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L'Actu En Tête

Episode 12 : Burn Out : épuisé.e à vouloir trop bien faire ?

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23min |13/11/2025
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Episode 12 : Burn Out : épuisé.e à vouloir trop bien faire ?

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23min |13/11/2025
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Description

Quand « on fait tout bien », « on donne tout », « on responsabilise tout », et puis un jour… tout s’arrête.

Cet épisode décrypte le burn-out : l’épuisement invisible mais bien réel qui touche celles et ceux qui cherchent à exceller, à performer, à répondre à toutes les attentes — pro, perso, sociales.


➡️ Avec Didier Meillerand (journaliste & fondateur du Psychodon) et Fabrice Pastor (neuropsychologue), nous :


  • repérons les signaux d’alerte que l’on préfère ignorer.

  • comprenons pourquoi les « bons élèves/perfectionnistes » sont plus vulnérables.

  • explorons l’impact des injonctions à « toujours faire mieux » sur notre cerveau et notre santé mentale.

  • offrons des pistes concrètes pour se donner de l’air, ralentir, reconnecter avec soi-même et préserver son équilibre.



Un rendez-vous hebdomadaire mêlant réflexion, décryptage et bien-être pour replacer l’actualité… en tête.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur l'Actu en Tête.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes, bonjour à tous. Bienvenue dans l'Actu en Tête. Commencez à connaître ce podcast qui explore l'actualité par le prisme de notre santé mentale, dans nos vies quotidiennes. Le but, c'est de prendre de la distance vis-à-vis de l'information, de gagner en discernement pour ne pas subir les flux incessants de l'actualité, comme chaque semaine. J'ai le plaisir pour nous aider dans cette... tâche de retrouver Fabrice Pastor, neuropsychologue, formateur, conférencier, auteur. Bonjour Fabrice.

  • Speaker #0

    Bonjour Didier, bonjour à toutes et à tous. Alors je rappelle Didier que tu es journaliste, président du Psychodon et commissaire général du Forum National de la Santé Mentale.

  • Speaker #1

    Et ce qu'il faut savoir, c'est que Fabrice a mine de rien, il est dans le top 10 sur LinkedIn, donc c'est l'occasion de le féliciter. Cette semaine, Fabrice, nous allons parler du burn-out, alors que nous sommes dans un contexte où le gouvernement a annoncé des nouvelles mesures de contrôle qui seront renforcées sur les arrêts maladie qui semblent, selon certains observateurs, pas toujours justifiées, alors qu'une hausse très forte de l'absentéisme dans les entreprises se fait sentir et qu'il y a des préoccupations croissantes autour des enjeux de la santé mentale au travail. Ces dernières années, et en 2024 en particulier. Les risques psychosociaux, burn-out, stress, anxiété, dépression, ont représenté près de 36% des longs arrêts maladie de travail en France. C'est un niveau record et pourtant, derrière ces statistiques, Fabrice, il y a d'autres choses, des vies qui sont mises en pause, des corps qui lâchent ou des cerveaux qui disent stop.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Alors c'est vrai que c'est un vaste sujet que le sujet du burn-out, quand on a voulu un petit peu travailler ensemble en amont. Pour préparer cet épisode, on s'est rendu compte qu'il y avait tellement de choses à dire sur le sujet que pour être exhaustif, on va effectivement devoir proposer d'autres épisodes. Donc, ce qu'on va essayer de comprendre aujourd'hui, c'est plus particulièrement ce qui se passe dans le cerveau, mais aussi physiquement. Alors, le burn-out, contrairement à ce que l'on pense parfois, ce n'est pas juste un trop-plein de travail. C'est parfois, c'est souvent, un manque de sens. ou une fatigue d'avoir voulu trop en faire ou d'avoir voulu trop bien faire. Ça concerne autant les salariés que les dirigeants, que les indépendants et même les aidants d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Commençons Fabrice, si tu le veux bien, de parler du cerveau en alerte, du stress utile comme indicateur sur nos vies, pour nos vies, à la surcharge de travail, une surcharge que tu décris comme allostatique. Ok, alors Fabrice, on parle souvent de stress, mais psychologiquement, qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'est-ce qui se passe dans nos têtes quand je dis, quand on dit, j'en veux plus ?

  • Speaker #0

    Alors, le stress, à la base, c'est un mécanisme de survie. Lorsqu'un danger se présente, ça peut être un danger physique ou symbolique, le cerveau va, toujours entre guillemets, pour illustrer, activer un axe qui est l'axe hypothalamo-hypophysio-surnalien. C'est lui qui va déclencher la libération de cortisol. c'est une hormone qui nous... permet d'agir vite, de mobiliser de l'énergie, d'être attentif et d'augmenter la vigilance. C'est très utile, mais à court terme, parce que si cette activation se répète jour après jour, quotidiennement, plein de fois, sans récupération, alors là, le cortisol va rester trop longtemps élevé. Et là, ça va devenir toxique.

  • Speaker #1

    Le cortisol dans le sang.

  • Speaker #0

    Le cortisol dans le sang. On peut le détecter aussi dans la salive. On en parlera tout à l'heure.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que ce même système qui nous protège finit par nous abîmer.

  • Speaker #0

    Oui. C'est ce que McEwan appelle, tu l'as dit tout à l'heure, la surcharge allostatique. Notre cerveau va s'user, entre guillemets, parce qu'il tente en permanence de rétablir une sorte d'équilibre. Et donc, sous l'effet d'un stress prolongé, on va observer un affaiblissement fonctionnel de différentes zones, notamment de la zone hippocampique qui est impliquée dans la mémoire, une suractivation d'une autre zone qu'on appelle notamment l'amidale, qui va entretenir la vigilance, et une hypo, donc moins une hypoactivation du cortex préfrontal qui va être chargé de réguler la prise de décision, tout ce qui est lié aux fonctions exécutives notamment. Et donc, qu'est-ce qu'on va voir comme résultat ? Ça va être une perte de la concentration, on va observer de l'irritabilité, de l'insomnie, un accroissement de la sensibilité, le sentiment d'être débordé, même à des tâches simples. Bref, un cocktail qui va faire que le cerveau va rester en alerte continue, comme s'il n'arrivait pas à se mettre au repos.

  • Speaker #1

    Et à ce moment-là, où le cerveau n'arrive plus à se mettre au repos, Tout peut basculer. On veut faire bien, on veut toujours faire mieux, mais plus rien ne suit. En fait, le corps se fuge, la tête s'emballe et souvent, c'est un médecin du travail qui tire la sonnelle d'alarme. Ils sont nombreux à dire que le burn-out est devenu une part importante des arrêts maladie prolongée, mais qu'il reste mal connu comme maladie professionnelle.

  • Speaker #0

    Oui, en fait, c'est très paradoxal. Les médecins du travail, ce sont d'ailleurs souvent les premiers à détecter les premiers signes, l'irritabilité, les troubles du sommeil, l'isolement. Le truc, c'est que dans la législation actuelle, le burn-out ne figure pas comme tel dans les tableaux des maladies professionnelles. Il faut donc passer par une procédure individuelle de reconnaissance et celle-ci, elle est souvent longue et décourageante. Alors, ce décalage va justement, à contrario, renforcer le sentiment d'injustice. chez ceux qui s'effondrent après des mois de surengagement. A noter aussi que l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, a classé le burn-out dans la CIM-11, qui est une classification, pas comme une maladie, mais comme un phénomène lié au travail. Il faut d'ailleurs être prudent, parce que souvent, on l'entend dans le langage courant, le burn-out, ça devient un terme un peu fourre-tout. En France, sa reconnaissance en maladie professionnelle passe par une procédure spécifique devant un comité qu'on appelle le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

  • Speaker #1

    Et lorsque le lien direct est essentiel et établi entre l'activité professionnelle et les symptômes cliniques de la personne, on peut clairement dire qu'il s'agit de burn-out. L'examen clinique reste cependant évidemment le plus objectif. Mais certains signes cliniques peuvent aider à poser le diagnostic, à objectiver. On en parlait tout à l'heure. Le dosage du cortisol, c'est un test qui peut donner des indices sur un burn-out avéré. Il faut que vous sachiez que ce test, vous pouvez le faire dans tous les laboratoires de vos quartiers, de vos villes, de vos villages.

  • Speaker #0

    Oui, il existe un dosage, un test de dosage salivaire ou sanguin du cortisol qui permet de mesurer la régulation de l'axe du stress dont j'ai parlé tout à l'heure. Donc, chez certaines personnes en épuisement professionnel, on va observer quelque chose d'un peu paradoxal. c'est que le temps taux de cortisol matinal est plus bas que la normale, alors qu'il devrait être à son pic. Donc, ça peut venir d'une hypo-réactivité de cet axe du stress que tu as très bien défini après une exposition prolongée. Et c'est souvent le signe d'un système qui est fatigué. Alors, d'ailleurs, je ne sais pas, est-ce que tu sais si ce test est reconnu ou est-ce qu'il est remboursé ?

  • Speaker #1

    Alors oui, le dosage du cortisol sanguin, ou plus rarement salivaire, est un acte de biologie médicale qui est inscrit à la nomenclature. Votre médecin peut vous le prescrire. Il peut être remboursé par l'assurance maladie dans ce cas-là et il est prescrit dans le cadre de bilan endocrinien. Mais attention, ce n'est pas un test de burn-out. On ne va pas vous dire vous êtes en burn-out ou vous n'êtes pas en burn-out. Mais par contre, il donne aux praticiens, aux médecins, des éléments pour objectiver son diagnostic. Il renseigne sur le fonctionnement de l'axe du stress sans permettre de poser un diagnostic à lui seul. Mais c'est un élément important qui compte.

  • Speaker #0

    Oui Didier, ça c'est très important à préciser, tu as raison. Beaucoup de personnes sont à la recherche d'une preuve, une preuve biologique, un test du burn-out comme tu l'as dit, alors que le burn-out c'est un syndrome, c'est un syndrome global qui prend en compte de la biologie, du psychologique, un contexte qui est un contexte de vie, un contexte professionnel. Le cortisol c'est un indicateur, mais le cortisol c'est une partie du problème. C'est le cerveau qui à force d'être en alerte n'a plus les moyens de se réguler.

  • Speaker #1

    D'accord Fabrice, alors maintenant, regardons comment ce déséquilibre, cet épuisement professionnel se manifeste dans nos vies, dans nos vies à la maison, au travail, à travers trois formes d'épuisement professionnel sur lesquelles tu vas nous éclairer et que l'on confond souvent. Le burn-out, le bore-out et le brown-out. Mais derrière ces classifications, ces essais sémantiques, il y a des éclairages. qu'il nous faut faire. Alors, burn out, bore out, brown out, qu'est-ce que cela signifie précisément, Fabrice ? Est-ce que ce sont trois troubles différents ou trois façons de décrire la même chose ?

  • Speaker #0

    Oui, ce sont trois terminologies qu'on voit de plus en plus sur les réseaux. Il y a beaucoup d'infographies d'ailleurs qui sont beaucoup partagées sur les réseaux sociaux professionnels et qui ont beaucoup de succès d'ailleurs. Alors, ce sont trois formes d'un même déséquilibre, on va dire, mais qui ont des origines différentes. Le burnout, on en a parlé juste avant, il est bien défini par l'OMS. Bon, ça, on en a parlé, c'est un syndrome qui est documenté biologiquement. Ensuite, on a le bore-out et le brown-out. Ça, ce sont des concepts qui sont plus récents, qui sont encore, on va dire, en cours d'études. Ils décrivent effectivement des réalités qu'on peut voir, qu'on peut observer, mais à ce jour, il n'y a pas le même niveau de validation scientifique que le burn-out. Alors, toutes ces situations ont de toute façon un point commun, c'est la désorganisation du système de récompense, celui qui régule la motivation et la satisfaction au travail. Ce système va répondre en grande partie, alors pas uniquement, de la dopamine, mais Précisons tout de suite que la dopamine n'agit pas seule. Il y a d'autres neurotransmetteurs, sans les citer, la noradrédaline, la sérotonine, bref, ça on y reviendra. Mais quand la régulation de la dopamine se dérègle, soit parce qu'on en demande trop au cerveau, soit parce qu'on ne lui donne pas de raison d'agir, ou parce qu'il n'est pas assez stimulé, là on va entrer dans un état de désengagement cognitif. Et c'est là que vont justement se différencier ces trois syndromes.

  • Speaker #1

    Alors commençons par le burn-out. qui nous semble être le plus déployé, le plus connu. Mais en fait, Fabrice, il nous faut des précisions et tu les as retrouvées ancrées dans des théories qui datent des années 70.

