- Mayva Moussa
Et on arrive à voir que la souffrance ça peut être une cage dans laquelle on peut s'enfermer, mais ça peut être aussi un lieu qui va nous permettre de faire jaillir la richesse. C'est quand la lumière me manque, quand un être cher me manque, que je constate la force de l'amour que l'on a entre nous. Quand le soleil me manque, je constate à quel point la lumière est belle. Donc c'est dans ces moments de faiblesse que l'on peut voir les belles choses et en faire quelque chose de beau.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Peut-être que tu traverses en ce moment une période un peu difficile, où tu as même l'impression d'être balotté dans une tempête. Tu cherches des ressources, une impulsion, des lueurs de foi pour éclairer ta route vers un équilibre plein, stable, fécond. Alors reste, reste avec nous pour une traversée vers l'essentiel. On embarque sur un petit voilier en direction d'une île aux ressources. Alors c'est une image à emprunter à la navigation, c'est pour te proposer d'écouter le témoignage inspirant de mon invité d'aujourd'hui qui nous transmet son expérience, ses outils de résilience. Je suis Anne Rollo-Lapointe, praticienne en santé émotionnelle. Bienvenue dans l'Essentiel, le podcast qui nous conduit vers l'équilibre après la tempête. Maïva Moussa, j'ai la joie de t'accueillir dans l'Essentiel. Bonjour Maïva. Bonjour. Tu es une neuropsychologue.
- Mayva Moussa
Tout à fait.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Tu vas nous expliquer en quoi consiste ton métier. Tu vas nous partager aussi une épreuve que tu as vécue et qui est d'ailleurs en lien avec ton activité. Tu nous feras aussi le cadeau d'une ressource qui pourra nous aider. J'en partagerai une aussi. Avant la fin de ce podcast, juste avant de lever l'encre, puisque nous partons en voilier pour une traversée vers l'essentiel, alors une question à la fois simple et un peu complexe. La neuropsychologie s'intéresse au cerveau.
- Mayva Moussa
Tout à fait.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Si tu devais décrire en deux, trois phrases le fonctionnement du cerveau d'un enfant de huit ans, qu'est-ce que tu dirais ?
- Mayva Moussa
Oui, effectivement. Alors, le cerveau. Disons que c'est un organe assez exceptionnel. Si j'étais face à un enfant de 8 ans, je lui dirais que son cerveau est extraordinaire, qu'avec le cerveau, on peut faire plein de choses. Alors notre cerveau va nous apprendre à découvrir le monde, construire notre personnalité, mais que le cerveau est aussi sensible à ce qui se passe autour de lui, nos rencontres, nos cheminements. Le cerveau va nous accompagner, toujours, comme ça, dans notre démarche. Et il va être aussi fragile et fort à la fois. Selon ce qu'on fait, il va présenter peut-être certaines peurs, selon notre histoire, mais aussi certaines forces, selon la résilience que l'on a, donc selon tout ce que l'on a appris. Je dirais finalement que le cerveau, ça va être un élément essentiel qui va nous aider à avancer, mais qui est aussi en lien avec nos émotions, avec ce que l'on porte, notre cœur, et qui participe à notre identité. Voilà ce que je pourrais lui dire.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Alors tu es une jeune... Psychologue spécialisée en neuropsychologie, tu travailles en cabinet ?
- Mayva Moussa
Tout à fait.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Tu reçois et tu accompagnes des enfants, des adolescents, des adultes ? À quel endroit ?
- Mayva Moussa
Alors moi je suis dans une maison paramédicale à Miribel. Je travaille avec majoritairement des enfants et des familles, mais j'accueille aussi des adultes, bien sûr des adolescents aussi. Mon objectif en fait, ça va être en tout cas... Je parle vraiment de ma manière d'exercer à moi, mais c'est d'analyser le fonctionnement intégratif de la personne, donc travailler le comportement. Travailler la cognition, donc tout ce qui est l'intellect, travailler le social et le psychologique.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Tu donnes aussi des conférences sur le thème de l'épreuve. J'ai assisté à l'une d'elles et l'amphithéâtre était comble. C'est un sujet qui intéresse largement.
