- Speaker #0
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce troisième épisode de Jusqu'à la fin, podcast du Centre National des Soins Palliatifs et de la Fin de Vie. Dans cet épisode, nous allons essayer de comprendre comment la loi encadre à l'heure actuelle la fin de vie. Comment fixer un cadre sur une notion aussi intime et mouvante ? Quelle place donner au patient et à sa volonté dans un processus où il ne peut plus nécessairement l'exprimer ? Pour répondre à cette série de questions, j'ai eu la chance d'interviewer Alain Claes. Il est membre du Comité National Consultatif d'Éthique et ancien parlementaire. Le but de cet épisode est d'expliquer les dispositifs prévus par la loi Claes-Leonetti qui crée de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, mais aussi de comprendre l'esprit dans lequel cette loi a été élaborée. Et pour ce faire, qui de mieux qu'un de ces co-rapporteurs ? Au début de nos échanges, je partage avec M. Kless le cas de l'épisode précédent. Une histoire particulièrement complexe d'un patient qui se situe dans un coma sans espoir de retrouver une certaine qualité de vie, mais dont la situation ne peut pas évoluer puisqu'il y a un désaccord entre les membres de la famille et le corps médical. Il me fait remarquer que c'est justement ce type d'histoire qui a en partie motivé la naissance de la loi.
- Speaker #1
Chaque citoyen a en tête des exemples. de personnes qui ont eu des fins de vie difficiles, des proches, des membres de la famille. Quelle est la question qui est posée ? Bien souvent, ce n'est pas forcément la mort, la mort est là. C'est comment la société prend en compte le souhait du citoyen pour l'accompagner et faire en sorte que ce chemin soit le chemin le moins pire. Le législateur n'est pas là pour, j'allais dire, régler ce sujet si intime. C'est tout simplement fixer un cadre qui permette à la fois aux patients, aux soignants, de pouvoir avoir un certain nombre, j'allais dire, de dispositions qui leur permettent d'accompagner au mieux la personne.
- Speaker #0
Parmi ces nouveaux dispositifs, la loi Claes-Leonetti prévoit le droit à la sédation profonde et continue jusqu'au décès à la demande du patient. Mais surtout, elle renforce le rôle des directives anticipées. Concrètement, elle donne plus de place à la volonté du patient.
- Speaker #1
Sur ces directives anticipées, c'est-à-dire que la personne peut faire connaître ses souhaits pour cette dernière partie de la vie. Pourquoi ? Parce qu'elle souhaite préparer... J'allais dire, cette dernière partie de la vie ne peut pas être un poids pour ma famille. Vous voyez, c'est ce genre de questionnement, d'interpellation qu'il faut voir. Puis parfois, c'est pour ça qu'elles peuvent être modifiées à tout moment. La science progresse, les traitements progressent, etc.
- Speaker #0
Ces directives anticipées ont donc pour but de permettre à chacune et à chacun d'entre nous d'exprimer nos volontés. le jour où l'on ne serait plus en capacité de le faire. Qu'est-ce que je voudrais faire, moi, dans le cas où, par exemple, je me retrouve dans un coma végétatif ? Jusqu'alors, ces directives anticipées étaient consultatives. Désormais, la loi les impose aux médecins, sauf rares exceptions. Mais parfois, il est difficile de les rédiger et on préfère confier ses volontés à une personne qui nous connaît bien. C'est pourquoi la loi précise aussi le rôle de ce qu'on appelle la personne de confiance dans la prise en charge. de la fin de vie. Je laisse M. Kless expliquer.
- Speaker #1
Et dans la loi, la personne de confiance n'est là que pour exprimer ce que dirait la personne si elle était en situation de pouvoir s'exprimer directement. Et cette personne de confiance prend le pas sur toute autre personne, familiale ou pas.