  • Speaker #0

    Oui, le burn-out, c'est celui qu'on connaît le mieux. Il a été décrit par Herbert Freudenberger, puis théorisé ensuite par la suite. Donc, les chercheurs ont mis en évidence globalement trois axes. Le premier, c'est l'épuisement émotionnel, c'est-à-dire... en gros la sensation d'être vidé intérieurement. Ensuite, on a la dépersonnalisation, c'est-à-dire une forme de détachement vis-à-vis des autres. Et en troisième axe, on a la perte d'efficacité, le sentiment d'être inefficace, d'être inutile. Alors, au niveau neurobiologique, la régulation du cortisol va justement se dérégler. Les amygdales deviennent hyperactives. Le cortex préfrontal montre une hypoactivation. Une baisse de l'activation, une baisse de la connectivité, de l'amidale notamment. Et c'est pour ça que la personne en burn-out n'arrive plus à hiérarchiser ou à décider.

  • Speaker #1

    Son cerveau fonctionne en mode défensif en permanence. C'est ce que j'entends. Le burn-out, ce n'est pas qu'une simple fatigue émotionnelle. C'est une véritable désorganisation neurologique. C'est bien cela, Fabrice ?

  • Speaker #0

    Oui, absolument.

  • Speaker #1

    À l'inverse, Fabrice, le bore-out, on le présente souvent comme l'ennui au travail, mais est-ce que c'est aussi caricatural ?

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas aussi caricatural, c'est plus complexe que ça. Il a été décrit, le bore-out, par deux chercheurs en 2008. C'est un épuisement, mais là qui est lié à un vide, un vide cognitif. Donc c'est justement qu'il n'y a pas de trop-plein, il y a un manque. Il n'y a pas de sens, il y a un manque de sens, il y a un manque de stimulation, de reconnaissance. On a besoin d'un niveau minimal d'activation dans le cerveau pour maintenir une vigilance et une motivation. Mais quand on fait des tâches qui sont hyper répétitives, que le professionnel n'a pas de valeur perçue, il y a certains neurotransmetteurs qui vont chuter. Et donc, au final, la personne, elle se sent inutile, elle ne se sent pas du tout valorisée dans son travail et elle va développer en général les mêmes symptômes physiques que le burn-out qu'on a vu avant, de la fatigue chronique. une perte d'estime de soi et des troubles du sommeil, par exemple.

  • Speaker #1

    Alors cette fois-ci, si je comprends bien, sans forcément une surcharge, on va quand même s'écuser.

  • Speaker #0

    Oui, parce que notre cerveau, il n'a pas juste besoin d'énergie, il a besoin de sens. Quand il y a un ennui prolongé, il y a une sorte d'asphyxie cognitive. On a même des fois des petits états dépressifs légers. Le problème, c'est que ce bore-out, en général, il ne se voit pas. Il est très impactant. Il peut tout à fait toucher les salariés surqualifiés qui font des tâches rébarbatives. Il peut toucher les jeunes diplômés qui sont sous-employés, des personnels qui peuvent être collégués à des tâches où il n'y a pas d'enjeu, des tâches très répétitives, on l'a vu.

  • Speaker #1

    Ça me fait penser à des personnes qui disent « moi j'ai été mis au placard » . Et ces personnes-là, elles se trouvent avec des tâches répétitives, sans sens, sans lien même direct avec leurs compétences. le bon out, c'est quoi ? C'est un mix des deux ?

  • Speaker #0

    Alors, pas tout à fait. Le brown out théorisé dans les années 2010, c'est une désactivation morale de la motivation. Donc, c'est ni trop de charge, ni pas assez de charge. C'est un conflit de valeurs, on va dire. En gros, je fais un travail que je ne comprends plus et dont je désapprouve la finalité. Neuroscientifiquement, ça, c'est lié à une incohérence cognitive qui va persister. dans des régions de décision et celles du circuit de la récompense. En d'autres termes, le cerveau va envoyer un signal du type « ce que je fais ne correspond plus à ce que je crois juste » . C'est une dissonance, une dissonance cognitive qui est répétée et qui produit le même effet qu'un stress chronique.

  • Speaker #1

    « Burnout » , « burnout » partagent en fait les mêmes difficultés, le même fil rouge si je puis dire, c'est la désynchronisation entre l'effort, la récompense et le sens. C'est bien cela Fabrice ?

  • Speaker #0

    Voilà Didier, en gros le « burnout » c'est trop d'effort, plus de ressources. Le « burnout » c'est pas assez de stimulation et plus de sens du tout, au sens que le travail n'a plus de sens. Et le « burnout » c'est trop d'effort pour une cause que je ne reconnais pas.

  • Speaker #1

    Trois routes différentes, mais au final, nous venons de voir les mêmes conséquences. Une rupture de motivation et un organisme qui est en dette d'énergie, une personne qui ne se reconnaît plus dans ce qu'elle fait. Et souvent, c'est cette rupture de sens qui précède la chute. La personne continue à avancer presque par automatisme, avec un moteur intérieur qui est éteint. Il n'y a plus la petite lumière, la petite flamme. Alors, dans la suite de cet épisode, on va parler de ce moteur, de la passion. quand elle nous élève ou quand elle nous détruit. On parle souvent du burn-out une fois qu'il est trop tard, en fait. Une fois que la personne s'est effondrée, qu'elle a épuisé toutes ses ressources. Mais avant cette rupture, est-ce qu'il existe des signaux que l'on pourrait repérer dans nos familles, dans les entreprises, des leviers, des alertes de prévention ? Est-ce que le repos, la sieste, la marche, la déconnexion numérique, ça fonctionne ? Est-ce que la science, c'est aujourd'hui ? Ce qui protège vraiment le cerveau avant qu'il ne craque.

  • Speaker #0

    Oui, il y a plein de choses qui fonctionnent. Déjà, ce qu'il faut savoir, c'est que le cerveau, votre corps, vous ne récupérez pas pendant les formes, mais pendant les pauses. Ça, c'est logique. Mais en fait, ça fonctionne un peu comme un élastique. Si vous n'avez jamais l'occasion de vous reposer, si en gros, l'élastique ne revient jamais à sa position initiale, il finit par se distendre et il casse. Les études, les recherches de Bruce McEwen, de la surcharge allostatique dont on parlait tout à l'heure, montrent que les phases de récupération, ce qui va être lié au sommeil, les moments de détente, les moments de rien, ça va justement permettre de réduire cette charge allostatique. Ça a été reproduit par plusieurs études, dont certaines montrent que la capacité à se détacher mentalement du travail réduit le stress perçu et améliore la récupération. Il y a une méta-analyse qui a été faite, une grosse étude qui a été faite en 2022, qui confirme d'ailleurs que des micro-pauses, même très très courtes, de quelques minutes, vont aider à la vigilance et à diminuer la fatigue, sans pour autant impacter la performance. Donc, en gros, ce ne sont pas seulement vos trois semaines de vacances l'été, vos cinq semaines à l'année qui vont vous permettre de réguler votre fonctionnement.

  • Speaker #1

    Mais aussi des micro-pauses régulières, données à l'occasion, à l'élastique. de revenir à sa position initiale avant qu'il ne soit trop distendu, si j'ai bien compris, pour que cela soit trop tard.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce qu'on vit dans un monde où se reposer, Fabrice, c'est presque devenu suspect de se reposer. Quelqu'un part à 17h dans une entreprise et on peut entendre dire « tiens, tu pars tôt, tu as pris ton après-midi » . Le repos est perçu comme un manque d'implication. Est-ce que les entreprises ont encore tort de raisonner en temps de présence plutôt qu'en temps de qualité de travail ?

  • Speaker #0

    Tu dis on est dans un monde où, mais ce n'est pas nécessairement le monde, je pense que c'est aussi une question très culturelle. Ça dépend des cultures. La performance qui est durable, elle se base sur cette alternance entre s'activer et récupérer. C'est un principe de biologique universel qu'on observe chez tous les systèmes vivants. Alors si on supprime le repos, on va créer une tension continue qui va finir par altérer plein de choses et notamment la cognition. Par exemple, en Suède, j'ai découvert qu'il y avait une expérimentation qui a été faite à Gothborg. avec des journées de 6 heures et des pauses qui sont encadrées. Cette étude a montré qu'il y a au final moins d'arrêts de travail, moins d'arrêts maladie, et un mieux-être global chez les salariés au prix d'un coût organisationnel certes plus élevé. Alors ce sont effectivement des résultats qui restent locaux, qu'on ne peut pas généraliser, mais ça confirme quand même l'importance de la récupération pour avoir une performance qui va durer d'un temps. Alors en France, il y a certaines structures de soins ou d'enseignement qui font aussi cette expérience. d'espaces de récupération sensorielle, on peut avoir de la luminothérapie, de la cohérence cardiaque, graphique, plein de choses. Les résultats sont effectivement convergents, on voit moins d'absentéisme, plus de concentration, plus de créativité et une meilleure humeur au travail.

  • Speaker #1

    Alors au fond, la question, le vrai sujet, ce n'est pas évidemment le nombre d'heures travaillées.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est plutôt le degré de contrôle perçu par la personne. Il y a des études qui montrent que le facteur de risque principal du burn-out, ce n'est pas la quantité de travail, c'est le manque d'autonomie et surtout de reconnaissance.

  • Speaker #1

    La clé pour ceux qui nous écoutent et qui sont aussi en situation de manager, elle est dans le contrôle, pas dans la charge. Et pourtant, dans beaucoup d'entreprises, on continue à parler de motivation comme si c'était une ressource infinie. Mais la motivation, elle aussi, elle s'écuise.

  • Speaker #0

    Exactement. Et la motivation, c'est justement ce qui relie l'action à la valeur qu'on lui accorde. Nous fonctionnons tous à la motivation et à la récompense. Et donc, justement, c'est la capacité qu'a notre cerveau à anticiper une récompense et à juger qu'elle vaut l'effort, pas juste avoir envie. Donc, au final, le circuit de la récompense va s'affaiblir. On agit encore, mais on n'a plus d'élan et on n'a plus de plaisir. Et d'ailleurs, c'est souvent là qu'apparaît cette phrase. que beaucoup de patients formulent, j'ai plus envie de rien, mais bon, je continue quand même. Là, on est quand même dans un signe d'épuisement avancé.

  • Speaker #1

    Et c'est souvent là où le médecin du travail peut être interpellé. Et on a tendance d'ailleurs à le voir comme un contrôleur d'arrêt. Mais en réalité, c'est le premier acteur de la prévention. Et il est d'ailleurs souvent du côté des salariés. Peut-être, en tout cas, nous dit-on.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important de le rappeler. Pour faire court, le médecin du travail, on l'a vu, c'est lui qui perçoit les premiers signes de déséquilibre. Donc, il peut proposer plein de choses. Ça peut être un aménagement temporaire, un militant thérapeutique. Il peut y avoir plein de choses. Le problème, c'est qu'on consulte souvent trop tard et qu'on est déjà, quand on consulte, la personne est souvent déjà en phase d'épuisement. Et puis, il y a aussi une autre dimension, c'est la culture de la peur. Avec justement les annonces récentes du gouvernement sur les contrôles des arrêts maladie, il y a beaucoup de salariés qui hésitent à se mettre en arrêt de travail, même quand leur santé mentale est en jeu.

  • Speaker #1

    Oui, parce que parfois, l'arrêt de travail, il peut être associé à la honte. J'ai honte de m'arrêter. parce que je suis faible ou que je n'arrive plus à faire face. Du moins, c'est la perception que je peux avoir de moi-même, comme si le cerveau devait être infaillible. L'arrêt de travail, potentiellement, il peut être un acte de prévention. C'est avant d'aller plus mal. Il vaut mieux appuyer sur le bouton pause. Et d'ailleurs, pour ceux qui sont préoccupés, à juste titre, par l'économie, peut-être que l'arrêt de travail peut empêcher des hospitalisations qui souvent coûtent très cher. On retiendra que l'épuisement professionnel est un signal d'alarme. Quand le cerveau reste en alerte trop longtemps, il finit par s'épuiser, qu'il s'agisse d'un tremplin, on l'a vu, d'un vide ou d'une perte de sens. Le burn-out, ce n'est pas une panne de volonté, ce n'est pas une panne de régulation. Notre cerveau ne nous lâche pas, il nous envoie un message, il nous protège, il nous dit stop. Quand nous ne savons plus comment faire ou qu'on en fait trop ou qu'on ne sait plus pourquoi on le fait. Alors peut-être qu'au lieu de se dire « je vais chercher à tenir » , il faut peut-être entendre ce message et chercher à récupérer, à redonner du repos, du sens, de la reconnaissance au travail. Et vous qui nous écoutez, si vous êtes témoin d'un collaborateur qui est surchargé de mails, qui ne vous accompagne plus dans des déjeuners conviviaux pour les pauses, qui change d'attitude au fil des semaines, eh bien… Il faut parler et lui demander tout simplement, parfois, et toi, comment ça va ? Parce que ce sujet du burn-out, Fabrice, c'est pour conclure, même s'il est très vaste, c'est aussi une question tout simplement parfois d'empathie, prendre soin de l'autre, de demander à son collègue, à son confrère, à son supérieur ou à son manager ou avec la personne avec qui je travaille. Et toi, comment tu vas ?

  • Speaker #0

    Oui, exactement.

