undefined cover
undefined cover
#1# Un bouchon vous m'avez dit ? cover
#1# Un bouchon vous m'avez dit ? cover
Journal de bord d'une maman après l'envol de sa coccinelle...

#1# Un bouchon vous m'avez dit ?

#1# Un bouchon vous m'avez dit ?

13min |19/09/2024
Play
undefined cover
undefined cover
#1# Un bouchon vous m'avez dit ? cover
#1# Un bouchon vous m'avez dit ? cover
Journal de bord d'une maman après l'envol de sa coccinelle...

#1# Un bouchon vous m'avez dit ?

#1# Un bouchon vous m'avez dit ?

13min |19/09/2024
Play

Transcription

  • Speaker #0

    Un bouchon, vous m'avez dit ? Jeudi 21 décembre 2017. Ça fait bien trois mois que je n'ai plus rien écrit. Ça devenait un rituel serein d'aligner phrase après phrase et de vomir mon état d'âme sur papier, puis plus rien. Le néant. Le néant total. Juste cette douleur vive de la racine de mes cheveux jusqu'à mes orteils. Je passe mes nuits à réfléchir, à me passer, repasser en boucle le film de cette dernière nuit, cette dernière journée, à chercher quelle solution aurait été envisageable pour que la finalité, pardon, soit différente. Qu'ai-je fait ? Qu'ai-je fait ? Qu'ai-je pas fait ? Pourquoi ? Est-ce que cette ponction lombaire et cette chimio intratécale ont défini ce grand plongeon ? Pourquoi avoir donné mon consentement ? Cléa l'a voulu, mais mon rôle de maman n'était pas de lui faire comprendre que c'était peut-être l'acte de trop. Je reprends point par point, fait par fait, et cherche le... Détail qui aurait pu la sauver. Culpabilité, impuissance totale, violence, nuit d'horreur, de terreur et de souffrance pour ma coccinelle. Voilà maintenant presque un mois que j'ai commencé une psychothérapie et c'est violent. Poser mes maux avec des mots. Prendre conscience que cette retenue que j'avais... de cette retenue que j'avais ces 19 derniers mois. Je garde tout, contrôle, étouffe, serre les mâchoires, ne craque pas, tiens la route, tu dois être ce pilier central et ne pas casser. Eh bien non, malheureusement, je ne suis pas superwoman, je suis juste une maman, une maman qui vient de voir mourir sa fille. son premier amour de sa vie, à qui la vie lui a enlevé le droit de la voir grandir, s'épanouir, rire, chanter, danser, pousser ses coups de gueule dignes d'une tragédie grecque, de souffler toutes ses bougies à chaque anniversaire, de vivre tout simplement. Alors il est temps, il est temps de composer avec ce manque. Quand j'écris cette phrase, j'ai juste envie d'hurler à la terre entière que je ne veux pas accepter l'inacceptable, que je ne le ferai pas, pas encore, ou peut-être jamais. Par contre, je vais essayer de continuer à vivre en apprivoisant, en domptant, en composant avec ce terrible manque et ce vide intersidéral. Petit récap, Yanis a fait sa rentrée en sixième. J'ai repris le travail à plein temps début septembre. Nous sommes partis en vacances les 15 jours de la Toussaint dans les Landes avec toute la Smala. Nous avons déménagé le 9 décembre dans notre nouveau refuge. Yanis fait de la batterie et lui aussi a commencé une psychothérapie. La mort de Cléa a fait que la relation avec Ben est détendue. À l'écoute l'un de l'autre, à discuter, échanger et à prendre des décisions pour Yanis sans Anicroche. Avec Malo, pas de progression. L'éloignement émotionnel s'installe de plus en plus. Ensemble, plus ensemble. Il m'aime, puis ne sait plus. Revient, hésite encore et toujours. Difficile de prendre des décisions