- Speaker #0
Bonjour à toutes et tous, c'est Céline, kinésithérapeute près de Lille. Bienvenue dans ce nouvel épisode de Kinécast de la FEDE, la communauté dynamique et innovante des kinésithérapeutes. Chaque semaine, vous découvrirez les témoignages, les conseils et les astuces de kinés passionnés et engagés sur des sujets qui vous interpellent dans votre pratique, et aussi sur l'actualité. Ensemble et avec la FEDE, bougeons les lignes de la kinésithérapie. Bonne écoute ! La Médicale, un réseau expert d'agents généraux pour accompagner les masseurs kinésithérapeutes dans leurs besoins professionnels et privés. La Médicale accompagne près d'un masseur kinésithérapeute sur trois en France. Rassurant non, des assurances adaptées aux besoins des masseurs kinésithérapeutes, tant professionnels que privés. Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode de Kinecast. Aujourd'hui, en ce mois d'octobre rose, On va parler d'un sujet qui concerne de très nombreuses patientes et qui touche directement notre pratique de kiné, la cancérologie du sein et le lymphodème. Mon invité est une référence incontournable dans ce domaine, Jean-Claude Ferrandez, kinésithérapeute, coordinateur de la consultation de lymphologie et de kinésithérapie scénologique à l'Institut du cancer Avignon-Provence. Il a été longtemps président de l'AKTL, l'association française des masseurs kinésithérapeutes, pour la recherche et le traitement des atteintes lymphovéneuses. Auteur de plusieurs ouvrages de référence et formateur reconnu. Avec lui, on va retracer son parcours, comprendre la place du kinésithérapeute dans le parcours de soins des patientes et explorer comment nous pouvons, nous kinés, améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de cancer du sein. Bonjour Jean-Claude.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Je te remercie tout d'abord d'avoir accepté mon invitation.
- Speaker #1
Avec plaisir.
- Speaker #0
Alors Jean-Claude, avant de rentrer dans le vif du sujet, je vais te proposer tout simplement de te présenter.
- Speaker #1
Alors je suis kinésithérapeute diplômé d'État, comme beaucoup de confrères et de sœurs. J'ai été diplômé en 1980 à partir de l'école de Montpellier. Et à partir de cette date, j'ai eu une activité libérale immédiate tout de suite. Et je me suis intéressé, comme tous les kinés libéraux, aux techniques qui sont basées sur l'approche clinique. et qui ont des références sur la preuve de leur efficacité. Ça, c'était début des années 80. Le hasard des choses a fait que j'ai commencé par travailler dans une clinique de chirurgie vasculaire où mon intérêt pour la tuyauterie artérielle et veineuse s'est développé ensuite sur l'emphatique. J'ai eu une autre période de ma vie où j'étais en double à la fois avec cette passion sur le vasculaire et ce qui en est arrivé après, c'est-à-dire la scénologie, avec la rééducation de la main. puisque j'ai travaillé aussi pendant une trentaine d'années dans un service de rééducation SOS Main à Avignon. Voilà pour ça.
- Speaker #0
Alors Jean-Claude, on parle souvent du rôle de l'oncologue, du chirurgien dans le parcours de soins des patients atteints de cancer. Mais les kinésithérapeutes sont aussi en première ligne, notamment après une chirurgie. Alors pour bien comprendre cette place, est-ce que tu peux nous expliquer, toi kiné, ce qui t'a amené à t'orienter vers la cancérologie du sein ?
