- Speaker #0
Bienvenue sur l'Actu en Tête.
- Speaker #1
Bonjour à toutes, bonjour à tous, bienvenue dans l'Actu en Tête. Un nouveau numéro en cette période de l'année où la lumière disparaît peu à peu et où les soirs s'allongent. Beaucoup de personnes évoquent de plus en plus une fatigue qui s'installe, un moral en berne, un moral qui patine sans raison apparente. Beaucoup de messages où les personnes nous disent se sentir en mode hivernale. un peu au ralenti. Alors on a voulu ouvrir cette question Fabrice. Et je retrouve Fabrice Pastor, neuropsychologue, formateur, conférencier, auteur. Quel plaisir. Bonjour Fabrice. Et bonjour Didier.
- Speaker #0
Bonjour également à toutes et à tous. Didier, je rappelle que tu es journaliste, président du Psychodon depuis de nombreuses années, en plus d'être également commissaire général du Forum National de la Santé Mentale. Je suis heureux de te retrouver pour ce nouvel épisode. Et tu as raison, chaque hiver, la même interrogation revient. Est-ce que ce que je ressens, c'est un blues lié à la saison ou est-ce que je me trouve face à un trouble saisonnier au sens clinique, dirons-nous ?
- Speaker #1
Peut-être que cette sensation, une dépression saisonnière, n'est pas juste une question de ressenti personnel. Oui, exactement.
- Speaker #0
De plus en plus de personnes disent, on l'entend de plus en plus, je dors beaucoup plus, je manque d'élan. Je mange davantage, je fais de plus en plus de soirées raclettes. Bref, je me sens mal. Enfin, je ne dis pas qu'il y a un lien entre la raclette et le fait de se sentir mal. Mais bon, certains vivent cela chaque année avec plus ou moins de régularité. D'autres se sentent seulement un peu fragilisés parce que l'hiver impose un rythme différent. Et cette différence est d'ailleurs importante parce qu'elle va justement conditionner les explications et les solutions qu'on peut y apporter.
- Speaker #1
Donc à bientôt pour une soirée raclette, Fabrice. Et en tout cas, la raclette, pour être très sérieux, c'est un événement de lien social. Et le lien, c'est du soin. Être ensemble, c'est prendre soin de sa santé mentale, prendre soin de prévenir des coups de blouse, ou justement de mieux passer cette période du trouble dépressif saisonnier. On entend partout cette expression, mais je suis à une dépression saisonnière. Sur les réseaux sociaux, dans les conversations au travail, ces mots reviennent. Le moindre coup de fatigue devient alors un diagnostic. Cette expression « je fais une dépression saisonnière » s'est installée dans le langage courant. Mais en fait, il n'y a pas vraiment de lien avec une réalité clinique. Fabrice, toi comme neuropsychologue, est-ce que tu pourrais nous éclairer ?
- Speaker #0
Oui, effectivement, ça peut être une sorte de confusion. On confond souvent trois niveaux. Le blues passager, une humeur en baisse qui va être liée à la saison. et aussi le trouble dépressif au sens strict avec une sorte de spécificateur saisonnier. Le DSM-5 qu'on cite assez régulièrement dans nos épisodes, qui est une des nomenclatures sur la santé mentale, utilise d'ailleurs la formulation de spécificateurs saisonniers dans le trouble dépressif.
- Speaker #1
Alors ce qui est intéressant Fabrice, c'est que tu prennes le temps de nous expliquer simplement, comme tu sais le faire, les différences, pour qu'on comprenne bien de quoi... Il s'agit lorsque l'on parle de troubles dépressifs caractérisés avec une dimension saisonnière.
- Speaker #0
Alors donc, pour parler de troubles dépressifs, comme tu l'as dit, caractérisés avec une dimension saisonnière, il faut plusieurs critères qui s'ajoutent à ceux d'un épisode dépressif classique. Quelques petits points. D'abord, on a ce qu'on appelle la répétition du pattern, c'est-à-dire que les symptômes, qu'on verra par la suite, reviennent au même moment de l'année, très souvent évidemment. en automne ou en hiver et s'atténuent ensuite au printemps ou en été.