  • Speaker #1

    Merci Fabrice pour tous ces éclairages. On a appris plein de choses. et à vous qui nous écoutez. Je vous propose de nous retrouver la semaine prochaine pour un autre sujet. Au revoir, merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci à tous et à très bientôt Didier.

Description

Quand « on fait tout bien », « on donne tout », « on responsabilise tout », et puis un jour… tout s’arrête.

Cet épisode décrypte le burn-out : l’épuisement invisible mais bien réel qui touche celles et ceux qui cherchent à exceller, à performer, à répondre à toutes les attentes — pro, perso, sociales.


➡️ Avec Didier Meillerand (journaliste & fondateur du Psychodon) et Fabrice Pastor (neuropsychologue), nous :


  • repérons les signaux d’alerte que l’on préfère ignorer.

  • comprenons pourquoi les « bons élèves/perfectionnistes » sont plus vulnérables.

  • explorons l’impact des injonctions à « toujours faire mieux » sur notre cerveau et notre santé mentale.

  • offrons des pistes concrètes pour se donner de l’air, ralentir, reconnecter avec soi-même et préserver son équilibre.



Un rendez-vous hebdomadaire mêlant réflexion, décryptage et bien-être pour replacer l’actualité… en tête.


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur l'Actu en Tête.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes, bonjour à tous. Bienvenue dans l'Actu en Tête. Commencez à connaître ce podcast qui explore l'actualité par le prisme de notre santé mentale, dans nos vies quotidiennes. Le but, c'est de prendre de la distance vis-à-vis de l'information, de gagner en discernement pour ne pas subir les flux incessants de l'actualité, comme chaque semaine. J'ai le plaisir pour nous aider dans cette... tâche de retrouver Fabrice Pastor, neuropsychologue, formateur, conférencier, auteur. Bonjour Fabrice.

  • Speaker #0

    Bonjour Didier, bonjour à toutes et à tous. Alors je rappelle Didier que tu es journaliste, président du Psychodon et commissaire général du Forum National de la Santé Mentale.

  • Speaker #1

    Et ce qu'il faut savoir, c'est que Fabrice a mine de rien, il est dans le top 10 sur LinkedIn, donc c'est l'occasion de le féliciter. Cette semaine, Fabrice, nous allons parler du burn-out, alors que nous sommes dans un contexte où le gouvernement a annoncé des nouvelles mesures de contrôle qui seront renforcées sur les arrêts maladie qui semblent, selon certains observateurs, pas toujours justifiées, alors qu'une hausse très forte de l'absentéisme dans les entreprises se fait sentir et qu'il y a des préoccupations croissantes autour des enjeux de la santé mentale au travail. Ces dernières années, et en 2024 en particulier. Les risques psychosociaux, burn-out, stress, anxiété, dépression, ont représenté près de 36% des longs arrêts maladie de travail en France. C'est un niveau record et pourtant, derrière ces statistiques, Fabrice, il y a d'autres choses, des vies qui sont mises en pause, des corps qui lâchent ou des cerveaux qui disent stop.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Alors c'est vrai que c'est un vaste sujet que le sujet du burn-out, quand on a voulu un petit peu travailler ensemble en amont. Pour préparer cet épisode, on s'est rendu compte qu'il y avait tellement de choses à dire sur le sujet que pour être exhaustif, on va effectivement devoir proposer d'autres épisodes. Donc, ce qu'on va essayer de comprendre aujourd'hui, c'est plus particulièrement ce qui se passe dans le cerveau, mais aussi physiquement. Alors, le burn-out, contrairement à ce que l'on pense parfois, ce n'est pas juste un trop-plein de travail. C'est parfois, c'est souvent, un manque de sens. ou une fatigue d'avoir voulu trop en faire ou d'avoir voulu trop bien faire. Ça concerne autant les salariés que les dirigeants, que les indépendants et même les aidants d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Commençons Fabrice, si tu le veux bien, de parler du cerveau en alerte, du stress utile comme indicateur sur nos vies, pour nos vies, à la surcharge de travail, une surcharge que tu décris comme allostatique. Ok, alors Fabrice, on parle souvent de stress, mais psychologiquement, qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'est-ce qui se passe dans nos têtes quand je dis, quand on dit, j'en veux plus ?

  • Speaker #0

    Alors, le stress, à la base, c'est un mécanisme de survie. Lorsqu'un danger se présente, ça peut être un danger physique ou symbolique, le cerveau va, toujours entre guillemets, pour illustrer, activer un axe qui est l'axe hypothalamo-hypophysio-surnalien. C'est lui qui va déclencher la libération de cortisol. c'est une hormone qui nous... permet d'agir vite, de mobiliser de l'énergie, d'être attentif et d'augmenter la vigilance. C'est très utile, mais à court terme, parce que si cette activation se répète jour après jour, quotidiennement, plein de fois, sans récupération, alors là, le cortisol va rester trop longtemps élevé. Et là, ça va devenir toxique.

  • Speaker #1

    Le cortisol dans le sang.

  • Speaker #0

    Le cortisol dans le sang. On peut le détecter aussi dans la salive. On en parlera tout à l'heure.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que ce même système qui nous protège finit par nous abîmer.

  • Speaker #0

    Oui. C'est ce que McEwan appelle, tu l'as dit tout à l'heure, la surcharge allostatique. Notre cerveau va s'user, entre guillemets, parce qu'il tente en permanence de rétablir une sorte d'équilibre. Et donc, sous l'effet d'un stress prolongé, on va observer un affaiblissement fonctionnel de différentes zones, notamment de la zone hippocampique qui est impliquée dans la mémoire, une suractivation d'une autre zone qu'on appelle notamment l'amidale, qui va entretenir la vigilance, et une hypo, donc moins une hypoactivation du cortex préfrontal qui va être chargé de réguler la prise de décision, tout ce qui est lié aux fonctions exécutives notamment. Et donc, qu'est-ce qu'on va voir comme résultat ? Ça va être une perte de la concentration, on va observer de l'irritabilité, de l'insomnie, un accroissement de la sensibilité, le sentiment d'être débordé, même à des tâches simples. Bref, un cocktail qui va faire que le cerveau va rester en alerte continue, comme s'il n'arrivait pas à se mettre au repos.

  • Speaker #1

    Et à ce moment-là, où le cerveau n'arrive plus à se mettre au repos, Tout peut basculer. On veut faire bien, on veut toujours faire mieux, mais plus rien ne suit. En fait, le corps se fuge, la tête s'emballe et souvent, c'est un médecin du travail qui tire la sonnelle d'alarme. Ils sont nombreux à dire que le burn-out est devenu une part importante des arrêts maladie prolongée, mais qu'il reste mal connu comme maladie professionnelle.

  • Speaker #0

    Oui, en fait, c'est très paradoxal. Les médecins du travail, ce sont d'ailleurs souvent les premiers à détecter les premiers signes, l'irritabilité, les troubles du sommeil, l'isolement. Le truc, c'est que dans la législation actuelle, le burn-out ne figure pas comme tel dans les tableaux des maladies professionnelles. Il faut donc passer par une procédure individuelle de reconnaissance et celle-ci, elle est souvent longue et décourageante. Alors, ce décalage va justement, à contrario, renforcer le sentiment d'injustice. chez ceux qui s'effondrent après des mois de surengagement. A noter aussi que l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, a classé le burn-out dans la CIM-11, qui est une classification, pas comme une maladie, mais comme un phénomène lié au travail. Il faut d'ailleurs être prudent, parce que souvent, on l'entend dans le langage courant, le burn-out, ça devient un terme un peu fourre-tout. En France, sa reconnaissance en maladie professionnelle passe par une procédure spécifique devant un comité qu'on appelle le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

  • Speaker #1

    Et lorsque le lien direct est essentiel et établi entre l'activité professionnelle et les symptômes cliniques de la personne, on peut clairement dire qu'il s'agit de burn-out. L'examen clinique reste cependant évidemment le plus objectif. Mais certains signes cliniques peuvent aider à poser le diagnostic, à objectiver. On en parlait tout à l'heure. Le dosage du cortisol, c'est un test qui peut donner des indices sur un burn-out avéré. Il faut que vous sachiez que ce test, vous pouvez le faire dans tous les laboratoires de vos quartiers, de vos villes, de vos villages.

  • Speaker #0

    Oui, il existe un dosage, un test de dosage salivaire ou sanguin du cortisol qui permet de mesurer la régulation de l'axe du stress dont j'ai parlé tout à l'heure. Donc, chez certaines personnes en épuisement professionnel, on va observer quelque chose d'un peu paradoxal. c'est que le temps taux de cortisol matinal est plus bas que la normale, alors qu'il devrait être à son pic. Donc, ça peut venir d'une hypo-réactivité de cet axe du stress que tu as très bien défini après une exposition prolongée. Et c'est souvent le signe d'un système qui est fatigué. Alors, d'ailleurs, je ne sais pas, est-ce que tu sais si ce test est reconnu ou est-ce qu'il est remboursé ?

  • Speaker #1

    Alors oui, le dosage du cortisol sanguin, ou plus rarement salivaire, est un acte de biologie médicale qui est inscrit à la nomenclature. Votre médecin peut vous le prescrire. Il peut être remboursé par l'assurance maladie dans ce cas-là et il est prescrit dans le cadre de bilan endocrinien. Mais attention, ce n'est pas un test de burn-out. On ne va pas vous dire vous êtes en burn-out ou vous n'êtes pas en burn-out. Mais par contre, il donne aux praticiens, aux médecins, des éléments pour objectiver son diagnostic. Il renseigne sur le fonctionnement de l'axe du stress sans permettre de poser un diagnostic à lui seul. Mais c'est un élément important qui compte.

  • Speaker #0

    Oui Didier, ça c'est très important à préciser, tu as raison. Beaucoup de personnes sont à la recherche d'une preuve, une preuve biologique, un test du burn-out comme tu l'as dit, alors que le burn-out c'est un syndrome, c'est un syndrome global qui prend en compte de la biologie, du psychologique, un contexte qui est un contexte de vie, un contexte professionnel. Le cortisol c'est un indicateur, mais le cortisol c'est une partie du problème. C'est le cerveau qui à force d'être en alerte n'a plus les moyens de se réguler.

  • Speaker #1

    D'accord Fabrice, alors maintenant, regardons comment ce déséquilibre, cet épuisement professionnel se manifeste dans nos vies, dans nos vies à la maison, au travail, à travers trois formes d'épuisement professionnel sur lesquelles tu vas nous éclairer et que l'on confond souvent. Le burn-out, le bore-out et le brown-out. Mais derrière ces classifications, ces essais sémantiques, il y a des éclairages. qu'il nous faut faire. Alors, burn out, bore out, brown out, qu'est-ce que cela signifie précisément, Fabrice ? Est-ce que ce sont trois troubles différents ou trois façons de décrire la même chose ?

  • Speaker #0

    Oui, ce sont trois terminologies qu'on voit de plus en plus sur les réseaux. Il y a beaucoup d'infographies d'ailleurs qui sont beaucoup partagées sur les réseaux sociaux professionnels et qui ont beaucoup de succès d'ailleurs. Alors, ce sont trois formes d'un même déséquilibre, on va dire, mais qui ont des origines différentes. Le burnout, on en a parlé juste avant, il est bien défini par l'OMS. Bon, ça, on en a parlé, c'est un syndrome qui est documenté biologiquement. Ensuite, on a le bore-out et le brown-out. Ça, ce sont des concepts qui sont plus récents, qui sont encore, on va dire, en cours d'études. Ils décrivent effectivement des réalités qu'on peut voir, qu'on peut observer, mais à ce jour, il n'y a pas le même niveau de validation scientifique que le burn-out. Alors, toutes ces situations ont de toute façon un point commun, c'est la désorganisation du système de récompense, celui qui régule la motivation et la satisfaction au travail. Ce système va répondre en grande partie, alors pas uniquement, de la dopamine, mais Précisons tout de suite que la dopamine n'agit pas seule. Il y a d'autres neurotransmetteurs, sans les citer, la noradrédaline, la sérotonine, bref, ça on y reviendra. Mais quand la régulation de la dopamine se dérègle, soit parce qu'on en demande trop au cerveau, soit parce qu'on ne lui donne pas de raison d'agir, ou parce qu'il n'est pas assez stimulé, là on va entrer dans un état de désengagement cognitif. Et c'est là que vont justement se différencier ces trois syndromes.

  • Speaker #1

    Alors commençons par le burn-out. qui nous semble être le plus déployé, le plus connu. Mais en fait, Fabrice, il nous faut des précisions et tu les as retrouvées ancrées dans des théories qui datent des années 70.

  • Speaker #0

    Oui, le burn-out, c'est celui qu'on connaît le mieux. Il a été décrit par Herbert Freudenberger, puis théorisé ensuite par la suite. Donc, les chercheurs ont mis en évidence globalement trois axes. Le premier, c'est l'épuisement émotionnel, c'est-à-dire... en gros la sensation d'être vidé intérieurement. Ensuite, on a la dépersonnalisation, c'est-à-dire une forme de détachement vis-à-vis des autres. Et en troisième axe, on a la perte d'efficacité, le sentiment d'être inefficace, d'être inutile. Alors, au niveau neurobiologique, la régulation du cortisol va justement se dérégler. Les amygdales deviennent hyperactives. Le cortex préfrontal montre une hypoactivation. Une baisse de l'activation, une baisse de la connectivité, de l'amidale notamment. Et c'est pour ça que la personne en burn-out n'arrive plus à hiérarchiser ou à décider.