et surtout incapable de se lancer et de vivre les choses sans tout analyser. J'arrive à prendre de la distance un peu plus chaque jour que la désillusion est de rigueur. Barrière, verrou, protection, recul. Et je garde en tête que je dois avancer, coûte que coûte, et le laisser au bord du chemin, puisqu'il ne veut pas marcher dans mon devenir. Ne pas fermer les portes malgré tout cela. Mais avant tout, j'ai beaucoup de choses à régler, à digérer, à faire, à être et surtout, surtout... Yanis, c'est ma priorité. Mille détails du quotidien sans cléa me font douloureusement mal. Il y a beaucoup de dates où c'était il y a un an avec Cléa on faisait ça ou ah bah tiens, il y a un an, elle en était là. Beaucoup de premières fois ou de moments de vie sans elle. C'est peut-être finalement rien quand tout va bien dans sa vie et que nous vivons le quotidien sans conscience ni même sans apprécier ces moments de partage. Mais quand ton enfant meurt, tous ces moments deviennent des pépites d'or enfermés dans ton cerveau. et dans ton petit cœur. Et tu te rends compte à quel point ce quotidien était si cher, si exceptionnel, et que c'était un magnifique cadeau de la vie. Pas après pas, cap après cap. Je suis à nouveau en arrêt maladie depuis fin novembre. Je ne pouvais plus faire semblant et fuir la réalité dans le travail. Hier, C'était l'anniversaire d'Elio. Nous nous sommes retrouvés tous en famille, chez Laeti et Manu, pour fêter cela. C'était bon de voir cette joie, cette vie. Puis d'un coup, comme ça, une colère noire a débarqué. C'était en moi. Ça m'a surprise, perturbée. Et j'avais juste envie d'hurler. Mais d'hurler à la terre entière et à tout le monde. Vous avez de la chance de voir vos enfants tous les matins quand ils se réveillent et tous les soirs quand ils se couchent, de les voir souffler leurs bougies, d'ouvrir leurs cadeaux d'anniversaire. Et moi, moi je n'ai plus ce droit, ce simple droit, cette chance. Et vous, je vous en veux tous de continuer à vivre, à vivre cela alors que ma fille est morte et moi je suis amputée, amputée et vide. J'ai étouffé cette envie de crier et cette colère. aussi vite qu'elle est arrivée. Puis ELio a pris mon téléphone à regarder la photo de Cléa et Yanis en soufflant. C'était beau et touchant. Il l'a montré à Camille qui lui a passé un certain temps à regarder l'écran sans rien dire. Puis ELio a montré la photo à Seb. Seb a retourné le téléphone. C'était de la protection, pour lui, pour moi, pour nous tous. Est-ce que c'était trop violent pour lui ? En tout cas, son geste a été pour moi d'une violence inouïe. Et là, j'ai vrillé intérieurement. J'ai débarrassé la table et je suis partie. Pourquoi tant de colère ? Pourquoi tant de culpabilité face à mes réactions, face à mes émotions, pensées, gestes, et surtout face à autrui ? Pourquoi suis-je si dure avec moi-même ? Pourquoi je ne lâche pas prise et n'accueille pas sans retenue toutes ces émotions qui passent ? Je suis dans l'inconnu et j'ai peur, terriblement peur. Qui suis-je ? Où vais-je ? Que vais-je faire ? Comment vais-je faire ? Ma psy m'a dit ce soir comme réponse Maeva, tu es un petit bouchon en liège qui flotte au milieu de la tempête au gré des vagues. Il est peut-être souhaitable que tu fasses comme le bouchon, lâche prise. Et laisse-toi aller dans tes émotions au gré des vagues, sans culpabilité ou du moins sans retenue. Il est peut-être temps. Il est peut-être temps.

