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L'Oreille qui lit !

Les Racines du Présent : L'HUMANISME

Les Racines du Présent : L'HUMANISME

10min |28/11/2025|

154

Play
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Description

Vous révisez votre Bac de Français ? Vous préparez un partiel d'Histoire ou de Littérature ? Ou vous voulez simplement comprendre comment l'Europe est passée du Moyen Âge à la Modernité ?

Bienvenue dans cet épisode spécial des Racines du Présent ! 🚀

Oubliez l'image poussiéreuse des vieux savants en bibliothèque. Au XVIe siècle, l'Humanisme, c'est une véritable révolution technologique et intellectuelle. C'est le moment où l'Europe change de "logiciel mental" pour placer l'Homme au centre du jeu.

Dans cet épisode audio (format cours accéléré), nous décortiquons :

📜 Le contexte explosif : Comment l'imprimerie et la chute de Constantinople ont tout déclenché.

🧠 Le "Mindset" Humaniste : Pourquoi le retour aux textes antiques est un acte de rébellion (la philologie).

👥 Les 3 Générations clés à connaître pour vos copies :

Les Géants (1515-1550) : L'optimisme d'Érasme et de Rabelais ("Science sans conscience...").

Les Poètes (1550) : La Pléiade (Ronsard, Du Bellay) et le "hacks" de la langue française.

Les Critiques (Fin de siècle) : La claque politique de La Boétie (Servitude volontaire) et le scepticisme moderne de Montaigne ("Que sais-je ?").

Pourquoi écouter ? En 10 minutes, vous aurez les citations clés, les dates charnières et les concepts philosophiques essentiels (Dignitas hominis, Studia humanitatis) pour cartonner à l'oral ou à l'écrit.