- Speaker #1
Le deuxième point,
- Speaker #0
c'est la régularité sur plusieurs années. Ce cycle revient pendant au moins deux années consécutives. Troisième point, c'est l'absence d'autres explications saisonnières, ce qu'on appelle souvent le différentiel. En gros, il n'y a pas d'événements de vie récurrents qui pourraient expliquer cette baisse d'humeur. Par exemple, des deuils répétés, un stress professionnel ou d'autres choses. Le quatrième point, c'est le retentissement, c'est-à-dire qu'il y a effectivement un impact marqué sur le quotidien au niveau de la motivation, des relations, de l'alimentation, du sommeil par exemple. Et enfin, le cinquième point, des symptômes typiques qui sont souvent observés, fatigue lourde, on peut avoir de l'hypersomnie, on le verra aussi tout à l'heure, un appétit qui augmente, ça je l'ai dit aussi avec la raclette tout à l'heure, bref. Ça peut engendrer également tout ça avec notamment lié à un moral très bas. Et donc, ce que les études montrent de manière constante, c'est que les personnes concernées ne vont pas parler d'un moral qui pourrait être fluctuant, mais bien... d'une sorte d'effondrement du fonctionnement habituel.
- Speaker #1
Alors nous voilà éclairés avec ces cinq indicateurs, mais alors pourquoi certaines personnes vivent-elles ce cycle de dépression saisonnière caractérisée chaque année, alors que d'autres ne sont pas concernées et n'en ont pas les symptômes ?
- Speaker #0
Alors les recherches semblent pointer vers une sensibilité biologique. qui serait plus forte aux variations de lumière notamment. Mais bon, évidemment, il y a d'autres facteurs, comme des facteurs psychosociaux, qui peuvent également influencer cette vulnérabilité. Une différence dans la manière dont l'organisme module ses rythmes internes lorsque la luminosité chute. Je détaillerai tout à l'heure ces mécanismes qui impliquent notamment la mélatonine, la régulation des rythmes veille-sommeil et les systèmes sérotoninergiques. Bref, le plus important, c'est de comprendre pourquoi deux personnes exposées aux mêmes conditions, entre guillemets, météorologiques, peuvent vivre les choses bien différemment.
- Speaker #1
Et oui, parce que derrière le ciel gris, il y a toujours le même ciel immense et potentiellement toujours bleu. Alors dans l'autre sens, on voit des proches nous dire, se dire, c'est juste l'hiver, tu dramatises. Mais en fait, c'est peut-être... pas suffisant.
- Speaker #0
Oui, oui, oui. Grosso modo, on peut y voir deux glissements. D'abord, certaines personnes qui se déclarent en dépression saisonnière dès les premiers signes de fatigue, c'est une sorte d'auto-étiquetage ou d'auto-diagnostic qui pourrait parfois être excessif. Et d'autre part, l'entourage qui peut au contraire penser que tout le monde vit la même chose, c'est une sorte de minimisation. Il fait froid, c'est normal de ne pas avoir le moral. Le problème, c'est que cela peut retarder une prise en charge, dans ce cas-là, une prise en charge quand les symptômes deviennent, justement, on l'a dit, retentissants. Donc, on a deux confusions. Avec ces deux confusions, on a deux risques. Soit on peut avoir une stigmatisation inutile, ou alors un retard dans l'accès aux soins. C'est pour ça que le diagnostic existe. L'objectif, ici, c'est justement d'identifier une souffrance qui modifie le fonctionnement de la personne et pour après apporter une approche adaptée, évidemment.
- Speaker #1
Alors Fabrice, pour récapituler, tu nous dis que si on note des éléments tels que la temporalité, c'est-à-dire début en automne, retour à la normale au printemps, la répétition, c'est-à-dire que ce symptôme de dépression saisonnière se répète plusieurs hivers de suite, l'intensité, c'est-à-dire s'il y a un ralentissement global, une incapacité partielle à assurer des activités habituelles, des symptômes spécifiques comme une hypersomnie, c'est-à-dire trop de... trop dormir ou une hyperphagie. Si on a relevé ces symptômes-là, ces sensations-là, alors on peut penser à un trouble dépressif caractérisé, à un pattern saisonnier et non pas à un simple coup de fatigue. Est-ce que j'ai bien compris Fabrice ?
- Speaker #0
Oui, voilà, exactement. On peut en effet se poser la question.