- Speaker #1
Une affaire tout à fait anecdotique et surprenante. Dans la clinique de chirurgie vasculaire, il y a un chirurgien un jour qui me dit « Monsieur Ferrandez, on fait rentrer demain un lymphedème, il faudra que vous en occupiez. » Je le regarde un peu candide et je dis « Monsieur, je ne connais pas le mot lymphedème. » Il me dit « Ça n'a pas d'importance, vous irez passer chez monsieur untel qui était l'ancien kiné et il vous donnera la valise et il y a le matériel pour. » Au début, j'ai cru que c'était une farce qu'on fait aux gens qui débutent dans la maison. et en fait le soir même je récupérais une petite de valisette dans laquelle il y avait un tuyau en caoutchouc, style tuyau de gaz, et une photocopie d'un vieil article du journal de maladies vasculaires qui était signé par un docteur qui s'appelait Van der Molen et qui décrivait un tuyautage pour traiter l'infodème, c'est-à-dire une technique d'essorage extrêmement drastique sur ça, que j'ai mis en application dans les jours qui ont suivi sur une première patiente dont je me souviens encore du prénom, Marussia, une Russe. Et ce traitement est extrêmement dur puisqu'il faut comprimer le membre de l'extrémité distale en remontant, donc il y a une expulsion des liquides. Et là rentre dans la chambre un médecin, un angiologue qui me dit « qu'est-ce que vous faites ? » et je dis « je fais Van der Molen, ce qu'on m'a demandé » . Il me dit « vous n'y pensez plus, c'est terminé, il faut vous occuper de vous former au drainage lymphatique manuel » . Donc j'ai commencé par ça, le drainage lymphatique manuel avec Albert Leduc au début des années 80. Puis j'ai vu que ça manquait un peu de poids, même si l'orateur était puissant et convaincant. Il manquait des choses, donc j'ai commencé à faire un peu le tour de France et d'Europe pour voir ce qui se faisait par ailleurs. Et c'est là que j'ai appris et que j'ai vu que les gens qui pratiquaient ne pratiquaient pas ce qui était écrit dans les livres. Ça m'a beaucoup intéressé. Donc on a travaillé là-dessus, sur ce sujet-là, les lymphodèmes, essentiellement les lymphodèmes du membre supérieur, avec l'Institut du Cancer à Avignon, qui n'avaient pas de réponse à ce tableau clinique. Et quand je m'étais présenté, ils m'ont dit « Mais si vous avez une réponse, ça va nous intéresser. » Et j'ai été littéralement... recouvert par une soulamuse de lymphodème comme on n'en voit plus maintenant. Et à partir de là, on a fait évoluer les techniques sur le traitement des lymphodèmes, on pourra peut-être l'évoquer. Et puis ça m'intéressait pour aller plus avant dans la vie des patientes qu'on voyait et s'occuper de la rééducation post-opératoire, et après au-delà des préparations aussi à la reconstruction.
- Speaker #0
Quand on prend justement en charge une patiente atteinte d'un cancer du sein, quels sont aujourd'hui les grands objectifs de la kinésithérapie ?
- Speaker #1
Les objectifs dépendent essentiellement de la période où on la voit, cette patiente. Donc quand on la voit en post-opératoire, donc dans la dizaine de jours qui suivent l'intervention chirurgicale, quelle qu'elle soit, l'obsession c'est l'amplitude de l'épaule. Et ça, je crois que c'est extrêmement important, même si certains se sont gossés de notre obsession de l'amplitude de l'épaule. Quand on travaille dans un milieu de cancérologie, on sait que ce qui est important, c'est que les patientes puissent être irradiées correctement, c'est-à-dire qu'elles puissent s'installer confortablement sur la table de radiothérapie. Et quand l'amplitude de l'épaule n'est pas récupérée du fait de la chirurgie axillaire ou par kinésiophobie, on ne peut pas les irradier et c'est source de grandes douleurs, très souvent, de prémédication et parfois d'interruption ou d'impossibilité de démarrer ces séquences radiothérapiques. nécessitant une reprise de la rééducation et parfois, à nouveau pour les physiciens qui appliquent une dosimétrie particulière, un nouveau calcul de dose sur les patientes qui ne peuvent pas prendre la bonne position. Donc la chose la plus importante en post-op, c'est de savoir dans les jours qui vont suivre, à des délais différents selon la séquence, qu'elles vont avoir droit à une radiothérapie, il faut que ce soit le plus confortable possible. La manière dont on prend ces femmes quand on les a en post-opératoire immédiat. C'est un peu différent bien sûr si on les voit par après avec une reconstruction qui est prévue et qui nécessite parfois, mais pas tout le temps, une préparation pour le chirurgien plasticien.
- Speaker #0
Alors quelle technique utilises-tu pour par exemple récupérer justement ces amplitudes articulaires ?
