une brève relation thérapeutique, ça ne s'était pas bien passé, notamment parce qu'elle faisait beaucoup de liens et qu'elle ramenait beaucoup d'extérieur. Donc j'étais assez à la fois curieuse de comment ça allait se passer avec cette nouvelle thérapeute et en même temps en confiance parce que je savais qu'elle allait travailler dans cette posture. Et je venais suite à une séparation, donc j'étais assez débordante émotionnellement, de tristesse, de colère. Et je lui partage que je voulais travailler avec elle, notamment dans ce contexte de séparation, mais aussi avec toutes les séparations qui se passaient en ce moment dans ma vie, séparation de mon travail, séparation de fin de promotion. Il y avait pas mal de séparations qui se passaient et donc j'arrivais vraiment avec un gros paquet. et je l'ai senti qui s'avachissait dans son fauteuil au fur et à mesure que je lui disais tout ce qui se passait pour moi en ce moment et qui était douloureux Et j'ai eu un très beau moment parce qu'elle m'a demandé mais du coup, qu'est-ce que serait ton besoin avec moi ? Je trouvais ça chouette qu'elle le pose dès cette première séance. Et donc du coup, je lui ai partagé que je voulais aller creuser un petit peu plus ce qui se passait pour moi. Je ne me souviens plus de ce que j'ai dit, mais j'ai dû nommer des pistes un peu plus dans le travail thérapeutique où est-ce que j'en étais. et à ce moment-là il y a eu un petit silence une pause et je la regarde et je lui dis vous êtes ok pour m'accompagner avec ça ? Et là, son visage s'illumine pour la première fois, parce qu'elle était très concentrée avant. Et elle me dit oui, avec plaisir et avec un grand sourire. Et ça m'avait fait tellement du bien. J'en avais pleuré de... Oh là là, il y a enfin quelqu'un qui va venir et qui va venir me soutenir à ces endroits-là qui sont tellement obscurs, qui sont tellement douloureux, qui sont aussi des endroits où je me sens tellement perdue. que j'ai peur d'exposer. J'ai vraiment peur d'apparaître à ces endroits-là parce que je trouve que parfois, je me sens complètement perché, que c'est feu qu'il y ait, des endroits, je pense, de vulnérabilité extrême que je n'ai pas l'habitude de montrer. Et dans son Oui, avec plaisir je sentais qu'il pouvait y avoir tout ça. Et ça, c'était génial que ça arrive dès la première séance, que je sentais que ça posait un socle vraiment fort entre nous deux.
- Speaker #0
et là en deux mois et demi si tu regardes ce qui s'est passé depuis ces endroits de vulnérabilité ce sujet de la séparation comment ça se passe avec elles, est-ce que tu les ouvres ?
- Speaker #1
on prend le temps, ça c'est sûr c'est vraiment un rythme qui est doux je vois qu'elle rencontre en contact avec moi avec beaucoup de précautions hum et en même temps ce qu'on a pu voir là parce qu'en fait je sors donc du coup d'une séance de thérapie c'est à quel point moi je mets du temps à faire confiance et que ça en est douloureux de mettre autant de temps à faire confiance à quelqu'un mais que voilà je me suis construite comme ça que j'ai appris à faire seule et qu'il y a peut-être même un intérêt pour moi aujourd'hui à faire seule et du coup difficile de changer un peu ce paradigme hum Tout à l'heure, elle me nommait qu'on était des compagnones de route. Et j'ai adoré ce compagnon de route. Je nous voyais vraiment sur un chemin toutes les deux, dans une quête dont on ne savait pas très bien quoi. Mais je voyais qu'elle imitait vraiment du sens, qu'elle était très engagée dans la relation, qu'elle n'allait pas me lâcher. Et que même peut-être elle voyait des trucs que je ne voyais pas. Donc ça ne faisait pas encore complètement sens pour moi. Et... et donc du coup je sens que ça va prendre du temps et c'est pour ça que je suis contente de l'avoir régulièrement toutes les semaines parce que je pense que mon rythme à moi c'est vraiment le temps long mais à la fois je me sens en confiance je sens que c'est chaud entre nous je sens que ça se passe bien qu'on est bien ensemble, qu'on est contentes de travailler ensemble et puis elle me le dit aussi il n'y a pas que moi qui le sens euh donc il y a à la fois un socle de confiance et en même temps il y a un truc du chez moi je ne lâche pas et je sais pas ce que c'est et je sais pas pourquoi, je sais pas comment et c'est ça qui est douloureux qui est hyper douloureux mais voilà je me sens moins seule à cet endroit là
- Speaker #0
Tu disais que tu avais eu d'autres psy.
