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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
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Super connasse est sortie ! Samedi 23 décembre 2017 Est-ce que vous savez ce que c'est d'avoir ces piqûres de rappel chaque jour que la vie fait depuis que Cléa est morte ? C'est ce que j'ai envie d'hurler à la terre entière. Ça me révolte. Il y a des gens que tu croises, qui ont ce regard de pitié, et ceux que tu n'as pas vus depuis longtemps, qui ne savent pas. Comment vont tes enfants ? Et Cléa ? Ta gueule ! Je vais me transformer et déverser toute la colère que j'ai en moi depuis 4 mois et demi sur toi si tu ne fermes pas ta bouche. Puis il y a les courriers administratifs. Tu ouvres ta boîte aux lettres et tu lis un courrier du conseil régional, comme quoi j'ai fait une carte de bus pour ma fille en juillet, et qu'il n'a aucune trace de sa scolarité. Veuillez nous envoyer un certificat de scolarité dans les plus brefs délais. Si nous ne recevons aucune réponse de votre part d'ici 15 jours, nous serons dans l'obligation d'annuler ce titre de transport. Bon. Je vais peut-être envoyer un certificat de décès, ça les calmera. Mais bordel, ma fille est morte. Vous ne le savez pas, ce n'est pas de votre faute, mais j'en veux au système entier qui, après le décès d'un proche, te demande de remplir des dossiers, d'envoyer des pièces justificatives, de passer des heures au téléphone ou sur ta boîte mail pour prouver le décès alors que tu as tellement de choses dans ta tête, dans ton corps. Tellement de choses à vivre, à faire, ou pas d'ailleurs. Pourquoi n'existe-t-il pas un service spécifique pour les décès qui transmettrait toute la paperasse que tu envoies qu'une seule fois ? Ce serait tellement moins violent. C'est violent et ça te met en transe. Ça me révulse et je deviens une personne abjecte qui vomit sa colère. La mutuelle, parlons-en. J'ai envoyé l'acte de décès et la facture des pompes funèbres début septembre pour la résilier. Octobre, pas de nouvelles. Je téléphone. Nous n'avons plus les traces justificatives. Veuillez nous renvoyer tout cela par mail et nous traiterons notre dossier dans les plus brefs délais. Novembre, même topo. Et cerise sur le gâteau, je reçois la carte de mutuelle avec le nom de Cléa dessus. Quel claque. Mais quel claque, quelle violence. Alors je me pars de ma cape de super connasse. Je téléphone en mode sans filtre et balance ma colère. Je reprends point par point. Ressors tous les mails envoyés il y a des mois, date par date. Et sinon, vous croyez que j'ai que ça à faire ? À vous harceler au téléphone ou par mail pour que finalement vous puissiez faire votre travail correctement ? Parce que là, j'avoue que c'est quand même de l'incompétence. Début décembre, après le déménagement, même schéma. Waouh ! Mais que c'est merveilleux ! Qu'est-ce que j'aime faire ma connasse ! Allez, c'est parti ! Je téléphone et pousse un degré au-dessus en leur expliquant un nouveau concept. Comment faire payer une mutuelle aux morts ? Finalité, votre dossier est réglé. Laissez-nous juste le temps pour que tout soit clair. Voilà, ça, c'est fait. Je n'ose plus vérifier de peur. de me reprendre cette claque qui me met KO tout le reste de la journée. Ce matin, au réveil, j'ai lu tous les messages de Cathy et Valou sur notre groupe. Un rituel bien ancré depuis des mois. Nous nous réveillons, discutons, nous envoyons des photos, des musiques, des liens d'émission sur tout thème de la vie. Pendant mon petit déjeuner, j'écoute une émission sur France Culture qui date de juillet 2015 qu'une maman avait posté sur son blog, intitulée Comment survivre à la mort de son enfant Rien que le titre me sidère. Petite phrase qui lance cette émission et qui est tellement juste. Laeti