- Speaker #1
Alors si on est touché et que l'on ressent cette cette dépression saisonnière, il y a un élément fort, c'est que la lumière a lieu sur le cerveau. Une fois que le cadre diagnostique est posé derrière ces critères, il y a des questions concrètes. Qui vit vraiment cela et qui se trouve exposé à ce double dépressif saisonnier ? Puis on abordera la question de la lumière, mais d'abord sur les profils Fabrice.
- Speaker #0
On peut effectivement observer certains profils à risque. qui d'abord a été Les personnes qui ont déjà connu un épisode dépressif au cours de leur vie, elles peuvent présenter une forme de vulnérabilité et la baisse de lumière va agir comme un facteur qui appuie sur un terrain fragile. Les données épidémiologiques montrent d'ailleurs une prévalence plus élevée chez les femmes, ce qui a été confirmé par différentes études, notamment celle de Magnusson et Stephanson qui date de 1993, qui est d'ailleurs souvent citée dans les travaux sur le trouble saisonnier. Ensuite, les personnes qui passent presque toute leur journée à l'intérieur avec peu de lumière naturelle, donc télétravail, les bureaux sombres, des horaires extrêmement rigides. Les études épidémiologiques montrent aussi un effet de la latitude. Dans plusieurs travaux, le taux de dépression saisonnière augmente lorsque les populations vivent plus au nord, avec des hivers plus longs et plus sombres, surtout en Amérique du Nord, même si les données européennes restent effectivement plus nuancées. car il existe d'autres facteurs culturels qui jouent aussi sur l'exposition à la lumière.
- Speaker #1
Donc, est-ce qu'on peut dire que de naître ou de vivre dans une région plus au nord, change déjà le niveau de risque face à la dépression saisonnière ?
- Speaker #0
Oui, alors disons-le tout de go, vivre à Dunkerque, à Montréal ou à Stockholm ne va pas nous faire attraper une dépression saisonnière. On parle d'un ensemble de facteurs, voilà le lieu, les horaires de travail, le type de logement, le soutien social. Les antécédents, c'est totalement plurifactoriel. On retrouve aussi souvent des adolescents et des jeunes adultes. Leur rythme de sommeil se décale naturellement, avec des endormissements plus tardifs et des réveils parfois plus difficiles. Et donc quand l'horaire scolaire ou universitaire reste très matinal, la privation de lumière du matin va s'accentuer. Et donc ça peut, dans certains cas, renforcer la vulnérabilité en désorganisant davantage leur horloge interne.
- Speaker #1
Oui, d'ailleurs, dernièrement, et c'est une question qui est récurrente, repousser l'heure des cours pour les adolescents est souvent au cœur des débats. D'ailleurs, modifier l'horloge avec les avancées ou les recul des heures, c'est souvent au cœur des débats.
- Speaker #0
Alors ça, c'est un vaste débat qui nous touche depuis de nombreuses années. Mais en plus des approches individuelles, on peut aussi penser à certains ajustements structurels. Par exemple, tout simplement repousser l'heure du début des cours. pour les adolescents, pour mieux respecter leur rythme biologique. Ça, c'est un marronnier, c'est quelque chose qui vient tous les ans, on en parle. Les études ont montré que des horaires trop matinaux sont associés à une humeur plus fragile, un sommeil plus pauvre de plus mauvaise qualité et des symptômes dépressifs qui peuvent être parfois plus élevés. Plus concrètement, j'ai trouvé une étude qui a montré qu'un décalage de 45 minutes du début des cours dans une école à Singapour a permis, après un mois, puis après neuf mois, Ils l'ont évalué sur deux temps. Donc, une amélioration du sommeil et du bien-être chez les élèves.
- Speaker #1
Oui, ça peut avoir des implications fortes. Surtout que, je ne sais pas chez vous, mais moi, les enfants sont grands. Mais la dernière adolescente a tendance à ne pas avoir de matin. Donc, il s'agit de repousser vraiment les horaires, Fabrice.
- Speaker #0
Oui, c'est ça. En fait, on diminue ce qu'on appelle le délai de phase du rythme circadien des ados. Ils dorment et se réveillent naturellement plus tard. Ça correspond mieux à leur fonctionnement. Alors il n'y a pas que ça, ça peut aussi réduire la dette de sommeil, ça peut aussi limiter la fatigue chronique, ça peut améliorer l'humeur et potentiellement atténuer la vulnérabilité aux variations saisonnières de l'humeur.
