- Speaker #0
Bonsoir, c'est Axelle, et avec la nuit des gens, je vous emmène à travers des témoignages découvrir des destins uniques et particuliers nés dans l'étrangeté de la nuit. Ce soir, je suis avec une personne qui a choisi de rester anonyme et nous emmène avec lui franchir les portes d'une des plus grandes prisons de France. Tout d'abord, bonsoir.
- Speaker #1
Bonsoir.
- Speaker #0
Vous avez décidé de nous faire partager votre première nuit passée à Frennes. Alors expliquez-nous comment ça s'est passé.
- Speaker #1
Eh bien j'étais mis en examen pour escroquerie et évasion. Comme ça vers 6h du matin, les gendarmes sonnent à ma porte chez moi et là on a l'impression que le ciel nous tombe sur la tête. On a peur, c'est un contexte inhabituel. Donc je suis forcément les gendarmes qui m'emmènent en garde à vue chez eux au poste de police. Donc, qu'il y a des orfèvres, où là-bas, évidemment, c'est un lieu assez mythique. Et après, on passe en cellule directement. Vous êtes oubliés pendant quelques heures. Et c'est au bout de quelques heures, c'est-à-dire, je suis arrivé à 6h30, 7h du matin. Ils sont revenus me chercher vers 10h30, 11h pour m'interroger dans un bureau, très bien reçu d'ailleurs, avec un café. Et là, on... On passe à l'interrogatoire assez poussé, sans questions, sans réponses. Voilà, c'est comme ça que ça marche. Donc première question, ça dure toute la journée avec des pauses de 2-3 heures puisque eux vont déjeuner, vous non. Donc vous êtes remis en cellule, quand ils ont fini, ils reviennent, ainsi de suite. Ils vous répètent les questions à peu près 3-4 fois pour être sûr que vous ne changiez pas. pas de version. D'ailleurs, c'est comme ça qu'ils vous trompent et qu'ils voient si vous dites la vérité. Et au bout d'un certain temps, ils décident de prolonger parce qu'ils n'ont pas assez d'éléments dans leur dossier. Donc, il vous signifie une prolongation demandée par le procureur. Donc, vous savez que vous allez dormir en cellule dans la gendarmerie qui est encore beaucoup plus lugubre qu'une prison parce que pas de café, pas de télé, pas de... toilettes, c'est très très difficile. Donc voilà, je dors, je passe la nuit là-bas, très difficile. Malgré tout, on dort parce qu'on est très fatigué et après ils reviennent me chercher à 7 ou 8 heures du matin et rebelote, j'ai repassé la même journée que j'avais passé la veille. Requestionnage avec des contradictions qui ne leur plaisaient pas et forcément... aller répondre ce que vous faisiez le 13 avril 1993 à 14 heures. C'est compliqué. Voilà, ça ne leur plaît pas. Bon, bref, une fois qu'ils ont fini leur interrogatoire, parce qu'ils n'ont pas le droit de dépasser les fameux 48 heures, ils ont assez d'éléments, puisque moi, j'ai reconnu tous les faits, pensant que c'était forcément mieux pour moi et mieux pour mon sort. Et de toutes les façons, ils avaient déjà toutes les preuves. Donc ça ne servait à rien de... d'aller dans la contradiction, c'était plutôt apporter plus d'ennuis. De là, il décide, on appelle ça le juge des détentions et des libertés, décide de me mettre en mandat de dépôt. Mandat de dépôt, ça veut dire qu'il avait le choix de me laisser en liberté chez moi assigné à résidence, me mettre un bracelet électronique ou, le cas échéant, me mettre en prison. Ce qu'il a choisi, donc mandat de dépôt, dépôt en prison. Ils me sortent de la cellule de dégrisement, parce que c'est des cellules de dégrisement, c'est les mêmes cellules. Donc il est minuit, je sors, je pue, je transpire, j'ai pas le moral, mais tout d'un coup je vois autre chose. Je vois des bureaux, alors je suis content, parce que j'avais été un petit peu désociabilisé. Il est tard, je suis fatigué, je pue, je suis crevé, j'ai envie de passer à autre chose. J'ai envie de rentrer chez moi. Je n'ai pas le moral parce que tout le monde me manque. J'ai l'impression de ne pas être normal. Ils me mettent des menottes, ils me font signer la fin de ma garde à vue, ils me remettent mes chaussures. Rien que de remettre mes chaussures, d'un coup, j'étais content