- Speaker #0
Une prise de parole réussie, c'est le fruit d'une multitude de facteurs bien maîtrisés. C'est aussi la garantie d'un bond en avant vers l'atteinte de vos objectifs. Pour vous aider à obtenir ces résultats, j'ai rassemblé les meilleurs experts, les Avengers de la parole. Chaque semaine, ils nous partagent leurs méthodes, leurs techniques et leurs conseils dans leur zone d'excellence. Cette zone, c'est la bulle des cheveux. Faut-il vraiment que je vous le présente encore ? Aujourd'hui, j'accueille à nouveau Lucas Hensler pour le quatrième et dernier épisode de notre série sur le triptyque rhétorique. Et bien évidemment, on a gardé le meilleur pour la fin puisqu'aujourd'hui, on va s'intéresser à l'éthos, le troisième pilier de la rhétorique. Et comme vous allez l'entendre, sur ce sujet, on a beaucoup de choses à vous dire avec Lucas. Qu'est-ce que c'est que l'éthos ? Comment l'activer ? Comment l'articuler avec les autres piliers ? On vous dit tout ! Mais je ne voudrais pas trop vous spoiler l'épisode, alors on accueille tout de suite Lucas. Salut Lucas, comment vas-tu ?
- Speaker #1
Et salut Jean-Corentin, ça va très bien et toi ?
- Speaker #0
Ça va super bien, comme d'habitude. Ravi de continuer avec toi et même de terminer cette série sur le très petit rhétorique. Quatre épisodes, il nous aura fallu quatre épisodes pour tout voir. Et en réalité, je pense qu'on pourrait encore dire bien des choses sur ce sujet. Mais il faut bien terminer un jour et donc... Aujourd'hui, on va, comme on le disait en intro, s'intéresser à l'éthos. Pour moi, je vais commencer par te donner ma définition. Tu me diras ensuite ce que tu en penses. Moi, ma définition de l'éthos, c'est que c'est en gros ce que dégage l'orateur. Moi, je le définis comme étant la crédibilité, la confiance, la sympathie que l'orateur inspire à son auditoire, ce qu'il montre à son auditoire et qui crée la connexion. Déjà, toi, qu'est-ce que tu en penses de cette définition ? Est-ce que ça te semble... complet ? Est-ce que c'est à côté de la plaque ou est-ce que tu aurais d'autres choses à rajouter ?
- Speaker #1
C'est exactement ça. L'éthos, en fait, c'est l'image qui est renvoyée par l'orateur, par l'oratrice au moment où il prend la parole et même avant et même après. En fait, pour expliquer un peu le terme parce qu'il n'est pas trop transparent, ce qui était le cas de logos, qui a donné logique, pathos, qui a donné pathétique, éthos, ça a donné éthique en français. Et qu'est-ce que c'est l'éthique ? L'éthique, c'est avant tout une matière de comportement. En gros, comment est-ce que tu vas te comporter, quelle image tu vas renvoyer à tel moment, au moment où tu prends la parole notamment, et c'est ça qui nous intéresse de ce point de vue-là. C'est pour ça qu'Aristote parle d'éthos à ce moment-là. Donc, on est sur une logique d'image, de ce qu'on renvoie au moment où on prend la parole. C'est pas forcément l'intériorité profonde de ce qu'on ressent au moment où on parle, c'est pas forcément ce qu'on est vraiment en soi, son identité, si tant est que ça existe, mais c'est le masque. d'une certaine manière le masque social qu'on met face aux autres et qui nous permet de jouer là-dessus pour renvoyer une image qui doit être, et tu l'as bien souligné, sympathique, crédible et qui inspire avant tout la confiance.
- Speaker #0
Ok, alors justement, ce masque, le masque que tu évoques, est-ce que c'est quelque chose qui se travaille finalement ou est-ce que c'est ce qu'on appelle le naturel, même si je n'aime pas trop ce mot-là, on va dire le fait de ne pas travailler quelque chose, d'être tel qu'on arrive.
