- Speaker #0
Bienvenue dans notre exploration philosophique. Aujourd'hui, on s'attaque à un gros morceau, la nature. C'est un thème clé, surtout si on prépare le bac philo d'ailleurs.
- Speaker #1
Absolument. Un sujet vaste.
- Speaker #0
Oui, qu'est-ce que c'est au fond la nature ? Et nous les humains, quelle est notre place là-dedans ? Comment on interagit avec elle ? Parfois ça coince.
- Speaker #1
C'est le moins qu'on puisse dire. On peut même devenir une menace. Pour elle et pour nous.
- Speaker #0
Exactement. Alors on va regarder ensemble quelques idées fortes, quelques pistes de réflexion issues de la philosophie, pour essayer d'y voir plus clair, comprendre ces visions différentes de la nature et ce lien complexe qu'on a avec elle.
- Speaker #1
Une bonne approche. Et on pourrait peut-être garder en tête cette phrase de Pascal.
- Speaker #0
Ah oui, laquelle ?
- Speaker #1
Il ne faut pas juger la nature selon nous, mais selon elle. Ça pose déjà un cadre, non ?
- Speaker #0
Très juste. Alors commençons par le début. La nature, comment on la définit ?
- Speaker #1
Ben disons, au sens le plus large, c'est tout ce qui existe, tout ce qui arrive sans que l'homme n'intervienne. Il y a une causalité naturelle, des lois propres, qu'il faut distinguer de nos actions à nous, de nos intentions.
- Speaker #0
D'accord. Et l'humain, alors, dans tout ça ? Pascal, justement, il en dit quoi ? Le fameux roseau pensant ?
- Speaker #1
C'est ça. L'image est forte. On est fragile physiquement. Un rien peut nous écraser dans l'univers. Oui. Mais en même temps, notre pensée nous rend immense. On peut comprendre cet univers qui nous dépasse. C'est cette dualité, cette conscience de notre petitesse et de notre grandeur.
- Speaker #0
Et Jacquard, lui, il ajoute quelque chose avec son idée d'humanitude. Oui,
- Speaker #1
il affine. Pour lui, ce qui nous fait vraiment humains, ce n'est pas juste la biologie, le génome. C'est tout ce qu'on construit ensemble. La culture, le langage, les savoirs.
- Speaker #0
L'héritage collectif, en quelque sorte.
- Speaker #1
Exactement. C'est ce processus qui transforme le petit d'homme. En membre de l'humanité, ça dépasse la simple nature biologique.
- Speaker #0
Intéressant. Et Rousseau, avec sa perfectibilité, il pointe aussi une spécificité humaine.
- Speaker #1
Tout à fait. Cette capacité qu'on a d'évoluer, de changer, contrairement à l'animal qui lui est plutôt guidé par l'instinct. Mais attention, Rousseau dit que c'est à double tranchant. C'est la source de nos progrès, certes, mais potentiellement aussi de nos malheurs, parce que ça nous éloignerait d'un état de nature, idéalisé, il faut bien le dire.
- Speaker #0
D'accord. Et Sartre, alors lui ? Il va encore plus loin, non ? Il refuse l'idée même de nature humaine.
- Speaker #1
Complètement. Pour Sartre, l'existence précède l'essence. Ça veut dire quoi ? Qu'on n'arrive pas au monde avec un mode d'emploi, une définition toute faite.
- Speaker #0
On existe, point. Et après ?
- Speaker #1
Et après, c'est à nous de jouer. On s'est défini par nos choix, par nos actes. On est ce qu'on fait de nous, totalement libre et donc totalement responsable dans le cadre de ce qu'il appelle la condition humaine. Être là, travailler, vivre avec les autres. mourir. Ça, c'est universel.
- Speaker #0
Une liberté radicale, qui contraste fort avec la vision de Descartes, si je me souviens bien. Lui, il sait partout.
- Speaker #1
Ah oui, Descartes, c'est une autre histoire. Le fameux « je pense donc je suis » , ça fonde une séparation nette. L'homme, c'est le sujet qui pense, la nature, c'est l'objet, une sorte de grande machine qu'on peut analyser, comprendre.
- Speaker #0
Et maîtriser. C'est là qu'intervient l'idée d'être comme maître et possesseur de la nature.
- Speaker #1
Exactement. Une idée qui a eu, on le voit bien aujourd'hui, d'énormes conséquences.
- Speaker #0
Mais Spinoza n'était pas du tout d'accord avec ça, hein ?
- Speaker #1
Pas du tout. Pour Spinoza, cette séparation est illusoire. Il dit « Dieu ou la nature, Deus sive natura, c'est une seule et même réalité, une substance unique. »
- Speaker #0
Donc l'homme n'est pas à part.
- Speaker #1
Non, il fait partie intégrante de ce tout. Il n'est pas un empire dans un empire, comme il dit. Il n'y a pas à dominer, mais à comprendre notre place dans cet ordre naturel, qui est aussi divin pour lui. Il parle de nature naturante, la force créatrice, et de nature naturée, ce qui est créé.