Suivez-nous sur YouTube : SOS bac français et philo

sur le web : francais-philo.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans les racines du présent. Aujourd'hui, on s'attaque à un monstre sacré. Un sujet que vous pensez connaître parce que vous avez vu le mot dans vos manuels scolaires, mais qu'on va redécouvrir ensemble sous un autre angle. On va parler de l'humanisme. On a souvent cette image cliché. Des hommes barbus, peints de profil, la plume d'eau à la main, enfermés dans des bibliothèques poussiéreuses. Mais l'humanisme, c'est l'inverse de ça, c'est une explosion. C'est le moment, au XVIe siècle, où l'Europe décide de changer intégralement de logiciel mental. C'est une rupture totale avec le Moyen-Âge. Mais avant de plonger, petite précision de vocabulaire, et ça c'est pour votre culture générale. Le mot humanisme est un anachronisme. Il a été inventé au XIXe siècle. Les gars du XVIe siècle, eux, se faisaient appeler les humanistas. Tout simplement parce qu'ils étaient passionnés par l'estudia humanitatis, l'étude des humanités. Leur conviction intime, c'est que cette étude rend l'homme littéralement plus humain. Comme le disait très bien l'historien Jean Sehar. Si flou que soit le terme, l'humanisme ne peut être caractérisé que comme un esprit. Et c'est cet esprit, cette soif de savoir et d'épanouissement qu'on va décortiquer maintenant. D'abord... il faut comprendre que ce mouvement n'est pas né de nulle part. Ex nihilo. Il a fallu un alignement des planètes exceptionnels. Quatre grands bouleversements ont préparé le terrain. Premièrement, la révolution technologique. Vers 1450, Johannes Gutenberg invente l'imprimerie. C'est le Big Bang. Avant, le savoir était cher et verrouillé par l'Église. Avec le livre imprimé, le savoir se diffuse, il se laïcise. On peut enfin lire tout seul, chez soi, et surtout développer un esprit critique. Deuxièmement, le choc géopolitique. En 1453, Constantinople tombe aux mains des Turcs ottomans. C'est terrible pour la ville, mais pour l'Italie c'est une aubaine. Plein de savants byzantins s'y réfugient avec leurs manuscrits grecs sous le bras. Résultat ? On peut enfin lire les textes antiques dans la version originale. Troisièmement, l'élargissement du monde. Les grandes découvertes et surtout 1492 avec les Amériques. Imaginez le choc mental. La Bible n'avait pas tout dit. Il y a d'autres terres, d'autres civilisations. Sa force a repensé totalement sa vision de l'univers et son rapport à l'altérité. Et enfin, quatrièmement, le coup de pouce politique. Les humanistes ont besoin de protecteurs. En France, le boss, c'est François Ier. Conseillé par l'érudit Guillaume Budé, il fait un truc génial en 1530. Il fonde le Collège des lecteurs royaux. L'ancêtre du Collège de France. Le but ? Enseigner le grec, le latin, l'hébreu. C'est une machine de guerre moderne contre l'enseignement ultra conservateur de la Sorbonne. Voilà pour le décor. Maintenant, qu'est-ce qu'ils ont dans la tête ? C'est quoi les piliers de ce nouveau logiciel ? Il y en a quatre principaux. Le premier pilier, c'est le retour aux sources. Les humanistes en ont marre des commentaires du Moyen-Âge qui déforment tout. Ils veulent boire à la source. Ils inventent une science, la philologie. Le but est de nettoyer les textes pour retrouver leur sens authentique. Erasme, la superstar de l'époque, le résume parfaitement. C'est aux sources mêmes que l'on puise la pure doctrine. Le deuxième pilier, c'est une foi nouvelle en l'homme. Au Moyen-Âge, on vous répétait que l'homme était marqué par le péché originel. L'humanisme change la donne. On parle de dignita homini, la dignité de l'homme. On le voit comme un être doué de raison et de libre arbitre. Le philosophe Pic de la Mirandole va même dire que l'homme est libre de façonner sa propre forme. Mais attention, ce n'est pas un optimisme naïf. Ils sont lucides sur la misère de la condition humaine. Toute la pensée du siècle va osciller entre ces deux pôles, la grandeur dignitas et la misère, miseria. Le troisième pilier, c'est une nouvelle pédagogie. Puisqu'on veut créer un homme nouveau, il faut changer l'école. Les humanistes détestent l'enseignement médiéval basé sur le par cœur, qu'ils trouvent abrutissant. Ils veulent un enseignement basé sur la nature, la raison, l'expérimentation. Ils veulent un équilibre, l'exercice du corps et celui de l'esprit. Une tête bien faite dans un corps sain. Enfin, le dernier pilier, c'est l'affirmation des langues nationales. C'est paradoxal. Ils adorent le latin, mais ils veulent promouvoir le vulgaire, c'est-à-dire le français. C'est politique. En 1539, l'ordonnance de Villers-Cotterêts impose le français dans l'administration. Et en 1549, on a le manifeste de la Pléiade, la défense et illustration de la langue française. L'objectif est clair, faire du français une grande langue de culture. Ce mouvement va évoluer. On peut le découper en trois générations, comme trois saisons d'une série. La première génération... 1515 à 1550, c'est l'âge des géants. Ici, l'ambiance est à l'optimisme conquérant. La figure de Proulx, c'est Erasme de Rotterdam. Le citoyen du monde ! Avec son éloge de la folie, il se moque des institutions et des mauvais théologiens. Mais c'est aussi un croyant qui traduit le Nouveau Testament du grec pour revenir à un christianisme purifié. En France, son héritier spirituel, c'est François Rabelais. C'est la synthèse parfaite. Il appelle d'ailleurs Erasme, mon père. Dans Pentagruel, 1532, et Gargantua, 1534, Rabelais met en scène des géants pour illustrer la fin de savoir. Rappelez-vous de la lettre de Gargantua à son fils. Il lui propose un programme encyclopédique. Il veut qu'il soit un abîme de science. Il critique aussi férocement les sorbonicoles, les profs de la Sorbonne. Et il propose une utopie, où la seule règle est « fais ce que voudras » . des gens libres et bien éduqués, vivent en harmonie. Mais Rabelais, ce n'est pas que la fête. Il nous laisse cette formule culte qui tempère tout. Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. Le savoir doit avoir une morale. La deuxième génération, vers 1550, place aux poètes. C'est le moment de la Pléiade, Joachim du Bélet et Pierre de Ronsard. Leur bible, c'est la défense et illustration de la langue française. C'est une déclaration de guerre au passé. On fait table rase des vieilles formes médiévales, les rondos, les balades. Et on impose des genres nobles antiques, l'ode, l'épopée ou italien, le sonnet. Leur méthode est géniale, l'imitation créatrice. Ronsard utilise la métaphore de l'abeille, le poète butine les fleurs antiques, mais il les digère pour faire son propre miel. C'est ce qu'ils appellent l'inutrition. La fin du siècle et l'humanisme critique. A partir de 1562, c'est la catastrophe. Les guerres de religion ensanglantent le pays. La barbarie est de retour. L'optimisme du début du siècle s'effondre. Mais c'est dans ce chaos... que l'humanisme va devenir plus politique et plus profond. Ici, impossible de ne pas parler d'un météore, Étienne de la Boétie. C'est un pur produit de l'éducation humaniste, brillant héléniste, nourri de références antiques. Il meurt très jeune, mais il laisse un texte explosif, écrit à peine sorti de l'adolescence. Le discours de la servitude volontaire. C'est une claque, Étienne de la Boétie. Il pose une question simple. Pourquoi des millions d'hommes obéissent-ils à un seul tyran ? Sa réponse est révolutionnaire. Ce n'est pas par peur, c'est par habitude. C'est parce qu'ils sont vols. Le pouvoir du tyran ne vient que du consentement du peuple. Il lâche cette phrase incroyable pour l'époque. Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres. Avec la Boétie, l'humanisme devient une arme politique contre l'absolutisme. Et qui est le meilleur ami de la Boétie ? C'est Michel de Montaigne. Leur amitié est légendaire. Et on se souvient de la célèbre formule de Montaigne, parce que c'était lui, parce que c'était moi. Montaigne va survivre à son ami et porter l'humanisme à son aboutissement. Avec ses essais, il ne cherche plus le savoir absolu, il se cherche lui-même. « Je suis moi-même, la matière de mon livre » , écrit-il. Mais en s'analysant, il analyse l'humaine condition. Face à la violence des dogmes religieux, il oppose le doute. Sa devise, que sais-je, il préfère une tête bien faite à une tête... bien pleine. Et surtout, il est d'une modernité folle sur l'altérité. En parlant des cannibales du nouveau monde, il critique sa propre société européenne violente, à laquelle il rappelle « chacun appelle barbarie, ce qui n'est pas de son usage » . C'est la naissance du relativisme culturel. Alors, pour conclure ce dossier, que reste-t-il de tout ça aujourd'hui ? Est-ce que c'est juste de l'histoire ancienne ? Absolument pas. L'héritage est colossal. Si aujourd'hui, notre école cherche à former des esprits critiques et autonomes plutôt que des perroquets, c'est grâce à eux. Si on parle de droit de l'homme, de dignité individuelle, de liberté de conscience, ça vient de cette dignita homini. Si la science moderne repose sur le doute méthodique et la vérification des sources, c'est l'héritage de leur philologie. Et enfin, notre conception de la culture comme un dialogue avec les œuvres du passé est aussi purement humaniste. L'humanisme du XVIe siècle C'était une révolution. Même si elle s'éteurtait à la violence des guerres de religion, elle a posé les bases de notre modernité. Les questions qu'il se posait sur la place de l'homme, le rôle du savoir et la vie bonne, eh bien ce sont toujours les nôtres. Au XXe, Albert Camus sera le grand représentant de l'humanisme, mais un humanisme sans Dieu. Merci d'avoir écouté cet épisode des Racines du Présent. A très vite.