- Mayva Moussa
C'est un grand sujet, vaste, mais qui intéresse beaucoup de personnes, oui.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Maëva, on va rentrer un petit peu dans le vif du sujet. Tu as toi-même vécu une épreuve et liée à la santé psychologique d'ailleurs. Est-ce qu'il y avait des signes qui le laissaient présager dans ta vie courante ?
- Mayva Moussa
Alors c'est assez paradoxal parce que, comme on a dit, je suis psychologue et je n'ai pas vraiment remarqué des signes. Avec le recul aujourd'hui, effectivement, je constate qu'il y avait des signes, surtout des alarmes, mais que je n'ai pas réalisé sur le coup. Je pense que j'avais vraiment, je fonçais tête baissée, sans prendre le temps d'écouter ce qui se passait. Ou du moins, plutôt, je le ressentais. Je ne l'écoutais pas.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Ces petits signes, à posteriori, tu dirais ce que c'était, ça ressemblait à quoi ?
- Mayva Moussa
Ça pouvait être de l'anxiété pour des situations plus ou moins banales. Par exemple, tout simplement, l'idée de partir faire une soirée entre amis. Je ressentais de l'anxiété avant de partir, mais je ne me posais pas plus de questions. Je subissais un peu sur le moment et puis après ça partait. Ça peut être aussi de la fatigue. De la fatigue qui s'accumule, mais comme j'étais en plein milieu de mes études, je n'ai pas forcément dissocié les choses. Je pensais vraiment que c'était la seule raison. C'était peut-être le surmenage de l'étude, où je pense que je n'ai pas pris assez de recul par rapport à ce que je vivais.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Alors si tu remontes un petit peu le temps, qu'est-ce qui s'est passé ? Est-ce qu'il y a quelque chose de précis qui s'est passé à un moment donné ? Est-ce qu'il y a eu un déclic qui a fait basculer ? Est-ce que tu nommes une dépression ? Tu appelles ça comme ça ?
- Mayva Moussa
Tout à fait. Alors effectivement, j'ai fait une dépression. Et alors, est-ce qu'il y a un élément ? Moi, je dirais qu'il y a une chose qui a entraîné la bascule, ça a été le soir de Noël. J'étais à Noël avec ma famille, un très beau moment, parce que j'aime beaucoup ce temps-là. Et je me suis retrouvée seule, il était peut-être 4h du matin, je me sentais assez émotive. Et en fait, je suis quelqu'un d'assez spirituel, je me suis mise à écrire, écrire sur ma spiritualité, etc. Je me suis sentie très portée, quelque chose de très très beau. Et le lendemain, après toute cette émotion, cette écriture, cette créativité liée à la spiritualité que je vivais, j'ai eu une grosse remise en question. J'étais vraiment en doute vis-à-vis de tout ce que j'avais expérimenté spirituellement. C'est cette remise en question d'un pilier fondamental pour moi, qui a pour moi entraîné cette bascule. Je pense que c'était le pilier qui me faisait encore tenir. Et au moment où cette remise en question s'est faite, vers l'épreuve, la tempête, beaucoup plus... En profondeur, on va dire.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Tout s'est fragilisé et effondré.
- Mayva Moussa
D'une certaine façon.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Est-ce que tu peux nous décrire cette épreuve que tu as traversée à partir de ce moment-là ?