avait dit cela avec ces mots quelques jours après le décès de Cléa. Lorsque l'on perd ses parents, on devient orphelin. Lorsque l'on perd son épouse, son époux, on devient veuf. Mais lorsque l'on perd son enfant, on est même en peine pour nommer sa condition. Quelle réalité fracassante ! Malgré tout, cette émission me fait du bien. Entendre parler un homme, auteur et papa d'une petite fille décédée d'un cancer, et une femme, impliquée dans l'association Apprivoiser le manque et maman d'un adolescent de 17 ans décédé d'un cancer. Leurs mots sont tellement justes. Oui, ils savent. Ils savent ce que c'est. Ils comprennent. Ils ont eu les mêmes réactions, du moins une partie, face à ce cataclysme. J'écoute. Approuve. Laisse passer toute émotion et pensée. Quel soulagement. Ça y est, je suis prête. Prête à lire des livres sur la mort de son enfant. Pas le deuil, parce que je ne le ferai jamais. Du moins pas ce putain de deuil que la société, certaines personnes autour de toi te demandent de faire. Composer, oui. Et vivre. Vivre. Mais j'ai besoin de lire, d'ingurgiter, d'écouter pour comprendre. Comprendre qui je suis, me trouver, savoir si je ne suis pas complètement folle. Je suis prête à me rapprocher d'une association avec des groupes de paroles et d'être face à des parents qui ont vécu ou vivent ce parcours. Voilà. Il est midi. Je suis sur ma terrasse face aux Pelvoux, la Blanche,l'Aiglière ,Je savoure ces rayons du soleil qui réchauffent un peu ma peau, mon corps et mon cœur. J'apprécie cette magnifique vue. Cette tranquillité, cette forme de sérénité du moment présent. Et en même temps, mon cœur saigne. Une hémorragie permanente qui me vide littéralement. En bruit de fond, Damien Rice. Parce qu'avec CLéa, nous écoutions cette artiste quand nous avions besoin de pleurer ensemble sans se donner les vraies raisons de nos tristesses. Juste pleurer. Se permettre de craquer. Et nous nous disions à la fin, c'est ce chanteur, sa voix, les émotions qui s'en dégagent qui nous font pleurer. Par fierté, par pudeur, par protection, on s'en fiche. C'était un magnifique rituel au milieu de mille autres. Il y a un an, on faisait notre première visite post-greffe en HDJ. Que c'était bon d'entendre, ça va bien, la greffe tient. Laissons du temps. Soyez vigilantes, soyez rigoureuses avec le protocole que nous avons mis en place. Suivez tout à la lettre et laissons cette chimère se faire à sa nouvelle moelle. Attendons la GVH tout doucement pour qu'elle fasse sa part du travail. Et cerise sur le gâteau, passez Noël tous les trois. Nous nous revoyons deux fois par semaine au lieu de trois la semaine prochaine. Youhou ! Joyeux Noël les filles ! Venez, je vous embrasse et vous fais un énorme... câlin. Je retiens ce regard d'espoir de ma guerrière. Cette bataille belle et bien gagnée sur le moment. C'est fou. C'est fou comme dans les pires moments, même quand tu es face au corps médical qui te sort un discours et ou un diagnostic bien foireux ,de mauvais résultats, T'annonce sa mort imminente. Tu balances. Tu balances tout cela dans un coin de ta tête et tu gardes avant tout en toi cette espérance totale. Je me demande encore et toujours, si nous avions perdu espoir dès le deuxième jour de son hospitalisation, à chaque coma, à chaque annonce de sa mort, de septicémie, d'effets secondaires à la chimiothérapie qui a entraîné des dommages neurologiques graves, et pas que cela, à l'annonce de ses maladies génétiques, à l'impuissance des médecins. Oui, oui, oui, si nous avions perdu espoir, est-ce que le parcours de Cléa aurait été différent ? Aurait-il été si long et si court en même temps ? Est-ce que Cléa aurait fait autant mentir les médecins sur son pronostic vital ? Est-ce que ma coccinelle aurait fait autant la nique à la maladie ? Je n'ai pas les réponses. Mais par contre, ce que je sais, c'est que cet espoir peut déplacer des montagnes et reste un élément principal qui te permet de tenir debout. D'avancer face à cette épreuve, oui, oui, oui, oui c'est ça. Non. C'est pas grave. On est tous les deux. On est tous les deux.