Description

Vous révisez votre Bac de Français ? Vous préparez un partiel d'Histoire ou de Littérature ? Ou vous voulez simplement comprendre comment l'Europe est passée du Moyen Âge à la Modernité ?

Bienvenue dans cet épisode spécial des Racines du Présent ! 🚀

Oubliez l'image poussiéreuse des vieux savants en bibliothèque. Au XVIe siècle, l'Humanisme, c'est une véritable révolution technologique et intellectuelle. C'est le moment où l'Europe change de "logiciel mental" pour placer l'Homme au centre du jeu.

Dans cet épisode audio (format cours accéléré), nous décortiquons :

📜 Le contexte explosif : Comment l'imprimerie et la chute de Constantinople ont tout déclenché.

🧠 Le "Mindset" Humaniste : Pourquoi le retour aux textes antiques est un acte de rébellion (la philologie).

👥 Les 3 Générations clés à connaître pour vos copies :

Les Géants (1515-1550) : L'optimisme d'Érasme et de Rabelais ("Science sans conscience...").

Les Poètes (1550) : La Pléiade (Ronsard, Du Bellay) et le "hacks" de la langue française.

Les Critiques (Fin de siècle) : La claque politique de La Boétie (Servitude volontaire) et le scepticisme moderne de Montaigne ("Que sais-je ?").

Pourquoi écouter ? En 10 minutes, vous aurez les citations clés, les dates charnières et les concepts philosophiques essentiels (Dignitas hominis, Studia humanitatis) pour cartonner à l'oral ou à l'écrit.