- Speaker #1
Mais justement, en fait, le problème, c'est qu'on a tendance à confondre cette espèce d'aspiration naturelle avec une forme d'authenticité qui serait valorisée. Mais en réalité, la démarche rhétorique, elle a ce génie de te faire prendre conscience dans un premier temps que, en réalité, tu renvoies une image et donc que tu peux travailler sur cette image. Et le premier mouvement, c'est déjà de prendre conscience qu'on renvoie une image différente en fonction des gens auxquels on parle. Et alors, évidemment, il y a des endroits, des moments où on a l'impression d'être plus au naturel ou en tout cas où notre masque est moins... travailler. Par exemple quand on parle avec des amis, quand on est avec sa famille, avec ses proches, avec ses parents, avec ses enfants. Évidemment on est moins dans un jeu social, on est moins dans une image contrôlée comme on en a au travail, comme on en a face à d'autres personnes ou notamment quand on parle à un public. Mais dans tous les cas il y a quand même une forme de travail de notre image. On va de toute façon pas parler à tous nos proches de la même manière. Donc il faut... la première chose que la rhétorique de... te propose de faire, c'est déjà de prendre conscience de cette image. Et en prenant conscience, évidemment, tu rajoutes un nouveau levier dans tes actions. Un nouveau levier que tu vas pouvoir actionner selon l'image que tu veux renvoyer. Donc si tu as conscience que tu peux renvoyer une certaine image dans un certain contexte, évidemment, à partir de là, tu vas pouvoir jouer sur les différents éléments qui composent l'éthos et dont on va pouvoir parler maintenant.
- Speaker #0
Alors, parfaite transition, puisque tu y arrives directement. C'est quoi les éléments de cet éthos ?
- Speaker #1
Alors, la première... les premiers éléments qu'on peut mettre en avant ça va être des choses qui sont on va dire assez superficielles moi je décompose vraiment l'éthos en deux temps avec la face émergée de l'iceberg et puis la face immergée de l'iceberg La face émergée, ce qu'on voit à la surface, c'est des choses assez simples, comme la tenue vestimentaire, la tonalité que tu vas avoir, la posture que tu vas avoir, l'attitude que tu vas avoir au moment où tu parles. Est-ce que tu viens de manière nonchalante ? Est-ce que tu viens de manière totalement professionnelle ? Donc oui, les vêtements, on en a parlé. Toutes les mimiques que tu vas exprimer, toutes les expressions faciales que tu vas avoir, toutes ces choses-là qui vont renvoyer une certaine image au moment où tu parles. Ça fait pas mal de liens avec ce qu'on appelle les Charismatic Leadership Tactics, les CLT, qui sont justement tous ces éléments-là, dont le leader est censé avoir conscience au moment où il prend la parole. Ça, c'est la partie un peu émergée. Je ne sais pas si là, toi, tu veux rajouter d'autres éléments qui font partie de la partie émergée de l'iceberg ?
- Speaker #0
Alors, justement, moi, là-dessus, c'est marrant, on en a parlé un petit peu avant d'enregistrer. Moi, je le place en fait en parallèle de l'Ethos. C'est-à-dire que oui, ça participe à établir une autorité, donc une crédibilité, une confiance et éventuellement une sympathie, mais je le place comme un outil au service de l'éthos et pas comme un éthos direct. Parce que selon moi, ça peut jouer aussi sur le pathos, parce que si on incarne une émotion, il faut que le physique la montre, il faut que le physique l'incarne. On peut se servir aussi de la gestuelle pour appuyer la logique, parce qu'on va montrer quelque chose, on va montrer les étapes. Et donc, moi, je le place un peu à côté, finalement. C'est-à-dire que, oui, ça fait partie de l'éthos, mais finalement, pas plus que du reste. Donc, je trouve ça intéressant d'avoir cette image-là et de voir la nuance entre ce qui est dans l'élément et ce qui est dans l'outil au service de l'éthos. Je ne sais pas ce que tu en penses là-dessus.