- Mayva Moussa
Alors ça a commencé où je me suis retrouvée face à un miroir, où j'ai commencé à me sentir un peu déconnectée, où je me regardais mais je n'arrivais pas vraiment à associer de l'émotion à ma personne, j'étais assez distante vis-à-vis de moi-même. Et donc de là, une remise en question. Plus de mon identité, en plus de la remise en question spirituelle, c'est rajouté en fait. Ce qui est assez difficile quand on vit une épreuve, c'est la prise de recul. Tout mon esprit s'est centré sur ça. Rapidement, j'ai commencé à avoir de l'angoisse vis-à-vis de ce sentiment de distance vis-à-vis de moi-même. Donc les nuits étaient super difficiles. En fait, jusqu'à 2-3 heures du matin, j'étais réveillée. Le souffle coupé, les jambes qui bougent. C'est comme si j'avais besoin de faire un marathon tellement que j'avais de l'énergie, de la mauvaise énergie en moi. Donc il y a eu ça, il y a eu aussi du coup, ce qui en découle, c'est encore une fois de la fatigue, mais cette fois assez extrême. C'est-à-dire qu'on se réveille le matin mais qu'on sent qu'on n'a pas dormi. On aurait encore besoin d'une nuit de sommeil. Et comme j'étais en plein milieu de mes études, en fin de licence 3, j'avais aussi beaucoup de choses à apprendre, à mémoriser, et je perdais beaucoup la mémoire. C'est-à-dire que je ne me souvenais pas de ce que j'avais mangé la veille, ce que j'avais fait. Et en fait, avec la dépression, c'est un peu le serpent qui se mord la queue. Parce que quand on voit les symptômes, on panique. La panique engendre les symptômes. Et la prise de recul est très difficile. D'autres symptômes aussi. C'était assez drôle parce qu'au départ j'étais très émotionnelle. Je ne pouvais pas rester assise sans vivre de l'émotion. Parfois je pouvais me mettre à pleurer alors qu'il n'y avait rien qui se passait. Je me suis enfermée dans ma souffrance. Et quelques mois après, finalement, je me suis rigidifiée, je suis rentrée dans une sorte d'apathie, donc aucun ressenti, plutôt aucune émotion. Je vivais, j'allais faire mes études, etc. Et puis je suis quelqu'un qui sait bien m'adapter à ce qui se passe autour d'elle, donc les gens ne me voyaient pas. Donc j'allais au cours, souriante, et je rentrais chez moi, je m'effondrais.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Ça a augmenté en fait ?
- Mayva Moussa
Tout à fait, ça a augmenté jusqu'au moment où j'en pouvais plus.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Qu'est-ce que tu as fait à ce moment-là ?
- Mayva Moussa
Alors, ce qui est très difficile, c'est que dans la dépression, alors déjà, je ne savais pas que c'était une dépression, comme je disais, même si on est professionnel, quand ça nous touche, c'est très difficile de comprendre, et surtout d'avoir...
- Anne RAULOT-LAPOINTE
D'avoir ce recul, parce que tu étais en plein dedans, tu étais émergée dedans.
- Mayva Moussa
C'est ça. Je suis quelqu'un d'assez forte au niveau du caractère, mais dans le sens où je suis assez résiliente, etc. Donc déjà, je ne me reconnaissais pas trop et je n'osais pas trop en parler autour de moi, parce que je ne voulais pas faire souffrir. Plus j'avançais, plus vraiment c'était intenable. Du coup, je me suis confiée à une personne. Quand on souffre énormément, se confier, c'est pas évident, parce qu'il y a une part d'intimité très forte dans la souffrance. Et donc du coup, je me suis sentie à l'aise avec une personne qui me connaît depuis que je suis petite, et je lui ai parlé. Et c'est là qu'elle m'a dit, Maïva, ce serait important que tu puisses être aidée par quelqu'un qui s'y connaît bien, et qui va pouvoir t'accompagner. Elle, elle avait un regard d'amitié, et elle m'a dit qu'elle serait là pour moi, mais qu'effectivement, aujourd'hui, j'avais besoin d'aide. Et de là, j'ai commencé à ouvrir le chemin.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
N'était pas évident pour toi de penser à te faire aider ?