parce qu'on est en chaussettes pendant 48 heures. Rien que de remettre mes chaussures, j'étais content. Je ne me sentais plus civilisé. Ça ne paraît rien, mais enlever ses chaussures, ça fait un drôle de truc. Et ça fait partie d'ailleurs de leur façon de faire. pour nous mettre mal à l'aise. Ensuite, je me rhabille, tout ça. Ils me donnent une petite collation, parce que je n'ai pas beaucoup mangé en 48 heures, donc c'est simple. C'est une petite brique de jus d'orange, c'est comme ça depuis 30 ans. Un petit lue au beurre, et un petit sandwich qui doit faire 12 cm de long. Avec une petite tranche de jambon dedans, c'est-à-dire que même si on ne mange pas de porc, on le mange et on se tait. Ou on ne le mange pas, on mange des gâteaux. Donc j'arrive dans le... Alors là je ne suis pas dans une voiture, je suis dans un camion cellulaire, mais avec une seule cabine cellulaire dedans, et avec quatre policiers. Et parmi les quatre policiers, il y en a les deux qui ont enquêté sur moi, et deux... qui sont des convoyeurs qui ont l'habitude d'aller chercher les détenus. Parce que c'est toute une formation. Parce qu'il y a peut-être évasion. Il y a des gens qui prévoient des évasions pour se sauver. Donc tout est prévu. On est attaché dans une cabine. Elle doit faire un mètre sur un mètre. Et malgré qu'on est dans une cabine prison, dans le camion, on est menotté aux chevilles et menotté aux mains. Et les mains derrière le dos. Moi en plus, alors je suis pas bien du tout, j'ai mal au cœur, j'ai envie de vomir. Pour plaisanter, ils nous demandent avec beaucoup d'humour si on veut un sac pour vomir. C'est bien, on peut pas le tenir le sac, on a les mains dans le dos. Donc voilà, pour eux, on est un petit peu des reclus de la société, donc ils s'en foutent un peu. J'arrive quand même à me lever et à regarder par une petite vitre transparente du camion un petit peu l'extérieur. Rien que de voir l'extérieur. C'est Noël pour moi, je revis, et le trajet il est long, il est long, il est long, ils vont vite en plus parce qu'ils n'ont pas le droit de s'arrêter, ils n'ont pas le droit de poser, de faire des arrêts. Donc moi j'étais pas, on est malade en voiture, on est pas bien, on est secoué, on a pas le moral, et puis là on sait qu'on part pour quelques mois, on se dit pas quelques années, même si je savais que je partais pour 5 ans, on se dit pas 5 ans parce qu'on se dit qu'on va toujours se débrouiller. à faire un aménagement de peine rapidement. Alors on se dit, c'est une histoire de 2-3 mois. Et c'est comme ça qu'on garde le moral, en y croyant, en rêvant qu'on pourra sortir avant. Mais tout en sachant qu'on ne pourra quand même pas sortir au moins avant une année. Et là, je demande où je vais, parce que je ne savais pas dans quelle prison j'allais. Parce qu'ils ne nous le disent pas forcément, justement pour éviter qu'on prévoie une évasion. Et c'est au dernier moment, 5 minutes avant d'arriver, qu'ils me disent « Nous t'emmenons à Frennes » . Là, je déprime, parce que Frennes est réputé pour être lugubre. C'est ce que les détenus appellent le château. C'est la prison de Frennes, parce que Frennes est une belle prison d'extérieur. C'est à l'intérieur que ça devient compliqué. Il y a 3000 détenus. Il y a trois bâtiments, mille détenus par bâtiment, ça crie, ça hurle, je ne sais pas avec qui je vais être, j'ai la trouille, j'ai peur. Et en même temps, comme j'ai déjà fait quatre mois de provisoire, de détention provisoire, donc je me dis que je connais. Mais en fait, non, parce que les quatre mois de détention provisoire, je les avais faites à la campagne, où il y a 300 détenus, pas 3000, on en est 20-0. C'est plutôt campagnard. C'est plutôt bon enfant, plus gentil, moins de voyous, même si c'est des voyous, mais beaucoup moins virulent, beaucoup moins dangereux, malgré tout. Et la prison est toute petite et en plein cœur de la ville. Donc, j'ai connu que ça. Donc, quand après, je savais que j'allais à Frennes, c'est chaud à Frennes. Donc, il est une heure et demie du matin. J'arrive, on me reçoit.