- Speaker #1
Ouais.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux nous raconter tes épisodes thérapeutiques ? Peut-être la première fois,
- Speaker #1
et puis aussi les différents temps où tu es allée chez le psy dans ta vie. La première fois, je ne m'en souviens pas, j'avais 8 ans. Ça a été une séance one-shot, je ne suis jamais retournée. Je pense que c'est surtout mes parents qui avaient besoin de se rassurer quelque part. et je pense qu'ils ont entendu ce qu'ils avaient besoin d'entendre et pas forcément ce que la psy leur a dit. Et donc j'ai vraiment commencé la thérapie quand j'avais 16 ans. Ça fait suite à... Je faisais un voyage scolaire en Grèce et il y avait une copine de ma classe qui nous avait dit qu'elle savait analyser les rêves. Et justement, pendant ce voyage, j'avais fait un rêve assez incroyable. J'étais sur une moto, la moto d'un copain, j'avais pas de casque et je roulais dans la ville et en fait je ne savais pas quoi faire de cette moto, je ne pouvais pas l'emmener chez mes parents, je ne pouvais pas l'emmener chez mes copines, je ne savais pas quoi faire de cette moto, j'étais hyper emmerdée. Et cette amie décrypte mon rêve comme j'ai un gros secret et je sais pas quoi en faire. Et là, pour moi, c'est l'effondrement. C'est l'effondrement, parce qu'en effet, j'ai un gros secret. J'ai un gros secret, c'est que je me suis fait violer quand j'avais 8 ans. C'est pas le secret que j'ai gardé seule pour moi, dans le sens où j'en ai tout de suite parlé à mes parents, la police a été mêlée, il y a eu tout le classique d'une affaire pédocriminelle qui a été lancée. Sauf que suite à ça, j'ai imposé le silence à mes parents. Du haut de mes 8 ans, j'ai dit à mes parents, on n'en parle plus, c'est fini. J'avais une espèce de conviction intérieure que je ne voulais pas que cette histoire ait un quelconque impact sur ma vie, et surtout sur ma sexualité. Et mes parents ont respecté ce choix-là. Et donc du coup, de mes 8 à 16 ans, il ne s'est absolument plus rien passé. Ça n'a plus jamais été nommé. Et donc à 16 ans, je fais ce rêve, j'en parle à Inamine. et là ouais comme je te dis c'est l'effondrement de me dire ah bah en fait ça a peut-être un impact et bizarrement quand je reviens de ce voyage scolaire ma mère remet le sujet sur le tapis en mode est-ce que tu voudrais consulter quelqu'un avant même que je lui parle de mon rêve et de mon souhait de consulter quelqu'un donc une très belle synchronicité et j'ai commencé à consulter un pédopsychologue Michel que j'aime fort Michel que je suis très très reconnaissante j'ai dû le voir pendant 4 ans beaucoup de douceur, beaucoup d'accueil, beaucoup de soutien. Et avec lui, on a pu mettre ensemble l'idée que ce qui m'était arrivé, ce n'était pas de la sexualité, en fait. Et donc, du coup, que je pouvais vivre autre chose, parce qu'en plus, à 16 ans, c'était l'âge où je commençais à avoir mes premiers rapports sexuels. Et vraiment, de pouvoir faire une différence entre les deux. Et j'ai l'impression que c'est quelque chose qui a marché. Que c'est possible. Je suis retournée le voir, je crois, il y a cinq, six ans. C'était au moment où il se faisait médailler de je ne sais pas trop quoi dans sa pratique. Et je venais juste le remercier de ce qu'il avait fait avec moi. Il m'a transmis mon dossier, d'ailleurs. C'est le truc orange que je n'ai jamais ouvert depuis. Mais j'ai eu envie de le prendre avec moi et un jour peut-être de le reparcourir. Non, c'est hyper bizarre. Je dois l'avoir depuis 4-5 ans et je ne l'ai jamais rouvert. Avec lui, on a lu la première et la dernière phrase. Mais je ne sais pas. Je crois que j'avais envie de l'avoir avec moi et puis on verra si un jour j'ai besoin de le parcourir.