- Speaker #1
Et bien sûr, et on en parle souvent dans ce podcast Actu en tête, la question des inégalités sociales, elle est toujours à prendre en compte en matière de prévention de santé mentale ou de prise en charge pour les personnes concernées par une maladie psychique. Évidemment, et c'est encore le cas aujourd'hui, les personnes qui vivent dans des logements mal isolés ou avec peu de luminosité parce que mal exposés, ou des étudiants qui sont amenés à vivre dans des studios où ils ne voient que très peu de jours, ils vivent un univers très différent d'une famille installée dans une maison plein sud avec jardin.
- Speaker #0
Oui, c'est ça. La précarité énergétique, elle va accentuer ces contraintes. Quand on hésite à chauffer, quand on limite les déplacements, qu'on réduit les sorties, la quantité de lumière naturelle diminue encore.
- Speaker #1
Alors tout cela, Fabrice, reste très théorique. À quoi ressemble le quotidien d'une personne qui traverse une dépression saisonnière ?
- Speaker #0
Alors, dans les récits, on voit souvent les mêmes choses. Octobre ou novembre, on garde encore une vie assez normale. Sur quelques semaines ensuite, on commence à accumuler des retards. Le réveil sonne, on est un peu collé au lit. On dort plus longtemps, on reste épuisé. Puis alors, après, on se met à manger plus. Surtout des aliments riches en sucre rapide. Ou les raclettes, on l'a dit. On prend du poids chaque hiver, puis on le repère au printemps. On annule les sorties, on peut éviter les amis, on se sent lourd physiquement et psychologiquement. Voilà, c'est comme ça, il existe plein de choses, c'est très multifactoriel. D'ailleurs, les travaux pionniers de Norman... Rosenthal décrivent déjà là, dans les années 80, ce tableau avec une hypersomnie, une hyperphagie et des envies marquées de glucides.
- Speaker #1
Oui, on a envie de manger des sucres, des gâteaux au chocolat et des raclettes quand il fait froid. Mais évidemment, tout cela est une mascarade parfois de symptômes dépressifs. Est-ce que tu décris ressemble à quelqu'un qui vit dans un corps qui freine tout et qui a tendance en fait à... à vouloir pour se protéger, s'enserrer dans la « graisse » .
- Speaker #0
Oui, beaucoup parlent d'un ralentissement général, des gestes du quotidien qui demandent plus d'efforts, les douches, les courses, le travail, tout devient coûteux. Et puis il y a aussi le volet psychologique, émotionnel. Certains expriment le vide, l'impression de ne plus reconnaître leur propre vie. Il y en a qui deviennent irritables, qui se mettent à pleurer pour des boutis. Ça, c'est ce qu'on entend parfois, oui.
- Speaker #1
La culpabilité, on entend souvent autour de nous ou des témoignages, je n'ai pas le droit d'aller mal et pourtant j'ai un travail, j'ai un logement ou j'ai une famille, je devrais me ressaisir. Mais encore une fois, un trouble dépressif, ça ne suffit pas de dire je devrais me mettre un coup de pied aux fesses.
- Speaker #0
Oui, voilà, beaucoup se jugent en permanence. Bon, ça rajoute une couche de souffrance.
- Speaker #1
Alors justement, parlons... du cerveau, de cette souffrance. Mais qu'est-ce qui se passe dans la tête, Fabrice ? Toi, comme neuropsychologue, comment tu peux nous faire comprendre que la lumière joue un rôle fort ?
- Speaker #0
Oui, la lumière joue un rôle fort parce qu'une partie de la rétine transmet des informations lumineuses vers une plus petite région du cerveau, le noyau suprachiasmatique qui sert de chef d'orchestre pour les rythmes circadiens. Quand la lumière du matin diminue, ce chef d'orchestre Merci. récupère un signal qui va être moins clair.
- Speaker #1
Donc sans lumière, je suis moins mis en musique par ce chef d'orchestre et donc je vais aller moins bien dans la journée. Je vais me sentir moins harmonieux et je serai soumis à un symptôme de dépression saisonnière. Et alors, quels sont les effets concrètement, Fabrice ?