- Speaker #1
En fait, c'est ça. L'éthos, c'est la stratégie d'image que tu veux mettre en place. C'est la stratégie que tu vas développer pour renvoyer l'image que tu penses être la bonne. en concordance avec la situation et le public auquel tu t'adresses. Et partant de cette stratégie, tu vas pouvoir mobiliser différents éléments, dont ceux que j'ai cités, des choses aussi simples que les vêtements, mais aussi des choses plus complexes comme la posture, la tonalité, l'attitude, les mimiques que tu vas avoir, les gestes que tu vas faire, ce genre de choses. Mais il faut avoir conscience que l'éthos, en fait, il y a déjà une première dimension, toujours sur cette face émergée de l'iceberg, qui est aussi liée à des choses très simples comme l'image... Enfin, le... Le physique que tu as, c'est des choses contre lesquelles on ne peut pas lutter, mais évidemment, en tant qu'être humain, on juge énormément, au sens où on est obligé de prendre des décisions rapidement, et donc d'évaluer le monde qui nous entoure avec ce qu'on appelle des heuristiques, avec des rapoucies de pensée. Et donc forcément, quand on voit quelqu'un, en quelques secondes, on se forme déjà un avis préconçu sur lui avant même qu'il prenne la parole. C'est ce qu'on appelle l'éthos... prédiscursif, c'est-à-dire l'éthos que tu renvoies avant de prendre la parole.
- Speaker #0
Est-ce que tu es en train de dire qu'il faut que, pour convaincre, je fasse malgré mon physique ?
- Speaker #1
Avec et malgré ton physique, c'est les deux stratégies que tu as à ta disposition. En fait, il y a des choses que tu ne peux pas contrôler, des choses sur lesquelles tu n'as évidemment aucune prise, comme ton physique, tu ne peux pas beaucoup changer les choses. Mais par contre, dans ton discours, au moment où tu parles, là, tu es en pleine possession de tous les outils techniques que tu peux mettre dans ton discours. Et donc, C'est là où tu vas avoir deux stratégies par rapport à cet éthos prédiscursif. Soit tu décides d'aller dans le sens de ça, tu l'acceptes, tu l'assumes, tu l'avoues, tu l'admets. Donc oui, je suis petit, je l'admets, mais mes idées sont grandes, je n'en sais rien. Ou alors tu décides d'aller contre cette image-là que tu peux renvoyer et de montrer que, au contraire, il y a des choses que tu... tu fais mieux. Donc des choses que, voilà, par exemple, là, si je viens avec mes petites lunettes d'Intello, vous avez l'impression que je vais vous faire une leçon et que je vais vous apprendre plein de choses de manière universitaire, c'est pas du tout le cas. Je viens pour vous faire un discours qui va changer votre vie.
- Speaker #0
Vraiment, ça rejoint un peu une notion dont je discute parfois avec Corentin et Venaud, parce qu'on aime bien jouer sur les deux aspects, c'est la question d'égotrip et d'autodérision. C'est-à-dire à la fois l'égotrip qui est, je pense, Je prends mon image et je veux la faire, la maximiser. C'est-à-dire que si on dit que je suis bon en prise de parole, je ne vais pas dire que je suis bon, je vais dire que je suis Dieu de la prise de parole, etc. Par exemple, on a l'exemple là-dessus d'Eminem à qui on dit que je ne sais plus quel rappeur a été envoyé par Dieu et qui répond « je ne me souviens pas l'avoir envoyé » . Donc vraiment, c'est égoterie pour maximiser une image. Et au contraire, l'autodérision, dont joue très bien d'ailleurs aussi Eminem, où au contraire, on va rire de sa propre image. et jouer sur les propres clichés qu'on renvoie. Il y a un peu de ça finalement dans tout ça, ouais.