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Je vais peut-être envoyer un certificat de décès, ça les calmera. Mais bordel, ma fille est morte. Vous ne le savez pas, ce n'est pas de votre faute, mais j'en veux au système entier qui, après le décès d'un proche, te demande de remplir des dossiers, d'envoyer des pièces justificatives, de passer des heures au téléphone ou sur ta boîte mail pour prouver le décès alors que tu as tellement de choses dans ta tête, dans ton corps. Tellement de choses à vivre, à faire, ou pas d'ailleurs. Pourquoi n'existe-t-il pas un service spécifique pour les décès qui transmettrait toute la paperasse que tu envoies qu'une seule fois ? Ce serait tellement moins violent. C'est violent et ça te met en transe. Ça me révulse et je deviens une personne abjecte qui vomit sa colère. La mutuelle, parlons-en. J'ai envoyé l'acte de décès et la facture des pompes funèbres début septembre pour la résilier. Octobre, pas de nouvelles. Je téléphone. Nous n'avons plus les traces justificatives. Veuillez nous renvoyer tout cela par mail et nous traiterons notre dossier dans les plus brefs délais. Novembre, même topo. Et cerise sur le gâteau, je reçois la carte de mutuelle avec le nom de Cléa dessus. Quel claque. Mais quel claque, quelle violence. Alors je me pars de ma cape de super connasse. Je téléphone en mode sans filtre et balance ma colère. Je reprends point par point. Ressors tous les mails envoyés il y a des mois, date par date. Et sinon, vous croyez que j'ai que ça à faire ? À vous harceler au téléphone ou par mail pour que finalement vous puissiez faire votre travail correctement ? Parce que là, j'avoue que c'est quand même de l'incompétence. Début décembre, après le déménagement, même schéma. Waouh ! Mais que c'est merveilleux ! Qu'est-ce que j'aime faire ma connasse ! Allez, c'est parti ! Je téléphone et pousse un degré au-dessus en leur expliquant un nouveau concept. Comment faire payer une mutuelle aux morts ? Finalité, votre dossier est réglé. Laissez-nous juste le temps pour que tout soit clair. Voilà, ça, c'est fait. Je n'ose plus vérifier de peur. de me reprendre cette claque qui me met KO tout le reste de la journée. Ce matin, au réveil, j'ai lu tous les messages de Cathy et Valou sur notre groupe. Un rituel bien ancré depuis des mois. Nous nous réveillons, discutons, nous envoyons des photos, des musiques, des liens d'émission sur tout thème de la vie. Pendant mon petit déjeuner, j'écoute une émission sur France Culture qui date de juillet 2015 qu'une maman avait posté sur son blog, intitulée Comment survivre à la mort de son enfant Rien que le titre me sidère. Petite phrase qui lance cette émission et qui est tellement juste. Laeti avait dit cela avec ces mots quelques jours après le décès de Cléa. Lorsque l'on perd ses parents, on devient orphelin. Lorsque l'on perd son épouse, son époux, on devient veuf. Mais lorsque l'on perd son enfant, on est même en peine pour nommer sa condition. Quelle réalité fracassante ! Malgré tout, cette émission me fait du bien. Entendre parler un homme, auteur et papa d'une petite fille décédée d'un cancer, et une femme, impliquée dans l'association Apprivoiser le manque et maman d'un adolescent de 17 ans décédé d'un cancer. Leurs mots sont tellement justes. Oui, ils savent. Ils savent ce que c'est. Ils comprennent. Ils ont eu les mêmes réactions, du moins une partie, face à ce cataclysme. J'écoute. Approuve. Laisse passer toute émotion et pensée. Quel soulagement. Ça y est, je