- Speaker #0
Juste une question, justement quand vous arrivez, comment ça se passe pour descendre du camion ?
- Speaker #1
Alors là, à l'arrivée du camion, on ne doit avoir aucun lien avec l'extérieur, même le plus petit trottoir. Donc il y a déjà, alors une prison c'est fait avec des renforts, comme un château. Donc on ouvre une première grande porte, le camion cellulaire il rentre derrière ses remparts. La première porte, elle est refermée. On est donc dans un sas. Il y a une deuxième grille qui s'ouvre. Et là, qui rentre dans la prison. Donc, j'ai passé deux remparts. Donc, déjà, impossible de s'évader. Une fois passé, le camion fait marche arrière et il met l'arrière du camion sur des portes spéciales qui donnent directement dans la prison. Donc on sait que je ne vois même pas, je ne peux même pas mettre le nez pour respirer un peu l'extérieur, ce n'est pas possible. On rentre directement du camion à l'intérieur. Alors que je pourrais rester pieds nus, je reste de carrelage au carrelage. Donc je ne vois pas du tout l'extérieur et je suis complètement désorienté. Je ne sais plus si je suis à droite, à gauche, au milieu. À Paris, à la campagne, même, on sait que c'est freine, mais on est complètement désorienté. Je ne sais pas où je suis, dans quel bâtiment je vais aller. Je vous rappelle qu'il est 1h30 du matin. Je suis fatigué, je n'ai pas dormi pendant 48 heures. Il faut supporter. Donc, j'arrive à l'intérieur. Là, je suis pris en charge par les matons. Et le directeur de détention, qui, lui, est dans l'obligation d'être là pour recevoir tous les arrivants, quelle que soit l'heure. Il m'explique les tenants et les aboutissants et surtout le règlement intérieur. Il est doté d'une voie assez sûre, assez complexe et on a peur. Ensuite, j'arrive à ce qu'on appelle la fouille et au greffe. Donc au greffe, c'est fait pour prendre tous vos objets de valeur si vous en avez, montres, bijoux, téléphones et en même temps, on vous signe un registre pour vous dire ce qu'ils doivent vous rendre. à la sortie de votre prison.
- Speaker #0
Et vous, qu'est-ce que vous aviez sur vous comme objet à votre arrivée ?
- Speaker #1
Moi, j'avais, comme quelqu'un qui va travailler normalement, j'avais mon coupe-ongles, j'avais mon téléphone, j'avais de l'argent liquide, j'avais ma montre, un bracelet, mes lunettes. Tout ça, c'est gardé. Par contre, votre argent, ils vous le donnent sous forme de carte. Donc l'argent, vous ne le laissez pas. En fait, si j'avais 100 euros sur moi, ce qui m'a permis de cantiner. Cantiner, c'est acheter des choses en prison où on peut manger plus raisonnablement et ce qu'on veut. Parce que les repas qu'on a en détention, c'est exactement les mêmes repas que les hôpitaux. C'est exactement les mêmes repas. Donc les gens qui disent que c'est dégoûtant en prison, c'est pas vrai. C'est le même repas que dans les hôpitaux. C'est très équilibré. Parce que ce qu'ils veulent, c'est qu'on reste en bonne santé. Donc il y avait tout, mais on n'a pas de Coca-Cola par exemple, donc on cantine du Coca-Cola. À Fresnes, il n'y a pas de climatisation, donc on peut s'acheter un ventilateur, c'est des choses comme ça, pour améliorer le quotidien. Et là, on me donne tout un nécessaire de toilettes. Ensuite, ils vous enlèvent les vêtements si elles sont de marque. Parce qu'on n'a pas le droit d'avoir des marques en détention. Donc là, je n'avais pas de marques parce que j'étais habillé en tenue de travail. Donc je n'avais pas de marques. J'avais des chaussures sécurité en fer. Le bout en fer, dans ça, je n'avais pas le droit. Heureusement, j'avais eu des tennis, des baskets qui n'étaient pas de marques. J'ai pu les garder, mais sans les lacets. Sans les lacets parce qu'ils ont toujours peur qu'on se suicide. La première semaine en détention, ils font... très très très suivi parce qu'ils ont toujours peur du suicide. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui ne supportent pas. Et donc là, on me donne aussi... Je suis nu, j'ai plus rien. Je n'ai pas prévu de rentrer en prison forcément. Donc on me donne des affaires de toilette. Les premières nécessités, donc un savon, un dentifrice. Et c'est une fois qu'on m'a tout donné qu'on passe à la fouille parce qu'ils vont regarder aussi ce qu'on m'a donné s'il n'y a pas des choses que je cache dedans. Donc tout se passe après la fouille, c'est vraiment le dernier passage avant de rentrer dans la cellule. Donc là, effectivement, je suis fouillé. Donc là, tout nu, et pourtant, j'ai déjà été fouillé au préalable dix fois. Mais bon, on est refouillé quand même quand on rentre dans la prison, parce qu'on est fouillé différemment. Là, on est fouillé à fond, je vous passe les détails. Mais on est complètement fouillé. Entre les doigts de pied, on se baisse, on doit tousser, on regarde les yeux. On regarde les cheveux parce qu'il y en a qui mettent des puces de téléphone dans les cheveux, sous le crâne. Ou ils vendent des téléphones qui font 3 cm de long, ils les mettent dans le cheveu. Il y en a qui les rendent dans les fesses. Il y en a qui misent à vendre de tout. Donc ils fouillent vraiment partout et la fouille elle dure à peu près une heure. Parce qu'on est totalement fouillé et ça passe aussi comme dans les aéroports, sur les tapis où ils peuvent regarder à la caméra transparente. S'il n'y a pas quelque chose dans les lunettes, c'est vraiment, il regarde dans les coutures de vêtements. S'il n'y a pas de la drogue, enfin vraiment on est fouillé totalement. Quand on arrive en prison, on n'a rien. Il y en a qui arrivent à passer des choses, mais c'est un risque. Parce que si ce qu'on ne sait pas, ce qu'on apprend après, c'est que si on triche, déjà la première punition c'est qu'on ne pourra pas déposer d'un aménagement tout de suite si on y a droit. On est puni déjà pendant trois mois, on n'a rien le droit de passer. Donc il faut se tenir à carreau dès le départ, dès l'entrée. Donc là, je fais connaissance de surveillants d'intérieur, parce qu'il y a des surveillants au greffe et à la fouille, et c'est d'autres surveillants qui sont formés autrement, qui viennent nous chercher, qui sont spécialisés pour garder les détenus à l'intérieur de la prison. Donc là, je rentre dans le vif du sujet, c'est-à-dire les couloirs, ce n'est plus les abords, c'est carrément les couloirs de la prison. C'est là où je découvre que le bâtiment, il fait 990 mètres de long. Il y a trois bâtiments comme ça. Au rez-de-chaussée de la détention, des bâtiments, il y a tous les gens très très très dangereux, donc fichés S, et des gens qui ont fait des crimes particulièrement crapuleux. Au premier étage, il y a donc tous les travailleurs, les oxys, qui servent à manger, qui font la vaisselle, qui réparent les abords de la prison, enfin tout corps de métier. Au deuxième étage, il y a les arrivants. Au troisième étage, il y a ce qu'on appelle les pointeurs, donc les violeurs, qui ne sont absolument pas mélangés aux autres. Et au quatrième étage, on appelle ça un étage de confiance. Ça veut dire que les gens qui montent au quatrième, ce sont des gens qu'on n'a plus besoin de trop surveiller, qui sont assez sages. D'ailleurs, c'est l'étage où j'ai fini par monter 15 jours après. Donc moi, on m'apprend que je suis au deuxième étage, donc je monte des escaliers avec le surveillant qui se trouve derrière moi. Donc je découvre ce lieu culte quand même, parce qu'il y a une âme quand même là-dedans. C'est vieux, il fait froid, il n'y a pas de chauffage, il n'y a pas de chauffage du tout.
- Speaker #0
On est en plein milieu de la nuit, mais je suppose qu'il y a des lumières dans ces longs couloirs. Est-ce qu'il y a des éclairages particuliers ?