- Speaker #1
C'est exactement ces deux stratégies que tu as. Soit tu renforces ton image préalable, soit tu décides d'en jouer et donc par auto-dérision. tu te moques gentiment de toi et ça te permet en fait de l'intégrer sans faire comme si ça n'existait pas. En fait, la vraie erreur par rapport à notre ethos, c'est de faire comme si on s'exprimait comme une abstraction. Ce qui est un vrai défaut qu'on a, surtout nous en France, avec la formation très universitaire qu'on a, parce que ça ne t'échappera pas de savoir que quand tu écrivais tes dissertations au collège, au lycée, quand tu faisais des commentaires de textes, quand tu écrivais des dissertes de philo, en fait, tu ne t'adressais à personne, tu n'avais pas de public, et toi-même, tu n'avais pas le droit de renvoyer un ethos. Tu ne pouvais pas partager tes anecdotes personnelles, tu ne pouvais pas parler de toi, tu ne devais pas chercher à être sympathique. Donc, en fait, on ne t'a jamais appris à t'exprimer d'un point de vue incarné. Et donc, quand tu sors du système scolaire, tu ne sais pas renvoyer un ethos, tu ne sais pas que tu peux jouer sur ces éléments-là. Eh bien, l'autodérision et l'égo-trip, c'est exactement les outils que tu as à ta disposition. Le tout, c'est de ne pas faire comme si tu parlais. à partir de personne,
- Speaker #0
à partir d'aucun point de vue. C'est pour ça qu'en première, je prenais toujours le récit d'invention, parce que justement, ça me permettait de parler un peu à la première personne. Pour revenir à notre sujet, tu nous parlais d'une phase immergée de l'iceberg, finalement. Quelle est la deuxième phase, la deuxième partie des éléments que tu évoquais ?
- Speaker #1
Alors ça, c'était la phase émergée, c'est-à-dire toutes les choses qui sont des signaux physiques assez faciles à voir, la tenue notamment, le physique, la posture, les attitudes, etc. Mais... Ce qui m'intéresse moi dans l'éthos, vraiment, et ce sur quoi on travaille avec les gens que j'accompagne, c'est surtout sur la partie immergée de l'iceberg, celle qu'on ne voit pas, celle qui est sous l'eau. Et celle qui, en fait, est beaucoup plus importante quand il s'agit de créer une relation de confiance. J'utilise beaucoup l'analogie du médecin. Le médecin, c'est effectivement quelqu'un qui a un éthos prédiscursif extrêmement clair, extrêmement marqué. Le médecin, on le reconnaît tout de suite. Si je caricature un peu, il a sa blouse blanche, ses petites lunettes vissées au crâne. Quand tu rentres chez lui, il y a le serment d'Hippocrate accroché au mur, il y a le squelette au fond de la pièce. Il écrit des ordonnances avec ses écritures hiérographiques. Voilà, c'est ça. Il utilise plein de termes compliqués et jargonnesques. Donc bref, quand on va chez le médecin, même si c'est la première fois qu'on le voit, a priori, s'il nous dit « déshabillez-vous » , on se déshabille. Et ça, c'est quand même prodigieux. Et ça, c'est lié à l'éthos prédiscursif qui est lié à sa réputation, à la catégorie sociale, l'interaction sociale dans laquelle on est, et qui fait qu'évidemment, on reconnaît la situation, et donc on sait comment se comporter dans ce cas-là, et on ne va pas se poser plus de questions si on demande d'enlever notre t-shirt. Bon. Donc ça, c'est pour le médecin, on va dire, du point de vue superficiel. Mais maintenant, quand on creuse un peu la question, le médecin... auquel tu fais vraiment confiance ? Le médecin qui t'inspire vraiment confiance, vers lequel tu reviens, t'accompagnes. En fait, sur quoi se base cette confiance ? Pas uniquement par le fait qu'il soit médecin. Qu'est-ce qui fait que tu vas et retournes chez le même médecin et que tu le recommandes auprès de tes proches et que tu vas vraiment chez lui ?
- Speaker #0
Alors, selon ma sœur qui est médecin, ça dépend s'il donne beaucoup d'ITT ou pas. Il donne facilement les arrêts de travail.
- Speaker #1
Ok. C'est pas le principal argument que j'avais en tête.
- Speaker #0
Je t'ai questionné, Maric.