  • Speaker #1

    Son cerveau fonctionne en mode défensif en permanence. C'est ce que j'entends. Le burn-out, ce n'est pas qu'une simple fatigue émotionnelle. C'est une véritable désorganisation neurologique. C'est bien cela, Fabrice ?

  • Speaker #0

    Oui, absolument.

  • Speaker #1

    À l'inverse, Fabrice, le bore-out, on le présente souvent comme l'ennui au travail, mais est-ce que c'est aussi caricatural ?

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas aussi caricatural, c'est plus complexe que ça. Il a été décrit, le bore-out, par deux chercheurs en 2008. C'est un épuisement, mais là qui est lié à un vide, un vide cognitif. Donc c'est justement qu'il n'y a pas de trop-plein, il y a un manque. Il n'y a pas de sens, il y a un manque de sens, il y a un manque de stimulation, de reconnaissance. On a besoin d'un niveau minimal d'activation dans le cerveau pour maintenir une vigilance et une motivation. Mais quand on fait des tâches qui sont hyper répétitives, que le professionnel n'a pas de valeur perçue, il y a certains neurotransmetteurs qui vont chuter. Et donc, au final, la personne, elle se sent inutile, elle ne se sent pas du tout valorisée dans son travail et elle va développer en général les mêmes symptômes physiques que le burn-out qu'on a vu avant, de la fatigue chronique. une perte d'estime de soi et des troubles du sommeil, par exemple.

  • Speaker #1

    Alors cette fois-ci, si je comprends bien, sans forcément une surcharge, on va quand même s'écuser.

  • Speaker #0

    Oui, parce que notre cerveau, il n'a pas juste besoin d'énergie, il a besoin de sens. Quand il y a un ennui prolongé, il y a une sorte d'asphyxie cognitive. On a même des fois des petits états dépressifs légers. Le problème, c'est que ce bore-out, en général, il ne se voit pas. Il est très impactant. Il peut tout à fait toucher les salariés surqualifiés qui font des tâches rébarbatives. Il peut toucher les jeunes diplômés qui sont sous-employés, des personnels qui peuvent être collégués à des tâches où il n'y a pas d'enjeu, des tâches très répétitives, on l'a vu.

  • Speaker #1

    Ça me fait penser à des personnes qui disent « moi j'ai été mis au placard » . Et ces personnes-là, elles se trouvent avec des tâches répétitives, sans sens, sans lien même direct avec leurs compétences. le bon out, c'est quoi ? C'est un mix des deux ?

  • Speaker #0

    Alors, pas tout à fait. Le brown out théorisé dans les années 2010, c'est une désactivation morale de la motivation. Donc, c'est ni trop de charge, ni pas assez de charge. C'est un conflit de valeurs, on va dire. En gros, je fais un travail que je ne comprends plus et dont je désapprouve la finalité. Neuroscientifiquement, ça, c'est lié à une incohérence cognitive qui va persister. dans des régions de décision et celles du circuit de la récompense. En d'autres termes, le cerveau va envoyer un signal du type « ce que je fais ne correspond plus à ce que je crois juste » . C'est une dissonance, une dissonance cognitive qui est répétée et qui produit le même effet qu'un stress chronique.

  • Speaker #1

    « Burnout » , « burnout » partagent en fait les mêmes difficultés, le même fil rouge si je puis dire, c'est la désynchronisation entre l'effort, la récompense et le sens. C'est bien cela Fabrice ?

  • Speaker #0

    Voilà Didier, en gros le « burnout » c'est trop d'effort, plus de ressources. Le « burnout » c'est pas assez de stimulation et plus de sens du tout, au sens que le travail n'a plus de sens. Et le « burnout » c'est trop d'effort pour une cause que je ne reconnais pas.

  • Speaker #1

    Trois routes différentes, mais au final, nous venons de voir les mêmes conséquences. Une rupture de motivation et un organisme qui est en dette d'énergie, une personne qui ne se reconnaît plus dans ce qu'elle fait. Et souvent, c'est cette rupture de sens qui précède la chute. La personne continue à avancer presque par automatisme, avec un moteur intérieur qui est éteint. Il n'y a plus la petite lumière, la petite flamme. Alors, dans la suite de cet épisode, on va parler de ce moteur, de la passion. quand elle nous élève ou quand elle nous détruit. On parle souvent du burn-out une fois qu'il est trop tard, en fait. Une fois que la personne s'est effondrée, qu'elle a épuisé toutes ses ressources. Mais avant cette rupture, est-ce qu'il existe des signaux que l'on pourrait repérer dans nos familles, dans les entreprises, des leviers, des alertes de prévention ? Est-ce que le repos, la sieste, la marche, la déconnexion numérique, ça fonctionne ? Est-ce que la science, c'est aujourd'hui ? Ce qui protège vraiment le cerveau avant qu'il ne craque.

  • Speaker #0

    Oui, il y a plein de choses qui fonctionnent. Déjà, ce qu'il faut savoir, c'est que le cerveau, votre corps, vous ne récupérez pas pendant les formes, mais pendant les pauses. Ça, c'est logique. Mais en fait, ça fonctionne un peu comme un élastique. Si vous n'avez jamais l'occasion de vous reposer, si en gros, l'élastique ne revient jamais à sa position initiale, il finit par se distendre et il casse. Les études, les recherches de Bruce McEwen, de la surcharge allostatique dont on parlait tout à l'heure, montrent que les phases de récupération, ce qui va être lié au sommeil, les moments de détente, les moments de rien, ça va justement permettre de réduire cette charge allostatique. Ça a été reproduit par plusieurs études, dont certaines montrent que la capacité à se détacher mentalement du travail réduit le stress perçu et améliore la récupération. Il y a une méta-analyse qui a été faite, une grosse étude qui a été faite en 2022, qui confirme d'ailleurs que des micro-pauses, même très très courtes, de quelques minutes, vont aider à la vigilance et à diminuer la fatigue, sans pour autant impacter la performance. Donc, en gros, ce ne sont pas seulement vos trois semaines de vacances l'été, vos cinq semaines à l'année qui vont vous permettre de réguler votre fonctionnement.

  • Speaker #1

    Mais aussi des micro-pauses régulières, données à l'occasion, à l'élastique. de revenir à sa position initiale avant qu'il ne soit trop distendu, si j'ai bien compris, pour que cela soit trop tard.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce qu'on vit dans un monde où se reposer, Fabrice, c'est presque devenu suspect de se reposer. Quelqu'un part à 17h dans une entreprise et on peut entendre dire « tiens, tu pars tôt, tu as pris ton après-midi » . Le repos est perçu comme un manque d'implication. Est-ce que les entreprises ont encore tort de raisonner en temps de présence plutôt qu'en temps de qualité de travail ?

  • Speaker #0

    Tu dis on est dans un monde où, mais ce n'est pas nécessairement le monde, je pense que c'est aussi une question très culturelle. Ça dépend des cultures. La performance qui est durable, elle se base sur cette alternance entre s'activer et récupérer. C'est un principe de biologique universel qu'on observe chez tous les systèmes vivants. Alors si on supprime le repos, on va créer une tension continue qui va finir par altérer plein de choses et notamment la cognition. Par exemple, en Suède, j'ai découvert qu'il y avait une expérimentation qui a été faite à Gothborg. avec des journées de 6 heures et des pauses qui sont encadrées. Cette étude a montré qu'il y a au final moins d'arrêts de travail, moins d'arrêts maladie, et un mieux-être global chez les salariés au prix d'un coût organisationnel certes plus élevé. Alors ce sont effectivement des résultats qui restent locaux, qu'on ne peut pas généraliser, mais ça confirme quand même l'importance de la récupération pour avoir une performance qui va durer d'un temps. Alors en France, il y a certaines structures de soins ou d'enseignement qui font aussi cette expérience. d'espaces de récupération sensorielle, on peut avoir de la luminothérapie, de la cohérence cardiaque, graphique, plein de choses. Les résultats sont effectivement convergents, on voit moins d'absentéisme, plus de concentration, plus de créativité et une meilleure humeur au travail.

  • Speaker #1

    Alors au fond, la question, le vrai sujet, ce n'est pas évidemment le nombre d'heures travaillées.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est plutôt le degré de contrôle perçu par la personne. Il y a des études qui montrent que le facteur de risque principal du burn-out, ce n'est pas la quantité de travail, c'est le manque d'autonomie et surtout de reconnaissance.

  • Speaker #1

    La clé pour ceux qui nous écoutent et qui sont aussi en situation de manager, elle est dans le contrôle, pas dans la charge. Et pourtant, dans beaucoup d'entreprises, on continue à parler de motivation comme si c'était une ressource infinie. Mais la motivation, elle aussi, elle s'écuise.

  • Speaker #0

    Exactement. Et la motivation, c'est justement ce qui relie l'action à la valeur qu'on lui accorde. Nous fonctionnons tous à la motivation et à la récompense. Et donc, justement, c'est la capacité qu'a notre cerveau à anticiper une récompense et à juger qu'elle vaut l'effort, pas juste avoir envie. Donc, au final, le circuit de la récompense va s'affaiblir. On agit encore, mais on n'a plus d'élan et on n'a plus de plaisir. Et d'ailleurs, c'est souvent là qu'apparaît cette phrase. que beaucoup de patients formulent, j'ai plus envie de rien, mais bon, je continue quand même. Là, on est quand même dans un signe d'épuisement avancé.

  • Speaker #1

    Et c'est souvent là où le médecin du travail peut être interpellé. Et on a tendance d'ailleurs à le voir comme un contrôleur d'arrêt. Mais en réalité, c'est le premier acteur de la prévention. Et il est d'ailleurs souvent du côté des salariés. Peut-être, en tout cas, nous dit-on.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important de le rappeler. Pour faire court, le médecin du travail, on l'a vu, c'est lui qui perçoit les premiers signes de déséquilibre. Donc, il peut proposer plein de choses. Ça peut être un aménagement temporaire, un militant thérapeutique. Il peut y avoir plein de choses. Le problème, c'est qu'on consulte souvent trop tard et qu'on est déjà, quand on consulte, la personne est souvent déjà en phase d'épuisement. Et puis, il y a aussi une autre dimension, c'est la culture de la peur. Avec justement les annonces récentes du gouvernement sur les contrôles des arrêts maladie, il y a beaucoup de salariés qui hésitent à se mettre en arrêt de travail, même quand leur santé mentale est en jeu.

  • Speaker #1

    Oui, parce que parfois, l'arrêt de travail, il peut être associé à la honte. J'ai honte de m'arrêter. parce que je suis faible ou que je n'arrive plus à faire face. Du moins, c'est la perception que je peux avoir de moi-même, comme si le cerveau devait être infaillible. L'arrêt de travail, potentiellement, il peut être un acte de prévention. C'est avant d'aller plus mal. Il vaut mieux appuyer sur le bouton pause. Et d'ailleurs, pour ceux qui sont préoccupés, à juste titre, par l'économie, peut-être que l'arrêt de travail peut empêcher des hospitalisations qui souvent coûtent très cher. On retiendra que l'épuisement professionnel est un signal d'alarme. Quand le cerveau reste en alerte trop longtemps, il finit par s'épuiser, qu'il s'agisse d'un tremplin, on l'a vu, d'un vide ou d'une perte de sens. Le burn-out, ce n'est pas une panne de volonté, ce n'est pas une panne de régulation. Notre cerveau ne nous lâche pas, il nous envoie un message, il nous protège, il nous dit stop. Quand nous ne savons plus comment faire ou qu'on en fait trop ou qu'on ne sait plus pourquoi on le fait. Alors peut-être qu'au lieu de se dire « je vais chercher à tenir » , il faut peut-être entendre ce message et chercher à récupérer, à redonner du repos, du sens, de la reconnaissance au travail. Et vous qui nous écoutez, si vous êtes témoin d'un collaborateur qui est surchargé de mails, qui ne vous accompagne plus dans des déjeuners conviviaux pour les pauses, qui change d'attitude au fil des semaines, eh bien… Il faut parler et lui demander tout simplement, parfois, et toi, comment ça va ? Parce que ce sujet du burn-out, Fabrice, c'est pour conclure, même s'il est très vaste, c'est aussi une question tout simplement parfois d'empathie, prendre soin de l'autre, de demander à son collègue, à son confrère, à son supérieur ou à son manager ou avec la personne avec qui je travaille. Et toi, comment tu vas ?

  • Speaker #0

    Oui, exactement.

  • Speaker #1

    Merci Fabrice pour tous ces éclairages. On a appris plein de choses. et à vous qui nous écoutez. Je vous propose de nous retrouver la semaine prochaine pour un autre sujet. Au revoir, merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci à tous et à très bientôt Didier.