Transcription

  • Speaker #0

    Un bouchon, vous m'avez dit ? Jeudi 21 décembre 2017. Ça fait bien trois mois que je n'ai plus rien écrit. Ça devenait un rituel serein d'aligner phrase après phrase et de vomir mon état d'âme sur papier, puis plus rien. Le néant. Le néant total. Juste cette douleur vive de la racine de mes cheveux jusqu'à mes orteils. Je passe mes nuits à réfléchir, à me passer, repasser en boucle le film de cette dernière nuit, cette dernière journée, à chercher quelle solution aurait été envisageable pour que la finalité, pardon, soit différente. Qu'ai-je fait ? Qu'ai-je fait ? Qu'ai-je pas fait ? Pourquoi ? Est-ce que cette ponction lombaire et cette chimio intratécale ont défini ce grand plongeon ? Pourquoi avoir donné mon consentement ? Cléa l'a voulu, mais mon rôle de maman n'était pas de lui faire comprendre que c'était peut-être l'acte de trop. Je reprends point par point, fait par fait, et cherche le... Détail qui aurait pu la sauver. Culpabilité, impuissance totale, violence, nuit d'horreur, de terreur et de souffrance pour ma coccinelle. Voilà maintenant presque un mois que j'ai commencé une psychothérapie et c'est violent. Poser mes maux avec des mots. Prendre conscience que cette retenue que j'avais... de cette retenue que j'avais ces 19 derniers mois. Je garde tout, contrôle, étouffe, serre les mâchoires, ne craque pas, tiens la route, tu dois être ce pilier central et ne pas casser. Eh bien non, malheureusement, je ne suis pas superwoman, je suis juste une maman, une maman qui vient de voir mourir sa fille. son premier amour de sa vie, à qui la vie lui a enlevé le droit de la voir grandir, s'épanouir, rire, chanter, danser, pousser ses coups de gueule dignes d'une tragédie grecque, de souffler toutes ses bougies à chaque anniversaire, de vivre tout simplement. Alors il est temps, il est temps de composer avec ce manque. Quand j'écris cette phrase, j'ai juste envie d'hurler à la terre entière que je ne veux pas accepter l'inacceptable, que je ne le ferai pas, pas encore, ou peut-être jamais. Par contre, je vais essayer de continuer à vivre en apprivoisant, en domptant, en composant avec ce terrible manque et ce vide intersidéral. Petit récap, Yanis a fait sa rentrée en sixième. J'ai repris le travail à plein temps début septembre. Nous sommes partis en vacances les 15 jours de la Toussaint dans les Landes avec toute la Smala. Nous avons déménagé le 9 décembre dans notre nouveau refuge. Yanis fait de la batterie et lui aussi a commencé une psychothérapie. La mort de Cléa a fait que la relation avec Ben est détendue. À l'écoute l'un de l'autre, à discuter, échanger et à prendre des décisions pour Yanis sans Anicroche. Avec Malo, pas de progression. L'éloignement émotionnel s'installe de plus en plus. Ensemble, plus ensemble. Il m'aime, puis ne sait plus. Revient, hésite encore et toujours. Difficile de prendre des décisions et surtout incapable de se lancer et de vivre les choses sans tout analyser. J'arrive à prendre de la distance un peu plus chaque jour que la désillusion est de rigueur. Barrière, verrou, protection, recul. Et je garde en tête que je dois avancer, coûte que coûte, et le laisser au bord du chemin, puisqu'il ne veut pas marcher dans mon devenir. Ne pas fermer les portes malgré tout cela. Mais avant tout, j'ai beaucoup de choses à régler, à digérer, à faire, à être et surtout, surtout... Yanis, c'est ma priorité. Mille détails du quotidien sans cléa me font douloureusement mal. Il y a beaucoup de dates où c'était il y a un an avec Cléa on faisait ça ou ah bah tiens, il y a un an, elle en était là. Beaucoup de premières fois ou de moments de vie sans elle. C'est peut-être finalement rien quand tout va bien dans sa vie et que nous vivons le quotidien sans conscience ni même sans apprécier ces moments de partage. Mais quand ton enfant meurt, tous ces moments deviennent des pépites d'or enfermés dans ton cerveau. et dans ton petit cœur. Et tu te rends compte à quel point ce quotidien était si cher, si exceptionnel, et que c'était un magnifique cadeau de la vie. Pas après pas, cap après cap. Je suis à nouveau en arrêt maladie depuis fin novembre. Je ne pouvais plus faire semblant et fuir la réalité dans le travail. Hier, C'était l'anniversaire d'Elio. Nous nous sommes retrouvés tous en famille, chez Laeti et Manu, pour fêter cela. C'était bon de voir cette joie, cette vie. Puis d'un coup, comme ça, une colère noire a débarqué. C'était en moi. Ça m'a surprise, perturbée. Et j'avais juste envie d'hurler. Mais d'hurler à la terre entière et à tout le monde. Vous avez de la chance de voir vos enfants tous les matins quand ils se réveillent et tous les soirs quand ils se couchent, de les voir souffler leurs bougies, d'ouvrir leurs cadeaux d'anniversaire. Et moi, moi je n'ai plus ce droit, ce simple droit, cette chance. Et vous, je vous en veux tous de continuer à vivre, à vivre cela alors que ma fille est morte et moi je suis amputée, amputée et vide. J'ai étouffé cette envie de crier et cette colère. aussi vite qu'elle est arrivée. Puis ELio a pris mon téléphone à regarder la photo de Cléa et Yanis en soufflant. C'était beau et touchant. Il l'a montré à Camille qui lui a passé un certain temps à regarder l'écran sans rien dire. Puis ELio a montré la photo à Seb. Seb a retourné le téléphone. C'était de la protection, pour lui, pour moi, pour nous tous. Est-ce que c'était trop violent pour lui ? En tout cas, son geste a été pour moi d'une violence inouïe. Et là, j'ai vrillé intérieurement. J'ai débarrassé la table et je suis partie. Pourquoi tant de colère ? Pourquoi tant de culpabilité face à mes réactions, face à mes émotions, pensées, gestes, et surtout face à autrui ? Pourquoi suis-je si dure avec moi-même ? Pourquoi je ne lâche pas prise et n'accueille pas sans retenue toutes ces émotions qui passent ? Je suis dans l'inconnu et j'ai peur, terriblement peur. Qui suis-je ? Où vais-je ? Que vais-je faire ? Comment vais-je faire ? Ma psy m'a dit ce soir comme réponse Maeva, tu es un petit bouchon en liège qui flotte au milieu de la tempête au gré des vagues. Il est peut-être souhaitable que tu fasses comme le bouchon, lâche prise. Et laisse-toi aller dans tes émotions au gré des vagues, sans culpabilité ou du moins sans retenue. Il est peut-être temps. Il est peut-être temps.