- Speaker #1
La première réponse que les gens me donnent à ce moment-là, c'est plutôt la question de la compétence. C'est qu'on sent qu'évidemment, c'est quelqu'un de compétent, quelqu'un qui sait ce qu'il dit. Ça, c'est l'un des premiers piliers de l'éthos, qui est d'ailleurs décrit par Aristote, c'est la compétence. La capacité qu'a le médecin, déjà, de comprendre la situation, de poser le bon diagnostic et de trouver la bonne solution. qui correspond au diagnostic qu'il a posé. Il y a autre chose, il n'y a pas que ça. Parce que si on allait seulement chez les médecins compétents, eh bien en vérité, la situation ne se passerait pas, disons, ça ne se passerait pas de la manière qu'on imagine parfois. Il y a aussi des médecins vers lesquels on va, tout simplement parce que c'est des gens avec qui on a l'habitude de fonctionner, parce que c'est des gens qui sont bienveillants, parce que c'est des gens qui sont positifs, parce que c'est des gens qui sont fiables. Il y a d'autres qualités donc que la compétence. Il n'y a pas que la compétence. Et notamment, Aristote définit deux autres qualités. La deuxième, c'est la fiabilité. Le fait que le médecin, ce soit quelqu'un avec, enfin le médecin ou n'importe qui, soit quelqu'un de fiable, quelqu'un qui tient ses engagements, quelqu'un qui ne ment pas, tout simplement. Quelqu'un qui est intègre et quelqu'un qui dit ce qu'il fait et qui fait ce qu'il dit. Ça, c'est une qualité absolument indispensable parce qu'on a beau être compétent, si la personne, c'est un vaurien, c'est une ordure qui est en train de nous manipuler, eh bien, en réalité, on n'a pas envie d'aller vers lui. Et puis, la troisième qualité. C'est une forme de bienveillance, une forme de dévouement, une forme d'implication. C'est le médecin qui va nous poser beaucoup de questions, qui va s'intéresser à nos vies, qui va se souvenir tout simplement de nos vies, où on a la sensation en fait de ne pas être un client parmi d'autres, mais on a l'impression d'être impatient avec qui il a une relation privilégiée. On voit qu'il n'est pas en train d'enchaîner les rendez-vous les uns après les autres, mais qu'en fait on a de l'importance et de la valeur pour lui. Donc si je récapitule un peu ces trois fondements de l'éthos reconnu par Lysot, c'est la compétence, pour le côté technique, qui donne de la crédibilité, le fait que ce soit quelqu'un de fiable, quelqu'un en qui on peut avoir confiance, et puis le fait que ce soit quelqu'un de dévoué, quelqu'un de sympathique, quelqu'un qui arrive à créer ce lien de proximité. et qui touche plus à l'émotionnel, c'est possible. C'est en ayant ces trois dimensions-là qu'en fait, on est sur un état, ce qui est beaucoup plus puissant et qui fait qu'effectivement, on va créer et nouer des vraies relations. Alors là, c'est le cas du médecin, mais c'est aussi le cas dans n'importe quel contexte, dans n'importe quelle situation, quand on renvoie son image d'orateur, d'oratrice.
