- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans ce cinquième épisode de Jusqu'à la fin, podcast du Centre National Soins Palliatifs Fin de Vie. Dans cet épisode, on va aborder la question de la gestion de la douleur dans un parcours d'accompagnement de la fin de vie. En effet, la ou les pathologies qui touchent une personne en fin de vie peuvent engendrer des douleurs qui viennent bouleverser les dynamiques de la vie quotidienne et celles des proches. Pourtant, Cela n'empêche pas certains patients d'aspirer à vivre une vie normale le plus longtemps possible. Par exemple, maintenir un projet d'études, une activité avec des amis, profiter au maximum de ses proches. Comment alors accompagner correctement ces patients pour leur permettre de vivre ces expériences qui leur sont chères ? Comment définir la douleur, la qualifier pour mieux la traiter ? Et surtout, comment soulager cette douleur et adapter son traitement pour permettre aux patients ? de trouver une forme de normalité dans la fin de sa vie ? Pour répondre à cette question, j'ai contacté Marguerite Ducel. Elle est médecin de la douleur, spécialisée dans les douleurs chroniques, c'est-à-dire les douleurs persistantes ou qui reviennent fréquemment sur un temps long. En préparant cet épisode, je me suis fait cette réflexion. Tout le monde a déjà fait l'expérience de la douleur. Et pourtant, il est très difficile de la partager. La phrase « j'ai mal » ou même « j'ai très mal » peut recouvrir un éventail extrêmement large de douleurs plus ou moins handicapantes selon leur durée et surtout en fonction des personnes qui l'expérimentent. J'ai donc demandé au docteur Ducelle d'essayer de définir ce qu'est la douleur et la façon dont elle l'aborde dans son travail.
- Speaker #1
Dans le grand domaine de la douleur chronique, il y a les douleurs liées aux maladies graves et les douleurs qui qui peuvent être aussi intégrées dans les soins palliatifs et qui touchent la fin de vie. Pour être très générale, la définition de la douleur, c'est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable qui peut être en lien ou qui ressemble à quelque chose qui pourrait être en lien avec un désordre lésionnel, c'est-à-dire une lésion des tissus ou des organes. Finalement, on ne va pas s'intéresser tellement à la lésion qui est à l'origine de la douleur, on va s'intéresser à la personne, à son vécu et aux caractéristiques de la douleur telles qu'elles sont vécues par la personne.
- Speaker #0
On comprend que son métier ne consiste donc pas à traiter une pathologie, mais bien une de ses conséquences. Reste à définir avec le patient qu'est-ce que la douleur. Mais alors, comment faire ?
- Speaker #1
C'est vraiment... l'expérience du patient qui est transmise à son médecin ou son soignant. Et d'ailleurs, dans mon expérience, ça surprend beaucoup les patients parce que quand ils arrivent en consultation de la douleur, souvent, ils arrivent avec des tas d'examens. Et donc, ils me posent comme ça leurs tonnes de résultats d'examens complémentaires, les courriers de tout le monde, qu'ils ont bien classés et tout. Et je fais ça avec précaution, mais en général, je leur explique d'emblée, en début de consultation, que ce n'est pas ça qui va m'intéresser. Ce qui va m'intéresser, c'est la façon dont eux... vont me raconter leur histoire de la douleur, donc leur douleur comme une histoire, et dont eux vont me décrire leur ressenti, et dont eux vont me décrire l'impact que cette douleur a sur eux.
- Speaker #0
Ce récit est très important. C'est bien la situation de chacun qui a un impact sur les décisions. Pour le préciser, le médecin et le patient essayent de décrire cette sensation. Lancinante, pulsatile, irradiante, etc. Le médecin s'intéresse aussi à l'origine de cette douleur, à son apparition. Une vraie histoire donc, qui s'étoffe à mesure des entretiens.
- Speaker #1
On va s'intéresser encore une fois à l'histoire de la douleur, c'est-à-dire dans quel contexte s'est installée cette douleur. Après une intervention, ou c'est la douleur qui a permis de poser le diagnostic de votre maladie, mais qu'est-ce qui se passait à ce moment-là dans votre vie, dans votre famille, dans votre boulot ? qu'est-ce que... dans quel contexte ça s'est installé. Et comme ça, on inscrit vraiment la douleur dans ce contexte de la personne. Ensuite, on va évidemment leur demander « qu'avez-vous testé comme traitement de vos douleurs ? » et quand on dit traitement, ça inclut aussi les prises en charge non médicamenteuses. Et ça va commencer à modifier un peu la position que pourrait prendre le patient dans sa gestion de sa douleur et de sa maladie. C'est-à-dire qu'il n'est plus passif avec « je subis les prescriptions » et on va progressivement les amener à devenir de plus en plus acteurs. On cherche à respecter son autonomie. Quelle qu'elle soit en fait.