- Speaker #0
Le patient exprime donc sa volonté, que ce soit directement, à travers ses directives anticipées, ou à travers la voix de la personne de confiance. qu'il ou elle aura désigné. Mais alors, quel est le rôle du médecin ? Doit-il se conformer à la volonté du patient ou s'implique-t-il lui aussi dans la décision ? Est-il seul ou partage-t-il le poids de la prise de cette décision avec d'autres acteurs ?
- Speaker #1
Il faut toujours retenir ce mot qui est important, la collégialité. Quelqu'un qui demande d'arrêter ses traitements va se trouver en face d'un collège médical. on va interroger la personne, un dialogue se crée. Et à l'issue de ce dialogue, il peut y avoir demande d'arrêt de traite. Et la décision prise, c'est la collégialité, c'est-à-dire... L'équipe médicale échange, et ces patients peu étonnômes peuvent échanger avec la personne ou avec la famille. Donc il faut bien comprendre aujourd'hui que ces directives anticipées, cette personne de confiance, renforce l'autonomie de la personne, mais ne décharge d'aucune façon ou ne suspecte pas le corps médical, ce qui serait une absurdité totale. C'est là où je veux insister. Dans l'évolution de nos lois, il y a des pas vers l'autonomie, mais ces pas vers l'autonomie, en aucune manière, ne doivent affaiblir la notion de solidarité.
- Speaker #0
La solidarité dont il est ici question est le second des principes fondamentaux sur lesquels repose la loi. Il s'agit du devoir de solidarité envers les personnes les plus fragiles et les plus vulnérables. C'est un principe qui repose non seulement dans les mains du corps médical, mais surtout auprès de la société tout entière. Comme on l'a vu, à côté de ce principe de solidarité, repose le principe d'autonomie du patient qui s'exprime à travers ses directives anticipées ou sa personne de confiance. Toutefois, dans certains cas, le corps médical peut passer outre la volonté du patient quand il estime que cette volonté n'est pas adaptée à la situation clinique ou en cas d'urgence.
- Speaker #1
Le législateur a voulu mettre un mot qui est extrêmement important, le mot inapproprié. Ça veut dire que la communauté médicale a ses directives anticipées. Elle peut dire que la situation dans laquelle il se trouve, ses directives anticipées ne peuvent pas s'appliquer. Et dans ce cadre-là, il faut que leurs réflexions et leurs décisions figurent très explicitement dans le dossier médical de la personne.
- Speaker #0
Vers la fin de notre entretien, J'ai questionné M. Kless sur ce qu'il percevait de l'impact de la loi et des droits qu'elle propose. Sa réponse, et vous allez le voir, en demi-teinte. Si ces droits sont de véritables avancées, on est encore peu nombreux à les mobiliser.
- Speaker #1
Simplement 11% de nos concitoyens ont rédigé leur directive anticipée. C'est la vérité. Alors, je vous donne, par rapport à ça, la loi donne la direction. Mais voter une loi, c'est aussi s'interroger à son application quelques années plus tard. L'enjeu est très clair, c'est de mieux faire connaître la loi, que les patients, on explique aux patients leurs droits et comment leurs droits peuvent s'inscrire dans un cadre plus large de solidarité pour la nation.
- Speaker #0
Dans cet épisode, nous avons donc compris l'équilibre conçu par la loi pour d'un côté promouvoir l'autonomie du patient, et de l'autre, la pertinence de l'intervention du professionnel. Mais nous avons surtout compris l'intérêt de faire connaître ces droits aux citoyens, pour qu'ils puissent ainsi les mobiliser. Merci donc pour cela à Alain Kless d'avoir pris le temps de répondre à toutes nos questions et d'avoir partagé son amour de la nuance dans un sujet aussi complexe que l'encadrement de la fin de vie. Je lui laisse le mot de la fin.
- Speaker #1
Un sujet passionnant. C'est un sujet où le questionnement est toujours là. Et puis, je suis un grand défenseur de la démocratie représentative. La démocratie représentative est sûrement le cadre le plus adapté pour traiter ces sujets-là, traiter la nuance, traiter le questionnement, et ne pas être toujours dans une certitude qui est l'apanage des ignants.