suis prête. Prête à lire des livres sur la mort de son enfant. Pas le deuil, parce que je ne le ferai jamais. Du moins pas ce putain de deuil que la société, certaines personnes autour de toi te demandent de faire. Composer, oui. Et vivre. Vivre. Mais j'ai besoin de lire, d'ingurgiter, d'écouter pour comprendre. Comprendre qui je suis, me trouver, savoir si je ne suis pas complètement folle. Je suis prête à me rapprocher d'une association avec des groupes de paroles et d'être face à des parents qui ont vécu ou vivent ce parcours. Voilà. Il est midi. Je suis sur ma terrasse face aux Pelvoux, la Blanche,l'Aiglière ,Je savoure ces rayons du soleil qui réchauffent un peu ma peau, mon corps et mon cœur. J'apprécie cette magnifique vue. Cette tranquillité, cette forme de sérénité du moment présent. Et en même temps, mon cœur saigne. Une hémorragie permanente qui me vide littéralement. En bruit de fond, Damien Rice. Parce qu'avec CLéa, nous écoutions cette artiste quand nous avions besoin de pleurer ensemble sans se donner les vraies raisons de nos tristesses. Juste pleurer. Se permettre de craquer. Et nous nous disions à la fin, c'est ce chanteur, sa voix, les émotions qui s'en dégagent qui nous font pleurer. Par fierté, par pudeur, par protection, on s'en fiche. C'était un magnifique rituel au milieu de mille autres. Il y a un an, on faisait notre première visite post-greffe en HDJ. Que c'était bon d'entendre, ça va bien, la greffe tient. Laissons du temps. Soyez vigilantes, soyez rigoureuses avec le protocole que nous avons mis en place. Suivez tout à la lettre et laissons cette chimère se faire à sa nouvelle moelle. Attendons la GVH tout doucement pour qu'elle fasse sa part du travail. Et cerise sur le gâteau, passez Noël tous les trois. Nous nous revoyons deux fois par semaine au lieu de trois la semaine prochaine. Youhou ! Joyeux Noël les filles ! Venez, je vous embrasse et vous fais un énorme... câlin. Je retiens ce regard d'espoir de ma guerrière. Cette bataille belle et bien gagnée sur le moment. C'est fou. C'est fou comme dans les pires moments, même quand tu es face au corps médical qui te sort un discours et ou un diagnostic bien foireux ,de mauvais résultats, T'annonce sa mort imminente. Tu balances. Tu balances tout cela dans un coin de ta tête et tu gardes avant tout en toi cette espérance totale. Je me demande encore et toujours, si nous avions perdu espoir dès le deuxième jour de son hospitalisation, à chaque coma, à chaque annonce de sa mort, de septicémie, d'effets secondaires à la chimiothérapie qui a entraîné des dommages neurologiques graves, et pas que cela, à l'annonce de ses maladies génétiques, à l'impuissance des médecins. Oui, oui, oui, si nous avions perdu espoir, est-ce que le parcours de Cléa aurait été différent ? Aurait-il été si long et si court en même temps ? Est-ce que Cléa aurait fait autant mentir les médecins sur son pronostic vital ? Est-ce que ma coccinelle aurait fait autant la nique à la maladie ? Je n'ai pas les réponses. Mais par contre, ce que je sais, c'est que cet espoir peut déplacer des montagnes et reste un élément principal qui te permet de tenir debout. D'avancer face à cette épreuve, oui, oui, oui, oui c'est ça. Non. C'est pas grave. On est tous les deux. On est tous les deux.
