Speaker #0Bonjour, je suis Mathieu Lasserre, je suis journaliste au service Religion de La Croix. Je vais vous parler de la série d'étés que nous avons réalisé en Afrique autour de l'Église catholique et de ses grandes dynamiques sur le continent. L'idée à travers ce récit était de se rendre compte des problématiques de l'Église catholique en Afrique, des problématiques qui lui sont propres, parce que c'est un continent que l'on a l'habitude d'analyser de l'extérieur, qu'on voit parfois comme très conservateur, dont on a parfois une idée très arrêtée, mais en réalité sur le terrain il y a des subtilités qui sont plus importantes que cela. Nous avons sélectionné pour se faire six angles différents, allant de la cohabitation de l'Église avec les différentes religions, qu'elles soient protestantes, évangéliques ou musulmanes, jusqu'aux problématiques plus concrètes du continent, sur les sujets de société comme la famille. Nous avons choisi trois pays. Nous avons réparti ça en fonction des angles que nous avons sélectionnés, deux reportages dans chacun, au Nigeria, au Tchad et en République démocratique du Congo. Cette série était importante pour le journal et pour moi parce que nous nous sommes rendus compte que l'Afrique sera bientôt le continent qui comptera le plus de catholiques sur la planète, où la démographie et donc le nombre de fidèles est en pleine explosion. On estime qu'à peu près un catholique sur trois sera africain à l'horizon 2050, ce qui représente du coup un enjeu considérable. Et que par conséquent, il me semblait absolument nécessaire d'aller à la rencontre sur le terrain des catholiques africains. Pour réaliser ce sujet, J'ai décidé de passer à peu près deux semaines dans chaque pays pour prendre le temps de rencontrer les différents acteurs d'église, les fidèles, mais également certains responsables d'autres religions ou d'analystes des sociétés africaines, pour un peu essayer de comprendre leurs problématiques propres et leurs sujets d'inquiétude et leurs perspectives d'avenir dans l'église. Il y a une forme de lâcher prise obligatoire quand on fait ce genre de reportage. Depuis Paris, on essaie de prendre des rendez-vous, d'appeler le plus de gens possible. Mais en fait, je suis parti au Niveria, je crois, avec deux rendez-vous fixés pour l'équivalent de deux semaines, quasiment rien. Et en prenant l'avion, on se demande, je ne sais pas trop où j'atterris, je sais où je dors ce soir, mais après, c'est compliqué. Et en fait, on se rend compte sur place que c'est en prenant le contact de quelqu'un qui nous donne le contact de quelqu'un d'autre, qui nous donne le contact de quelqu'un d'autre. C'est un photographe croisé par hasard qui m'a donné le portable d'un fidèle d'une église évangélique et qui a pu me faire visiter une ville détenue par une église, mais complètement par hasard. Il faut un peu partir à l'aventure et il faut un petit peu accepter de ne pas trop savoir où on met les pieds. Culturellement, se projeter vers l'avenir, on en a une conception très différente. Ce que nous, on aime bien anticiper, eux, ils attendent de nous voir en fait sur place pour pouvoir dire je vous emmène là-bas. Donc ça a été... En tant que journaliste, la chose la plus importante, c'est se débrouiller sur place avec ce qu'on trouve sur le terrain et pas partir de Paris avec des idées trop arrêtées. C'était peut-être au Nigeria que j'ai rencontré cette première expérience du continent africain en opposition totale avec l'Europe. J'ai décidé donc de partir fin mars, début avril. Pour cela, je me suis d'abord arrêté à Joss, dans la ville de Joss, qui est située au centre-est du Nigeria. C'est un endroit où les catholiques et les chrétiens sont majoritaires, mais où il y a des tensions très régulières avec les peuples peuls qui sont musulmans. Donc j'arrive à Joss pour passer les fêtes de Pâques, et le vendredi saint arrive, et je suis devant la cathédrale de Joss, dans un grand espace, face à la cathédrale, en terre battue. Et à l'occasion du Vendredi Saint, j'assiste à un spectacle avec des centaines de fidèles qui sont massés en cercle pour assister au chemin de croix. Chemin de croix qui est effectué par des jeunes qui se sont entraînés toute l'année comme des acteurs pour cette représentation. Et ce qui est très surprenant, c'est de voir la foule massée autour pour un chemin de croix qui est vécu physiquement. Jésus est fouetté comme il l'aurait été il y a peut-être 2000 ans jusqu'au sang face à des centaines de personnes. C'est très impressionnant. Et il y a une foule derrière. Il y a les réactions outrées de certains, il y a les encouragements d'autres. Il y a cette espèce d'engouement assez impressionnant autour de cette représentation. Le roi de la Charte,