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  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans les racines du présent. Aujourd'hui, on s'attaque à un monstre sacré. Un sujet que vous pensez connaître parce que vous avez vu le mot dans vos manuels scolaires, mais qu'on va redécouvrir ensemble sous un autre angle. On va parler de l'humanisme. On a souvent cette image cliché. Des hommes barbus, peints de profil, la plume d'eau à la main, enfermés dans des bibliothèques poussiéreuses. Mais l'humanisme, c'est l'inverse de ça, c'est une explosion. C'est le moment, au XVIe siècle, où l'Europe décide de changer intégralement de logiciel mental. C'est une rupture totale avec le Moyen-Âge. Mais avant de plonger, petite précision de vocabulaire, et ça c'est pour votre culture générale. Le mot humanisme est un anachronisme. Il a été inventé au XIXe siècle. Les gars du XVIe siècle, eux, se faisaient appeler les humanistas. Tout simplement parce qu'ils étaient passionnés par l'estudia humanitatis, l'étude des humanités. Leur conviction intime, c'est que cette étude rend l'homme littéralement plus humain. Comme le disait très bien l'historien Jean Sehar. Si flou que soit le terme, l'humanisme ne peut être caractérisé que comme un esprit. Et c'est cet esprit, cette soif de savoir et d'épanouissement qu'on va décortiquer maintenant. D'abord... il faut comprendre que ce mouvement n'est pas né de nulle part. Ex nihilo. Il a fallu un alignement des planètes exceptionnels. Quatre grands bouleversements ont préparé le terrain. Premièrement, la révolution technologique. Vers 1450, Johannes Gutenberg invente l'imprimerie. C'est le Big Bang. Avant, le savoir était cher et verrouillé par l'Église. Avec le livre imprimé, le savoir se diffuse, il se laïcise. On peut enfin lire tout seul, chez soi, et surtout développer un esprit critique. Deuxièmement, le choc géopolitique. En 1453, Constantinople tombe aux mains des Turcs ottomans. C'est terrible pour la ville, mais pour l'Italie c'est une aubaine. Plein de savants byzantins s'y réfugient avec leurs manuscrits grecs sous le bras. Résultat ? On peut enfin lire les textes antiques dans la version originale. Troisièmement, l'élargissement du monde. Les grandes découvertes et surtout 1492 avec les Amériques. Imaginez le choc mental. La Bible n'avait pas tout dit. Il y a d'autres terres, d'autres civilisations. Sa force a repensé totalement sa vision de l'univers et son rapport à l'altérité. Et enfin, quatrièmement, le coup de pouce politique. Les humanistes ont besoin de protecteurs. En France, le boss, c'est François Ier. Conseillé par l'érudit Guillaume Budé, il fait un truc génial en 1530. Il fonde le Collège des lecteurs royaux. L'ancêtre du Collège de France. Le but ? Enseigner le grec, le latin, l'hébreu. C'est une machine de guerre moderne contre l'enseignement ultra conservateur de la Sorbonne. Voilà pour le décor. Maintenant, qu'est-ce qu'ils ont dans la tête ? C'est quoi les piliers de ce nouveau logiciel ? Il y en a quatre principaux. Le premier pilier, c'est le retour aux sources. Les humanistes en ont marre des commentaires du Moyen-Âge qui déforment tout. Ils veulent boire à la source. Ils inventent une science, la philologie. Le but est de nettoyer les textes pour retrouver leur sens authentique. Erasme, la superstar de l'époque, le résume parfaitement. C'est aux sources mêmes que l'on puise la pure doctrine. Le deuxième pilier, c'est une foi nouvelle en l'homme. Au Moyen-Âge, on vous répétait que l'homme était marqué par le péché originel. L'humanisme change la donne. On parle de dignita homini, la dignité de l'homme. On le voit comme un être doué de raison et de libre arbitre. Le philosophe Pic de la Mirandole va même dire que l'homme est libre de façonner sa propre forme. Mais attention, ce n'est pas un optimisme naïf. Ils sont lucides sur la misère de la condition humaine. Toute la pensée du siècle va osciller entre ces deux pôles, la grandeur dignitas et la misère, miseria. Le troisième pilier, c'est une nouvelle pédagogie. Puisqu'on veut créer un homme nouveau, il faut changer l'école. Les humanistes détestent l'enseignement médiéval basé sur le par cœur, qu'ils trouvent abrutissant. Ils veulent un enseignement basé sur la nature, la raison, l'expérimentation. Ils veulent un équilibre, l'exercice du corps et celui de l'esprit. Une tête bien faite dans un corps sain. Enfin, le dernier pilier, c'est l'affirmation des langues nationales. C'est paradoxal. Ils adorent le latin, mais ils veulent promouvoir le vulgaire, c'est-à-dire le français. C'est politique. En 1539, l'ordonnance de Villers-Cotterêts impose le français dans l'administration. Et en 1549, on a le manifeste de la Pléiade, la défense et illustration de la langue française. L'objectif est clair, faire du français une grande langue de culture. Ce mouvement va évoluer. On peut le découper en trois générations, comme trois saisons d'une série. La première génération... 1515 à 1550, c'est l'âge des géants. Ici, l'ambiance est à l'optimisme conquérant. La figure de Proulx, c'est Erasme de Rotterdam. Le citoyen du monde ! Avec son éloge de la folie, il se moque des institutions et des mauvais théologiens. Mais c'est aussi un croyant qui traduit le Nouveau Testament du grec pour revenir à un christianisme purifié. En France, son héritier spirituel, c'est François Rabelais. C'est la synthèse parfaite. Il appelle d'ailleurs Erasme, mon père. Dans Pentagruel, 1532, et Gargantua, 1534, Rabelais met en scène des géants pour illustrer la fin de savoir. Rappelez-vous de la lettre de Gargantua à son fils. Il lui propose un programme encyclopédique. Il veut qu'il soit un abîme de science. Il critique aussi férocement les sorbonicoles, les profs de la Sorbonne. Et il propose une utopie, où la seule règle est « fais ce que voudras » . des gens libres et bien éduqués, vivent en harmonie. Mais Rabelais, ce n'est pas que la fête. Il nous laisse cette formule culte qui tempère tout. Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. Le savoir doit avoir une morale. La deuxième génération, vers 1550, place aux poètes. C'est le moment de la Pléiade, Joachim du Bélet et Pierre de Ronsard. Leur bible, c'est la défense et illustration de la langue française. C'est une déclaration de guerre au passé. On fait table rase des vieilles formes médiévales, les rondos, les balades. Et on impose des genres nobles antiques, l'ode, l'épopée ou italien, le sonnet. Leur méthode est géniale, l'imitation créatrice. Ronsard utilise la métaphore de l'abeille, le poète butine les fleurs antiques, mais il les digère pour faire son propre miel. C'est ce qu'ils appellent l'inutrition. La fin du siècle et l'humanisme critique. A partir de 1562, c'est la catastrophe. Les guerres de religion ensanglantent le pays. La barbarie est de retour. L'optimisme du début du siècle s'effondre. Mais c'est dans ce chaos... que l'humanisme va devenir plus politique et plus profond. Ici, impossible de ne pas parler d'un météore, Étienne de la Boétie. C'est un pur produit de l'éducation humaniste, brillant héléniste, nourri de références antiques. Il meurt très jeune, mais il laisse un texte explosif, écrit à peine sorti de l'adolescence. Le discours de la servitude volontaire. C'est une claque, Étienne de la Boétie. Il pose une question simple. Pourquoi des millions d'hommes obéissent-ils à un seul tyran ? Sa réponse est révolutionnaire. Ce n'est pas par peur, c'est par habitude. C'est parce qu'ils sont vols. Le pouvoir du tyran ne vient que du consentement du peuple. Il lâche cette phrase incroyable pour l'époque. Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres. Avec la Boétie, l'humanisme devient une arme politique contre l'absolutisme. Et qui est le meilleur ami de la Boétie ? C'est Michel de Montaigne. Leur amitié est légendaire. Et on se souvient de la célèbre formule de Montaigne, parce que c'était lui, parce que c'était moi. Montaigne va survivre à son ami et porter l'humanisme à son aboutissement. Avec ses essais, il ne cherche plus le savoir absolu, il se cherche lui-même. « Je suis moi-même, la matière de mon livre » , écrit-il. Mais en s'analysant, il analyse l'humaine condition. Face à la violence des dogmes religieux, il oppose le doute. Sa devise, que sais-je, il préfère une tête bien faite à une tête... bien pleine. Et surtout, il est d'une modernité folle sur l'altérité. En parlant des cannibales du nouveau monde, il critique sa propre société européenne violente, à laquelle il rappelle « chacun appelle barbarie, ce qui n'est pas de son usage » . C'est la naissance du relativisme culturel. Alors, pour conclure ce dossier, que reste-t-il de tout ça aujourd'hui ? Est-ce que c'est juste de l'histoire ancienne ? Absolument pas. L'héritage est colossal. Si aujourd'hui, notre école cherche à former des esprits critiques et autonomes plutôt que des perroquets, c'est grâce à eux. Si on parle de droit de l'homme, de dignité individuelle, de liberté de conscience, ça vient de cette dignita homini. Si la science moderne repose sur le doute méthodique et la vérification des sources, c'est l'héritage de leur philologie. Et enfin, notre conception de la culture comme un dialogue avec les œuvres du passé est aussi purement humaniste. L'humanisme du XVIe siècle C'était une révolution. Même si elle s'éteurtait à la violence des guerres de religion, elle a posé les bases de notre modernité. Les questions qu'il se posait sur la place de l'homme, le rôle du savoir et la vie bonne, eh bien ce sont toujours les nôtres. Au XXe, Albert Camus sera le grand représentant de l'humanisme, mais un humanisme sans Dieu. Merci d'avoir écouté cet épisode des Racines du Présent. A très vite.