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Description

Quand « on fait tout bien », « on donne tout », « on responsabilise tout », et puis un jour… tout s’arrête.

Cet épisode décrypte le burn-out : l’épuisement invisible mais bien réel qui touche celles et ceux qui cherchent à exceller, à performer, à répondre à toutes les attentes — pro, perso, sociales.


➡️ Avec Didier Meillerand (journaliste & fondateur du Psychodon) et Fabrice Pastor (neuropsychologue), nous :


  • repérons les signaux d’alerte que l’on préfère ignorer.

  • comprenons pourquoi les « bons élèves/perfectionnistes » sont plus vulnérables.

  • explorons l’impact des injonctions à « toujours faire mieux » sur notre cerveau et notre santé mentale.

  • offrons des pistes concrètes pour se donner de l’air, ralentir, reconnecter avec soi-même et préserver son équilibre.



Un rendez-vous hebdomadaire mêlant réflexion, décryptage et bien-être pour replacer l’actualité… en tête.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur l'Actu en Tête.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes, bonjour à tous. Bienvenue dans l'Actu en Tête. Commencez à connaître ce podcast qui explore l'actualité par le prisme de notre santé mentale, dans nos vies quotidiennes. Le but, c'est de prendre de la distance vis-à-vis de l'information, de gagner en discernement pour ne pas subir les flux incessants de l'actualité, comme chaque semaine. J'ai le plaisir pour nous aider dans cette... tâche de retrouver Fabrice Pastor, neuropsychologue, formateur, conférencier, auteur. Bonjour Fabrice.

  • Speaker #0

    Bonjour Didier, bonjour à toutes et à tous. Alors je rappelle Didier que tu es journaliste, président du Psychodon et commissaire général du Forum National de la Santé Mentale.

  • Speaker #1

    Et ce qu'il faut savoir, c'est que Fabrice a mine de rien, il est dans le top 10 sur LinkedIn, donc c'est l'occasion de le féliciter. Cette semaine, Fabrice, nous allons parler du burn-out, alors que nous sommes dans un contexte où le gouvernement a annoncé des nouvelles mesures de contrôle qui seront renforcées sur les arrêts maladie qui semblent, selon certains observateurs, pas toujours justifiées, alors qu'une hausse très forte de l'absentéisme dans les entreprises se fait sentir et qu'il y a des préoccupations croissantes autour des enjeux de la santé mentale au travail. Ces dernières années, et en 2024 en particulier. Les risques psychosociaux, burn-out, stress, anxiété, dépression, ont représenté près de 36% des longs arrêts maladie de travail en France. C'est un niveau record et pourtant, derrière ces statistiques, Fabrice, il y a d'autres choses, des vies qui sont mises en pause, des corps qui lâchent ou des cerveaux qui disent stop.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Alors c'est vrai que c'est un vaste sujet que le sujet du burn-out, quand on a voulu un petit peu travailler ensemble en amont. Pour préparer cet épisode, on s'est rendu compte qu'il y avait tellement de choses à dire sur le sujet que pour être exhaustif, on va effectivement devoir proposer d'autres épisodes. Donc, ce qu'on va essayer de comprendre aujourd'hui, c'est plus particulièrement ce qui se passe dans le cerveau, mais aussi physiquement. Alors, le burn-out, contrairement à ce que l'on pense parfois, ce n'est pas juste un trop-plein de travail. C'est parfois, c'est souvent, un manque de sens. ou une fatigue d'avoir voulu trop en faire ou d'avoir voulu trop bien faire. Ça concerne autant les salariés que les dirigeants, que les indépendants et même les aidants d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Commençons Fabrice, si tu le veux bien, de parler du cerveau en alerte, du stress utile comme indicateur sur nos vies, pour nos vies, à la surcharge de travail, une surcharge que tu décris comme allostatique. Ok, alors Fabrice, on parle souvent de stress, mais psychologiquement, qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'est-ce qui se passe dans nos têtes quand je dis, quand on dit, j'en veux plus ?

  • Speaker #0

    Alors, le stress, à la base, c'est un mécanisme de survie. Lorsqu'un danger se présente, ça peut être un danger physique ou symbolique, le cerveau va, toujours entre guillemets, pour illustrer, activer un axe qui est l'axe hypothalamo-hypophysio-surnalien. C'est lui qui va déclencher la libération de cortisol. c'est une hormone qui nous... permet d'agir vite, de mobiliser de l'énergie, d'être attentif et d'augmenter la vigilance. C'est très utile, mais à court terme, parce que si cette activation se répète jour après jour, quotidiennement, plein de fois, sans récupération, alors là, le cortisol va rester trop longtemps élevé. Et là, ça va devenir toxique.

  • Speaker #1

    Le cortisol dans le sang.

  • Speaker #0

    Le cortisol dans le sang. On peut le détecter aussi dans la salive. On en parlera tout à l'heure.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que ce même système qui nous protège finit par nous abîmer.

  • Speaker #0

    Oui. C'est ce que McEwan appelle, tu l'as dit tout à l'heure, la surcharge allostatique. Notre cerveau va s'user, entre guillemets, parce qu'il tente en permanence de rétablir une sorte d'équilibre. Et donc, sous l'effet d'un stress prolongé, on va observer un affaiblissement fonctionnel de différentes zones, notamment de la zone hippocampique qui est impliquée dans la mémoire, une suractivation d'une autre zone qu'on appelle notamment l'amidale, qui va entretenir la vigilance, et une hypo, donc moins une hypoactivation du cortex préfrontal qui va être chargé de réguler la prise de décision, tout ce qui est lié aux fonctions exécutives notamment. Et donc, qu'est-ce qu'on va voir comme résultat ? Ça va être une perte de la concentration, on va observer de l'irritabilité, de l'insomnie, un accroissement de la sensibilité, le sentiment d'être débordé, même à des tâches simples. Bref, un cocktail qui va faire que le cerveau va rester en alerte continue, comme s'il n'arrivait pas à se mettre au repos.

  • Speaker #1

    Et à ce moment-là, où le cerveau n'arrive plus à se mettre au repos, Tout peut basculer. On veut faire bien, on veut toujours faire mieux, mais plus rien ne suit. En fait, le corps se fuge, la tête s'emballe et souvent, c'est un médecin du travail qui tire la sonnelle d'alarme. Ils sont nombreux à dire que le burn-out est devenu une part importante des arrêts maladie prolongée, mais qu'il reste mal connu comme maladie professionnelle.

  • Speaker #0

    Oui, en fait, c'est très paradoxal. Les médecins du travail, ce sont d'ailleurs souvent les premiers à détecter les premiers signes, l'irritabilité, les troubles du sommeil, l'isolement. Le truc, c'est que dans la législation actuelle, le burn-out ne figure pas comme tel dans les tableaux des maladies professionnelles. Il faut donc passer par une procédure individuelle de reconnaissance et celle-ci, elle est souvent longue et décourageante. Alors, ce décalage va justement, à contrario, renforcer le sentiment d'injustice. chez ceux qui s'effondrent après des mois de surengagement. A noter aussi que l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, a classé le burn-out dans la CIM-11, qui est une classification, pas comme une maladie, mais comme un phénomène lié au travail. Il faut d'ailleurs être prudent, parce que souvent, on l'entend dans le langage courant, le burn-out, ça devient un terme un peu fourre-tout. En France, sa reconnaissance en maladie professionnelle passe par une procédure spécifique devant un comité qu'on appelle le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

  • Speaker #1

    Et lorsque le lien direct est essentiel et établi entre l'activité professionnelle et les symptômes cliniques de la personne, on peut clairement dire qu'il s'agit de burn-out. L'examen clinique reste cependant évidemment le plus objectif. Mais certains signes cliniques peuvent aider à poser le diagnostic, à objectiver. On en parlait tout à l'heure. Le dosage du cortisol, c'est un test qui peut donner des indices sur un burn-out avéré. Il faut que vous sachiez que ce test, vous pouvez le faire dans tous les laboratoires de vos quartiers, de vos villes, de vos villages.

  • Speaker #0

    Oui, il existe un dosage, un test de dosage salivaire ou sanguin du cortisol qui permet de mesurer la régulation de l'axe du stress dont j'ai parlé tout à l'heure. Donc, chez certaines personnes en épuisement professionnel, on va observer quelque chose d'un peu paradoxal. c'est que le temps taux de cortisol matinal est plus bas que la normale, alors qu'il devrait être à son pic. Donc, ça peut venir d'une hypo-réactivité de cet axe du stress que tu as très bien défini après une exposition prolongée. Et c'est souvent le signe d'un système qui est fatigué. Alors, d'ailleurs, je ne sais pas, est-ce que tu sais si ce test est reconnu ou est-ce qu'il est remboursé ?

  • Speaker #1

    Alors oui, le dosage du cortisol sanguin, ou plus rarement salivaire, est un acte de biologie médicale qui est inscrit à la nomenclature. Votre médecin peut vous le prescrire. Il peut être remboursé par l'assurance maladie dans ce cas-là et il est prescrit dans le cadre de bilan endocrinien. Mais attention, ce n'est pas un test de burn-out. On ne va pas vous dire vous êtes en burn-out ou vous n'êtes pas en burn-out. Mais par contre, il donne aux praticiens, aux médecins, des éléments pour objectiver son diagnostic. Il renseigne sur le fonctionnement de l'axe du stress sans permettre de poser un diagnostic à lui seul. Mais c'est un élément important qui compte.

  • Speaker #0

    Oui Didier, ça c'est très important à préciser, tu as raison. Beaucoup de personnes sont à la recherche d'une preuve, une preuve biologique, un test du burn-out comme tu l'as dit, alors que le burn-out c'est un syndrome, c'est un syndrome global qui prend en compte de la biologie, du psychologique, un contexte qui est un contexte de vie, un contexte professionnel. Le cortisol c'est un indicateur, mais le cortisol c'est une partie du problème. C'est le cerveau qui à force d'être en alerte n'a plus les moyens de se réguler.

  • Speaker #1

    D'accord Fabrice, alors maintenant, regardons comment ce déséquilibre, cet épuisement professionnel se manifeste dans nos vies, dans nos vies à la maison, au travail, à travers trois formes d'épuisement professionnel sur lesquelles tu vas nous éclairer et que l'on confond souvent. Le burn-out, le bore-out et le brown-out. Mais derrière ces classifications, ces essais sémantiques, il y a des éclairages. qu'il nous faut faire. Alors, burn out, bore out, brown out, qu'est-ce que cela signifie précisément, Fabrice ? Est-ce que ce sont trois troubles différents ou trois façons de décrire la même chose ?

  • Speaker #0

    Oui, ce sont trois terminologies qu'on voit de plus en plus sur les réseaux. Il y a beaucoup d'infographies d'ailleurs qui sont beaucoup partagées sur les réseaux sociaux professionnels et qui ont beaucoup de succès d'ailleurs. Alors, ce sont trois formes d'un même déséquilibre, on va dire, mais qui ont des origines différentes. Le burnout, on en a parlé juste avant, il est bien défini par l'OMS. Bon, ça, on en a parlé, c'est un syndrome qui est documenté biologiquement. Ensuite, on a le bore-out et le brown-out. Ça, ce sont des concepts qui sont plus récents, qui sont encore, on va dire, en cours d'études. Ils décrivent effectivement des réalités qu'on peut voir, qu'on peut observer, mais à ce jour, il n'y a pas le même niveau de validation scientifique que le burn-out. Alors, toutes ces situations ont de toute façon un point commun, c'est la désorganisation du système de récompense, celui qui régule la motivation et la satisfaction au travail. Ce système va répondre en grande partie, alors pas uniquement, de la dopamine, mais Précisons tout de suite que la dopamine n'agit pas seule. Il y a d'autres neurotransmetteurs, sans les citer, la noradrédaline, la sérotonine, bref, ça on y reviendra. Mais quand la régulation de la dopamine se dérègle, soit parce qu'on en demande trop au cerveau, soit parce qu'on ne lui donne pas de raison d'agir, ou parce qu'il n'est pas assez stimulé, là on va entrer dans un état de désengagement cognitif. Et c'est là que vont justement se différencier ces trois syndromes.

  • Speaker #1

    Alors commençons par le burn-out. qui nous semble être le plus déployé, le plus connu. Mais en fait, Fabrice, il nous faut des précisions et tu les as retrouvées ancrées dans des théories qui datent des années 70.

  • Speaker #0

    Oui, le burn-out, c'est celui qu'on connaît le mieux. Il a été décrit par Herbert Freudenberger, puis théorisé ensuite par la suite. Donc, les chercheurs ont mis en évidence globalement trois axes. Le premier, c'est l'épuisement émotionnel, c'est-à-dire... en gros la sensation d'être vidé intérieurement. Ensuite, on a la dépersonnalisation, c'est-à-dire une forme de détachement vis-à-vis des autres. Et en troisième axe, on a la perte d'efficacité, le sentiment d'être inefficace, d'être inutile. Alors, au niveau neurobiologique, la régulation du cortisol va justement se dérégler. Les amygdales deviennent hyperactives. Le cortex préfrontal montre une hypoactivation. Une baisse de l'activation, une baisse de la connectivité, de l'amidale notamment. Et c'est pour ça que la personne en burn-out n'arrive plus à hiérarchiser ou à décider.