Speaker #0Charte ! Donc nous sommes en présence de plusieurs religieux, d'énormément de fidèles, d'acteurs engagés dans les différentes paroisses et dans l'archidiocèse de Joss. Et c'est à l'issue de ce spectacle, de cette scène, que vient vers moi une religieuse. de la Congrégation des filles de l'amour divin, qui est une congrégation nigériane, qui a été créée au Nigeria, et qui vient me voir avant même que je puisse poser des questions pour me parler de la France, me parler de l'Église en France, pour me dire qu'elle a peur pour l'Église en Europe. C'est très étonnant parce que je m'attendais pour d'abord aller poser des questions, et puis aller rejoindre par d'autres personnes, d'autres religieux de sa congrégation, qui sont reconnaissables au voile bleu qu'elle porte sur les cheveux et à leur tunique blanche. Plusieurs représentants du diocèse viennent me voir, me posent des questions, même des gens de la communication du diocèse me posent des questions. Alors en Europe, est-ce qu'il reste vraiment des catholiques ? Dont on entend dire que vos églises sont transformées en mosquées. Voilà, c'est ce genre de questionnement qu'ils ont. Tous leurs questionnements sont axés autour de l'opposition entre l'Afrique et l'Europe. C'est-à-dire que le Nigeria, avec le nombre de fidèles, avec sa dynamique, se voit un petit peu comme ceux qui vont réévangéliser l'Europe. Une Europe dont ils ont une image... déclinante en fait, même d'un point de vue catholique. C'est-à-dire qu'au Nigeria, une des premières choses qu'on m'a demandées, c'était pourquoi il y avait autant d'homosexuels dans l'Église ? Pourquoi est-ce qu'on parlait de bénédiction des couples homosexuels ? Quelques mois avant, le Vatican venait d'ouvrir cette possibilité-là. Et les catholiques nigériens, face à cette vieille Europe qu'eux estiment déclinante parce qu'ils bénissent des couples homosexuels, parce que les Églises se vident, se voient comme un peu les sauveurs, l'avenir. Ils se pensent vraiment comme cet avenir-là, avec leurs prêtres et leurs... qu'on appelle des fidéidonum qui sont envoyés à l'étranger pour combler des manques dans les paroisses ou autres, et par les diasporas, en fait, tout simplement, qui sont très nombreuses et qui arrivent pour les nigérians, c'est surtout aux Etats-Unis, en Angleterre et en Allemagne, un petit peu en France aussi, qui se voient comme un peu le nouveau visage de l'Église. L'Église européenne historique est en baisse et pas conforme à ce que devrait être l'Église selon leur regard culturel et leur regard doctrinal, et eux se voient comme la relève. Après un peu plus de deux semaines passées au Nigeria, je suis donc rentré en France pour quelques semaines à peine, avant de reprendre un avion pour le Tchad, direction la capitale, N'Djamena. Et puis, un peu plus tard, je me rends dans le Guéras, une région de l'est du Tchad, une région plus montagneuse, qui a cette particularité d'être à plus de 98% musulmane. C'est une région où les missionnaires se sont établis très progressivement au travers de... diverses actions, notamment agricoles, pour venir en soutien aux populations. Et cette région du Guérara, elle est importante parce qu'elle symbolise très bien la difficile cohabitation parfois en Afrique entre le christianisme et l'islam. Le Tchad, on a à peu près 55% de musulmans pour 45% de chrétiens. L'église catholique est majoritaire. Elle est assez représentative de tous ces pays du Sahel, en fait. Les chrétiens sont en nombre, mais divisés en plusieurs dénominations quand l'islam est un peu plus hégémonique. a un peu plus de prise sur la société. Alors au Tchad, dans cette région du Guéra, je vais dans un village à Bitkin, un assez grand village, une petite ville. Et un peu à l'écart de cette ville, j'assiste à une messe entre deux arbres centenaires. C'est une grande messe d'un mouvement qui se rapproche des scouts, des scouts tchadiens. Énormément de jeunes sont présents, beaucoup de danse, une