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Super connasse est sortie ! Samedi 23 décembre 2017 Est-ce que vous savez ce que c'est d'avoir ces piqûres de rappel chaque jour que la vie fait depuis que Cléa est morte ? C'est ce que j'ai envie d'hurler à la terre entière. Ça me révolte. Il y a des gens que tu croises, qui ont ce regard de pitié, et ceux que tu n'as pas vus depuis longtemps, qui ne savent pas. Comment vont tes enfants ? Et Cléa ? Ta gueule ! Je vais me transformer et déverser toute la colère que j'ai en moi depuis 4 mois et demi sur toi si tu ne fermes pas ta bouche. Puis il y a les courriers administratifs. Tu ouvres ta boîte aux lettres et tu lis un courrier du conseil régional, comme quoi j'ai fait une carte de bus pour ma fille en juillet, et qu'il n'a aucune trace de sa scolarité. Veuillez nous envoyer un certificat de scolarité dans les plus brefs délais. Si nous ne recevons aucune réponse de votre part d'ici 15 jours, nous serons dans l'obligation d'annuler ce titre de transport. Bon. Je vais peut-être envoyer un certificat de décès, ça les calmera. Mais bordel, ma fille est morte. Vous ne le savez pas, ce n'est pas de votre faute, mais j'en veux au système entier qui, après le décès d'un proche, te demande de remplir des dossiers, d'envoyer des pièces justificatives, de passer des heures au téléphone ou sur ta boîte mail pour prouver le décès alors que tu as tellement de choses dans ta tête, dans ton corps. Tellement de choses à vivre, à faire, ou pas d'ailleurs. Pourquoi n'existe-t-il pas un service spécifique pour les décès qui transmettrait toute la paperasse que tu envoies qu'une seule fois ? Ce serait tellement moins violent. C'est violent et ça te met en transe. Ça me révulse et je deviens une personne abjecte qui vomit sa colère. La mutuelle, parlons-en. J'ai envoyé l'acte de décès et la facture des pompes funèbres début septembre pour la résilier. Octobre, pas de nouvelles. Je téléphone. Nous n'avons plus les traces justificatives. Veuillez nous renvoyer tout cela par mail et nous traiterons notre dossier dans les plus brefs délais. Novembre, même topo. Et cerise sur le gâteau, je reçois la carte de mutuelle avec le nom de Cléa dessus. Quel claque. Mais quel claque, quelle violence. Alors je me pars de ma cape de super connasse. Je téléphone en mode sans filtre et balance ma colère. Je reprends point par point. Ressors tous les mails envoyés il y a des mois, date par date. Et sinon, vous croyez que j'ai que ça à faire ? À vous harceler au téléphone ou par mail pour que finalement vous puissiez faire votre travail correctement ? Parce que là, j'avoue que c'est quand même de l'incompétence. Début décembre, après le déménagement, même schéma. Waouh ! Mais que c'est merveilleux ! Qu'est-ce que j'aime faire ma connasse ! Allez, c'est parti ! Je téléphone et pousse un degré au-dessus en leur expliquant un nouveau concept. Comment faire payer une mutuelle aux morts ? Finalité, votre dossier est réglé. Laissez-nous juste le temps pour que tout soit clair. Voilà, ça, c'est fait. Je n'ose plus vérifier de peur. de me reprendre cette claque qui me met KO tout le reste de la journée. Ce matin, au réveil, j'ai lu tous les messages de Cathy et Valou sur notre groupe. Un rituel bien ancré depuis des mois. Nous nous réveillons, discutons, nous envoyons des photos, des musiques, des liens d'émission sur tout thème de la vie. Pendant mon petit déjeuner, j'écoute une émission sur France Culture qui date de juillet 2015 qu'une maman avait posté sur son blog, intitulée Comment survivre à la mort de son enfant Rien que le titre me sidère. Petite phrase qui lance cette émission et qui est tellement juste. Laeti avait dit cela avec ces mots quelques jours après le décès de Cléa. Lorsque l'on perd ses parents, on devient orphelin. Lorsque l'on perd son épouse, son époux, on devient veuf. Mais lorsque l'on perd son enfant, on est même en peine pour nommer sa condition. Quelle réalité fracassante ! Malgré tout, cette émission me fait du bien. Entendre parler un homme, auteur et papa d'une petite fille décédée d'un cancer, et une femme, impliquée dans l'association Apprivoiser le manque et maman d'un adolescent de 17 ans décédé d'un cancer. Leurs mots sont tellement justes. Oui, ils savent. Ils savent ce que c'est. Ils