undefined cover
undefined cover
Episode 7 : Octobre Rose, Ce n'Est Pas q'Une Affaire de Seins cover
Episode 7 : Octobre Rose, Ce n'Est Pas q'Une Affaire de Seins cover
L'Actu En Tête

Episode 7 : Octobre Rose, Ce n'Est Pas q'Une Affaire de Seins

Episode 7 : Octobre Rose, Ce n'Est Pas q'Une Affaire de Seins

20min |09/10/2025
Play
undefined cover
undefined cover
Episode 7 : Octobre Rose, Ce n'Est Pas q'Une Affaire de Seins cover
Episode 7 : Octobre Rose, Ce n'Est Pas q'Une Affaire de Seins cover
L'Actu En Tête

Episode 7 : Octobre Rose, Ce n'Est Pas q'Une Affaire de Seins

Episode 7 : Octobre Rose, Ce n'Est Pas q'Une Affaire de Seins

20min |09/10/2025
Play

Description

🎙️ Épisode 7 – Octobre Rose : ce n’est pas qu’une affaire de seins

Derrière la campagne Octobre Rose, il y a bien plus qu’un ruban : des parcours de vie, des émotions, des proches, et une santé mentale souvent mise à l’épreuve.

Dans cet épisode de L’actu en tête, Didier Meillerand et Fabrice Pastor rappellent que le cancer du sein touche tout un entourage et soulignent l’importance du soutien psychologique à chaque étape du combat.


💗 Parce qu’accompagner, écouter et parler, c’est déjà soigner.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur l'Actu en Tête. Bonjour à toutes, bonjour à tous, bienvenue dans l'Actu en Tête, ce podcast hebdomadaire où nous tentons d'explorer l'actualité par le prisme de la santé mentale et de nos vies quotidiennes. Et j'ai la chance de retrouver mon complice Fabrice Pastor, neuropsychologue, formateur conférencier, auteur, créateur de contenu. Bonjour Fabrice.

  • Speaker #1

    Bonjour Didier, tu es journaliste, tu es... du psychodon commissaire général du Forum National de la Santé Mentale et je suis également ravi de te retrouver pour ce nouvel épisode. Bonjour également à toutes et à tous. Alors aujourd'hui c'est un épisode un petit peu particulier parce que le mois d'octobre pour beaucoup d'entre nous c'est le mois rose, le mois des campagnes de sensibilisation, le cancer du sein, le mois des rubans accrochés au reste, des affiches dans les gares et aussi des spots de télévision.

  • Speaker #0

    C'est vrai que l'octobre rose est devenu, comme on dit dans la presse, Un marronnier, chaque année on en parle, on met du rose, des rubans roses, il y a des campagnes. Et puis on passe à autre chose. Mais quand on regarde de plus près, surtout quand on écoute ce que vivent vraiment les femmes concernées, leurs proches, les soignants et ceux qui sont autour d'eux, alors on découvre un tout autre tableau, bien plus complexe que ce que l'on peut en entendre.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un sujet qui touche la santé, certes, mais aussi au corps, l'identité, le couple. le travail, la précarité, le silence aussi. Le diagnostic de cancer du sein, c'est une tempête dans la vie, c'est une onde de choc qui traverse une personne, mais aussi tout son entourage, et pas seulement, et c'est ce qu'on va essayer de voir ensemble aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Fabrice, nous avons choisi de parler de celles et de ceux qu'on ne montre pas toujours sur les affiches. Dans ce contexte du cancer du sein, les aidants, qui tiennent bon sans en parler, bien sûr, les femmes en premier lieu, et les femmes... dans des situations précaires qui n'ont pas accès au dépistage. Les hommes qui peuvent aussi être concernés et qui découvrent parfois trop tard les conséquences du cancer du sein et qu'ils peuvent être aussi touchés d'une autre manière. Et puis, il y a aussi les soignants, bien sûr, qui, jour après jour, sont en première ligne et souvent sans reconnaissance. La sensibilisation, c'est ce qu'on voit. Mais il y a aussi tout ce qu'on oublie. Depuis 20 ans, on voit chaque mois, l'octobre rose, fleurir des campagnes de sensibilisation, des rubans des marges, des stands de dépistage mobile. Et c'est très bien. Mais est-ce que ça suffit ? Est-ce que ça marche vraiment ?

  • Speaker #1

    Alors Didier, sur le papier, oui. Le dépistage organisé du cancer du sein, c'est un vrai outil d'utilité de santé publique. On n'a pas de problème là-dessus. On rappelle d'ailleurs qu'il est gratuit pour les femmes de 50 à 74 ans. Et, point très important, Quand un cancer est détecté tôt, le taux de survie à 5 ans dépasse les 90%. Le problème, c'est que dans les faits, on est loin du courant.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu veux nous dire que les femmes ne se font pas assez dépister dans le mécanisme de prévention du cancer du sein ?

  • Speaker #1

    Exactement. En Santé publique France en 2023, moins d'une femme sur deux concernée par le dépistage organisé y participe réellement. C'est 47,3% de la population nationale et ça descend parfois à 30% dans certains territoires.

  • Speaker #0

    Est-ce que l'on sait pourquoi les femmes ne participent pas aux examens de prévention du cancer du sein ?

  • Speaker #1

    Alors il y a plusieurs raisons. Déjà il y a la peur du résultat évidemment. Évidemment, souvent, c'est un sort de déni protecteur. On peut se dire que ça ne vaut pas la peine car je n'ai pas de symptômes. En fait, ça va, donc il ne vaut pas la peine de me faire dépister. Il y a aussi des freins sociaux qui sont un peu plus invisibles. Il y a la précarité, il y a les lois. des centres de santé, le manque de temps, le fait aussi de prioriser les besoins des autres avant les siens. On n'oublie pas que ce sont souvent les femmes qui portent toute la charge mentale de leur foyer et qui finissent souvent par s'oublier.

  • Speaker #0

    Dans les faits Fabrice, au quotidien et dans notre environnement, une femme qui traverse cette épreuve d'un cancer du sein, elle se sent diminuée, affectée. Dans son corps, parce qu'il y a parfois une ablation du sein, on lui enlève une part d'être de sa féminité, on lui enlève ses cheveux qui représentaient aussi une part de son charme. Tout cela avec une souffrance psychique tellement douloureuse. Qu'est-ce que tu en penses de ton point de vue de psychologue ?

  • Speaker #1

    Ça touche effectivement à tout ce qui va être lié à la féminité, le corps de la femme, la féminité, mais également la maternité puisque... On peut parler du sein maternel. Et donc, beaucoup de femmes sont extrêmement touchées en leur fort intérieur parce que parfois, elles ont une perte d'identification. Elles ont du mal à s'identifier en tant que femmes et donc ça peut être extrêmement dévastateur dans leur parcours de vie, dans leur poursuite psychologique. Et comme on l'a dit également, ça touche aussi la vie de couple, la vie avec la personne qui partage le quotidien.

  • Speaker #0

    C'est ça, parce que la poitrine est un attribut. de la féminité qui est évidemment ô combien considéré comme un attribut de séduction. Et c'est toute une partie de la vie qui est amputée quand il est touché pour une femme. Donc c'est tout un regard sur le monde qui va changer.

  • Speaker #1

    C'est ça, il faut essayer parfois de réfléchir et de devenir comme après.

  • Speaker #0

    C'est ça, comme après. Et c'est l'occasion peut-être pour les couples qui traversent cette épreuve d'après, d'imaginer une autre manière d'être ensemble. bleu. et parfois tellement touchés par ces couples qui traversent le cancer et qui disent finalement ça nous a appris à aimer autrement.

  • Speaker #1

    C'est la résilience en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Absolument, et nous saluons leur courage. En fait Fabrice, on parle d'une forme d'évitement involontaire du soin, c'est-à-dire que les femmes ne vont pas se confronter aux examens pour détecter dans les temps suffisants. les premiers signes du cancer du sein.

  • Speaker #1

    Le mot que tu utilises, il est juste involontaire, parce que ce ne sont pas des femmes qui refusent les soins, elles sont éloignées et parfois malgré elles.

  • Speaker #0

    Parce que ça touche aussi à quelque chose de plus profond, une forme de désengagement, peut-être même de désensibilisation à soi-même.

  • Speaker #1

    C'est ça, alors en psychologie, le stress chronique, la précarité mentale ou encore l'épuisement mental touchent la capacité à se projeter dans l'avenir, à prendre soin de soi et à se percevoir. se considérer comme quelqu'un qui mérite d'être accompagné.

  • Speaker #0

    Pourtant, les campagnes sont là, chaque mois d'octobre est rose, les messages sont clairs, faites-vous dépister pour le cancer du sein, mais pourtant, ces messages n'entraînent pas de passage à l'acte vers les examens de prévention.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'une campagne qui reste dans le champ visuel, elle ne descend pas dans l'expérience vécue, elle va glisser. Donc, ce n'est pas juste une question de dépistage, il faut rendre ce dépistage. possible et accessible. C'est une chose de dire à une femme d'aller faire une mammographie, mais par contre, c'en est une autre de s'assurer qu'elle a le temps, qu'elle a la mobilité et qu'elle a le courage de le faire.

  • Speaker #0

    Ça me fait penser à cette différence qu'il y a d'ailleurs aussi dans d'autres campagnes entre informer et accompagner. On ne peut pas faire de la prévention en oubliant l'humain. La réalité de l'humain, c'est qu'il peut y avoir des peurs, des freins à se poser vraiment. La question suivante, vous, madame, qu'est-ce qui vous empêcherait d'aller à ce rendez-vous de prévention du cancer du sein ? Et si on découvrait des prémices des cancers ou une grosseur, les peurs qui y seront associées, et quels traumas ça peut engendrer ? Des raisons très valables, des situations très injustes aussi parfois, parce qu'il n'y a pas face au dépistage des situations qui sont pour toutes les femmes égales. Je pense que la campagne Octobre Rose, aussi utile soit-elle, elle ne suffit évidemment pas à elle seule. La sensibilisation doit aller plus loin, peut-être avec plus de proximité, dans les quartiers, les villages, pour peut-être trouver des moyens que ces récits de vie touchent d'autres femmes.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, en fait, il faut changer d'échelle, il faut passer du grand message à l'écoute plus ciblée, de la masse à la personne, et il faut aussi désinvisibiliser toutes ces femmes qui ne cochent pas les cases, celles qui sont françaises, celles qui n'ont pas de médecin traitant, celles qui sont en validité ou en rupture de droit, celles qui ont déjà tellement vécu qu'elles n'ont même plus la force de se battre.

  • Speaker #0

    C'est la question de l'inégalité face aux soins et elle se pose également pour le cancer du sein. On vient de le dire, le dépistage ne suffit pas, s'il n'est pas accessible, pour entraîner les mécanismes de prévention et justement se clôt. On constate année après année que les inégalités sociales face au cancer du sein sont majeures. Quand on regarde les chiffres, on s'aperçoit que les femmes les plus précaires ont 25% de chances de moins à survivre d'un cancer du sein que les autres. C'est-à-dire qu'il y a une double peine, précarité, cancer du sein. C'est, pour ces femmes, très injuste.