  • Speaker #1

    Son cerveau fonctionne en mode défensif en permanence. C'est ce que j'entends. Le burn-out, ce n'est pas qu'une simple fatigue émotionnelle. C'est une véritable désorganisation neurologique. C'est bien cela, Fabrice ?

  • Speaker #0

    Oui, absolument.

  • Speaker #1

    À l'inverse, Fabrice, le bore-out, on le présente souvent comme l'ennui au travail, mais est-ce que c'est aussi caricatural ?

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas aussi caricatural, c'est plus complexe que ça. Il a été décrit, le bore-out, par deux chercheurs en 2008. C'est un épuisement, mais là qui est lié à un vide, un vide cognitif. Donc c'est justement qu'il n'y a pas de trop-plein, il y a un manque. Il n'y a pas de sens, il y a un manque de sens, il y a un manque de stimulation, de reconnaissance. On a besoin d'un niveau minimal d'activation dans le cerveau pour maintenir une vigilance et une motivation. Mais quand on fait des tâches qui sont hyper répétitives, que le professionnel n'a pas de valeur perçue, il y a certains neurotransmetteurs qui vont chuter. Et donc, au final, la personne, elle se sent inutile, elle ne se sent pas du tout valorisée dans son travail et elle va développer en général les mêmes symptômes physiques que le burn-out qu'on a vu avant, de la fatigue chronique. une perte d'estime de soi et des troubles du sommeil, par exemple.

  • Speaker #1

    Alors cette fois-ci, si je comprends bien, sans forcément une surcharge, on va quand même s'écuser.

  • Speaker #0

    Oui, parce que notre cerveau, il n'a pas juste besoin d'énergie, il a besoin de sens. Quand il y a un ennui prolongé, il y a une sorte d'asphyxie cognitive. On a même des fois des petits états dépressifs légers. Le problème, c'est que ce bore-out, en général, il ne se voit pas. Il est très impactant. Il peut tout à fait toucher les salariés surqualifiés qui font des tâches rébarbatives. Il peut toucher les jeunes diplômés qui sont sous-employés, des personnels qui peuvent être collégués à des tâches où il n'y a pas d'enjeu, des tâches très répétitives, on l'a vu.

  • Speaker #1

    Ça me fait penser à des personnes qui disent « moi j'ai été mis au placard » . Et ces personnes-là, elles se trouvent avec des tâches répétitives, sans sens, sans lien même direct avec leurs compétences. le bon out, c'est quoi ? C'est un mix des deux ?

  • Speaker #0

    Alors, pas tout à fait. Le brown out théorisé dans les années 2010, c'est une désactivation morale de la motivation. Donc, c'est ni trop de charge, ni pas assez de charge. C'est un conflit de valeurs, on va dire. En gros, je fais un travail que je ne comprends plus et dont je désapprouve la finalité. Neuroscientifiquement, ça, c'est lié à une incohérence cognitive qui va persister. dans des régions de décision et celles du circuit de la récompense. En d'autres termes, le cerveau va envoyer un signal du type « ce que je fais ne correspond plus à ce que je crois juste » . C'est une dissonance, une dissonance cognitive qui est répétée et qui produit le même effet qu'un stress chronique.

  • Speaker #1

    « Burnout » , « burnout » partagent en fait les mêmes difficultés, le même fil rouge si je puis dire, c'est la désynchronisation entre l'effort, la récompense et le sens. C'est bien cela Fabrice ?

  • Speaker #0

    Voilà Didier, en gros le « burnout » c'est trop d'effort, plus de ressources. Le « burnout » c'est pas assez de stimulation et plus de sens du tout, au sens que le travail n'a plus de sens. Et le « burnout » c'est trop d'effort pour une cause que je ne reconnais pas.

  • Speaker #1

    Trois routes différentes, mais au final, nous venons de voir les mêmes conséquences. Une rupture de motivation et un organisme qui est en dette d'énergie, une personne qui ne se reconnaît plus dans ce qu'elle fait. Et souvent, c'est cette rupture de sens qui précède la chute. La personne continue à avancer presque par automatisme, avec un moteur intérieur qui est éteint. Il n'y a plus la petite lumière, la petite flamme. Alors, dans la suite de cet épisode, on va parler de ce moteur, de la passion. quand elle nous élève ou quand elle nous détruit. On parle souvent du burn-out une fois qu'il est trop tard, en fait. Une fois que la personne s'est effondrée, qu'elle a épuisé toutes ses ressources. Mais avant cette rupture, est-ce qu'il existe des signaux que l'on pourrait repérer dans nos familles, dans les entreprises, des leviers, des alertes de prévention ? Est-ce que le repos, la sieste, la marche, la déconnexion numérique, ça fonctionne ? Est-ce que la science, c'est aujourd'hui ? Ce qui protège vraiment le cerveau avant qu'il ne craque.

  • Speaker #0

    Oui, il y a plein de choses qui fonctionnent. Déjà, ce qu'il faut savoir, c'est que le cerveau, votre corps, vous ne récupérez pas pendant les formes, mais pendant les pauses. Ça, c'est logique. Mais en fait, ça fonctionne un peu comme un élastique. Si vous n'avez jamais l'occasion de vous reposer, si en gros, l'élastique ne revient jamais à sa position initiale, il finit par se distendre et il casse. Les études, les recherches de Bruce McEwen, de la surcharge allostatique dont on parlait tout à l'heure, montrent que les phases de récupération, ce qui va être lié au sommeil, les moments de détente, les moments de rien, ça va justement permettre de réduire cette charge allostatique. Ça a été reproduit par plusieurs études, dont certaines montrent que la capacité à se détacher mentalement du travail réduit le stress perçu et améliore la récupération. Il y a une méta-analyse qui a été faite, une grosse étude qui a été faite en 2022, qui confirme d'ailleurs que des micro-pauses, même très très courtes, de quelques minutes, vont aider à la vigilance et à diminuer la fatigue, sans pour autant impacter la performance. Donc, en gros, ce ne sont pas seulement vos trois semaines de vacances l'été, vos cinq semaines à l'année qui vont vous permettre de réguler votre fonctionnement.

  • Speaker #1

    Mais aussi des micro-pauses régulières, données à l'occasion, à l'élastique. de revenir à sa position initiale avant qu'il ne soit trop distendu, si j'ai bien compris, pour que cela soit trop tard.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce qu'on vit dans un monde où se reposer, Fabrice, c'est presque devenu suspect de se reposer. Quelqu'un part à 17h dans une entreprise et on peut entendre dire « tiens, tu pars tôt, tu as pris ton après-midi » . Le repos est perçu comme un manque d'implication. Est-ce que les entreprises ont encore tort de raisonner en temps de présence plutôt qu'en temps de qualité de travail ?

  • Speaker #0

    Tu dis on est dans un monde où, mais ce n'est pas nécessairement le monde, je pense que c'est aussi une question très culturelle. Ça dépend des cultures. La performance qui est durable, elle se base sur cette alternance entre s'activer et récupérer. C'est un principe de biologique universel qu'on observe chez tous les systèmes vivants. Alors si on supprime le repos, on va créer une tension continue qui va finir par altérer plein de choses et notamment la cognition. Par exemple, en Suède, j'ai découvert qu'il y avait une expérimentation qui a été faite à Gothborg. avec des journées de 6 heures et des pauses qui sont encadrées. Cette étude a montré qu'il y a au final moins d'arrêts de travail, moins d'arrêts maladie, et un mieux-être global chez les salariés au prix d'un coût organisationnel certes plus élevé. Alors ce sont effectivement des résultats qui restent locaux, qu'on ne peut pas généraliser, mais ça confirme quand même l'importance de la récupération pour avoir une performance qui va durer d'un temps. Alors en France, il y a certaines structures de soins ou d'enseignement qui font aussi cette expérience. d'espaces de récupération sensorielle, on peut avoir de la luminothérapie, de la cohérence cardiaque, graphique, plein de choses. Les résultats sont effectivement convergents, on voit moins d'absentéisme, plus de concentration, plus de créativité et une meilleure humeur au travail.

  • Speaker #1

    Alors au fond, la question, le vrai sujet, ce n'est pas évidemment le nombre d'heures travaillées.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est plutôt le degré de contrôle perçu par la personne. Il y a des études qui montrent que le facteur de risque principal du burn-out, ce n'est pas la quantité de travail, c'est le manque d'autonomie et surtout de reconnaissance.

  • Speaker #1

    La clé pour ceux qui nous écoutent et qui sont aussi en situation de manager, elle est dans le contrôle, pas dans la charge. Et pourtant, dans beaucoup d'entreprises, on continue à parler de motivation comme si c'était une ressource infinie. Mais la motivation, elle aussi, elle s'écuise.

  • Speaker #0

    Exactement. Et la motivation, c'est justement ce qui relie l'action à la valeur qu'on lui accorde. Nous fonctionnons tous à la motivation et à la récompense. Et donc, justement, c'est la capacité qu'a notre cerveau à anticiper une récompense et à juger qu'elle vaut l'effort, pas juste avoir envie. Donc, au final, le circuit de la récompense va s'affaiblir. On agit encore, mais on n'a plus d'élan et on n'a plus de plaisir. Et d'ailleurs, c'est souvent là qu'apparaît cette phrase. que beaucoup de patients formulent, j'ai plus envie de rien, mais bon, je continue quand même. Là, on est quand même dans un signe d'épuisement avancé.

  • Speaker #1

    Et c'est souvent là où le médecin du travail peut être interpellé. Et on a tendance d'ailleurs à le voir comme un contrôleur d'arrêt. Mais en réalité, c'est le premier acteur de la prévention. Et il est d'ailleurs souvent du côté des salariés. Peut-être, en tout cas, nous dit-on.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important de le rappeler. Pour faire court, le médecin du travail, on l'a vu, c'est lui qui perçoit les premiers signes de déséquilibre. Donc, il peut proposer plein de choses. Ça peut être un aménagement temporaire, un militant thérapeutique. Il peut y avoir plein de choses. Le problème, c'est qu'on consulte souvent trop tard et qu'on est déjà, quand on consulte, la personne est souvent déjà en phase d'épuisement. Et puis, il y a aussi une autre dimension, c'est la culture de la peur. Avec justement les annonces récentes du gouvernement sur les contrôles des arrêts maladie, il y a beaucoup de salariés qui hésitent à se mettre en arrêt de travail, même quand leur santé mentale est en jeu.

  • Speaker #1

    Oui, parce que parfois, l'arrêt de travail, il peut être associé à la honte. J'ai honte de m'arrêter. parce que je suis faible ou que je n'arrive plus à faire face. Du moins, c'est la perception que je peux avoir de moi-même, comme si le cerveau devait être infaillible. L'arrêt de travail, potentiellement, il peut être un acte de prévention. C'est avant d'aller plus mal. Il vaut mieux appuyer sur le bouton pause. Et d'ailleurs, pour ceux qui sont préoccupés, à juste titre, par l'économie, peut-être que l'arrêt de travail peut empêcher des hospitalisations qui souvent coûtent très cher. On retiendra que l'épuisement professionnel est un signal d'alarme. Quand le cerveau reste en alerte trop longtemps, il finit par s'épuiser, qu'il s'agisse d'un tremplin, on l'a vu, d'un vide ou d'une perte de sens. Le burn-out, ce n'est pas une panne de volonté, ce n'est pas une panne de régulation. Notre cerveau ne nous lâche pas, il nous envoie un message, il nous protège, il nous dit stop. Quand nous ne savons plus comment faire ou qu'on en fait trop ou qu'on ne sait plus pourquoi on le fait. Alors peut-être qu'au lieu de se dire « je vais chercher à tenir » , il faut peut-être entendre ce message et chercher à récupérer, à redonner du repos, du sens, de la reconnaissance au travail. Et vous qui nous écoutez, si vous êtes témoin d'un collaborateur qui est surchargé de mails, qui ne vous accompagne plus dans des déjeuners conviviaux pour les pauses, qui change d'attitude au fil des semaines, eh bien… Il faut parler et lui demander tout simplement, parfois, et toi, comment ça va ? Parce que ce sujet du burn-out, Fabrice, c'est pour conclure, même s'il est très vaste, c'est aussi une question tout simplement parfois d'empathie, prendre soin de l'autre, de demander à son collègue, à son confrère, à son supérieur ou à son manager ou avec la personne avec qui je travaille. Et toi, comment tu vas ?

  • Speaker #0

    Oui, exactement.

  • Speaker #1

    Merci Fabrice pour tous ces éclairages. On a appris plein de choses. et à vous qui nous écoutez. Je vous propose de nous retrouver la semaine prochaine pour un autre sujet. Au revoir, merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci à tous et à très bientôt Didier.