comprennent. Ils ont eu les mêmes réactions, du moins une partie, face à ce cataclysme. J'écoute. Approuve. Laisse passer toute émotion et pensée. Quel soulagement. Ça y est, je suis prête. Prête à lire des livres sur la mort de son enfant. Pas le deuil, parce que je ne le ferai jamais. Du moins pas ce putain de deuil que la société, certaines personnes autour de toi te demandent de faire. Composer, oui. Et vivre. Vivre. Mais j'ai besoin de lire, d'ingurgiter, d'écouter pour comprendre. Comprendre qui je suis, me trouver, savoir si je ne suis pas complètement folle. Je suis prête à me rapprocher d'une association avec des groupes de paroles et d'être face à des parents qui ont vécu ou vivent ce parcours. Voilà. Il est midi. Je suis sur ma terrasse face aux Pelvoux, la Blanche,l'Aiglière ,Je savoure ces rayons du soleil qui réchauffent un peu ma peau, mon corps et mon cœur. J'apprécie cette magnifique vue. Cette tranquillité, cette forme de sérénité du moment présent. Et en même temps, mon cœur saigne. Une hémorragie permanente qui me vide littéralement. En bruit de fond, Damien Rice. Parce qu'avec CLéa, nous écoutions cette artiste quand nous avions besoin de pleurer ensemble sans se donner les vraies raisons de nos tristesses. Juste pleurer. Se permettre de craquer. Et nous nous disions à la fin, c'est ce chanteur, sa voix, les émotions qui s'en dégagent qui nous font pleurer. Par fierté, par pudeur, par protection, on s'en fiche. C'était un magnifique rituel au milieu de mille autres. Il y a un an, on faisait notre première visite post-greffe en HDJ. Que c'était bon d'entendre, ça va bien, la greffe tient. Laissons du temps. Soyez vigilantes, soyez rigoureuses avec le protocole que nous avons mis en place. Suivez tout à la lettre et laissons cette chimère se faire à sa nouvelle moelle. Attendons la GVH tout doucement pour qu'elle fasse sa part du travail. Et cerise sur le gâteau, passez Noël tous les trois. Nous nous revoyons deux fois par semaine au lieu de trois la semaine prochaine. Youhou ! Joyeux Noël les filles ! Venez, je vous embrasse et vous fais un énorme... câlin. Je retiens ce regard d'espoir de ma guerrière. Cette bataille belle et bien gagnée sur le moment. C'est fou. C'est fou comme dans les pires moments, même quand tu es face au corps médical qui te sort un discours et ou un diagnostic bien foireux ,de mauvais résultats, T'annonce sa mort imminente. Tu balances. Tu balances tout cela dans un coin de ta tête et tu gardes avant tout en toi cette espérance totale. Je me demande encore et toujours, si nous avions perdu espoir dès le deuxième jour de son hospitalisation, à chaque coma, à chaque annonce de sa mort, de septicémie, d'effets secondaires à la chimiothérapie qui a entraîné des dommages neurologiques graves, et pas que cela, à l'annonce de ses maladies génétiques, à l'impuissance des médecins. Oui, oui, oui, si nous avions perdu espoir, est-ce que le parcours de Cléa aurait été différent ? Aurait-il été si long et si court en même temps ? Est-ce que Cléa aurait fait autant mentir les médecins sur son pronostic vital ? Est-ce que ma coccinelle aurait fait autant la nique à la maladie ? Je n'ai pas les réponses. Mais par contre, ce que je sais, c'est que cet espoir peut déplacer des montagnes et reste un élément principal qui te permet de tenir debout. D'avancer face à cette épreuve, oui, oui, oui, oui c'est ça. Non. C'est pas grave. On est tous les deux. On est tous les deux.
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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