  • Speaker #1

    C'est un effet domino. Il y a l'isolement social, les retards médicaux et au bout, on a le renoncement à la chaîne. Mais ce qui est terrible Didier, c'est qu'en cancérologie, justement, ces renoncements, ils se paient en mois voire en années de vie.

  • Speaker #0

    Et pourtant, on parle d'un pays qui est le nôtre, comme la France, avec une couverture sociale, des droits, des aides. Alors pourquoi ça bloque ?

  • Speaker #1

    Parce que... L'accès aux soins, ce n'est pas qu'un droit. Tu peux avoir droit à une mammographie gratuite, mais si tu vis à 30 km du centre de Ploche, si tu n'as pas de voiture, si tu ne sais pas comment prendre rendez-vous, si tu dois garder tes enfants parce qu'il n'y a pas de solution de garde, tu ne peux pas y aller. Et on sait que le stress chronique lié à la pauvreté notamment, modifie. Notre cerveau, ça fragilise la prise de décision, ça limite tout ce qui va être lié à l'anticipation, ça réduit la perception du risque qu'on aura dans le futur. Notre cerveau va s'adapter pour suivre au jour le jour. Il n'y a plus de bande passante pour planifier les soins à moyen terme.

  • Speaker #0

    Donc même si on dit à ces femmes que le cancer du sein, c'est grave, qu'il faut se faire dépister, elles ne peuvent pas réagir logiquement parce que le cerveau, leur cerveau est en mode urgence constante parce qu'elles gèrent finalement le quotidien et leur survie au quotidien.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que les campagnes de prévention, elles ne peuvent pas être universelles dans leur forme. Elles doivent s'adapter aux réalités sociales, culturelles et linguistiques. Elles deviennent un petit l'exclusion.

  • Speaker #0

    Alors lorsque l'on parle des femmes face au cancer du sein... On peut aussi s'intéresser aux aidants qui sont aussi en précarité. Par exemple, si une femme est malade, mais que son conjoint est en situation d'illettrisse ou de chômage, ou alors qu'elle est seule avec des enfants, qui va l'aider à organiser ses soins ? Qui va l'accompagner ? C'est aussi une question, l'évitement, la solitude, mais aussi les aidants qui sont aussi finalement dans une situation précaire qui n'est pas... Il n'est pas favorable à la prise en charge de la prévention.

  • Speaker #1

    Oui, c'est souvent une double peine, être malade et être seul pour gérer sa maladie.

  • Speaker #0

    Le rôle des aidants, loyauté invisible ou deuil blanc, nous en parlons maintenant, on les oublie trop souvent. Les aidants, ce sont les conjoints, les enfants, les amis proches, parfois même des voisins, ceux qui portent sans dire, qui accompagnent sans statut et qui encaissent sans reconnaissance chaque jour.

  • Speaker #1

    Dans le cadre du cancer du sein, les aidants sont majoritairement des hommes en couple, femmes malades. Et souvent culturellement, on leur a parfois peu appris à tenir ce rôle-là. Ça change évidemment, mais les choses évoluent. L'homme prend sa place d'aidant, il accompagne plus qu'avant, il est plus sensibilisé, il est plus renseigné sur la maladie. Et ça, c'est effectivement absolument sensé.

  • Speaker #0

    Et l'homme va devoir garder un regard sur sa femme, qui soit un regard empathique et aimant, c'est tout un défi. Mais nous parlions tout à l'heure du deuil blanc. Est-ce que tu pourrais nous expliquer de quoi il s'agit Fabrice ?

  • Speaker #1

    Oui, le deuil blanc c'est quand on ne perd pas quelqu'un physiquement et que le lien qu'on avait avec cette personne change radicalement. Dans le cas d'un cancer, le conjoint peut se retrouver à vivre aux côtés d'une personne fatiguée, douloureuse, irritable, changée. Et on n'est plus dans la même situation. Il y a une sorte de perte symbolique. Mais comme la personne est toujours là, on n'a pas le droit de se plaindre socialement, on n'a pas le droit de dire qu'on souffre, dont souvent les dents se taitent. Et ça fait des dégâts.

  • Speaker #0

    Oui, par rapport à... Le cancer du sein, et lorsque le traitement est à l'œuvre, la femme avec qui l'on vit peut perdre ses cheveux, avoir le corps qui change. Et c'est toute une relation entre l'homme et la femme, et au cœur, la féminité qui est changée. Il y a une forme de solitude déguisée qui s'installe, et c'est un vrai challenge pour la vie de couple aussi.

  • Speaker #1

    à la prochaine de la dissonance cognitive. Je l'aime et j'y arrive plus. Je veux être fort mais je suis épuisé. Je suis à ses côtés mais je me sens seul, oui.

  • Speaker #0

    On a tous en tête des témoignages, j'en ai gardé un. Un homme dont la femme était en traitement, qui me disait on vit ensemble mais je ne sais plus comment lui parler, j'ai peur de lui faire mal, peut-être que je ne sais plus comment l'aimer. Et j'ai pensé mais quel... La violence quasiment, cette autocensure infective, ce glissement lent vers une cohabitation fonctionnelle comme une coloc avec la femme de sa vie.

  • Speaker #1

    C'est un profil à haut risque de burn-out aidant. On en parle trop peu d'ailleurs. Mais les aidants développent souvent des troubles anxieux, des états dépressifs, des troubles somatiques. Et ils ne consultent parfois jamais parce que ce n'est pas eux le malade.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on a des chiffres là-dessus Fabrice, toi comme neuropsychologue, qu'est-ce qu'on sait sur la prise en charge médicale des aidants ?

  • Speaker #1

    Il y a une enquête, même si elle est centrée sur d'autres troubles, d'autres pathologies, qui montrait déjà qu'un aidant sur deux ressent de la tristesse psychologique de manière significative. Et dans le cadre du cancer, il y a une étude qui a été faite en 2021 qui montre que près de 60% 60% des conjoints de patientes atteintes d'un cancer du sein rapportent des troubles du sommeil, de l'anxiété et de la fatigue chronique. Mais à peine 15% d'entre eux avaient été orientés vers le soutien psychologique.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'il y a une sorte de zone aveugle dans le parcours de soins et dans le parcours de soins du cancer du sein en particulier, puisque c'est ce dont on parle. On s'occupe de la personne malade, on oublie peut-être trop souvent. ceux qui tiennent debout autour d'elle et qui ont aussi une forme de souffrance.

  • Speaker #1

    Donc là, on va mettre le doigt dessus, c'est là que le système de santé doit évoluer. Le parcours de soins, c'est un parcours de liens, des soignants, des médecins, des infirmiers, des psychologues, qui demandent tout simplement, ouvertement, comment vous allez, au conjoint, au fils, à la sœur, présente à tous les rendez-vous. Donc déjà, les nommer comme aidants, ça les aide. Et il faut leur dire, vous êtes un aidant, ça, ça compte. Et puis il faut aussi leur proposer des ressources. Il existe des groupes de parole, des lignes d'écoute, des psychologues aussi qui sont des supports, ou aussi des dispositifs de répit très importants.

  • Speaker #0

    À la marge, Fabrice, nous sommes nombreux peut-être à ne pas le savoir, les hommes peuvent aussi être concernés par un cancer du sein.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un sujet qui est encore trop méconnu, et on va profiter justement de cet épisode pour en parler. Il y a environ 500 cas par an en France. C'est quelque chose de... rare mais il faut le mettre en lumière parce que le retard de diagnostic est souvent de 6 à 8 mois parce que personne n'y pense. Donc justement, beaucoup d'hommes ne se font pas dépister alors qu'il faut y penser.

  • Speaker #0

    C'est l'occasion de saluer, si c'est suffisamment probant, aussi le courage des femmes, et pour le voir dans notre environnement, de séance de chimiothérapie en séance de chimiothérapie avec parfois... des phases de rémission, de récidive. C'est tout un parcours de soins qui est évidemment très pénible à vivre pour la femme concernée et son entourage. Donc je tenais vraiment à saluer leur courage et aussi l'empathie des soignants. Parce qu'on peut le dire, dans les hôpitaux, il y a des soignants qui sont vraiment à l'écoute au quotidien, qui vivent leur métier avec une vraie vocation. Alors l'octobre rose... C'est évidemment l'occasion de parler de cette épreuve humaine, sociale, identitaire. Et comme je le disais, c'est une onde de choc qui traverse à la fois le corps de la femme, le couple, la famille, le travail. Mais c'est aussi un système de santé qui s'essouffle, Fabrice.

  • Speaker #1

    Il faut rappeler aussi que le système de santé s'essouffle. Les hôpitaux sont saturés, les soins d'hôpital sont épuisés. Et on l'a dit, des patients qui parfois renoncent par épuisement. On demande toujours plus à celles et ceux qui soignent, mais on leur donne toujours moins de moyens.

  • Speaker #0

    Ça veut peut-être dire qu'il ne faut plus regarder seulement les chiffres de survie, mais la qualité des parcours de soins, ne plus penser seulement qu'en campagne de prévention, mais en lien humain et durable et dans la proximité, ne plus faire peser l'essentiel sur des individus isolés, mais rebâtir, reconstruire du collectif. Parce qu'en fait, c'est le lien qui est soin. Les liens sont du soin. Et dans le collectif, il y a au cœur, Fabrice, les soignants.

  • Speaker #1

    Oui, le cancer, ce n'est pas juste on soigne, on passe au suivant, on rencontre, on accompagne, on retrouve. Et quand on annonce une rémission, on sait que souvent, hélas, on reverra la personne. Le problème, c'est que ça, ça vient bouleverser l'imaginaire du soignant, parce qu'on n'est pas toujours là en tant que soignant pour guérir, mais aussi pour soutenir et pour stabiliser quand c'est possible.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas un soin ponctuel, un parcours de soin, c'est une relation.

  • Speaker #1

    Une expérience qui remet en question le fantasme du soignant sauveur. On entre dans ce métier de soignant avec une idée, celle de sauver des vies. de faire du bien, de réparer des corps, mais en cancérologie, cette posture de sauveur ne peut pas tenir, parce qu'on ne sauve pas toujours, et il faut faire avec cette impuissance.

  • Speaker #0

    On a donc autre chose à apprendre, à ajuster, à accompagner, ce qui ne se résout pas toujours, ce qui nous échappe, à nous, les hommes, aux côtés de femmes concernées par un cancer du sein, à nous autres, vous autres, les soignants, ce qui ne se mesure pas toujours, une main tendue, un regard échangé. une assise sur le coin du lit une présence discrète d'un aidant un fils, une fille ce soin là, le lien ne s'enseigne pas dans les livres mais il se transmet aussi dans des petites choses de la vie dans les couloirs, dans les équipes il se construit avec l'expérience et avec de l'humilité oui merci à toi Fabrice c'est un épisode qui est à la fois Très touchant parce que la santé et le cancer du sein, c'est l'affaire de toutes, mais c'est l'affaire de tous. Ce n'est pas seulement une affaire de femmes. J'insiste, le cancer du sein n'est pas seulement qu'une affaire de femmes, c'est l'affaire de toutes nos sociétés, des hommes également, et c'est l'affaire des soignants, des proches et des aidants.