- Speaker #1
Alors les amplitudes articulaires, on dit articulaires mais c'est plutôt le complexe de l'épaule. On est essentiellement limité par des pathologies très particulières. qui sont secondaires à la chirurgie du creux axillaire, que ce soit un creux axillaire ou un ganglion sentinelle. C'est une réaction des vaisseaux lymphatiques du membre supérieur qui se vit danger dans les nœuds lymphatiques, comme on dit maintenant, les ganglions, comme on le disait auparavant, et qui n'ont plus de chemin. Et ces tuyaux, ces petits tuyaux, vont se sténoser, se thromboser, s'enflammer et enrédir l'amplitude de l'épaule parce que comme ils sont enflammés, et hyper tendu par la pression qui règne à l'intérieur, comme dans une paraflébite, c'est-à-dire une flébite des veines superficielles au membre inférieur, c'est extrêmement douloureux. Donc on est limité par ça. On a des techniques posturales, de mise en tension, douces, sur lesquelles on applique des manœuvres de drainage avec la pulpe des doigts. Ce sont des techniques qui ont été validées et qui font la preuve d'efficacité dans des séries sérieuses au niveau européen.
- Speaker #0
Alors si on compare justement... des débuts dans ce domaine. Qu'est-ce qui a changé de façon la plus importante ?
- Speaker #1
La chose la plus importante, c'est sans doute le fait que la chirurgie de ce creux axillaire qui pose le problème de l'amplitude de l'épaule, ce n'est pas le fait d'enlever la tumeur ou d'enlever le sein qui pose problème sur l'amplitude de l'épaule, c'est cette chirurgie du creux axillaire. Elle a eu des escalades énormes, puisque auparavant il fallait enlever en une. une douzaine de ganglions de noeuds lymphatiques au minimum, si ce n'est une vingtaine parfois. Maintenant, avec une technique qui s'appelle le ganglion sentinelle, qui concerne l'immense majorité des patientes, 80-90% pratiquement, on en enlève beaucoup moins, un, deux ou trois au maximum. Et le nombre de séquelles en relation avec ces thromboses, ces brides, comme certains les appellent, ou des cordons, sont en moins grand nombre et limitent beaucoup plus l'amplitude de l'épaule. Donc on a des patientes qui arrivent... beaucoup plus souple qu'elle ne l'était auparavant.
- Speaker #0
Alors, je le disais en introduction, mais tu es formateur et je sais que tu insistes beaucoup sur le fait que le kiné doit connaître le parcours thérapeutique de sa patiente, qu'elle fasse chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie. En quoi ça change justement notre pratique, nos contenus de séance ?
- Speaker #1
Je ne sais pas si ça change le contenu des séances, mais c'est la manière avec laquelle on est avec les patientes, parce qu'effectivement, c'est... C'est soit en scénologie, en kinéasthérapie scénologique, c'est quelque chose de très intime, si j'ose le mot, c'est dans une cabine, un box qui est fermé à clé, mais si on ferme à clé, il faut expliquer pourquoi, et qui se font sur des corps qui sont assez mutilés, mutilés avec souvent une zone qui a beaucoup souffert dans l'histoire de la patiente ou le symbole qu'elle a préalablement de son sein. Et ça va nécessiter d'avoir une relation de confiance. Et pour cela, il faut que la patiente raconte son histoire. Et quand elle raconte son histoire, qu'on est en quelque sorte, avec un mot un peu méridional, on devient membre de sa famille, les choses s'apaisent, il y a beaucoup moins d'inquiétudes et la relation est beaucoup plus fluide.
- Speaker #0
Alors, tu nous parlais de complications majeures telles que l'amplitude au niveau du complexe de l'épaule, mais il y a aussi l'œdème. Alors, à quelle période justement faut-il être vigilant dès le début de la rééducation ?
- Speaker #1
Oui, l'œdème, ça fait partie des suites opératoires banales. Et comme on a dans toute intervention chirurgicale, une réaction inflammatoire, ce n'est pas pour autant un lymphodème, c'est quelque chose de passager. En revanche, il faut faire attention à peut-être l'apparition d'un lymphedème qui est beaucoup moins fréquent que par le passé, qui se traduit au début par une simple lourdeur du bras et qui peut prendre plus d'amplitude par la suite. Donc c'est ça la chose à laquelle il faut qu'on soit nous attentifs, mais pas forcément qu'on en parle à la patiente pour l'inquiéter, parce que c'est générateur de stress, souvent pour rien du tout, puisque l'immense majorité des patientes n'auront pas de vrai lymphedème.
- Speaker #0
Donc voilà, il n'y a pas. Je pense qu'il y a quand même une grosse part d'éducation thérapeutique, justement, auprès de la patiente. Donc, il y a des choses que tu évites de parler, tout au moins au début. Peut-être que naturellement, je pense, comme une lourdeur du membre supérieur, elle va peut-être justement en parler plus spontanément.