- Speaker #0
Finalement, elle a bien voulu me lire la première phrase de ce dossier orange.
- Speaker #1
J'introduis en séance en disant dans quel lycée je suis. Je suis en seconde. Je parle de mon petit frère et je lui raconte pourquoi je suis là. Je me suis fait agresser quand j'avais 7-8 ans, en 93. J'ai beaucoup oublié et j'ai déménagé. Là, c'est revenu à Pâques. Je ne supporte pas. J'ai du mal à me retrouver dans la rue avec un homme. J'ai des difficultés à en parler. Et là, c'est la première fois que j'en parle avec un homme.
- Speaker #0
À ce moment-là, ton psy te conseille des livres, des films à regarder pour que ça t'aide ?
- Speaker #1
Oui, il y a bien un bouquin qui m'a plus marquée que les autres. Il ne m'avait pas été conseillé par un thérapeute. D'ailleurs, j'ai un peu du mal à lire les livres que me conseillent mes thérapeutes. C'est ma maman qui me l'avait offert. C'est La petite fille sur la banquise d'Adèle Haïtbon. C'était assez fou, j'avais à peine commencé à lire quelques lignes que je m'étais saisie d'un stylo et que j'avais commencé à noter les passages qui vibraient très fort en moi. C'est un livre qui parle d'abus et il y a cette image des méduses qui viennent nous hanter, nous emmener, nous ramener toujours dans le passé. Cette image des méduses, ça m'avait beaucoup parlé. Elle ne sent pas les méduses s'immiscer en elle ce jour-là. Elle ne sent pas les longs tentacules transparents la pénétrer. Elle ne sait pas que leurs filaments vont l'entraîner peu à peu dans une histoire qui n'est pas la sienne, qui ne la concerne pas. Elle ne sait pas qu'ils vont la déporter de sa route, l'attirer vers des profondeurs désertes et inhospitalières, entraver jusqu'au moindre de ses pas. La faire douter de ses points, rétrécir année après année le monde qui l'entoure à une petite poche d'air sans issue. Elle ne sait pas que désormais elle est en guerre et que l'armée ennemie habite en elle. Personne ne la prévient, personne ne lui explique, le monde s'est tué. Les années passeront, ils oublieront ce dimanche ensoleillé du mois de mai, ou plutôt, ils n'en parleront pas. Elle non plus, elle n'y pensera plus.
- Speaker #0
Après le soutien de Michel à l'adolescence, Charlène me raconte comment, alors qu'elle vit une séparation compliquée, elle découvre des stages de développement personnel.