  • Speaker #1

    Exactement. Merci à toi aussi, Didier, pour ce partage. À très bientôt dans l'actu en tête. prenez soin de vous, mais aussi de ceux qui prennent soin de vous.

  • Speaker #0

    Merci, à très vite.

Description

🎙️ Épisode 7 – Octobre Rose : ce n’est pas qu’une affaire de seins

Derrière la campagne Octobre Rose, il y a bien plus qu’un ruban : des parcours de vie, des émotions, des proches, et une santé mentale souvent mise à l’épreuve.

Dans cet épisode de L’actu en tête, Didier Meillerand et Fabrice Pastor rappellent que le cancer du sein touche tout un entourage et soulignent l’importance du soutien psychologique à chaque étape du combat.


💗 Parce qu’accompagner, écouter et parler, c’est déjà soigner.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur l'Actu en Tête. Bonjour à toutes, bonjour à tous, bienvenue dans l'Actu en Tête, ce podcast hebdomadaire où nous tentons d'explorer l'actualité par le prisme de la santé mentale et de nos vies quotidiennes. Et j'ai la chance de retrouver mon complice Fabrice Pastor, neuropsychologue, formateur conférencier, auteur, créateur de contenu. Bonjour Fabrice.

  • Speaker #1

    Bonjour Didier, tu es journaliste, tu es... du psychodon commissaire général du Forum National de la Santé Mentale et je suis également ravi de te retrouver pour ce nouvel épisode. Bonjour également à toutes et à tous. Alors aujourd'hui c'est un épisode un petit peu particulier parce que le mois d'octobre pour beaucoup d'entre nous c'est le mois rose, le mois des campagnes de sensibilisation, le cancer du sein, le mois des rubans accrochés au reste, des affiches dans les gares et aussi des spots de télévision.

  • Speaker #0

    C'est vrai que l'octobre rose est devenu, comme on dit dans la presse, Un marronnier, chaque année on en parle, on met du rose, des rubans roses, il y a des campagnes. Et puis on passe à autre chose. Mais quand on regarde de plus près, surtout quand on écoute ce que vivent vraiment les femmes concernées, leurs proches, les soignants et ceux qui sont autour d'eux, alors on découvre un tout autre tableau, bien plus complexe que ce que l'on peut en entendre.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un sujet qui touche la santé, certes, mais aussi au corps, l'identité, le couple. le travail, la précarité, le silence aussi. Le diagnostic de cancer du sein, c'est une tempête dans la vie, c'est une onde de choc qui traverse une personne, mais aussi tout son entourage, et pas seulement, et c'est ce qu'on va essayer de voir ensemble aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Fabrice, nous avons choisi de parler de celles et de ceux qu'on ne montre pas toujours sur les affiches. Dans ce contexte du cancer du sein, les aidants, qui tiennent bon sans en parler, bien sûr, les femmes en premier lieu, et les femmes... dans des situations précaires qui n'ont pas accès au dépistage. Les hommes qui peuvent aussi être concernés et qui découvrent parfois trop tard les conséquences du cancer du sein et qu'ils peuvent être aussi touchés d'une autre manière. Et puis, il y a aussi les soignants, bien sûr, qui, jour après jour, sont en première ligne et souvent sans reconnaissance. La sensibilisation, c'est ce qu'on voit. Mais il y a aussi tout ce qu'on oublie. Depuis 20 ans, on voit chaque mois, l'octobre rose, fleurir des campagnes de sensibilisation, des rubans des marges, des stands de dépistage mobile. Et c'est très bien. Mais est-ce que ça suffit ? Est-ce que ça marche vraiment ?

  • Speaker #1

    Alors Didier, sur le papier, oui. Le dépistage organisé du cancer du sein, c'est un vrai outil d'utilité de santé publique. On n'a pas de problème là-dessus. On rappelle d'ailleurs qu'il est gratuit pour les femmes de 50 à 74 ans. Et, point très important, Quand un cancer est détecté tôt, le taux de survie à 5 ans dépasse les 90%. Le problème, c'est que dans les faits, on est loin du courant.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu veux nous dire que les femmes ne se font pas assez dépister dans le mécanisme de prévention du cancer du sein ?

  • Speaker #1

    Exactement. En Santé publique France en 2023, moins d'une femme sur deux concernée par le dépistage organisé y participe réellement. C'est 47,3% de la population nationale et ça descend parfois à 30% dans certains territoires.

  • Speaker #0

    Est-ce que l'on sait pourquoi les femmes ne participent pas aux examens de prévention du cancer du sein ?

  • Speaker #1

    Alors il y a plusieurs raisons. Déjà il y a la peur du résultat évidemment. Évidemment, souvent, c'est un sort de déni protecteur. On peut se dire que ça ne vaut pas la peine car je n'ai pas de symptômes. En fait, ça va, donc il ne vaut pas la peine de me faire dépister. Il y a aussi des freins sociaux qui sont un peu plus invisibles. Il y a la précarité, il y a les lois. des centres de santé, le manque de temps, le fait aussi de prioriser les besoins des autres avant les siens. On n'oublie pas que ce sont souvent les femmes qui portent toute la charge mentale de leur foyer et qui finissent souvent par s'oublier.

  • Speaker #0

    Dans les faits Fabrice, au quotidien et dans notre environnement, une femme qui traverse cette épreuve d'un cancer du sein, elle se sent diminuée, affectée. Dans son corps, parce qu'il y a parfois une ablation du sein, on lui enlève une part d'être de sa féminité, on lui enlève ses cheveux qui représentaient aussi une part de son charme. Tout cela avec une souffrance psychique tellement douloureuse. Qu'est-ce que tu en penses de ton point de vue de psychologue ?

  • Speaker #1

    Ça touche effectivement à tout ce qui va être lié à la féminité, le corps de la femme, la féminité, mais également la maternité puisque... On peut parler du sein maternel. Et donc, beaucoup de femmes sont extrêmement touchées en leur fort intérieur parce que parfois, elles ont une perte d'identification. Elles ont du mal à s'identifier en tant que femmes et donc ça peut être extrêmement dévastateur dans leur parcours de vie, dans leur poursuite psychologique. Et comme on l'a dit également, ça touche aussi la vie de couple, la vie avec la personne qui partage le quotidien.

  • Speaker #0

    C'est ça, parce que la poitrine est un attribut. de la féminité qui est évidemment ô combien considéré comme un attribut de séduction. Et c'est toute une partie de la vie qui est amputée quand il est touché pour une femme. Donc c'est tout un regard sur le monde qui va changer.

  • Speaker #1

    C'est ça, il faut essayer parfois de réfléchir et de devenir comme après.

  • Speaker #0

    C'est ça, comme après. Et c'est l'occasion peut-être pour les couples qui traversent cette épreuve d'après, d'imaginer une autre manière d'être ensemble. bleu. et parfois tellement touchés par ces couples qui traversent le cancer et qui disent finalement ça nous a appris à aimer autrement.

  • Speaker #1

    C'est la résilience en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Absolument, et nous saluons leur courage. En fait Fabrice, on parle d'une forme d'évitement involontaire du soin, c'est-à-dire que les femmes ne vont pas se confronter aux examens pour détecter dans les temps suffisants. les premiers signes du cancer du sein.

  • Speaker #1

    Le mot que tu utilises, il est juste involontaire, parce que ce ne sont pas des femmes qui refusent les soins, elles sont éloignées et parfois malgré elles.

  • Speaker #0

    Parce que ça touche aussi à quelque chose de plus profond, une forme de désengagement, peut-être même de désensibilisation à soi-même.

  • Speaker #1

    C'est ça, alors en psychologie, le stress chronique, la précarité mentale ou encore l'épuisement mental touchent la capacité à se projeter dans l'avenir, à prendre soin de soi et à se percevoir. se considérer comme quelqu'un qui mérite d'être accompagné.

  • Speaker #0

    Pourtant, les campagnes sont là, chaque mois d'octobre est rose, les messages sont clairs, faites-vous dépister pour le cancer du sein, mais pourtant, ces messages n'entraînent pas de passage à l'acte vers les examens de prévention.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'une campagne qui reste dans le champ visuel, elle ne descend pas dans l'expérience vécue, elle va glisser. Donc, ce n'est pas juste une question de dépistage, il faut rendre ce dépistage. possible et accessible. C'est une chose de dire à une femme d'aller faire une mammographie, mais par contre, c'en est une autre de s'assurer qu'elle a le temps, qu'elle a la mobilité et qu'elle a le courage de le faire.

  • Speaker #0

    Ça me fait penser à cette différence qu'il y a d'ailleurs aussi dans d'autres campagnes entre informer et accompagner. On ne peut pas faire de la prévention en oubliant l'humain. La réalité de l'humain, c'est qu'il peut y avoir des peurs, des freins à se poser vraiment. La question suivante, vous, madame, qu'est-ce qui vous empêcherait d'aller à ce rendez-vous de prévention du cancer du sein ? Et si on découvrait des prémices des cancers ou une grosseur, les peurs qui y seront associées, et quels traumas ça peut engendrer ? Des raisons très valables, des situations très injustes aussi parfois, parce qu'il n'y a pas face au dépistage des situations qui sont pour toutes les femmes égales. Je pense que la campagne Octobre Rose, aussi utile soit-elle, elle ne suffit évidemment pas à elle seule. La sensibilisation doit aller plus loin, peut-être avec plus de proximité, dans les quartiers, les villages, pour peut-être trouver des moyens que ces récits de vie touchent d'autres femmes.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, en fait, il faut changer d'échelle, il faut passer du grand message à l'écoute plus ciblée, de la masse à la personne, et il faut aussi désinvisibiliser toutes ces femmes qui ne cochent pas les cases, celles qui sont françaises, celles qui n'ont pas de médecin traitant, celles qui sont en validité ou en rupture de droit, celles qui ont déjà tellement vécu qu'elles n'ont même plus la force de se battre.

  • Speaker #0

    C'est la question de l'inégalité face aux soins et elle se pose également pour le cancer du sein. On vient de le dire, le dépistage ne suffit pas, s'il n'est pas accessible, pour entraîner les mécanismes de prévention et justement se clôt. On constate année après année que les inégalités sociales face au cancer du sein sont majeures. Quand on regarde les chiffres, on s'aperçoit que les femmes les plus précaires ont 25% de chances de moins à survivre d'un cancer du sein que les autres. C'est-à-dire qu'il y a une double peine, précarité, cancer du sein. C'est, pour ces femmes, très injuste.