- Speaker #1
Il y a des éclairages. très lumineux dans les couloirs. C'est des vieux néons qui datent de ma grand-mère. Pour cause, c'est justement pour que les surveillants surveillent très bien et que les caméras, parce qu'il y a des caméras partout, repèrent bien les images en cas de problème, de bagarre ou d'évasion. C'est vraiment très éclairé, comme si on était... 40 degrés au mois d'août à 14 heures. Voilà, donc là, je monte des escaliers avec le surin. Donc, je découvre tout ça. Je monte, donc, je suis au deuxième étage. Pour vous rappeler que la prison fait 3000 détenus. Donc, ça fait un kilomètre de longueur, chaque bâtiment. Donc, vous dire que j'ai marché pendant au moins un quart d'heure. Je me demande où se trouvent les douches. Parce que pour moi, les douches, c'est une salle de bain. Ça reste... Et là, il m'emmène au milieu du couloir et je découvre qu'il y a, chaque 5 ou 6 cellules, il y a une entrée pour des douches. Donc, il doit y avoir à peu près une quinzaine d'ouvertures pour des douches. Donc là, il me fait rentrer dans une des douches, pas très loin de la cellule où je vais être d'ailleurs.
- Speaker #0
Ça ressemble à quoi ? C'est des cabines ?
- Speaker #1
Alors, c'est pas des cabines, c'est des douches. se sont imaginées des douches communes comme des sportifs dans des stades. Donc c'est une douche qui fait 20 mètres carrés, avec plusieurs douchettes et des petits murets de 1 mètre de haut, pour individualiser chaque personne. Tout en carrelage marron, blanc, très vieux, cassé, avec évidemment des trous dans les murs. Pas de fenêtres, freine et sa réputation, on la connaît. Et évidemment, je ne les vois pas, mais on entend les rats dans les tuyaux. Voilà, donc je prends cette douche. Alors, le surveillant, il vous attend devant l'entrée. Et la douche, ça doit durer cinq minutes. Ni plus ni moins, même si on a encore de la mousse sur les cheveux. Et l'eau, elle s'éteint automatiquement. Ils mettent un compteur en route et c'est 5 minutes et c'est tout. Donc on prend une douche rapide. Alors là, je suis heureux parce que je suis dégueulasse. Je pue. Même qui me donne un savon qui sent pas bon. Il sent bon le savon, parce que le savon là, on est poisseux, on prend l'odeur de la garde à vue, c'est sale, les cellules elles sont nettoyées mais rapidement, il y en a qui font des dessins avec leurs excréments sur les murs, on peut dire à quel point c'est sale. Donc on est lavé, on a de l'eau, j'ai de l'eau, du savon, je suis content, je me lave même les... j'ai pas de shampoing, je me lave. les cheveux avec du savon, c'est rêche, mais bon, on se lave tout ce qu'on peut, on se lave, et on se rhabille, et on s'habille presque mouillé, parce que, je ne sais rien, on va aller vite, rapidement, et je remets mes affaires puantes et dégoûtantes. sur moi, parce que je n'ai rien d'autre. Alors, le fait d'avoir pris une douche, je reprends conscience que, merde, je suis rentré en prison. Je reprends conscience de la vie, là, parce que je... Voilà, j'étais couvert par la crasse, je ne savais plus quoi. Et puis là, comme par magie, l'eau, elle fait que tu reprends conscience que je suis en prison. Là, j'ai le moral à zéro, j'ai envie d'appeler tout le monde. Et puis moi, je me connais, je ne suis pas quelqu'un de méchant. Je me dis, mais on va venir me chercher, mais personne ne vient. de chercher à une amie du matin quoique là il est presque deux heures donc là je suis pas bien ça s'accrit dans les dans les couloirs pas pour moi ça crie de façon générale il parle entre eux la musique à fond il est une heure deux heures du matin je me dis la musique à fond mais je vais pas pouvoir vivre au sac quoi c'est incroyable et là je marche dans ce couloir pour faire quelques mètres plus loin à peu près peut-être 20 mètres où ma cellule se trouvait à quoi est ce qu'elle ressemble à
- Speaker #0
la porte de la cellule ? Est-ce que c'est comme dans les films, des portes avec des barreaux en métal ?