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Oubliez l'image poussiéreuse des vieux savants en bibliothèque. Au XVIe siècle, l'Humanisme, c'est une véritable révolution technologique et intellectuelle. C'est le moment où l'Europe change de "logiciel mental" pour placer l'Homme au centre du jeu.

Dans cet épisode audio (format cours accéléré), nous décortiquons :

📜 Le contexte explosif : Comment l'imprimerie et la chute de Constantinople ont tout déclenché.

🧠 Le "Mindset" Humaniste : Pourquoi le retour aux textes antiques est un acte de rébellion (la philologie).

👥 Les 3 Générations clés à connaître pour vos copies :

Les Géants (1515-1550) : L'optimisme d'Érasme et de Rabelais ("Science sans conscience...").

Les Poètes (1550) : La Pléiade (Ronsard, Du Bellay) et le "hacks" de la langue française.

Les Critiques (Fin de siècle) : La claque politique de La Boétie (Servitude volontaire) et le scepticisme moderne de Montaigne ("Que sais-je ?").

Pourquoi écouter ? En 10 minutes, vous aurez les citations clés, les dates charnières et les concepts philosophiques essentiels (Dignitas hominis, Studia humanitatis) pour cartonner à l'oral ou à l'écrit.


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  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans les racines du présent. Aujourd'hui, on s'attaque à un monstre sacré. Un sujet que vous pensez connaître parce que vous avez vu le mot dans vos manuels scolaires, mais qu'on va redécouvrir ensemble sous un autre angle. On va parler de l'humanisme. On a souvent cette image cliché. Des hommes barbus, peints de profil, la plume d'eau à la main, enfermés dans des bibliothèques poussiéreuses. Mais l'humanisme, c'est l'inverse de ça, c'est une explosion. C'est le moment, au XVIe siècle, où l'Europe décide de changer intégralement de logiciel mental. C'est une rupture totale avec le Moyen-Âge. Mais avant de plonger, petite précision de vocabulaire, et ça c'est pour votre culture générale. Le mot humanisme est un anachronisme. Il a été inventé au XIXe siècle. Les gars du XVIe siècle, eux, se faisaient appeler les humanistas. Tout simplement parce qu'ils étaient passionnés par l'estudia humanitatis, l'étude des humanités. Leur conviction intime, c'est que cette étude rend l'homme littéralement plus humain. Comme le disait très bien l'historien Jean Sehar. Si flou que soit le terme, l'humanisme ne peut être caractérisé que comme un esprit. Et c'est cet esprit, cette soif de savoir et d'épanouissement qu'on va décortiquer maintenant. D'abord... il faut comprendre que ce mouvement n'est pas né de nulle part. Ex nihilo. Il a fallu un alignement des planètes exceptionnels. Quatre grands bouleversements ont préparé le terrain. Premièrement, la révolution technologique. Vers 1450, Johannes Gutenberg invente l'imprimerie. C'est le Big Bang. Avant, le savoir était cher et verrouillé par l'Église. Avec le livre imprimé, le savoir se diffuse, il se laïcise. On peut enfin lire tout seul, chez soi, et surtout développer un esprit critique. Deuxièmement, le choc géopolitique. En 1453, Constantinople tombe aux mains des Turcs ottomans. C'est terrible pour la ville, mais pour l'Italie c'est une aubaine. Plein de savants byzantins s'y réfugient avec leurs manuscrits grecs sous le bras. Résultat ? On peut enfin lire les textes antiques dans la version originale. Troisièmement, l'élargissement du monde. Les grandes découvertes et surtout 1492 avec les Amériques. Imaginez le choc mental. La Bible n'avait pas tout dit. Il y a d'autres terres, d'autres civilisations. Sa force a repensé totalement sa vision de l'univers et son rapport à l'altérité. Et enfin, quatrièmement, le coup de pouce politique. Les humanistes ont besoin de protecteurs. En France, le boss, c'est François Ier. Conseillé par l'érudit Guillaume Budé, il fait un truc génial en 1530. Il fonde le Collège des lecteurs royaux. L'ancêtre du Collège de France. Le but ? Enseigner le grec, le latin, l'hébreu. C'est une machine de guerre moderne contre l'enseignement ultra conservateur de la Sorbonne. Voilà pour le décor. Maintenant, qu'est-ce qu'ils ont dans la tête ? C'est quoi les piliers de ce nouveau logiciel ? Il y en a quatre principaux. Le premier pilier, c'est le retour aux sources. Les humanistes en ont marre des commentaires du Moyen-Âge qui déforment tout. Ils veulent boire à la source. Ils inventent une science, la philologie. Le but est de nettoyer les textes pour retrouver leur sens authentique. Erasme, la superstar de l'époque, le résume parfaitement. C'est aux sources mêmes que l'on puise la pure doctrine. Le deuxième pilier, c'est une foi nouvelle en l'homme. Au Moyen-Âge, on vous répétait que l'homme était marqué par le péché originel. L'humanisme change la donne. On parle de dignita homini, la dignité de l'homme. On le voit comme un être doué de raison et de libre arbitre. Le philosophe Pic de la Mirandole va même dire que l'homme est libre de façonner sa propre forme. Mais attention, ce n'est pas un optimisme naïf. Ils sont lucides sur la misère de la condition humaine. Toute la pensée du siècle va osciller entre ces deux pôles, la grandeur dignitas et la misère, miseria. Le troisième pilier, c'est une nouvelle pédagogie. Puisqu'on veut créer un homme nouveau, il faut changer l'école. Les humanistes détestent l'enseignement médiéval basé sur le par cœur, qu'ils trouvent abrutissant. Ils veulent un enseignement basé sur la nature, la raison, l'expérimentation. Ils veulent un équilibre, l'exercice du corps et celui de l'esprit. Une tête bien faite dans un corps sain. Enfin, le dernier pilier, c'est l'affirmation des langues nationales. C'est paradoxal. Ils adorent le latin, mais ils veulent promouvoir le vulgaire, c'est-à-dire le français. C'est politique. En 1539, l'ordonnance de Villers-Cotterêts impose le français dans l'administration. Et en 1549, on a le manifeste de la Pléiade, la défense et illustration de la langue française. L'objectif est clair, faire du français une grande langue de culture. Ce mouvement va évoluer. On peut le découper en trois générations, comme trois saisons d'une série. La première génération... 