  • Speaker #1

    C'est un effet domino. Il y a l'isolement social, les retards médicaux et au bout, on a le renoncement à la chaîne. Mais ce qui est terrible Didier, c'est qu'en cancérologie, justement, ces renoncements, ils se paient en mois voire en années de vie.

  • Speaker #0

    Et pourtant, on parle d'un pays qui est le nôtre, comme la France, avec une couverture sociale, des droits, des aides. Alors pourquoi ça bloque ?

  • Speaker #1

    Parce que... L'accès aux soins, ce n'est pas qu'un droit. Tu peux avoir droit à une mammographie gratuite, mais si tu vis à 30 km du centre de Ploche, si tu n'as pas de voiture, si tu ne sais pas comment prendre rendez-vous, si tu dois garder tes enfants parce qu'il n'y a pas de solution de garde, tu ne peux pas y aller. Et on sait que le stress chronique lié à la pauvreté notamment, modifie. Notre cerveau, ça fragilise la prise de décision, ça limite tout ce qui va être lié à l'anticipation, ça réduit la perception du risque qu'on aura dans le futur. Notre cerveau va s'adapter pour suivre au jour le jour. Il n'y a plus de bande passante pour planifier les soins à moyen terme.

  • Speaker #0

    Donc même si on dit à ces femmes que le cancer du sein, c'est grave, qu'il faut se faire dépister, elles ne peuvent pas réagir logiquement parce que le cerveau, leur cerveau est en mode urgence constante parce qu'elles gèrent finalement le quotidien et leur survie au quotidien.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que les campagnes de prévention, elles ne peuvent pas être universelles dans leur forme. Elles doivent s'adapter aux réalités sociales, culturelles et linguistiques. Elles deviennent un petit l'exclusion.

  • Speaker #0

    Alors lorsque l'on parle des femmes face au cancer du sein... On peut aussi s'intéresser aux aidants qui sont aussi en précarité. Par exemple, si une femme est malade, mais que son conjoint est en situation d'illettrisse ou de chômage, ou alors qu'elle est seule avec des enfants, qui va l'aider à organiser ses soins ? Qui va l'accompagner ? C'est aussi une question, l'évitement, la solitude, mais aussi les aidants qui sont aussi finalement dans une situation précaire qui n'est pas... Il n'est pas favorable à la prise en charge de la prévention.

  • Speaker #1

    Oui, c'est souvent une double peine, être malade et être seul pour gérer sa maladie.

  • Speaker #0

    Le rôle des aidants, loyauté invisible ou deuil blanc, nous en parlons maintenant, on les oublie trop souvent. Les aidants, ce sont les conjoints, les enfants, les amis proches, parfois même des voisins, ceux qui portent sans dire, qui accompagnent sans statut et qui encaissent sans reconnaissance chaque jour.

  • Speaker #1

    Dans le cadre du cancer du sein, les aidants sont majoritairement des hommes en couple, femmes malades. Et souvent culturellement, on leur a parfois peu appris à tenir ce rôle-là. Ça change évidemment, mais les choses évoluent. L'homme prend sa place d'aidant, il accompagne plus qu'avant, il est plus sensibilisé, il est plus renseigné sur la maladie. Et ça, c'est effectivement absolument sensé.

  • Speaker #0

    Et l'homme va devoir garder un regard sur sa femme, qui soit un regard empathique et aimant, c'est tout un défi. Mais nous parlions tout à l'heure du deuil blanc. Est-ce que tu pourrais nous expliquer de quoi il s'agit Fabrice ?

  • Speaker #1

    Oui, le deuil blanc c'est quand on ne perd pas quelqu'un physiquement et que le lien qu'on avait avec cette personne change radicalement. Dans le cas d'un cancer, le conjoint peut se retrouver à vivre aux côtés d'une personne fatiguée, douloureuse, irritable, changée. Et on n'est plus dans la même situation. Il y a une sorte de perte symbolique. Mais comme la personne est toujours là, on n'a pas le droit de se plaindre socialement, on n'a pas le droit de dire qu'on souffre, dont souvent les dents se taitent. Et ça fait des dégâts.

  • Speaker #0

    Oui, par rapport à... Le cancer du sein, et lorsque le traitement est à l'œuvre, la femme avec qui l'on vit peut perdre ses cheveux, avoir le corps qui change. Et c'est toute une relation entre l'homme et la femme, et au cœur, la féminité qui est changée. Il y a une forme de solitude déguisée qui s'installe, et c'est un vrai challenge pour la vie de couple aussi.

  • Speaker #1

    à la prochaine de la dissonance cognitive. Je l'aime et j'y arrive plus. Je veux être fort mais je suis épuisé. Je suis à ses côtés mais je me sens seul, oui.

  • Speaker #0

    On a tous en tête des témoignages, j'en ai gardé un. Un homme dont la femme était en traitement, qui me disait on vit ensemble mais je ne sais plus comment lui parler, j'ai peur de lui faire mal, peut-être que je ne sais plus comment l'aimer. Et j'ai pensé mais quel... La violence quasiment, cette autocensure infective, ce glissement lent vers une cohabitation fonctionnelle comme une coloc avec la femme de sa vie.

  • Speaker #1

    C'est un profil à haut risque de burn-out aidant. On en parle trop peu d'ailleurs. Mais les aidants développent souvent des troubles anxieux, des états dépressifs, des troubles somatiques. Et ils ne consultent parfois jamais parce que ce n'est pas eux le malade.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on a des chiffres là-dessus Fabrice, toi comme neuropsychologue, qu'est-ce qu'on sait sur la prise en charge médicale des aidants ?

  • Speaker #1

    Il y a une enquête, même si elle est centrée sur d'autres troubles, d'autres pathologies, qui montrait déjà qu'un aidant sur deux ressent de la tristesse psychologique de manière significative. Et dans le cadre du cancer, il y a une étude qui a été faite en 2021 qui montre que près de 60% 60% des conjoints de patientes atteintes d'un cancer du sein rapportent des troubles du sommeil, de l'anxiété et de la fatigue chronique. Mais à peine 15% d'entre eux avaient été orientés vers le soutien psychologique.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'il y a une sorte de zone aveugle dans le parcours de soins et dans le parcours de soins du cancer du sein en particulier, puisque c'est ce dont on parle. On s'occupe de la personne malade, on oublie peut-être trop souvent. ceux qui tiennent debout autour d'elle et qui ont aussi une forme de souffrance.

  • Speaker #1

    Donc là, on va mettre le doigt dessus, c'est là que le système de santé doit évoluer. Le parcours de soins, c'est un parcours de liens, des soignants, des médecins, des infirmiers, des psychologues, qui demandent tout simplement, ouvertement, comment vous allez, au conjoint, au fils, à la sœur, présente à tous les rendez-vous. Donc déjà, les nommer comme aidants, ça les aide. Et il faut leur dire, vous êtes un aidant, ça, ça compte. Et puis il faut aussi leur proposer des ressources. Il existe des groupes de parole, des lignes d'écoute, des psychologues aussi qui sont des supports, ou aussi des dispositifs de répit très importants.

  • Speaker #0

    À la marge, Fabrice, nous sommes nombreux peut-être à ne pas le savoir, les hommes peuvent aussi être concernés par un cancer du sein.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un sujet qui est encore trop méconnu, et on va profiter justement de cet épisode pour en parler. Il y a environ 500 cas par an en France. C'est quelque chose de... rare mais il faut le mettre en lumière parce que le retard de diagnostic est souvent de 6 à 8 mois parce que personne n'y pense. Donc justement, beaucoup d'hommes ne se font pas dépister alors qu'il faut y penser.

  • Speaker #0

    C'est l'occasion de saluer, si c'est suffisamment probant, aussi le courage des femmes, et pour le voir dans notre environnement, de séance de chimiothérapie en séance de chimiothérapie avec parfois... des phases de rémission, de récidive. C'est tout un parcours de soins qui est évidemment très pénible à vivre pour la femme concernée et son entourage. Donc je tenais vraiment à saluer leur courage et aussi l'empathie des soignants. Parce qu'on peut le dire, dans les hôpitaux, il y a des soignants qui sont vraiment à l'écoute au quotidien, qui vivent leur métier avec une vraie vocation. Alors l'octobre rose... C'est évidemment l'occasion de parler de cette épreuve humaine, sociale, identitaire. Et comme je le disais, c'est une onde de choc qui traverse à la fois le corps de la femme, le couple, la famille, le travail. Mais c'est aussi un système de santé qui s'essouffle, Fabrice.

  • Speaker #1

    Il faut rappeler aussi que le système de santé s'essouffle. Les hôpitaux sont saturés, les soins d'hôpital sont épuisés. Et on l'a dit, des patients qui parfois renoncent par épuisement. On demande toujours plus à celles et ceux qui soignent, mais on leur donne toujours moins de moyens.

  • Speaker #0

    Ça veut peut-être dire qu'il ne faut plus regarder seulement les chiffres de survie, mais la qualité des parcours de soins, ne plus penser seulement qu'en campagne de prévention, mais en lien humain et durable et dans la proximité, ne plus faire peser l'essentiel sur des individus isolés, mais rebâtir, reconstruire du collectif. Parce qu'en fait, c'est le lien qui est soin. Les liens sont du soin. Et dans le collectif, il y a au cœur, Fabrice, les soignants.

  • Speaker #1

    Oui, le cancer, ce n'est pas juste on soigne, on passe au suivant, on rencontre, on accompagne, on retrouve. Et quand on annonce une rémission, on sait que souvent, hélas, on reverra la personne. Le problème, c'est que ça, ça vient bouleverser l'imaginaire du soignant, parce qu'on n'est pas toujours là en tant que soignant pour guérir, mais aussi pour soutenir et pour stabiliser quand c'est possible.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas un soin ponctuel, un parcours de soin, c'est une relation.

  • Speaker #1

    Une expérience qui remet en question le fantasme du soignant sauveur. On entre dans ce métier de soignant avec une idée, celle de sauver des vies. de faire du bien, de réparer des corps, mais en cancérologie, cette posture de sauveur ne peut pas tenir, parce qu'on ne sauve pas toujours, et il faut faire avec cette impuissance.

  • Speaker #0

    On a donc autre chose à apprendre, à ajuster, à accompagner, ce qui ne se résout pas toujours, ce qui nous échappe, à nous, les hommes, aux côtés de femmes concernées par un cancer du sein, à nous autres, vous autres, les soignants, ce qui ne se mesure pas toujours, une main tendue, un regard échangé. une assise sur le coin du lit une présence discrète d'un aidant un fils, une fille ce soin là, le lien ne s'enseigne pas dans les livres mais il se transmet aussi dans des petites choses de la vie dans les couloirs, dans les équipes il se construit avec l'expérience et avec de l'humilité oui merci à toi Fabrice c'est un épisode qui est à la fois Très touchant parce que la santé et le cancer du sein, c'est l'affaire de toutes, mais c'est l'affaire de tous. Ce n'est pas seulement une affaire de femmes. J'insiste, le cancer du sein n'est pas seulement qu'une affaire de femmes, c'est l'affaire de toutes nos sociétés, des hommes également, et c'est l'affaire des soignants, des proches et des aidants.