- Speaker #0
Globalement, la sécrétion de mélatonine, qui est une hormone associée à l'endormissement à la nuit, va s'arrêter plus tard que d'habitude. Donc le corps reste en mode « nuit-lit » plus longtemps. Et le rythme veille-sommeil se décale. Le cerveau régule plus mal d'autres processus, dont l'humeur.
- Speaker #1
Donc quand je pars au travail dans le noir, le jour n'est pas levé, et que je reviens le soir dans le noir, j'ai passé peut-être toute la journée sur un écran, mon cerveau perd ses points de repère, et du coup je m'expose à un trouble dépressif saisonnier.
- Speaker #0
C'est possible, en fait la lumière du matin agit. comme une force, elle recale l'horloge interne. Quand cette lumière manque, certaines personnes s'adaptent très bien. D'autres, par contre, plus sensibles, vont développer des perturbations du sommeil et de vigilance. Cela va favoriser un état plutôt dépressif. Les modèles actuels soulignent aussi un lien avec d'autres systèmes, notamment le système sérotoninergique. La sérotonine, pour faire simple, intervient notamment dans la régulation de l'humeur, de l'appétit et du sommeil. Et donc, les variations de lumière qui modulent en partie ce système, notamment, vont jouer sur la disponibilité de cette sérotonine. Et donc, chez les personnes sujettes aux épisodes saisonniers, cette modulation va être moins stable.
- Speaker #1
Si je comprends bien, il y a une combinaison entre ce que la lumière fait à notre horloge interne et la manière dont notre cerveau, certains cerveaux, réagissent à ces variations.
- Speaker #0
Oui, c'est ça.
- Speaker #1
Et donc, si je comprends bien, plus j'ai de la lumière, plus je vais être à même de produire de la sérotonine.
- Speaker #0
En fait, c'est l'organisation de la vie quotidienne qui joue. C'est les habitudes d'activité physique aussi en extérieur. C'est la culture d'être dehors, même en hiver. Ce sont les politiques publiques qui favorisent des espaces lumineux. Et tout ça, ça va modifier le niveau de risque. Un cerveau, une personne qui va être sensible à la baisse de lumière peut se trouver davantage protégée. dans une société qui tient compte de cette fragilité, avec une organisation qui encourage une exposition à la lumière du jour, des horaires plus adaptés et des espaces collectifs beaucoup plus lumineux.
- Speaker #1
Et pourtant, on ne peut pas se systématiser, parce que dans des pays du Nord, par exemple, qui vivent avec des hivers extrêmement sombres, toutes les personnes ne sont pas exposées à des troubles dépressifs saisonniers. En résumé, il y a une vulnérabilité. Mais le quotidien, l'urbanisme, le travail, l'école sont aussi des mécanismes à prendre en compte qui peuvent aggraver la situation ou protéger. Et l'hiver est un élément qui s'ajoute au contexte. Un hiver chargé où les factures montent, où les familles servent les budgets, où certains hésitent à chauffer leur logement. On le disait tout à l'heure, le contexte socio-économique peut renforcer la fatigue. psychique, la charge mentale. Et quand une personne vit déjà avec une baisse d'énergie liée à la saison, au manque de lumière, que s'ajoute l'anxiété, par exemple, au sujet de l'argent, suite à la rentrée qui a été difficile, de travail, tout cela avec une succession de pressions. Les grandes enquêtes épidémiologiques menées en Europe, les données de santé publique montrent en effet que les populations en situation de précarité ressentent plus souvent des symptômes dépressifs en hiver. C'est la double peine, Fabrice.
- Speaker #0
Oui, c'est ça. Alors, c'est un point important à rappeler. Ce que tu évoques, ce sont des corrélations, corrélations qu'on voit entre la précarité, notamment financière, et les symptômes dépressifs en hiver. Il ne faut pas pourtant parler de causalité directe. Il faut rester prudent sur cette notion toujours. Corrélation n'est pas causalité.