- Speaker #0
Cette notion d'autonomie est essentielle. Chaque traitement s'adapte à la situation médicale du patient qui va changer au cours de l'évolution de sa maladie et des soins. C'est pourquoi Madame Ducelle m'explique que l'objectif est d'intégrer les traitements dans un projet de vie.
- Speaker #1
On délibère ensemble et on lui donne les informations suffisantes pour qu'il puisse délibérer lui. Et ça, c'est vraiment une notion très importante. Pour en effet que lui... il puisse décider en fonction de son projet de vie, qui n'est pas celui du voisin et qui ne sera pas forcément le même dans deux ans et qui n'est souvent d'ailleurs pas du tout celui du médecin. Mais en général, justement, ça fait partie de nos challenges. C'est de rester attentif aux besoins de la personne qui peuvent évoluer. Et nous, souvent, en première consultation, on demande aux patients quelles sont ses attentes. Est-ce que je cherche à faire supprimer la douleur ? Est-ce que je cherche à mieux dormir ? Est-ce que ça me prenne moins la tête toute la journée ? Quelles sont ces attentes de notre prise en charge ?
- Speaker #0
En effet, la lutte contre la douleur passe par des traitements médicamenteux ou non médicamenteux qui peuvent avoir des conséquences sur la vie quotidienne. Une fatigue accrue, un impact sur les capacités cognitives, des séances de kiné, etc. Ce dialogue entre le médecin et le patient. est donc essentielle pour que la personne malade puisse intégrer la gestion de la douleur à sa vie de la manière qui lui correspond le mieux.
- Speaker #1
Est-ce que cette prise en charge, elle va correspondre à mon projet de vie ? Et est-ce que donc elle respecte mon autonomie ? Et si on n'interroge pas la personne sur son projet de vie, sur ce qui est important pour elle, et on ne lui donne pas la capacité à décider ? de manière libre et éclairée, en lui donnant toutes les informations concernant les effets indésirables, etc., on ne peut pas respecter son autonomie. Donc ça passe obligatoirement par cette étape d'interroger la personne de façon indépendante des traitements, etc., sur ce que vous voulez faire.
- Speaker #0
Pour accompagner les patients dont les douleurs chroniques se complexifient et ont un impact de plus en plus grand sur la qualité de vie, le type de prise en charge s'organise autrement.
- Speaker #1
C'est ce qu'on appelle les soins interdisciplinaires. Non seulement on estime que c'est nécessaire qu'il y ait plusieurs professions qui soient impliquées dans la prise en charge du patient, tous ces acteurs communiquent ensemble autour du patient. Ce n'est pas le patient qui va avoir un coup un kiné, un coup l'assistante sociale. Là, les intervenants proposent vraiment cette prise en charge commune centrée autour du patient et donc il y a beaucoup d'échanges. entre les différents acteurs de soins. Pour ce qui est du contexte particulier de la prise en charge en fin de vie ou palliative, nous, on intervient à la demande en général des équipes de soins palliatifs quand ils sont confrontés à une douleur qui est particulièrement réfractaire ou qui est particulièrement complexe. Et alors là, on intervient comme une des disciplines dans cette prise en charge interdisciplinaire que les soins palliatifs proposent.
- Speaker #0
Dans cet épisode, on a vu comment la douleur affecte chaque patient différemment, mais surtout, comment le traitement de cette douleur va venir s'inscrire dans le projet de vie et dans le quotidien de chacune et chacun. L'objectif principal étant de préserver au maximum l'autonomie des patients. Je voulais remercier Marguerite Ducelle d'avoir pris le temps de répondre à toutes nos questions. Je lui laisse le mot de la fin.
- Speaker #1
Ce sujet de... Comment est-ce qu'on peut répondre au mieux au projet de vie du patient ? Ça veut dire comment respecter l'autonomie du patient, même si ça ne va pas en accord avec nos propres valeurs et idéaux. Et donc, je suis en train de mener des travaux de recherche dans ce domaine.