  • Speaker #1

    Exactement. Merci à toi aussi, Didier, pour ce partage. À très bientôt dans l'actu en tête. prenez soin de vous, mais aussi de ceux qui prennent soin de vous.

  • Speaker #0

    Merci, à très vite.

Share

Embed

You may also like

Description

🎙️ Épisode 7 – Octobre Rose : ce n’est pas qu’une affaire de seins

Derrière la campagne Octobre Rose, il y a bien plus qu’un ruban : des parcours de vie, des émotions, des proches, et une santé mentale souvent mise à l’épreuve.

Dans cet épisode de L’actu en tête, Didier Meillerand et Fabrice Pastor rappellent que le cancer du sein touche tout un entourage et soulignent l’importance du soutien psychologique à chaque étape du combat.


💗 Parce qu’accompagner, écouter et parler, c’est déjà soigner.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur l'Actu en Tête. Bonjour à toutes, bonjour à tous, bienvenue dans l'Actu en Tête, ce podcast hebdomadaire où nous tentons d'explorer l'actualité par le prisme de la santé mentale et de nos vies quotidiennes. Et j'ai la chance de retrouver mon complice Fabrice Pastor, neuropsychologue, formateur conférencier, auteur, créateur de contenu. Bonjour Fabrice.

  • Speaker #1

    Bonjour Didier, tu es journaliste, tu es... du psychodon commissaire général du Forum National de la Santé Mentale et je suis également ravi de te retrouver pour ce nouvel épisode. Bonjour également à toutes et à tous. Alors aujourd'hui c'est un épisode un petit peu particulier parce que le mois d'octobre pour beaucoup d'entre nous c'est le mois rose, le mois des campagnes de sensibilisation, le cancer du sein, le mois des rubans accrochés au reste, des affiches dans les gares et aussi des spots de télévision.

  • Speaker #0

    C'est vrai que l'octobre rose est devenu, comme on dit dans la presse, Un marronnier, chaque année on en parle, on met du rose, des rubans roses, il y a des campagnes. Et puis on passe à autre chose. Mais quand on regarde de plus près, surtout quand on écoute ce que vivent vraiment les femmes concernées, leurs proches, les soignants et ceux qui sont autour d'eux, alors on découvre un tout autre tableau, bien plus complexe que ce que l'on peut en entendre.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un sujet qui touche la santé, certes, mais aussi au corps, l'identité, le couple. le travail, la précarité, le silence aussi. Le diagnostic de cancer du sein, c'est une tempête dans la vie, c'est une onde de choc qui traverse une personne, mais aussi tout son entourage, et pas seulement, et c'est ce qu'on va essayer de voir ensemble aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Fabrice, nous avons choisi de parler de celles et de ceux qu'on ne montre pas toujours sur les affiches. Dans ce contexte du cancer du sein, les aidants, qui tiennent bon sans en parler, bien sûr, les femmes en premier lieu, et les femmes... dans des situations précaires qui n'ont pas accès au dépistage. Les hommes qui peuvent aussi être concernés et qui découvrent parfois trop tard les conséquences du cancer du sein et qu'ils peuvent être aussi touchés d'une autre manière. Et puis, il y a aussi les soignants, bien sûr, qui, jour après jour, sont en première ligne et souvent sans reconnaissance. La sensibilisation, c'est ce qu'on voit. Mais il y a aussi tout ce qu'on oublie. Depuis 20 ans, on voit chaque mois, l'octobre rose, fleurir des campagnes de sensibilisation, des rubans des marges, des stands de dépistage mobile. Et c'est très bien. Mais est-ce que ça suffit ? Est-ce que ça marche vraiment ?

  • Speaker #1

    Alors Didier, sur le papier, oui. Le dépistage organisé du cancer du sein, c'est un vrai outil d'utilité de santé publique. On n'a pas de problème là-dessus. On rappelle d'ailleurs qu'il est gratuit pour les femmes de 50 à 74 ans. Et, point très important, Quand un cancer est détecté tôt, le taux de survie à 5 ans dépasse les 90%. Le problème, c'est que dans les faits, on est loin du courant.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu veux nous dire que les femmes ne se font pas assez dépister dans le mécanisme de prévention du cancer du sein ?

  • Speaker #1

    Exactement. En Santé publique France en 2023, moins d'une femme sur deux concernée par le dépistage organisé y participe réellement. C'est 47,3% de la population nationale et ça descend parfois à 30% dans certains territoires.

  • Speaker #0

    Est-ce que l'on sait pourquoi les femmes ne participent pas aux examens de prévention du cancer du sein ?

  • Speaker #1

    Alors il y a plusieurs raisons. Déjà il y a la peur du résultat évidemment. Évidemment, souvent, c'est un sort de déni protecteur. On peut se dire que ça ne vaut pas la peine car je n'ai pas de symptômes. En fait, ça va, donc il ne vaut pas la peine de me faire dépister. Il y a aussi des freins sociaux qui sont un peu plus invisibles. Il y a la précarité, il y a les lois. des centres de santé, le manque de temps, le fait aussi de prioriser les besoins des autres avant les siens. On n'oublie pas que ce sont souvent les femmes qui portent toute la charge mentale de leur foyer et qui finissent souvent par s'oublier.

  • Speaker #0

    Dans les faits Fabrice, au quotidien et dans notre environnement, une femme qui traverse cette épreuve d'un cancer du sein, elle se sent diminuée, affectée. Dans son corps, parce qu'il y a parfois une ablation du sein, on lui enlève une part d'être de sa féminité, on lui enlève ses cheveux qui représentaient aussi une part de son charme. Tout cela avec une souffrance psychique tellement douloureuse. Qu'est-ce que tu en penses de ton point de vue de psychologue ?

  • Speaker #1

    Ça touche effectivement à tout ce qui va être lié à la féminité, le corps de la femme, la féminité, mais également la maternité puisque... On peut parler du sein maternel. Et donc, beaucoup de femmes sont extrêmement touchées en leur fort intérieur parce que parfois, elles ont une perte d'identification. Elles ont du mal à s'identifier en tant que femmes et donc ça peut être extrêmement dévastateur dans leur parcours de vie, dans leur poursuite psychologique. Et comme on l'a dit également, ça touche aussi la vie de couple, la vie avec la personne qui partage le quotidien.

  • Speaker #0

    C'est ça, parce que la poitrine est un attribut. de la féminité qui est évidemment ô combien considéré comme un attribut de séduction. Et c'est toute une partie de la vie qui est amputée quand il est touché pour une femme. Donc c'est tout un regard sur le monde qui va changer.

  • Speaker #1

    C'est ça, il faut essayer parfois de réfléchir et de devenir comme après.

  • Speaker #0

    C'est ça, comme après. Et c'est l'occasion peut-être pour les couples qui traversent cette épreuve d'après, d'imaginer une autre manière d'être ensemble. bleu. et parfois tellement touchés par ces couples qui traversent le cancer et qui disent finalement ça nous a appris à aimer autrement.

  • Speaker #1

    C'est la résilience en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Absolument, et nous saluons leur courage. En fait Fabrice, on parle d'une forme d'évitement involontaire du soin, c'est-à-dire que les femmes ne vont pas se confronter aux examens pour détecter dans les temps suffisants. les premiers signes du cancer du sein.

  • Speaker #1

    Le mot que tu utilises, il est juste involontaire, parce que ce ne sont pas des femmes qui refusent les soins, elles sont éloignées et parfois malgré elles.

  • Speaker #0

    Parce que ça touche aussi à quelque chose de plus profond, une forme de désengagement, peut-être même de désensibilisation à soi-même.

  • Speaker #1

    C'est ça, alors en psychologie, le stress chronique, la précarité mentale ou encore l'épuisement mental touchent la capacité à se projeter dans l'avenir, à prendre soin de soi et à se percevoir. se considérer comme quelqu'un qui mérite d'être accompagné.

  • Speaker #0

    Pourtant, les campagnes sont là, chaque mois d'octobre est rose, les messages sont clairs, faites-vous dépister pour le cancer du sein, mais pourtant, ces messages n'entraînent pas de passage à l'acte vers les examens de prévention.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'une campagne qui reste dans le champ visuel, elle ne descend pas dans l'expérience vécue, elle va glisser. Donc, ce n'est pas juste une question de dépistage, il faut rendre ce dépistage. possible et accessible. C'est une chose de dire à une femme d'aller faire une mammographie, mais par contre, c'en est une autre de s'assurer qu'elle a le temps, qu'elle a la mobilité et qu'elle a le courage de le faire.

  • Speaker #0

    Ça me fait penser à cette différence qu'il y a d'ailleurs aussi dans d'autres campagnes entre informer et accompagner. On ne peut pas faire de la prévention en oubliant l'humain. La réalité de l'humain, c'est qu'il peut y avoir des peurs, des freins à se poser vraiment. La question suivante, vous, madame, qu'est-ce qui vous empêcherait d'aller à ce rendez-vous de prévention du cancer du sein ? Et si on découvrait des prémices des cancers ou une grosseur, les peurs qui y seront associées, et quels traumas ça peut engendrer ? Des raisons très valables, des situations très injustes aussi parfois, parce qu'il n'y a pas face au dépistage des situations qui sont pour toutes les femmes égales. Je pense que la campagne Octobre Rose, aussi utile soit-elle, elle ne suffit évidemment pas à elle seule. La sensibilisation doit aller plus loin, peut-être avec plus de proximité, dans les quartiers, les villages, pour peut-être trouver des moyens que ces récits de vie touchent d'autres femmes.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, en fait, il faut changer d'échelle, il faut passer du grand message à l'écoute plus ciblée, de la masse à la personne, et il faut aussi désinvisibiliser toutes ces femmes qui ne cochent pas les cases, celles qui sont françaises, celles qui n'ont pas de médecin traitant, celles qui sont en validité ou en rupture de droit, celles qui ont déjà tellement vécu qu'elles n'ont même plus la force de se battre.

  • Speaker #0

    C'est la question de l'inégalité face aux soins et elle se pose également pour le cancer du sein. On vient de le dire, le dépistage ne suffit pas, s'il n'est pas accessible, pour entraîner les mécanismes de prévention et justement se clôt. On constate année après année que les inégalités sociales face au cancer du sein sont majeures. Quand on regarde les chiffres, on s'aperçoit que les femmes les plus précaires ont 25% de chances de moins à survivre d'un cancer du sein que les autres. C'est-à-dire qu'il y a une double peine, précarité, cancer du sein. C'est, pour ces femmes, très injuste.

  • Speaker #1

    C'est un effet domino. Il y a l'isolement social, les retards médicaux et au bout, on a le renoncement à la chaîne. Mais ce qui est terrible Didier, c'est qu'en cancérologie, justement, ces renoncements, ils se paient en mois voire en années de vie.