- Mayva Moussa
En fait, c'était impossible. J'ai pris, sans mentir, 4 mois et demi avant de décider de... En fait, en souffrant, hein ! 4 mois et demi avant de prendre la décision d'aller faire une thérapie. Parce qu'en fait, pour moi, décider de faire une thérapie, c'était accepter que je n'avais pas réussi. C'était accepter que j'abandonnais, que je n'avais pas été à la hauteur. Et que toute seule, ce n'était pas possible.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Donc tu as pu trouver de l'aide.
- Mayva Moussa
Ah oui, j'ai fait une thérapie avec une psychologue exceptionnelle. J'étais très heureuse parce qu'aujourd'hui, avec le recul, ma thérapie, ça a été un cadeau. Ça a été un grand cadeau que je me suis offert. Donc après ces quatre mois de lutte en me disant Maïva, tu vas gérer seule je me suis dit Aujourd'hui, on y va Mais j'avais honte. J'avais honte, je me sentais coupable.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Pourquoi on se sent coupable quand on est comme ça, dans cet état de dépression ? On se sent coupable de quoi ?
- Mayva Moussa
Alors, je vais parler en mon nom, mais moi, j'avais le sentiment que tomber en dépression, c'était avoir raté. Pour arriver jusque-là, moi en tant que profession, en fait surtout en tant que future psychologue, je me suis dit, si toi ça t'arrive, comment tu vas accompagner les gens ? Finalement, t'es pas tant à la hauteur que ça. Ou finalement... t'es pas si forte que ça ? Il y a vraiment une remise en question de la dignité quand on est en dépression. Moi, c'est ma psychologue qui m'a dit que je faisais une dépression. Quand elle m'a dit ça, j'ai fondu en larmes tellement que je me sentais mal vis-à-vis de ça. J'avais l'impression que c'était une fatalité, que j'étais condamnée et que ça allait rester comme ça. Ce que tu sais, souvent on dit, quand on prend des antidépresseurs, on est dépendant, on reste à vie comme ça, etc. Et en fait, pas du tout. Pas du tout. Et puis même, admettons qu'on prenne les antidépresseurs pour un moment. Ça dépend de la vision qu'on a. Si tu prends des antidépresseurs parce que tu es sûr que ce sera fini et que tu n'envisages pas une suite, pour s'en détacher, ça va être difficile. Mais quand tu te dis je dois prendre parce que je veux veiller sur moi, parce que j'en vaux la peine et que je mérite en 6 mois, 7 mois, selon le traitement que tu prends avec le professionnel adapté, qui comprend ce que tu veux, tu peux le faire. Ce n'est pas trop tard et ce n'est pas terminé, vraiment.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Est-ce que ce que tu as vécu quand tu étais dans la souffrance avait des répercussions sur tout ton être, ton corps, ton âme, ton esprit ? Je crois que toi tu parles plutôt de psyché que d'âme. Oui,
- Mayva Moussa
tout à fait.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Tu peux nous expliquer aussi ce que tu mets sur le mot psyché ?
- Mayva Moussa
Oui, carrément. Alors, du coup, oui, moi j'aime bien adopter cette vision tridimensionnelle de l'homme avec le corps, bien évidemment. Donc, ce qui nous appartient et ce que l'on voit de nous. La psyché, c'est ce qui nous appartient, ce qui émane de nous mais que l'on ne voit pas. et l'esprit pour moi qui est plus une dimension spirituelle de la personne. Et pour moi vraiment les trois fonctionnent ensemble. Et pour le coup dans la dépression, les trois dimensions étaient complètement altérées. C'est comme si en fait, je ne sais pas si tu connais la slackline, on doit marcher en équilibre sur une ligne, c'est un peu comme ça. C'est vertigineux tout le temps, on a l'impression qu'on doit être hyper concentré pour ne pas tomber. En fait tout tient un fil.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Alors est-ce que tu es remontée petit à petit ou ça a basculé d'un seul coup ? Est-ce que tu as pu retrouver justement dans tout ton être, tes facultés ?