- Speaker #1
Là où ça a vraiment commencé à dégommer pour moi, c'est quand j'ai fait mon premier groupe de thérapie. On venait de faire des exercices par deux, une petite expérimentation, on s'était retrouvés en cercle, on était un groupe de 25 personnes j'imagine, j'étais la plus jeune je pense. et c'est un moment de feedback d'écoute de qu'est-ce qui s'est passé pour soi etc et moi je ne l'ouvre pas parce que franchement je suis dans ma douleur personne ne me parle et là il s'adresse à moi et il me dit et la petite nouvelle elle a quelque chose à dire, qu'est-ce que j'ai détesté la petite nouvelle, vraiment c'est de m'être insupportable et je pense qu'il a fait exprès, il venait vraiment me chercher dans mes retranchements et alors moi je dis non j'ai rien à dire et puis j'ai pas envie de parler comme ça devant tout le monde j'ai rien demandé, pendant en mode ado 16 ans et il me dit non mais t'es venu pour quelque chose c'est peut-être pour travailler sur toi t'as fait confiance à ta cousine qui est là, qui est avec toi peut-être que tu veux déposer un truc non je veux qu'on me foute la paix, j'ai envie de rien et il me dit bah ok bah viens me voir et viens me dire non, alors je me lève on était tous assis en serre, je me lève je me mets face à lui et il me dit bah dis-moi non je dis bah dis-moi non, comment ça ? il me dit bah tu me dis juste non alors je dis non il me dit bah ok, bah maintenant tu fais le tour et tu vas dire non à chacun des participants Et là, c'était dur. Émotionnellement, c'était vraiment chargé d'aller dire non. Et en même temps, ça correspondait tellement à mon énergie d'aller tout vous faire foutre. Moi, j'ai envie de vous dire non. Et donc, c'était à la fois douloureux et bon à faire. Face à ma cousine, quand je me suis retrouvée face à elle, c'était dur. Et je me retrouve face à lui, de nouveau. Il me dit, c'est bien, maintenant, dis oui. Et je dis, oui à quoi ? Il me dit, dis oui à qui tu es, à la femme que tu es, à ce que tu veux dans ta vie, tu dis oui. et donc pareil j'ai fait mon tour à dire oui et vraiment avec beaucoup d'émotion il y avait plein de larmes et je me retrouve de nouveau face à lui, il m'a dit maintenant tu peux être à soi et là il s'est passé un truc, je sais pas ce qui s'est passé mais c'était un stage qui durait genre 5 jours et on était à J2 et il y a un truc que j'avais lâché, il y avait de la joie qui pouvait revenir, les gens me disaient que vraiment j'avais pas le même visage je pouvais enfin rentrer en contact avec les autres là où c'était pas possible avant et la suite de ma vie des jours, semaines qui ont suivi, il y avait un truc, j'avais un point en moins sur les épaules, je ne sais pas pourquoi
- Speaker #0
Et après ça a continué combien de temps avec ce groupe là ? C'était un groupe continu qui vous retrouviez ?
- Speaker #1
Non, c'était pas continu, c'était des stages qui étaient à thème et tu venais si t'avais envie d'y aller et c'est vrai que j'y suis allée 3-4 fois par an pendant 14 ans quoi Ouais C'était quelqu'un qui travaille beaucoup sur l'émotionnel, le corporel, l'enfant intérieur. Il aime bien travailler sur les besoins de l'enfant, sur tout ce que l'enfant n'a pas été reconnu, aimé, choyé quand il était petit, et d'essayer de réempuissancer l'adulte malgré ça. C'est un travail comme ça, d'aller vraiment dans l'exploration de tout ce qui a pu être douloureux, à la fois dans la tristesse, dans la colère, de pouvoir l'exprimer, s'autoriser à exprimer la colère. parce que pour lui, vraiment, on ne peut pas aimer si on est bardé de toutes ces émotions-là. Et j'ai même fait un stage une fois avec ma mère dans ce groupe-là. Ça a été un des stages les plus durs de ma vie. Je ne suis pas sûre de recommencer.
- Speaker #0
Tu peux raconter ?
- Speaker #1
C'était l'enfer. Déjà, je me suis pétée deux côtes avant d'y aller. Je pense qu'il y avait un espèce de truc à l'endroit de la culpabilité. J'ai un rapport qui n'est pas facile avec ma maman, dans le sens où je suis hyper exigeante avec elle, hyper dure. Je dois projeter l'image de la mère parfaite, que malheureusement elle n'est pas. Et du coup, je ne laisse vraiment rien passer. Même encore aujourd'hui, je vois comment je suis exigeante. Et du coup, je pense que l'intention était vraiment chouette de faire un stage avec elle, sauf que... J'étais pas prête, enfin je sais pas si je pourrais être prête un jour, mais... Comment dire ? Moi je m'attendais pas à ce que ça soit si dur, et donc du coup je me suis renfermée comme une huître, d'où les deux côtes pétées juste avant. Non mais j'avais de la fièvre, j'étais vraiment dans le mal absolu pendant ce stage. Mais par contre, ça a été intéressant, parce que ça a vraiment été l'occasion pour moi de lui dire plein de trucs de façon hyper crue, de ce que j'ai souffert, de pouvoir le faire avec une tierce personne. et je trouve qu'elle a vraiment été admirable parce qu'elle a encaissé, encaissé, encaissé et surtout c'est notre relation qui a changé après pendant 2-3 mois après ça a encore été très difficile et puis d'un coup il y a un truc qui s'est libéré comme si on avait un peu le même langage et comme si, parce que le thérapeute me l'a beaucoup valorisé ma mère à 65 piges qui fait ce genre de stage avec moi c'est sacrément courageux parce que tout le monde ne venait pas avec un parent vous étiez toutes seules à faire le stage oui oui Et de reconnaître chez ma mère en effet ce courage et cette volonté de se remettre en question et d'interroger. Et vraiment, je trouve ça hyper beau.