  • Speaker #0

    Et pourtant, on parle d'un pays qui est le nôtre, comme la France, avec une couverture sociale, des droits, des aides. Alors pourquoi ça bloque ?

  • Speaker #1

    Parce que... L'accès aux soins, ce n'est pas qu'un droit. Tu peux avoir droit à une mammographie gratuite, mais si tu vis à 30 km du centre de Ploche, si tu n'as pas de voiture, si tu ne sais pas comment prendre rendez-vous, si tu dois garder tes enfants parce qu'il n'y a pas de solution de garde, tu ne peux pas y aller. Et on sait que le stress chronique lié à la pauvreté notamment, modifie. Notre cerveau, ça fragilise la prise de décision, ça limite tout ce qui va être lié à l'anticipation, ça réduit la perception du risque qu'on aura dans le futur. Notre cerveau va s'adapter pour suivre au jour le jour. Il n'y a plus de bande passante pour planifier les soins à moyen terme.

  • Speaker #0

    Donc même si on dit à ces femmes que le cancer du sein, c'est grave, qu'il faut se faire dépister, elles ne peuvent pas réagir logiquement parce que le cerveau, leur cerveau est en mode urgence constante parce qu'elles gèrent finalement le quotidien et leur survie au quotidien.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que les campagnes de prévention, elles ne peuvent pas être universelles dans leur forme. Elles doivent s'adapter aux réalités sociales, culturelles et linguistiques. Elles deviennent un petit l'exclusion.

  • Speaker #0

    Alors lorsque l'on parle des femmes face au cancer du sein... On peut aussi s'intéresser aux aidants qui sont aussi en précarité. Par exemple, si une femme est malade, mais que son conjoint est en situation d'illettrisse ou de chômage, ou alors qu'elle est seule avec des enfants, qui va l'aider à organiser ses soins ? Qui va l'accompagner ? C'est aussi une question, l'évitement, la solitude, mais aussi les aidants qui sont aussi finalement dans une situation précaire qui n'est pas... Il n'est pas favorable à la prise en charge de la prévention.

  • Speaker #1

    Oui, c'est souvent une double peine, être malade et être seul pour gérer sa maladie.

  • Speaker #0

    Le rôle des aidants, loyauté invisible ou deuil blanc, nous en parlons maintenant, on les oublie trop souvent. Les aidants, ce sont les conjoints, les enfants, les amis proches, parfois même des voisins, ceux qui portent sans dire, qui accompagnent sans statut et qui encaissent sans reconnaissance chaque jour.

  • Speaker #1

    Dans le cadre du cancer du sein, les aidants sont majoritairement des hommes en couple, femmes malades. Et souvent culturellement, on leur a parfois peu appris à tenir ce rôle-là. Ça change évidemment, mais les choses évoluent. L'homme prend sa place d'aidant, il accompagne plus qu'avant, il est plus sensibilisé, il est plus renseigné sur la maladie. Et ça, c'est effectivement absolument sensé.

  • Speaker #0

    Et l'homme va devoir garder un regard sur sa femme, qui soit un regard empathique et aimant, c'est tout un défi. Mais nous parlions tout à l'heure du deuil blanc. Est-ce que tu pourrais nous expliquer de quoi il s'agit Fabrice ?

  • Speaker #1

    Oui, le deuil blanc c'est quand on ne perd pas quelqu'un physiquement et que le lien qu'on avait avec cette personne change radicalement. Dans le cas d'un cancer, le conjoint peut se retrouver à vivre aux côtés d'une personne fatiguée, douloureuse, irritable, changée. Et on n'est plus dans la même situation. Il y a une sorte de perte symbolique. Mais comme la personne est toujours là, on n'a pas le droit de se plaindre socialement, on n'a pas le droit de dire qu'on souffre, dont souvent les dents se taitent. Et ça fait des dégâts.

  • Speaker #0

    Oui, par rapport à... Le cancer du sein, et lorsque le traitement est à l'œuvre, la femme avec qui l'on vit peut perdre ses cheveux, avoir le corps qui change. Et c'est toute une relation entre l'homme et la femme, et au cœur, la féminité qui est changée. Il y a une forme de solitude déguisée qui s'installe, et c'est un vrai challenge pour la vie de couple aussi.

  • Speaker #1

    à la prochaine de la dissonance cognitive. Je l'aime et j'y arrive plus. Je veux être fort mais je suis épuisé. Je suis à ses côtés mais je me sens seul, oui.

  • Speaker #0

    On a tous en tête des témoignages, j'en ai gardé un. Un homme dont la femme était en traitement, qui me disait on vit ensemble mais je ne sais plus comment lui parler, j'ai peur de lui faire mal, peut-être que je ne sais plus comment l'aimer. Et j'ai pensé mais quel... La violence quasiment, cette autocensure infective, ce glissement lent vers une cohabitation fonctionnelle comme une coloc avec la femme de sa vie.

  • Speaker #1

    C'est un profil à haut risque de burn-out aidant. On en parle trop peu d'ailleurs. Mais les aidants développent souvent des troubles anxieux, des états dépressifs, des troubles somatiques. Et ils ne consultent parfois jamais parce que ce n'est pas eux le malade.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on a des chiffres là-dessus Fabrice, toi comme neuropsychologue, qu'est-ce qu'on sait sur la prise en charge médicale des aidants ?

  • Speaker #1

    Il y a une enquête, même si elle est centrée sur d'autres troubles, d'autres pathologies, qui montrait déjà qu'un aidant sur deux ressent de la tristesse psychologique de manière significative. Et dans le cadre du cancer, il y a une étude qui a été faite en 2021 qui montre que près de 60% 60% des conjoints de patientes atteintes d'un cancer du sein rapportent des troubles du sommeil, de l'anxiété et de la fatigue chronique. Mais à peine 15% d'entre eux avaient été orientés vers le soutien psychologique.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'il y a une sorte de zone aveugle dans le parcours de soins et dans le parcours de soins du cancer du sein en particulier, puisque c'est ce dont on parle. On s'occupe de la personne malade, on oublie peut-être trop souvent. ceux qui tiennent debout autour d'elle et qui ont aussi une forme de souffrance.

  • Speaker #1

    Donc là, on va mettre le doigt dessus, c'est là que le système de santé doit évoluer. Le parcours de soins, c'est un parcours de liens, des soignants, des médecins, des infirmiers, des psychologues, qui demandent tout simplement, ouvertement, comment vous allez, au conjoint, au fils, à la sœur, présente à tous les rendez-vous. Donc déjà, les nommer comme aidants, ça les aide. Et il faut leur dire, vous êtes un aidant, ça, ça compte. Et puis il faut aussi leur proposer des ressources. Il existe des groupes de parole, des lignes d'écoute, des psychologues aussi qui sont des supports, ou aussi des dispositifs de répit très importants.

  • Speaker #0

    À la marge, Fabrice, nous sommes nombreux peut-être à ne pas le savoir, les hommes peuvent aussi être concernés par un cancer du sein.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un sujet qui est encore trop méconnu, et on va profiter justement de cet épisode pour en parler. Il y a environ 500 cas par an en France. C'est quelque chose de... rare mais il faut le mettre en lumière parce que le retard de diagnostic est souvent de 6 à 8 mois parce que personne n'y pense. Donc justement, beaucoup d'hommes ne se font pas dépister alors qu'il faut y penser.

  • Speaker #0

    C'est l'occasion de saluer, si c'est suffisamment probant, aussi le courage des femmes, et pour le voir dans notre environnement, de séance de chimiothérapie en séance de chimiothérapie avec parfois... des phases de rémission, de récidive. C'est tout un parcours de soins qui est évidemment très pénible à vivre pour la femme concernée et son entourage. Donc je tenais vraiment à saluer leur courage et aussi l'empathie des soignants. Parce qu'on peut le dire, dans les hôpitaux, il y a des soignants qui sont vraiment à l'écoute au quotidien, qui vivent leur métier avec une vraie vocation. Alors l'octobre rose... C'est évidemment l'occasion de parler de cette épreuve humaine, sociale, identitaire. Et comme je le disais, c'est une onde de choc qui traverse à la fois le corps de la femme, le couple, la famille, le travail. Mais c'est aussi un système de santé qui s'essouffle, Fabrice.

  • Speaker #1

    Il faut rappeler aussi que le système de santé s'essouffle. Les hôpitaux sont saturés, les soins d'hôpital sont épuisés. Et on l'a dit, des patients qui parfois renoncent par épuisement. On demande toujours plus à celles et ceux qui soignent, mais on leur donne toujours moins de moyens.

  • Speaker #0

    Ça veut peut-être dire qu'il ne faut plus regarder seulement les chiffres de survie, mais la qualité des parcours de soins, ne plus penser seulement qu'en campagne de prévention, mais en lien humain et durable et dans la proximité, ne plus faire peser l'essentiel sur des individus isolés, mais rebâtir, reconstruire du collectif. Parce qu'en fait, c'est le lien qui est soin. Les liens sont du soin. Et dans le collectif, il y a au cœur, Fabrice, les soignants.

  • Speaker #1

    Oui, le cancer, ce n'est pas juste on soigne, on passe au suivant, on rencontre, on accompagne, on retrouve. Et quand on annonce une rémission, on sait que souvent, hélas, on reverra la personne. Le problème, c'est que ça, ça vient bouleverser l'imaginaire du soignant, parce qu'on n'est pas toujours là en tant que soignant pour guérir, mais aussi pour soutenir et pour stabiliser quand c'est possible.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas un soin ponctuel, un parcours de soin, c'est une relation.

  • Speaker #1

    Une expérience qui remet en question le fantasme du soignant sauveur. On entre dans ce métier de soignant avec une idée, celle de sauver des vies. de faire du bien, de réparer des corps, mais en cancérologie, cette posture de sauveur ne peut pas tenir, parce qu'on ne sauve pas toujours, et il faut faire avec cette impuissance.

  • Speaker #0

    On a donc autre chose à apprendre, à ajuster, à accompagner, ce qui ne se résout pas toujours, ce qui nous échappe, à nous, les hommes, aux côtés de femmes concernées par un cancer du sein, à nous autres, vous autres, les soignants, ce qui ne se mesure pas toujours, une main tendue, un regard échangé. une assise sur le coin du lit une présence discrète d'un aidant un fils, une fille ce soin là, le lien ne s'enseigne pas dans les livres mais il se transmet aussi dans des petites choses de la vie dans les couloirs, dans les équipes il se construit avec l'expérience et avec de l'humilité oui merci à toi Fabrice c'est un épisode qui est à la fois Très touchant parce que la santé et le cancer du sein, c'est l'affaire de toutes, mais c'est l'affaire de tous. Ce n'est pas seulement une affaire de femmes. J'insiste, le cancer du sein n'est pas seulement qu'une affaire de femmes, c'est l'affaire de toutes nos sociétés, des hommes également, et c'est l'affaire des soignants, des proches et des aidants.