messe qui se fait beaucoup en langue locale, ce qui est pour le coup assez rare parce qu'elle est souvent célébrée en français. Et à cet événement assistent plusieurs jeunes, mais qui ne sont pas forcément tous catholiques. Certains viennent plutôt du protestantisme évangélique. Il y a quelques jeunes qui viennent de l'islam. Mais pour cette messe-là, en l'occurrence, ces jeunes musulmans étaient partis. Les familles les avaient retirés de l'événement avant la messe. Et à l'issue de la messe, de la même manière, je discute avec le directeur d'une école catholique dans une petite salle attenante au lieu où la messe était célébrée. Et c'est là où on me confie effectivement que la cohabitation avec l'islam, si elle se passe généralement bien, cause quand même beaucoup de problèmes, notamment au niveau des conversions. Beaucoup de catholiques s'inquiètent de la conversion de femmes catholiques qui se sont mariées à des musulmans. D'autres expliquent que c'est très difficile pour les jeunes hommes issus de familles musulmanes de se convertir au catholicisme du fait de pressions familiales. L'un d'entre eux m'a dit avoir été chassé de sa propre famille, avoir été déshérité, menacé d'être renié. Voilà, ça prend beaucoup de temps. Et il y a un autre phénomène aussi, c'est le phénomène des conversions qui sont parfois forcées de jeunes catholiques qui, en prenant une épouse musulmane ou qui en déménageant parfois dans des régions plutôt au nord du Tchad, qui sont des zones plus musulmanes, en fait perdent le lien avec l'Église et finissent par devenir musulmans. Il y a cette pression sociale aussi où l'islam est... Il est de bon ton dans la société tchadienne de se montrer musulman, d'arborer son appartenance à l'islam, d'autant que le pouvoir en place au Tchad est un pouvoir d'une famille, d'une ethnie qui est majoritairement musulmane, qui dicte un peu le là, donc pour avoir des bons postes dans la fonction publique par exemple, c'est mieux d'être musulman. Et les catholiques se plaignent beaucoup de difficultés à accéder à certains postes, à certaines responsabilités dans la société tchadienne, et ce qui leur fait parfois dire qu'ils sont... pas persécutés, mais un peu mis à l'écart, un petit peu déconsidérés. Et ça alimente le sentiment d'antagonisme. En discutant avec des responsables musulmans, on se rend compte qu'il y a des choses qui se font, des belles initiatives pour promouvoir le dialogue interreligieux. Mais en fait, les problématiques qui sont abordées par les chrétiens sur place montrent que c'est plus complexe que ça et que ça symbolise également les grandes difficultés qui existent dans d'autres endroits du Tchad. On peut penser à la capitale N'Djamena. Un jeune catholique, quand il va dans sa famille musulmane, tant qu'il ne s'est pas converti, ne mange pas en même temps et dans la même pièce que sa famille. Et il y a des vrais points de tension que les responsables religieux de tous bords essayent de corriger, mais c'est rendu encore plus difficile par l'émergence d'un courant rigoriste au Tchad. Comme dans toute l'Afrique sahélienne, le Tchad ne fait pas exception, avec des imams formés souvent à l'étranger, au Soudan, parfois dans les pays du Golfe, et qui compliquent en fait les relations entre catholiques et musulmans. Pour notre dernière étape, j'avais choisi la République démocratique du Congo. J'avais en tête de pouvoir étudier un petit peu plus l'Église et son action à travers la famille, qui est un vrai défi. Alors quand on arrive à Kinshasa, effectivement, on comprend bien pourquoi la famille est un défi. C'est une des villes les plus peuplées d'Afrique, presque 20 millions d'habitants dans une seule ville. La ville déborde, elle est surpeuplée. Moi, ce qui m'a frappé en premier lieu à Kinshasa, C'est le phénomène des enfants des rues. Énormément d'enfants en groupe qui circulent, qui parfois se battent. On peut le voir en prenant tout simplement le bus des enfants livrés à la rue, parce que les familles, pour diverses raisons, ne peuvent pas s'en occuper. Il y a le phénomène des enfants sorciers, où les enfants sont rejetés dans les rues, mais il y a aussi le fait que les familles sont trop nombreuses, trop recomposées parfois, ce qui entraîne l'impossibilité de nourrir des bouches trop nombreuses. Alors l'église a une... Une difficulté par rapport à ça, c'est