- Speaker #1
Et dans l'actu en tête, dans ce cas, on voit bien que l'actualité n'aide pas à passer un hiver déjà moins lumineux et froid où nous sommes sujets à... Les troubles dépressifs saisonniers, quand on entend parler aux informations de guerre, d'alerte, de catastrophes climatiques, ou que l'on voit nos élus, nos gouvernements ayant de la peine à tenir assis sur leur poteuil, que beaucoup allument la télévision alors que de trouver des espaces sereins, il y a des images dures, des images incohérentes, là encore, la tension se tend, l'anxiété trouve place, et puis on... On a des difficultés à gérer ses émotions, le sommeil se dégrade, alors que la lumière manque, on voit bien le cumul, le cercle qui est négatif. L'hiver affaiblit le rythme interne à cause de la luminosité, mais quand on y ajoute tous les éléments qu'on vient d'évoquer, le contexte global, tout cela ajoute un poids supplémentaire, qui est d'ailleurs nourri au sens physique par une alimentation plus riche, et le moral descend plus vite en clair. le climat social de notre époque peut aussi rendre l'hiver plus lourd, plus difficile à passer.
- Speaker #0
Oui, et puis cette accumulation explique aussi en partie, évidemment, pourquoi certaines personnes se sentent au bout du rouleau. Le contexte actuel, il est actuellement vraiment compliqué. On l'a d'ailleurs évoqué dans de nombreux épisodes précédents.
- Speaker #1
Alors, qu'est-ce qui peut nous aider, qu'est-ce qui peut vous aider à passer cet hiver et à le passer avec une meilleure humeur ?
- Speaker #0
Alors on peut commencer déjà tout simplement par ce que l'on appelle la luminothérapie. C'est l'un des traitements les mieux documentés pour traiter la dépression saisonnière. Il y a des grandes études, des méta-analyses qui montrent un effet assez net quand on utilise une lumière forte le matin pendant plusieurs semaines. On peut en trouver dans le commerce. Attention, ce n'est pas une ampoule qu'on garde, c'est une vraie lampe médicale validée et il faut qu'elle ait une lumière d'une intensité d'environ 10 000 lux.
- Speaker #1
Et c'est efficace ? Les études le confirment ?
- Speaker #0
Oui, beaucoup de personnes décrivent une amélioration du sommeil, une énergie qui revient, une réduction du ralentissement, une réduction de certains symptômes justement. Alors ce n'est pas non plus la solution, il faut rester prudent, mais bon les effets sont assez documentés, oui.
- Speaker #1
Et puis nous sommes nombreux à avoir entendu les conseils d'experts. Lorsque vous partez le matin et qu'il fait nuit et que vous passez une matinée au bureau devant l'ordi, pour la pause du déjeuner, sortez dans des parcs. relevez les manches et exposez vos avant-bras, les mains tournées vers le soleil, pour que votre corps profite de cette luminothérapie naturelle. Donc déjeuner dans les parcs, au soleil, manches relevées et tournées vers le soleil, c'est un petit plus à ajouter à la luminothérapie, mais parfois ces conseils ne suffisent pas Fabrice.
- Speaker #0
Oui, il peut y avoir aussi des psychothérapies, comme par exemple les thérapies... comportementales et cognitives, elles peuvent t'aider à remettre du mouvement dans le quotidien, à recréer du plaisir, à ajuster les pensées aussi qui sont négatives. Bref, mettre en place aussi ce qu'on rappelle souvent, c'est-à-dire une bonne hygiène de vie. Tu l'as dit, prendre le soleil, aller marcher dehors, faire du sport, en plein jour évidemment.
- Speaker #1
En plein jour et en pleine conscience et en se disant que ce ciel gris n'est pas mon ciel. Il est le ciel et derrière ce ciel, il y a toujours l'immensité que j'aime à rappeler, l'immensité du ciel bleu. Je ne suis pas le nuage, je suis le ciel et le ciel est toujours bleu et immense. Et puis, dans certains cas, Fabrice, il existe des traitements, des médicaments pour aller mieux, passer certaines étapes.
- Speaker #0
Oui, bien évidemment, avec l'avis du médecin, on est d'accord. Quand les symptômes deviennent trop lourds ou quand la personne traverse des épisodes saisonniers sévères, récurrents depuis plusieurs années, il existe certains médicaments qui peuvent être prescrits en effet.
- Speaker #1
Et c'est souvent le cas quand la personne n'arrive plus à avancer, quand il y a tellement de tristesse ou de nostalgie qui s'est installée, que là, il y a le soutien médical qui est indispensable, Fabrice.