  • Speaker #1

    Exactement. Merci à toi aussi, Didier, pour ce partage. À très bientôt dans l'actu en tête. prenez soin de vous, mais aussi de ceux qui prennent soin de vous.

  • Speaker #0

    Merci, à très vite.

Description

🎙️ Épisode 7 – Octobre Rose : ce n’est pas qu’une affaire de seins

Derrière la campagne Octobre Rose, il y a bien plus qu’un ruban : des parcours de vie, des émotions, des proches, et une santé mentale souvent mise à l’épreuve.

Dans cet épisode de L’actu en tête, Didier Meillerand et Fabrice Pastor rappellent que le cancer du sein touche tout un entourage et soulignent l’importance du soutien psychologique à chaque étape du combat.


💗 Parce qu’accompagner, écouter et parler, c’est déjà soigner.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur l'Actu en Tête. Bonjour à toutes, bonjour à tous, bienvenue dans l'Actu en Tête, ce podcast hebdomadaire où nous tentons d'explorer l'actualité par le prisme de la santé mentale et de nos vies quotidiennes. Et j'ai la chance de retrouver mon complice Fabrice Pastor, neuropsychologue, formateur conférencier, auteur, créateur de contenu. Bonjour Fabrice.

  • Speaker #1

    Bonjour Didier, tu es journaliste, tu es... du psychodon commissaire général du Forum National de la Santé Mentale et je suis également ravi de te retrouver pour ce nouvel épisode. Bonjour également à toutes et à tous. Alors aujourd'hui c'est un épisode un petit peu particulier parce que le mois d'octobre pour beaucoup d'entre nous c'est le mois rose, le mois des campagnes de sensibilisation, le cancer du sein, le mois des rubans accrochés au reste, des affiches dans les gares et aussi des spots de télévision.

  • Speaker #0

    C'est vrai que l'octobre rose est devenu, comme on dit dans la presse, Un marronnier, chaque année on en parle, on met du rose, des rubans roses, il y a des campagnes. Et puis on passe à autre chose. Mais quand on regarde de plus près, surtout quand on écoute ce que vivent vraiment les femmes concernées, leurs proches, les soignants et ceux qui sont autour d'eux, alors on découvre un tout autre tableau, bien plus complexe que ce que l'on peut en entendre.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un sujet qui touche la santé, certes, mais aussi au corps, l'identité, le couple. le travail, la précarité, le silence aussi. Le diagnostic de cancer du sein, c'est une tempête dans la vie, c'est une onde de choc qui traverse une personne, mais aussi tout son entourage, et pas seulement, et c'est ce qu'on va essayer de voir ensemble aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Fabrice, nous avons choisi de parler de celles et de ceux qu'on ne montre pas toujours sur les affiches. Dans ce contexte du cancer du sein, les aidants, qui tiennent bon sans en parler, bien sûr, les femmes en premier lieu, et les femmes... dans des situations précaires qui n'ont pas accès au dépistage. Les hommes qui peuvent aussi être concernés et qui découvrent parfois trop tard les conséquences du cancer du sein et qu'ils peuvent être aussi touchés d'une autre manière. Et puis, il y a aussi les soignants, bien sûr, qui, jour après jour, sont en première ligne et souvent sans reconnaissance. La sensibilisation, c'est ce qu'on voit. Mais il y a aussi tout ce qu'on oublie. Depuis 20 ans, on voit chaque mois, l'octobre rose, fleurir des campagnes de sensibilisation, des rubans des marges, des stands de dépistage mobile. Et c'est très bien. Mais est-ce que ça suffit ? Est-ce que ça marche vraiment ?

  • Speaker #1

    Alors Didier, sur le papier, oui. Le dépistage organisé du cancer du sein, c'est un vrai outil d'utilité de santé publique. On n'a pas de problème là-dessus. On rappelle d'ailleurs qu'il est gratuit pour les femmes de 50 à 74 ans. Et, point très important, Quand un cancer est détecté tôt, le taux de survie à 5 ans dépasse les 90%. Le problème, c'est que dans les faits, on est loin du courant.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu veux nous dire que les femmes ne se font pas assez dépister dans le mécanisme de prévention du cancer du sein ?

  • Speaker #1

    Exactement. En Santé publique France en 2023, moins d'une femme sur deux concernée par le dépistage organisé y participe réellement. C'est 47,3% de la population nationale et ça descend parfois à 30% dans certains territoires.

  • Speaker #0

    Est-ce que l'on sait pourquoi les femmes ne participent pas aux examens de prévention du cancer du sein ?

  • Speaker #1

    Alors il y a plusieurs raisons. Déjà il y a la peur du résultat évidemment. Évidemment, souvent, c'est un sort de déni protecteur. On peut se dire que ça ne vaut pas la peine car je n'ai pas de symptômes. En fait, ça va, donc il ne vaut pas la peine de me faire dépister. Il y a aussi des freins sociaux qui sont un peu plus invisibles. Il y a la précarité, il y a les lois. des centres de santé, le manque de temps, le fait aussi de prioriser les besoins des autres avant les siens. On n'oublie pas que ce sont souvent les femmes qui portent toute la charge mentale de leur foyer et qui finissent souvent par s'oublier.

  • Speaker #0

    Dans les faits Fabrice, au quotidien et dans notre environnement, une femme qui traverse cette épreuve d'un cancer du sein, elle se sent diminuée, affectée. Dans son corps, parce qu'il y a parfois une ablation du sein, on lui enlève une part d'être de sa féminité, on lui enlève ses cheveux qui représentaient aussi une part de son charme. Tout cela avec une souffrance psychique tellement douloureuse. Qu'est-ce que tu en penses de ton point de vue de psychologue ?

  • Speaker #1

    Ça touche effectivement à tout ce qui va être lié à la féminité, le corps de la femme, la féminité, mais également la maternité puisque... On peut parler du sein maternel. Et donc, beaucoup de femmes sont extrêmement touchées en leur fort intérieur parce que parfois, elles ont une perte d'identification. Elles ont du mal à s'identifier en tant que femmes et donc ça peut être extrêmement dévastateur dans leur parcours de vie, dans leur poursuite psychologique. Et comme on l'a dit également, ça touche aussi la vie de couple, la vie avec la personne qui partage le quotidien.

  • Speaker #0

    C'est ça, parce que la poitrine est un attribut. de la féminité qui est évidemment ô combien considéré comme un attribut de séduction. Et c'est toute une partie de la vie qui est amputée quand il est touché pour une femme. Donc c'est tout un regard sur le monde qui va changer.

  • Speaker #1

    C'est ça, il faut essayer parfois de réfléchir et de devenir comme après.

  • Speaker #0

    C'est ça, comme après. Et c'est l'occasion peut-être pour les couples qui traversent cette épreuve d'après, d'imaginer une autre manière d'être ensemble. bleu. et parfois tellement touchés par ces couples qui traversent le cancer et qui disent finalement ça nous a appris à aimer autrement.

  • Speaker #1

    C'est la résilience en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Absolument, et nous saluons leur courage. En fait Fabrice, on parle d'une forme d'évitement involontaire du soin, c'est-à-dire que les femmes ne vont pas se confronter aux examens pour détecter dans les temps suffisants. les premiers signes du cancer du sein.

  • Speaker #1

    Le mot que tu utilises, il est juste involontaire, parce que ce ne sont pas des femmes qui refusent les soins, elles sont éloignées et parfois malgré elles.

  • Speaker #0

    Parce que ça touche aussi à quelque chose de plus profond, une forme de désengagement, peut-être même de désensibilisation à soi-même.

  • Speaker #1

    C'est ça, alors en psychologie, le stress chronique, la précarité mentale ou encore l'épuisement mental touchent la capacité à se projeter dans l'avenir, à prendre soin de soi et à se percevoir. se considérer comme quelqu'un qui mérite d'être accompagné.

  • Speaker #0

    Pourtant, les campagnes sont là, chaque mois d'octobre est rose, les messages sont clairs, faites-vous dépister pour le cancer du sein, mais pourtant, ces messages n'entraînent pas de passage à l'acte vers les examens de prévention.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'une campagne qui reste dans le champ visuel, elle ne descend pas dans l'expérience vécue, elle va glisser. Donc, ce n'est pas juste une question de dépistage, il faut rendre ce dépistage. possible et accessible. C'est une chose de dire à une femme d'aller faire une mammographie, mais par contre, c'en est une autre de s'assurer qu'elle a le temps, qu'elle a la mobilité et qu'elle a le courage de le faire.

  • Speaker #0

    Ça me fait penser à cette différence qu'il y a d'ailleurs aussi dans d'autres campagnes entre informer et accompagner. On ne peut pas faire de la prévention en oubliant l'humain. La réalité de l'humain, c'est qu'il peut y avoir des peurs, des freins à se poser vraiment. La question suivante, vous, madame, qu'est-ce qui vous empêcherait d'aller à ce rendez-vous de prévention du cancer du sein ? Et si on découvrait des prémices des cancers ou une grosseur, les peurs qui y seront associées, et quels traumas ça peut engendrer ? Des raisons très valables, des situations très injustes aussi parfois, parce qu'il n'y a pas face au dépistage des situations qui sont pour toutes les femmes égales. Je pense que la campagne Octobre Rose, aussi utile soit-elle, elle ne suffit évidemment pas à elle seule. La sensibilisation doit aller plus loin, peut-être avec plus de proximité, dans les quartiers, les villages, pour peut-être trouver des moyens que ces récits de vie touchent d'autres femmes.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, en fait, il faut changer d'échelle, il faut passer du grand message à l'écoute plus ciblée, de la masse à la personne, et il faut aussi désinvisibiliser toutes ces femmes qui ne cochent pas les cases, celles qui sont françaises, celles qui n'ont pas de médecin traitant, celles qui sont en validité ou en rupture de droit, celles qui ont déjà tellement vécu qu'elles n'ont même plus la force de se battre.

  • Speaker #0

    C'est la question de l'inégalité face aux soins et elle se pose également pour le cancer du sein. On vient de le dire, le dépistage ne suffit pas, s'il n'est pas accessible, pour entraîner les mécanismes de prévention et justement se clôt. On constate année après année que les inégalités sociales face au cancer du sein sont majeures. Quand on regarde les chiffres, on s'aperçoit que les femmes les plus précaires ont 25% de chances de moins à survivre d'un cancer du sein que les autres. C'est-à-dire qu'il y a une double peine, précarité, cancer du sein. C'est, pour ces femmes, très injuste.

  • Speaker #1

    C'est un effet domino. Il y a l'isolement social, les retards médicaux et au bout, on a le renoncement à la chaîne. Mais ce qui est terrible Didier, c'est qu'en cancérologie, justement, ces renoncements, ils se paient en mois voire en années de vie.

  • Speaker #0

    Et pourtant, on parle d'un pays qui est le nôtre, comme la France, avec une couverture sociale, des droits, des aides. Alors pourquoi ça bloque ?