Share

Embed

You may also like

Transcription

  • Speaker #0

    Un bouchon, vous m'avez dit ? Jeudi 21 décembre 2017. Ça fait bien trois mois que je n'ai plus rien écrit. Ça devenait un rituel serein d'aligner phrase après phrase et de vomir mon état d'âme sur papier, puis plus rien. Le néant. Le néant total. Juste cette douleur vive de la racine de mes cheveux jusqu'à mes orteils. Je passe mes nuits à réfléchir, à me passer, repasser en boucle le film de cette dernière nuit, cette dernière journée, à chercher quelle solution aurait été envisageable pour que la finalité, pardon, soit différente. Qu'ai-je fait ? Qu'ai-je fait ? Qu'ai-je pas fait ? Pourquoi ? Est-ce que cette ponction lombaire et cette chimio intratécale ont défini ce grand plongeon ? Pourquoi avoir donné mon consentement ? Cléa l'a voulu, mais mon rôle de maman n'était pas de lui faire comprendre que c'était peut-être l'acte de trop. Je reprends point par point, fait par fait, et cherche le... Détail qui aurait pu la sauver. Culpabilité, impuissance totale, violence, nuit d'horreur, de terreur et de souffrance pour ma coccinelle. Voilà maintenant presque un mois que j'ai commencé une psychothérapie et c'est violent. Poser mes maux avec des mots. Prendre conscience que cette retenue que j'avais... de cette retenue que j'avais ces 19 derniers mois. Je garde tout, contrôle, étouffe, serre les mâchoires, ne craque pas, tiens la route, tu dois être ce pilier central et ne pas casser. Eh bien non, malheureusement, je ne suis pas superwoman, je suis juste une maman, une maman qui vient de voir mourir sa fille. son premier amour de sa vie, à qui la vie lui a enlevé le droit de la voir grandir, s'épanouir, rire, chanter, danser, pousser ses coups de gueule dignes d'une tragédie grecque, de souffler toutes ses bougies à chaque anniversaire, de vivre tout simplement. Alors il est temps, il est temps de composer avec ce manque. Quand j'écris cette phrase, j'ai juste envie d'hurler à la terre entière que je ne veux pas accepter l'inacceptable, que je ne le ferai pas, pas encore, ou peut-être jamais. Par contre, je vais essayer de continuer à vivre en apprivoisant, en domptant, en composant avec ce terrible manque et ce vide intersidéral. Petit récap, Yanis a fait sa rentrée en sixième. J'ai repris le travail à plein temps début septembre. Nous sommes partis en vacances les 15 jours de la Toussaint dans les Landes avec toute la Smala. Nous avons déménagé le 9 décembre dans notre nouveau refuge. Yanis fait de la batterie et lui aussi a commencé une psychothérapie. La mort de Cléa a fait que la relation avec Ben est détendue. À l'écoute l'un de l'autre, à discuter, échanger et à prendre des décisions pour Yanis sans Anicroche. Avec Malo, pas de progression. L'éloignement émotionnel s'installe de plus en plus. Ensemble, plus ensemble. Il m'aime, puis ne sait plus. Revient, hésite encore et toujours. Difficile de prendre des décisions et surtout incapable de se lancer et de vivre les choses sans tout analyser. J'arrive à prendre de la distance un peu plus chaque jour que la désillusion est de rigueur. Barrière, verrou, protection, recul. Et je garde en tête que je dois