- Speaker #1
Alors oui, s'ils veulent, pour qu'elles entendent bien une leçon d'éducation santé, il faut qu'elles posent la question. Si on donne des réponses à des questions qui ne sont pas posées, on n'est pas écouté. Donc si elles abordent le problème de ce risque du gros bras, on en parlera. Mais si elles n'en parlent pas, on ne dit rien. Et ce qu'on sait qui va protéger de l'apparition de ce lymphodème, à l'inverse de tout ce qui a été dit pendant des décennies par tout le monde, y compris par moi, c'est de ne surtout pas modérer l'utilisation du membre supérieur. Ce qui finalement prévient le lymphodème, c'est utiliser le membre supérieur. Ça ne provoque pas le lymphodème et ça le prévient. Donc ça fait partie des résultats obtenus par le... très belles études internationales qui font que cette économie du manque supérieur qui rendait la patiente, en quelque sorte, infirme, sans parler des minégligeances, ce qui serait vraiment outrancier comme vocabulaire, on se rend compte que plus elles en servent, mieux c'est. En revanche, et ça, on a un rôle à jouer là-dessus, c'est qu'il y a des facteurs de risque, pas l'assurance qu'il y a à l'infodème, et qui sont liés au surpoids, et au risque infectieux de ce côté-là. qui peut être le départ d'un lymphodème, étant entendu que l'insuffisance lymphatique, c'est un problème circulatoire quand on regarde d'une certaine manière, mais c'est aussi un défaut de réponse immunitaire à l'infection. Et l'infection, quand elle se développe dans les vaisseaux lymphatiques, elle les obstrue, et les vaisseaux lymphatiques sont moins nombreux, moins vaillants pour travailler, et le lymphodème peut apparaître.
- Speaker #0
Alors au-delà du bras lourd, est-ce qu'il y a d'autres signes qui doivent nous alerter ?
- Speaker #1
Alors il y a les signes objectifs qui servent de diagnostic pour l'infodème. Le diagnostic le plus simple que tous les kinesapotes peuvent pratiquer, c'est la mesure des circonférences du bras. Alors on dit classiquement que le lymphodème apparaît quand il y a 2 cm d'écart entre les deux côtés, à un niveau identique bien entendu. Ces 2 cm peuvent être biaisés par le côté dominant de la patiente ou par une moindre utilisation du banc supérieur pour d'autres raisons. Mais on dit que 2 cm, c'est le moment où il y a un lymphodème, mais à 1,5 cm, il y a déjà. Donc c'est difficile. Ça, c'est la technique qui est reconnue. Quand les mesures sont plus importantes, 3-4 cm, c'est tout à fait valable. C'est validé en termes de reproductibilité. Ça c'est la manière plutôt française qui est pratique, ça ne coûte pas cher. Aux Etats-Unis, ils font les mesures de volume. Pour cela, ils immergent le membre sain et ensuite le membre du côté opéré dans un cylindre et ils mesurent la différence de volume qui va être déplacée. Ils attestent que le lymphodème est présent quand il y a 200 ml d'écart. C'est une manière de faire. Mais quand on va un peu plus... Loin là-dessus, ce 200 millilitres a une valeur pour une personne qui ferait 1,50 m et qui pèserait 50 kg. Mais pour une Américaine qui serait obèse et qui en ferait 120, ces 200 millilitres n'ont pas la même signification proportionnelle. Donc il y a une autre manière encore d'attester ce diagnostic de l'infodème. C'est de dire quand il y a 10% d'écart entre les... les deux côtés. Voilà. Donc, ça, c'est une manière de faire. C'est bien. 200 millilitres, c'est une chose. 10%, c'est plus personnalisé. Ça me plaît plus. Ce qui me plaît sans doute le plus, mais ça, c'est lié à l'âge. C'est le regard qu'on a avec le temps. C'est de demander à la patiente si elle se plaint de quelque chose.
- Speaker #0
Ça, c'est de par ton expérience.
- Speaker #1
Oui. Oui, parce qu'on a des patientes qui ont des lymphodèmes gigantesques, que ça les préoccupe. pas parce qu'elles savent faire avec. Et puis d'autres qui ont des lymphodèmes, je dirais, homéopathiques. Que ce soit une injure pour les spécialistes de cette discipline, mais qui nous embêtent, qui nous demandent beaucoup de choses. On aurait envie de leur dire, mais attendez, vous n'avez rien à côté des autres patientes que vous voyez. Et en fait, elles sont aussi malheureuses. Donc, il faut les prendre en charge de la même manière.