  • Speaker #1

    Parce que... L'accès aux soins, ce n'est pas qu'un droit. Tu peux avoir droit à une mammographie gratuite, mais si tu vis à 30 km du centre de Ploche, si tu n'as pas de voiture, si tu ne sais pas comment prendre rendez-vous, si tu dois garder tes enfants parce qu'il n'y a pas de solution de garde, tu ne peux pas y aller. Et on sait que le stress chronique lié à la pauvreté notamment, modifie. Notre cerveau, ça fragilise la prise de décision, ça limite tout ce qui va être lié à l'anticipation, ça réduit la perception du risque qu'on aura dans le futur. Notre cerveau va s'adapter pour suivre au jour le jour. Il n'y a plus de bande passante pour planifier les soins à moyen terme.

  • Speaker #0

    Donc même si on dit à ces femmes que le cancer du sein, c'est grave, qu'il faut se faire dépister, elles ne peuvent pas réagir logiquement parce que le cerveau, leur cerveau est en mode urgence constante parce qu'elles gèrent finalement le quotidien et leur survie au quotidien.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que les campagnes de prévention, elles ne peuvent pas être universelles dans leur forme. Elles doivent s'adapter aux réalités sociales, culturelles et linguistiques. Elles deviennent un petit l'exclusion.

  • Speaker #0

    Alors lorsque l'on parle des femmes face au cancer du sein... On peut aussi s'intéresser aux aidants qui sont aussi en précarité. Par exemple, si une femme est malade, mais que son conjoint est en situation d'illettrisse ou de chômage, ou alors qu'elle est seule avec des enfants, qui va l'aider à organiser ses soins ? Qui va l'accompagner ? C'est aussi une question, l'évitement, la solitude, mais aussi les aidants qui sont aussi finalement dans une situation précaire qui n'est pas... Il n'est pas favorable à la prise en charge de la prévention.

  • Speaker #1

    Oui, c'est souvent une double peine, être malade et être seul pour gérer sa maladie.

  • Speaker #0

    Le rôle des aidants, loyauté invisible ou deuil blanc, nous en parlons maintenant, on les oublie trop souvent. Les aidants, ce sont les conjoints, les enfants, les amis proches, parfois même des voisins, ceux qui portent sans dire, qui accompagnent sans statut et qui encaissent sans reconnaissance chaque jour.

  • Speaker #1

    Dans le cadre du cancer du sein, les aidants sont majoritairement des hommes en couple, femmes malades. Et souvent culturellement, on leur a parfois peu appris à tenir ce rôle-là. Ça change évidemment, mais les choses évoluent. L'homme prend sa place d'aidant, il accompagne plus qu'avant, il est plus sensibilisé, il est plus renseigné sur la maladie. Et ça, c'est effectivement absolument sensé.

  • Speaker #0

    Et l'homme va devoir garder un regard sur sa femme, qui soit un regard empathique et aimant, c'est tout un défi. Mais nous parlions tout à l'heure du deuil blanc. Est-ce que tu pourrais nous expliquer de quoi il s'agit Fabrice ?

  • Speaker #1

    Oui, le deuil blanc c'est quand on ne perd pas quelqu'un physiquement et que le lien qu'on avait avec cette personne change radicalement. Dans le cas d'un cancer, le conjoint peut se retrouver à vivre aux côtés d'une personne fatiguée, douloureuse, irritable, changée. Et on n'est plus dans la même situation. Il y a une sorte de perte symbolique. Mais comme la personne est toujours là, on n'a pas le droit de se plaindre socialement, on n'a pas le droit de dire qu'on souffre, dont souvent les dents se taitent. Et ça fait des dégâts.

  • Speaker #0

    Oui, par rapport à... Le cancer du sein, et lorsque le traitement est à l'œuvre, la femme avec qui l'on vit peut perdre ses cheveux, avoir le corps qui change. Et c'est toute une relation entre l'homme et la femme, et au cœur, la féminité qui est changée. Il y a une forme de solitude déguisée qui s'installe, et c'est un vrai challenge pour la vie de couple aussi.

  • Speaker #1

    à la prochaine de la dissonance cognitive. Je l'aime et j'y arrive plus. Je veux être fort mais je suis épuisé. Je suis à ses côtés mais je me sens seul, oui.

  • Speaker #0

    On a tous en tête des témoignages, j'en ai gardé un. Un homme dont la femme était en traitement, qui me disait on vit ensemble mais je ne sais plus comment lui parler, j'ai peur de lui faire mal, peut-être que je ne sais plus comment l'aimer. Et j'ai pensé mais quel... La violence quasiment, cette autocensure infective, ce glissement lent vers une cohabitation fonctionnelle comme une coloc avec la femme de sa vie.

  • Speaker #1

    C'est un profil à haut risque de burn-out aidant. On en parle trop peu d'ailleurs. Mais les aidants développent souvent des troubles anxieux, des états dépressifs, des troubles somatiques. Et ils ne consultent parfois jamais parce que ce n'est pas eux le malade.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on a des chiffres là-dessus Fabrice, toi comme neuropsychologue, qu'est-ce qu'on sait sur la prise en charge médicale des aidants ?

  • Speaker #1

    Il y a une enquête, même si elle est centrée sur d'autres troubles, d'autres pathologies, qui montrait déjà qu'un aidant sur deux ressent de la tristesse psychologique de manière significative. Et dans le cadre du cancer, il y a une étude qui a été faite en 2021 qui montre que près de 60% 60% des conjoints de patientes atteintes d'un cancer du sein rapportent des troubles du sommeil, de l'anxiété et de la fatigue chronique. Mais à peine 15% d'entre eux avaient été orientés vers le soutien psychologique.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'il y a une sorte de zone aveugle dans le parcours de soins et dans le parcours de soins du cancer du sein en particulier, puisque c'est ce dont on parle. On s'occupe de la personne malade, on oublie peut-être trop souvent. ceux qui tiennent debout autour d'elle et qui ont aussi une forme de souffrance.

  • Speaker #1

    Donc là, on va mettre le doigt dessus, c'est là que le système de santé doit évoluer. Le parcours de soins, c'est un parcours de liens, des soignants, des médecins, des infirmiers, des psychologues, qui demandent tout simplement, ouvertement, comment vous allez, au conjoint, au fils, à la sœur, présente à tous les rendez-vous. Donc déjà, les nommer comme aidants, ça les aide. Et il faut leur dire, vous êtes un aidant, ça, ça compte. Et puis il faut aussi leur proposer des ressources. Il existe des groupes de parole, des lignes d'écoute, des psychologues aussi qui sont des supports, ou aussi des dispositifs de répit très importants.

  • Speaker #0

    À la marge, Fabrice, nous sommes nombreux peut-être à ne pas le savoir, les hommes peuvent aussi être concernés par un cancer du sein.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un sujet qui est encore trop méconnu, et on va profiter justement de cet épisode pour en parler. Il y a environ 500 cas par an en France. C'est quelque chose de... rare mais il faut le mettre en lumière parce que le retard de diagnostic est souvent de 6 à 8 mois parce que personne n'y pense. Donc justement, beaucoup d'hommes ne se font pas dépister alors qu'il faut y penser.

  • Speaker #0

    C'est l'occasion de saluer, si c'est suffisamment probant, aussi le courage des femmes, et pour le voir dans notre environnement, de séance de chimiothérapie en séance de chimiothérapie avec parfois... des phases de rémission, de récidive. C'est tout un parcours de soins qui est évidemment très pénible à vivre pour la femme concernée et son entourage. Donc je tenais vraiment à saluer leur courage et aussi l'empathie des soignants. Parce qu'on peut le dire, dans les hôpitaux, il y a des soignants qui sont vraiment à l'écoute au quotidien, qui vivent leur métier avec une vraie vocation. Alors l'octobre rose... C'est évidemment l'occasion de parler de cette épreuve humaine, sociale, identitaire. Et comme je le disais, c'est une onde de choc qui traverse à la fois le corps de la femme, le couple, la famille, le travail. Mais c'est aussi un système de santé qui s'essouffle, Fabrice.

  • Speaker #1

    Il faut rappeler aussi que le système de santé s'essouffle. Les hôpitaux sont saturés, les soins d'hôpital sont épuisés. Et on l'a dit, des patients qui parfois renoncent par épuisement. On demande toujours plus à celles et ceux qui soignent, mais on leur donne toujours moins de moyens.

  • Speaker #0

    Ça veut peut-être dire qu'il ne faut plus regarder seulement les chiffres de survie, mais la qualité des parcours de soins, ne plus penser seulement qu'en campagne de prévention, mais en lien humain et durable et dans la proximité, ne plus faire peser l'essentiel sur des individus isolés, mais rebâtir, reconstruire du collectif. Parce qu'en fait, c'est le lien qui est soin. Les liens sont du soin. Et dans le collectif, il y a au cœur, Fabrice, les soignants.

  • Speaker #1

    Oui, le cancer, ce n'est pas juste on soigne, on passe au suivant, on rencontre, on accompagne, on retrouve. Et quand on annonce une rémission, on sait que souvent, hélas, on reverra la personne. Le problème, c'est que ça, ça vient bouleverser l'imaginaire du soignant, parce qu'on n'est pas toujours là en tant que soignant pour guérir, mais aussi pour soutenir et pour stabiliser quand c'est possible.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas un soin ponctuel, un parcours de soin, c'est une relation.

  • Speaker #1

    Une expérience qui remet en question le fantasme du soignant sauveur. On entre dans ce métier de soignant avec une idée, celle de sauver des vies. de faire du bien, de réparer des corps, mais en cancérologie, cette posture de sauveur ne peut pas tenir, parce qu'on ne sauve pas toujours, et il faut faire avec cette impuissance.

  • Speaker #0

    On a donc autre chose à apprendre, à ajuster, à accompagner, ce qui ne se résout pas toujours, ce qui nous échappe, à nous, les hommes, aux côtés de femmes concernées par un cancer du sein, à nous autres, vous autres, les soignants, ce qui ne se mesure pas toujours, une main tendue, un regard échangé. une assise sur le coin du lit une présence discrète d'un aidant un fils, une fille ce soin là, le lien ne s'enseigne pas dans les livres mais il se transmet aussi dans des petites choses de la vie dans les couloirs, dans les équipes il se construit avec l'expérience et avec de l'humilité oui merci à toi Fabrice c'est un épisode qui est à la fois Très touchant parce que la santé et le cancer du sein, c'est l'affaire de toutes, mais c'est l'affaire de tous. Ce n'est pas seulement une affaire de femmes. J'insiste, le cancer du sein n'est pas seulement qu'une affaire de femmes, c'est l'affaire de toutes nos sociétés, des hommes également, et c'est l'affaire des soignants, des proches et des aidants.

  • Speaker #1

    Exactement. Merci à toi aussi, Didier, pour ce partage. À très bientôt dans l'actu en tête. prenez soin de vous, mais aussi de ceux qui prennent soin de vous.

  • Speaker #0

    Merci, à très vite.

Share

Embed

You may also like