qu'elle a parfois du mal à gérer tout ce monde. Il y a trop de gens. Là, on a une autre particularité en RDC, c'est que l'Église est hégémonique. Le catholicisme est largement majoritaire. Je crois que c'est à peu près 60 à 70% des Congolais qui se disent catholiques. Mais il y a l'impossibilité de gérer toute cette problématique familiale qui dépasse largement les questions disciplinaires, doctrinales internes à l'Église. Alors, moi, je me suis rendu dans un événement organisé par la communauté famille chrétienne, qui est une communauté de sensibilité charismatique, qui a été créée il y a maintenant plusieurs années, et qui s'occupe justement des couples, et qui essaye d'encadrer les catholiques du mariage jusqu'à la création d'un foyer. Alors, ils avaient organisé pour un espèce d'énorme barbecue sur une pelouse qui était à côté du petit séminaire de Kinshasa. Il faut imaginer des barnums où on peut mettre facilement 500 à 600 personnes, une table avec un DJ qui met de la musique beaucoup trop fort et qui laisse de temps en temps sa place à un prêche ou à un genre de serment, parfois même d'un pasteur évangélique invité au micro, qui hurle dans un micro en ligne gala. C'est très très bruyant, mais c'est très joyeux en même temps. Pour l'occasion, ce sont les hommes qui se sont mis à cuisiner. Ça fait rire vraiment tout le monde, c'est pas la norme du tout au Congo. Et en fait, on se rend compte en discutant avec tous les catholiques qui étaient présents que la vision de la famille est quand même très, on dirait conservatrice en France. C'est-à-dire que c'est un mélange de doctrine catholique pure et dure qui est mêlée aussi à beaucoup de traditions culturelles locales. Par exemple, l'homosexualité est un sujet abordé avec des mots très crus. Les quelques personnes présentes à cet événement avec qui j'ai pu échanger parlent de sorcellerie, de satanisme. de relations contre nature. Il y a quelque chose qui est assimilé à l'Europe, encore une fois, qui est assimilé à un catholicisme qui décline. Il y a des difficultés propres à l'Afrique, par contre. Et souvent, on se cache un peu derrière un conservatisme, un bloc face à l'Europe, ou en tout cas à la théorie du genre, par exemple, que beaucoup d'entre eux disent importer depuis l'Europe pour faire du mal à l'Afrique. Ça masque quand même des problématiques locales qui sont très importantes. La question de la polygamie, d'abord, qui à Kinshasa n'est pas interdite en RDC, mais qui se pratique tout de même. Ils appellent ça la bureau-gamie les hommes ont plusieurs bureaux en ville dans plusieurs quartiers différents. La question des enfants des rues est très occultée, la question du divorcé-remarié. J'ai découvert qu'effectivement la question des divorcés-remariés avait une place, était peut-être l'enjeu majeur au Congo, dans les familles, pour plein de raisons. La surpopulation d'abord, c'est-à-dire qu'on vit dans un endroit qui est trop petit, avec trop d'enfants, avec trop peu de liberté, et donc pour trouver sa liberté, on est obligé de sortir de son foyer et de la trouver ailleurs. Donc voilà, beaucoup de divorces, parfois liés à l'infertilité aussi. Et donc du coup, ça crée des familles qui sont recomposées plusieurs fois et avec des conséquences, comme j'ai pu l'aborder tout à l'heure, sur les enfants. C'est ce qui m'a frappé tout de suite en discutant avec plusieurs responsables d'églises au Congo, c'est qu'on aborde d'abord les problématiques qui sont soi-disant liées à l'Occident, mais en fait, ça cache des réelles problématiques africaines. L'église d'Afrique prône parfois une doctrine très ferme et en fait... confrontées sur le terrain à des problématiques beaucoup plus diverses et qu'elles n'arrivent pas à saisir. Et certaines de ces communautés, je pense à la communauté du chemin neuf, à la communauté famille chrétienne, essayent d'avoir des approches plus pastorales que l'Église. Il y a un espèce de fossé entre l'Église, donc le clergé et les fidèles, qui fait que c'est de la vie de beaucoup très compliqué d'avoir un dialogue et d'avoir des propositions pour le divorcé-remarié, des solutions concrètes contre la polygamie. qui est d'ailleurs abordée lors du synode qui a été convoqué par le pape François, mais qui, sur le terrain en Afrique, ne se constate pas encore. Et ces communautés essayent d'avoir une approche plus