- Speaker #1
La porte de la cellule, c'est exactement les mêmes portes qu'il y a pour les box à chevaux. C'est des portes en bois, des grosses portes en bois, avec un gros judas en plein milieu, et quatre immenses verrous qui se ferment à clé, avec des grosses clés de château. C'est pour ça d'ailleurs qu'on l'appelle le château, parce que... On l'appelle le château parce que pour ses grosses clés et les surveillants, on ne les appelle pas les surveillants. Là-bas, on les appelle les portes-clés puisqu'ils ne servent qu'à ça, ouvrir et fermer les portes. Donc là, j'arrive devant la cellule où je vais rencontrer mon co-détenu ou mes co-détenus. Donc le maton me prévient que ça ne va pas être facile, que je suis mis en cellule avec un gars pas très facile qui est un meurtrier. mais qui a des années de prison, qui se tient à carreau, mais qu'il ne faut pas que j'ai peur d'une éventuelle bagarre. Moi qui suis plutôt passif, j'ai bien sûr la trouille, je transpire de tout mon être, mais en même temps, je me dis que je suis en train de tourner un film. C'est bon, on est en France, je ne vais pas me faire tuer. Et là, elle ouvre une cellule, la cellule 214, et là, je fais... connaissances de ce détenu. Vous signalez que cet homme-là faisait à peu près 1m90. Alors avec une tête avec une tête à faire peur à faire peur à n'importe qui. Il était plutôt avec un regard noir méchant. Il avait une certaine haine en lui et il avait quelques cicatrices sur le visage qui n'étaient pas dues au rasoir du matin. Donc il faisait un peu peur. Après, on ne peut pas juger les gens par leur physique, mais bon, il faisait peur. D'ailleurs, je pense que n'importe quel homme lambda ne rentrerait pas. Moi, je ne sais pas, je suis très courageux. Je suis très truyard, mais très courageux, donc je suis rentré.
- Speaker #0
Et là, vous avez presque l'impression d'entrer chez lui au final.
- Speaker #1
Je rentre chez lui, qui fait 6 mètres carrés. Le mec, qu'est-ce que je fous là ? Il ne me connaît pas. Ils se demandent si je suis propre, si je suis poli. La cellule, elle est couverte de drapeaux, de serviettes partout. Elle est aménagée, la cellule. Et le mec, il a élu domicile. Et là, quand on rentre, c'est encore plus difficile parce qu'on rentre et on élu domicile avec lui au même moment. Donc là, on se dit, merde, je suis là pour longtemps. J'aurais préféré rester avec quelqu'un qui est là pour que quelques mois et que c'est froid et qu'on ne va pas rester pour longtemps. Et le maton a fermé la porte à clé à triple tour avec deux autres verrous en haut et en bas. Donc le bruit déjà est très assourdissant et difficile. Et là, j'ai envie de mourir. J'ai envie d'appeler mes parents. Et je me dis mais ce n'est pas possible. Qu'est-ce qui m'arrive ? Qu'est-ce que j'ai fait ? On commence à regretter ce qu'on a fait trop tard. Et là, on pense qu'on va crever. On va crever, on ne va pas pouvoir survivre à ça. C'est un détenu qui a déjà tué. Pourquoi il ne me mettrait pas une raclée ? Il a peur de rien le mec. Donc après avoir eu une conversation houleuse, je ne vais pas rentrer dans les détails. Cet individu, ce prisonnier me fait ça. Mon co-détenu donc, me fait la somme de ne pas bouger de la porte. Je suis assis sur un tabouret. Je ne bouge pas évidemment. Je m'exécute. Il prend de la ricorée. Et il met tout autour de moi comme de la poudre de canon, à canon. Autour de moi, il me dit, c'est à la limite de cellule, tu ne bougeras pas toute la nuit. Et j'ai peur, parce que je me dis, je ne peux pas savoir, il est imprévisible. Donc je peux à n'importe quel moment... D'ailleurs, il m'aurait tort qu'il y ait un membre donné qui, si je bouge, qui va me mettre une fourchette, qui va me planter une fourchette dans la tête. Bon, je m'exécute, je ne dis rien, puis il prend l'envie de discuter. peut-être avec ma tête sympathique au bout de combien de temps ? au bout d'une heure mais alors une heure c'est long et en même temps c'est rapide