- Speaker #0
Après les stages, Charlène intègre un groupe de thérapie continue qu'elle retrouve tous les mois. Elle nous décrit son fonctionnement et comment le groupe la soutient pour mieux se connaître et s'accepter.
- Speaker #1
La formule que j'avais choisie, c'était sur deux jours, le week-end. On est un groupe de 12 max autour du thérapeute. Moi, c'était un homme, vraiment pioché au hasard. Et on se retrouve, on fait généralement un petit tour de météo, savoir comment chacun arrive, comment il va. Et après, le thérapeute propose de travailler avec une personne pendant 40 minutes devant le reste du groupe. et au bout des 40 minutes si on le souhaite on peut et si la personne qui a fait le travail le souhaite on peut lui faire un feedback c'est-à-dire qu'est-ce qu'on a ressenti à l'occasion de son travail et aussi pendant ces week-ends il peut y avoir des expérimentations de groupe à l'initiative du thérapeute autour de ça peut être d'expérimenter le consentement d'expérimenter la danse c'est vraiment de vivre des choses et de voir à chaque instant ce que ça nous fait ça peut être plus dans le toucher je me rappelle l'année dernière il nous avait proposé d'écrire notre lettre au Père Noël c'était hyper cool ce qu'il aime bien aussi c'est faire des bilans régulièrement et donc du coup après de poser ce bilan devant les autres, qu'est-ce que ça te fait ou prendre des engagements pareil devant le groupe je me rappelle d'une expérimentation qui nous avait pas mal marqué, on avait trois papiers devant nous, il y en a un où on devait écrire notre plus grosse honte notre fantasme, et le troisième, je ne sais plus. Et l'idée, c'était qu'après, tous ces papiers étaient mis dans le pot commun, on les piochait au hasard, et on devait lire la plus grosse honte ou le plus grand fantasme de quelqu'un d'autre. Et qu'est-ce que ça nous fait de lire ce fantasme ou la plus grosse honte, et qu'est-ce que ça nous fait d'entendre quelqu'un dire notre fantasme ou notre plus grosse honte ? Et voilà, c'est juste qu'est-ce que ça nous fait vivre à chaque instant. Moi, je me rappelle, à ce moment-là, ça m'avait fait vivre du voyeurisme à fond. Parce que ce n'est pas quelque chose qui m'avait été confié à moi.
- Speaker #0
du coup je m'étais sentie très voyeuse et quand quelqu'un avait lu ta honte ou ton fantasme ouais je pense que j'avais eu je sais pas si j'avais rougi mais ouais j'avais eu un coup de chaud je crois,
- Speaker #1
j'ai eu un petit coup de chaud et surtout ce qui était intéressant moi je pense que là le fantasme je l'avais pas totalement exploité je pense qu'il y a encore des zones où je peux aller explorer Non, moi, ça avait été la plus grosse honte où vraiment, elle est très identifiée chez moi et où je n'en parle pas du tout. Et que ça puisse être déposé, que ça puisse être dit, je crois que ça m'avait fait du bien.
- Speaker #0
Sur le fantasme, qu'est-ce que tu veux dire ? Je ne l'ai pas vraiment exploité.
- Speaker #1
Parce qu'il y a beaucoup de pudeur pour moi dans la sexualité et de mémoire, j'avais dû mettre un truc mignon, gentil. Le sujet de la sexualité, je pense que je peux l'explorer. Mais je n'ai jamais trouvé encore de thérapeute avec qui me bosser. Peut-être avec cette nouvelle-là.
- Speaker #0
C'était ma question. C'est un sujet que tu as abordé en thérapie déjà ?