pastorale, avec des préparations à mariages beaucoup plus longues, parce qu'elles sont expédiées très rapidement par le clergé et par les prêtres, qui sont confrontés à une demande de mariage très très nombreuse. Et donc voilà, derrière un conservatisme affiché, il y a quand même des problématiques locales qui prennent le pas et qui seront en tout cas un énorme défi pour l'Église africaine dans les années à venir. De retour à Paris, une fois qu'il faut se mettre à la rédaction de ces reportages, j'ai été confronté à un problème un peu particulier, c'est qu'il fallait un format qui soit vraiment un carnet de voyage et qui retranscrive un peu un mois et demi de voyage et de déplacement en Afrique. J'ai choisi aussi d'écrire à la première personne pour incarner le sujet et pour pouvoir faire en sorte que le lecteur puisse comme me suivre au travers de cette série. Et ça a été très difficile parce que je n'ai pas l'habitude du tout de mettre du moi, de mettre de mon ressenti, de mes analyses personnelles et de mon regard dans l'écriture. Il a fallu se faire un petit peu violence pour retranscrire ça et pour pouvoir essayer de faire vivre au lecteur de La Croix cette expérience. L'idée du carnet de voyage était aussi très importante parce qu'au-delà de mon ressenti personnel, j'ai été confronté aussi à mon histoire personnelle, notamment à travers de mon voyage au Tchad. Nous avons consacré une... un épisode de cette série à l'héritage de l'évangélisation et de la colonisation. Et ça a été un moment important pour moi parce que j'ai pu aller sur les traces de mon arrière-grand-père qui était lui-même un membre de l'administration coloniale au Tchad, qui est arrivé en 1936. Et donc j'ai pu retrouver sa trace depuis là-bas, refaire un peu son parcours dans l'administration coloniale et puis pouvoir retrouver son numéro de dossier pour pouvoir aller le consulter de retour en France aux archives des colonies à Aix-en-Provence. Donc ça a été aussi à certains moments une démarche personnelle et j'ai souhaité écrire ce reportage à travers la figure de mon arrière-grand-père, essayer de comprendre aujourd'hui pourquoi est-ce que ce que j'observais aujourd'hui avait été initié par lui il y a presque un siècle. Donc voilà, il y avait aussi cette démarche personnelle qui rendait l'écriture au jeu et un peu sous la forme d'un carnet de voyage très importante. Ce qui m'a peut-être le plus frappé, si on fait une synthèse de ce mois et demi de voyage, c'est de découvrir à quel point l'idée qu'on se fait de l'Afrique vue depuis Paris n'est pas forcément mauvaise ou n'est pas forcément à côté de la plaque, mais manque de subtilité. En fait, on se rend compte sur le terrain par les différents acteurs qu'on interroge que la situation est toujours plus complexe. On a, dans Savoir l'Afrique, un bloc très monolithique. Une église catholique africaine très conservatrice, qui veut sa part du gâteau, qui aujourd'hui grandit et a sa voix qui porte. Mais en réalité, ce n'est pas parce qu'un archevêque parle très fort que la base catholique le suit, toujours. Il y a une variété d'opinions, de sensibilités, de courants qui est assez importante. Si une partie du clergé semble très conservatrice, et aujourd'hui a, en tout cas médiatiquement, la parole, il y a toujours des initiatives... parfois de grande ampleur, qui viennent nuancer ça et qui ne sont pas toujours retranscrites. dans ce qu'on peut interpréter de l'Église catholique africaine depuis la France. C'est ce fossé que j'évoquais entre parfois le clergé et les fidèles, entre les responsables qui ont voix au chapitre au Vatican et ce que vit la base des catholiques. L'exemple qui me vient en tête, c'est au Nigeria, où la base catholique est occupée par leur sécurité dans un pays où la moitié est confrontée aux problèmes des djihadistes, ou à une économie qui est chancelante, à un contrat social qui est inexistant. les catholiques se concentrent moins sur les aspects doctrinaux de l'Église que sur leur survie au quotidien, et ça engendre du coup des questionnements très différents. Donc c'était une surprise effectivement de me confronter à ça, c'est quelque chose que moi j'avais analysé toujours de loin, et donc effectivement de le voir sur le terrain, mon regard a vraiment changé sur les problématiques locales, qu'elles soient d'Église ou de société plus largement.