- Speaker #0
Et c'est super intéressant ça, parce que pour moi, ça renvoie à quelque chose qu'on constate tout le temps en politique. Parce que la crédibilité, la question de la compétence, Elle est régulièrement posée. On le voit très bien quand il y a des jeunes ministres, quand Gabriel Attal est nommé Premier ministre, la première question qui est posée, c'est la compétence. Premier ministre de cet âge-là peut-il être compétent, a-t-il suffisamment d'expérience, de connaissances sur le domaine et sur l'administration de l'État ? Donc première chose, effectivement, on remet en cause sa crédibilité. Mais pareil pour la fiabilité. Quand on arrive à la fin d'un mandat et qu'on fait l'inventaire de ce qui a été fait, des promesses qui ont été réalisées, de celles qui n'ont pas été réalisées, et c'est là généralement d'ailleurs qu'il y a des grandes discussions. Est-ce que telle promesse a été faite ? Oui, non, chacun va défendre un peu son précaré et défendre sa position, surtout. Et puis, c'est la question de la proximité, où on parle en ce moment beaucoup, depuis quelques années d'ailleurs, de politiques qui sont hors sol, c'est-à-dire de ceux qui seraient au contact du terrain, qui comprendraient le quotidien des Français, donc qui seraient proches d'eux, et ceux qui ne le seraient pas, et qui seraient les apparatchiks, le système, etc. Donc, on voit, je trouve, on retrouve tous ces sujets-là dans la politique. qui est le cercle privilégié de la parole, en tout cas de la rhétorique, de la parole qui convainc, mais on le retrouve tout aussi bien dans la parole professionnelle. La question de la compétence, bien évidemment qu'elle est discutée quand il s'agit d'un avancement ou de choses comme ça, ou même d'obtenir un poste. La fiabilité, là aussi, quand on s'engage quelque chose, est-ce qu'on va respecter notre engagement ? Que ce soit avec des clients, que ce soit en interne. Et la question de la proximité, on dit souvent, parfois on se rend compte que ceux qui évoluent... positifs, ceux qui ont les bons postes, les bonnes missions, pas toujours les plus compétents, mais ceux qui ont réussi à se retrouver les plus proches de ceux qui décident et des managers en général. Donc tous ces enjeux-là, il faut bien le comprendre, c'est pas juste de la théorie, c'est pas juste quelque chose de poussiéreux, c'est vraiment quelque chose qui est présent au quotidien, à des échelles politiques, nationales, mais aussi à n'importe quel échelon de l'entreprise.
- Speaker #1
Il n'y a rien de poussiéreux dans la rhétorique parce qu'en réalité, c'est juste une affaire de communication. Et comme on en parlait avant par rapport au système scolaire, on a tendance à oublier que la communication, ça part d'un point de vue incarné, de quelqu'un qui parle à partir de son point de vue, son expertise, sa fiabilité, ses qualités qu'il va montrer en parlant. Ce n'est pas juste un texte qui parle, ce n'est pas juste un discours qui est prononcé, c'est quelqu'un qui l'incarne. Et donc, à partir de là... dans n'importe quelle situation où tu as un être humain qui communique avec un autre être humain, tu as forcément l'éthos qui est le point de départ. Ce qu'on appelle en communication, en linguistique, un émetteur du message qui ensuite va toucher son audience, son public. Donc, de toute façon, on renvoie une image. C'est une réalité, on en a parlé. On est forcé de renvoyer une image. À partir de là, on sait qu'on peut travailler dessus. Et tu citais le monde politique. Moi je pense que le monde politique avant d'être le monde de la parole, c'est surtout avant tout le monde de l'image, et donc évidemment l'éthos c'est le travail principal du politicien qui va chercher à se mettre en scène dans différents contextes pour insister sur tel ou tel levier de son éthos. Mais c'est quelque chose qu'on retrouve évidemment dans le monde de l'entreprise, et ça a même une autre forme d'incarnation qui est le personal branding. Aujourd'hui ce qu'on appelle le personal branding, c'est-à-dire l'image qui est envoyée par l'entreprise, eh bien c'est aussi de l'éthos, c'est juste que c'est pas de l'éthos individuel. mais c'est de l'éthos à l'échelle de l'entreprise.
- Speaker #0
Oui, tout à fait, effectivement. J'en avais discuté avec Valentine Soda et un peu avec Caroline Mignot aussi dans le format long de ce podcast. Écoute, super intéressant. Je pense qu'on a beaucoup d'éléments qui ont été expliqués dans tout ce que tu nous as partagé. Maintenant, est-ce que tu aurais un exercice ou une méthode pour travailler ça, pour apprendre à le déployer de la bonne façon ? Alors,
- Speaker #1
l'éthos, il faut bien avoir conscience que c'est une notion qui est transversale. dans n'importe quel moment où on prend la parole, dans n'importe quelle phase de notre discours, on est de toute façon en train de renvoyer cette image. Donc l'idée c'est plutôt de garder en tête, de faire un inventaire des éléments qu'on va avoir à notre disposition pour construire notre ethos. Premier élément que tu peux commencer à faire, c'est faire un peu le catalogue. de l'image que tu renvoies. Tu peux poser des questions auprès de tes proches, tu peux t'interroger, tu peux poser des questions à tes collègues aussi. Et voir en fait un peu quelle est l'image que tu renvoies, quels sont les mots-clés qui viennent aux gens quand ils parlent de toi. Une fois que tu as fait ça, tu es capable de voir un peu l'image que tu renvoies, en tout cas les grandes tendances qui se dessinent. Et donc c'est plus facile pour toi de te demander, est-ce que c'est l'image que j'ai vraiment envie de renvoyer ou est-ce qu'au contraire, j'ai envie d'aller plutôt vers... un autre sens. Et c'est là où toi-même tu peux te demander c'est quoi en fait au fond l'image que j'ai envoyée, c'est quoi les objectifs, c'est quoi les adjectifs que j'ai envie de susciter chez les gens quand je prends la parole, quand je communique, quand j'arrive dans un endroit où je ne connais personne. Et donc à partir de là, tu peux commencer à construire ton image, adapter les différents leviers qu'on a évoqués, à la fois la partie émergée de l'iceberg et puis la partie aussi immergée de l'iceberg qui sera encore plus profonde. et travailler sur cette image que tu rends.