1515 à 1550, c'est l'âge des géants. Ici, l'ambiance est à l'optimisme conquérant. La figure de Proulx, c'est Erasme de Rotterdam. Le citoyen du monde ! Avec son éloge de la folie, il se moque des institutions et des mauvais théologiens. Mais c'est aussi un croyant qui traduit le Nouveau Testament du grec pour revenir à un christianisme purifié. En France, son héritier spirituel, c'est François Rabelais. C'est la synthèse parfaite. Il appelle d'ailleurs Erasme, mon père. Dans Pentagruel, 1532, et Gargantua, 1534, Rabelais met en scène des géants pour illustrer la fin de savoir. Rappelez-vous de la lettre de Gargantua à son fils. Il lui propose un programme encyclopédique. Il veut qu'il soit un abîme de science. Il critique aussi férocement les sorbonicoles, les profs de la Sorbonne. Et il propose une utopie, où la seule règle est « fais ce que voudras » . des gens libres et bien éduqués, vivent en harmonie. Mais Rabelais, ce n'est pas que la fête. Il nous laisse cette formule culte qui tempère tout. Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. Le savoir doit avoir une morale. La deuxième génération, vers 1550, place aux poètes. C'est le moment de la Pléiade, Joachim du Bélet et Pierre de Ronsard. Leur bible, c'est la défense et illustration de la langue française. C'est une déclaration de guerre au passé. On fait table rase des vieilles formes médiévales, les rondos, les balades. Et on impose des genres nobles antiques, l'ode, l'épopée ou italien, le sonnet. Leur méthode est géniale, l'imitation créatrice. Ronsard utilise la métaphore de l'abeille, le poète butine les fleurs antiques, mais il les digère pour faire son propre miel. C'est ce qu'ils appellent l'inutrition. La fin du siècle et l'humanisme critique. A partir de 1562, c'est la catastrophe. Les guerres de religion ensanglantent le pays. La barbarie est de retour. L'optimisme du début du siècle s'effondre. Mais c'est dans ce chaos... que l'humanisme va devenir plus politique et plus profond. Ici, impossible de ne pas parler d'un météore, Étienne de la Boétie. C'est un pur produit de l'éducation humaniste, brillant héléniste, nourri de références antiques. Il meurt très jeune, mais il laisse un texte explosif, écrit à peine sorti de l'adolescence. Le discours de la servitude volontaire. C'est une claque, Étienne de la Boétie. Il pose une question simple. Pourquoi des millions d'hommes obéissent-ils à un seul tyran ? Sa réponse est révolutionnaire. Ce n'est pas par peur, c'est par habitude. C'est parce qu'ils sont vols. Le pouvoir du tyran ne vient que du consentement du peuple. Il lâche cette phrase incroyable pour l'époque. Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres. Avec la Boétie, l'humanisme devient une arme politique contre l'absolutisme. Et qui est le meilleur ami de la Boétie ? C'est Michel de Montaigne. Leur amitié est légendaire. Et on se souvient de la célèbre formule de Montaigne, parce que c'était lui, parce que c'était moi. Montaigne va survivre à son ami et porter l'humanisme à son aboutissement. Avec ses essais, il ne cherche plus le savoir absolu, il se cherche lui-même. « Je suis moi-même, la matière de mon livre » , écrit-il. Mais en s'analysant, il analyse l'humaine condition. Face à la violence des dogmes religieux, il oppose le doute. Sa devise, que sais-je, il préfère une tête bien faite à une tête... bien pleine. Et surtout, il est d'une modernité folle sur l'altérité. En parlant des cannibales du nouveau monde, il critique sa propre société européenne violente, à laquelle il rappelle « chacun appelle barbarie, ce qui n'est pas de son usage » . C'est la naissance du relativisme culturel. Alors, pour conclure ce dossier, que reste-t-il de tout ça aujourd'hui ? Est-ce que c'est juste de l'histoire ancienne ? Absolument pas. L'héritage est colossal. Si aujourd'hui, notre école cherche à former des esprits critiques et autonomes plutôt que des perroquets, c'est grâce à eux. Si on parle de droit de l'homme, de dignité individuelle, de liberté de conscience, ça vient de cette dignita homini. Si la science moderne repose sur le doute méthodique et la vérification des sources, c'est l'héritage de leur philologie. Et enfin, notre conception de la culture comme un dialogue avec les œuvres du passé est aussi purement humaniste. L'humanisme du XVIe siècle C'était une révolution. Même si elle s'éteurtait à la violence des guerres de religion, elle a posé les bases de notre modernité. Les questions qu'il se posait sur la place de l'homme, le rôle du savoir et la vie bonne, eh bien ce sont toujours les nôtres. Au XXe, Albert Camus sera le grand représentant de l'humanisme, mais un humanisme sans Dieu. Merci d'avoir écouté cet épisode des Racines du Présent. A très vite.