- Speaker #0
Oui, surtout éviter l'isolement, chercher, comme tu le dis, le soutien médical. Le médecin généraliste reste une porte d'entrée. Il existe aussi des centres médico-psychologiques qui peuvent être une autre porte d'entrée. Et si des idées noires apparaissent, alors là, il faut agir immédiatement. Mais bon, cette question, ça dépasse aussi, c'est pas seulement la personne, c'est aussi un enjeu qui peut être collectif.
- Speaker #1
Un enjeu collectif est l'occasion de vous rappeler à tous que le lien social est un lien de soin. Dans des périodes où ça va mal, il est lié la vie associative. Rencontrez d'autres, d'autres, d'autres, d'autres dans une association de sport, dans une association de danse ou de yoga, mais le lien social est un lien de soin. C'est avec les autres que l'on se répare. Et moi j'ai coutume de dire, Fabrice, que l'on n'est jamais mieux éclairé que par la lumière de l'autre. La luminothérapie, c'est l'autre aussi qui nous la donne. Et tu as raison Fabrice, dans les écoles, les entreprises, les universités, là aussi on peut améliorer l'exposition à la lumière et déplacer des horaires, ouvrir des espaces plus lumineux quand on en a les moyens ou la volonté. Parce que certaines universités ou lycées, c'est un vrai sujet, sont délabrés. Du côté des politiques publiques, je ne sais pas si on a bien vu que ça manquait de lumière. Mais bref, on l'a vu dans les pays qui facilitent l'activité. activités extérieures et en hiver, qui veillent à la luminosité dans les espaces publics, qui informent les citoyens de cette nécessité de se tourner vers ce qui est lumineux, vers ce qui nous expose à la lumière, il y a moins de souffrance qui est liée à la saison. Donc les décisions d'urbanisme jouent un rôle à une ville sombre, des bâtiments sombres, des lieux d'apprentissage sombres, ça procure des vies beaucoup plus sombres.
- Speaker #0
Oui, tout à fait. Et on peut aussi peut-être citer le psychodon tout simplement, Didier.
- Speaker #1
Le psychodôme, dans tout cela, tente d'apporter un peu de lumière dans ses débats et de dire qu'il faut prendre du recul sur l'actualité. Ce que nous abordions tout à l'heure, c'est important de rappeler des messages comme l'actualité nous impacte. Mais en fait, ce n'est pas moi. Quelle distance je mets entre l'actualité et moi ? Quel discernement je m'offre ? Le psychodôme remplit aussi, et nous le faisons aujourd'hui, sa mission d'information et de dire à chacun, chacun, la distanciation qu'il est nécessaire d'avoir avec l'actualité, pour ne pas être soumis à sans cesse des flux d'informations qui génèrent l'anxiété. Il faut bien sûr tenter d'ouvrir des espaces qui permettent l'expression de la réalité des terrains, les témoignages qui permettent d'ajuster les politiques publiques, et tout cela, c'est ce qu'on essaye de construire avec un projet, le livre bleu-blanc-rouge de la santé mentale que nous remettrons à terme. tous les présidentiables quelques mois avant les élections, peut-être neuf mois avant les élections. On espère qu'ils seront suffisamment attirés par nos propositions pour les intégrer dans leur programme neuf mois avant les élections. Ça peut être un beau projet, une belle naissance.
- Speaker #0
On arrive,
- Speaker #1
Fabrice, au terme de cet épisode. Et finalement, l'hiver, la dépression saisonnière, c'est un vrai sujet de santé publique.
- Speaker #0
Voilà, il faut aussi repenser, comme tu l'as dit, collectivement. à la manière dont on peut et dont on veut organiser l'hiver. Lumière, emploi du temps, environnement, tout compte.
- Speaker #1
Tout compte et prenez soin de vous. Ne vous laissez pas envahir par les plus incessantes informations. Et on l'advient. Relevez les manches, exposez-vous au soleil, les bras nus et tournez-vous vers la lumière. En levant la tête, on se met déjà en mouvement. Et nous, Fabrice, on se retrouve très, très vite pour un autre numéro de l'actu en tête. Et merci de tes éclairages dans cette période grise.
- Speaker #0
Avec plaisir. Merci beaucoup, Didier. Et à bientôt à tous.