- Mayva Moussa
Alors ça a été vraiment un chemin petit à petit. J'ai un ami à moi qui est psychologue aussi et qui dit souvent pas à pas. petit à petit. Alors, ce n'est pas facile de l'accepter quand on souffre, parce qu'on a envie que ça aille vite. C'est le marathon, on a le dossard sur nous et on y va. Et en fait, ce n'est pas comme ça que ça marche. Donc, ça a été petit à petit. Déjà, en décidant... De me faire aider, c'était accepter que j'avais de la valeur et que je méritais d'être aidée. Et dès que ce premier pas est fait, déjà il y a le début du cheminement. C'est vraiment ce premier pas fondamental de dire je mérite moi aussi de prendre soin de moi. Et aujourd'hui, me faire aider, c'est pas dire que je n'y arrive pas, c'est accepter. Que tout n'est pas de mon ressort. Que aujourd'hui, l'immatrice que je peux avoir, ce n'est pas contre moi, mais c'est pour aussi me laisser, pour exprimer ce que je ressens. Et accueillir sa faiblesse, ce n'est pas se dire que je suis moins que rien. C'est se voir avec des yeux d'amour. Parce qu'en fait, la faiblesse fait partie de notre identité. Ça fait partie de la nature de l'homme d'avoir des fragilités.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Puisque tu parles d'amour, et je crois que concernant ta spiritualité, tu es chrétienne ?
- Mayva Moussa
Oui.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Alors est-ce que la foi en Dieu t'a été d'un secours dans cette épreuve ? Et si oui, comment ?
- Mayva Moussa
Oui. Alors effectivement, la foi, ça a été un élément essentiel. Si on reprend un peu cette question de la trédimension de l'homme, mon corps et ma psyché étaient complètement atteints. et épuisée. Face à ça, j'avais le choix. Soit choisir ma perte, soit choisir la vie. Ma seule porte de lumière que je voyais potentielle. qui m'aiderait à choisir la vie, c'était la foi. Pourquoi ? Parce que quand on n'arrive plus à ressentir des choses, qu'on est un petit peu déconnecté, la foi, ça nous ramène à notre identité profonde. Moi, j'ai réussi à tenir dans mon épreuve en essayant de me rappeler constamment l'amour que j'avais reçu, et notamment l'amour que j'avais reçu vis-à-vis de toute mon expérience spirituelle. En fait, c'est ça qui m'a aidée à tenir. C'est vraiment le rappel de l'amour vécu, reçu.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Tu te disais ça existe, je l'ai vécu, donc je peux retrouver ça ?
- Mayva Moussa
Disons que c'était un peu ma raison de vivre aujourd'hui. C'était vraiment le moteur. C'est l'amour que j'avais vécu, ressenti, l'amour incarné. Quand je vivais ma dépression, je ne ressentais pas. Mais ma mémoire ne pouvait pas omettre cette dimension d'amour. Puisque je savais pertinemment que c'était dans mon identité en fait. Je suis partie à la quête de cet amour qui m'identifiait et que j'avais un petit peu perdu. C'est là que je suis partie et que vraiment j'ai ouvert le voilier et dans les vagues, il y avait plein de vagues.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
C'était la tempête.
- Mayva Moussa
Franchement oui, pas le tsunami mais presque.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Et la tempête s'est apaisée ?
- Mayva Moussa
Il a fallu encore du temps. J'ai eu la chance dans mon malheur, c'est qu'il y a eu le Covid. Et du coup, le confinement m'a permis de souffler et de ne plus être en survie, à courir derrière les études, derrière les notes, parce qu'en psychologie, il y a des grosses sélections en master. Donc j'ai pu prendre plus de calme et j'ai décidé à partir de là de faire une année sabbatique.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Une année de pause, tu t'es reposée.