avancer, coûte que coûte, et le laisser au bord du chemin, puisqu'il ne veut pas marcher dans mon devenir. Ne pas fermer les portes malgré tout cela. Mais avant tout, j'ai beaucoup de choses à régler, à digérer, à faire, à être et surtout, surtout... Yanis, c'est ma priorité. Mille détails du quotidien sans cléa me font douloureusement mal. Il y a beaucoup de dates où c'était il y a un an avec Cléa on faisait ça ou ah bah tiens, il y a un an, elle en était là. Beaucoup de premières fois ou de moments de vie sans elle. C'est peut-être finalement rien quand tout va bien dans sa vie et que nous vivons le quotidien sans conscience ni même sans apprécier ces moments de partage. Mais quand ton enfant meurt, tous ces moments deviennent des pépites d'or enfermés dans ton cerveau. et dans ton petit cœur. Et tu te rends compte à quel point ce quotidien était si cher, si exceptionnel, et que c'était un magnifique cadeau de la vie. Pas après pas, cap après cap. Je suis à nouveau en arrêt maladie depuis fin novembre. Je ne pouvais plus faire semblant et fuir la réalité dans le travail. Hier, C'était l'anniversaire d'Elio. Nous nous sommes retrouvés tous en famille, chez Laeti et Manu, pour fêter cela. C'était bon de voir cette joie, cette vie. Puis d'un coup, comme ça, une colère noire a débarqué. C'était en moi. Ça m'a surprise, perturbée. Et j'avais juste envie d'hurler. Mais d'hurler à la terre entière et à tout le monde. Vous avez de la chance de voir vos enfants tous les matins quand ils se réveillent et tous les soirs quand ils se couchent, de les voir souffler leurs bougies, d'ouvrir leurs cadeaux d'anniversaire. Et moi, moi je n'ai plus ce droit, ce simple droit, cette chance. Et vous, je vous en veux tous de continuer à vivre, à vivre cela alors que ma fille est morte et moi je suis amputée, amputée et vide. J'ai étouffé cette envie de crier et cette colère. aussi vite qu'elle est arrivée. Puis ELio a pris mon téléphone à regarder la photo de Cléa et Yanis en soufflant. C'était beau et touchant. Il l'a montré à Camille qui lui a passé un certain temps à regarder l'écran sans rien dire. Puis ELio a montré la photo à Seb. Seb a retourné le téléphone. C'était de la protection, pour lui, pour moi, pour nous tous. Est-ce que c'était trop violent pour lui ? En tout cas, son geste a été pour moi d'une violence inouïe. Et là, j'ai vrillé intérieurement. J'ai débarrassé la table et je suis partie. Pourquoi tant de colère ? Pourquoi tant de culpabilité face à mes réactions, face à mes émotions, pensées, gestes, et surtout face à autrui ? Pourquoi suis-je si dure avec moi-même ? Pourquoi je ne lâche pas prise et n'accueille pas sans retenue toutes ces émotions qui passent ? Je suis dans l'inconnu et j'ai peur, terriblement peur. Qui suis-je ? Où vais-je ? Que vais-je faire ? Comment vais-je faire ? Ma psy m'a dit ce soir comme réponse Maeva, tu es un petit bouchon en liège qui flotte au milieu de la tempête au gré des vagues. Il est peut-être souhaitable que tu fasses comme le bouchon, lâche prise. Et laisse-toi aller dans tes émotions au gré des vagues, sans culpabilité ou du moins sans retenue. Il est peut-être temps. Il est peut-être temps.