- Speaker #1
C'est vrai que je l'ai pas mal abordé sous l'angle du viol de l'agression. Donc c'est quand même assez particulier. Je n'y suis jamais rentrée par la porte du fantasme, de la libido. Je crois que ça se bande à l'idée du consentement chez moi. Qui est toujours un sujet qui est délicat. et de la contrainte. Tu vois, je n'ai pas exploré la sexualité sous l'angle du lâcher-prise, de la liberté, du s'autoriser. Ça, je pense que j'ai de quoi faire.
- Speaker #0
Charlène a vécu beaucoup d'expériences thérapeutiques en solitaire, mais elle a eu aussi l'envie de vivre la thérapie à deux et d'en faire bénéficier son couple. Elle nous raconte.
- Speaker #1
J'aime beaucoup l'idée d'aller consulter en couple avant que ce soit trop tard, mais même bien avant que ce soit trop tard. Je m'interroge si on ne devrait pas...
- Speaker #0
Non, je ne m'interroge pas. Je suis convaincue qu'on devrait plus souvent travailler en couple d'un point de vue thérapeutique. Dès que ça commence un petit peu à frotter, puis ça peut être à l'occasion d'un stage, pas forcément d'aller consulter, mais d'aller explorer en fait en couple certains sujets. Moi, j'y suis allée pour la première fois au bout de, je pense, deux ans ou deux ans et demi de relation. Parce que voilà, ça frottait, même si on communiquait beaucoup, il y avait des endroits où on n'arrivait pas à dépasser, on était bloqués.
- Speaker #1
C'était un stage ou une thérapie de couple ?
- Speaker #0
C'était une thérapie de couple. C'était intéressant. C'était vraiment intéressant, mais on a eu beau faire quand même dix séances, ce qui est assez rare. Apparemment, en général, on en fait moins. Les couples se séparent avant. Nous, on ne s'est pas du tout séparés à ce moment-là. Mais je pense qu'on a mis beaucoup de temps à attraper le sujet. Et une fois qu'il était attrapé, qu'il y avait enfin de la lumière dessus, c'est à ce moment-là qu'on a arrêté. Et ce n'était pas tant à notre initiative, c'était aussi à la sienne. Après, le contact ne passait pas très bien entre mon copain et la thérapeute. Il y a ça aussi qui a joué dans la fin de la thérapie. Je pense que si ça avait mieux fonctionné, on aurait peut-être continué. Mais c'est comme si le fait de mettre la lumière sur le sujet, on se disait, tiens, on pourra le travailler par nous-mêmes. Ce qu'on a fait d'ailleurs, le sujet étant la sexualité, on l'a bossé ensemble, sans la thérapeute, et on a pu avancer, c'était vraiment intéressant.
- Speaker #1
Donc peut-être qu'en fait, c'était ça le besoin, c'était d'identifier.
- Speaker #0
De chargé, oui.
- Speaker #1
quand on dit on a bossé ensuite dessus ça veut dire quoi ?
- Speaker #0
ça veut dire qu'on a on a été beaucoup plus attentifs tous les deux sur comment on était dans la sexualité, qu'est-ce qui était bon, qu'est-ce qui était irritant de quoi on avait envie de quoi on avait besoin, de pouvoir poser plus de mots, et on a refait une thérapie de couple, pas avec la même personne parce que ça frottait avec avec la thérapeute on en a eu une autre on a dû faire six séances. Et l'objectif, ce n'était pas de nous séparer, mais c'est ce qui s'est produit à la fin. Mais je crois que si, en fait. Je crois qu'on a commencé cette thérapie parce que ça se passait beaucoup moins bien entre nous, qu'on avait du mal à s'en sortir. Et on se demandait, en effet, si on pouvait ou pas continuer ensemble. Je pense qu'on a accéléré le processus de séparation pendant cette thérapie. Et que finalement, on a fait quatre séances sur notre séparation. Mais peut-être que c'était un peu l'intention de départ, c'était de savoir où est-ce qu'on allait, que ce qui s'est produit, c'était que ça allait se terminer.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a des moments dans la thérapie pour toi qui ont été justement déterminants pour que cette séparation émerge ?