- Speaker #0
Bon, on voit bien deux visions opposées, séparer et mettre, ou intégrer et participant. Comment ça se traduit en attitude concrète ?
- Speaker #1
Eh bien, plusieurs écoles. On a les cyniques, par exemple. Eux, c'était radical. Rejet des conventions sociales, retour à une vie simple, quasi animale parfois, pour être en accord avec les besoins naturels fondamentaux.
- Speaker #0
Et les stoïciens ? C'était différent, non ?
- Speaker #1
Il parlait de raison. Oui,
- Speaker #0
pour les stoïciens, vivre selon la nature, c'est vivre selon la raison. Car la raison est notre nature propre, et elle participe du logos, de la raison universelle, qui gouverne le cosmos. Donc il faut accepter cet ordre, cultiver la vertu, c'est ça, vivre en accord avec la nature.
- Speaker #1
Mais tout le monde n'est pas convaincu par cette harmonie raisonnable. Nietzsche, par exemple.
- Speaker #0
Ah, Nietzsche, lui, il trouve ça un peu naïf, disons. Pour lui, la nature, elle s'en fiche de nos idéaux. Elle est indifférente. sans pitié ni justice.
- Speaker #1
Donc vouloir s'y conformer, ça n'a pas de sens. Pour Niche, non. Vivre vraiment, c'est au contraire affirmer sa différence, créer ses valeurs, évaluer, préférer. C'est être injuste, dans le sens où on ne se soumet pas passivement à un ordre supposé.
- Speaker #0
Ça remet en question l'idée d'un retour à la nature, qu'on idéalise souvent, comme chez Rousseau, qui décrit un état de nature idyllique avant la corruption sociale.
- Speaker #1
Oui, mais là encore, il y a débat. Dolbach, par exemple, répond que l'état sauvage, c'est plutôt la misère, l'ignorance, que la civilisation, malgré ses défauts, vaut mieux.
- Speaker #0
Et Merle Ponty, il essaye de dépasser cette opposition-là.
- Speaker #1
Exactement. Pour lui, c'est impossible de démêler nature et culture en nous. Sa formule est parlante, tout est fabriqué et tout est naturel chez l'homme. On est les deux à la fois, indissociablement.
- Speaker #0
Et ça nous ramène à aujourd'hui, à notre époque, l'anthropocène, où notre impact devenu tellement massif, La question de la responsabilité devient brûlante, non ?
- Speaker #1
C'est une menace réelle.
- Speaker #0
Oui, c'est la question centrale maintenant. Hans Jonas, avec son principe responsabilité, apporte une réponse éthique forte.
- Speaker #1
C'est-à-dire ?
- Speaker #0
C'est un nouvel impératif. On doit agir de façon à ce que les conséquences de nos actions soient compatibles avec la survie d'une vie authentiquement humaine sur Terre. Pensez aux générations futures, à la fragilité de la nature qu'on met en danger.
- Speaker #1
Et contrairement ? Comment on fait ?
- Speaker #0
Michel Serres propose une piste avec le contrat naturel.
- Speaker #1
C'est ça. L'idée, c'est de passer d'une relation de parasite, on prend sans rien donner en retour, à une relation de symbiote.
- Speaker #0
Une relation de réciprocité.
- Speaker #1
Voilà. De respect, d'écoute mutuelle. La nature n'est plus juste une ressource à exploiter, mais un partenaire. On voit même cette idée commencer à infuser le droit, avec des fleuves ou la terre-mer qui obtiennent... une forme de personnalité juridique dans certains pays.
- Speaker #0
C'est fascinant. Donc, pour résumer un peu, la philo nous montre que ce rapport homme-nature, c'est une question qui n'a jamais cessé d'être posée et qui évolue. Dedans, dehors, maître, gardien.
- Speaker #1
Partenaire peut-être. Et surtout, aujourd'hui, quelle responsabilité on accepte d'avoir face aux défis écologiques, face à cette menace qu'on représente pour la planète et finalement pour nous-mêmes ?
- Speaker #0
Si. comme le disait Merleau-Ponty ou le biologiste François Jacob, notre nature, c'est précisément d'être des êtres de culture, d'apprendre, de créer.
- Speaker #1
Alors, le vrai défi, ce n'est peut-être pas tant de revenir à une nature fantasmée, qui n'a peut-être jamais existé telle qu'elle.
- Speaker #0
Mais plutôt de créer une culture des savoirs, des techniques, une éthique qui intègre vraiment notre interdépendance fondamentale avec le monde vivant. Incarner ce contrat naturel de serre, en quelque sorte.
- Speaker #1
Oui. Et ça demande de dépasser cette tendance que Lévi-Strauss appelait « barbare » . Rejeter ce qui est différent de nous, y compris le non-humain. Reconnaître qu'on fait partie d'un tout bien plus vaste.
- Speaker #0
Une réflexion essentielle, c'est clair, et plus urgente que jamais.