Transcription

  • Speaker #0

    Un bouchon, vous m'avez dit ? Jeudi 21 décembre 2017. Ça fait bien trois mois que je n'ai plus rien écrit. Ça devenait un rituel serein d'aligner phrase après phrase et de vomir mon état d'âme sur papier, puis plus rien. Le néant. Le néant total. Juste cette douleur vive de la racine de mes cheveux jusqu'à mes orteils. Je passe mes nuits à réfléchir, à me passer, repasser en boucle le film de cette dernière nuit, cette dernière journée, à chercher quelle solution aurait été envisageable pour que la finalité, pardon, soit différente. Qu'ai-je fait ? Qu'ai-je fait ? Qu'ai-je pas fait ? Pourquoi ? Est-ce que cette ponction lombaire et cette chimio intratécale ont défini ce grand plongeon ? Pourquoi avoir donné mon consentement ? Cléa l'a voulu, mais mon rôle de maman n'était pas de lui faire comprendre que c'était peut-être l'acte de trop. Je reprends point par point, fait par fait, et cherche le... Détail qui aurait pu la sauver. Culpabilité, impuissance totale, violence, nuit d'horreur, de terreur et de souffrance pour ma coccinelle. Voilà maintenant presque un mois que j'ai commencé une psychothérapie et c'est violent. Poser mes maux avec des mots. Prendre conscience que cette retenue que j'avais... de cette retenue que j'avais ces 19 derniers mois. Je garde tout, contrôle, étouffe, serre les mâchoires, ne craque pas, tiens la route, tu dois être ce pilier central et ne pas casser. Eh bien non, malheureusement, je ne suis pas superwoman, je suis juste une maman, une maman qui vient de voir mourir sa fille. son premier amour de sa vie, à qui la vie lui a enlevé le droit de la voir grandir, s'épanouir, rire, chanter, danser, pousser ses coups de gueule dignes d'une tragédie grecque, de souffler toutes ses bougies à chaque anniversaire, de vivre tout simplement. Alors il est temps, il est temps de composer avec ce manque. Quand j'écris cette phrase, j'ai juste envie d'hurler à la terre entière que je ne veux pas accepter l'inacceptable, que je ne le ferai pas, pas encore, ou peut-être jamais. Par contre, je vais essayer de continuer à vivre en apprivoisant, en domptant, en composant avec ce terrible manque et ce vide intersidéral. Petit récap, Yanis a fait sa rentrée en sixième. J'ai repris le travail à plein temps début septembre. Nous sommes partis en vacances les 15 jours de la Toussaint dans les Landes avec toute la Smala. Nous avons déménagé le 9 décembre dans notre nouveau refuge. Yanis fait de la batterie et lui aussi a commencé une psychothérapie. La mort de Cléa a fait que la relation avec Ben est détendue. À l'écoute l'un de l'autre, à discuter, échanger et à prendre des décisions pour Yanis sans Anicroche. Avec Malo, pas de progression. L'éloignement émotionnel s'installe de plus en plus. Ensemble, plus ensemble. Il m'aime, puis ne sait plus. Revient, hésite encore et toujours. Difficile de prendre des décisions et surtout incapable de se lancer et de vivre les choses sans tout analyser. J'arrive à prendre de la distance un peu plus chaque jour que la désillusion est de rigueur. Barrière, verrou, protection, recul. Et je garde en tête que je dois avancer, coûte que coûte, et le laisser