- Speaker #0
Très rapidement, la thérapeute a posé que... On parlait de plein de sujets, de sexualité, d'emménagement, de plein de choses, mais qu'il y a un sujet dont on ne parlait jamais, c'était le désir d'enfant, qui avait été posé au tout début de la thérapie, mais sur lequel on n'était pas revenu. Et pour elle, c'était quand même un espèce d'éléphant dans la pièce qu'on ne voyait pas, qu'on ne nommait pas, alors que c'était peut-être un sujet sur lequel on ne pouvait pas forcément attendre, du fait de mon âge avancé. Et je pense qu'à partir du moment où elle l'a posé... j'ai vu que moi ça faisait des années des mois, des années que je me réfrénais à l'endroit de ce désir d'enfant parce que je savais que chez mon compagnon il y avait un mur il y avait un blocage, il y avait un non et que je risquais de perdre la relation si j'affirmais trop mon désir d'enfant et donc à partir du moment où elle l'a posé pour moi il y avait l'idée de soit je l'assume soit je ne l'assume pas mais le plus drôle dans l'histoire c'est que je ne suis même pas du tout sûre de désirer un enfant
- Speaker #1
Tu désirais un enfant avec lui ?
- Speaker #0
Je désirais un enfant avec lui, mais en vrai, et c'est ça qui est intéressant aussi dans ce travail thérapeutique, c'est que le fait d'avoir pu poser mon désir d'enfant, qu'on se sépare, j'ai pu vraiment aller explorer mon désir d'enfant toute seule, parce que du coup, ce n'était plus avec lui, et de me dire, non, en fait, ce n'était pas un enfant que je voulais avec lui, j'avais un besoin d'exister, et le fait d'être mère à son contact, j'aurais pu avoir une place que je ne trouvais pas dans la relation. Et ça c'est hyper cool, il n'y a que le travail thérapeutique qui permet de voir ça.
- Speaker #1
Oui, comme si on pense que le problème se situe à un endroit, et qu'en fait en regardant, en exprimant, c'est ailleurs qu'il est.
- Speaker #0
il y avait des endroits où je ne me sentais pas du tout exister dans la relation et en fait j'ai pris mon désir d'enfant pour vraiment un combat pour me donner une place que je n'arrivais pas à avoir par ailleurs je me suis dit si je suis la mère de son enfant j'aurais cette place là il
- Speaker #1
y a un moment que tu retiens pendant cette thérapie ?
- Speaker #0
Première séance de thérapie avec la toute première thérapeute de couple. Elle nous a proposé de nous mettre en scène encore tous les deux. Et il y avait d'abord moi qui devais me statifier. Et je crois que l'intention, c'était peut-être comment on se sent dans le couple ou quelque chose comme ça. Et quand moi, je m'étais statifiée, je ne sais plus dans quelle position. Il y a mon ex qui est venue et qui m'a... Je ne sais plus, il m'a tellement englobée, enserrée, contrainte. C'est limite, il ne m'avait pas mis la main devant la bouche. J'exagère, ça n'a pas du tout été ça. Mais juste, je n'avais plus de place, je ne pouvais plus respirer. Il était sur mes pieds, il était à ma place. Pour moi, c'était, oui, je ne peux pas vivre comme ça dans mon couple. Il y a un moment donné...
- Speaker #1
Déjà, dès la première séance, tu n'avais pas de place.
- Speaker #0
Oui, le sujet de la place, c'est toujours... C'est un sujet de longue date. Mais voilà. En fait j'ai trouvé ça hyper intéressant de le mettre en corps, de le mettre en scène pour que ça soit si visuel. Il y a eu ce moment-là qui a été très chouette. Pareil dans une autre expérimentation dans le corps, la deuxième thérapeute au moment où on s'est séparé nous a proposé qu'on mette dans le corps cette séparation. C'est-à-dire que nous ce qu'on a fait du coup c'était de se rapprocher, de se mettre les bras dans les bras l'un de l'autre et de se détacher au fur et à mesure et de le vivre instant par instant, centimètre par centimètre, qu'est-ce que ça fait de se décoller. Et c'était intéressant de voir comme moi, l'expérimentation n'avait pas commencé, que j'étais déjà en larmes. Et lui, pas du tout. Non, lui, il était dans la joie. Il était heureux de tout ce qu'on avait vécu ensemble. Ça a montré qu'on n'en était pas du tout au même endroit dans le chemin de la séparation.