parce qu'il y a tellement de choses qui se passent dans la tête je voudrais sortir, on va venir me chercher on va venir s'excuser, on s'est trompé mais bon il n'y a rien, je sais qu'on est enfermé je suis pressé que le jour arrive qu'on va voir du monde et pouvoir crier ma détresse et peut-être faire autre chose de moi on croit toujours que on n'est pas comme les autres et que nous, on va pouvoir sortir. Et donc, il me demande pourquoi je suis là. Je lui explique que je suis là pour l'escroquerie, mais lui me demande, tu es sûr que tu n'es pas là pour la pointe ? Ce qu'on appelle la pointe, c'est les violeurs. Et les gens qui sont d'un certain âge comme moi, j'avais, puisqu'à l'époque, j'avais 48 ans, ne sont pratiquement là que pour ça. Donc, il était persuadé que j'étais là pour ça. Donc, il a fallu que je montre ma feuille de mandat de dépôt qu'on a sur nous et qu'il la lise. pour enfin se libérer d'un éventuel sentiment d'envie de me tuer. Je le rassure. Je le rassure pourquoi ? Parce qu'un escroc en prison, il est considéré comme un dieu. Parce que ça veut dire qu'il est peut-être appelé à aider les autres à gagner plus d'argent. Donc ils sont enchantés d'avoir des escrocs pour pouvoir faire quelques affaires. Donc voilà, déjà, ça me sauve pas mal. Et là, voilà un interrogatoire poussé de sa part. Et puis les langues se délient. Et puis tout d'un coup, on se met à parler. On arrive à engager une conversation normale, joviale. Et puis j'apprends rapidement qu'il est un petit peu inculte et qu'il n'a pas su remplir ses papiers pour sortir rapidement. Je lui fais quelques cours sans prétention. Je lui explique que je peux remplir ses papiers pour un aménagement de peine. Là, il est moins braqué. Et à partir de là, la nuit s'est plutôt apaisée. Il m'a fait un café en ramassant l'haricot riz qu'il avait mis par terre. Évidemment, parce qu'il ne voulait pas l'acheter, parce qu'en prison, l'haricot riz, ça coûte cher. Et puis il m'a préparé mon lit, il m'a montré comment on faisait un lit en détention, parce que c'est quelqu'un qui avait l'habitude. Il m'a parfumé mon lit, il m'a proposé d'appeler ma femme, mais je lui ai dit que c'était pas trop l'heure. Il m'a proposé des bonbons, il m'a donné à manger, enfin un homme normal. Et ma nuit se passe bien, à partir de 5h30, 6h du matin, ça se passe mieux. Bon, mon lit est fait, je m'allonge, je suis fatigué. J'ai le moral à zéro, mais je suis tellement fatigué que j'ai envie de dormir. Donc je ressens pas trop encore de détresse, que j'ai vraiment envie de dormir. J'avais pas dormi du tout. Donc je dors, et le lendemain matin, donc c'était là, il était déjà, je vous parle de ça, il était déjà 6h30, 7h. Les portes s'ouvrent. Et le maton, d'ailleurs, qui me propose à ce moment-là de changer de cellule, donc ce détenu qui était avec moi, intervient par-dessus moi en disant que non, non, non, il restera avec moi, il ne changera pas de cellule. Donc là, je suis content parce que j'étais bien installé, il avait un téléphone que je n'avais pas. Donc voilà, tout se passe bien. Et donc par la suite, une dizaine de jours après, ce monsieur est sorti et il m'a fait cadeau de tout ce qu'il avait mis de côté et acheté en 26 ans de détention. Et puis voilà, avec tous ses copains, qu'il avait prévenu qu'il fallait me protéger. Voilà, j'ai passé mon temps en détention comme ça, et bien fini d'ailleurs.
- Speaker #0
Merci pour ce témoignage et d'être revenu sur cette nuit probablement difficile à raconter. Merci à vous, ça fait toujours du bien de revenir sur ces moments difficiles, ça exorcise un petit peu notre vécu.
- Speaker #1
Merci pour l'écoute, j'espère que vous avez apprécié cet épisode. Pour être au courant de nos prochains témoignages ou si vous aussi vous souhaitez partager avec nous une de vos nuits, n'hésitez pas à nous suivre et à nous contacter sur les réseaux sociaux Instagram, Twitter et TikTok à la nuit des gens. Merci encore et à la prochaine !