au bord du chemin, puisqu'il ne veut pas marcher dans mon devenir. Ne pas fermer les portes malgré tout cela. Mais avant tout, j'ai beaucoup de choses à régler, à digérer, à faire, à être et surtout, surtout... Yanis, c'est ma priorité. Mille détails du quotidien sans cléa me font douloureusement mal. Il y a beaucoup de dates où c'était il y a un an avec Cléa on faisait ça ou ah bah tiens, il y a un an, elle en était là. Beaucoup de premières fois ou de moments de vie sans elle. C'est peut-être finalement rien quand tout va bien dans sa vie et que nous vivons le quotidien sans conscience ni même sans apprécier ces moments de partage. Mais quand ton enfant meurt, tous ces moments deviennent des pépites d'or enfermés dans ton cerveau. et dans ton petit cœur. Et tu te rends compte à quel point ce quotidien était si cher, si exceptionnel, et que c'était un magnifique cadeau de la vie. Pas après pas, cap après cap. Je suis à nouveau en arrêt maladie depuis fin novembre. Je ne pouvais plus faire semblant et fuir la réalité dans le travail. Hier, C'était l'anniversaire d'Elio. Nous nous sommes retrouvés tous en famille, chez Laeti et Manu, pour fêter cela. C'était bon de voir cette joie, cette vie. Puis d'un coup, comme ça, une colère noire a débarqué. C'était en moi. Ça m'a surprise, perturbée. Et j'avais juste envie d'hurler. Mais d'hurler à la terre entière et à tout le monde. Vous avez de la chance de voir vos enfants tous les matins quand ils se réveillent et tous les soirs quand ils se couchent, de les voir souffler leurs bougies, d'ouvrir leurs cadeaux d'anniversaire. Et moi, moi je n'ai plus ce droit, ce simple droit, cette chance. Et vous, je vous en veux tous de continuer à vivre, à vivre cela alors que ma fille est morte et moi je suis amputée, amputée et vide. J'ai étouffé cette envie de crier et cette colère. aussi vite qu'elle est arrivée. Puis ELio a pris mon téléphone à regarder la photo de Cléa et Yanis en soufflant. C'était beau et touchant. Il l'a montré à Camille qui lui a passé un certain temps à regarder l'écran sans rien dire. Puis ELio a montré la photo à Seb. Seb a retourné le téléphone. C'était de la protection, pour lui, pour moi, pour nous tous. Est-ce que c'était trop violent pour lui ? En tout cas, son geste a été pour moi d'une violence inouïe. Et là, j'ai vrillé intérieurement. J'ai débarrassé la table et je suis partie. Pourquoi tant de colère ? Pourquoi tant de culpabilité face à mes réactions, face à mes émotions, pensées, gestes, et surtout face à autrui ? Pourquoi suis-je si dure avec moi-même ? Pourquoi je ne lâche pas prise et n'accueille pas sans retenue toutes ces émotions qui passent ? Je suis dans l'inconnu et j'ai peur, terriblement peur. Qui suis-je ? Où vais-je ? Que vais-je faire ? Comment vais-je faire ? Ma psy m'a dit ce soir comme réponse Maeva, tu es un petit bouchon en liège qui flotte au milieu de la tempête au gré des vagues. Il est peut-être souhaitable que tu fasses comme le bouchon, lâche prise. Et laisse-toi aller dans tes émotions au gré des vagues, sans culpabilité ou du moins sans retenue. Il est peut-être temps. Il est peut-être temps.

Share

Embed

You may also like