- Mayva Moussa
C'est ça. En fait, même, je n'avais pas trop le choix. Je me suis dit, Maïva, aujourd'hui, c'est soit tu choisis de continuer tes études, mais à quel prix ? Je me suis dit, je vais choisir ma vie. Aujourd'hui, c'est ce qu'il faut.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Est-ce que tu as pu sortir de cette dépression ?
- Mayva Moussa
Oui, tout à fait. Et avec une grande joie. J'ai fait à peu près un an et demi de thérapie. Ce qui s'est passé, c'est qu'après mon année sabbatique, j'ai été prise en master à Lille. Et donc de là, ça a été assez fort pour moi parce que je n'avais jamais quitté ma ville. Et je me suis dit, c'est le moment. Moi qui étais angoissée à l'idée de partir en soirée. Je devais partir, partir. Et c'est là que j'ai commencé à voir l'horizon. Et quand on commence à voir l'horizon, il y a une autre perspective qui se rajoute. On arrive à finalement observer de plus loin. et voir que la tempête elle est là, mais ce qu'il y a après, c'est plus la tempête. Donc c'est comme ça, j'ai commencé à me dire, je vais partir, et de là, j'ai pris mes valises et je suis partie faire mon master à Lille. Et ça m'a fait beaucoup de bien.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Tu as pu retrouver un certain équilibre.
- Mayva Moussa
J'ai pu prendre un nouveau départ, tout en continuant à faire ma thérapie à distance. Et surtout, j'avais décidé à l'époque, je ne voulais pas vivre seule. J'avais envie de vivre en communauté un petit peu, donc j'ai décidé de partir en foyer de jeunes. Je me suis découverte différemment avec de nouvelles personnes. Et en fait, c'est le regard déposé par les personnes qui m'entouraient qui m'a redonné confiance en moi. l'amour que j'ai pu recevoir de personnes avec qui j'ai vécu et qui, avec une culture différente, des horizons différents. Ça m'a vraiment permis de me découvrir autrement et d'avoir réussi surtout, d'avoir réussi mon master, d'avoir réussi ce nouveau départ. Je me suis rendue compte que j'étais capable en fait.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Est-ce que cette épreuve t'a amenée à changer quelque chose dans ta vie, changer de perspective ou d'orientation ?
- Mayva Moussa
Alors cette épreuve, elle m'a beaucoup appris déjà. Spirituellement, je me suis énormément renforcée. En fait, ce que je n'avais pas dit, c'est que durant la dépression, j'ai eu une image brisée de moi, mais j'ai eu aussi une image brisée du Dieu en qui je croyais. Le fait d'avoir tenu au-delà des limites, ça m'a permis de me rendre compte que la vision de l'homme était limitée, mais que la vision de Dieu était illimitée. Et du coup, j'ai pu prendre énormément de distance vis-à-vis de mes limites parce que je me suis rendue compte qu'être faible ou être forte, c'est vraiment une vision humaine. Et que mon but, ce n'est pas d'être performante, c'est vraiment d'être une être humaine et de vivre mon humanité dans toutes ses dimensions. Donc finalement, ça m'a permis vraiment de... d'avoir une vision beaucoup plus intégrative de l'homme. Et cette vision, c'est celle que je voulais avoir déjà depuis petite, parce que j'étais passionnée par l'humain. Donc cette épreuve, elle m'a vraiment permis de prendre du recul vis-à-vis du regard parfois condamnant, pour adopter un regard plus bienveillant. Et surtout de me laisser regarder, me laisser regarder par... Par Dieu, mais aussi par les personnes qui m'aiment et qui m'entourent et qui me soutiennent.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Est-ce que cette épreuve t'a aidée aussi dans ton travail d'aujourd'hui ?