- Speaker #0
Alors, quelles techniques rééducatives au niveau du lymphodème sont pratiquées actuellement ?
- Speaker #1
Alors là, c'est quelque chose qui a beaucoup changé en 40 ans. Beaucoup changé en 40 ans parce que, sans parler des techniques qui portent un nom d'auteur, un nom de famille, les techniques éponymes qui ne sont, à mon avis, pas une bonne chose puisqu'elles sont décrites par un auteur. Il l'écrit et dès qu'elle est écrite, elle ne peut plus changer, elle ne peut plus évoluer et ne pas intégrer les nouveautés, les démonstrations. Donc, nous, on est pour les techniques qui ont fait la... la preuve de leur efficacité sur la base d'expérimentations qui ont été réalisées. Pour le drainage manuel, qui est la première technique à utiliser sans doute, les choses se sont extrêmement simplifiées avec pas mal de travaux qu'on a pu nous-mêmes réaliser avec des lymphocentigraphies ou avec des équipes belges, avec de la plétismographie. Les techniques de drainage se pratiquent avec des massages sur l'œdème, point final. Les techniques d'appel qui étaient un vœu pieux n'ont aucun intérêt. Il ne faut pas avoir non plus peur d'appuyer dessus avec une certaine pression pour avoir un résultat clinique. C'est la seule chose qui nous intéresse, résultat clinique. Ce n'est pas l'application d'un protocole très révérencieux par rapport à la personne qui l'a décrit. Ça c'est pour les drainages. Il y a les bandages bien sûr. Les bandages ont énormément évolué par rapport à ce qu'ils faisaient il y a 40 ans avec des bandages qu'on appelait multicouches. Multicouche c'est un pléonasme. Tous les bandages sont multicouches, il y a une seule chose qui serait moins de couche, ce serait le bas ou le manchon. Dès lors qu'on utilise une bande, il y a eu un des spires qui se recouvre, donc ils sont tous multicouches. Mais ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a eu une sorte de pédagogie de bandages qui ont été importés d'Allemagne, à partir d'une clinique extrêmement importante, un point de référence international en Allemagne, c'est la clinique de Foldy, et où les... Les gens qui sont recrutés ont de très gros lymphodèmes. Et donc, ils ont besoin de bandages très spécifiques, avec beaucoup de bandes, avec beaucoup de matelassage, etc. C'est assez complexe. Ce qu'on voit en ville aujourd'hui, c'est-à-dire l'immense majorité des patientes, ce sont des lymphodèmes qui ont besoin d'un bandage très simple. Et avec l'AKTL que vous avez évoqué tout à l'heure, on a fait beaucoup d'études sur les pressions qui règnent sous ces bandages. Et on se rend compte qu'avec deux bandes, tout simplement, on habille et on gestionne tous les lymphodèmes. Deux bandes seulement, avec un bandage qui se fait en trois minutes.
- Speaker #0
D'ailleurs, il y a des recommandations HHS sur le sujet.
- Speaker #1
Oui, l'HHS a fait des recommandations, et j'avais fait partie du groupe de travail à l'époque à l'HHS. C'était pour obtenir une cotation particulière, pour avoir le droit dans la même séance de traiter à la fois un lymphodème et une limitation d'amplitude de l'épaule, ce qui était interdit d'avoir deux actes le même jour. Ça avait fait l'objet de gros problèmes au niveau administratif. Une patiente pouvant faire le traitement de l'infodème chez un confrère et puis une rééducation périnéale chez une autre consoeur. Et donc il fallait que l'un des deux rembourse, des indues. Indus de quoi ? Je ne sais pas. Donc il y avait eu une saisine qui avait été portée à l'AHS et on avait démontré qu'il était tout à fait légitime de traiter le lymphodème avec du drainage et des bandages dans une séance et dans la même séance faire le traitement de l'épaule. étant entendu que la séance était évidemment plus longue. On recommandait une séance de l'ordre d'une soixantaine de minutes, mais sous condition qu'il s'agisse d'un vrai lymphedème, pas d'un lymphedème post-opératoire, d'un lymphedème qui aurait au moins 2 cm d'écart et qui soit traité par drainage et bandage. Et d'autre part, que l'épaule ait vraiment montré qu'il y a des déficits mis en évidence par un bilan. Donc la HHS a autorisé cette... Cette prise en charge et la NGAP étaient montées à une cotation 15,5 depuis l'époque.