Description

Quand « on fait tout bien », « on donne tout », « on responsabilise tout », et puis un jour… tout s’arrête.

Cet épisode décrypte le burn-out : l’épuisement invisible mais bien réel qui touche celles et ceux qui cherchent à exceller, à performer, à répondre à toutes les attentes — pro, perso, sociales.


➡️ Avec Didier Meillerand (journaliste & fondateur du Psychodon) et Fabrice Pastor (neuropsychologue), nous :


  • repérons les signaux d’alerte que l’on préfère ignorer.

  • comprenons pourquoi les « bons élèves/perfectionnistes » sont plus vulnérables.

  • explorons l’impact des injonctions à « toujours faire mieux » sur notre cerveau et notre santé mentale.

  • offrons des pistes concrètes pour se donner de l’air, ralentir, reconnecter avec soi-même et préserver son équilibre.



Un rendez-vous hebdomadaire mêlant réflexion, décryptage et bien-être pour replacer l’actualité… en tête.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur l'Actu en Tête.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes, bonjour à tous. Bienvenue dans l'Actu en Tête. Commencez à connaître ce podcast qui explore l'actualité par le prisme de notre santé mentale, dans nos vies quotidiennes. Le but, c'est de prendre de la distance vis-à-vis de l'information, de gagner en discernement pour ne pas subir les flux incessants de l'actualité, comme chaque semaine. J'ai le plaisir pour nous aider dans cette... tâche de retrouver Fabrice Pastor, neuropsychologue, formateur, conférencier, auteur. Bonjour Fabrice.

  • Speaker #0

    Bonjour Didier, bonjour à toutes et à tous. Alors je rappelle Didier que tu es journaliste, président du Psychodon et commissaire général du Forum National de la Santé Mentale.

  • Speaker #1

    Et ce qu'il faut savoir, c'est que Fabrice a mine de rien, il est dans le top 10 sur LinkedIn, donc c'est l'occasion de le féliciter. Cette semaine, Fabrice, nous allons parler du burn-out, alors que nous sommes dans un contexte où le gouvernement a annoncé des nouvelles mesures de contrôle qui seront renforcées sur les arrêts maladie qui semblent, selon certains observateurs, pas toujours justifiées, alors qu'une hausse très forte de l'absentéisme dans les entreprises se fait sentir et qu'il y a des préoccupations croissantes autour des enjeux de la santé mentale au travail. Ces dernières années, et en 2024 en particulier. Les risques psychosociaux, burn-out, stress, anxiété, dépression, ont représenté près de 36% des longs arrêts maladie de travail en France. C'est un niveau record et pourtant, derrière ces statistiques, Fabrice, il y a d'autres choses, des vies qui sont mises en pause, des corps qui lâchent ou des cerveaux qui disent stop.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Alors c'est vrai que c'est un vaste sujet que le sujet du burn-out, quand on a voulu un petit peu travailler ensemble en amont. Pour préparer cet épisode, on s'est rendu compte qu'il y avait tellement de choses à dire sur le sujet que pour être exhaustif, on va effectivement devoir proposer d'autres épisodes. Donc, ce qu'on va essayer de comprendre aujourd'hui, c'est plus particulièrement ce qui se passe dans le cerveau, mais aussi physiquement. Alors, le burn-out, contrairement à ce que l'on pense parfois, ce n'est pas juste un trop-plein de travail. C'est parfois, c'est souvent, un manque de sens. ou une fatigue d'avoir voulu trop en faire ou d'avoir voulu trop bien faire. Ça concerne autant les salariés que les dirigeants, que les indépendants et même les aidants d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Commençons Fabrice, si tu le veux bien, de parler du cerveau en alerte, du stress utile comme indicateur sur nos vies, pour nos vies, à la surcharge de travail, une surcharge que tu décris comme allostatique. Ok, alors Fabrice, on parle souvent de stress, mais psychologiquement, qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'est-ce qui se passe dans nos têtes quand je dis, quand on dit, j'en veux plus ?

  • Speaker #0

    Alors, le stress, à la base, c'est un mécanisme de survie. Lorsqu'un danger se présente, ça peut être un danger physique ou symbolique, le cerveau va, toujours entre guillemets, pour illustrer, activer un axe qui est l'axe hypothalamo-hypophysio-surnalien. C'est lui qui va déclencher la libération de cortisol. c'est une hormone qui nous... permet d'agir vite, de mobiliser de l'énergie, d'être attentif et d'augmenter la vigilance. C'est très utile, mais à court terme, parce que si cette activation se répète jour après jour, quotidiennement, plein de fois, sans récupération, alors là, le cortisol va rester trop longtemps élevé. Et là, ça va devenir toxique.

  • Speaker #1

    Le cortisol dans le sang.

  • Speaker #0

    Le cortisol dans le sang. On peut le détecter aussi dans la salive. On en parlera tout à l'heure.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que ce même système qui nous protège finit par nous abîmer.

  • Speaker #0

    Oui. C'est ce que McEwan appelle, tu l'as dit tout à l'heure, la surcharge allostatique. Notre cerveau va s'user, entre guillemets, parce qu'il tente en permanence de rétablir une sorte d'équilibre. Et donc, sous l'effet d'un stress prolongé, on va observer un affaiblissement fonctionnel de différentes zones, notamment de la zone hippocampique qui est impliquée dans la mémoire, une suractivation d'une autre zone qu'on appelle notamment l'amidale, qui va entretenir la vigilance, et une hypo, donc moins une hypoactivation du cortex préfrontal qui va être chargé de réguler la prise de décision, tout ce qui est lié aux fonctions exécutives notamment. Et donc, qu'est-ce qu'on va voir comme résultat ? Ça va être une perte de la concentration, on va observer de l'irritabilité, de l'insomnie, un accroissement de la sensibilité, le sentiment d'être débordé, même à des tâches simples. Bref, un cocktail qui va faire que le cerveau va rester en alerte continue, comme s'il n'arrivait pas à se mettre au repos.

  • Speaker #1

    Et à ce moment-là, où le cerveau n'arrive plus à se mettre au repos, Tout peut basculer. On veut faire bien, on veut toujours faire mieux, mais plus rien ne suit. En fait, le corps se fuge, la tête s'emballe et souvent, c'est un médecin du travail qui tire la sonnelle d'alarme. Ils sont nombreux à dire que le burn-out est devenu une part importante des arrêts maladie prolongée, mais qu'il reste mal connu comme maladie professionnelle.

  • Speaker #0

    Oui, en fait, c'est très paradoxal. Les médecins du travail, ce sont d'ailleurs souvent les premiers à détecter les premiers signes, l'irritabilité, les troubles du sommeil, l'isolement. Le truc, c'est que dans la législation actuelle, le burn-out ne figure pas comme tel dans les tableaux des maladies professionnelles. Il faut donc passer par une procédure individuelle de reconnaissance et celle-ci, elle est souvent longue et décourageante. Alors, ce décalage va justement, à contrario, renforcer le sentiment d'injustice. chez ceux qui s'effondrent après des mois de surengagement. A noter aussi que l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, a classé le burn-out dans la CIM-11, qui est une classification, pas comme une maladie, mais comme un phénomène lié au travail. Il faut d'ailleurs être prudent, parce que souvent, on l'entend dans le langage courant, le burn-out, ça devient un terme un peu fourre-tout. En France, sa reconnaissance en maladie professionnelle passe par une procédure spécifique devant un comité qu'on appelle le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

  • Speaker #1

    Et lorsque le lien direct est essentiel et établi entre l'activité professionnelle et les symptômes cliniques de la personne, on peut clairement dire qu'il s'agit de burn-out. L'examen clinique reste cependant évidemment le plus objectif. Mais certains signes cliniques peuvent aider à poser le diagnostic, à objectiver. On en parlait tout à l'heure. Le dosage du cortisol, c'est un test qui peut donner des indices sur un burn-out avéré. Il faut que vous sachiez que ce test, vous pouvez le faire dans tous les laboratoires de vos quartiers, de vos villes, de vos villages.

  • Speaker #0

    Oui, il existe un dosage, un test de dosage salivaire ou sanguin du cortisol qui permet de mesurer la régulation de l'axe du stress dont j'ai parlé tout à l'heure. Donc, chez certaines personnes en épuisement professionnel, on va observer quelque chose d'un peu paradoxal. c'est que le temps taux de cortisol matinal est plus bas que la normale, alors qu'il devrait être à son pic. Donc, ça peut venir d'une hypo-réactivité de cet axe du stress que tu as très bien défini après une exposition prolongée. Et c'est souvent le signe d'un système qui est fatigué. Alors, d'ailleurs, je ne sais pas, est-ce que tu sais si ce test est reconnu ou est-ce qu'il est remboursé ?

  • Speaker #1

    Alors oui, le dosage du cortisol sanguin, ou plus rarement salivaire, est un acte de biologie médicale qui est inscrit à la nomenclature. Votre médecin peut vous le prescrire. Il peut être remboursé par l'assurance maladie dans ce cas-là et il est prescrit dans le cadre de bilan endocrinien. Mais attention, ce n'est pas un test de burn-out. On ne va pas vous dire vous êtes en burn-out ou vous n'êtes pas en burn-out. Mais par contre, il donne aux praticiens, aux médecins, des éléments pour objectiver son diagnostic. Il renseigne sur le fonctionnement de l'axe du stress sans permettre de poser un diagnostic à lui seul. Mais c'est un élément important qui compte.

  • Speaker #0

    Oui Didier, ça c'est très important à préciser, tu as raison. Beaucoup de personnes sont à la recherche d'une preuve, une preuve biologique, un test du burn-out comme tu l'as dit, alors que le burn-out c'est un syndrome, c'est un syndrome global qui prend en compte de la biologie, du psychologique, un contexte qui est un contexte de vie, un contexte professionnel. Le cortisol c'est un indicateur, mais le cortisol c'est une partie du problème. C'est le cerveau qui à force d'être en alerte n'a plus les moyens de se réguler.

  • Speaker #1

    D'accord Fabrice, alors maintenant, regardons comment ce déséquilibre, cet épuisement professionnel se manifeste dans nos vies, dans nos vies à la maison, au travail, à travers trois formes d'épuisement professionnel sur lesquelles tu vas nous éclairer et que l'on confond souvent. Le burn-out, le bore-out et le brown-out. Mais derrière ces classifications, ces essais sémantiques, il y a des éclairages. qu'il nous faut faire. Alors, burn out, bore out, brown out, qu'est-ce que cela signifie précisément, Fabrice ? Est-ce que ce sont trois troubles différents ou trois façons de décrire la même chose ?

  • Speaker #0

    Oui, ce sont trois terminologies qu'on voit de plus en plus sur les réseaux. Il y a beaucoup d'infographies d'ailleurs qui sont beaucoup partagées sur les réseaux sociaux professionnels et qui ont beaucoup de succès d'ailleurs. Alors, ce sont trois formes d'un même déséquilibre, on va dire, mais qui ont des origines différentes. Le burnout, on en a parlé juste avant, il est bien défini par l'OMS. Bon, ça, on en a parlé, c'est un syndrome qui est documenté biologiquement. Ensuite, on a le bore-out et le brown-out. Ça, ce sont des concepts qui sont plus récents, qui sont encore, on va dire, en cours d'études. Ils décrivent effectivement des réalités qu'on peut voir, qu'on peut observer, mais à ce jour, il n'y a pas le même niveau de validation scientifique que le burn-out. Alors, toutes ces situations ont de toute façon un point commun, c'est la désorganisation du système de récompense, celui qui régule la motivation et la satisfaction au travail. Ce système va répondre en grande partie, alors pas uniquement, de la dopamine, mais Précisons tout de suite que la dopamine n'agit pas seule. Il y a d'autres neurotransmetteurs, sans les citer, la noradrédaline, la sérotonine, bref, ça on y reviendra. Mais quand la régulation de la dopamine se dérègle, soit parce qu'on en demande trop au cerveau, soit parce qu'on ne lui donne pas de raison d'agir, ou parce qu'il n'est pas assez stimulé, là on va entrer dans un état de désengagement cognitif. Et c'est là que vont justement se différencier ces trois syndromes.

  • Speaker #1

    Alors commençons par le burn-out. qui nous semble être le plus déployé, le plus connu. Mais en fait, Fabrice, il nous faut des précisions et tu les as retrouvées ancrées dans des théories qui datent des années 70.

  • Speaker #0

    Oui, le burn-out, c'est celui qu'on connaît le mieux. Il a été décrit par Herbert Freudenberger, puis théorisé ensuite par la suite. Donc, les chercheurs ont mis en évidence globalement trois axes. Le premier, c'est l'épuisement émotionnel, c'est-à-dire... en gros la sensation d'être vidé intérieurement. Ensuite, on a la dépersonnalisation, c'est-à-dire une forme de détachement vis-à-vis des autres. Et en troisième axe, on a la perte d'efficacité, le sentiment d'être inefficace, d'être inutile. Alors, au niveau neurobiologique, la régulation du cortisol va justement se dérégler. Les amygdales deviennent hyperactives. Le cortex préfrontal montre une hypoactivation. Une baisse de l'activation, une baisse de la connectivité, de l'amidale notamment. Et c'est pour ça que la personne en burn-out n'arrive plus à hiérarchiser ou à décider.