- Speaker #1
Et lui, tu penses qu'il a vécu comment cette thérapie ? Tu le sais ou pas ? Tu lui as posé la question ?
- Speaker #0
Je crois qu'il est reconnaissant de ce travail.
- Speaker #1
C'est toi qui l'avais proposé ?
- Speaker #0
C'est moi qui ai proposé, mais il a toujours été partant pour faire ça. Je crois qu'il est reconnaissant d'ouvrir ces espaces qu'il n'aurait pas pu ouvrir seul. C'est vraiment la thérapie de couple qui lui a permis d'aller consulter lui en individuel. ce qu'il n'avait jamais fait avant et je crois qu'il est aussi reconnaissant de se séparer de cette façon-là parce que du coup on a fait quatre séances sur la séparation à se dire ce qu'on avait besoin de se dire avant de se séparer et ça change de ces séparations où on claque la porte on se dit au revoir et on ne se donne plus jamais de nouvelles et vraiment ça nous a permis de mettre du doux, du beau, de la reconnaissance des excuses, du pardon enfin il y avait vraiment il y a eu... et plein de tristesse aussi, surtout. Mais je crois qu'il est reconnaissant de ça.
- Speaker #1
Finalement, comment toutes ces années de thérapie ont-elles modifié Charlène ? Ça a servi à quoi, tous ces psys, toutes ces séances, toutes ces questions et ces heures passées à regarder à l'intérieur de soi ?
- Speaker #0
Il y a beaucoup moins de honte par rapport à ce que je vis et ce que je ressens, parce que je vois que ça fait souvent miroir chez les autres, et que les autres vivent les mêmes choses. Et donc du coup, il y a beaucoup plus m'autoriser à m'exposer, à dire qui je suis, à ce que je vis. Ça, c'est nouveau. Dans le soutien, avoir du soutien, j'en ai pas parlé, mais du soutien dans le groupe de thérapie, de réussir à vivre le soutien dans le groupe, et de réussir à le déporter dans ma vie de tous les jours, et d'aller chercher ce soutien-là. D'aller chercher des bras pour aller pleurer pendant une heure, parce qu'en fait, j'ai juste besoin de ça. Et maintenant, on veut vraiment m'autoriser à demander ces bras. Et en fait, les gens, ils sont ravis. Et ça, c'est vraiment du nouveau. Oser exprimer ma colère. Oser dire que je suis en colère et l'exprimer fort. Ça, c'est du nouveau aussi, parce que ce n'était pas possible pour moi d'exprimer la colère. Et peut-être même d'en être fière de cette colère. Elle a le droit d'exister. ça m'a permis d'être... Moi, je pense que je reste toujours très exigeante, mais beaucoup plus dans l'accueil de ce que vivent les autres. Parce que je suis plus à l'écoute de moi. Je pense que je peux imaginer plus facilement ce qui peut se passer chez les autres. Et du coup, d'être... Ouais, si, moins exigeante quand même. Un truc d'un peu plus chaud à cet endroit-là. En fait, le travail thérapeutique, c'est quand même particulier de faire ça, dans le sens où on va aller remuer, on va aller bousculer, on va aller fouiller des endroits qui sont quand même très douloureux, et en même temps, c'est le seul endroit où on peut faire ça. il y a un truc d'évidence de si je ne le fais pas en thérapie avec quelqu'un, je vais me retrouver toute seule. Je vais mettre un gros couvercle sur ma marmite et je vais trébucher. Je crois que j'avais besoin de me l'entendre dire sans doute.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
Merci Alex.
- Speaker #1
Merci pour votre écoute du podcast Je vois quelqu'un. N'hésitez pas à partager cet épisode s'il vous a interpellé ou intéressé. Si vous avez envie de témoigner aussi, n'hésitez pas à me contacter. Vos partages peuvent inspirer des envies, autoriser à se faire aider, soutenir, avoir quelqu'un pour traverser les escales de l'existence. A bientôt.