- Speaker #0
Alors toi, en consultation, quelles sont les complications les plus... fréquente que tu rencontres parmi les amplitudes restreintes, les lymphedèmes ?
- Speaker #1
Alors actuellement, en tant que gentil retraité d'activité libérale, je n'ai plus que façon de parler, qu'une consultation dans un institut du cancer où je vois des patientes, parfois des patients, qui ont des difficultés. Et là, moi, je vois tout. Comme une consultation normale, je peux avoir des problèmes d'épaule, des problèmes de cicatrices, de douleurs, de lymphedèmes. Je dirais que peut-être par ce que les gens savent que je sais faire et où je peux exprimer des recommandations pour les confrères et consoeurs, je vois pas mal de lymphodèmes encore et qui sont traités de façon à la mode de chez eux.
- Speaker #0
C'est pour ça qu'il est important de se former. On en reviendra. Alors, on l'a parlé rapidement tout à l'heure, mais voilà, tu as été président de l'AKTL. Qu'est-ce que cette association justement a apporté aux kinésithérapeutes ?
- Speaker #1
Alors elle a apporté d'abord pour les gens qui étaient là, initialement, des informations qu'ils reçoivent toujours, puisque les membres de l'association, les adhérents, reçoivent quatre fois par an un petit bulletin, qui n'est pas une revue scientifique, mais qui a vraiment l'immense avantage de rapporter des traductions, des résumés des articles qui sortent à l'international dans des revues auxquelles on n'est forcément pas abonné quand on est kinésithérapeute. de chirurgie, de cancérologie, de dermatologie, et qui sont en français, en anglais, en japonais, etc. Donc on a des veilles bibliographiques, et quand il y a des articles qui sont intéressants, les gens qui sont adhérents reçoivent cette information, donc ils sont up-to-date, c'est comme ça qu'on dit, avec l'accent du sud, je ne sais pas comment ça va sortir ça. Mais voilà, donc ça permet d'avoir une information au quotidien. Et puis on organise depuis très longtemps beaucoup de réunions, on fait des réunions pour les membres, et puis on a réalisé, je crois, Cette année, c'est le 16e congrès qui aura lieu demain d'ailleurs, demain à Paris, sur le cancer du sein.
- Speaker #0
Une petite parenthèse, mais voilà, quand on diffusera l'épisode, le congrès aura lieu. Donc rendez-vous en 2026.
- Speaker #1
Voilà, tout à fait pour le prochain, la date n'est pas fixée encore. Voilà, donc cette AKTL qui avait été créée en 1983 par les premiers enseignants sur le traitement des lymphodèmes ici, à l'INK, s'est occupée d'abord des lymphodèmes. puis des suites de cancers du sein et d'autres cancers d'ailleurs, bien sûr. Et puis, elle a publié pas mal de travaux. On a d'ailleurs été à l'origine de la première étude multicentrique, multipraticien plus précisément, du traitement ambulatoire des lymphodèmes. Et notre premier travail, qui a été publié dans les années 2000, était la première étude qui démontrait que la kinesthérapie libéral avait porté ses fruits. Ça, ça avait été notre premier travail. On a fait d'autres études sur les lymphodèmes aussi, beaucoup sur les variations de pression sous bandage pour montrer qu'il fallait absolument les simplifier parce que c'était beaucoup moins compliqué quand c'était simplifié. L'expression est simple, mais elle est claire. Donc, on a fait des travaux là-dessus, on a fait des réunions, et puis on essaie de diffuser ces techniques qui sont très différentes de ce que les étudiants apprennent. C'est d'ailleurs étonnant que les enseignants des IFMK ou d'autres écoles n'aient pas actualisé leur pratique. Vraiment, c'est vraiment dommage parce que c'est du temps perdu pour les étudiants et c'est du temps perdu pour les patientes. C'est une perte de chance pour elles.
- Speaker #0
J'espère qu'ils nous écoutent. J'espère. Alors justement, tu disais à l'instant que tu as publié de nombreux articles. Si tu avais deux ou trois messages principaux par les dernières recherches qui ont été effectuées ?