  • Speaker #1

    Son cerveau fonctionne en mode défensif en permanence. C'est ce que j'entends. Le burn-out, ce n'est pas qu'une simple fatigue émotionnelle. C'est une véritable désorganisation neurologique. C'est bien cela, Fabrice ?

  • Speaker #0

    Oui, absolument.

  • Speaker #1

    À l'inverse, Fabrice, le bore-out, on le présente souvent comme l'ennui au travail, mais est-ce que c'est aussi caricatural ?

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas aussi caricatural, c'est plus complexe que ça. Il a été décrit, le bore-out, par deux chercheurs en 2008. C'est un épuisement, mais là qui est lié à un vide, un vide cognitif. Donc c'est justement qu'il n'y a pas de trop-plein, il y a un manque. Il n'y a pas de sens, il y a un manque de sens, il y a un manque de stimulation, de reconnaissance. On a besoin d'un niveau minimal d'activation dans le cerveau pour maintenir une vigilance et une motivation. Mais quand on fait des tâches qui sont hyper répétitives, que le professionnel n'a pas de valeur perçue, il y a certains neurotransmetteurs qui vont chuter. Et donc, au final, la personne, elle se sent inutile, elle ne se sent pas du tout valorisée dans son travail et elle va développer en général les mêmes symptômes physiques que le burn-out qu'on a vu avant, de la fatigue chronique. une perte d'estime de soi et des troubles du sommeil, par exemple.

  • Speaker #1

    Alors cette fois-ci, si je comprends bien, sans forcément une surcharge, on va quand même s'écuser.

  • Speaker #0

    Oui, parce que notre cerveau, il n'a pas juste besoin d'énergie, il a besoin de sens. Quand il y a un ennui prolongé, il y a une sorte d'asphyxie cognitive. On a même des fois des petits états dépressifs légers. Le problème, c'est que ce bore-out, en général, il ne se voit pas. Il est très impactant. Il peut tout à fait toucher les salariés surqualifiés qui font des tâches rébarbatives. Il peut toucher les jeunes diplômés qui sont sous-employés, des personnels qui peuvent être collégués à des tâches où il n'y a pas d'enjeu, des tâches très répétitives, on l'a vu.

  • Speaker #1

    Ça me fait penser à des personnes qui disent « moi j'ai été mis au placard » . Et ces personnes-là, elles se trouvent avec des tâches répétitives, sans sens, sans lien même direct avec leurs compétences. le bon out, c'est quoi ? C'est un mix des deux ?

  • Speaker #0

    Alors, pas tout à fait. Le brown out théorisé dans les années 2010, c'est une désactivation morale de la motivation. Donc, c'est ni trop de charge, ni pas assez de charge. C'est un conflit de valeurs, on va dire. En gros, je fais un travail que je ne comprends plus et dont je désapprouve la finalité. Neuroscientifiquement, ça, c'est lié à une incohérence cognitive qui va persister. dans des régions de décision et celles du circuit de la récompense. En d'autres termes, le cerveau va envoyer un signal du type « ce que je fais ne correspond plus à ce que je crois juste » . C'est une dissonance, une dissonance cognitive qui est répétée et qui produit le même effet qu'un stress chronique.

  • Speaker #1

    « Burnout » , « burnout » partagent en fait les mêmes difficultés, le même fil rouge si je puis dire, c'est la désynchronisation entre l'effort, la récompense et le sens. C'est bien cela Fabrice ?

  • Speaker #0

    Voilà Didier, en gros le « burnout » c'est trop d'effort, plus de ressources. Le « burnout » c'est pas assez de stimulation et plus de sens du tout, au sens que le travail n'a plus de sens. Et le « burnout » c'est trop d'effort pour une cause que je ne reconnais pas.

  • Speaker #1

    Trois routes différentes, mais au final, nous venons de voir les mêmes conséquences. Une rupture de motivation et un organisme qui est en dette d'énergie, une personne qui ne se reconnaît plus dans ce qu'elle fait. Et souvent, c'est cette rupture de sens qui précède la chute. La personne continue à avancer presque par automatisme, avec un moteur intérieur qui est éteint. Il n'y a plus la petite lumière, la petite flamme. Alors, dans la suite de cet épisode, on va parler de ce moteur, de la passion. quand elle nous élève ou quand elle nous détruit. On parle souvent du burn-out une fois qu'il est trop tard, en fait. Une fois que la personne s'est effondrée, qu'elle a épuisé toutes ses ressources. Mais avant cette rupture, est-ce qu'il existe des signaux que l'on pourrait repérer dans nos familles, dans les entreprises, des leviers, des alertes de prévention ? Est-ce que le repos, la sieste, la marche, la déconnexion numérique, ça fonctionne ? Est-ce que la science, c'est aujourd'hui ? Ce qui protège vraiment le cerveau avant qu'il ne craque.

  • Speaker #0

    Oui, il y a plein de choses qui fonctionnent. Déjà, ce qu'il faut savoir, c'est que le cerveau, votre corps, vous ne récupérez pas pendant les formes, mais pendant les pauses. Ça, c'est logique. Mais en fait, ça fonctionne un peu comme un élastique. Si vous n'avez jamais l'occasion de vous reposer, si en gros, l'élastique ne revient jamais à sa position initiale, il finit par se distendre et il casse. Les études, les recherches de Bruce McEwen, de la surcharge allostatique dont on parlait tout à l'heure, montrent que les phases de récupération, ce qui va être lié au sommeil, les moments de détente, les moments de rien, ça va justement permettre de réduire cette charge allostatique. Ça a été reproduit par plusieurs études, dont certaines montrent que la capacité à se détacher mentalement du travail réduit le stress perçu et améliore la récupération. Il y a une méta-analyse qui a été faite, une grosse étude qui a été faite en 2022, qui confirme d'ailleurs que des micro-pauses, même très très courtes, de quelques minutes, vont aider à la vigilance et à diminuer la fatigue, sans pour autant impacter la performance. Donc, en gros, ce ne sont pas seulement vos trois semaines de vacances l'été, vos cinq semaines à l'année qui vont vous permettre de réguler votre fonctionnement.

  • Speaker #1

    Mais aussi des micro-pauses régulières, données à l'occasion, à l'élastique. de revenir à sa position initiale avant qu'il ne soit trop distendu, si j'ai bien compris, pour que cela soit trop tard.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce qu'on vit dans un monde où se reposer, Fabrice, c'est presque devenu suspect de se reposer. Quelqu'un part à 17h dans une entreprise et on peut entendre dire « tiens, tu pars tôt, tu as pris ton après-midi » . Le repos est perçu comme un manque d'implication. Est-ce que les entreprises ont encore tort de raisonner en temps de présence plutôt qu'en temps de qualité de travail ?

  • Speaker #0

    Tu dis on est dans un monde où, mais ce n'est pas nécessairement le monde, je pense que c'est aussi une question très culturelle. Ça dépend des cultures. La performance qui est durable, elle se base sur cette alternance entre s'activer et récupérer. C'est un principe de biologique universel qu'on observe chez tous les systèmes vivants. Alors si on supprime le repos, on va créer une tension continue qui va finir par altérer plein de choses et notamment la cognition. Par exemple, en Suède, j'ai découvert qu'il y avait une expérimentation qui a été faite à Gothborg. avec des journées de 6 heures et des pauses qui sont encadrées. Cette étude a montré qu'il y a au final moins d'arrêts de travail, moins d'arrêts maladie, et un mieux-être global chez les salariés au prix d'un coût organisationnel certes plus élevé. Alors ce sont effectivement des résultats qui restent locaux, qu'on ne peut pas généraliser, mais ça confirme quand même l'importance de la récupération pour avoir une performance qui va durer d'un temps. Alors en France, il y a certaines structures de soins ou d'enseignement qui font aussi cette expérience. d'espaces de récupération sensorielle, on peut avoir de la luminothérapie, de la cohérence cardiaque, graphique, plein de choses. Les résultats sont effectivement convergents, on voit moins d'absentéisme, plus de concentration, plus de créativité et une meilleure humeur au travail.

  • Speaker #1

    Alors au fond, la question, le vrai sujet, ce n'est pas évidemment le nombre d'heures travaillées.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est plutôt le degré de contrôle perçu par la personne. Il y a des études qui montrent que le facteur de risque principal du burn-out, ce n'est pas la quantité de travail, c'est le manque d'autonomie et surtout de reconnaissance.

  • Speaker #1

    La clé pour ceux qui nous écoutent et qui sont aussi en situation de manager, elle est dans le contrôle, pas dans la charge. Et pourtant, dans beaucoup d'entreprises, on continue à parler de motivation comme si c'était une ressource infinie. Mais la motivation, elle aussi, elle s'écuise.

  • Speaker #0

    Exactement. Et la motivation, c'est justement ce qui relie l'action à la valeur qu'on lui accorde. Nous fonctionnons tous à la motivation et à la récompense. Et donc, justement, c'est la capacité qu'a notre cerveau à anticiper une récompense et à juger qu'elle vaut l'effort, pas juste avoir envie. Donc, au final, le circuit de la récompense va s'affaiblir. On agit encore, mais on n'a plus d'élan et on n'a plus de plaisir. Et d'ailleurs, c'est souvent là qu'apparaît cette phrase. que beaucoup de patients formulent, j'ai plus envie de rien, mais bon, je continue quand même. Là, on est quand même dans un signe d'épuisement avancé.

  • Speaker #1

    Et c'est souvent là où le médecin du travail peut être interpellé. Et on a tendance d'ailleurs à le voir comme un contrôleur d'arrêt. Mais en réalité, c'est le premier acteur de la prévention. Et il est d'ailleurs souvent du côté des salariés. Peut-être, en tout cas, nous dit-on.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important de le rappeler. Pour faire court, le médecin du travail, on l'a vu, c'est lui qui perçoit les premiers signes de déséquilibre. Donc, il peut proposer plein de choses. Ça peut être un aménagement temporaire, un militant thérapeutique. Il peut y avoir plein de choses. Le problème, c'est qu'on consulte souvent trop tard et qu'on est déjà, quand on consulte, la personne est souvent déjà en phase d'épuisement. Et puis, il y a aussi une autre dimension, c'est la culture de la peur. Avec justement les annonces récentes du gouvernement sur les contrôles des arrêts maladie, il y a beaucoup de salariés qui hésitent à se mettre en arrêt de travail, même quand leur santé mentale est en jeu.

  • Speaker #1

    Oui, parce que parfois, l'arrêt de travail, il peut être associé à la honte. J'ai honte de m'arrêter. parce que je suis faible ou que je n'arrive plus à faire face. Du moins, c'est la perception que je peux avoir de moi-même, comme si le cerveau devait être infaillible. L'arrêt de travail, potentiellement, il peut être un acte de prévention. C'est avant d'aller plus mal. Il vaut mieux appuyer sur le bouton pause. Et d'ailleurs, pour ceux qui sont préoccupés, à juste titre, par l'économie, peut-être que l'arrêt de travail peut empêcher des hospitalisations qui souvent coûtent très cher. On retiendra que l'épuisement professionnel est un signal d'alarme. Quand le cerveau reste en alerte trop longtemps, il finit par s'épuiser, qu'il s'agisse d'un tremplin, on l'a vu, d'un vide ou d'une perte de sens. Le burn-out, ce n'est pas une panne de volonté, ce n'est pas une panne de régulation. Notre cerveau ne nous lâche pas, il nous envoie un message, il nous protège, il nous dit stop. Quand nous ne savons plus comment faire ou qu'on en fait trop ou qu'on ne sait plus pourquoi on le fait. Alors peut-être qu'au lieu de se dire « je vais chercher à tenir » , il faut peut-être entendre ce message et chercher à récupérer, à redonner du repos, du sens, de la reconnaissance au travail. Et vous qui nous écoutez, si vous êtes témoin d'un collaborateur qui est surchargé de mails, qui ne vous accompagne plus dans des déjeuners conviviaux pour les pauses, qui change d'attitude au fil des semaines, eh bien… Il faut parler et lui demander tout simplement, parfois, et toi, comment ça va ? Parce que ce sujet du burn-out, Fabrice, c'est pour conclure, même s'il est très vaste, c'est aussi une question tout simplement parfois d'empathie, prendre soin de l'autre, de demander à son collègue, à son confrère, à son supérieur ou à son manager ou avec la personne avec qui je travaille. Et toi, comment tu vas ?

  • Speaker #0

    Oui, exactement.

  • Speaker #1

    Merci Fabrice pour tous ces éclairages. On a appris plein de choses. et à vous qui nous écoutez. Je vous propose de nous retrouver la semaine prochaine pour un autre sujet. Au revoir, merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci à tous et à très bientôt Didier.

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