Description

Vous révisez votre Bac de Français ? Vous préparez un partiel d'Histoire ou de Littérature ? Ou vous voulez simplement comprendre comment l'Europe est passée du Moyen Âge à la Modernité ?

Bienvenue dans cet épisode spécial des Racines du Présent ! 🚀

Oubliez l'image poussiéreuse des vieux savants en bibliothèque. Au XVIe siècle, l'Humanisme, c'est une véritable révolution technologique et intellectuelle. C'est le moment où l'Europe change de "logiciel mental" pour placer l'Homme au centre du jeu.

Dans cet épisode audio (format cours accéléré), nous décortiquons :

📜 Le contexte explosif : Comment l'imprimerie et la chute de Constantinople ont tout déclenché.

🧠 Le "Mindset" Humaniste : Pourquoi le retour aux textes antiques est un acte de rébellion (la philologie).

👥 Les 3 Générations clés à connaître pour vos copies :

Les Géants (1515-1550) : L'optimisme d'Érasme et de Rabelais ("Science sans conscience...").

Les Poètes (1550) : La Pléiade (Ronsard, Du Bellay) et le "hacks" de la langue française.

Les Critiques (Fin de siècle) : La claque politique de La Boétie (Servitude volontaire) et le scepticisme moderne de Montaigne ("Que sais-je ?").

Pourquoi écouter ? En 10 minutes, vous aurez les citations clés, les dates charnières et les concepts philosophiques essentiels (Dignitas hominis, Studia humanitatis) pour cartonner à l'oral ou à l'écrit.