- Speaker #1
Simplifier le traitement, ce que je dirais. Ne cherchez pas à appliquer des recettes. Regardez avec vos yeux et palpez avec vos mains. Pour le lymphodème, c'est très clair, c'est où il sera molli et il dégonfle, ou alors il reste dur et vous n'avez rien fait. Donc je dirais la première chose, c'est ça, regarder et palper et ne pas avoir peur d'appuyer sur des lymphodèmes. De la même manière, quand on appuie plus fort sur certains types de DEM, avec des compressions, ne serait-ce qu'au membre inférieur, avec des bas de classe différentes, dont la distinction est liée à la pression qu'ils exercent, je dirais ça. Et puis je dirais effectivement, surtout, d'avoir des bandages qui sont toujours personnalisés pour les patientes. Parce qu'il n'y a pas deux lymphodèmes que l'on emmaillote de la même manière, parce que c'est chaque fois une maladie différente.
- Speaker #0
Donc on a parlé de ton côté clinique, mais tu transmets aussi énormément. Alors on va parler maintenant de cette dimension justement pédagogique. Tu es donc formateur à l'INK. Quelle formation justement proposes-tu ?
- Speaker #1
Alors je propose des formations qui rentrent dans ce qu'on appelle la spécificité en cancérologie scénologique. C'est quelque chose qui est reconnu par le Conseil national de l'ordre. Pour avoir le droit d'apposer sur sa plaque ou sur son papier à lettres cette notion de spécificité en cancérologie, scénologique plus particulièrement, il faut avoir fait, dans les quatre années qui ont précédé, six stages au moins, c'est-à-dire avoir un volume de formation de 80 heures. Le e-learning ne compte pas évidemment là-dedans, puisqu'on a un métier manuel. Donc parmi tout ce qui se fait, j'interviens pour faire une formation de deux jours sur les rééducations post-opératoires, de deux jours sur le traitement des lymphodèmes, d'une journée sur le traitement des bandages du membre supérieur et d'un stage de deux jours sur le traitement des complications vasculaires des membres inférieurs, c'est-à-dire les thromboses que ces patientes opérées du sein ont, comme toutes les patientes traitées pour un cancer. Plus de risques d'avoir une thrombose veineuse, donc il y a des traitements particuliers à faire. Et également l'infodème des membres inférieurs, quand malheureusement la maladie va s'étendre et sera logée de compression des voies lymphatiques au niveau du pelvis ou au niveau abdominal.
- Speaker #0
Alors je présume que ça concerne aussi bien les kinés libéraux que salariés.
- Speaker #1
Ah oui, c'est des prises en charge, c'est en tout cas à tout le monde. Il y a d'autres sujets que ce danger. Je viens de parler pour les stages que j'anime, puisqu'il y en a d'autres sur les cicatrices, qui sont organisées par Nadine Varro, sur l'activité physique adaptée, sur l'éducation de l'épaule, etc. Mais tout ça dans un contexte de scénologie.
- Speaker #0
Est-ce que tu formes alors exclusivement sur Paris ou est-ce que ta formation est délocalisée aussi un peu en province ?
- Speaker #1
J'espère bien, venant de province et même de Provence, il faut que ça aille partout. Donc je me déplace avec beaucoup de bonheur. Très heureux de rencontrer des professionnels qui cherchent à aller plus loin. Donc je fais tous les endroits de France où on me demande. L'étranger aussi, je suis ici en Espagne, mais ça c'est autre chose encore.
- Speaker #0
Donc j'invite à tous les kinés d'aller sur le site de l'INK. Vous allez retrouver justement les différentes formations et le lieu où elles se déroulent. Alors d'ailleurs, tu parlais de spécificité. Justement, je pense que l'INK l'année prochaine est en train de... de réaliser justement un projet à ce sujet en 2026.
- Speaker #1
Oui, le projet c'est vraiment d'offrir une dizaine de stages qui sont dans ce contexte de la scénologie et qui permettent d'acquérir ces 80 heures de formation en choisissant des sujets. Alors il y en a qui sont, on va dire, qu'on est obligé de faire bien sûr, mais après il y a un certain nombre de formations sur des pathologies ou des aspects cliniques. un peu à la limite de notre activité, mais qui nous intéresse quand même, comme la nutrition, la sexologie, la psychologie, etc. Parce qu'il faut qu'on sache tout ce qu'on peut proposer à ces patientes, en fait. Donc là, il va y avoir, c'est en train de sortir un programme particulier avec une dizaine de formations pour aller chercher ces compétences.