- Speaker #0
Génial, c'est super clair. Je pense que maintenant, effectivement, là où je suis d'accord avec toi, c'est que c'est quelque chose de transverse, mais l'exercice que tu proposes, finalement, les pistes de réflexion sont super intéressantes. Donc, parfait pour tout ça. Un grand merci encore, Lucas, pour tout ce que tu nous as partagé. Éventuellement, est-ce que tu aurais une ressource à nous conseiller sur l'éthos ou sur la prise de parole de façon générale ?
- Speaker #1
Moi, je pense que le... Le grand spécialiste de l'Ethos aujourd'hui, en tout cas l'Ethos au sens de la quête réputationnelle qu'on construit en entreprise, c'est vraiment notre confrère suisse Mathieu Vildaber. Donc je recommanderais bien son petit manuel de rhétorique en entreprise, qui est sorti en ce début d'année, où justement il travaille au début sur la manière de travailler son reflet professionnel et comment on va se comporter dans sa communication pour atteindre cet objectif qu'on se fixe comme réputation.
- Speaker #0
Yes, je confirme. Excellent livre, excellent ouvrage que je conseille à tout le monde. Il faudrait que je l'invite, Mathieu. Je crois que je ne l'ai pas encore invité. Il faudrait que je le reçoive. Tu me donnes en plus directement un invité à contacter pour la suite. C'est parfait. Un grand merci, Lucas. Un très grand merci pour cet épisode, mais aussi pour les quatre épisodes qu'on a fait ensemble. Je pense qu'on a fait quelque chose qui est intéressant pour le public parce que c'est un sujet qui est trop peu abordé. J'étais vraiment heureux de faire ça avec toi. Je pense qu'on refera d'autres épisodes sur d'autres sujets rhétoriques ensemble. Mais je tenais vraiment à faire ces quatre épisodes et surtout à les faire avec toi. Parce que tu es celui qui maîtrise le mieux ces sujets-là. Et en tout cas, qui en partage la même vision que moi. Donc, je suis très content qu'on puisse passer tout ce moment-là ensemble.
- Speaker #1
Moi aussi, c'est un plaisir d'avoir ces échanges extrêmement précis, extrêmement pointillés. En même temps, très sympathiques. Donc, en partageant, je l'espère, le maximum de valeur auprès de toutes les personnes qui nous écoutent.
- Speaker #0
Encore un très grand merci, Lucas. Et à très bientôt. Pour les autres, on se retrouve la semaine prochaine pour une nouvelle interview, un nouveau sujet sur la rhétorique pour vous aider à devenir de meilleurs orateurs. À très bientôt. Merci d'avoir suivi cet épisode jusqu'au bout. J'espère qu'il vous a plu et surtout qu'il vous sera utile. Si c'est le cas, pensez à lâcher la plus belle note sur votre plateforme d'écoute et à partager ce podcast autour de vous. Je compte sur vous, c'est super important pour moi. Et dans tous les cas, on se retrouve la semaine prochaine pour développer une nouvelle compétence oratoire. Allez, ciao !