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans les racines du présent. Aujourd'hui, on s'attaque à un monstre sacré. Un sujet que vous pensez connaître parce que vous avez vu le mot dans vos manuels scolaires, mais qu'on va redécouvrir ensemble sous un autre angle. On va parler de l'humanisme. On a souvent cette image cliché. Des hommes barbus, peints de profil, la plume d'eau à la main, enfermés dans des bibliothèques poussiéreuses. Mais l'humanisme, c'est l'inverse de ça, c'est une explosion. C'est le moment, au XVIe siècle, où l'Europe décide de changer intégralement de logiciel mental. C'est une rupture totale avec le Moyen-Âge. Mais avant de plonger, petite précision de vocabulaire, et ça c'est pour votre culture générale. Le mot humanisme est un anachronisme. Il a été inventé au XIXe siècle. Les gars du XVIe siècle, eux, se faisaient appeler les humanistas. Tout simplement parce qu'ils étaient passionnés par l'estudia humanitatis, l'étude des humanités. Leur conviction intime, c'est que cette étude rend l'homme littéralement plus humain. Comme le disait très bien l'historien Jean Sehar. Si flou que soit le terme, l'humanisme ne peut être caractérisé que comme un esprit. Et c'est cet esprit, cette soif de savoir et d'épanouissement qu'on va décortiquer maintenant. D'abord... il faut comprendre que ce mouvement n'est pas né de nulle part. Ex nihilo. Il a fallu un alignement des planètes exceptionnels. Quatre grands bouleversements ont préparé le terrain. Premièrement, la révolution technologique. Vers 1450, Johannes Gutenberg invente l'imprimerie. C'est le Big Bang. Avant, le savoir était cher et verrouillé par l'Église. Avec le livre imprimé, le savoir se diffuse, il se laïcise. On peut enfin lire tout seul, chez soi, et surtout développer un esprit critique. Deuxièmement, le choc géopolitique. En 1453, Constantinople tombe aux mains des Turcs ottomans. C'est terrible pour la ville, mais pour l'Italie c'est une aubaine. Plein de savants byzantins s'y réfugient avec leurs manuscrits grecs sous le bras. Résultat ? On peut enfin lire les textes antiques dans la version originale. Troisièmement, l'élargissement du monde. Les grandes découvertes et surtout 1492 avec les Amériques. Imaginez le choc mental. La Bible n'avait pas tout dit. Il y a d'autres terres, d'autres civilisations. Sa force a repensé totalement sa vision de l'univers et son rapport à l'altérité. Et enfin, quatrièmement, le coup de pouce politique. Les humanistes ont besoin de protecteurs. En France, le boss, c'est François Ier. Conseillé par l'érudit Guillaume Budé, il fait un truc génial en 1530. Il fonde le Collège des lecteurs royaux. L'ancêtre du Collège de France. Le but ? Enseigner le grec, le latin, l'hébreu. C'est une machine de guerre moderne contre l'enseignement ultra conservateur de la Sorbonne. Voilà pour le décor. Maintenant, qu'est-ce qu'ils ont dans la tête ? C'est quoi les piliers de ce nouveau logiciel ? Il y en a quatre principaux. Le premier pilier, c'est le retour aux sources. Les humanistes en ont marre des commentaires du Moyen-Âge qui déforment tout. Ils veulent boire à la source. Ils inventent une science, la philologie. Le but est de nettoyer les textes pour retrouver leur sens authentique. Erasme, la superstar de l'époque, le résume parfaitement. C'est aux sources mêmes que l'on puise la pure doctrine. Le deuxième pilier, c'est une foi nouvelle en l'homme. Au Moyen-Âge, on vous répétait que l'homme était marqué par le péché originel. L'humanisme change la donne. On parle de dignita homini, la dignité de l'homme. On le voit comme un être doué de raison et de libre arbitre. Le philosophe Pic de la Mirandole va même dire que l'homme est libre de façonner sa propre forme. Mais attention, ce n'est pas un optimisme naïf. Ils sont lucides sur la misère de la condition humaine. Toute la pensée du siècle va osciller entre ces deux pôles, la grandeur dignitas et la misère, miseria. Le troisième pilier, c'est une nouvelle pédagogie. Puisqu'on veut créer un homme nouveau, il faut changer l'école. Les humanistes détestent l'enseignement médiéval basé sur le par cœur, qu'ils trouvent abrutissant. Ils veulent un enseignement basé sur la nature, la raison, l'expérimentation. Ils veulent un équilibre, l'exercice du corps et celui de l'esprit. Une tête bien faite dans un corps sain. Enfin, le dernier pilier, c'est l'affirmation des langues nationales. C'est paradoxal. Ils adorent le latin, mais ils veulent promouvoir le vulgaire, c'est-à-dire le français. C'est politique. En 1539, l'ordonnance de Villers-Cotterêts impose le français dans l'administration. Et en 1549, on a le manifeste de la Pléiade, la défense et illustration de la langue française. L'objectif est clair, faire du français une grande langue de culture. Ce mouvement va évoluer. On peut le découper en trois générations, comme trois saisons d'une série. La première génération... 1515 à 1550, c'est l'âge des géants. Ici, l'ambiance est à l'optimisme conquérant. La figure de Proulx, c'est Erasme de Rotterdam. Le citoyen du monde ! Avec son éloge de la folie, il se moque des institutions et des mauvais théologiens. Mais c'est aussi un croyant qui traduit le Nouveau Testament du grec pour revenir à un christianisme purifié. En France, son héritier spirituel, c'est François Rabelais. C'est la synthèse parfaite. Il appelle d'ailleurs Erasme, mon père. Dans Pentagruel, 1532, et Gargantua, 1534, Rabelais met en scène des géants pour illustrer la fin de savoir. Rappelez-vous de la lettre de Gargantua à son fils. Il lui propose un programme encyclopédique. Il veut qu'il soit un abîme de science. Il critique aussi férocement les sorbonicoles, les profs de la Sorbonne. Et il propose une utopie, où la seule règle est « fais ce que voudras » . des gens libres et bien éduqués, vivent en harmonie. Mais Rabelais, ce n'est pas que la fête. Il nous laisse cette formule culte qui tempère tout. Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. Le savoir doit avoir une morale. La deuxième génération, vers 1550, place aux poètes. C'est le moment de la Pléiade, Joachim du Bélet et Pierre de Ronsard. Leur bible, c'est la défense et illustration de la langue française. C'est une déclaration de guerre au passé. On fait table rase des vieilles formes médiévales, les rondos, les balades. Et on impose des genres nobles antiques, l'ode, l'épopée ou italien, le sonnet. Leur méthode est géniale, l'imitation créatrice. Ronsard utilise la métaphore de l'abeille, le poète butine les fleurs antiques, mais il les digère pour faire son propre miel. C'est ce qu'ils appellent l'inutrition. La fin du siècle et l'humanisme critique. A partir de 1562, c'est la catastrophe. Les guerres de religion ensanglantent le pays. La barbarie est de retour. L'optimisme du début du siècle s'effondre. Mais c'est dans ce chaos... que l'humanisme va devenir plus politique et plus profond. Ici, impossible de ne pas parler d'un météore, Étienne de la Boétie. C'est un pur produit de l'éducation humaniste, brillant héléniste, nourri de références antiques. Il meurt très jeune, mais il laisse un texte explosif, écrit à peine sorti de l'adolescence. Le discours de la servitude volontaire. C'est une claque, Étienne de la Boétie. Il pose une question simple. Pourquoi des millions d'hommes obéissent-ils à un seul tyran ? Sa réponse est révolutionnaire. Ce n'est pas par peur, c'est par habitude. C'est parce qu'ils sont vols. Le pouvoir du tyran ne vient que du consentement du peuple. Il lâche cette phrase incroyable pour l'époque. Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres. Avec la Boétie, l'humanisme devient une arme politique contre l'absolutisme. Et qui est le meilleur ami de la Boétie ? C'est Michel de Montaigne. Leur amitié est légendaire. Et on se souvient de la célèbre formule de Montaigne, parce que c'était lui, parce que c'était moi. Montaigne va survivre à son ami et porter l'humanisme à son aboutissement. Avec ses essais, il ne cherche plus le savoir absolu, il se cherche lui-même. « Je suis moi-même, la matière de mon livre » , écrit-il. Mais en s'analysant, il analyse l'humaine condition. Face à la violence des dogmes religieux, il oppose le doute. Sa devise, que sais-je, il préfère une tête bien faite à une tête... bien pleine. Et surtout, il est d'une modernité folle sur l'altérité. En parlant des cannibales du nouveau monde, il critique sa propre société européenne violente, à laquelle il rappelle « chacun appelle barbarie, ce qui n'est pas de son usage » . C'est la naissance du relativisme culturel. Alors, pour conclure ce dossier, que reste-t-il de tout ça aujourd'hui ? Est-ce que c'est juste de l'histoire ancienne ? Absolument pas. L'héritage est colossal. Si aujourd'hui, notre école cherche à former des esprits critiques et autonomes plutôt que des perroquets, c'est grâce à eux. Si on parle de droit de l'homme, de dignité individuelle, de liberté de conscience, ça vient de cette dignita homini. Si la science moderne repose sur le doute méthodique et la vérification des sources, c'est l'héritage de leur philologie. Et enfin, notre conception de la culture comme un dialogue avec les œuvres du passé est aussi purement humaniste. L'humanisme du XVIe siècle C'était une révolution. Même si elle s'éteurtait à la violence des guerres de religion, elle a posé les bases de notre modernité. Les questions qu'il se posait sur la place de l'homme, le rôle du savoir et la vie bonne, eh bien ce sont toujours les nôtres. Au XXe, Albert Camus sera le grand représentant de l'humanisme, mais un humanisme sans Dieu. Merci d'avoir écouté cet épisode des Racines du Présent. A très vite.

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