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Super connasse est sortie ! Samedi 23 décembre 2017 Est-ce que vous savez ce que c'est d'avoir ces piqûres de rappel chaque jour que la vie fait depuis que Cléa est morte ? C'est ce que j'ai envie d'hurler à la terre entière. Ça me révolte. Il y a des gens que tu croises, qui ont ce regard de pitié, et ceux que tu n'as pas vus depuis longtemps, qui ne savent pas. Comment vont tes enfants ? Et Cléa ? Ta gueule ! Je vais me transformer et déverser toute la colère que j'ai en moi depuis 4 mois et demi sur toi si tu ne fermes pas ta bouche. Puis il y a les courriers administratifs. Tu ouvres ta boîte aux lettres et tu lis un courrier du conseil régional, comme quoi j'ai fait une carte de bus pour ma fille en juillet, et qu'il n'a aucune trace de sa scolarité. Veuillez nous envoyer un certificat de scolarité dans les plus brefs délais. Si nous ne recevons aucune réponse de votre part d'ici 15 jours, nous serons dans l'obligation d'annuler ce titre de transport. Bon. Je vais peut-être envoyer un certificat de décès, ça les calmera. Mais bordel, ma fille est morte. Vous ne le savez pas, ce n'est pas de votre faute, mais j'en veux au système entier qui, après le décès d'un proche, te demande de remplir des dossiers, d'envoyer des pièces justificatives, de passer des heures au téléphone ou sur ta boîte mail pour prouver le décès alors que tu as tellement de choses dans ta tête, dans ton corps. Tellement de choses à vivre, à faire, ou pas d'ailleurs. Pourquoi n'existe-t-il pas un service spécifique pour les décès qui transmettrait toute la paperasse que tu envoies qu'une seule fois ? Ce serait tellement moins violent. C'est violent et ça te met en transe. Ça me révulse et je deviens une personne abjecte qui vomit sa colère. La mutuelle, parlons-en. J'ai envoyé l'acte de décès et la facture des pompes funèbres début septembre pour la résilier. Octobre, pas de nouvelles. Je téléphone. Nous n'avons plus les traces justificatives. Veuillez nous renvoyer tout cela par mail et nous traiterons notre dossier dans les plus brefs délais. Novembre, même topo. Et cerise sur le gâteau, je reçois la carte de mutuelle avec le nom de Cléa dessus. Quel claque. Mais quel claque, quelle violence. Alors je me pars de ma cape de super connasse. Je téléphone en mode sans filtre et balance ma colère. Je reprends point par point. Ressors tous les mails envoyés il y a des mois, date par date. Et sinon, vous croyez que j'ai que ça à faire ? À vous harceler au téléphone ou par mail pour que finalement vous puissiez faire votre travail correctement ? Parce que là, j'avoue que c'est quand même de l'incompétence. Début décembre, après le déménagement, même schéma. Waouh ! Mais que c'est merveilleux ! Qu'est-ce que j'aime faire ma connasse ! Allez, c'est parti ! Je téléphone et pousse un degré au-dessus en leur expliquant un nouveau concept. Comment faire payer une mutuelle aux morts ? Finalité, votre dossier est réglé. Laissez-nous juste le temps pour que tout soit clair. Voilà, ça, c'est fait. Je n'ose plus vérifier de peur. de me reprendre cette claque qui me met KO tout le reste de la journée. Ce matin, au réveil, j'ai lu tous les messages de Cathy et Valou sur notre groupe. Un rituel bien ancré depuis des mois. Nous nous réveillons, discutons, nous envoyons des photos, des musiques, des liens d'émission sur tout thème de la vie. Pendant mon petit déjeuner, j'écoute une émission sur France Culture qui date de juillet 2015 qu'une maman avait posté sur son blog, intitulée Comment survivre à la mort de son enfant Rien que le titre me sidère. Petite phrase qui lance cette émission et qui est tellement juste. Laeti avait dit cela avec ces mots quelques jours après le décès de Cléa. Lorsque l'on perd ses parents, on devient orphelin. Lorsque l'on perd son épouse, son époux, on devient veuf. Mais lorsque l'on perd son enfant, on est même en peine pour nommer sa condition. Quelle réalité fracassante ! Malgré tout, cette émission me fait du