- Speaker #0
Alors, tu vas prêcher pour ta paroisse, mais voilà pourquoi tout. Il est important pourquoi qu'un kiné développe une expertise en scénologie ?
- Speaker #1
Je crois que l'expertise, il faut la voir si on prend en charge une partie des patients qui nous sont confiés, et surtout quand c'est des soins qu'on doit apporter, qui ont vraiment quelque chose de très particulier. Je sais bien que dans les IFMK, ça commence à être enseigné, cette rééducation scénologique, mais pas autant que quand on... On est déjà kinésithérapeute, on a une formation clinique, on a une main qui est intelligente, qui voit, qui perçoit. Il y a d'autres choses à découvrir. On ne peut les découvrir que si on tient la main au confrère ou au cancer pour les mettre sur la bonne voie. C'est important parce que de la qualité du soin dépend le résultat, c'est évident.
- Speaker #0
Quelles sont selon toi les compétences essentielles pour un kiné qui veut justement s'engager en scénologie ?
- Speaker #1
Beaucoup d'abnégation. Beaucoup d'humilité, parce que ça ne se fait pas du jour au lendemain. Ensuite, il faut avoir beaucoup d'écoute. Les femmes parlent, toutes les femmes parlent bien sûr, mais plus particulièrement ces femmes opérées qui sont en souffrance, il ne nous appartient pas de leur répondre.
- Speaker #0
On n'est pas compétent pour répondre, on n'est pas psychologue, on n'est pas là-dedans. Mais d'entendre leurs questions et peut-être les orienter pour aller voir des gens qui pourront répondre à leurs problèmes, que ce soit de la nutrition, de l'esthétique, des problèmes psychologiques ou autres, ça c'est important.
- Speaker #1
Vraiment un parcours global.
- Speaker #0
Un parcours global. Je crois que la première chose c'est ça. Et surtout, je crois qu'il ne faut pas avoir peur de travailler avec ses mains, parce que là rien ne se fait avec des machines. L'essentiel du travail c'est les mains, bien sûr on a des appareils qui nous aident, mais l'essentiel c'est le travail manuel.
- Speaker #1
Et d'après toi, quels sont les défis prochains justement de ce domaine ?
- Speaker #0
J'en vois deux. D'un côté, je vois un ciel un peu assombri qui est lié au fait que les honoraires ne sont pas à leur juste valeur par rapport à la qualité du travail qui est fait, autant que cela demande. Il y a ça. Il y a peut-être l'évolution de la kinésithérapie où on a l'impression que les jeunes kinés ne mettent plus les mains dans le cambouis. Ce qui est désespérant. Bientôt, c'est les chirurgiens qui n'opéreront plus. Il n'y aura plus que des robots, ce qui est dommage. Ce qui peut être très bien, bien sûr, mais là, ce n'est pas possible pour cette kinéthropie sténologique. Il y a ça. Mais à côté de cela, je vois quelque chose d'assez lumineux, c'est que je vois l'intérêt, l'engouement de ces jeunes kinés, jeunes kinettes, parce qu'essentiellement, ce sont des kinettes. On a fait une étude, celui qu'on a publié là-dessus. quelqu'un d'équipe d'Incatel a fait ça, c'est F. Vernet et effectivement essentiellement ce sont des femmes et elles sont intéressée pour s'occuper de ses femmes. Pour quelles raisons ? Ce serait notre travail à faire, une belle étude à faire.
- Speaker #1
Eh bien merci beaucoup Jean-Claude, merci pour cet échange. On va retenir de cet épisode à quel point la kinésithérapie a trouvé toute sa place dans la cancérologie du sein et qu'au bien elle peut transporter le parcours de soins des patients, transformer pardon, le parcours de soins des patients, notamment dans la prévention et la prise en charge du lymphedème. J'espère que cet épisode donnera envie à beaucoup de kinés de se former, de s'impliquer et de rejoindre ce champ passionnant de notre profession. Merci beaucoup Jean-Claude.
- Speaker #0
Merci beaucoup à toi surtout.
- Speaker #1
Et puis bon congrès pour demain.
- Speaker #0
Merci.
- Speaker #1
Au revoir.
- Speaker #0
Au revoir.
- Speaker #1
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