- Mayva Moussa
Alors cette épreuve, effectivement elle m'aide dans mon quotidien. Parce qu'entre nous, déjà je l'ai vue au vu de la conférence que j'avais faite, mais aussi dans mon quotidien, dans mon cabinet, c'est que beaucoup de personnes souffrent. En fait la souffrance elle est personnelle et universelle. Et du coup... C'est ce que j'aime dire aux personnes que je rencontre, c'est que nos faiblesses, elles sont des forces, parce qu'en fait elles nous rendent plus humaines, plus humains. Et du coup, ça nous permet de comprendre l'autre, de pouvoir se mettre à la place de l'autre. Donc effectivement, le fait d'avoir vécu des souffrances, surtout d'avoir survécu, ça donne beaucoup d'espoir. Et moi, ça me motive encore plus à accompagner. Et ce que j'aime beaucoup dire aussi à ceux que je vois, c'est Laisse-toi te surprendre et tu verras, tu seras surpris
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Au cours de cette traversée, nous faisons une halte sur ce que j'appelle l'île aux ressources. On vient puiser une ou deux ressources qui vont être une aide pour une situation similaire que peut-être... Tu traverses toi qui nous écoute ou quelqu'un que tu connais. Est-ce que, Maïva, tu aurais un outil concret et simple à nous transmettre, utilisable facilement pour quelqu'un qui a besoin, qui aurait besoin ?
- Mayva Moussa
Il y a quelque chose que j'aime bien, que j'ai expérimenté moi et qu'on peut aussi faire à plusieurs, en intimité, disons. C'est ce que j'appelle le livre des merci. J'aime beaucoup. Ça peut être chaque soir, se poser, avoir son petit livret qu'on a soi-même décoré, d'écrire un merci du jour. Ça peut être un merci pour soi, un merci pour les autres, un merci pour la vie. Quand on est dans les épreuves, on est tellement focalisé sur ce qui nous fait mal qu'on omet ce qui est beau. Pas parce qu'on ne le veut pas. c'est parce qu'on a un filtre face à nos yeux. Donc ce livret pourrait aider vraiment à prendre du recul sur la vision un peu limitée à cause de la souffrance et de prendre du recul et de voir l'horizon. Ça peut être merci parce qu'aujourd'hui, une personne dans la rue m'a sourie. Merci parce qu'aujourd'hui, je me suis levée et j'ai travaillé. Et j'ai rencontré des gens, ça peut être vraiment tout simple. Et selon la souffrance que l'on a, ça peut être des merci tout petits comme des merci très grands.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Ce qui permet aussi, quand on a un petit carnet comme ça de merci, parce qu'on les oublie au fur et à mesure, chaque jour, le lendemain on ne se souvient plus du merci de la veille, mais ça peut permettre vraiment, peut-être dans les moments un peu plus difficiles, de rouvrir ce petit carnet et de dire j'ai dit merci pour ça,
- Mayva Moussa
ah oui,
- Anne RAULOT-LAPOINTE
ça c'était bon, ça c'était bon, ça c'était bon Et de se nourrir de toutes ces petites choses parfois, mais qui ont été… Quelque chose qui nous a permis d'avancer peut-être ?
- Mayva Moussa
Tout à fait. Et avec le temps, on n'aura même plus besoin de se carner. Parce qu'en fait, nos yeux vont être transformés. Et on va beaucoup plus percevoir la beauté des choses. Et moi, je le conseille beaucoup aussi aux familles. Ça peut être très riche de le vivre en famille, ce merci. Ça renforce les liens.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Alors merci pour cette ressource. Moi je vais aussi en partager une parmi les ressources que j'utilise dans le programme Résolve. Résolve, ça veut dire réguler ses émotions simplement, outil de libération pour vivre l'essentiel. En fait c'est la marche à pied. C'est une activité qui est vraiment facile, qui ne coûte rien et que pratiquement tout le monde peut faire. Pratiquer quotidiennement la marche est une ressource naturelle qui a de nombreux bienfaits sur la santé et elle peut contribuer à réduire l'anxiété, puis avoir une dimension méditative aussi. Elle aide à prendre du recul, à se recentrer sur l'essentiel. Selon les experts, il est recommandé de marcher environ 30 à 45 minutes par jour, d'une façon un peu active quand même, presque au point d'être un peu essoufflé, mais de pouvoir avoir... Pouvoir avoir une conversation. Cette marche quotidienne, qui permet aussi de prendre un peu les rayons du soleil, la nature, etc., peut vraiment nous aider dans de nombreux domaines pour une bonne santé et aussi sur la santé mentale. J'espère que ces ressources, à toi qui écoutes... Ce sont déjà des éléments simples, ce petit carnet de merci et comment marcher peut aider aussi, qui peuvent t'aider dans ton quotidien. Après avoir surmonté tous ces déchirs, selon toi, qu'est-ce qui est essentiel pour retrouver son équilibre quand on se sent fragilisé, en déséquilibre, pour pouvoir avancer ?