bien. Entendre parler un homme, auteur et papa d'une petite fille décédée d'un cancer, et une femme, impliquée dans l'association Apprivoiser le manque et maman d'un adolescent de 17 ans décédé d'un cancer. Leurs mots sont tellement justes. Oui, ils savent. Ils savent ce que c'est. Ils comprennent. Ils ont eu les mêmes réactions, du moins une partie, face à ce cataclysme. J'écoute. Approuve. Laisse passer toute émotion et pensée. Quel soulagement. Ça y est, je suis prête. Prête à lire des livres sur la mort de son enfant. Pas le deuil, parce que je ne le ferai jamais. Du moins pas ce putain de deuil que la société, certaines personnes autour de toi te demandent de faire. Composer, oui. Et vivre. Vivre. Mais j'ai besoin de lire, d'ingurgiter, d'écouter pour comprendre. Comprendre qui je suis, me trouver, savoir si je ne suis pas complètement folle. Je suis prête à me rapprocher d'une association avec des groupes de paroles et d'être face à des parents qui ont vécu ou vivent ce parcours. Voilà. Il est midi. Je suis sur ma terrasse face aux Pelvoux, la Blanche,l'Aiglière ,Je savoure ces rayons du soleil qui réchauffent un peu ma peau, mon corps et mon cœur. J'apprécie cette magnifique vue. Cette tranquillité, cette forme de sérénité du moment présent. Et en même temps, mon cœur saigne. Une hémorragie permanente qui me vide littéralement. En bruit de fond, Damien Rice. Parce qu'avec CLéa, nous écoutions cette artiste quand nous avions besoin de pleurer ensemble sans se donner les vraies raisons de nos tristesses. Juste pleurer. Se permettre de craquer. Et nous nous disions à la fin, c'est ce chanteur, sa voix, les émotions qui s'en dégagent qui nous font pleurer. Par fierté, par pudeur, par protection, on s'en fiche. C'était un magnifique rituel au milieu de mille autres. Il y a un an, on faisait notre première visite post-greffe en HDJ. Que c'était bon d'entendre, ça va bien, la greffe tient. Laissons du temps. Soyez vigilantes, soyez rigoureuses avec le protocole que nous avons mis en place. Suivez tout à la lettre et laissons cette chimère se faire à sa nouvelle moelle. Attendons la GVH tout doucement pour qu'elle fasse sa part du travail. Et cerise sur le gâteau, passez Noël tous les trois. Nous nous revoyons deux fois par semaine au lieu de trois la semaine prochaine. Youhou ! Joyeux Noël les filles ! Venez, je vous embrasse et vous fais un énorme... câlin. Je retiens ce regard d'espoir de ma guerrière. Cette bataille belle et bien gagnée sur le moment. C'est fou. C'est fou comme dans les pires moments, même quand tu es face au corps médical qui te sort un discours et ou un diagnostic bien foireux ,de mauvais résultats, T'annonce sa mort imminente. Tu balances. Tu balances tout cela dans un coin de ta tête et tu gardes avant tout en toi cette espérance totale. Je me demande encore et toujours, si nous avions perdu espoir dès le deuxième jour de son hospitalisation, à chaque coma, à chaque annonce de sa mort, de septicémie, d'effets secondaires à la chimiothérapie qui a entraîné des dommages neurologiques graves, et pas que cela, à l'annonce de ses maladies génétiques, à l'impuissance des médecins. Oui, oui, oui, si nous avions perdu espoir, est-ce que le parcours de Cléa aurait été différent ? Aurait-il été si long et si court en même temps ? Est-ce que Cléa aurait fait autant mentir les médecins sur son pronostic vital ? Est-ce que ma coccinelle aurait fait autant la nique à la maladie ? Je n'ai pas les réponses. Mais par contre, ce que je sais, c'est que cet espoir peut déplacer des montagnes et reste un élément principal qui te permet de tenir debout. D'avancer face à cette épreuve, oui, oui, oui, oui c'est ça. Non. C'est pas grave. On est tous les deux. On est tous les deux.
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