- Mayva Moussa
Ce qui va être essentiel pour moi, ça va être vraiment de poser un regard sur soi de bienveillance et de tendresse. c'est réaliser que notre être en vaut la peine. Quand on est face à la fragilité, je pense que le plus important, ça va être d'écouter ce qui se passe en nous, de ressentir, et surtout pas de rentrer dans une routine. Ce que la routine en fait rigidifie, c'est s'autoriser à ne pas aller bien, accueillir ça, prendre du recul sur la culpabilité. La culpabilité, c'est un des sentiments les plus douloureux et qui entraîne vraiment des difficultés au niveau psychique quand même. Quand on se sent coupable, on s'enferme. Donc c'est se dire, quand on est dans l'épreuve, que rien n'est figé, que nous ne sommes pas limités par nos limites. C'est sentir que j'en vaux vraiment la peine. Et quand on a cette vision-là, on arrive à prendre plus de recul sur notre propre souffrance. Et on arrive à voir que la souffrance ça peut être une cage dans laquelle on peut s'enfermer, mais ça peut être aussi un lieu qui va nous permettre de faire jaillir la richesse. C'est quand la lumière me manque, quand un être cher me manque, que je constate la force de l'amour que l'on a entre nous. Quand le soleil me manque, je constate à quel point la lumière est belle. Donc c'est dans ces moments de faiblesse que l'on peut voir les belles choses et en faire quelque chose de beau.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Peut-être que ça rejoint un petit peu ce que tu viens de dire, mais je vais quand même te la poser. Oui. C'est une question en fin. Et d'ici là. Est-ce que tu aimerais murmurer à l'oreille de quelqu'un qui écoute et qui traverse actuellement une difficulté ?
- Mayva Moussa
Tu sais, en tout cas dans la foi, ce qu'on dit, tu as du prix à mes yeux et je t'aime. Ce que j'aimerais dire à la personne qui souffre, c'est qu'elle est vraiment un être d'exception. Pourquoi ? Parce qu'elle est naturellement aimée, aimable, et qu'elle est naturellement capable d'aimer. Et que sa nature d'amour qui la définit. C'est ce qui la rend excessivement belle. Vraiment, j'ai envie de le dire, tu as du prix à nos yeux et je t'aime.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Maïva, est-ce qu'on peut te joindre ? Comment est-ce qu'on peut te joindre ? Tu as un site internet ?
- Mayva Moussa
Alors moi, c'est simple. Si on tape Maïva Moussa sur Google... On va avoir ma page avec mon numéro de téléphone professionnel et le site internet pour la prise de rendez-vous.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Eva, merci beaucoup pour ce partage.
- Mayva Moussa
Merci à toi.
- Anne RAULOT-LAPOINTE
Et puis à toi qui nous écoutes, je t'invite à t'abonner à ce podcast pour pouvoir retrouver le prochain épisode. Et à très vite.
- Mayva Moussa
À très vite.
- Speaker #2
Si cet épisode t'a touché, pense à le partager parce qu'il pourrait être utile à quelqu'un dans ton entourage. Et ne manque pas la nouveauté dont je te parlerai la semaine prochaine. Et d'ici là, que la paix t'accompagne !